Le Petit Journal Des Toques Blanches Lyonnaises NUMÉRO 5 : MARS 2018
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Le Petit Journal des Toques Blanches Lyonnaises NUMÉRO 5 : MARS 2018 ! TEXTES Jean Claude Ribaut p PHOTOGRAPHIES Droits réservés édito « Le souvenir, c’est la présence invisible » (Victor Hugo) Je me souviens d’un petit déjeuner avec Monsieur Paul, le 19 juin 2013. Il avait 87 ans : Je l’ai vu pendant une heure. Compte tenu de son âge, il était en pleine forme et projetait d’aller aux Etats-Unis fin juillet, comme chaque année. C’est à croire que Monsieur Paul, dont le goût pour les aphorismes était connu de tous, avait réussi à en faire sa ligne de conduite personnelle : « travailler comme si on allait mourir à cent ans et vivre comme si on allait mourir demain. » Déjà, quelques mois avant son 80ème anniversaire, il avait décidé de fêter ses « Quarante ans sous trois étoiles. ». Cette fête - le 13 juin 2005 - rassemblait ses amis, ses pairs, invités sans protocole à venir « en tee shirt et en basket » déguster « les tapas des bords de Saône » (entendez la friture d’éperlan) dans l’ancienne Ce jour là, ce n’était pas Monsieur Paul qui recevait, mais abbaye de Collonges, à 400 m de l’Auberge du « Paulo des bords de Saône », un rôle de composition Pont de Collonges. qu’il affectionnait depuis qu’on le vit en blouson de cuir noir à cheval sur une Harley Davidson poser pour les photographes de la presse pipole. Pour la circonstance, il avait livré quelques confidences: « La retraite ? Oui, d’ici une vingtaine d’années, car il faut laisser la place aux jeunes. » Au-delà de la provocation, sa vitalité était réelle et son enthousiasme intact, à peine entamé par quelques mois de repos forcé lorsque la Faculté ordonna, sans délai, un triple pontage coronarien. Beaucoup auraient raccroché les casseroles, lui a continué. Jusqu’au bout. Christophe Marguin NUMÉRO 5 : MARS 2018 1 Le Petit Journal des Toques Blanches Lyonnaises Elève de Pasteur, il éleva une meule dans son almanach de Mars laboratoire, faite de couches superposées de marc de pommes et de feuilles de papier. Il obtint de façon éphémère la culture de la morille. Au naturel, Gare aux morilles elle aime les sols sableux, siliceux, la broussaille, les bois clairs, les friches et les terres brûlées. Au Trouver un champignon, c’est une survivance de notre point que certains partisans de l’écobuage mettent mémoire de la cueillette. Il faut du flair et la transmission le feu à la montagne pour accélérer la pousse du d’un savoir. Mais seuls des yeux exercés peuvent divin champignon. distinguer morchella vulgaris et morchella elata, les meilleures espèces comestibles, de la fausse morille dangereuse, sa voisine obligée, son côté d’ombre (gyromitra esculenta). Il y a nécessité absolue de faire cuire la morille, après l’avoir fendue en deux et brossée sans eau si possible, car elle recèle des hémolysines. Au milieu des années 2 000, à l’occasion d’un banquet du Club des Cent, des morilles crues servies en salade ont envoyé plusieurs « centistes » à l’hôpital. Bien que cette société soit très secrète, l’affaire avait fait grand bruit. Gare aux morilles ! La cueillette est passion. On subodore, on flaire. On reconnaît les traces aux pieds des halliers, non loin de la clairière. On apprend bientôt que le compost léger de bruyère est prééminent dans cette poussée propitiatoire. On la découvre, cachée sous un lit de feuilles sèches, aux racines du frêne, lieu d’ombre et de mystère, où L’Italie, la France, la Suisse, la Turquie et les croît le mycélium, partie végétative du champignon. Le grandes plaines des Etats-Unis la guettent avec thalle est le lieu de son osmose symbiotique avec les l’arrivée du printemps. On distingue habituellement puissances souterraines et les asticots ! Croyance que la brune et la blonde, mais il en existe une variété n’auraient pas reniée, selon George Sand, les Maîtres infinie, recensée par le mycologue suisse Emile sonneurs et François le Champi. Jacquetant, auteur d’une monographie publiée en Ainsi est la morille, imprévisible et généreuse. Les 1984 par la Bibliothèque des Arts. Chaque année morchellaceae aiment le printemps à retardement se tient un Festival de la morille dans le Minnesota, et craignent les températures excessives. Elles tandis qu’un autre mycologue, Gary Mills, a réussi affectionnent les hauts lieux de l’Histoire, les champs de sa culture dans le Tenessee. bataille qui ont remué les terres. On se souvient encore, Mais elle provient aussi d’Europe de l’Est, sans en Lorraine, de la récolte de 1919 et, en Normandie, susciter comme pour les champignons d’automne, des cueillettes de l’année 1945. A Colombey-les-Deux- de contrôle pointilleux sur les rayonnements Eglises, Gérard Natali les servait autrefois en croûte à auxquels elle aurait pu être soumise. La morille la crème. Dans cette région, les morilles poussent aux pousse, il est vrai, avec une rapidité stupéfiante. confins du domaine de Clairvaux, territoire arraché par Le nouveau dictionnaire d’histoire naturelle les moines de Cîteaux à la forêt gauloise, ultime coteau (Deterville, Paris 1816) distingue la morille doublée témoin, près de Bar-sur-Aube, du vignoble champenois. (phallus duplicatus) au « pédicule creux, spongieux Paradoxe de l’écologie, le champignon pousse parfois et blanchâtre » encore plus odorante que la morille mieux où la civilisation a sévi, aux abords des décharges, dite « impudique », réputée aphrodisiaque. des terrains de sport ou de charbonnières. Peu après Du Bugey sévère, patrie de Brillat-Savarin, à la première guerre mondiale, dans la cour de la mairie l’Auvergne débonnaire, voici la morille impatronisée du Vème arrondissement de Paris, le professeur Marin petite reine de la cuisine. D’abord elle se sert en Molliard, qui présida la Société Mycologique de France, ragoût, avec quelques échalotes tombées au récolta parmi un amas de vieux journaux une poignée de beurre et de la crème crue, au sortir de l’écrémeuse. morilles, ce champignon ascomycète, comme la truffe, Elle s’épanouit alors en saveurs telluriques. dont les spores tapissent l’intérieur de l’alvéole. NUMÉRO 5 : MARS 2018 2 Le Petit Journal des Toques Blanches Lyonnaises almanach de Mars anecdote gourmande (suite) Le cassoulet La cuisson des morilles est simple mais précise. Elles ne doivent pas être trop « bavardes. » Elles ennoblissent une tourte de veau et accompagnent magnifiquement une poularde au vin jaune. On sait aussi les rendre aériennes et parfumées, dans un ravioli de morilles au homard et au cresson, émulsion de crustacé au sauternes. Gaston Bachelard, dans la Poétique de l’espace, souligne que la morille relève de la miniature par sa texture, voire de la nature domestiquée, comme le bonsaï. Elle supporte le séchage, sans perdre ses qualités essentielles. C’est ainsi qu’elle est vendue toute l’année, en sachets transparents. Un moyen prudent de conjurer le risque de confusion qui guette le cueilleur imprudent. Saint Christophe est bon père nourricier ; il sait courir les bois. Pourquoi n’est-il Une querelle talmudique a secoué le Landerneau pas efficace aussi pour écarter le mauvais sort qui gastronomique des années 1930 - Curnonsky contre pèse sur les aliments préparés et gâtés par l’acide Prosper Montagné - à propos de la question cruciale : citrique, l’acide benzoïque et autres conservateurs de quelles viandes, «principielles» ou «latérales», garnir anti-oxydants qui - plus que les champignons le cassoulet ? D’obligation, le porc, bien sûr : longe, vénéneux - empoisonnent notre ordinaire ? jarret, saucisson à cuire. A Castelnaudary, on ajoute Le poète Francis Ponge n’a pas dressé la le confit d’oie ; à Carcassonne, on peut employer gigot topographie des morilles. On le regrettera. Il faut se de mouton et perdrix, et à Toulouse, confit de canard, reporter aux planches aquarellées du Muséum, sur lard de poitrine, saucisse du pays, collier et poitrine de vélin. Participer de la nature par une bonne cuisine mouton. Toujours, le haricot doit être blanc, avoir un de morilles à la crème, c’est le rêve de tous les grain long, charnu, frais, onctueux et une peau fine, gourmands. faute de quoi il ne pourrait s’imprégner du parfum des autres composants. Partout l’affaire est prise au sérieux : Prosper Montagné, allant un mardi à la cordonnerie de Castelnaudary, trouve porte close avec l’avis «Maison fermée pour cause de cassoulet». citation du mois De tous les arts, l’art culinaire est celui qui nourrit le mieux son homme. Volaille de bresse à la crème et aux morilles Pierre Dac 2 NUMÉRO 5 : MARS 2018 3 Le Petit Journal des Toques Blanches Lyonnaises actualités en bref 22 janvier 29 janvier Assemblée Générale Ordinaire 2018 Repas de Noël solidaire des Bouffons de la Cuisine Le restaurant Tout le monde à table a reçu lundi 29 janvier un « déjeuner de Noël solidaire » orchestré par l’Association « les Bouffons de la Cuisine« en collaboration avec Les Toques Blanches Lyonnaises. Un déjeuner a été offert à une centaine de personnes défavorisées de la Capitale des Gaulle. Il s’agissait avant tout de rompre un peu l’isolement de chacun et de permettre à tous de se réunir autour d’un moment convivial et gastronomique. Le menu a été élaboré et préparé par les « 3C » : Christien TÊTEDOIE (Phylosophie), le Christophe Lundi 22 janvier 2018, s’est déroulée notre Assemblée ROURE (Le Neuvième Art**), Christian LAVAULT (Une Générale à l’Hôtel de Région de Confluence, à Lyon. Faim d’Apprendre). Un hommage simple et émouvant a été rendu à Paul Bocuse, grâce à une minute de silence organisée par le Président Christophe Marguin. Suivi de quelques photos retraçant l’immense cuisinier et l’homme 13 mars simple qu’il était. Le Président des Toques Blanches Lyonnaises a ensuite alterné avec différents focus Lancement du Titre sur les temps forts de l’année 2017 (Sirha, Trophées Professionnel de Serveur/se avec AFPA de la gastronomie, Repas de Charité pour la Ce mardi 13 mars, une journée de recrutement été Fondation Saint-Irénée, Don du sang …) et les futurs organisée par l’AFPA de St Priest (agence nationale moments-clés de l’année 2018 comme le Sirha de formation professionnelle des adultes) pour Green.