BENNWIHR, KIENTZHEIM

ET SIGOLSHEIM

À L'ÉPOQUE CONTEMPORAINE

(1870 - 1990) e Editions Coprur, 1991 1, rue Paul Muller-Simonis — 67000 Strasbourg Tous droits réservés, textes et illustrations ISBN 2-903297-61-5 Couverture : André Herscher, héraldiste Coordination et mise en forme : Bernard Sadoun Imprimé en par " L' SAP Dépôt légal n° 3895 — avril 1991 CLAUDE MULLER

BENNWIHR, KIENTZHEIM ET SIGOLSHEIM

À L'ÉPOQUE CONTEMPORAINE (1870 - 1990)

EDITIONS COPRUR Le baron Jean de Castex dans sa jeunesse en son château de Kientzheim (collection : mairie de Kientzheim). " Augulus ridet " Ce coin me charme (Horace)

Qui n'a encore été séduit par Bennwihr, long village-rue paré d'innombrables bouquets multicolores ou n'a pas goûté au charme d'autrefois en se promenant dans Kientzheim, blotti à l'abri de ses murailles ? Qui n'a pas perçu la profonde spiritua- lité se dégageant de l'église romane de Sigolsheim au moment où le soleil jette ses derniers rayons ? Qui enfin peut rester insensible au somptueux paysage de vignes, nature humanisée à l'extrême, lequel relie ces trois villages par la célèbre route du vin ? Ce coin constitue assurément l'un des plus pittoresques d'Alsace, l'un de ceux qui, immanquablement, font penser à Hansi, aux cigognes, à la " Heimat Pourtant en fouillant l'histoire de ces trois communes, si proches l'une de l'autre, tant par leur dimension que par leur spécificité viticole, on est frappé par le fait que leur actuelle coquetterie cache bien des traumatismes, cinq générations d'individus ayant dû faire face à de terribles épreuves avant de parvenir au résultat actuel. Changer cinq fois de nationalité, connaître deux guerres consécutives dont la seconde surtout ne laisse que sang et cendres, subir de graves crises viticoles comme les désastres liés au phylloxéra, tout cela peut découra- ger... Mais l'adversité ne l'a pas emporté et aujourd'hui Bennwihr, Kientzheim et Sigolsheim peuvent s'enorgueillir d'attirer de plus en plus de gens, curieux de connaître davanta- ge leur passé. Cet ouvrage, publié à l'occasion du centenaire de la fonda- tion des trois caisses de Crédit mutuel (Bennwihr, 11 avril 1891 ; Kientzheim, 6 avril 1891 ; Sigolsheim, 7 avril 1891), se propose d'évoquer dans un même cadre les trois villages et leur évolu- tion depuis un peu plus d'un siècle, du Reichsland à nos jours. Il ne peut, dans l'espace restreint de ses pages, tout dire et tout raconter, mais il essaye d'apporter quelques éclairages sur des problèmes spécifiques comme l'évolution de la viticulture, les grandes lignes des gestions municipales, l'importance du senti- ment religieux, la remarquable imbrication du Crédit mutuel dans la vie économique locale. S'il a pu être rédigé dans un laps de temps relativement court, c'est que le projet mûrissait depuis longtemps. Cette étude a en effet bénéficié d'un impor- tant travail de préparation de la part de Pierre Gresser à Bennwihr, Adrien Sitterlin à Kientzheim et Bernard Dietrich à Sigolsheim, lesquels ont amassé une documentation impres- sionnante. Sans leur aide, cette publication n'aurait pu avoir lieu. Qu'ils soient ici sincèrement remerciés. Les sources de documentation utilisées pour mener à bien cette étude sont essentiellement locales : les archives munici- pales d'une part, avec les registres de délibérations du conseil municipal et l'état-civil, les archives paroissiales et certaines archives particulières. Outre ces données, le dépouillement des archives de l'évêché de Strasbourg a permis de rassembler des appréciations inédites sur la vie religieuse et sociale de chaque commune. L'ensemble des données présentées pourra être complété par les renseignements conservés dans les archives publiques comme les archives nationales ou départementales, lesquelles ne sont pas encore communicables. Toutefois la moisson est abondante, moins peut-être dans la première par- tie qui évoque le temps du Reichsland ou la seconde traitant de l'entre-deux-guerres que dans la troisième qui aborde la période très contemporaine, toujours particulièrement délicate à traiter. Au TEMPS DU REICHSLAND (1870 - 1918)

Le 10 mai 1871, le traité de Francfort cède à l'Allemagne, qui a réalisé son unité et est devenue un empire sous l'égide de la Prusse, la presque totalité de l'Alsace, à l'exception de Belfort, et une partie de la Lorraine. Le choc est douloureusement res- senti à Bennwihr, Kientzheim et Sigolsheim comme ailleurs. Beaucoup de gens " optent ", au point que la population de ces villages diminue sensiblement : Bennwihr passe de 1 017 habi- tants en 1871 à 989 en 1875, Kientzheim de 1 151 à 912 et Sigolsheim de 976 à 926 habitants dans le même laps de temps. Toutefois, vers 1872, la phase d'adaptation se termine. Les trois villages poursuivent leur activité, essentiellement viticole, au sein du nouveau " Reichsland " ', création de Bismarck. Mais l'évolution qui va se produire ne doit pas être imputée au seul changement de nationalité, car l'économie se trouve périodi- quement confrontée à une conjoncture défavorable et l'exode rural ne fait que poursuivre une tendance observée dès le Second Empire. A la permanence des structures, comme le poids des notables et du clergé, la pérennité des systèmes de culture, s'ajoute ainsi l'évolution conjoncturelle avec les consé- quences de la révolution industrielle ou les innovations tech- niques. Aussi n'est-il pas inintéressant d'examiner la situation de ces trois villages viticoles pendant la période allemande2, afin de saisir les grandes lignes de leur mutation \

1. Les ouvrages consacrés à la période du Reichsland se sont multipliés ces dernières années. Citons A. Wahl, Confession et comportement dans les cam- pagnes d'Alsace et de Bade (1871-1939), Strasbourg, 1980, 1270 p. ; F. Igersheim, L'Alsace des notables (1870-1914), Strasbourg, 1981, 324 p. ; C. Baechler, Le parti catholique alsacien (1890-1939). Du Reichsland à la république jacobine, Paris, 1982, 764 p. ; C. Muller, Dieu est catholique et alsacien. La vitalité du diocèse de Strasbourg ail XIX' siècle (1802-1914), Strasbourg, 1986, 1229 p. L'ouvrage récent de R. Oberlé, L'Alsace ail temps du Reichsland, , 1990, occulte malheureusement le domaine religieux. 2. De nombreuses études existent déjà sur les grandes villes alsaciennes pen- dant cette période, comme par exemple A. Wahl, " Mulhouse dans le Reichsland : la rupture des équilibres traditionnels (1871-1918) ", dans Histoire de Mulhouse des origines à nos jours, Strasbourg, 1977, pp. 257-297. Pour des localités rurales, la présente collection apporte quelques éclairages. 3. On peut lire en excellente introduction à cet ouvrage L. Blum, P. Gresser, Bennwihr et son passé, Colmar, 1957, 79 p. ; E. Papirer, Kientzheim en Haute Alsace, Colmar, 1982, 531 p. ; L. Sittler et autres auteurs, Sigolsheim, Colmar, 1958, 109 p. Des notices concernant les trois villages figurent également dans l'Encyclopédie de l'Alsace, t. 1, 1982, pp. 558-560 (Bennwihr) ; t. 7, 1984, pp. 4461- 4464 (Kientzheim) ; t. 11, 1985, pp. 6889-6890 (Sigolsheim). n 1874, la commune de Bennwihr 1 s'étend sur 617 hectares dont 189 de vignoble (31 %). E Kientzheim dont la superficie est de 466 hectares possède 249 hectares de vignes (53 %), alors que Sigolsheim en compte 230 pour une superficie de 544 hectares (42 %). A titre de comparaison, possède 310 hectares de vignoble (23 %) pour une superficie de 1 359 hectares. Ces L'OMNIPRÉSENCE chiffres résument DU bien l'importance du vignoble pour VIGNOBLE ces trois communes, son omniprésence même avec sa position de quasi monoculture surtout à Kientzheim. Il n'est donc pas étonnant de retrouver ces villages classés parmi les quarante premières com- munes viticoles d'Alsace 2 par leur superficie et leur production. Toutefois, malgré leur importance, peu d'études historiques d'envergure ont été entreprises sur la question3.

1. Statistiche Mitteilungen über Elsaß-Lothrigen, Strasbourg, t. II, p. 68. 2. L'histoire du vignoble alsacien reste encore à écrire. L'ouvrage fondamen- tal reste celui de M. Barth, Der Rebbau im Elsafi, Strasbourg, 1958, avec une importante bibliographie, mais il est plus complet pour le Moyen Age que pour l'époque contemporaine. Une bonne introduction restent les articles de C. Wolff, " Le vignoble alsacien ", dans Histoire de l'Alsace rurale, Strasbourg, 1983, pp. 447-458, et F. Lichtlé, " Le vignoble haut-rhinois au XIXe siècle", dans Bulletin de la Société Industrielle de Mulhouse, n° 1/1981, pp. 79-85. Pour la Restauration, voir P. Leuilliot, L'Alsace au début du XIXe siècle (1815-1830), Strasbourg, 1960. Pour Sigolsheim, il faut consulter la remarquable étude de C. Wilsdorf, " L'entrée de la vallée de la Weiss au temps des Francs " dans Annuaire des sociétés d'histoire de la vallée de la Weiss, 1985, pp. 10-13. 3. Seules sont à mentionner les deux études relativement succintes de J. Schwartz, " Viticulture et vin à Sigolsheim ", dans Sigolsheim, Colmar, 1958, pp. 103-107, et " Les vins de Kientzheim à travers les âges " dans Bulletin de la Société d'Histoire Naturelle de Colmar, t. 55, 1972-1974, pp. 145-149. Néanmoins, pour se faire une idée de la situation, on peut consulter pour comparaison A. Billich, , histoire d'un vignoble, Colmar ,1949 ; F. Lichtlé, " La viticul- ture et le commerce du vin à au XIXe siècle ", dans Annuaire de... Colmar, 1973, pp. 67-73 ; C. Wolff, , son vignoble et ses vins à tra- vers les âges, Ingersheim, 1967, 266 p. ; R. Faller, " Notes sur le vignoble de Ribeauvillé ", dans Bulletin de la société d'histoire et d'archéologie de Ribeauvillé, t. 15,1952, pp.28-68 ; t. 16,1953, pp. 37-69 ; t. 17,1954, pp. 45-76. Enfin, de nom- breux renseignements sont aussi à glaner dans M. Boesch, 800 ans de viticultu- re en Haute Alsace, , 1983. Bennwihr dans son vignoble. On remarquera l'ancien aspect de l'église Saints-Pierre-et-Paul détruite pendant la Seconde Guerre mondiale.

LA PERMANENCE DES TRAVAUX VITICOLES

Au temps du Reichsland, le cycle de l'organisation du travail viticole se calque, du moins avant la mécanisation, sur le modè- le de l'existence humaine. Le calendrier rythme la vie des com- munautés et s'organise en autant de points de repères néces- saires à l'homme pour fixer le travail de l'année. Institution immuable, il voit se répéter par les mêmes personnes les mêmes travaux aux mêmes dates1. La première étape de la culture de la vigne est la plantation, s'Setza. Deux techniques sont utilisées au siècle dernier : le pro- vignage et le marcottage. Le provignage est la multiplication de la vigne par rejetons ; à côté de la souche-mère, le vigneron creuse une tranchée d'environ 50 centimètres de longueur dans laquelle il couche la souche ; les sarments prennent racine et renaissent formant une nouvelle plante ; quant à la souche- mère, elle périt enterrée. Le marcottage consiste à prendre un long sarment de la souche-mère que l'on couche dans le sol enterré dans une tranchée ; ce sarment fabrique de nouvelles racines et constitue ainsi un nouveau pied. A côté de ces tech- niques, il est d'usage en cas de remplacement d'une vigne entière de procéder à la double plantation effectuée pour la pre-

1. I. Bianquis, Alsace. De l'homme all vin, Thionville, 1988, 251 p., pp. 54-143, selon une démarche " éthnologique " évoquant le cycle de la vigne ou cycle humain, puis le cycle du vin ou cycle divin. mière dans le jardin, pour la seconde dans le vignoble. La crise du phylloxéra au XIXe siècle, entraîne la généralisation de la technique du greffage que chaque vigneron effectue lui-même. La deuxième plantation se fait au printemps entre le 10 mars et le 10 avril pour permettre à la vigne de suivre normalement le cycle végétatif, avant que la sève ne monte dans les sarments. Les jeunes vignes sont plantées en rangées plus serrées qu'aujourd'hui. Du temps de la culture en quenouille sans palissage, dix mille souches à l'hectare sont monnaie courante, soit deux fois plus que de nos jours, avant de planter le cep, le vigneron coupe la pousse à deux yeux et une fois le cep planté, il compte trois ans avant d'en recueillir les premiers raisins. Après la plantation, la taille, d'r Schnitt, laquelle débute après les vendanges et jusqu'en mars, quand les feuilles sont tombées et que la sève est redescendue dans la racine. Muni de sa ser- pette au XIXe siècle le vigneron prend en considération la fumu- re, la variété du cépage et l'âge de la vigne pour tailler, schnida. La première année qui suit la plantation, les jeunes ceps sont taillés sur le sarment principal auquel on laisse deux yeux ; la deuxième, les ceps sont taillés sur un ou deux troncs, la troisiè- me le bois n'est pas taillé trop long 1. Puis les sarments sont liés à l'échalas ; les branches coupées servent à faire des fagots pour alimenter le poêle, Kacheloffa. Les sarments taillés sont recour- bés de manière à former des arceaux ; les jeunes pousses sont accolées à l'échalas, selon le système en quenouille2. La taille dite de Guyot3 se généralise en Alsace à l'époque allemande. Les travaux de printemps comme l'arrachage des mauvaises herbes, le labour et l'arrachage des gourmands, soit le surplus de sarments et de feuilles, succèdent bientôt aux travaux d'hiver comme le labour, la préparation des échalas ou Stacke Schâla ou encore l'effilage des saules. C'est à la Saint-Marc, le 25 avril, que la taille et le liage des sarments doit être achevé. Jusque-là, le vigneron tremble à cause des gelées qui peuvent faire éclater la vigne. La Saint-Georges, 23 avril, marque la limi- te théorique des gelées. Pourtant la crainte des saints de glace, Servant, Pancrace et Boniface témoigne du déplacement des dates limites des gelées aux 12, 13 et 14 mai, alors que sainte Sophie fêtée le 25 mai clôt la série de grands risques. A partir du 1er juin commence le traitement de la vigne. Le sulfatage et

1. I. Bianquis, op. cité, pp. 61 et suivantes ; A. Billich, Turckheim, histoire d'un vignoble, Colmar, 1949, p. 38. Citons les termes allemands de ces travaux : bre- chen (ébourgeonner) ; gruben (provigner) ; biegen (courber) ; heften (lier les sarments) ; hacken (piocher) ; rüren (biner) ; schaben (sarcler). 2. C. Wolff, Le vignoble, pp. 452 et 453. 3. Guyot est venu en Alsace en 1863 ; de manière générale, voir M. Chauvet- A. Reynier, Manuel de viticulture, Paris, 1979, 311 p. Vendanges à Kientzheim pendant la Première Guerre mondiale (collection René Kuehn). le soufrage sont introduits en Alsace à partir de 1880 pour évi- ter les attaques des insectes : d'r Hoïwurm ou ver précoce éclot courant juin ; la deuxième éclosion ou Sauerwurm survient après le 14 juillet. Le Mottefliigg définit le jour de l'éclosion de la plus forte densité et détermine le jour du traitement. Dans notre région, on a coutume de dire que la vigne fleurit à la Saint-Jean, soit le 24 juin. A partir de ce moment, on accole ou relève les jeunes pousses de la vigne et on les attache à l'échalas. Entre la floraison et la cueillette du raisin se déroule une centaine de jours ; quarante jours avant la cueillette, soit avant le stade de la maturité du raisin, celui-ci va changer de couleur : c'est la véraison, s'Zittige ou maturation. La vigne pousse environ jusqu'au 15 août . Deux opérations sont encore d'usage : la première consiste à rompre les sarments trop longs, la seconde, s'kepfe ou rognage, vise à éliminer la végétation superflue pour assurer le meilleur ensoleillement possible A l'approche des vendanges, le ban est fermé et l'entrée des vignes interdite. L'ouverture des vendanges est fixée par le magistrat, sauf en quelques endroits, pendant le Second Empire et les premières années du Reichsland. L'institution du ban doit servir à protéger les vignes du vol, mais aussi à empêcher que l'on ne récolte les raisins insuffisamment mûrs.

1.1. Bianquis, op. cité, pp 71-73. Le vigneron prépare alors tonneaux, cuves et tendelins. Le tendelin ou Hochbittig a une capacité de 50 litres, alors que la cuve ou Karchbittig contient 200 litres ; une voiture à cheval peut contenir quatre à six cuves pleines, tandis qu'il faut deux chevaux pour un chargement de huit à dix cuves. Pendant les vendanges (Herbscht signifie à la fois automne et vendanges), le " travail est dur, le matin à quatre heures on arrive au pressoir, on y travaille jusqu'à sept heures. On accompagne alors les femmes aux vignes. Les hommes vendangent peu, mais sont occupés à vider les corbeilles ou les baquets remplis de raisins cueillis par les femmes dans des hottes en forme de tronc de cône renversé d'environ 70 litres de contenance. Quand ces hottes ou tendelins sont pleins, ce sont les hommes qui les sus- pendent à leur dos et les transportent ainsi au chemin le plus proche et les vident dans les cuves disposées en rangée le long de la route. A dix heures du matin le propriétaire fournit aux hommes un croûton de pain, à midi du pain, une saucisse et du fromage de Munster à discrétion. A la tombée de la nuit, tout le monde rentre en chantant, bras dessus, bras dessous... Les hommes reviennent alors au pressoir. Le travail continue ensui- te jusqu'à dix ou onze heures le soir ; on foule le raisin vendan- gé pendant la journée ; on met les raisins au pressoir ; on enca- ve le moût... Les cuves sont en bois de sapin ayant la forme d'un cylindre d'un mètre de hauteur et de 60 à 70 centimètres de diamètre ; elles ont une contenance de deux hectolitres. Quand la cuve est remplie de raisins foulés, elle a certainement un poids de 400 à 500 kilogrammes. Deux hommes, parfois trois, chargent ensuite ces cuves sur la voiture ; on comprend les efforts à faire pour soulever un semblable poids et cela sou- vent trente à quarante fois par jour. "1 Constant Tempé de Sigolsheim2 évoque dans ses souvenirs le

1. C. Hommel, Les vignerons de Ribeauvillé, Ribeauvillé 1890, pp 112-113 et 115. Voir aussi I. Bianquis, " Les saints protecteurs de la vigne et du vin en Alsace" dans Bulletin de la Société Industrielle de Mulhouse, n° 1/1981, pp. 87-93 et G.Klein, " L'art des caves : le monde étrange des verrous de fûts ", ibidem, pp. 95-100. 2. Né avec le siècle, en janvier 1900, Constant Tempé participe en 1937 à une émis- sion de Radio Strasbourg en 1937, chantant la complainte des vignerons de Sigolsheim. C'est surtout dans l'immédiat après-guerre qu'il se dévoue pour la collectivité. Après la destruction de la commune à partir de décembre 1944, ce qui reste de vignes est victime du gel du 1er mai 1945. Il faut reconstruire le village. Par le biais du génie rural, l'Etat fait construire les bâtiments d'une coopérative pour recueillir les vendanges de 1946. Constant Tempé est élu président de la cave coopérative. Il assume ce mandat de 1946 à 1970. En 1957, pour agrandir les instal- lations, il fait appel au Crédit mutuel et fonde l'Expansion rurale et urbaine, dont il devient administrateur. Il fait aussi partie de ceux qui lancent la production frui- tière ; après le cassis, la pomme. Rien qu'à Sigolsheim, 30 hectares vont être consa- crés aux vergers. Les mérites de Constant Tempé sont récompensés par l'attribu- tion de la médaille d'or du Crédit mutuel en 1978 et par la cravate de commandeur du Mérite agricole. Ses talents de versificateur en alsacien sont également connus. difficile travail de la terre en ces termes : " Bis zum Jahr 1914, bei Kriegsausbruch wurden die Reben mit dem Karst, zwei Zinken gehackt, alles von Hand, Scholle nach Scholle. Ich selbst habe, mit 13 Jahre, auch schon mit gehackt. Jeder groiSere Betrieb, muiSte Arbeiter einstellen. Es wurde angefangen ! 5 Uhr, vor dem Abmarsch zu den Reben, schenkte man ein Schnaps ein. Um 7 Uhr, brachte man ihnen das Frühstück, Cafee ein Literhafen voll, mit einem wiechen Ei ; darin, um 9 Uhr, gab es das 9 Uhr Brot Wurst oder Kase. Um 11 Uhr, brach- te man den Hacker das Mittagessen in die Reben. Suppe, Fleisch-Gemüse ; nach dem Essen legte sich jeder auf ein Sack, und wurde geruht bis 12 Uhr. Dann wurde langsam mit dem Hacken wieder angefangen. Es wurde ein John lang gemacht, ungefàhr 25 Meter, dann ging man, wieder zurück, zum neu anfangen. Am Anfang stand das Logel, mit Trinkwein gefüllt, und es wurde eins getrunken. Punkt 3 Uhr setzte man sich wie- der hin, zur Einnahme, am Abendessen. Es wurde anschliesed geruht bis 4 Uhr. Nach der Ruhepause nach 4 Uhr ging es noch- mals tapfer weiter. Um 7 Uhr, war Feierabend. Der nachge- brachte Wein wurde ausgetrunken, der Rest ausgeschüttet. Alles ging zu Fufi bis eine Stunde des Weges. In diesem Fall, wurde die Arbeit etwas früher beendet. Zu Hause angekom- men, gabs für jeden Arbeiter zwei Glas besseren Wein. Anschliessend war das Nachtessen bereit gestellt. Es wurde nochmals gut serviert, Suppe zum Beispiel, Kartoffel-Salad, Schiefala. Es gab gute Hauser und weniger gute, jeh nach Leistung wurde auch serviert. Man trank noch gut dazu, aber mit Vorsicht wegen des Heimgehens. Der Lohn holte man am Sonntag, 8 bis 10 Mark, pro Tag, jeh nach Alter, und verdingte sich wieder für die nâchste Woche, nachdem ein Schnaps ser- viert war. In den Haushaltungen wurde im Herbst der Trinkwein, für das ganze Jahr zubereitet. Der echte Wein wurde verkauft, der Armut wegen. Es wurde pro Betrieb, jeh nach grofie, 15 bis 30 Hektoliter, zubereitet. Die Trabern der letzten Presse wurden nicht ganz ausgedrükt. Mit Wasser gebeitzt, 5 Tage, dann gekeltert. 6 Kilo Zucker pro Hektoliter für gewohn- lichen Trinkwein, für besseren verwendete man 8 bis 10 Kilo. Es war im Jahr 1914, im Krieg ; da hatte ein Winzer von Bennwihr, angefangen die Reben, über Winter, mit dem Pflug zu fahren. Das war sehr zu begrüssen. Es dauerte trotz allen Erneuerungen, einige Jahre, bis zum Zwischenstockpflug, Kirby genannt, welcher technisch gutausgedacht, hervorragen- de Arbeit leistete. " UNE MUTATION DANS LE SYSTÈME DE CULTURE

Le voyageur qui parcourt le vignoble alsacien est toujours frappé par la hauteur des ceps qui dépassent en taille tous ceux qu'il a pu voir en France, voire en Allemagne. Mais ce point de vue n'a pas toujours été partagé : " Plus le fruit de la vigne sera rapproché de la terre, plus il sera préservé des intempéries, plus il arrivera à la maturité parfaite ", écrivait le préfet du Haut-Rhin en 18071 en prenant pour exemple le Palatinat. Si les ceps ont toujours été hauts, en revanche la manière de palisser les sarments change au XIXe siècle. C'est ainsi que sous le Second Empire coexistent encore deux modes de culture : le Kammerbau ou Laubenbau consiste en une tonnelle basse, formée de treilles soutenues par trois rangées de pieux alignés à inter- valles réguliers et parallèles2. Cette culture coexiste avec celle en quenouille, la plus fréquente : chaque cep est planté isolé- ment, aligné sur ses pairs dans une tranchée ; il s'adosse à un pieu qui sert au palissage des sarments recourbés sur eux- mêmes, rappelant l'aspect d'une quenouille. Ce type évince progressivement le précédent et devient majoritaire au siècle dernier. Quenouille ou tonnelle, le vignoble présente ainsi un visage quelque peu différent de l'actuel, surtout aux abords des bourgs et des villes où les parcelles sont parfois ceintes de haies ou de murs. Les deux méthodes exigent une grande consom- mation de bois pour les échalas, dont on s'approvisionne selon ses ressources, soit en plaine parmi les chênes, soit parmi les châtaigneraies des Basses Vosges qu'on cultive en taillis plus aisément exploitables. Le sapin fournit des pieux meilleur mar- ché, mais son bois pourrissant rapidement, on prend l'habitude de le traiter pour augmenter sa résistance. Enfin le robinier se répand dans le vignoble : dès 1810, son bois imputrescible est vanté3. Depuis le milieu du XIXe siècle, des viticulteurs se préoccu- pent d'améliorer le rendement. Par exemple, la méthode Sigrist de Riquewihr consiste à espacer les ceps les uns des autres à un mètre de tous côtés, à supprimer les tranchées en aplanissant le sol, à sarcler et biner souvent pour aérer la terre et réserver à la vigne les éléments nutritifs et l'eau qu'absorbent les mauvaises herbes. En revanche, Sigrist préconise une taille moins sévère des sarments. Puis peu à peu est mis au point le mode actuel de culture qui se répand à la fin du siècle. Les ceps sont alignés et 1. A. D. H. R., 1 N 2 ; cité en partie par P. Leuilliot, L'Alsace, t II, p 120. 2. M. Barth, Der Rebbau, planche 130 ; cité par C. Wolff, Le vignoble, p 451. 3. Peuchet et Chanlaire, Description topographique et statistique de la France. Haut-Rhin, Paris, 1810. palissés sur trois fils de fer tendus entre des échalas, les rangées étant un peu espacées. Cette révolution permet d'augmenter le rendement. Jointe à la mécanisation progressive, elle contribue à faire du siècle dernier le siècle des grandes mutations, malgré le maintien de certaines traditions. Ainsi, on continue la pra- tique ancienne de vendanger tous raisins confondus et de pro- duire des vins, soit de qualité, individualisés par un nom de terroir de réputation séculaire, soit ordinaires, naturellement meilleurs les bonnes années où ils se vendent avantageuse- ment, décevants et vieillissant mal les années médiocres. Reste la lente mutation dans le choix des cépages. Vers 1880, dans la gamme des vins supérieurs, on distingue le riesling blanc, le traminer, le klevner blanc, rouge, gris et noir ainsi que le muscat. Les vins ordinaires sont produits par les cépages de sylvaner. Le rauschling est en baisse. Le trollinger est très répandu en quantité, ainsi que le knipperlé.

LES DIFFICULTÉS CONJONCTURELLES

Après l'annexion de l'Alsace-Lorraine, les vignerons espèrent pouvoir exporter leurs vins vers l'Allemagne et qu'un nouveau marché s'ouvre à eux. Mais ces expériences s'avèrent vaines, car les Allemands achètent peu de vins alsaciens. Puis une crise apparaît, suite aux maladies de la vigne. L'oïdium déjà men- tionné en 1852, se développe à partir de 1870. Le péronospora sévit en même temps. Les vers (Hcuwurm et Saucrwurm) endommagent la floraison et les baies. Le phylloxéra, décelé en Alsace vers 1876, s'ajoute à ces malheurs. Aussi n'est-il pas étonnant de voir la superficie viticole alsacienne diminuer, tout en restant le double de la superficie actuelle ainsi que le nombre de viticulteurs baisser. Comble d'infortune, de mau- vaises conditions climatiques expliquent un rendement qui atteint à peine 5 hectolitres par hectare en 1880 ! Les problèmes expliquent parfois des discussions serrées dans les journaux même. Le 19 juillet 1882, un abonné du jour- nal de Ribeauvillé, originaire de Bennwihr, écrit à son journal : " Dans votre numéro, vous dites que par suite de la pluie froide qui s'est continuée sans interruption nuit et jour, la floraison des vignes s'est faite lentement et dans de très mauvaises conditions et que les belles espérances qu'on pouvait fonder sur la future vendange se sont évanouies. Il est vrai que la pluie a beaucoup gêné la floraison de certains cépages des cantons tardifs, mais par le beau temps d'aujourd'hui les vignes se remettent et le mal ne sera pas si grand qu'on l'avait pensé. Dans les coteaux un peu élevés la floraison était déjà terminée avant la pluie ; si donc la chaleur qu'il fait à présent continue, il Etiquette de la maison Ley (collection : Constant Kuehn). y aura lieu d'espérer une vendange assez abondante pour les uns et une qualité supérieure pour tous. " Toutefois, des mentions de tous ces problèmes apparaissent dans le registre de délibérations du conseil municipal de Kientzheim. C'est ainsi que le 10 juin 1887, une commission est chargée d'étudier la lutte contre le phylloxéra ; le 23 août 1908, la même préoccupation est mentionnée ; le 8 mai 1911, le conseil débloque un crédit de 3 000 marks pour la lutte contre les vers et les maladies de la vigne. Plus tard en pleine guerre, les 6 janvier et 19 décembre 1915, deux nouvelles délibérations évoquent les ravages dûs aux vers \ Les chroniques viticoles confirment cette misère. Dans la chronique Stoll2, on peut rele- ver les remarques suivantes : " 1908 : dieses Jahr machte auf der Ebene der Sauerwurm sehr viel Schaden ; 1909 wurde durch den Sauerwurm noch mehr Schaden verursacht als 1908 ; 1910 : viel Schaden hatte man durch die Blattfallkrankheit und der Sauerwurm mittete so sehr, dafi man manche Stücke gar nichts zu herbsten brauchte. " La chronique Hobel signale les mêmes problèmes les années suivantes : " 1912 : im Februar, die Reben bis in den halben Berg total erfroren... am 2. Oktober sind die Trauben am Stock erfroren ; 1913 : im Mai sind die Reben erfro- ren. Der Sauerwurm hat sehr viel Schaden angerichtet..." Le témoignage de Constant Tempé de Sigolsheim confirme les difficultés du temps : " Wie immer erzâhlt wurde, war der

1. A.M. Kientzheim, R. D. C. M, pp. 45 et 112. 2. Archives de Charles Hobel, Kientzheim, que nous voudrions remercier ici pour nous avoir permis de retranscrire les éléments de ses différentes chroniques. Herbst im Jahr 1900 sehr grog. Die Sigolsheimer und die Rebleute von Reichenweier haben im Herbst immer einander ausgeholfen. Zuerst herbstete Sigolsheim, dann 14 Tage spa ter, Reichenweier. Wahrend des Herbstes 1900, gleich anfangs, kam ein starkes Gewitter mit viel Regen. Sofort, gingen die gut gereiften Trauben, in edel-Faülnis über. Die Familienvàter von Reichenweier holten sofort ihre Leute nach Hause. Es war bel ihnen auch notwendig zum herbsten. Es gab eine richtige Katastrophe welche man noch nie erlebt hatte. Nur wenige Trauben konnte man heimbringen, denn, in drei, vier Tagen, waren die Trauben eingetrocknet. Es folgte eine heifie Witterung. Man brachte wenig Wein ins FaiS. Der Preis war 30 Mark die 50 Liter. Wie schon ôfters erwahnt, mutëte man zu- sehen, wie die Würmer die Trauben fraiSen. Die meisten Jahre wurde der Most von der Kelter, verkauft. Das Quantum war zu klein, für ein Fafi zu fùllen. Das grotte Weingeschaft in der Umgegend, war das Haus Ley in Kientzheim. In Sigolsheim gab es nur kleinere Weinhandler, und Weinvermittler. Es fehlte überall an Geld, um die Weine zu lagern. Die Betriebe ohne Viehaltung gingen Bankrott ; ebenso, alle die auf groBem FuiS leben wollten. Der Winzer muiSte zusehen, wie seine Trauben, vom Wurm gefressen werden. Machtlos, stand man da, und niemanden konnte helfen. Es gab nur Herbst nach einem sehr kalten Winter. Bei grofier Kalte erfrohren die Maden auf den Bùhnen". Puis Constant Tempé pousuit encore : " Der Herbst von 1906 ist mir noch sehr gut im Gedachtnis. Als Junger von 6 Jahren, war ich beim herbsten dabei ; für jede Kanne geherbstete Trauben, gab es zwei Pfennig Lohn. Es war der erste schône Herbst, seit dem Jahrgang 1900. Der nachste schone Herbst, war dann wieder 1911. 1910, waren die Reben erfrohren. Der Herbst 1912, war dann wieder klein. In unserem Keller kam ein Fafi von 25 Hektoliter nicht zum laufen. Mit der ganzen Ernte, was Trauben anbelangt, also keine 13 Hektoliter... Zum versu- chen musste das Fatë gewunden werden. Im Jahr 1917, hat die Perenospora verhehrend gewirkt. Wer vor dem 11. Juni nicht gespritzt hatte, machte absolut keinen Herbst. Es gab ein Gewitter, die Gscheine der Trauben wurden alle weig, nachher grau und fielen alle ab ; Kupfervitriol zum Rebenspritzen gab es des Krieges wegen sehr wenig. Ich spritzte mit der Handpumpe mit einer 1 % Brilhe (200 Liter) auf 40 Ar in den drei Briegel. Der Erfolg war noch gut, trotz der geringen Brühe. Unser Herbst war noch zufriedenstellend. Es war ja Krieg und der Wein war sehr teuer und eine gesuchte Raritàt. 1917, wurde noch im Geheimen die Bekàmpfung des Sauerwurms erfunden. Es war ein Sigolsheimer, Emile Tempé, ein stiller Mann, aber immer nachdenkend, und in Kentnissen von erster Klasse. " RÉCOLTES DANS LE REICHSLAND Rendement en hectolitres par hectare et récolte en milliers d'hectolitres

Source : Nachrichten des Statistischen Bureaus fur Elsafi-Lothringen, 1908-1909, n° 4.

Surtout, il faut se plier aux exigences du commerce qui demande à partir de 1890 des vins riches en acidité. Le knipper- lé et surtout l'elbling paraissent convenir à ce genre de vins, mais leur production est handicapée par la " pourriture grise ", conséquence du ver de la grappe. Le trollinger, originaire du Wurtemberg, se développe rapidement à Bennwihr, Kientz- heim et Sigolsheim. Dans le coteau de Sigolsheim, il atteint 10 degrés d'alcool en puissance. En 1914, on peut évaluer la répar- tition des cépages à Sigolsheim de la façon suivante : un tiers de knipperlé, un tiers de trollinger, un sixième de chasselas et un sixième d'autres cépages et d'hybrides '. Dans le but de mieux se défendre, les vignerons se regroupent en 1911 en une Association des viticulteurs d'Alsace ", appelée à jouer un rôle non négligeable.

1. J. Schwartz, Viticulture et vins de Sigolsheim, p. 105. LE TEMPS DE CRISE La réduction de la superficie viticole dans les quarante domaines communaux les plus importants en Alsace (superficie en hectares en 1893 et 1898) urant la période du Reichsland, on est frappé par le fait que le pouvoir municipal, tant à D Bennwihr qu'à Kientzheim ou Sigolsheim, est exercé par une infime minorité de personnes. Les notables locaux, évidemment le plus souvent viticul- teurs, mais il y a quelques exceptions, restent long- temps en place au conseil municipal et UNE GESTION les maires se trou- PATERNALISTE vent à la tête de la commune en moyen- DE LA CITÉ ne une quinzaine d'années. La condui- te des affaires n'est guère dynamique et l'ouverture au progrès technique se fait somme toute assez lente- ment.

UN VILLAGE-RUE : BENNWIHR Après les désastres1 de Frœschwiller et de Reichshoffen les 5 et 6 août 1870, malgré la résistance inutile de Strasbourg, les troupes prussiennes et badoises investissent l'Alsace. Colmar est occupé le 8 octobre 1870 et petit à petit les villages du vignoble sont investis2. Pour ne pas livrer le bétail à l'ennemi, les habitants de Bennwihr le dispersent ; mais les Prussiens éventant la ruse le font ramasser et l'anéantissent sous prétexte de peste animale 3, tout comme à Eguisheim en octobre et novembre 1870. Peu de combats d'arrière-garde, dûs à des francs-tireurs, sont à noter. Bennwihr ne compte qu'un blessé grave, Joseph Rudinger, à qui l'on doit amputer la jambe. Selon une correspondance datée du 21 juin 1871 de Bennwihr, " il ne se traite pas d'affaire en houblon de l'année, vu qu'il n'est guère demandé. Il se trouve beaucoup de belle marchandise, à

1. Sur les éléments militaires de cette guerre, voir L. Roussel, Histoire générale de la guerre franco-allemande, Paris, 1910-1912, 2 vol. ; F. Igersheim, " L'occupa- tion allemande en Alsace et en Lorraine, le commissariat civil du gouverne- ment général d'Alsace et de Lorraine d'août 1870 à février 1871 ", dans L'Alsace en 1870-1871, Strasbourg, 1972, pp. 249-361. 2. Pour comparaison avec d'autres localités, voir C. Muller, " La prise de Lauterbourg par les Allemands en juillet 1870 racontée par le curé Meyer ", dans L'Outre-Forêt, n° 32, IV-1980, pp. 47-49 et B. Pierrot, " Un incident à Eguisheim pendant la guerre franco-allemande (octobre 1870) ", dans Au pied des trois châteaux, t. 1, 1990, pp. 99-103. 3. P. Gresser et L. Blum, Bennwihr, p. 28. Rue principale de Bennwihr. Maison Emile Al1wlln et Lucie Frey, 1914. Sur la voiture, Emile et Camille Amann, Eugène Wagner et Jean Risser.

Bennwihr, Kientzheim Le 12 décembre 1871, une nouvelle municipalité prend en mains les destinées du village sous la conduite d'Auguste Eschbach, maire, et de Sébastien Buch, adjoint. Parmi les travaux réalisés par la commune, citons la rénovation du presbytère, de la mairie et des écoles en 1875 sous la direction de l'architecte municipal Hartmann,de l'archi- tecte départemental Dietrich et de l'entrepreneur Adolf Wodey

1. Le lecteur voudra bien excuser ces bribes, les registres de délibération du conseil municipal ayant été détruits en 1944. Les quelques renseignements qui suivent sont extraits de C. Becker, " Geschichtliches über die Madchen- schule", dans Programme officiel de l'inauguration de l'école des filles le 22 novembre 1936, 24 p. Société de musique Sainte-Cécile et corps de sapeurs-pompiers de Bennwihr en 1894. Première rangée : Edmond Schneider, Emile Risser, Ostwald Fonné, Eugène Laenger, Eugène Eschbach, Séraphin Fonné. Deuxième rangée : Emile Burlen (tambour), César Amann, Auguste Fuchs, Joseph Weibel, Heisch (de ), Emile Wagner, Jules Frey, Michel Barth, Joseph Joost. Troisième rangée : Birckel (de Beblenheim), Eugène Schneider, Jérôme Fonné, Emile Fonné, Auguste Antony, Jules Eschbach, Alexandre Fuchs, Jean Melly, Xavier Keller père. Quatrième rangée : Joseph Haensel, Eugène Bogen, Auguste Fonné-Laenger, Alphonse Graff, Emile Eschbach, Aloyse Rudinger. Cinquième rangée : César Buch, Auguste Schneider, Séraphin Fuchs, Auguste Fonné, Auguste Wagner, Joseph Kientzler. Sixième rangée : Emile Bogen, Jean-Baptiste Haensel, Xavier Keller fils, Louis Schillé, Joseph Wagner. Septième rangée : Joseph Frey, Auguste Barth, Louis Rudinger. de Colmar. Toutefois le 5 septembre 1886, le conseil municipal décide d'agrandir l'école . Dans sa séance du 30 octobre 1887, le même conseil décide d'adopter le plan de l'architecte Dauben- berger de Ribeauvillé, puis change d'opinion, chargeant Winkler d'un nouveau plan le 24 février 1889. Parmi les faits divers, notons l'incendie de la grange de Joseph Buch le 2 août 1882. Le 1er janvier 1894, le maire Romuald Engel succède à Auguste Eschbach. Une de ses premières décisions est de dire que la construction d'une école sans l'aide de l'Etat est impen- sable, car son grand projet d'alors réside dans la pose d'une canalisation et la recherche d'une source. La restauration de l'église occupe surtout les esprits, d'autant plus que des dissen- sions, narrées dans un chapitre ultérieur, opposent plusieurs clans. Dans sa séance du 15 juin 1898, le conseil décide la conversion des rentes françaises en rentes allemandes, sous la pression de l'administration d'ailleurs. Le 11 avril 1900, l'élec- tricité apparaît pour la première fois à . La kilbe de Bennwihr se tient les 3,4 et 10 avril 1902. En 1903, deux trains de marchandises se percutent à Bennwihr. Trois wagons sont endommagés et les dégâts s'élèvent à 150 000 marks. En 1909, la question de la construction de l'école est reprise. Au maire Engel succède Jules Eschbach le 7 octobre 1910, lequel va exercer ses fonctions jusqu'au 10 juin 1920. La ques- tion de l'école revient à l'ordre du jour à la séance du conseil municipal le 11 juin 1911. Le 27 juillet 1913, il décide sa construction ; pour faire face à la dépense, la commune échange et vend des terrains au château de Schoppenwihr, transaction qui rapporte 32 000 marks. Le 14 juillet 1914, la commune est autorisée à entreprendre les travaux. Quinze, jours plus tard, la déclaration de guerre compromet ce projet. Durant toute cette période, Bennwihr connaît un intense trafic commercial. De longues files de voitures chargées de fûts font la queue en gare de Bennwihr pour y décharger le vin, acheminé soit dans le Reichsland, soit dans l'empire'. Quant aux écoliers, ils reçoi- vent un " weckle " ou une orange le jour de l'anniversaire du Kaiser, gourmandise appréciée s'il en est. Mentionnons encore

1. L. Blum et P. Gresser, Bennwihr, p. 28.

Bennwihr, un village-rue au temps du Reichsland. A droite : presbytère et mairie, maisons Gustave Amann, Pierre Wagner, ancienne école de filles achetée par Victor Wagner. A gauche : maisons Marie Laenger, Auguste Bogen, Théodore Thuet, veuve Jules Eschbach, Emile Grœll. Eglise Saints-Pierre-et-Paul de Bennwihr au milieu des vignes. en 1912, l'achat par les sœurs franciscaines allemandes de la maison du gourmet Gommenginger pour 32 000 marks1.

ENSERRÉ DANS SES MURS : KIENTZHEIM

Depuis 1869, le juge de paix Georges de Golbéry2 préside aux destinées de la commune. Personnage assez intriguant — il

1. Le " château " de Bennwihr a été construit en 1805 par François Joseph Kien, sur- nommé " Rüssa Kien parce qu'il habitait Saint-Petersbourg avec sa femme . Aloysia von Tauber, née à Briinn en Moravie. Le couple a six enfants dont seule la plus jeune, Adelaïde Joséphine, est née au château que la famille vient habiter en 1813. L'acquisition des terrains et la construction se montent à 300 000 francs. François Joseph Kien décède à Bennwihr le 24 avril 1836, son épouse le 18 février 1858. Le fils aîné Joseph Antoine, dénommé Osingha en russe, agrandit la propriété qu'il entoure en 1860 d'un nouveau mur d'enceinte. Après la mort de son mari, Mme Kien vend le château à son fils aîné pour 40 000 francs. Plus tard, la demeure tombe dans l'héritage de sa fille Amélie Kien. Celle-ci, devenue veuve, la vend en 1888 à Edmond Gommenginger qui en reste propriétaire jusqu'en 1907, date à laquelle il la cède à sa fille Victorine, mariée à Albert Centlivre de Ribeauvillé. En 1912, le châ- teau est vendu à des sœurs franciscaines allemandes pour la somme de 32 000 marks, les réparations se montent à 50 000 francs. La communauté ne reste que sept ans. En 1919, les religieuses le revendent à la congrégation des sœurs de la divine providence de Ribeauvillé qui en font une maison de retraite et de convalescence pour leurs sœurs. Il est donc impropre de parler du " couvent " de Bennwihr. 2. Georges de Golbéry, né à Coblence en mars 1810, fils de François Joseph et de Marie Anne de Willers, épouse en 1842 Marie Anne Goetz et s'installe au " petit château " dans la Niedermühlgasse qu'il fait rénover. Il décède à Kientzheim le 13 février 1887 à l'âge de 76 ans, voir E. Papirer, Kientzheim, p. 428. avait au début du Second Empire envoyé au préfet du Haut- Rhin un certain nombre de rapports1 où il essayait de se mettre en avant —, il n'a certes pas l'aura de son illustre oncle Philippe Aimé de Golbéry2, mais il représente à merveille cette particu- larité de Kientzheim, où de nombreux aristocrates ' cohabitent au sein du village avec la masse de la population essentielle- ment viticole. Sous son mandat qui dure jusqu'en 1887, quelques grandes réalisations sont à mentionner. Signalons en 1875, la construction d'un bâtiment annexe dans la cour de la mairie et d'une maison des postes et télégraphes, de 1877 à 1879 celle d'un nouvel abattoir4. De 1875 àl877, la commune s'impose de lourds sacrifices financiers pour réorganiser la lutte contre les incendies3. Surtout Kientzheim souhaite une gare pour les voyageurs et les marchandises près du Schneckentor. Mais comme la ligne passe au sud de la localité, la municipalité accepte que la gare soit construite près de la porte haute. La ville paye 8 000 marks et cède 51 ares de terrain pour l'installation de la voie ferréeh. Hormis ces réalisations, la gestion du maire de Golbéry reste prudente. Le passage au Reichsland ne se manifeste que par un changement de langue, l'allemand remplaçant le français dans les registres de délibérations du conseil municipal. Aucune allusion n'est faite quant à la nouvelle situation politique et le conseil municipal se borne à expédier les affaires courantes : par exemple le 16 septembre 1871 il évoque un problème d'abornement des pâturages avec Sigolsheim ; le 28 mars 1872, l'allocation de 273 francs aux boulangers pour les bons de grains délivrés aux indigents ; le 30 mai 1872, les pluies torren- tielles qui ont détruit les chemins forestiers ; le 20 septembre 1872, le départ des frères enseignants suite au Kulturkampf et

1. A. D. H. R., 1M 68-69. 2. Philippe Aimé de Golbéry, né à Colmar le lir mai 1786, devient procureur à Colmar en 1813, puis conseiller à la cour d'appel de Colmar en 1820, conseiller général du Haut-Rhin en 1833, député en 1834. Il décède à Kientzheim le 5 juin 1854 ; voir J. Matter, " Philippe de Golbéry dans Revue d'Alsace, 1857, pp. 5-22, 49-70 et 97-109 ; A. Herscher, " Golbéry ", dans A. S. H. V. W., t. 3, 1987, pp. 110-112 et t. 4, 1988, pp. 137-146 ; E. Papirer, Kientzheim, pp. 426-428. 3. Cette particularité est encore visible de nos jours avec la présence des châ- teaux de Reichenstein et de Castex, aux entrées ouest et est du village. Ces châteaux, occupés par des familles nobles ou fortunées, symbolisent bien la distorsion relevée. 4. E. Papirer, Kientzheim, p. 410. 5. E. Papirer, Kientzheim, p. 410. 6. E. Papirer, Kientzheim, p. 412. Rappelons que le train fonctionnera jusqu'à la Seconde Guerre mondiale et qu'il empruntait l'actuel contournement routier de Kientzheim, voir G. Blanck, " Le chemin de fer à voie mécanique de Colmar à ", dans A. S. H. V. W., t. 3, 1987, pp. 37-44. Kientzheim : la grand-rue en 1906 (collection : Auguste Kuehn). le choix d'un instituteur1, etc... Durant cette période, l'équipe municipale ne se renouvelle guère, le premier adjoint de 1878 à 1887, Joseph Ley, succèdant presque normalement à Georges de Golbéry à la mort de ce dernier. Le nouveau maire, aubergiste et gourmet, frère d'Eugène le négociant en vin, traduit la volonté du monde viticole de prendre en mains les destinées de la cité, avec un apport impor- tant de conseillers municipaux eux-mêmes viticulteurs , plus des deux tiers selon un sondage effectué en 1887. Joseph Ley va rester maire de 1887 à 1898 ; ses premiers adjoints sont Xavier Zimmermann, propriétaire-viticulteur, de 1887 à 1892 et Louis Fehner2, viticulteur, de 1892 à 1896. Les préoccupations du conseil municipal vont évidemment vers la crise du vignoble : ainsi le 10 juin 1887 une commission pour étudier la lutte contre le phylloxéra est mise sur pied 3. En 1896, , Kientzheim et Sigolsheim décident d'établir une canalisation d'eau en commun et de capter une série de sources dans l'ancien " Dreiteilwald "4. Mais ne pouvant se mettre d'accord

1. A. M. Kientzheim, R. D. C. M. 2. Louis Fehner, né à Kientzheim le 8 février 1843, fils de Louis et de Marie Claire Specht, viticulteur, épouse Anne Steiger, décède à Kientzheim le 16 février 1931, à l'âge de 88 ans. 3. A. M. Kientzheim, R. D. C. M. 4. E. Papirer, Kientzheim, p. 412. sur le financement, le projet reste pendant plusieurs années en l'état. Selon une statistique de 1897, il y a alors à Kientzheim 26 chevaux, 140 vaches, 2 moutons et 107 porcs. De 1898 à 1910, sous le mandat de Joseph Kuehn viticulteur, Kientzheim entre, la conjoncture aidant, dans le modernisme avec la diffusion de l'électricité notamment. En 1902, une médiation du kreisdirektor de Colmar, qui se rend personnelle- ment à Kientzheim pour relancer le projet, est refusée par le conseil municipal. Finalement, Sigolsheim obtient l'autorisation de poser sa propre canalisation à travers le ban de Kientzheim, tandis qu'en 1904 Kientzheim se raccorde à Kaysersberg2. Bien secondé par ses adjoints, Théodore Biecher ' en fonctions de 1896 à 1907, puis Joseph Schwartz de 1907 à 1910, le maire déploie une activité assez intense. Parmi les nombreuses déli- bérations prises, citons la pose de la conduite d'eau jusqu'au bien du Weinbach4 le 2 novembre 1906, l'adoption du budget communal qui s'élève à 94 000 marks, la révision de la liste des pauvres le 26 janvier 1907, l'acquisition de nouveaux bancs d'école le 14 juillet 1907, la pose d'un plancher à l'église le même jour, le blanchiement de l'église le 2 novembre 1907, le captage des sources pour l'arrosage des vignes le 28 février 1908, l'installation des lampadaires "in der Spiegelgasse" le 5 avril 1908, la conduite d'eau au Sacré-Cœur le 23 août 1908. En septembre 1908, le bruit se répand que l'empereur Guillaume II traverserait la vallée de Kaysersberg pour se rendre à la Schlucht, après avoir assisté à la parade impériale à Strasbourg le 5 septembre. Une nuée de cantonniers, recrutés dans les environs, répandent une cinquantaine de voitures de sable sur la chaussée afin d'en améliorer l'état, alors que par délibération du 9 septembre 1908, le conseil municipal ordonne la décoration des rues. Venant de Riquewihr, l'empereur arrive à Kientzheim le 11 septembre 1908 vers 14 heures', mais il ne s'arrête pas et la population doit se contenter de jeter à sa suite des bouquets de fleurs. Une heure plus tard, l'empereur s'arrê- te par contre à Munsterh.

1. Joseph Kuehn, né à Kientzheim le 11 janvier 1844, fils de Joseph et d'Ursule Reffé, épouse le 28 avril 1868 à Kientzheim Marie Hobel, décède à Kientzheim le 7 mars 1929, à l'âge de 85 ans. 2. E. Papirer, Kientzheim, p. 412. 3. Théodore Biecher, né à Kientzheim le 21 novembre 1859, fils de Jean Baptiste et de Joséphine Zaepfel, viticulteur, épouse Adelaïde Schmoederer, décède à Kientzheim le 21 septembre 1907, à l'âge de 48 ans. 4. A. M. Kientzheim, R. D. C. M., pp. 13,15,19, 27, 30, 39 et 40. 5. A. M. Kientzheim, R. D. C. M., p. 46. 6. R. Schmitt, " La vallée de Munster reçoit une visite impériale le 11 sep- tembre 1908 ", dans Annuaire de Munster, t. 34,1980, p. 64. Kientzheim, enserré dans ses murs : la tour des voleurs (collection : René Schwartz). Après cet intermède, l'activité municipale ne se dément pas : le 18 février 1909, le conseil se préoccupe de la pose de trottoirs après avoir examiné la situation du " Kaysersberger Talbahn " ; le 28 février, il évoque une perçée au Bonhomme devant per- mettre la jonction ferroviaire avec Saint-Dié. Le 4 août 1909, il donne son autorisation à la tenue de la kilbe, puis le 24 octobre 1909, il se penche sur un conflit administratif avec Kaysersberg. Le 15 novembre 1909, il décide la construction d'une digue près de la Weiss. Après avoir fixé les rétributions des sœurs d'école le 12 décembre 1909, le conseil prend en charge le 29 mai 1910 les frais d'enterrement du curé Hartmann1. A Joseph Kuehn succède Joseph Schwartz père 2, adjoint de 1907 à 1910, maire pour un premier mandat de 1910 à 1926, une grande figure de Kientzheim. Il est secondé par l'adjoint Jean Baptiste Hauptmann 3, de 1910 à 1926. Jusqu'à la Première Guerre mondiale, le conseil s'occupe des affaires courantes4 : participation aux expositions vinicoles de Berlin et Colmar le 23 juillet 1910, prolongation de la kilbe les 9 et 16 juillet 1911,

1. A. M. Kientzheim, R. D. C. M., pp. 56, 57, 67, 71, 72, 76 et 88. 2. Joseph Schwartz, né à Kientzheim le 25 février 1870, fils de Sébastien et d'Hélène Sick, viticulteur, épouse le 26 mai 1903 à Kientzheim Joséphine Barmès d'Eguisheim, décède à Colmar le 26 octobre 1941. 3. Jean-Baptiste Hauptmann, né à Turckheim le 22 septembre 1868, fils de Jean Chrysotome et de Louise Meistermann, boucher, épouse Marie Pauline Hobel, décède à Kientzheim le 5 novembre 1938 à l'âge de 70 ans. 4. A. M. Kientzheim, R. D. C. M., pp. 93,116,145, 152,161 et 163. nomination d'un garde champêtre le 21 mars 1913 et érection d'une petite digue pour les lavandières au canal du moulin, accord d'une contribution de 50 marks au ElsafJischen Weinbnu Verband le 17 août 1918, évocation d'une place Lazare de Schwendi le 23 février 1914, réintroduction des vieilles armoi- ries de la commune les 21 juin et 5 juillet 1914.

SIGOLSHEIM DANS L'ALSACE ALLEMANDE

Nommé maire de Sigolsheim par arrêté préfectoral le 2 octobre 1870, André Saltzmann1 expose au conseil municipal le 24 octobre " qu'il lui semble urgent de prendre des mesures dans ces circonstances difficiles, dans le cas où les habitants de notre commune seraient soumis à des réquisitions de la part des ennemis allemands qui se trouvent actuellement dans le plus proche voisinage. Une commission municipale aurait à recevoir toutes les fournitures que l'armée envahissante pour- rait exiger de notre commune ; elle aurait à évaluer aussi les fournitures en bétail, vins et blés "2. Le 10 novembre, le maire expose " que l'autorité militaire prussienne a demandé au can- ton de Kaysersberg, pour frais de guerre, une somme de 2 500 thalers qu'il aura à payer le 25 novembre ; la part contributive pour notre commune s'élève à la somme de 607 francs et le conseil municipal reconnaît la nécessité de verser cette somme... (évoquant) l'impossibilité d'obvier aux exigences légales nécessaires en temps ordinaire ". Le 29 février 1871, le conseil remarquant qu'il existe " à Sigolsheim un certain nombre de prisonniers de guerre qui n'ont de quoi s'habiller pendant cette saison rigoureuse, vote 30 francs pour leur entre- tien ", puis il donne encore 100 francs à la société de secours pour les victimes de la guerre, notamment des populations des départements de l'est. Il remarque enfin qu'un "certain nombre de voitures ont été employées par réquisition à l'armée assié- geante de Belfort en transport de vivres et munitions ". La guerre finie et après le traité de Francfort qui consacre le rattachement de l'Alsace à l'Allemagne, la gestion municipale se poursuit. Comme Il il n'y a pas d'adjoint depuis un moment, le conseil propose le 1er mai 1871 trois candidats : François Antoine Ulmer, Maximin Muller et Simon Saltzmann ". Le pre-

1. André Saltzmann, né à Sigolsheim le 1" janvier 1810, fils d'André, viticul- teur, et de Catherine Kerchenmeyer, célibataire, vigneron, décède à Sigols- heim le 2 octobre 1890. Il succède à Jacques Ulmer, né le 8 juillet 1794 à Sigolsheim, fils de Martin employé municipal et de Marie Anne Raess, veuf d'Anne-Marie Kœhler, décédé à Sigolsheim le 11 août 1876. 2. A. M. Sigolsheim, R. D. C. M. Bernard Dietrich qui a sauvé une grande par- tie des archives en décembre 1944 n'a pas pu éviter la perte des registres cou- vrant la période de 1876 à 1944. Sigolsheim au temps du Reichsland. La rue principale, actuellement rue de la Première armée. A gauche, la maison Eugène Krauss, maire de Sigolsheim et gourmet en vins. A droite, la maison Victor Ringenbach, café et boulangerie (collection : Jeanne Bernauer). mier nommé est choisi pour cette fonction le 11 juin 1871. Le 3 septembre 1871, le conseil règle les charges et conditions du bail des biens communaux formant jadis la forêt du Rinckenwald, puis il accepte la proposition de Maximin Muller de céder sa maison ; " le bois et les pierres seront d'une grande utilité pour réparer la toiture du chœur de l'église Le 25 décembre 1871, l'autorisation d'une coupe extraordinaire est demandée. Les 8 000 francs produits serviront pour 3 000 francs à la toiture de l'église, 3 000 à la reconstruction d'une partie de la rue de Bennwihr, 2 000 comme surcroît de dépense pour frais de façonnage et de transports de bois. Le 29 décembre 1871, Joseph Heyberger est désigné comme garde champêtre. Le 12 janvier 1872, le secrétaire de mairie reçoit une gratification pour surcroît de travail par suite des changements introduits dans l'administration et les opérations du dernier recensement, alors qu'un litige avec Kientzheim pour l'abornement du pâturage commun des cantons Muhlecklen, Sauwasen et Rinckin est évoqué. Le 7 avril 1872, le conseil fixe le salaire de l'allumeur de réverbère. En ce qui concerne les réparations à l'église, le conseil " accepte le 24 avril 1872 les plans de Blum, à condition que les pierres de taille de Phalsbourg soient remplacées par des pierres du Hohnack ou du Fonhofft dans la banlieue de Kaysersberg, carrière d'où proviennent les pierres avec les- quelles notre église a été construite Les suites de la guerre se font encore sentir si l'on en juge par cette délibération du 26 avril 1872 : " considérant que la commune a besoin de fonds pour payer la dette contractée par elle afin d'indemniser les habitants des réquisitions de guerre, elle demande une coupe extraordinaire auprès de l'administration supérieure Le L' septembre 1872, " il serait urgent de prolonger l'aqueduc posé sur la grande route à la sortie du village afin de donner un espace plus large aux voitures arrivant d'en haut pour y ren- trer. A cet effet il serait utile aussi que la croix que l'on trouve à la gauche en entrant au village soit déplacée et transportée plus à l'intérieur sur un terrain appartenant à la commune. " Le 19 février 1873, des réparations urgentes à la mairie sont estimées à 6 000 francs. Dans sa séance du 10 mars 1873, le conseil accor- de à J. Blanck une pension parce que, pendant trente ans, il a toujours rempli fidèlement ses devoirs de veilleur de nuit et demande un costume nouveau pour les pompiers : " notre compagnie n'a jamais possédé un costume de parade, l'unifor- me actuel ne servant que dans le cas de sinistre et n'ayant aucu- ne espèce de ressemblance avec l'uniforme français ". Quelques publications nous renseignent également sur des aspects de la vie quotidienne ; ainsi la chasse est fermée le 31 janvier 1874 à l'exception de la chasse aux canards sauvages, poules d'eaux et bécasses jusqu'au 15 avril 1874. En 1874, la pêche n'est pas donnée à bail. Le 1er avril 1875, le pâturage est interdit dans les chemins ruraux, car les jeunes sarments des ceps de vigne sont régulièrement mangés. Le garde champêtre est chargé de veiller à l'éxécution de cet arrêté et de poursuivre les contrevenants. Le 19 septembre 1875, " sur demande du conseil municipal et eu égard à la vendange prochaine, le maire décide l'interdiction du grapillage dans la commune de Sigolsheim jusqu'à la fin de la vendange ". Le 8 octobre 1876, " à la suite de différentes réclamations de citoyens à propos des différents prix et souvent du poids défectueux du pain, le maire Saltzmann décide de réintroduire les journées de pain d'antan ". Le même jour, " comme des plaintes ont été déposées au sujet des gens de service qui n'ont pas de livret de travail ou qui négligent de déposer ce dernier à la mairie, le maire invite chaque employeur de le déposer ". En 1880, la commune veut faire exécuter des travaux au Langmauerweg. Présentant les conditions les plus favorables, Michel Hemmerlé, maire et entrepreneur à Horbourg, est nommé adjudicataire. Or il cède son contrat à Auguste Schmidt, maître maçon à Kientzheim, qui demande après exé- cution une somme supplémentaire de 1 194 marks. La commu- our la seconde fois depuis que paraissent les monographies des communes alsaciennes publiées p sous l'égide du Crédit mutuel, trois villages, Benn- wihr, Kientzheim et Sigolsheim, se regroupent pour réaliser un même livre, prolongeant l'exemple de leurs caisses fusionnées depuis peu. Cette démarche originale se trouve renforcée par le choix délibéré d'une courte période, s'étendant de 1870 à 1990. Or cette période combien critique et difficile est celle de toutes les mutations et toutes les ruptures, des bouleversements politiques et des explosions technologiques. Aux turbulences nées de la grande histoire se mêlent ici des particularismes locaux dus à la situation géographique de l'Alsace, province frontière, enjeu de deux nationalismes opposés. Au sein même de la région, Bennwihr, Kientzheim et Sigolsheim possèdent des spécificités liées à leur position. Situés sur la route du Vin, à la charnière de la plaine d'Alsace et des collines sous- vosgiennes, là où le cycle naturel de la vigne détermine et induit l'activité économique, où la condition sociale de vigneron s'avère cachet de respectabilité, où la concurrence joyeusement féroce des entreprises viticoles s'efface souvent autour d'un verre de vin, symbole de convivialité, ces trois villages connaissent une histoire étrangement semblable, emboîtant subtilement toutes les caractéristiques précitées. Le labeur des hommes, les peines et les réussites y sont là, peut-être plus qu'ailleurs, particulièrement perceptibles.

Né à Haguenau le 8 octobre 1954, Claude Muller s'inscrit aux trois facultés d'histoire, de géographie et de théologie catholique de Strasbourg. Maître en géographie en 1978, docteur de troisième cycle en histoire avec une thèse primée à Innsbruck le 19 mai 1979, docteur de troisième cycle en théologie catholique en 1983, docteur ès lettres le 1er juillet 1986, à l'époque l'un des plus jeunes de France, avec une thèse intitulée Dieu est catholique et alsacien. La vitalité du diocèse de Strasbourg au XIXe siècle (1802-1914), laquelle obtient le prix des Amis du Vieux Strasbourg le 6 avril 1987. Claude Muller est considéré comme l'un des meilleurs spécialistes de l'histoire contemporaine, surtout religieuse, de l'Alsace. Directeur de la revue Archives de l'Eglise d'Alsace de 1980 à 1987, membre de l'Académie d'Alsace, il a publié à ce jour une douzaine d'ouvrages, plus de deux cents articles dans les revues d'histoire locale, ainsi que de multiples notices dans l'Encyclopédie d'Alsace, le Nouveau Dictionnaire de Biographie Alsacienne, le Dictionnaire du Monde Religieux Contemporain, Alsace et le Lexikon für Theologie und Kirche.

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