Daniel Hope Violon
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2019 20:00 26.02.Salle de Musique de Chambre Mardi / Dienstag / Tuesday Soirées de musique de chambre Daniel Hope violon (Le Soldat / Der Soldat) Katja Riemann comédie (Le Diable / Der Teufel) Thomas Quasthoff baryton (Le Narrateur / Der Erzähler) Patrick Messina clarinette Philippe Hanon basson Gilles Mercier trompette Jean Raffard trombone Stéphane Logerot contrebasse Hans-Kristian Kjos Sørensen percussion Peter Jordan & Leonhard Koppelmann mise en scène résonances 19:30 Salle de Musique de Chambre Artist talk: Daniel Hope im Gespräch mit Tatjana Mehner (D) Johann Wolfgang von Goethe (1749–1832) Egmont (extraits) Ludwig van Beethoven (1770–1827) Egmont op. 84: Ouvertüre (arr. pour ensemble de chambre de Jan Müller-Wieland) (1809/10) Sostenuto, ma non troppo – Allegro – Allegro con brio Igor Stravinsky (1882–1971) Histoire du soldat, lue, jouée et dansée / Geschichte vom Soldaten (1917) (en allemand / auf Deutsch) Marche du Soldat Air au bord du ruisseau Pastorale Air au bord du ruisseau (reprise) Marche du Soldat Marche royale Petit concert Trois danses: Tango – Valse – Ragtime Danse du diable Petit choral Couplets du Diable Grand choral Marche triomphale du Diable 90’ Den Handysgeck Le célèbre caricaturiste allemand Der renommierte deutsche Karika- Martin Fengel (connu notamment turist Martin Fengel (bekannt u. a. pour ses contributions dans le aus dem Zeit-Magazin) begleitet Zeit-Magazin) ponctue les pro- die Abendprogramme der Saison grammes du soir de la saison 2018/19 mit Momentaufnahmen 2018/19 d’instantanés sur le thème zum Thema geräuschvollen Stö- des nuisances sonores dans les rens im Konzertsaal. Lassen Sie salles de concert. Laissez-vous sich durch die vergnügliche Dar- inspirer par cette présentation stellung zu rücksichtsvollem Musik- ludique, pour savourer la musique genuss inspirieren. en toute tranquillité. Héros et anti-héros Lucie Kayas D’un côté les Flandres du 16e siècle sous domination espagnole, de l’autre l’Europe de la Première Guerre mondiale. Ici Goethe, là l’auteur suisse Charles Ferdinand Ramuz. Beethoven et Stravinsky. Ce programme convie à mettre en regard l’Ouverture d’Egmont (1809/10) de Beethoven enchaînée à l’Histoire du soldat (1917) de Stravinsky. Héroïsme et liberté L’Ouverture d’Egmont est indirectement le fruit de la commande par le Burgtheater de Vienne d’une musique de scène pour la pièce de Goethe qui comporte plusieurs indications à ce sujet. Beethoven, qui vouait au poète une admiration sans borne, accepte et compose dix numéros, dont l’Ouverture initiale et la « Symphonie de victoire » conclusive. Construite en cinq actes, la tragédie de Goethe (1787) se déroule sur fond de guerre des Flandres (1556–1598) et oppose le comte Egmont au duc d’Albe qui s’est rangé sous la bannière de Philippe II d’Espagne. À cette intrigue politique se superpose le drame amoureux qui fait émerger le personnage de Claire, bien- aimée d’Egmont, à laquelle prétend Brackenburg. Claire ne survit pas à l’annonce de la condamnation d’Egmont et se suicide. Egmont pour sa part affronte la mort avec héroïsme: « Je meurs pour la liberté pour laquelle j’ai vécu et combattu, et à laquelle aujourd’hui je me livre en sacrifice. » Connaissant l’épisode de la Symphonie N° 3 « Eroica » de Beethoven, de la dédicace à Bonaparte déchirée suite au sacre de Napoléon, on comprend que le compositeur ait vu dans Egmont une figure héroïque idéale de résistance à l’oppression. C’est aussi 5 à cette occasion que le musicien entra en relation avec Goethe auquel il envoya sa partition et qu’il rencontra à plusieurs reprises par la suite à Toeplitz (Bohême) en juillet 1812. Goethe jugea Beethoven trop sauvage (« une personnalité tout à fait indomptée ») tandis que Beethoven trouva Goethe trop courtisan (« Goethe apprécie beaucoup trop l’air de la cour »). L’Ouverture d’Egmont s’articule en trois moments : une introduction lente très dramatique, un Allegro opposant deux idées, et un Allegro con brio servant de coda qui n’est autre que la « Symphonie de victoire » de la musique de scène. Le premier vit du contraste entre une première idée sombre et massive, et une seconde plus souple et aérienne, sur frémissement en notes répétées. L’enchaî- nement avec l’Allegro fait émerger un nouveau thème situé dans le grave, un peu à la manière de celui qui ouvre la Symphonie héroïque aux violoncelles. La seconde idée sera rythmique et déduite de l’introduction. Quant à la coda, elle clôt la partition sur un coloris à la fois majeur et brillant qui semble proclamer une victoire, à la manière du geste d’Egmont qui transcende sa propre mort en la dédiant à la liberté. L’arrangement (2001) proposé par Jans Müller-Wieland (né en 1966) a été conçu pour les mêmes instruments que l’Histoire du soldat de Stravinsky afin de pouvoir coupler les deux œuvres. L’auditeur devra donc renoncer aux fastes orchestraux, à la rondeur des cordes, pour acclimater son oreille à un septuor où les cuivres s’imposent. Ce travail apparaît aujourd’hui comme une préfiguration d’une œuvre originale de Jans Müller-Wieland : Egmonts Freiheit oder Böhmen liegt am Meer (La Liberté d’Egmont, ou la Bohême est au bord de la mer) créée en novembre 2014 à Munich dans le cadre des commémorations du centième anniversaire de la Première Guerre mondiale. Anti-héros ou Faust populaire L’Histoire du soldat de Stravinsky n’a rien d’une commande. Elle serait plutôt le fruit des circonstances : la Première Guerre mondiale et l’exil de Stravinsky en Suisse, dans le canton de Vaud. Endeuillé par les disparitions de sa gouvernante bien-aimée 6 Lamoral, comte d’Egmont et de son frère Goury, le compositeur se trouve dans une situation financière délicate liée aux bouleversements en cours en Russie qui le privent de certains revenus. Ramuz, comme Stravinsky, ont décrit ce choix de l’économie des moyens : « Pour quoi ne pas écrire ensemble une pièce qui puisse se passer d’une grande salle, d’un vaste public ; une pièce dont la musique, par exemple, ne comporterait que peu d’instruments, et n’aurait que deux ou trois personnages ? » (C. F. Ramuz, Souvenirs sur Igor Stravinsky). Leur source d’inspiration sera populaire, et russe, à travers le recueil de contes d’Afanassiev : « […] Notre attention fut surtout attirée par le cycle de légendes ayant trait aux ventures du soldat déserteur et du diable qui, par ses artifices, arrive infailliblement à lui ravir son âme » (I. Stravinsky, Souvenirs de ma vie). Revenons sur la rencontre entre Ramuz et Stravinsky initiée en 1915 par le chef Ernest Ansermet. Proche du courant 7 littéraire régionaliste, Charles Ferdinand Ramuz (1878–1947) avait fait des études de lettres à Lausanne avant de séjourner dix années à Paris pour y faire sa thèse sur un contemporain de Lamartine, Maurice de Guérin. De retour en Suisse en 1914, il publie dans les Cahiers vaudois qui éditeront le texte de l’Histoire du soldat. Son style faussement naïf, des récits ancrés dans la vie paysanne et montagnarde suisse feront le succès de ses romans à venir, tels La Grande Peur dans la montagne (1926) ou Derborence (1934). Les premières collaborations des deux artistes portent sur Renard et Noces, œuvres dans lesquelles le rôle de Ramuz se can- tonne plutôt à celui de traducteur, un traducteur très créatif censé transposer en français la rythmique de la langue russe. C’est donc du croisement culturel entre régionalisme suisse et conte populaire russe qu’est née l’Histoire du soldat. De quel type d’œuvre s’agit-il ? Une histoire « lue, jouée et dansée » faisant intervenir trois personnages : le Soldat, le Diable, la Fille du roi (ou la Princesse), ainsi que le Narrateur. Le dispositif se complique quand on sait que le Diable est joué par deux personnes, un acteur et un danseur, que le Soldat et le Diable sont des rôles parlés tandis que la Princesse est un rôle dansé. Ce n’est donc ni une histoire racontée (puisqu’il y a des personnages) ni une véritable pièce puisque le Narrateur joue un rôle important, quitte à se confondre parfois avec les personnages. Pour caractériser ce genre hybride, Ramuz propose l’expression de « style narratif » qui souligne en quoi cette formule renouvelle la notion de spectacle. Divisée en deux parties, l’histoire mène de la Marche du soldat à la Marche triomphale du Diable. La première partie montre le Soldat rentrant chez lui en permission avec son violon. Sur son chemin, il croise le Diable déguisé en vieillard, qui lui propose d’échanger son violon contre un livre qui dit l’avenir avant de l’inviter chez lui pour trois jours. Il y restera trois ans… Aban- donné des siens qui ne le reconnaissent plus, le Soldat fait fortune grâce au livre. La seconde partie nous transporte dans un autre pays dont la fille du roi est malade. Ayant fait boire le Diable après l’avoir provoqué aux cartes, le Soldat récupère son violon 8 Charles Ferdinand Ramuz et Igor Stravinsky qui lui permet de guérir la Princesse. Le Diable avait posé ses conditions : ne pas quitter le pays. Le Soldat désobéit et précipite sa chute : « Un bonheur, c’est tout le bonheur, deux, c’est comme s’ils n’existaient plus ! ». On peut s’interroger sur la portée de cette fable dont le héros est perdant, qui parle à la fois de la puissance de la musique, des tentations de la société capitaliste, de la transgression des limites. Ni Faust, ni conte, elle se trouve à la jonction de multiples genres. Un certain éclectisme musical Le rapport de la musique au texte varie, allant de la déclamation rythmée initiale (« Entre Denges et Denezy ») au texte purement récité, en passant par le mélodrame (Marche royale) déclamé librement sur la musique.