ACTES DE L’INSTITUT PALLADIO

CYCLE 2017 LA VILLE DE DEMAIN : QUELLE PLACE POUR LE TRAVAIL ?

D E S H A U T E S É T U D E S S U R L ’ I M M O B I L I E R E T L A C I T É

ACTES DE L’INSTITUT

DÉJÀ PARU PALLADIO 2012 : LA VILLE DE DEMAIN POUR QUELS TERRITOIRES ? PARRAIN : PATRICK BRAOUEZEC

2013 : LA VILLE DE DEMAIN POUR QUELS HABITANTS ? PARRAIN : GÉRARD COLLOMB

2014 : LA VILLE DE DEMAIN POUR QUELS USAGES ? PARRAIN : JEAN-LOUIS BORLOO

2015 : LA VILLE DE DEMAIN POUR QUELLES VALEURS ? PARRAIN : ALAIN JUPPÉ

2016 : LA VILLE DE DEMAIN À L’ÈRE DE LA RESPONSABILITÉ SOCIÉTALE MARRAINE : ANNE HIDALGO

À PARAÎTRE EN 2018 HABITER LA VILLE DE DEMAIN MARRAINE : JOHANNA ROLLAND

CYCLE 2017 LA VILLE LA COLLECTION DES « ACTES DE L’INSTITUT PALLADIO® » EST UNE BASE DOCUMENTAIRE QUI RESTITUE LES TRAVAUX ET RÉFLEXIONS DES CYCLES ANNUELS. ACCESSIBLE À TOUS LES ACTEURS DE L’INDUSTRIE IMMOBI- QUELLE PLACE LIÈRE ET DE LA CONSTRUCTION DE LA VILLE – ÉLUS, DIRIGEANTS, CHERCHEURS, MEMBRES D’ASSOCIATIONS, DE DEMAIN : MÉDIAS –, ELLE ACCOMPAGNE LEUR PRISE DE DÉCISION. CES ACTES CONTRIBUENT À L’ÉMERGENCE DE NOU- VELLES MÉTHODES POUR COPRODUIRE LA VILLE ET INVESTIR AU REGARD DES ENJEUX SOCIO-ÉCONOMIQUES. POUR LE TRAVAIL ? PRÉFACE XAVIER BERTRAND PRÉSIDENT DE LA RÉGION HAUTS-DE-, PARRAIN DU CYCLE

a ville doit être un espace de respiration. La Le travail se transforme également en profondeur Nous voulons des Fourmies partout dans les Hauts- ville a été trop longtemps pensée verticalement, dans la manière de le vivre. Par exemple, les jeunes de-France : personne ne doit rater le train de la trans- Lfaisant de cet espace un lieu de contraintes. générations ont une relation au temps et au lieu formation. Aujourd’hui, de nombreuses métropoles À la fois en tant qu’ancien maire de Saint-Quentin différente de la nôtre. La ville est devenue pour ces ont déjà pris ce virage, comme Lille hyperconnectée ou actuellement comme président de Région, je me jeunes l’espace de l’instantané. Ce nouveau rapport aux capitales européennes de Londres, Bruxelles et suis toujours intéressé au développement des villes. au temps peut faire peur, mais en se transformant Paris. Je pense aussi à la métropole d’Amiens qui fait C’est pourquoi, souvent je me revendique d’être et en offrant de nouveaux services, la ville répondra le choix des à Hauts Niveaux de Services pour fa- comme le « maire de la grande région ». En effet, aux besoins de chacun et sera le trait d’union entre ciliter le quotidien des habitants. Je peux aussi citer c’est à la fois répondre aux problèmes quotidiens de les générations. qui fait le pari du numérique avec une nos concitoyens, mais aussi projeter son territoire serre numérique pour les entrepreneurs qui réunit dans l’avenir sur plusieurs décennies. Trop long- Penser la ville, c’est d’abord penser l’évolution de école et entreprises dédiées aux métiers de l’image temps, nous avons pensé la ville comme une somme notre économie, avec la transition énergétique et les et à la création innovante. En tant que président de d’infrastructures et d’aménagements, dictant aux technologies numériques. Penser la ville à travers le Région, je dois veiller à ce que ce développement ne habitants un mode de vie. Or, nos manières de vivre, prisme de la Troisième révolution industrielle, c’est se fasse pas uniquement dans les métropoles et les de travailler, de se déplacer évoluant si rapidement, ce qu’a mis en œuvre la Région Hauts-de-France avec grandes villes, au risque de voir se créer des dé- il y a urgence de penser la ville dans une approche Rev3. Depuis, la mobilisation d’entreprises, d’associa- serts autour de ces territoires. innovante, globale, de l’inscrire dans un nouveau tions, d’habitants, d’élus a fait émerger plus de 700 C’est pourquoi, nous accompagnons aussi les modèle de société. initiatives innovantes, des projets portant de vraies bourgs-centres qui font la vitalité de chaque bas- perspectives pour la création d’activités et d’emplois. C’est aujourd’hui que la ville doit créer les condi- sin de vie. Nous devons permettre à ces communes tions d’accueil de l’évolution permanente du travail : Nous voulons que chaque territoire puisse se saisir de maintenir ces commerces de proximité qui font la relation au temps change, la frontière entre le de cette dynamique. Prenons exemple de Fourmies, souvent leur âme. Si nous ne voulons pas voir se lieu de vie et le lieu de travail est de moins en moins ville de l’Avesnois de 16 000 habitants, marquée par créer de nouvelles fractures territoriales, nous tranchée. Ces nouveaux rapports nous montrent les précédentes révolutions industrielles, devenue devons reconstruire notre politique d’aménagement que l’opposition entre le monde urbain et rural est une des villes-pilotes de Rev3, qui montre sa capa- du territoire. Penser la ville ou plutôt les villes et dépassée. Pour des raisons d’équilibre, les villes cité à disrupter dans de nombreux domaines. C’est comprendre les évolutions, comme le fait l’Institut devront être plus que jamais connectées à leur le L@bo, cœur numérique de Fourmies, aujourd’hui Palladio, sont donc plus qu’une nécessité. C’est un région et territoires afin de faciliter la création et sur 140 m2, demain sur une ancienne friche de impératif aujourd’hui pour tout responsable politique. les échanges économiques. Le travail sera encore 2000 m2, qui permet aux habitants de s’approprier le plus connecté et collaboratif, tant dans le secteur numérique, aux futurs entrepreneurs de travailler des services que de l’industrie. Dans cette nouvelle avec les nouveaux outils. Les habitants imaginent vision, l’espace professionnel doit être un lieu d’huma- concrètement leur quartier de 2050, avec une école nisation et la ville un lieu d’intégration où la mobilité du futur et une cuisine centrale approvisionnée par efface la fracture entre le monde urbain et rural. les producteurs locaux. PRÉFACE

4 5 LES ACTES CYCLE 2017 AVANT- LA VILLE DE DEMAIN : PROPOS QUELLE PLACE BERTRAND DE FEYDEAU POUR LE TRAVAIL ? PRÉSIDENT DE LA FONDATION PALLADIO

AVANT-PROPOS 7 BERTRAND DE FEYDEAU, PRÉSIDENT DE LA FONDATION PALLADIO epuis quelques années, la Ville apparaît comme de grands ensembles de bureaux, c’est la prise en le laboratoire de tous les changements. C’est compte d’un nouveau mode de travail qui intègre, BERNARD STIEGLER, OUVERTURE DU CYCLE 8 Den elle que se concentrent toutes les forces notamment, le développement des starts-up et la DIRECTEUR DE L’INSTITUT DE RECHERCHE ET D’INNOVATION qui convergent pour profondément la transformer. place que les grands groupes lui font à leurs côtés. DU CENTRE POMPIDOU Je suis frappé au fil des années de voir comment La vocation de Palladio, c’est au fond d’accompa- les thèmes retenus par l’Institut Palladio, comme fil gner tous ces mouvements en tentant de les qua- rouge de la réflexion, sont bien plus que des éclai- GILBERT EMONT, lifier, d’en mesurer l’importance et de les intégrer MISE EN PERSPECTIVE 20 rages successifs. Ils sont le constat des forces qui DIRECTEUR DE L’INSTITUT PALLADIO dans l’acte de construire. Il s’agit moins d’un travail s’additionnent pour remodeler fondamentalement prospectif, toujours délicat, que de l’organisation le tissu urbain : que ce soit les territoires qui se d’un véritable dialogue entre les différents acteurs AUDITEURS DU CYCLE 2017 DE L’INSTITUT PALLADIO rétrécissent ou, en tout cas, s’affranchissent des CONTRIBUTIONS 36 de la construction de la Ville, en vue d’affiner leur périmètres administratifs ou politiques tradition- 43 SÉMINAIRE 1 clairvoyance et d’optimiser la prise en compte des nels, les nouveaux besoins portés par les habitants, RÉVOLUTIONS URBAINES ET DÉMOGRAPHIQUES : changements. Il y a dans cette action d’abord une qu’on appelle les urbains, ou encore, pour cette an- DES EXIGENCES NOUVELLES préoccupation professionnelle qui vise à mieux née, l’évolution des modes de travail et leur impact adapter l’acte de construire à l’évolution urbaine ; il 48 SÉMINAIRE 2 sur la Ville. y a surtout le souci de l’intérêt général pour que nos RÉVOLUTION INDUSTRIELLE ET TRANSITION ÉNERGÉTIQUE Si l’action de la Fondation Palladio, à tous les niveaux villes soient encore plus à même d’accompagner ce ET NUMÉRIQUE : QUELLES RÉGULATIONS POUR LA VILLE ? de son engagement (Pôle Avenir Palladio, Pôle changement et, en étant davantage accueillantes 53 SÉMINAIRE 3 Recherche Palladio, Institut Palladio), se concentre aux besoins des urbains, d’être plus créatrices de TRANSFORMATIONS ÉCONOMIQUES ET AMÉNAGEMENT sur l’observation attentive de l’évolution urbaine et valeur sur le long terme. DU TERRITOIRE : QUELS ENJEUX ? le rôle déterminant des acteurs qui la conduisent, J’exprime ma profonde gratitude à Xavier Bertrand, elle intègre aussi cette prise de conscience que c’est 58 SÉMINAIRE 4 parrain du cycle qui s’achève : il a su apporter avec l’évolution du corps social de la Ville qui va forcer ÉCONOMIE ET TRANSFORMATION DU TRAVAIL : conviction et engagement le fruit de sa profonde la transformation profonde des structures immo- LA TRANSITION EST-ELLE POSSIBLE ? réflexion sur la question du travail à des acteurs qui bilières. Partout des frontières, qui paraissaient pourront s’en inspirer pour bâtir autrement. 64 SÉMINAIRE 5 immuables, se fissurent et deviennent poreuses TRAVAILLER DEMAIN : QUELS ESPACES ET QUELLES RELATIONS au changement : la sacro-sainte distinction « lieu Je salue également l’engagement de Johanna Rolland, À LA CITÉ ? de travail – lieu d’habitat » est remise en cause par maire de Nantes et présidente de Nantes Métropole, la liberté que les nouvelles technologies donnent à SÉMINAIRE 6 qui accompagnera la réflexion du prochain cycle : 70 chacun de travailler d’où il veut. Comment concevoir « Habiter la Ville de demain ». On l’a bien compris, GOUVERNANCE URBAINE ET TRANSITION ÉCONOMIQUE : QUEL RÔLE aujourd’hui des immeubles dit d’habitation sans il s’agit bien sûr de logements mais pas seulement ; POUR L’ACTION PUBLIQUE ? intégrer la fonction travail, tant par l’évolution des il s’agit aussi de la Ville et, plus particulièrement, de 75 SÉMINAIRE 7 appartements que par la conception, au sein même ces délaissées du développement urbain que sont des immeubles, d’espaces collectifs qui intègrent les métropoles moyennes. Le beau développement L’IMMOBILIER AU CŒUR DE CES TRANSFORMATIONS : QUEL FINANCEMENT, QUELLE RÉGULATION la fonction travail. Et que dire du co-working qui de l’agglomération nantaise nourrira spécifique- s’impose comme un complément naturel mais indis- ment cette réflexion. Décidément, la Ville de demain ET QUELLE FORME URBAINE ? pensable de tout immeuble de bureaux : plus qu’une est moins le fruit d’un rêve que l’œuvre des acteurs

soupape destinée à améliorer le taux d’occupation éclairés qui la construisent et qui la vivent. AVANT-PROPOS

6 7 LES ACTES LA VILLE DE DEMAIN : QUELLE PLACE POUR LE TRAVAIL ?

8 9 OUVERTURE DU CYCLE BERNARD STIEGLER DIRECTEUR DE L’INSTITUT DE RECHERCHE ET D’INNOVATION DU CENTRE POMPIDOU

La ville connectée, dont on parle beaucoup désor- Parallèlement à cette chute du QI, l’espérance Personnellement, je pense que l’Europe doit inven- mais, s’achemine de plus en plus vers ce que de vie diminue également. Il y a un peu plus d’un ter une véritable intelligence artificielle qui ne soit LA VILLE ORGANIQUE j’appelle la « ville automatique », ou vers ce que an, Paul Krugman révélait, en effet, dans le New pas une bêtise artificielle. Mais ladata economy l’on appelle aussi parfois la « smart city » . Per- York Times, que l’espérance de vie des classes telle qu’elle fonctionne aujourd’hui, qui peut nous LE CONCEPT D’EXOSOMATISATION sonnellement, je n’utilise pas ce terme parce que moyennes blanches est en train de s’effondrer. conduire soit vers la bêtise artificielle soit vers je pense justement que la ville automatique peut Par ailleurs, des chercheurs anglais et suédois l’intelligence artificielle, reconfigure absolument Pour traiter ces questions, il faut revenir aux travaux être la ville la plus bête du monde. Cela m’amène ont développé, dans le Journal of management tous les business models, et toutes les activités. menés par le mathématicien Nicholas Georgescu - donc à réfléchir à ce que pourrait être une ville de Londres, la théorie de la « stupidité fonction- Et ce, à l’heure de la robolution. Il y a un mois de Roegen, qui fut l’assistant de Joseph Schumpeter, vraiment intelligente. nelle » , qui serait inhérente au management des cela, j’ai vu fonctionner un robot suédois extraor- à Harvard, dans les années 1970. Celui-ci a pris de organisations contemporaines. la distance par rapport à la théorie de la destruc- La ville et, plus largement, le territoire sont appe- dinaire en Californie. Il s’agit d’un robot de nou- lés à redevenir la plateforme et l’espace où se Au moment où l’on parle de « société de la velle génération dont le prix n’est plus de l’ordre tion créatrice, en affirmant qu’il y avait des limites produit la « synthèse territoriale » au sens où, sur connaissance » et de smart city, la réalité nous de 1 ou 2 millions d’euros, comme ses prédé- à cette théorie et y en intégrant la question de l’en- un territoire, des employeurs, des habitants, des renvoie donc plutôt à l’émergence d’une société cesseurs, mais de seulement 30 000 euros. Or la tropie. Il est aujourd’hui souvent considéré comme entités administratives, des représentants poli- de la stupidité. Je ne dis pas cela pour le plaisir Chine vient de lancer un plan de production pour un décroissant, mais ce n’est pas du tout mon point tiques, des commerçants, des logiques diverses de dresser un tableau négatif, mais parce qu’il cent millions de ces robots. À Shenzhen, Foxconn de vue : selon moi, il nous invite plutôt à repenser et variées se synthétisent pour produire ce que est important de se préparer au pire. Il faut impé- est passé de 10 000 emplois remplacés par des la croissance tout à fait autrement, notamment au Bertrand de Feydeau appelait tout à l’heure rativement réfléchir aux enjeux qui sont ceux de robots à 100 000. Le but avoué de son président - travers du concept d’« exosomatisation ». « l’âme de la ville » . L’âme, en grec, la psyché, la smart city et, plus généralement, du territoire directeur général (PDG) est d’ailleurs de rempla- Ce concept a été forgé par un autre mathématicien, produit ce que les philosophes grecs appelaient connecté, saturé de capteurs, qui est en train de cer tous les ouvriers par des robots. Cette idée Alfred Lotka, spécialiste de la génétique des popula- la noèsis, c’est-à-dire la « pensée » . La vraie ville se mettre en place. Il faut inventer une nouvelle a fait beaucoup sourire il y a trois ans, mais elle deviendra de plus en plus le lieu de la synthèse intelligence fonctionnelle. est en voie de se concrétiser : Foxconn a investi tions. L’être humain, comme tous les êtres vivants, est organogénétique, c’est-à-dire qu’il produit des territoriale où se produit de la pensée. L’intelligence, en effet, procède de l’invention. Ce 17 milliards de dollars dans ce projet l’année der- n’est pas quelque chose que nous avons dans le nière. organes. La croissance d’un être vivant, ontogéné- Le fait, par exemple, que le dialogos, la controverse tiquement, est une organogenèse. À l’échelle phylo- dialectique que Platon a hérité de Socrate, se pro- cerveau en venant au monde. L’intelligence est un Enfin, tout cela se produit dans un contexte où, génétique, c’est une organogenèse qui se récapitule duise sur l’Agora, dans la ville, n’est évidemment objet social qui passe par des techniques et des par ailleurs, la mondialisation, qui est avant tout, technologies. Aujourd’hui, nous sommes confron- à travers toute l’histoire des êtres vivants depuis pas un hasard. La ville est un lieu où se produit un comme l’explique un livre formidable, une ques- tés à l’invention d’une nouvelle urbanité numé- l’origine de la première cellule et des premiers ver- nouveau type de pensée et d’intelligence. Car l’in- tion de conteneurs, est à présent mise en cause, rique ; or l’urbanité c’est l’intelligence. Si l’on dit tébrés, comme le montrent bien les planches de telligence évolue à travers le temps. J’entends ici non seulement en France mais aussi aux États- e que l’intelligence est une capacité relationnelle, Haeckel, même si l’on sait bien que celles-ci sont le mot « intelligence » au sens du 18 siècle, c’est- Unis. Une partie du succès du nouveau président cela signifie que l’urbanité est impliquée. Domi- à-dire au sens de « bonne intelligence » – avec des États-Unis, Donald Trump, tient en effet à sa caduques sur le plan scientifique. Le poulpe, par nique Boullier développe justement cette idée son voisinage notamment. L’intelligence est donc exemple, possède un œil identique au nôtre depuis d’urbanité numérique, qu’il est important de sou- dénonciation du processus de mondialisation. d’abord une capacité relationnelle. bien avant l’apparition de l’Homme sur terre. Cette ligner dans un contexte de data economy. Nous Voilà donc beaucoup de questions complexes qui capacité à fabriquer des organes est ce que l’on Or, cette définition est à mettre en parallèle avec sommes tous des producteurs de données exploi- permettent de réfléchir à ce que pourrait être une appelle une « organogenèse endosomatique ». Mais l’effondrement du Quotient Intellectuel (QI) que tées par des algorithmes produisant, nous dit-on, ville automatique , c’est-à-dire genuinely smart nous, les êtres humains, avons une organogenèse l’on constate actuellement dans le monde entier. une nouvelle forme d’intelligence. Mais cette intel- authentiquement intelligente. Il s’agit là d’un phénomène extraordinaire. D’in- ligence artificielle ne serait-elle pas plutôt, au exosomatique car nous fabriquons des objets. Cela nombrables facteurs de causalité attestent de fond, de la bêtise artificielle ? La question mérite a commencé il y a 3 millions d’années mais les linéa- cette même tendance à l’effondrement du QI. J’ap- d’être posée. Je travaillerai d’ailleurs sur ce sujet ments de cette possibilité remontent, en réalité, à pelle cela la « dénoétisation » , non par préciosité, dès l’année prochaine avec le Club Informatique l’époque où certains grands singes d’Afrique com-

mais parce que cela renvoie à des questions très des Grandes Entreprises Françaises (CIGREF) qui mencèrent à accumuler des roches basaltiques, il y OUVERTURE DU CYCLE précises ayant trait à la noèsis. s’intéresse à la fonction de l’intelligence artificielle. a 17 millions d’années.

10 11 Je ne m’appesantirai pas davantage sur l’explication Tout cela procède donc d’une histoire de l’écriture Aujourd’hui, la grammatisation est devenue numé- La croissance exosomatique territoriale, que ce soit de ces processus, qui ont été pensés par le philo- qui, aujourd’hui, s’écrit avec des 0 et des 1 et qui rique, avec pour conséquence une automatisation celle d’une ville, d’une métropole ou même d’un vil- sophe allemand Ernst Kapp de la fin du 19e siècle est lue à 200 millions de mètres par seconde par généralisée où se combinent à la fois la smart lage, territorialise une autorité. Une telle croissance récemment traduit en français. Si je vous en parle des machines. Sachant que la capacité de lecture city, la robolution et la data economy, et dont les exosomatique est « autorisée » , dans le sens où une c’est parce que je crois que la ville est aujourd’hui d’un être humain est de 60 mètres par seconde, retombées macro-économiques sont absolument autorité localise un esprit, ou une âme, un « esprit entrée dans une nouvelle phase de l’exosomatisa- cela signifie que les machines lisent 4 millions de immenses. C’est depuis ces éléments très géné- des lieux » comme on dit. Le territoire est animé tion. Une ville est un agencement d’organes exoso- fois plus vite que nous. Si l’urbanisation est liée à raux d’analyse qu’à Plaine Commune nous avons par une âme, elle-même fondée par une histoire matiques extrêmement complexe, avec des êtres l’histoire de l’écriture, il est important de prendre lancé un vaste programme de recherche sur ces plus ou moins monumentalisée, particulièrement qui vivent dedans. J’appelle cela un « exorganisme ». en compte le fait que nous sommes entrés dans questions pour tenter de développer une forme de en Europe. Cette âme, incarnée par des habitants Essayons de considérer cela d’un point de vue his- l’ère de l’écriture binaire, avec des performances de territoire apprenant et contributif, qui constitue au sens large, c’est-à-dire par tous ceux qui font torique et archéologique, et remontons le fil du vitesse sidérantes et des appareils qui permettent, un laboratoire vivant. Nous voudrions que tous les quelque chose dans le territoire, est installée par temps jusqu’au paléolithique supérieur pour voir notamment, à la National Security Agency (NSA) de habitants, au sens large, c’est-à-dire tant les rési- une animation au sens où des quartiers sont animés apparaître un processus que j’appelle, à la suite de surveiller madame Merkel. dents que les acteurs, les entreprises et les ser- tandis que d’autres le sont moins. Sylvain Auroux, philosophe français, la « grammati- vices publics, entrent dans une nouvelle dynamique. sation ». Cette animation provient également de toutes ÉCRITURE ET URBANITÉ sortes de caractères architecturaux, d’époques his- toriques, renvoyant à des oppositions entre vieux Cet agencement de territoires exosomatiques et DES ORIGINES DE L’ÉCRITURE quartiers et quartiers modernes ou entre éléva- de processus de grammatisation rend possibles À L’ÉCRITURE NUMÉRIQUE tion et horizontalité, par exemple. Et elle s’organise ces dynamiques urbaines qui nous intéressent Un bas-relief de la Grotte de la Vache, en Ariège, repré- DE NOUVEAUX ENJEUX TERRITORIAUX généralement autour d’unités qui peuvent être com- aujourd’hui. L’écriture alphabétique produit des sentant une lionne en train de courir, témoigne du merciales, productives, institutionnelles, cultuelles, citoyens en leur permettant de se brancher sur l’ur- fait que les hommes préhistoriques de cette époque éducatives, scientifiques, culturelles ou autres. Ainsi banité, c’est-à-dire sur ce que l’on appelait, chez les L’ÂME DE LA VILLE avaient une capacité à analyser le mouvement abso- se constituent territorialement des agencements Grecs, non pas « urbanité » , puisque urbs est un mot lument sidérante. On croirait voir des chronophoto- Notre sujet est la transition entre deux thèmes, qui fonctionnels qui instaurent des modalités plus ou grammes d’Étienne-Jules Marey. Cela a fait dire à latin, mais politeïa. L’école est donc une institution sont également portés par la Fondation Palladio, moins diversifiées de ce que Gilbert Simondon, un un archéologue, Marc Azema, que le cinéma com- de production du politique et c’est donc l’écriture à savoir la responsabilité sociétale et la place du philosophe français trop peu connu, appelait le mence là. Parce que le cinéma, c’est d’abord un qui fait la ville, historique et proto-historique, et travail dans la ville. Cette transition est au cœur du « processus d’individuation psychique et collective ». story-board. Personnellement, j’appelle cela de la objet de l’archéologie. Il y a toujours eu des scribes programme de Plaine Commune. Nous souhaitons y

« grammatisation » parce que cela témoigne, pour la dans les processus d’urbanisation, que ce soit développer une nouvelle logique en faisant en sorte LES PROCESSUS D’INDIVIDUATION première fois, d’une capacité à reproduire un mou- autour du pharaon, autour de l’empereur de Chine que ce territoire s’approprie les problématiques vement en le discrétisant, au sens mathématique du ou autour de l’empereur de Rome. Chez les Grecs, en de la smart city et devienne un territoire non plus Nous participons en ce moment même d’un tel phé- terme, c’est-à-dire en en dressant une liste finie de revanche, il n’y a pas de scribes puisque les citoyens consommateur de services offerts par les indus- nomène : pendant que je parle, je m’individue, « je caractères spécifiques. eux-mêmes sont devenus scribes. En fait, ils ne sont triels de la société urbaine dans une démarche deviens ce que je suis », comme disait Pindare, je plus à proprement parler des scribes : ils forment la exosomatique mais un territoire prescripteur, Puis, au cours du néolithique, on voit apparaître les me réalise en m’extériorisant. Et j’essaie de faire en politeaïa, la citoyenneté. c’est-à-dire un partenaire et un développeur de tels premières formes d’écriture, idéogrammatiques, sorte que vous vous individuiez avec moi en m’écou- services. À travers cela, de nouvelles logiques de hiéroglyphiques, etc. qui conduiront ensuite à l’écri- Ces processus de grammatisation ne concernent tant. Ce processus d’individuation (qu’il ne faut pas développement économique et de macroéconomie ture alphabétique et à l’apparition d’une institution pas uniquement l’intellect mais aussi les gestes. confondre avec un processus d’individualisation : se mettent en place, ainsi que de nouveaux types de extrêmement importante qui verra le jour dans la Le métier Jacquard tel qu’on peut le voir au musée l’individuation est un processus dynamique, tan- réseaux, en lien, notamment, avec Orange. Grèce ancienne : l’école. L’école va rendre possible des techniques du Conservatoire National des Arts dis que l’individualisation est un résultat statique) l’émergence de la citoyenneté, c’est-à-dire d’une et Métiers (CNAM), par exemple, a transformé Le travail et la ville sont évidemment consubstan- se poursuivra tout à l’heure par une séance de forme d’urbanité reposant sur l’intériorisation de le travail. Adam Smith puis Karl Marx ont décrit tiels, nous le savons depuis fort longtemps. Mais qu’y questions-réponses et, peut-être, bien au-delà, par la grammatisation par les individus. Cela va chan- cela comme un processus de prolétarisation : les a-t-il de neuf à cet égard ? Une ville est la concrétion d’autres sortes d’événements. Car Gilbert Simondon ger leurs relations très profondément. Et c’est à ouvriers perdent une partie de leur savoir qui passe sociale d’une société en train de se faire exorga- a montré que l’on ne peut pas s’individuer psychi- partir de là que l’écriture alphabétique commence dans les machines. De plus en plus, ils deviennent niquement. Elle ne croît pas seulement exosomati- quement, c’est-à-dire soi-même, sans participer à à jouer un rôle de premier plan en Occident et nous des employés et de moins en moins des travailleurs, quement parce que ce ne sont pas seulement des des processus d’individuation collective – tels que conduira, peu à peu, à ce phénomène gigantesque et c’est-à-dire des gens qui développent du savoir. organes qui s’ajoutent à mon corps : elle produit des la vie culturelle, la vie familiale, la vie municipale, la presque terrifiant qu’est l’urbanisation du 19e siècle. Enfin, cette grammatisation va non seulement faire exorganisations. Une entreprise, par exemple, est vie professionnelle, sportive, etc.). Cela pose le problème de ce que j’appelle les « ter- évoluer les contenus mentaux et les gestes mais une exorganisation. Cela se produit à un rythme qui, La question de l’âme d’une ville suppose donc de ritoires exorganiques » – nous, les êtres humains, aussi nos perceptions au travers, par exemple, depuis le 19e siècle, s’est considérablement accéléré s’interroger sur la manière dont s’agencent ces vivons sur des territoires exorganiques. Cela signi- des projecteurs cinématographiques. Tout cela et qui a engendré ce que l’on appelle l’« Anthropo- processus d’individuation psychique et collective en fie que, pour faire un territoire, nous devons agen- transforme les organes endosomatiques qui se cène ». Si l’on compare, par exemple, le temps qu’il relation avec ce que j’appelle, moi, le « processus cer des organes de toutes sortes : un smartphone, couplent avec les organes exosomatiques. Et nous fallait au Moyen âge pour construire une cathédrale d’individuation technique ». Car ce qui conditionne une route et une automobile, par exemple. Comment en arrivons, finalement, au 20e siècle, à l’apparition et le temps qu’il faut aujourd’hui pour bâtir une tour la relation entre l’individuation psychique et l’indi- faire pour qu’une automobile équipée d’un smart- de l’informatique, qui va, elle, permettre une trans- en Chine, on ne peut qu’être saisi : c’est ce que j’ap- viduation collective, ce sont des médias techniques, phone ne détruise pas les autres automobiles ? Ce formation très profonde de l’entendement, c’est-à- pelle la « disruption » . Comment peut-on penser une qui peuvent être des silex taillés, des smartphones,

sont des problèmes d’économie exosomatique et dire de nos capacités analytiques – individuelles et ville capable de construire des bâtiments de 300 des automates, des algorithmes ou autres. Or, il OUVERTURE DU CYCLE d’économie urbaine. collectives. mètres de hauteur en un rien de temps ? faut garder à l’esprit que la technique peut aussi

12 13 détruire l’individuation collective, la court-circui- Aujourd’hui les réseaux sociaux reconfigurent très fait-elle corps ? Comment différents organismes ter et la ruiner. Parce que la technique est ce que profondément les relations sociales, dans les villes VERS UNE DISRUPTION À LA FRANÇAISE exosomatiques font-ils corps ensemble dans une Socrate appelait un pharmakon, c’est-à-dire un poi- en particulier, parce que les réseaux sont plus ville, lorsqu’il y a en permanence des conflits entre son qui est aussi un remède. développés dans les villes que dans les campagnes, LA VILLE DÉLIBÉRATIVE les temps et les espaces urbains ; entre un centre commercial et l’annihilation d’un centre-ville, par Une politique urbaine est donc une politique qui évidemment. Ils sont fondés sur la captation de don- La ville intelligente vraiment intelligente doit donc exemple ? Et comment conçoit-on les processus d’in- doit s’efforcer d’augmenter la remédiation tech- nées par des sociogrammes, dont la paternité doit s’emparer des processus automatisés, non pas pour dividuation dans un exorganisme qui se transforme nique et de diminuer la toxicité technique. Le pro- être attribuée au chercheur américain Jacob Levy les limiter ou les interdire mais pour les prescrire, sans cesse ? Car, à la différence des organismes Moreno, et ils sont relayés par un exorganisme pla- blème, évidemment, est que cela crée des conflits en définir les périmètres, les performances et les endosomatiques, c’est-à-dire des êtres vivants, d’intérêts. Telle entreprise qui produit telle chose nétaire constitué d’une ceinture de satellites située caractéristiques fonctionnelles, autrement dit pour notre structure organique évolue sans arrêt. Les génère une certaine toxicité mais simultanément à 36 000 km de la Terre. Il existe des satellites ayant faire ce que l’on appelle du « design territorial » êtres vivants ont une structure qui évolue de temps aussi une remédiation sur d’autres plans. La ville toutes sortes de fonctions, tels que les satellites à et prendre en charge aussi bien la responsabilité en temps, sporadiquement. Mais nous, nous trans- est donc toujours un lieu de conflits, surtout lors- défilement qui permettent de vous localiser par Glo- sociétale que la question du travail, de l’avenir de formons sans arrêt notre organisation, et de plus en qu’elle accélère son développement. C’est pourquoi bal Positioning System (GPS), à tel point d’ailleurs l’économie et de la macroéconomie. Cela n’est pos- plus vite. Comment cela est-il possible ? La réponse sible qu’à la condition d’agencer les divers proces- le concept d’exosomatisation développé par Nicho- que l’orbite terrestre est en train de devenir une des transhumanistes consiste à dire qu’il suffit de sus d’individuation psychique et collective. Tel est le las Georgescu-Roegen à partir des travaux d’Alfred véritable poubelle. Mais toujours est-il que cet exor- tout automatiser. Je ne le crois absolument pas. Car projet de Plaine Commune, qui vise à agencer, par Lotka est extrêmement important. Il modifie en effet ganisme extraterrestre rend possible une nouvelle nous sommes non seulement des organismes endo- les concepts de base de la biologie, de la zoologie exemple, le siège social de la Société Française de territorialisation sur les exorganismes territoria- somatiques, mais nous nous transformons sans et de l’archéologie. C’est donc une révolution épisté- Radiotéléphonie (SFR), le Conseil communautaire, la lisés. Enfin, il s’articule évidemment avec d’autres cesse avec les exorganismes dans lesquels nous mologique qui se profile derrière ce concept. Chaire de recherche contributive ou encore les habi- réseaux, tels que les réseaux de câbles de fibre sommes : nous nous transformons et nous transfor- tants de Saint-Denis, de la Courneuve et d’Aubervil- mons ces exorganismes, dont l’Institut Palladio est Des gens qui travaillent ensemble depuis 20 ans optique dans lesquels les informations circulent à liers, dans des logiques nouvelles en s’emparant de un exemple. dans une entreprise appartiennent à un proces- 200 millions de mètres par seconde, c’est-à-dire aux l’individuation technique, c’est-à-dire en devenant sus d’individuation psychique, collective et tech- deux tiers de la vitesse de la lumière, soit deux fois capables de produire, sur ces fonctionnalités tech- Depuis le 20e siècle, les transformations sont pas- nique qui caractérise précisément l’unité de cette plus vite que la foudre, c’est-à-dire deux fois plus niques, des bifurcations. sées aussi par des modes de construction. Les entreprise, laquelle est elle-même territorialisée. vite que Zeus. grands ensembles qui sont apparus autour des La ville, en effet, additionne de tels processus d’in- J’appelle cela la « disruption à la française ». Il n’y a grandes villes, dans le 95 notamment, et qui sont dividuation qui peuvent être ceux d’une entreprise, Tout cela engendre une dynamique territoriale aucune raison, en effet, pour que ce soit la Silicon aujourd’hui progressivement détruits, ont vu le jour d’une église, d’une association, d’un mouvement locale, nationale et continentale énorme qui affecte Valley qui définisse ces fonctionnalités. Notamment dans un contexte qui est celui de l’Anthropocène. parce que le World Wide Web, qui est à l’origine de politique, d’artistes ou d’habitants ; mais ces pro- tous les appareillages de gestion prévisionnelle L’Anthropocène est destructeur – mais la destruc- tout cela, vient d’Europe et non de la Silicon Valley. cessus d’individuation sont eux-mêmes des excrois- des territoires, tant en ce qui concerne leur popu- tion créatrice aujourd’hui ne devient-elle pas une Reprenons donc l’initiative ! Je ne dis pas cela contre sances de l’exosomatisation territoriale. Tout cela destruction destructrice ? N’est-elle pas en train de lation d’habitants, de visiteurs, de producteurs, de les États-Unis – d’ailleurs je travaille moi-même avec suppose donc que se soit formé, entre le système détruire l’esprit même de la modernité, de la crois- consommateurs, que des flux qui les traversent : la Silicon Valley – mais parce que nous avons besoin technique et le territoire, un processus d’individua- sance et du développement ? Au cours de sa dernière flux financiers, flux de données, flux d’automobiles, de produire ce que j’appelle de la « noo-diversité » et tion technique territorialisé et stabilisé, à partir phase, l’Anthropocène est devenu disruptif : le sys- flux de vélos, etc. Or une telle gestion est tout de pas seulement de la biodiversité. Nous avons besoin duquel vont pouvoir se développer ce que Bertrand tème technique devenu biosphérique se développe même le B.A.-BA d’une politique urbaine. C’est donc de réarmer l’intelligence. Or, c’est précisément cela à une vitesse telle qu’il désintègre tous les exorga- Gille appelle des « systèmes sociaux » , c’est-à-dire face à toutes ces questions qu’il faut concevoir une l’intelligence : c’est ce que j’appelle la « noo-diver- le système de l’éducation, le système de la parole, nismes qui ne sont pas adaptés. C’est à partir de ces ville vraiment intelligente. Cela représente beau- sité. » le système de la fiscalité, le droit, l’économie, etc. considérations très générales et dans ce contexte coup de travail, en cette période de forte croissance Il n’y a que comme cela que nous pourrons inven- particulier que le projet de Plaine Commune vise à de la bêtise, car cela signifie qu’il faut inverser une ter une réticulation territoriale qui parvienne à constituer un nouveau territoire « apprenant », au LA SYNTHÈSE TERRITORIALE dynamique qui est devenue négative. Or on ne peut reconstituer une dynamique territoriale produisant sens de Pierre Veltz, un territoire qui serait capable Le plateau territorial crée donc une synthèse terri- pas inverser cette dynamique si l’on ne prend pas un esprit des lieux et une animation locale positive de penser et de territorialiser ces questions afin de toriale de différents types de processus d’individua- conscience de cette négativité. dans un contexte où il s’agit de repenser les rap- devenir un territoire de référence et un territoire ports entre travail et société au moment du déclin prescripteur. tion psychique, collective et technique. Aujourd’hui Je précise que nous sommes tous affectés par cela : irrémédiable de l’emploi. Le journal bruxellois Le nous devons penser ce phénomène en tant que tel. À l’origine de Plaine Commune, il y a une coopérative il ne s’agit pas de dire qu’il y a des gens bêtes et Soir, relayant les analyses d’Oxford, du Massachus- Nous l’avons pratiqué pendant des siècles sans de communes, qui a été fondée dans les années 1990 d’autres intelligents. J’observe cette tendance à la set Institute of Technology (MIT) ou encore de l’Ins- le savoir, comme monsieur Jourdain faisait de la par Patrick Braouezec avant de devenir ce qu’elle est bêtise chez moi lorsque, par exemple, je vais me titut Bruegel, affirme en effet que 50 % des emplois prose, mais maintenant il faut le thématiser. La dis- aujourd’hui. Cette coopérative de communes fut la précipiter pour consulter mon smartphone au sor- sont menacés d’automatisation. Tous ces emplois ruption nous y oblige parce qu’elle pose des défis constitution d’un nouveau corps exorganique sur le tir de cette réunion au lieu de prendre le temps de ne seront certes pas nécessairement automatisés, tout à fait nouveaux à cet égard. L’exosomatisation territoire de la Seine–Saint-Denis. Ce nouveau corps mais la tendance est quand même très nette. Et tout numérique est un nouveau stade de l’exosomati- réfléchir à ce que j’ai entendu ce matin. Je suis moi- exorganique est désormais en mesure d’impulser un le monde s’y prépare. sation qui peut conduire à la ville automatique, même happé par le marché et nous le sommes tous : nouveau type de développement, une nouvelle dyna- laquelle est une bêtise artificielle produite automa- nous sommes victimes d’un capitalisme addictif non Or, si la ville est censée faire corps autour de l’em- mique. Des corps exorganiques se produisent ainsi tiquement, ou bien à la genuinely smart city, dans délibéré qui repose sur des processus dont il nous ploi, autour de quoi fera-t-elle corps si l’emploi sur d’autres corps exorganiques et rassemblent des

laquelle les données permettraient de produire véri- faut maintenant faire une critique pharmacologique décline ? C’est une question que posait déjà Baruch corps exosomatiques qui sont nous-mêmes, c’est- OUVERTURE DU CYCLE tablement de l’intelligence. pour mettre en évidence leur négativité. Spinoza en son temps : comment une collectivité à-dire des êtres vivants, des êtres humains. Nous

14 15 nous individuons collectivement mais nous nous exclusives d’accès à des fichiers de renseignements, l’esprit d’un lieu et qui créent l’attractivité. Nous parce qu’elle va 4 millions de fois plus vite que nous désindividuons aussi, parfois, lorsque cela ne fonc- à des armes, à toutes sortes de moyens coercitifs, n’avons plus envie de partir d’une ville lorsque nous et nous précède sans cesse. Elle nous fait faire des tionne pas. etc. Les instruments de prise de conscience sont nous sentons faire partie de cette ville. Mais mal- choses que l’on ne voulait pas faire, mais l’on ne donc diversifiés, ils sont parfois exclusifs, et il faut le heureusement les villes sont, comme chacun sait, s’en aperçoit même pas : nous sommes devenus des Cet établissement s’est donc originellement conçu savoir, puisque c’est la condition de la République. de plus en plus hantées par le mal-être urbain. La marionnettes numériques sans nous en apercevoir. comme une coopérative de villes, de communes. Dans le cadre de ce projet à Plaine Commune, nous ville, et pas simplement la banlieue, est de plus en Mais nous nous proposons aujourd’hui de faire de La ville disruptive vraiment intelligente, c’est-à-dire pensons que tous ces instruments sont à repenser plus vécue comme « inurbaine » , si j’ose dire, plutôt Plaine Commune une coopérative de savoirs dans vraiment urbaine et donc vivable, désirable, attrac- en profondeur. La prise de conscience et ses instru- qu’inhumaine. Est-il possible de concevoir une cité ces villes. En travaillant ensemble, elles produisent tive, est possible à la condition de réinventer la ments, généralement mis en œuvre par des insti- vraiment intelligente inventant l’ère d’une urbanité en effet du savoir sur lequel il s’agit de capitaliser société automatique dans chaque ville. Il faut faire tutions, sont la condition de la citoyenneté, qui est numérique et inversant l’inurbanité de la ville auto- en s’appuyant sur un réseau de formation et de de chaque ville un laboratoire de production d’une toujours l’expression de rapports pacifiés. matique, non pas en rejetant les automates, mais en transmission de savoir d’un nouveau type. Pour société automatique réellement sociale et sociable. Il se les appropriant ? Ce malaise qui est très directe- ce faire, nous sommes en discussion avec Orange La citoyenneté est un pacte social, en effet : elle est faut utiliser ces automates pour se désautomatiser, ment lié à ce que je décris sous le nom de « bêtise et avec Dassault Systèmes, partenaires de ce pro- ce qui permet de faire la paix. La paix civile, d’abord, parce que les automates permettent de gagner du systémique », ou functional stupidity, laquelle s’ar- puis la paix entre les nations, qui est une grande gramme, pour prescrire de nouvelles architectures ticule avec la diminution de l’espérance de vie et temps, or le temps permet de réfléchir. La réflexion question pour l’Europe, et enfin la paix entre les de données permettant de repenser le Web afin de le déclassement des populations, génère un blues s’appelle la délibération, et la délibération est une acteurs économiques. Car, aujourd’hui, la guerre créer un réseau territorial facilitant l’agencement général. Comment faire pour que ce malaise ne soit désautomatisation. Il s’agit, en fait, de ne pas tou- n’est plus seulement une guerre entre les nations, des exorganismes. pas aggravé par le processus disruptif dont la ville jours répéter la même chose. Encore un centre com- même s’il y a encore des guerres évidemment, mais mercial, encore un Président de la République, etc. En effet, cet exorganisme relativement récent qu’est automatique est le nouveau chapitre ? une guerre économique qui, à un moment, finit par Peut-être faut-il inventer des choses nouvelles ? Si Plaine Commune rencontre des difficultés inhé- basculer dans la destruction destructrice au lieu de La disruption est ce qui produit des courts-circuits on ne le fait pas, on va vers une catastrophe. Tout le rentes à tous les territoires : comment faire béné- s’en tenir à la destruction créatrice. Cela ne signi- et consiste à prolétariser les individus. J’utilise ici monde le pressent à l’heure actuelle. Mais cela n’est ficier d’une dynamique du sud du département, un fie pas qu’il faut en finir avec la compétition car la le mot « prolétarisation » dans son sens originel de possible qu’à condition que cette cité soit aussi et exorganisme du nord, par exemple ? Ce problème, compétition n’est pas forcément la guerre : les Jeux « perte de savoir » . C’est d’ailleurs ainsi que Marx d’abord un lieu où l’on pense l’agencement entre les qui se pose au sein des organismes territoriaux olympiques étaient d’ailleurs une institution de la et Engels la définissent en 1848 : un prolétaire est automates et les processus de désautomatisation, à en général, doit être pensé, conçu et résolu par la paix entre les cités grecques et même avec les dieux. quelqu’un qui a perdu son savoir-faire, lequel est tous les niveaux : dans l’enseignement, dans les ser- concrétisation nouvelle d’exorganismes déterri- Mais il est absolument fondamental de trouver un passé dans les machines et est prescrit par un vices publics, dans les administrations et, évidem- torialisés tels que des réseaux sociaux, des plate- nouveau pacte dans un contexte où, outre la diminu- bureau d’études, par des ingénieurs. J’ai essayé ment, dans les entreprises. formes planétaires, réticulaires, sur lesquelles il tion de l’espérance de vie et du QI, on peut s’attendre de montrer dans mes livres que la prolétarisation, s’agira de se greffer, tout comme Plaine Commune à une extrême augmentation de la violence. après avoir frappé les producteurs, s’est attaquée Cela se fait déjà dans les écoles d’art, puisqu’un s’est greffé sur le département. Il faut que le dépar- de même aux consommateurs. Ce n’est plus nous, artiste est précisément quelqu’un qui utilise des Or, pour instaurer cette paix, nous avons besoin tement, à travers Plaine Commune, se greffe sur ces en effet, qui produisons le savoir-vivre mais les automatismes pour désautomatiser une pratique. d’élaborer, en France et en Europe, mais d’abord technologies. Mais pour pouvoir s’y greffer, il faut agences de marketing, les designers, etc. Enfin, De même, pour piloter une automobile qui roule à l’échelle territoriale qui est beaucoup plus per- d’abord les changer. Il ne faut jamais s’adapter à même le haut du panier se prolétarise désormais à 400 km/h, il faut que le pilote se soit totalement tinente que l’échelle de la République, une géo- un milieu, en effet, mais le transformer c’est-à-dire puisqu’Alan Greenspan, le président de la Réserve intégré aux automatismes de la voiture, sans quoi il politique pour permettre la concrétisation d’une s’en emparer, en devenir un partenaire et non pas fédérale, s’est défendu devant le Congrès américain, tuerait tout le monde sur le circuit. Mais ce qui fait politique territoriale de l’exosomatisation par des une proie, puisqu’un territoire est toujours aussi un en octobre 2008, en affirmant qu’il n’était pas res- qu’il va gagner la course, c’est sa capacité à désau- politiques coopératives de l’exosomatisation. Les e territoire de chasse. Telles sont les questions que ponsable de la crise, ayant été dépossédé de son tomatiser les automates. Et cela se joue à 1/100 de habitants de nos territoires urbains doivent devenir doit se poser une genuine smart city : elle doit pres- savoir par les algorithmes. seconde. L’exosomatisation, c’est exactement cela. crire de façon délibérative ses agencements avec les coopérateurs d’une exosomatisation délibérée, Parce que produire un nouvel organe exosomatique, d’autres réseautages sociaux et d’autres exorga- c’est-à-dire voulue, désirée, consciente. Cela est Adam Smith, grand penseur du libéralisme, a posé c’est toujours produire ce que l’on appelle, en théo- nismes locaux. tout à fait possible. À une certaine époque, on disait ces questions dès 1776. L’automatisation, qui était rie des systèmes, une « bifurcation » : pour faire que de Nantes qu’elle était le territoire le plus désiré à l’origine de la prolétarisation qu’il décrivait, a les territoires soient producteurs de bifurcations, La ville de demain doit donc redevenir délibéra- de France. Jean-Marc Ayrault était d’ailleurs très ensuite été transformée par la taylorisation, qui est c’est-à-dire producteurs d’avenir, de noo-diversité, tive. Cela est-il possible à l’époque de l’automatisa- un nouveau stade de l’automatisation. Cela a provo- sensible à la notion de « marketing territorial » et il faut une vie locale citoyenne qui se donne des tion intégrale et généralisée ? Il existe aujourd’hui qué par la suite une prolétarisation non simplement à l’idée que les territoires sont attractifs d’abord infrastructures et des réseaux de communication beaucoup d’usines dans lesquelles on ne trouve des ouvriers mais également des agents de maîtrise par la qualité de leur population et non par le bord spécifiquement conçus en vue de la valorisation des absolument aucun ouvrier. Affronter de telles ques- et des techniciens… jusqu’à Alan Greenspan qui, mis de mer ou les monuments historiques. Et je suis automatismes dans la ville automatique pour per- tions suppose de créer une conscience territoriale en cause, se défend en disant qu’il est prolétarisé. convaincu que, demain, les territoires qui auront mettre la désautomatisation. garantissant de faire un corps territorial. Cette passé un pacte territorial de coopération sauront Puis, après la taylorisation, sont arrivées les indus- conscience est loin d’être simplement citoyenne. Elle attirer énormément d’acteurs et d’investisseurs. tries culturelles, qui ont permis de contrôler les l’est, bien entendu, mais tout l’enjeu consiste à spé- LA NÉGUANTHROPOLOGIE, modes de vie par la grammatisation de la percep- cifier d’emblée la place de la citoyenneté dans cette OU L’ART DE FABRIQUER DE LA DIVERSITÉ tion, qui fait que l’on assiste à des spectacles de conscience. Car, une conscience, cela se prend. On LA VILLE DÉSAUTOMATISÉE vie que l’on ne vit pas soi-même. On vit par procu- Il y a une douzaine d’années, Jean-François Caron, prend conscience. Les villes sont des processus organiques au sein ration, ce qui peut engendrer une certaine bêtise. maire de Loos-en-Gohelle, m’avait beaucoup impres- Or il existe des instruments de prise de conscience desquels se produisent des formes de vie, c’est- C’est ce que j’appelle la « prolétarisation totale du sionné en m’expliquant que les capteurs installés

et des pratiques légitimes, parfois exclusives, de tels à-dire des processus d’individuation psychique, col- consommateur » . Et maintenant, la data economy dans sa ville par Orange ne visaient pas à déclencher OUVERTURE DU CYCLE instruments. La police, par exemple, a des pratiques lective et technique, qui instituent plus ou moins pousse cette prolétarisation beaucoup plus loin des automatismes, mais des réunions d’habitants

16 17 pour les inviter à réfléchir sur l’avenir de leur ville. que les réseaux sociaux sont apparus, et non plus merie. Aujourd’hui, nous sommes à l’époque d’une À la fin de Tristes tropiques, Claude Levi-Strauss Il s’agit là d’un exemple de ville automatique vrai- un lieu où l’on produit de la délibération, de l’intelli- imprimerie numérique faite de 0 et de 1 et il nous affirme que l’homme ne produit que de l’entropie ment intelligente. Il faut construire des ensembles gence et de la diversité. faut complètement réinventer les formes de savoir. et qu’il est une catastrophe pour la planète. Je d’instruments de désautomatisation délibérative, suis profondément en désaccord avec cette idée. Notre ambition, à Plaine Commune, est de fabriquer Cela suppose de revisiter ce qu’est le savoir lui- pour gagner du temps avec les automates et veiller L’homme est un être vivant d’un nouveau type, exo- de la néguentropie. L’économie de l’Anthropocène même en relisant par exemple Sadi Carnot, qui a à ce que ce temps gagné n’aille pas enrichir encore somatiquqe, et c’est ce que l’anthropologue ne com- produit, en effet, énormément d’entropie. Des gaz à posé le problème de l’entropie pour la première fois la Silicon Valley en allant s’additionner, par exemple, prend pas. Claude Levi-Strauss disait qu’il faudrait effet de serre, notamment, qui détruisent les grands en 1824. Cent vingt ans plus tard, Erwin Schrödinger aux quelque 100 milliards de dollars de cash déte- substituer au mot « anthropologie » le mot « entro- équilibres de la biosphère et nous condamnent à affirmait que ce qui caractérise le vivant est qu’il nus par Google. Il faut exploiter ce temps gagné par pologie » , à quoi je réponds qu’il faut faire de la mort à brève échéance. D’ici 30 ans – selon le rap- échappe, temporairement et localement, à l’entro- les automates pour construire un avenir afin que la néguanthropologie – à l’heure où, par ailleurs, nous port 2014 du GIEC –, nous pourrions être pris dans pie. Un être vivant, en effet, est une «machine » ther- jeunesse de nos territoires puisse s’y épanouir. un processus irréversible de destruction de notre voyons se développer un projet extrêmement dan- modynamique qui inverse ou diffère l’expression de gereux, celui de Ray Kurzweil, directeur technique Il faut, pour cela, entièrement repenser le World écosystème. Tel est l’enjeu. Il est donc urgent de l’entropie. Nous avons cette capacité à produire et à produire de la néguentropie. Aujourd’hui, notre éco- de Google, qui a créé l’Université de la Singularité et Wide Web, qui est à l’origine de l’explosion disrup- conserver de la chaleur, c’est-à-dire de la néguentropie. tive du numérique. En effet, ce n’est pas Internet, nomie est une économie de l’entropie parce qu’elle qui nous promet l’immortalité. N’importe quelle per- qui existe depuis les années 1970, mais le Web qui repose sur des économies d’échelle qui conduisent Aujourd’hui le monde humain, qui a produit de l’exo- sonne ayant une petite culture scientifique sait qu’il a rendu possibles toutes ces dynamiques nouvelles. à des processus entropiques. Or il ne s’agit pas seu- somatisation pour augmenter la néguentropie, c’est- s’agit d’une incommensurable escroquerie, mais Il faut donc le reconfigurer intégralement, puisqu’il lement de consommation d’énergie et de dissipa- à-dire son espérance de vie et son intelligence, est derrière cela se profile l’ambition de développer un tion de dioxyde de carbone (CO modèle de l’automatisation totale – qui est, outre a été prescrit et contraint par les plateformes déve- 2) : l’entropie, au sens en train de devenir de plus en plus bête, de vivre de loppées aux États-Unis et ne fonctionne plus du tout large du terme, c’est la disparition de la diversité en moins en moins longtemps, et il se poubellise. Mais qu’entropique sur le plan environemental, tout à fait comme ce pourquoi il était fait au départ. L’ambi- règle générale. il est possible de changer cela grâce à la néguentro- insolvable sur le plan économique. tion du Centre Européen de la Recherche Nucléaire Les villes sont des lieux de savoir. La première uni- pie puisqu’un être humain produit des organes arti- Autour de Plaine Commune, nous essayons de déve- (CERN) était d’en faire un outil au service de la versité a vu le jour à Bologne, à l’initiative de l’empe- ficiels et n’est donc pas néguentropique à la manière lopper une nouvelle logique : nous avons créé une diversité des points de vue et de leurs confronta- reur Frédéric Barberousse qui était en conflit avec des autres êtres vivants : il est néguentropique en Chaire de recherche contributive, nous essayons de tions délibératives. Mais aujourd’hui, le World Wide le pape et qui a donné aux clercs de sa ville la pleine produisant des organes artificiels qui peuvent aussi faire venir des doctorants auxquels nous deman- Web Consortium est essentiellement un organe de autonomie. Oxford et la Sorbonne ont suivi peu être toxiques. C’est ce que j’appelle la néguanthopie. dons de travailler avec les habitants du territoire recommandation résultant de débats entre acteurs après. Une ville vraiment vivante, vraiment intéres- C’est pourquoi nous avons besoin de savoir pour et nous essayons d’inventer une économie contribu- économiques où les lobbyistes de la Silicon Valley sante, vraiment intelligente est une ville qui s’em- apprendre à produire avec ces organes artificiels tive solvable qui soit une économie de la néguentro sont omniprésents. Le Web est devenu une plate- pare des techniques de l’époque. Il y a eu les villes de la néguanthopie plutôt que de l’entropie. Cela est pie et qui repose sur un revenu contributif. forme visant à capter de la data, surtout depuis d’avant l’imprimerie et les villes d’après l’impri- tout à fait possible. Rejoignez-nous !

« Ce texte est la retranscription de l’intervention de Bernard Stiegler au colloque d’ouverture du cycle 2017 de l’Institut Palladio du 24 novembre 2016 ». OUVERTURE DU CYCLE

18 19 20 21 sant le soin à apporter au corps pour qu’il pérennise relève le défi démographique, celui de la concentra- GILBERT une certaine qualité de vie, malgré l’accroissement tion dans les villes (lieux d’innovation), et celui de de la longévité. l’inclusion de tous dans ce nouveau mécanisme de EMONT développement. DIRECTEUR La métropole moderne, sorte de mariage, comme le DE L’INSTITUT PALLADIO résume avec humour Jean Viard, entre Haussmann Car, dans le même temps où se développe ce MISE EN et le Club Med, doit faire face à des besoins qui vont grand mouvement d’urbanisation de la planète et de l’attractivité pour les classes créatives motrices où s’accomplit la transition démographique vers PERSPECTIVE du développement, à la transformation de l’innova- des vies plus longues et diversifiées, un change- tion en emplois de demain, et à l’accompagnement ment radical de paradigme économique apparaît, de la « silver économie » générée par l’émergence de associé à la nécessaire transition énergétique. la classe des séniors. Mais c’est aussi elle qui doit assurer l’inclusion des populations fragiles, parfois réfugiées et porteuses d’un récent et douloureux passé, et moins aptes à faire face aux défis qu’exa- Le temps n’est pas si lointain où le mouvement cerbent les effets d’une économie mondialisée. LE BOULEVERSEMENT DE pendulaire des week-ends témoignait d’une oppo- LA NOUVELLE RÉPONSE INDUSTRIELLE LA GÉOGRAPHIE ÉCONOMIQUE sition dominante entre la ville où l’on travaillait AU DÉFI DÉMOGRAPHIQUE Et il est parfois injuste de pointer du doigt l’exis- la semaine, et l’arrière-pays (campagne, bord tence de la pauvreté et du dénuement de certaines L’affirmation de l’anthropocène, c’est-à-dire d’une de mer, montagne, selon les régions) où l’on se populations dans les métropoles quand c’est juste- Peut-on dès lors tabler, en combinant la double évo- ère où l’humanité se comporte comme une force ressourçait (résidence secondaire/maison des ment l’aptitude de ces dernières à produire de l’ac- lution de l’espace occupé et du temps de la vie, sur géologique, la confronte à cette responsabilité nou- ascendants) le week-end. l’émergence de territoires urbains dont l’organisa- tivité et, donc, de la richesse, qui envoie vers elles ceux qui n’ont aucune chance de trouver ailleurs velle : la menace sur son propre biotope dans une Mettant fin à la société d’immobilité marquée par tion continuerait à être dictée par celle du travail ? une solution à leur situation précaire. planète en réchauffement du fait du stockage car- son ancrage rural (80 % de la population il y a un Et ce, tout particulièrement, au sein des grandes bonique, et donc la nécessité de recourir à d’autres siècle), cette nouvelle société opposait, pour le métropoles marquées par une dynamique spéci- Mais si le travail constitue quantitativement une énergies pour fonder durablement la croissance plus grand nombre, sur la base de « lieux » spé- fique dans le développement d’un emploi de demain fonction moins dominante au sein des espaces indispensable. cifiques, les fonctions de travail et le ressource- fondé sur l’économie de la mobilité, de l’échange, de urbains de demain, il reste une valeur majeure de Jean Carassus7 nous rappelle les principales rup- ment. l’innovation qu’elle fertilise, de la concentration des la société qui supporte difficilement la perte de startups qui le créent, en particulier dans le champ dignité que provoque le manque d’emploi, même si tures énergétiques qui, de pair avec de nouvelles Bien sûr les choses ont mis du temps à s’affirmer du numérique. les mécanismes de solidarité y sont nombreux. capacités de production, ont jalonné l’histoire des pleinement, mais l’on peut aujourd’hui s’interro- Hommes. Les deux premières révolutions indus- Et si la société devient très majoritairement urbaine, ger sur cette primauté donnée au travail dans Et si l’emploi pour le plus grand nombre reste un trielles (vapeur/charbon, puis moteur à explosion/ avec une proportion limitée de personnes au travail, la perception de l’espace urbain qui regroupe objectif, en particulier pour des raisons de morale pétrole) ont bouleversé le cours de l’Histoire de d’autres composantes deviennent majeures dans désormais l’essentiel de nos concitoyens. collective, le développement du travail et la création grandes régions du monde passées de l’état agri- l’organisation de la ville. de valeur restent au cœur d’une société confrontée cole à l’état industriel sans retour possible à leur D’abord, parce que la définition des espaces (de Le temps réparti semble la clé de cette compré- à une croissance démographique inédite, comme état initial, ni à un nouvel état, sans qu’en résultent la ville/commune à l’unité urbaine, puis à l’aire 2 hension de la ville de demain et, pour y répondre, nous le rappelle Gérard-François Dumont , liée des conséquences graves pour les populations en urbaine) a désormais considérablement affaibli l’organisation de la mobilité nécessaire au fonction- avant tout au recul de la morbidité, et ce, malgré place. l’opposition entre rural et urbain, et parce nement sociétal dans toutes ses dimensions. Car, si une transition en cours (baisse du taux de natalité) La nouvelle donne économique laisse augurer d’une qu’ainsi la société des urbains, qui se construit le travail paraît bien avoir perdu sa prépondérance presque partout dans le monde. révolution de cet ordre, et si Jeremy Rifkin8 la lie sous nos yeux, renvoie plus à une appréciation sur la structuration de la ville, aucune autre fonc- La perspective des neuf milliards d’humains, qui aux énergies renouvelables et la nomme « IIIe révo- sociologique que géographique. tion ne semble avoir pris sa place. Et c’est bien à habiteront bientôt la planète, rend difficile de fon- lution industrielle », en insistant sur l’horizontalité travers une variété d’activités très différentes que Ensuite, parce que la révolution de la longévité der l’avenir sur la décroissance, même si certains et la circularité, tous sont d’accord pour parler s’exerce le temps de vie des citoyens des villes, dans relativise fortement le poids du travail dans l’ac- défendent ce point de vue, mais incite plutôt à d’une économie profondément modifiée du fait de des séquences qui leur sont propres, et dont l’orga- tivité exercée par tout un chacun, du moins dans favoriser la croissance d’une richesse collective et l’instantanéité des échanges mondiaux permise par nisation varie selon la période qu’ils sont en train de les pays développés, et mis à part les temps de durable dont les politiques auront à assumer la res- Internet et la capacité d’un fonctionnement plus vivre à l’intérieur de leur « vie complète ». crise où le chômage peut sévir. ponsabilité de la répartition entre tous. transversal, construit à la fois sur la proximité et C’est donc, au sein de l’espace urbain, à une démul- La civilisation des « vies complètes », définie Dissociation entre emploi et travail, chère à Ber- la globalité. 1 tiplication des situations que l’on assiste, avec une et analysée par Jean Viard , remet ainsi à une nard Stiegler3, mais aussi entre lieux d’économie Jean Carassus rappelle aussi le principe de la « des- diversité des activités auxquelles la ville dense doit place modeste le temps au travail : de l’ordre de productive et lieux d’économie résidentielle, comme truction créatrice », mis en exergue par Joseph répondre. 10 %, si l’on ramène le temps légal permettant l’analyse Laurent Davezies4, nécessité d’un revenu Schumpeter9 pour expliquer les transitions indus- de bénéficier d’une retraite à l’espérance de vie. C’est tout particulièrement le cas des métropoles de solidarité, comme l’étudient avec des accep- trielles à très long terme, donc au-delà des seuls Mais c’est un calcul, il est vrai, un peu formel ! induites par le développement diversifié des emplois tions parfois très différentes, aussi bien Jean Viard « cycles de Kondratiev10 », traduisant les effets de productifs et des services, la nécessité de répondre que Yann Moulier-Boutang5, Pierre Veltz6 ou encore l’innovation, moteur du capitalisme moderne. Et aux besoins collectifs et publics, la capacité à offrir Bernard Stiegler, pour ne parler que de nos inter- Laurent Davezies montre comment la nouvelle éco-

des lieux pour l’exercice du temps libre, l’obligation venants : autant d’interrogations sur l’avenir qui nomie géographique renforce l’impact asymétrique MISE EN PERSPECTIVE MISE EN PERSPECTIVE de relever le défi des retraités et inactifs, en organi- mettent en lumière la nécessité que le monde urbain des évolutions, en corrélant la réussite dans la

22 23 nouvelle séquence industrielle à des territoires plus Pourtant cette économie de production délocalisée dépassent leurs frontières et de mettre en capaci- Martin Vanier12 développe des réflexions plus opti- aptes à l’autoriser que d’autres : c’est le mécanisme et dématérialisée ne saurait exister « hors sol ». tation leur propre territoire (empowerment de la mistes sur la résistance de ces lieux urbains bouscu- de métropolisation, débouchant à la fois sur l’émer- Elle doit ensuite être relocalisée, ce qui réaffirme myriade des acteurs locaux), en insistant sur l’inter- lés par les profondes mutations en cours. À l’instar gence de grandes métropoles mondiales (impact spé- l’importance du foncier et de l’immobilier qui l’ar- dépendance des espaces productifs et des espaces de Gérard-François Dumont, qui insiste surtout sur cifique de la globalisation) et sur des métropoles plus riment à des lieux aptes à contrôler et à piloter un de consommation. la lucidité de la gouvernance, il refuse la fatalité d’un système plus complexe qu’auparavant. L’économie déclin, mais dénie la notion de territoire comme régionales (impact plus général de la concentration Ils doivent aussi veiller à ce que les métropoles, plus immobilière traduit, dès lors, non plus l’accueil de « contenant » pertinent s’il se résume à une aire des lieux d’innovation, de connaissance, d’échange, propres à faire jouer les réflexes de connexion à d’attractivité pour les classes créatives, voire de lieux de production marqués par leur contribution d’autres métropoles lointaines, sachent se recen- géographique délimitée. Il met en avant de nouveaux capacité à provoquer sérendipité et pollinisation). intrinsèque à la mise en œuvre du produit, puis des trer sur leur proximité, même avec des espaces concepts (l’échelle, le réseau, le flux, les nœuds, les besoins contingents à cette production (logement, cordes), pour tracer l’avenir d’un lieu urbain dans La nouvelle économie n’utilisera pas les mêmes res- de plus faible potentiel, parfois arrière-pays d’an- équipements...), mais des lieux capables d’optimiser un faisceau de relations qui l’amènent à exprimer sa sources, ni les mêmes moyens pour créer, produire ciennes villes industrielles confrontées à la violence l’ensemble du processus industriel (de la concep- problématique spécifique. Et il insiste sur l’accom- et échanger : elle ne mettra donc pas en exergue des mutations en cours. tion à la distribution, en passant par certaines pagnement des écosystèmes qui optimisent la rela- les mêmes lieux ni les mêmes territoires qu’aupa- productions spécifiques) ainsi que son possible La re-création du travail devra donc prendre du tion avec l’extérieur du territoire « géographique » ravant. financement, médiatisé par la puissante révolution champ par rapport aux territoires industriels déli- de base et permet de gagner de l’efficacité dans un Michel Lussault11 présente sur ce thème des posi- numérique (la financiarisation de l’économie). mités préalablement, à l’existence d’une ressource monde de mise en relation, de mobilité, d’échanges tions assez radicales, reprenant à son compte les énergétique ou minière particulière, voire à une rapides et de complémentarités. Le phénomène de métropolisation qui résulte de analyses de Pierre Veltz et définissant la révolution situation favorable à l’échange dans l’ancien para- cette relocalisation devient le moteur de la struc- Le droit pour tous à la meilleure connexion (en par- urbaine planétaire comme conséquence première digme industriel. Elle se fera là où peuvent se maxi- turation de la planète urbaine, même si les métro- ticulier Internet) apparaît, dans ce cadre, la priorité de la redéfinition des processus industriels. miser l’impact technologique, l’accumulation des poles ne sont plus liées à la capacité de production savoirs, la capacité d’innover et de transformer entre toutes d’un nouvel aménagement du territoire. Il constate la croissance jamais infirmée de la industrielle de leur hinterland mais constituent des l’innovation en production, mais aussi à générer la production industrielle, allant en cela à rebours clusters de fabrication de la valeur ajoutée. logistique d’accompagnement des nouveaux proces- de certaines opinions courantes, mais montre Cette situation, qui pose un défi nouveau de cohé- sus.. sa déconnexion d’avec les territoires qui la por- sion entre « régions » du monde et métropoles, est taient traditionnellement : « les sociétés hyperindus- Mais Laurent Davezies montre aussi que la capacité UNE GOUVERNANCE DU LOCAL un enjeu nouveau pour les dirigeants politiques à produire la richesse des territoires ne coïncide PAR L’ATTRACTIVITÉ trielles ont rompu les amarres de leur géographie d’espaces territoriaux délimités. Elle leur impose de classique » et conduit la géographie issue de la pre- pas forcément avec la capacité à « capter » le revenu bien comprendre et de faciliter les complémentari- autorisé par ces richesses. Les complémentarités et mière révolution industrielle à un stade de « géogra- Mais, au-delà de ces macrorelations, si importantes tés qui conjuguent à la fois la performance dans un diversités territoriales, plus qu’un aménagement du phie morte ». Car il est difficile de trouver des atouts pour le développement, et la capacité à offrir un réseau extraterritorial et la meilleure association du territoire fondé sur les seuls lieux de production, territoriaux communs entre les deux ères de déve- maximum de chance d’activité à nos concitoyens, territoire dont ils ont la charge à cette performance. ont permis dans le passé une « circulation invisible » loppement industriel quand les facteurs immaté- la ville elle-même apparaît facteur d’efficacité dans des richesses autorisant une économie résidentielle riels sont désormais dominants dans la production, l’organisation du nouvel espace des urbains. Et la différente de l’économie de production. Les méca- la création de la valeur ajoutée et la distribution de notion d’attractivité devient un facteur essentiel que nismes de migration alternante ou le système des cette valeur. Il parle de « parenthèse » pour qualifier ces villes auront à maximiser pour augmenter leur retraites, qui imposent une solidarité entre actifs cette ère industrielle passée et constate que l’évolu- DES TERRITOIRES FERMÉS CONFRON- chance de réussite dans la compétition qui leur est et retraités, sont ainsi des puissants moteurs de tion spatiale de la production n’est pas le déplace- TÉS À DES RÉSEAUX OUVERTS désormais proposée. ment à l’identique sur un autre site, mais bien une redistribution solidaire sans intervention de l’État D’ailleurs, la gouvernance régionale, telle que la délocalisation tout court, c’est-à-dire la rupture du sur le système productif. La distinction dans l’éco- La gouvernance des « territoires » semble en effet conçoit un président comme Xavier Bertrand13, ne lien entre globalité de la production et territoires nomie territoriale entre revenu lié à la production prendre tout son sens, non dans une mission d’ad- paraît pas échapper à cette exigence d’attractivité, dominants par leurs facteurs de production. privée vendue, la production privée consommée et ministration d’un niveau de l’activité publique, la production non marchande liée à l’activité d’in- comme en témoigne la réflexion sur le changement La démultiplication des sites concernés par la mais dans une perspective de développement éco- térêt général (école, hôpital…) autorise des cartes de nom et d’image qu’il a conduite pour les Hauts- nouvelle production fait, en contrepartie, émerger nomique qui relativise la sémantique de « l’égalité différentes des lieux de production et de résidence, de-France. Mais c’est surtout en se concentrant sur l’importance de l’organisation de sa conception, de des territoires » introduite en 2012, au profit de et donc des revenus territoriaux et des richesses la priorité économique qu’il exprime la réalité de sa son assemblage final et de sa distribution. L’auteur celle de « cohésion des territoires » introduite en produites. fonction régionale à côté d’une puissante métropole insiste tout particulièrement sur le rôle majeur 2017, qui apparaît plus porteuse de réalité, inter- en développement. Il devra pour y parvenir inventer La révolution économique va toutefois en modifier joué par la logistique qui permet une organisation rogeant sur l’interdépendance entre espaces d’une une forme originale de « datar » régionale, capable profondément les équilibres, hérités de construc- en grappes, s’appuie sur les lieux multiples de pro- même région, en particulier lorsqu’une métropole d’élaborer des actions qui ne sont pas de l’ordre du tions industrielles du passé, tout particulièrement duction et les réseaux divers qui permettent de la d’importance s’y développe. Au-delà, la « pensée plan d’investissement à l’ancienne, mais de la for- pour les villes petites et moyennes, qu’elles soient connecter aux marchés. territoriale » doit abandonner le concept de « boîte malisation de relations avec l’extérieur dans des issues d’une vocation de bourg d’appui de la France fermée » à administrer, et apprivoiser celle « d’hy- filières où son territoire est susceptible de s’insé- Les hubs, lieux d’articulation des flux, les spokes rurale du 19e siècle, de lieux de ressources « natu- per lieu » aux limites indéterminées mais capable de rer, et de confortation des liens à privilégier entre (rayons) qui dessinent les relations d’échange, relles » autorisant la révolution industrielle qui s’en générer des filières pertinentes et efficientes pour territoires infrarégionaux. constituent un espace continu se substituant aux est suivie ou des lieux de gouvernance et d’aména- le territoire concerné. anciens territoires de production inscrits dans des gement sociopolitique du territoire qui ont consti- L’ambition de faire de sa région, aux côtés de la

périmètres clos : la globalisation est réticulaire et Les présidents de région doivent assumer le para- tué l’armature de l’État républicain du 20e siècle (les « turbine » tertiaire lilloise, un « hub européen logis- MISE EN PERSPECTIVE non pas territoriale. doxe d’inventer des politiques territoriales qui trois dimensions pouvant d’ailleurs se combiner). tique », sonne harmonieusement avec les analyses

24 25 de Michel Lussault14 qui met cette fonction au cœur à renouveler les quartiers anciens sur eux-mêmes, Enfin, cette mobilité possible et souhaitée permet de la structuration du nouveau monde « hyperin- à sauvegarder l’identité citoyenne et à produire un que l’habiter et le travailler soient désormais deux RÉVOLUTION NUMÉRIQUE ET ESPACES dustriel ». L’arrivée sur les Hauts-de-France d’acti- patrimoine qui soit à la fois la fierté de ses utilisa- questions intimement associées, ce qui ne renvoie DE PRODUCTION vités convoitées par ailleurs (comme celles liées à teurs et, en même temps, apte à relever les enjeux plus à une agrégation fonctionnelle du type habitat/ Amazon ou Safran) et culturelles (comme le Festival de la neutralité énergétique. travail, mais à une véritable équation individuelle : Mais il faut bien s’appesantir aussi sur ce qui porte 15 international des séries ) confirme cette néces- Mais, bien sûr, pour revenir à notre regard sur le chacun aspire à plus de porosité entre son univers et détermine une recomposition majeure des modes saire quête d’attractivité et traduit une réflexion qui travail, c’est aussi répondre à l’enjeu de l’attracti- de vie et son univers de travail. de travail, c’est bien sûr l’avènement du numérique. dépasse largement le territoire géographique de la vité génératrice d’une économie résidentielle dyna- Dominique Boullier21 nous met tout de suite en La ville doit donc constituer la consolidation d’un région. mique, dont un marqueur essentiel est la capacité garde : « Le numérique n’invente rien, il permet que ensemble de quartiers où ces deux aspects de la Une autre priorité réside à ce niveau dans une à accueillir les classes créatives, c’est-à-dire, en des choses nouvelles adviennent en les rendant pos- vie quotidienne pourront s’exercer en en minimi- politique de formation adaptée à chaque territoire particulier, celles dont le travail est peu robotisable, sibles ou en accélérant le développement ». spécifique dans son positionnement au global. Elle repose sur la créativité, l’innovation et les emplois sant les conséquences en matière de déplacements 19 Ainsi la numérisation ne génère pas la financiari- nécessite un souci constant de pragmatisme et de émergents de la révolution numérique. contraints. C’est aussi la ville du « walking score » : sation, mais dans un temps où le secteur financier, connaissance du terrain permettant de déboucher 17 chaque lieu doit être défini par rapport à ce qu’il Si l’on en croit Sonia Lavadhino , en grossissant le avide de ramener l’analyse du monde à une compa- directement sur l’emploi : métiers de la logistique, permet d’atteindre à pied en dix minutes, voire vingt trait, trois classes de population seront référentes raison d’« actifs », aspire à déconnecter l’approche high-tech de Valenciennes, chauffeurs pour le trans- dans les villes de demain : minutes à la ronde, espace temps que connaissait financière de l’approche physique, la capacité de port, acteurs de robots, cours de flamand ou de encore une ville comme Paris lorsque l’actuelle - les fonctionnaires d’abord, car ils seront garants dématérialisation offerte par la digitalisation a per- mandarin... selon une stricte et permanente lecture ceinture des « boulevards » en constituait la limite du bien commun ; et cela passe par une réhabilita- mis d’obtenir des performances exceptionnelles… des besoins exprimés localement. extérieure. tion du travail de contact au détriment des procé- au risque de se retrouver hors-sol ! Mais dans cette recherche d’attractivité, il nous faut dures ; C’est encore la ville de la nouvelle proximité qui D’autres secteurs peuvent trouver dans le numé- aller plus finement que l’approche « régionale », - les artisans des soins du corps (du coiffeur au retrouve le souci du corps et doit substituer aux rique les moyens d’une transformation interne plus même si c’est elle qui permet une vue plus large thérapeute, en passant par tout ce qui contribue trois équipements emblématiques d’hier (la chaise, ou moins rapide, et Dominique Boullier nous permet, que le territoire urbain aggloméré sur l’économie au bien-être physique) qui ne nécessitent pas for- l’écran, la voiture), des lieux autorisant le mixage à l’occasion, un détour par la notion de valeur en et pèse sur l’efficience des moyens déployés pour cément des qualifications technologiques exception- des activités du quotidien (courses, école des montrant comment la révolution apportée par l’outil pérenniser le travail et s’adapter à ce qui constitue nelles ; enfants, travail ou accès aux loisirs…) en conformité numérique peut en donner une mesure objective liée la nature de l’économie à venir. - et les « fameuses » classes créatives, mises en avec les recommandations de l’OMS20 : deux heures à la production (tant d’heures de travail pour pro- Pierre Ducret16 permet de replacer la question exergue par Richard Florida18. Ce sont elles qui de marche par jour. duire, par exemple) à un prix qui traduit le rapport urbaine dans cette perspective globale : la ville est portent l’essentiel de la production de demain La performance des villes, ou entités urbaines offre/demande sur un marché, puis à une simple un atout pour construire la société des urbains («exportable hors territoire », dirait Laurent Dave- « appréciation » par la mise en commun des valeurs de demain, paraît donc dominée par l’attractivité dans un contexte cohérent avec le progrès humain zies), mais aussi l’innovation et l’émergence d’une d’échange enregistrées en grand nombre sur un qu’elle génère dans la fonction du travail, mais et l’avenir de la planète. La nécessité de limiter l’éta- nouvelle culture, non soumises à l’algorithme. marché, instantanément portées à la connaissance lement, d’économiser les ressources et de limiter surtout de l’habiter au sens large. C’est la qualité Or, ce qui compte pour ces travailleurs, c’est de pou- de tous sur une plateforme spécialisée. leur coût de mise en œuvre, passe à la fois par la perçue et vécue qui forge l’attractivité, qu’il s’agisse voir interagir à la fois avec les autres et avec l’en- densité de l’espace bâti à créer et la capacité des d’améliorer l’employabilité par une meilleure effi- Cette économie de la constatation de la valeur vironnement. Ce sont plus des utilisateurs de tiers gouvernants à ainsi maîtriser le métabolisme d’en- cience territoriale ou de consolider une économie devient, dès lors, très vite une économie de l’opi- lieux où les rencontres et la créativité peuvent se nion, voire de la spéculation sur ce que les marchés semble. développer et nourrir la compréhension mutuelle, résidentielle non fondée sur la seule production, mais bien sur l’aptitude globale à capter la richesse vont produire comme valeur, indépendamment de Et si la ville répond par là à un des enjeux qui lui que des travailleurs sédentaires postés à leur toute notion de coût de production ou d’équilibre bureau pour assurer le déploiement des process de quels qu’en soient les lieux de production pour déve- sont posés dans une dimension supérieure, elle doit entre l’offre et la demande. s’efforcer de cultiver toutes les composantes sus- production. lopper une plus grande variété de services publics ou privés. Ainsi, à travers le numérique, qui amplifie le côté ceptibles de répondre à ce que cela implique, tout Leur travail s’inscrit dans le mouvement, l’échange immatériel des choses, débouche-t-on vite sur l’in- en accroissant son attractivité propre par le déve- et l’interface entre milieux différents : il exige la Le dernier aspect, mais non le moindre, est certaine- certitude et la précarité dans l’univers de la produc- loppement d’un « bien-vivre » ressenti. déambulation, clin d’œil aux péripatéticiens de ment celui du rapport à la nature, mais à une nature tion. L’économie de l’opinion n’est pas l’économie La ville doit d’abord retrouver ce qui a de tout temps l’époque socratique. de proximité et de contact, appropriable au sein de de la connaissance, et les éléments objectifs qui constitué sa promesse d’humanité, celle qui auto- Ainsi, avant que de traiter des espaces de travail l’espace « marchable » et non résumable à un grand constituent le capital de l’entreprise (compétences, rise le progrès collectif, la sauvegarde du bien com- proprement dits, en tout cas dans une acception parc public situé à trente minutes de transport ! savoir-faire, expérience...) ne participent plus guère mun, l’esprit de sécurité et l’identité qui rassemble classique de l’emploi posté, il convient donc de Cette appétence à un nouveau rapport individuel à à la valorisation des biens et services. et attire. Tout part de l’espace public, de la qualité prendre conscience que le mode de vie de ces pro- la nature se traduit dans la possibilité de multiplier qu’il propose pour accompagner le développement ductifs de l’avenir s’inscrit pleinement dans la « Ville Et le fait que la valeur se constitue dans l’échange de l’aventure humaine, de la place qu’il offre à l’ex- du dehors » et que l’enjeu est donc majeur pour le dans l’espace public des mini lieux permettant de se informationnel génère une forme organisationnelle périmentation et à la créativité, des conditions qu’il créateur de ville d’imaginer et de promouvoir les reposer et de décompresser : terrasses ouvertes de nouvelle : la plateforme qui enregistre la valeur, maximise pour augmenter la relation sociale comme points de rencontre, les espaces d’interaction, les cafés, tiers lieux de détente ou de consommation, agrège les offres et produit des effets de masse. Sa

la sérendipité. Et, au-delà, de la capacité à inventer interfaces qui stimulent l’intelligence émotionnelle… espaces de repos aménagés, circuits piétons de capacité de coordination à grande échelle la rend, MISE EN PERSPECTIVE les quartiers qui « feront la nostalgie de demain », et la part du hasard. découverte des quartiers... dès lors, incontournable. La vitesse et le temps de

26 27 réaction qu’elle autorise sont essentiels, mettant avec d’autres modes de production, plus individuali- Car une certaine « dislocation » de l’entité immobi- Ainsi la « modernité » des espaces tertiaires paraît sous pression l’organisation du travail dans l’entre- sés, dans sa mouvance. Il considère, d’ailleurs, que lière accueillant le travail se fera dans l’espace de la plus relever de leur extrême aménageabilité et de prise et entraînant un changement de posture en le rôle des centrales syndicales modernes est de ville avec les conséquences sur la mobilité à gérer leur contribution active au processus de production son sein. défendre l’intérêt de l’ensemble des travailleurs et entre les lieux d’habitat et ceux de travail, incluant que de la démultiplication des lieux annexes desti- pas seulement des salariés, de tous les travailleurs nés à accueillir des activités privées (sport, culture, De la fidélisation sur longue durée, qui apparaît les tiers espaces susceptibles d’accueillir une par- et non des statuts qui les enferment. divertissement, ressourcement), qui a vu récem- comme un ralentisseur d’efficacité (habitudes, pro- tie de l’activité ; et cela affectera surtout la nature ment le jour comme si l’on voulait faire oublier que cédures, routines, ennui parfois), le numérique per- Certes le numérique touche profondément les back propre de chacun des immobiliers, en distinguant les ces immeubles doivent avant tout faciliter la réalisa- met de passer à une attitude totalement proréactive, office, mais des solutions respectant les individus bâtiments « centraux » de l’entreprise aux fonctions tion d’une production et permettre de dégager des à force d’alertes permanentes, de notifications, de ont toujours été trouvées dans le cadre du dialogue d’interaction, de rencontre, de mise en commun, résultats. sollicitations perpétuelles suivies de captations de et de la négociation24. Le sujet concerne plus les voire d’expression commerciale, événementielle ou commandes. front office où des erreurs ont été faites et où l’on a symbolique et, par ailleurs d’autres lieux de formes Le bâtiment d’entreprise ne peut, en effet, se résu- sous-estimé les emplois à préserver dans l’avenir. diversifiées, allant du simple espace de connexion mer à un club anglais où s’organisent cocktails et Ainsi, la révolution numérique n’est pas seulement et de production individuelle, à des espaces de pro- réceptions, brainstormings et présentations, par- pour le travail, la modélisation et l’algorithmisation Pour Laurent Berger, le travail reste un lien fonda- duction plus sophistiqués, individuelle ou en réseau, fois icône immobilière identitaire, voire simple sup- des process et procédures de l’économie classique mental de socialisation. Il est généralement bien grâce à des supports « intelligents » et connectés. port marketing. mais, bien plus, un bouleversement de la posture vécu et, dans le cas contraire, c’est souvent du 25 des entreprises qui ont à se mouvoir dans un uni- fait d’un dysfonctionnement dans l’organisation. Et l’acceptation de cette « dislocation diffuse » Comme le note Gérard Pinot27, l’espace immobilier vers de la captation et de la réactivité, et moins dans Il nécessite, désormais, une capacité de dialogue variera surtout selon la maturité de l’encadrement doit être considéré et géré comme une ressource l’optimisation du process de production et du mana- accrue dans le cadre d’un management collaboratif des entreprises et de sa capacité à assurer, à la et non comme une charge. C’est aussi un outil au gement d’une clientèle dans le moyen ou long terme. et accompagnant. fois le « niveau de confiance » qu’elle nécessite, et service du management qui doit permettre d’ex- une bonne gestion de la complémentarité des lieux primer un projet et la manière de le conduire. Il doit, en premier lieu, permettre de mieux concilier En matière d’immobilier, cette évolution doit per- pour favoriser son efficience réelle, au regard des Rejoignant en cela l’idée de conteneur/contenant qu’auparavant vie personnelle et vie professionnelle mettre de distinguer ce qui constitue le « conteneur » exigences de la production d’ensemble. de Dominique Boullier, il distingue le « bâtiment » de manière harmonieuse. de l’activité physique, objet matériel répondant à et ses contraintes de relation à l’espace physique Quant aux bâtiments de « production » proprement ses propres principes de viabilité, de fonctionne- environnant, et la capacité de son « aménagement » ment et d’insertion dans l’environnement urbain, et dits, leur avenir ne paraît pas à terme totalement compromis, malgré le développement du télétravail, à exprimer un sens et des usages afin, qu’avec les le « contenant », qui va permettre la mobilisation et occupants, l’espace devienne totalement approprié l’adhésion au projet particulier de l’entreprise, plon- mais ils sont eux-mêmes l’objet d’évolutions diverses INTERDÉPENDANCE DU TRAVAIL ET destinées à les rendre mieux aptes à s’adapter aux et apte à assurer, à la fois, l’interaction avec les gée dans l’économie réactive et non dans l’organi- autres espaces et leur propre fonction. sation physique du déploiement des process et des DISLOCATION IMMOBILIÈRE canons de la nouvelle production tertiaire proréac- procédures. tive, car fondée sur la connectivité et la réactivité. Cette organisation spatiale, à géométrie variable, favorise la capacité d’adaptation sur l’axe horizon- Car l’attachement à la valeur travail, mais aussi à Comme le souligne Élisabeth Pélegrin-Genel26, L’espace de travail devient une zone « industrielle », tal pour faire évoluer la taille des équipes de projet l’entreprise, paraît partagé par les interlocuteurs encore faut-il dépasser les effets de mode et leurs même s’il produit des abstractions, des concepts, et et l’interaction entre elles, et cela interroge sur la concernés, et semble compatible avec une autono- outrances : il s’agit de tenir le cap d’un confort de vie traite une matière de plus en plus volatile : il s’agit verticalité habituelle des bâtiments en plateaux suc- misation accrue des équipes. Deux limites doivent fondé sur la compatibilité entre vie professionnelle d’optimiser par la connexion la fluidité et l’attention, cessifs de taille faible ou trop contraints. On peut être identifiées sur lesquelles le couple entreprise/ et vie personnelle, de permettre une ouverture qui et d’assurer la réactivité et la rapidité d’action. s’interroger sur les objets immobiliers du futur et individu pourra trouver son équilibre : autorise l’interaction entre les équipes, d’acquérir voir émerger la tendance à une intégration plus En matière de relation à l’entreprise, cet affaiblis- l’agilité nécessaire par la configuration alternative sement du process physique et des procédures de - d’abord celle du niveau de confiance qui autori- complexe entre des plans horizontaux novateurs des espaces et une plus grande aptitude à favoriser production contribue au loose attachment22 des sera à la fois l’interpénétration des univers public et et d’ampleur variable, distribués verticalement en la création. salariés qui évoluent vers les statuts d’intermittents privé (souplesse de la présence sur un lieu de tra- immeubles de moindre hauteur qu’auparavant. Un ou de non-salariés associés, permettant de valoriser vail fixe, interférence des plages temporelles pour Avoir une « place » continue à exprimer que l’on beau challenge pour l’évolution esthétique des quar- de manière autonome leur créativité et leur réacti- s’occuper de soi ou de son travail, divers usages des existe, à savoir où l’on est et où sont les autres, et tiers et les urbanistes chargés de leur conception. vité, et d’introduire une rupture avec l’organisation mêmes outils de communications), et de définir pré- cela constitue toujours une aspiration. Mais, décloi- disciplinante du travail. cisément les contours du télétravail pour chaque sonner les esprits nécessite aussi de décloisonner catégorie de salariés pouvant, soit produire à domi- les espaces et, si l’on n’a pas encore pris toute la La réflexion à ce sujet d’un dirigeant syndical comme cile, soit dans des tiers lieux non contrôlés par une mesure de ce que signifie spatialement le travail col- Laurent Berger23 est plus nuancée sur ce thème. hiérarchie ; lectif, même si des pas importants ont été faits sur L’ÉMERGENCE DES TIERS ESPACES Il préfère parler d’une aspiration des salariés à la capacité à travailler à deux ou à trois, voire en plus d’autonomie, dans le cadre d’un management - ensuite, le niveau minimal de présence dans un lieu petite équipe dans des lieux adaptables aux aména- Un nouveau défi également pour l’élaboration de interne fondé sur l’accompagnement et la bienveil- symbolique de l’entreprise pour que celle-ci conti- gements « souples », connectés et contributifs. cette « Ville du dehors », chère à Sonia Lavadhino, lance, que d’une volonté réelle d’indépendance ou nue à exister, à exprimer un sens supérieur au tra- appelée à intégrer la diversité fonctionnelle des de recherche de l’auto-entreprenariat. Il considère, vail de chacun, à créer une identité collective et en La disparition des écrans, et donc de leurs supports, espaces bâtis de travail, l’horizontalité comme prin- en tout cas, que les entreprises qui se raidiraient concevoir, et recevoir, les manifestations concrètes. au profit de murs « intelligents », car participant à cipe directeur d’organisation des objets et le souci dans une posture de management vertical et disci- Ces deux limites, selon leur positionnement, feront la production, redonne à la « cloison » une vertu de la proxémie, c’est-à-dire d’un l’espace extérieur plinaire prendraient un risque en n’adaptant pas un appel à des réponses très différentes pour la réali- qu’elle semblait avoir perdue dans le tsunami de qui facilite l’interaction entre les groupes humains. mode de gestion hérité d’un contexte de production sation des espaces immobiliers destinés à exprimer l’open-space, à condition qu’elle offre le service qui

suranné. Il croit en la pérennité de l’entreprise et du globalement la réalité physique de l’entreprise de vient d’être décrit par son amovibilité et son « intel- Un quart seulement des déplacements journaliers MISE EN PERSPECTIVE travail salarié, mais dans une plus grande continuité demain. ligence ». concerne le travail. L’organisation des autres, rela-

28 29 tifs à une même personne, se combine mal avec des On voit, d’ailleurs, à travers tous ces enjeux, que pour l’essentiel) à plus de dix, voire une quinzaine, Il note, cependant, quelques évolutions fondamen- distances importantes impliquant, en particulier, un la gouvernance urbaine, voire multi-communale a exprimant tant l’approche sociologique d’ensemble, tales dans le droit des territoires dans un pays de changement de mode de mobilité. matière à se saisir de bien d’autres sujets que le que la nécessaire information des habitants, l’ins- tradition jacobine au corpus juridique peu accueil- Aussi, dans les villes à venir, l’optimisation de la développement économique et ses conséquences en cription dans une histoire spécifique, la place dans lant à la spécificité locale. Et c’est tout d’abord, mobilité individuelle dans la même journée devien- matière de travail, d’emploi ou d’organisation de la l’économie circulaire du quartier ou l’accueil d’une même s’il n’y a pas totalement suppression de l’em- dra majeure dans l’organisation urbaine des quar- mobilité infra et interrégionale. La problématique de initiative nouvelle d’agriculture urbaine. pilement des couches de gouvernance, l’abandon du la ville, en tant que territoire urbain dense attractif, principe de plénitude de juridiction pour le départe- tiers entre eux. Dès maintenant la « marchabilité » Et, au-delà de cette élaboration collaborative du pro- offre à ses édiles bien d’autres défis que ceux posés ment et la région qui paraît en représenter l’avan- devient un critère d’appréciation du bâti par les jet architectural, qui dépasse celle du programme par la révolution du travail en tant que tel. cée essentielle. Cela permet d’entrer, soit dans un performances de son proche environnement : quelle classique, c’est un nouveau rôle qu’est amené à système de subsidiarité et de répartition des res- densité et diversité des services offerts à proximité, Et si une gouvernance régionale, comme nous jouer l’architecte, non comme interprète d’un art création d’un « score », incontournable pour l’éva- ponsabilités entre les instances territoriales, soit de l’avons vu avec Xavier Bertrand, doit se projeter sur spécifique, voire d’un talent particulier, mais bien luation immobilière dans les grandes villes améri- condamner, à terme, certains niveaux qui ne pour- un territoire structuré davantage par les filières, les comme chef d’orchestre d’une partition, à la fois pas caines, qui mesure la qualité servicielle rencontrée ront assumer économiquement leurs compétences réseaux, les flux et les hubs, aux limites non totale- totalement écrite par un maître d’ouvrage-composi- à pied dans un temps donné. Les collectivités elles- ment définies par l’espace physique, la gouvernance même réduites. mêmes développent des algorithmes permettant de teur, et pas totalement interprétée par le concer- urbaine, en particulier celle des métropoles, aura à La possibilité est d’ailleurs ouverte à des construc- mesurer la qualité de l’espace public proposé (good tiste vedette qu’il pourrait se contenter d’être. se confronter avec la densité physique, la quantité tions mises en œuvre par la base, et la suppres- life score). Et Guillaume Mangeot29 de confirmer que dans extrême des flux engendrés dans un espace limité, sion de la compétence du département du Rhône l’évolution de son métier opérationnel, il a plus à Le samedi apparaît, dès aujourd’hui, le jour réfé- la coexistence des groupes sociaux et l’inclusion, sur le territoire du Grand Lyon en est une image faire preuve d’une capacité d’intégration des pro- rence pour apprécier le fonctionnement de cette l’attractivité des lieux de vie et l’espace public, le quasi reproductible. L’émergence de douze zones blématiques spécifiques des divers intervenants, ville future, car il mixe un maximum d’activités, métabolisme urbain, la multimodalité des déplace- urbaines pour les PLU31 au sein de la métropole du des talents professionnels d’un grand nombre d’ac- dont le travail, l’école, les services publics et autres ments, les échelles de leur vitesse et l’émergence Grand Paris, là où préexistaient 213 PLU, constitue teurs, qu’à exprimer une problématique propre activités (shopping, sport, loisirs ou spectacles en d’un nouveau rapport à la nature... également une étape importante, et le mouvement particulier). Et cette moindre différenciation entre au seul domaine de la forme. Pour lui, l’évolution est désormais en marche dans ce territoire si com- jour de semaine et jour de week-end qu’autorise la Et, comme de coutume, on peut se demander quelles profonde de la société, et donc de la ville, a sonné plexe de l’Île-de-France. référence du samedi permet d’étudier la diversité conséquences directes ou à court terme cela le glas des « starchitectes » des années 1980 aux d’activité, d’échange et de mobilité urbaine d’une implique pour la forme urbaine et immobilière, le « gestes » créateurs, souvent moins inspirés par En matière immobilière, c’est l’évolution de la notion journée type de la ville de demain. droit qui les régit et l’évolution du système financier le programme technique proposé que par un dis- « d’affectation » des biens qui constitue le progrès qui en autorise la mise en œuvre. le plus visible, en particulier en rendant poreuse la Spatialement, l’enjeu, non seulement des nouveaux cours ou une idéologie propre qu’ils avaient su faire partager par leur maîtrise d’ouvrage. Le « prince » frontière entre l’habiter et le travailler (domiciliation quartiers, mais de la réorganisation de la ville sur elle-même, c’est de lever les barrières qui ont pu a fait place à une expression plus complexe de la possible de TPE au lieu de résidence, notion de ser- se constituer entre les quartiers, les enclavent ou demande sociale, et mis fin par là à son dialogue vices d’intérêt collectif compatible avec le logement les spécifient, créant des logiques perverses d’inté- ARCHITECTURE, DROIT, FINANCE : privilégié avec l’ « architecte ». dans un même immeuble, distorsion des notions de riorisation et limitant les accroches entre espaces temps et de lieu selon l’activité exercée...). L’APPROCHE D’UN MONDE NOUVEAU L’émergence d’une réelle maîtrise d’usage, encore contigus. La nouvelle ville doit surmonter le gap de intégrée à la maîtrise d’ œuvre, explicite de plus en La règle de droit essaie de « rattraper » les évolu- l’infrastructure routière qui la segmente, pour la tions et de reconnaître des zones de « tolérance », Le travail engagé depuis une décennie sur ces ques- plus la vie du « contenant », le confort attendu, les traiter comme une interface urbaine et un lieu tran- de flexibilité propre à l’économie de partage (ou de tions par le stream lab, au sein de l’atelier d’archi- interactions et l’interface avec la « Ville du dehors » sitionnel. La encore, l’émergence des tiers lieux peut répartition). constituer une stratégie payante. tectes Philippe Chiambaretta28, apporte quelques comme objets premiers de la conception architec- indications riches d’enseignements sur ces sujets turale. La créativité de l’architecte s’exprime, désor- Mais, en matière de travail, Frédéric Nouel relève Par ailleurs l’émergence de la « silver économie » de l’évolution de l’architecture et du métier d’archi- mais, à travers un travail plus intellectuel conçu aussi l’exploitation abusive de la notion d’auto- et l’activité des séniors peuvent aider au dévelop- tecte proprement dit. Un film réalisé en 2017 pour comme élargissement du champ de réflexion et de entrepreneur, en particulier par rapport au salariat. pement d’une ville plus « lisse », moins contrainte liberté d’innovation, et non pas comme une restric- Il existe un « angle mort » dans le droit, entre ce qui par la multiplication des obstacles et des situations la biennale d’architecture de Lyon montre que ces tion à ce qui relèverait de la pure liberté formelle : concerne l’auto-entreprenariat et le droit du travail handicapantes : Berlin annonce le déclassement de réflexions d’ensemble débouchent sur une trans- saisir le sens de ce qui est projeté et l’assumer 530 km de routes pour en faire des voies pié- versalité du regard et une plus grande diversité salarié, hyper protégé et encadré. C’est l’algorithme, dans toutes ses dimensions dans l’élaboration tonnes ou cyclables, les Basques de Vitoria-Gasteiz d’apports de la part des partenaires concernés par fonction abondamment utilisée par les plateformes créative, plutôt que de traduire dans un brillant cherchent à consacrer une voie existante sur quatre l’élaboration du projet urbain. Il n’est qu’à noter la et qui constitue une boîte noire, qui concentre l’in- seulement à la circulation automobile, après avoir diversité des intervenants dans le film : du philo- dessin le contenu défini de manière trop simpliste quiétude, car il permet de cacher nombre de déro- fait de Bilbao un modèle de ville « marchable » où la sophe ou de l’anthropologue au chercheur en maté- par d’autres. C’est une transformation profonde du gations au droit. Et c’est probablement un des défis création culturelle jalonne les cheminements. riaux innovants ou au jardinier. L’acte de conception métier, mais forcément aussi, in fine, de la forme à relever, en termes de compétence juridique, que s’inscrit dans une pluralité d’approche ou d’exper- générée. de former des collaborateurs aptes à rentrer dans C’est dans ces villes de l’horizontalité, de la diversité tise relative à un nombre sans cesse croissant de ces algorithmes pour en révéler les dérives et mieux d’activités concomitantes, de l’interaction générali- Pour Frédéric Nouel30, l’accélération des boule- disciplines. clarifier le débat sur leur éventuel développement. sée, des échanges humains, de la proximité relation- versements liés à la Société des urbains pose évi- nelle, des déplacements soft, de la « marchabilité », En moins de vingt ans, les équipes de maîtrise demment question dans un État de droit dont la Mais c’est finalement sur le plan financier que les de la dislocation des outils immobiliers de produc- d’œuvre, mises en concurrence sur des projets tendance, pour ne pas dire l’objectif, est de fournir évolutions potentielles restent aujourd’hui encore

tion, de la multiplication des tiers lieux de service, complexes, sont passées du rassemblement de deux de la stabilité et de fixer des limites à ce qu’il est sous-jacentes, tant les prérequis culturels et poli- MISE EN PERSPECTIVE que les immeubles tertiaires à venir doivent s’intégrer. à trois disciplines (architecte et ingénieur structure possible de faire. tiques sont prégnants.

30 31 Et d’abord, en matière générationnelle, car la démo- sienne constitue, selon Xavier Lépine32, le défi le plus économique ouvert, organisé en réseau, où se C’est bien d’une dislocation partielle de la réponse graphie domine fortement, dans nos pays vieillis- extraordinaire qu’il y ait eu à relever depuis long- nouent les relations déterminantes de la réussite immobilière qu’il s’agit entre l’utilisation de l’es- sants, la structuration de la finance. L’orientation temps. Mais sa capacité d’épanouissement rapide économique. pace privé des salariés, le maintien d’immeubles de l’épargne disponible et la nécessité de payer les relève d’une focalisation du financement sur l’usage Et dans les lieux urbains métropolisés cohabitent nécessaires à exprimer la réalité de l’entreprise, retraites, dans un pays de faible renouvellement et non sur la propriété des biens. désormais un nombre important d’activités dont des immeubles de production aux caractéristiques naturel des générations, déterminent le sens d’in- une production, qui n’est plus dominante, mais doit profondément renouvelées par la révolution numé- termédiation du temps (ce qui est principalement le s’avérer apte à cohabiter harmonieusement avec les rique, la réactivité et la sollicitation, l’émergence rôle que joue la finance). Résolument ancrée dans autres fonctions de l’économie résidentielle, en même des tiers lieux susceptibles d’accueillir une nouvelle le passé, son orientation privilégie aujourd’hui le LE TRAVAIL ET SES ESPACES AU SEIN temps qu’elle autorise l’inclusion des populations, forme de travail fondée sur l’échange. traitement de la dette sociale et la protection du parfois fragiles, qui viennent y construire leur avenir. patrimoine à transmettre. Le financement de la DE LA VILLE DE DEMAIN Et cette dislocation, désormais au cœur des préoc- détention, en particulier, prime encore sur celui de Car le temps passé au travail, au sein d’une popu- cupations des chefs d’entreprise, impose aussi aux lation diversifiée, est devenu à la fois minoritaire et gouvernants de la ville l’aménagement de nouveaux l’usage. Pour mettre en perspective l’ensemble de ces poreux avec celui consacré à « l’habiter » au sens tiers espaces, nouvelles figures de l’espace public, réflexions sur le travail et ses espaces au sein Pourtant le changement progressif des compor- large : abriter sa famille, se divertir, s’instruire, faire imaginés à l’aune de la marche et du rapport à la de la ville de demain, nous mettrons en exergue tements et la nécessité de travailler autrement du sport, consommer, participer à la vie publique... nature, au plaisir renouvelé dans l’usage et l’appro- doivent favoriser progressivement l’émergence quelques idées forces : La ville doit permettre cette coexistence sans accroc priation, l’accessibilité et la convivialité. d’une économie de l’usage, et donc, plus de l’abon- Il apparaît tout d’abord que le sujet du travail est d’activités séquentielles multiples qui touchent, L’émergence de tiers lieux de production, comme nement temporaire que de l’achat définitif. au cœur des bouleversements à venir, tant pour des chaque jour, chaque individu et, globalement, l’en- celle des tiers espaces publics, constituera donc une La dématérialisation et l’effet plateforme trans- raisons démographiques mondiales qui poussent semble des couches de la population dont les dimension majeure dans la conception de la Cité, forment progressivement le contexte, avec moins sur le marché urbain de l’emploi des vagues impres- besoins diffèrent selon l’âge, le type d’activité, le marquée par le souci de l’échange entre groupes de contrôle vertical et un centre du système plus sionnantes de populations actives que le monde mode de vie, voire le comportement communau- sociaux et l’accès à une mixité de divers services flou, du fait d’un poids capitalistique plus faible et rural ne peut satisfaire, que du fait de nouvelles taire. C’est une ville de la mobilité et de la fluidité publics ou privés. d’une gouvernance plus transversale. L’analyse des orientations productives marquées par le souci du qui nécessite, en particulier, une efficace politique besoins fondamentaux revient au premier plan à développement durable, la dématérialisation des des transports collectifs. La dislocation immobilière donnera aussi à l’im- l’encontre, parfois, des choix structurants portés échanges et la robotisation. mobilier institutionnel un rôle de réaffirmation de par le politique. Les banques doivent se pérenniser C’est le prix à payer pour conserver une attractivité la fonction entrepreneuriale, centrée sur l’échange Il semble aussi que l’avenir restera inscrit dans un concurrentielle par rapport aux autres Cités et pour en cultivant les liens affinitaires susceptibles d’être nouvel univers de type industriel, apte à porter une productif dans des espaces adaptables et technolo- développés avec leur clientèle dépositaire (avec une séduire les « classes créatives », cibles clés et exi- giquement sophistiqués. Il jouera un rôle identitaire nouvelle croissance, marqué par une déconnexion geantes de la ville de demain. prime au mutualisme). Quant à l’économie locale, de la production d’avec des lieux dominants qui en pour l’entreprise, à l’enjeu architectural d’impor- bouleversée par les « applications » et l’initiative de concentreraient les facteurs, mais qui devra s’ap- C’est donc une multi-activité quasi généralisée qu’il tance ; il sera le siège des événements qui marquent chacun, elle tend à regimber face à des institutions puyer sur des lieux forts, aptes à assurer la logis- s’agit de gérer dans l’espace et dans le temps : le la vie de la communauté de travail qui s’y trouvera centralisées aux processus très régulés. tique d’ensemble, gérer les processus d’assemblage télétravail à domicile, l’émergence des tiers lieux ainsi célébrée. Il permettra enfin l’ouverture à la La formation de la valeur qui, on l’a vu, est très liée et de diffusion, et permettre le financement de ce pour limiter les temps de déplacement, mais aussi ville, en accueillant des startups à la fréquentation à l’économie de l’opinion, et bientôt à l’intelligence qui est produit. démultiplier les échanges, l’organisation en quar- toujours utile et en intégrant des services ouverts artificielle, va orienter radicalement la gestion tiers multifonctionnels marchables, la polymodalité sur la ville. La géographie économique n’est plus la traduction du risque pris par l’asset manager, en lui faisant des transports, l’aménagement de l’espace de proxi- En tant qu’outil de production, il exprimera une nou- de la répartition locale des facteurs physiques de assumer un paradoxe : concentrer son investisse- mité autour des lieux de travail en constituent les velle forme de travail, à l’instar de ces immeubles production, mais de la capacité d’en maîtriser la ment sur le mainstream tout en se démarquant par axes pour élaborer une nouvelle structure urbaine. « apprenants », développés pour les universités conception, les flux d’échanges et la distribution. quelques prises de risque qui traduisent sa spécifi- Mais derrière cette organisation urbaine de la modernes, privilégiant les plateaux modulables aux cité ou sa compétence particulière. C’est l’essence du phénomène de métropolisation multi-activité, c’est celle du bouleversement de la « amphis » consacrés à la délivrance d’un savoir qui sous-tend la constitution de puissantes entités Le cœur de l’investissement se renforcera sur les relation à l’entreprise qui se dessine avec une abouti et figé. Il traduiral’agilité de l’organisation urbaines, aptes à maîtriser les grandes quantités, métropoles où la taille est un facteur d’augmenta- réduction du travail salarié, l’organisation de rela- entrepreneuriale et privilégiera un aménagement à inventer une logistique sophistiquée, mais aussi à tion du PIB, et où la richesse issue des rencontres tions sociales plus souples, basées sur la confiance intérieur évolutif aux cloisonnements intelligents, pérenniser un niveau d’innovation important au sein aléatoires entre groupes sociaux et types d’activi- (auto-entreprenariat, contrat de projets, manage- car technologiquement connectés. Il s’inscrira, à la d’une économie dépendante de la rencontre des tés différents est démultipliée. Sa nature n’est donc ment bienveillant) et un plus grand séquencement fois dans le temps court par sa capacité à accom- savoirs et de la rapidité des échanges. pas une question de smart city, mais de Cité apte de la vie professionnelle de chacun. pagner le travail du moment et, dans le temps long, à générer le bien vivre ensemble tout en assurant Ce nouvel univers industriel, confronté au besoin Cela pose évidemment la question des objets immo- en autorisant un changement de sa destination, l’in- une sociologie marquée par la diversité des compé- d’économiser les ressources et d’assurer un déve- biliers censés accueillir la nouvelle force de produc- tégration des technologies du futur, l’hybridité des tences et des activités. loppement durable, s’élabore en plus sur une tion dans ces villes de demain. usages, voire une possible reconversion. moindre centralisation de la production énergé- Dans ce contexte, les clusters les plus efficaces Le stockage vertical de lieux de travail tertiaire, L’espace tertiaire devient ainsi un outil au service de tique, et se joue des frontières géographiques natio- seront privilégiés, et le Grand Paris, dans l’esprit et qui se résumeraient à une table, une chaise et une la conception, de l’échange d’idées, de l’innovation nales ou régionales. l’opinion mondiale, s’avère en mesure de se posi- connexion, n’est plus de mise dans les métropoles en mode projet, de l’ouverture sur la ville. Il est l’ou- tionner en capitale de l’Europe, surtout avec l’im- En cela il place les dirigeants régionaux dans une qui devront accueillir, en particulier, les classes til spatial d’un travail créatif et d’un management

pact du Brexit. Pour les asset managers et acteurs position d’interface entre un territoire physique « créatives », très mobiles et désireuses de ren- moderne fondé sur l’encouragement de l’autonomie MISE EN PERSPECTIVE de la ville et de l’immobilier, cette perspective pari- délimité, objet premier de leurs soins, et un espace contres enrichissantes pour stimuler l’innovation. et l’accueil des initiatives individuelles.

32 33 1. Jean Viard : sociologue, directeur de recherches associé au CNRS. 2. Gérard-François Dumont : géographe, économiste, démographe, recteur, professeur à l’Université Paris IV Sorbonne. 3. Bernard Stiegler : directeur de l’institut de recherche et d’innovation du Centre Pompidou. 4. Laurent Davezies : économiste, professeur au CNAM. 5. Yann Moulier-Boutang : économiste, professeur à l’Université technologique de Compiègne. 6. Pierre Veltz : chercheur, sociologue et économiste. 7. Jean Carassus : professeur à l’École des Ponts ParisTech. 8. Jeremy Rifkin : économiste et essayiste. 9. Joseph Schumpeter [1883-1950] : économiste et professeur en Sciences politiques. 10. Nikolaï Kondratiev [1892-1938] : économiste. 11. Michel Lussault : géographe et anthropologue. 12. Martin Vanier : géographe, professeur à l’École d’Urbanisme de Paris, directeur d’études au sein de la coopérative conseil ACADIE 13. Xavier Bertrand : président de la région Hauts-de-France. 14. Comme le fait de raisonner en termes de hubs et d’interface maritime sur les sites de Calais, Boulogne ou Dunkerque. 15. Séries Mania qui se tiendra pour la première fois du 20 au 28 avril 2018. 16. Pierre Ducret : président d’I4CE, Institute for Climate Economics, et conseiller Climat et COP21 de la Caisse des Dépôts. 17. Sonia Lavadhino : chercheuse à l’École Polytechnique Fédérale de Lausanne, fondatrice de Bfluid. 18. Richard Florida : géographe, docteur en aménagement urbain. 19. Walk score : service en mesure d’évaluer la facilité à laquelle les résidents peuvent accomplir leurs courses quotidiennes à pied. 20. OMS : Organisation mondiale de la Santé. 21. Dominique Boullier : sociologue, linguiste, chercheur sénior au Digital Humanities Institute de l’EPFL. 22. Loose attachment : attachement limité. 23. Laurent Berger : secrétaire général de la CFDT. 24. Où l’on a pu s’entendre sur le sens de l’évolution du travail, la façon dont on se l’approprie et dont il peut être vécu. 25. Pour reprendre l’expression de Ludovic Guilcher, DRH adjoint du groupe Orange. 26. Élisabeth Pélegrin-Genel : architecte DPLG, urbaniste et psychologue du travail. 27. Gérard Pinot : cofondateur de Génie des lieux. 28. Philippe Chiambaretta : architecte, fondateur de l’agence PCA STREAM. 29. Guillaume Mangeot : directeur d’agence, associé PCA-STREAM. 30. Frédéric Nouel : avocat associé au sein du cabinet Gide Loyrette Nouel. 31. PLU : plan local d’urbanisme. 32. Xavier Lépine : président du directoire du Groupe La Française. MISE EN PERSPECTIVE

34 35 Outre leur disponibilité et leur présence tout au long du cycle, les auditeurs sont amenés à contribuer à la réflexion de l’année, d’une part, en interagissant avec les conférenciers et en apportant ainsi leurs regards de praticiens ; d’autre part, en s’associant à un groupe de travail sur l’un des thèmes traités. Ces contributions sont présentées ici.

36 37 COLLÈGE D’AUDITEURS CYCLE 2017

GUILLAUME BIGOT, PIERRE-YVES GUICE, RESPONSABLE DU DÉVELOPPEMENT, S2T DIRECTEUR GÉNÉRAL ADJOINT AMÉNAGEMENT ET DÉVELOPPE- MENT DU TERRITOIRE, DÉPARTEMENT DES HAUTS-DE-SEINE PIERRE-YVES BONNAUD, DIRECTEUR ASSET MANAGEMENT, DIMITRI LACOURTE, SOCIÉTÉ FONCIÈRE LYONNAISE DIRECTEUR DÉVELOPPEMENT MONTAGE, EUROSIC

OLIVIER BUCAILLE, ANTOINE LE TREUT, DIRECTEUR GÉNÉRAL, COGEDIM GRANDS PROJETS DIRECTEUR INVESTISSEMENTS & ARBITRAGES, GECINA GROUPE ALTAREA COGEDIM

DOAN LEBEL, FRANÇOIS CANTINAUD, RESPONSABLE DÉVELOPPEMENT, GRAND PARIS AMÉNAGEMENT DIRECTEUR RÉGIONAL ADJOINT, POSTE IMMO

OLIVIER COURTAIGNE, GÉRALDINE LEMOINE, DIRECTEUR GÉNÉRAL ADJOINT, BNP PARIBAS IMMOBILIER DIRECTRICE COMMUNICATION, GROUPE FONCIÈRE DES RÉGIONS PROMOTION IMMOBILIER D’ENTREPRISE BÉATRICE LIÈVRE-THÉRY, FRÉDÉRIC DE KLOPSTEIN, DIRECTEUR DES ACTIVITÉS IMMOBILIÈRES, SOCIÉTÉ GÉNÉRALE DIRECTEUR DES INVESTISSEMENTS, KLÉPIERRE DIMITRI MAILLARD, ÉRIC DE THOISY, RESPONSABLE ASSET MANAGEMENT, ICADE ARCHITECTE ET CHERCHEUR, SCAU ALEXANDRE MERAH, MARC-ANTOINE DELBAUFFE, RESPONSABLE DE PROGRAMMES, DIRECTEUR TECHNIQUE, ENIA ARCHITECTES DIRECTION DES GRANDS PROJETS URBAINS, UNIBAIL-RODAMCO INTERVENTION DE XAVIER BERTRAND AU CONSEIL RÉGIONAL DES HAUTS-DE-FRANCE À LILLE LORS DU 6e SÉMINAIRE DU 19 MAI 2017 GUILLAUME DELORME, ÉMILIE MOREAU, DIRECTEUR DU DÉPARTEMENT PRIVÉ, EGIS BÂTIMENTS CHEF DE PROJET ET PILOTE DES ÉTUDES SOCIALES ET SOCIÉTALES, ATELIER PARISIEN D’URBANISME ÉRIC DONNET, DIRECTEUR GÉNÉRAL, GROUPAMA IMMOBILIER JEAN-RAPHAËL NICOLINI, DIRECTEUR DES GRANDS PROJETS URBAINS, MATTHIEU EVRARD, KAUFMAN & BROAD DIRECTEUR GÉNÉRAL DÉLÉGUÉ, AFFINE

BÉRENGÈRE OSTER, YANN FLORENÇON, ASSOCIÉ – RESPONSABLE DU PÔLE SUD-EST, GÉNIE DES LIEUX HEAD OF CLIENT SOLUTIONS, CBRE

FRÉDÉRIC GHOULMIÉ, GUILLAUME PASQUIER, DIRECTEUR DE LA BRANCHE TRANSPORT, ARTELIA GROUPE RESPONSABLE DÉVELOPPEMENT FONCIÈRES, LA FRANÇAISE

SYLVAIN GRÉMY, CHRISTOPHE ZURAWSKI, DIRECTEUR DE PÔLE CONSTRUCTION, SOCOTEC DIRECTEUR IMMOBILIER TERRITORIAL SUD-OUEST, ORANGE

38 39 4 SÉMINAIRE DU 24 & 25 MARS 2017 ÉCONOMIE ET TRANSFORMATION DU TRAVAIL : LA TRANSITION EST-ELLE POSSIBLE ? DOMINIQUE BOULLIER, SOCIOLOGUE, LINGUISTE, CHERCHEUR SÉNIOR AU DIGITAL HUMANITIES INSTITUTE DE L’EPFL LUDOVIC GUILCHER, HR GROUP DEPUTY EXECUTIVE VICE-PRÉSIDENT D’ORANGE PROGRAMMATION LAURENT BERGER, SECRÉTAIRE GÉNÉRAL DE LA CFDT Une économie d’une nature nouvelle, moins contrainte par ses process de production lourds et localisés, porte désormais la crois- CYCLE 2017 sance des nations développées et fortement urbanisées. L’importance de la mobilisation des savoirs et la rapidité des échanges, facilitée par la révolution numérique, bouleversent les modes de faire et de s’organiser. Elles interrogent les villes dans leur capacité à optimiser les services nécessaires et engendrent la métropolisation. Elles modifient la relation au travail et à l’entreprise, tant en matière de droit que d’ancrage physique et de relation sociale (agilité, flexibilité… ) ; elles inscrivent le territoire physique dans un espace apparemment plus partagé et apte à proposer davantage de souplesse aux actifs de demain. Mais cette dilution n’est peut-être qu’un leurre si on observe l’hyper-concentration que le capitalisme numérique impose, en particulier aux entreprises plateformes. Comment XAVIER BERTRAND, PRÉSIDENT DE LA RÉGION HAUTS-DE-FRANCE, PARRAIN DU CYCLE faciliter une transition réelle, à la fois physique et sociale, dans un monde moins dépendant d’entreprises dominantes et intégratrices ?

5 SÉMINAIRE DU 21 & 22 AVRIL 2017 FIL ROUGE : Travailler ne constitue plus l’activité à laquelle la vie des urbains est majoritairement consacrée : le temps libre TRAVAILLER DEMAIN : QUELS ESPACES ET QUELLES RELATIONS À LA CITÉ ? et la fréquentation des nombreux services offerts par un espace urbain multi connecté structurent désormais tout autant leur ÉLISABETH PÉLEGRIN-GENEL, ARCHITECTE DPLG, URBANISTE ET PSYCHOLOGUE DU TRAVAIL organisation quotidienne. GÉRARD PINOT, COFONDATEUR DE GÉNIE DES LIEUX SONIA LAVADINHO, CHERCHEUSE À L’ÉCOLE POLYTECHNIQUE FÉDÉRALE DE LAUSANNE, FONDATRICE DE BFLUID Et si l’activité professionnelle reste importante, elle prend de nouveaux modes d’expression facilités par la dématérialisation Dans cette ville moins organisée autour du travail, mais qui devra pourtant sa réussite à son attractivité pour l’entreprise et ses des échanges, l’affaiblissement et la délocalisation de la production industrielle, l’évolution du rapport à l’entreprise et au actifs les plus porteurs de valeur ajoutée (« creative classes »), quel environnement de travail imaginer et réaliser ? Et ce, bien sûr, travail posté, la diminution de la part du salariat. dans une conception des espaces plus tournée vers la relation et l’échange que vers la production isolée. Mais aussi, dans une Dans ce contexte, comment se traduira dans l’espace urbain de demain le temps consacré au travail ? Quelles modalités rela- relation résolument tournée vers l’espace extérieur de proximité et dans un rapport adapté (en confort et en temps) aux autres lieux tionnelles émergeront et quelles mobilités induiront-elles ? Quelle évolution des espaces immobiliers qui lui sont consacrés en principaux de la vie quotidienne que constituent l’habitat et les aménités offertes par la Cité. Comment optimiser la performance des sera la conséquence ? lieux, au sens large, pour réaliser la meilleure symbiose des éléments nécessaires à la réussite ?

6 SÉMINAIRE DU 19 MAI 2017 GOUVERNANCE URBAINE ET TRANSITION ÉCONOMIQUE : QUEL RÔLE POUR L’ACTION PUBLIQUE ? XAVIER BERTRAND, PRÉSIDENT DE LA RÉGION HAUTS-DE-FRANCE ET PARRAIN DU CYCLE 2017 DE L’INSTITUT PALLADIO 24 NOVEMBRE 2016 • COLLOQUE D’OUVERTURE MICHEL LUSSAULT, GÉOGRAPHE, PROFESSEUR À L’ENS DE LYON, PRÉSIDENT D’ARC EN RÊVE CLAUDE LENGLET, CODIRECTEUR OPÉRATIONNEL EUROPE AU SEIN DU TIR CONSULTING GROUP (ÉQUIPE DE J. RIFKIN) PIERRE GIORGINI, PRÉSIDENT-RECTEUR DE L’UNIVERSITÉ CATHOLIQUE DE LILLE 1 SÉMINAIRE DU 13 & 14 JANVIER 2017 BENOÎT BOUREL, VICE-RECTEUR DE L’UNIVERSITÉ CATHOLIQUE DE LILLE EN CHARGE DE LA RESPONSABILITÉ SOCIÉTALE RÉVOLUTIONS URBAINES ET DÉMOGRAPHIQUES : DES EXIGENCES NOUVELLES BENOÎT ROBYNS, VICE-PRÉSIDENT TRANSITION ÉNERGÉTIQUE ET SOCIÉTALE DE L’UNIVERSITÉ CATHOLIQUE DE LILLE GÉRARD-FRANÇOIS DUMONT, GÉOGRAPHE, ÉCONOMISTE, DÉMOGRAPHE, RECTEUR, PROFESSEUR À L’UNIVERSITÉ PARIS IV SORBONNE JOÉLA DAVALO, RESPONSABLE RSE DE VILOGIA JEAN VIARD, SOCIOLOGUE, DIRECTEUR DE RECHERCHES ASSOCIÉ CNRS AU CEVIPOF LUDOVIC ROUSSEAU, RESPONSABLE DE PROJET REV3 DE VILOGIA Le monde rural devenu minoritaire cède la place à une nouvelle civilisation urbaine, à l’émergence de mégalopoles et à une hiérar- Nos civilisations avancées ont développé une démocratie dans tous les secteurs de la vie quotidienne. En matière économique, les chisation des espaces à la dimension de grandes régions. La lecture de ces espaces doit faire appel à des approches nouvelles où espaces régionaux sont souvent plus pertinents pour apprécier les évolutions en cours et les actions à mener. Les réflexions enga- le temps devient une dimension primordiale. L’allongement de la durée de la vie et la relativisation du temps passé au travail boule- gées sur la troisième révolution industrielle en cours impliquent tout particulièrement la Région Hauts-de-France qui a connu son versent les équilibres entre groupes sociaux et confèrent à la ville la responsabilité d’apporter de nouvelles réponses à l’évolution plein essor, du fait des révolutions précédentes, et donc, de ce fait, une crise profonde résultant de leur affaiblissement. Elle est d’un ensemble d’usages concomitants. emblématique de cette transition profonde à accomplir et des actions à entreprendre pour retrouver une nouvelle dynamique. Une telle démarche implique les différents niveaux de la démocratie territoriale mais aussi les représentants du monde économique et les populations concernées. Quelles formes nouvelles peut prendre la gouvernance du changement entre les institutions tradition- 2 SÉMINAIRE DU 3 & 4 FÉVRIER 2017 nelles et les collectifs citoyens qui se développent en utilisant la force des plateformes numériques ? RÉVOLUTION INDUSTRIELLE ET TRANSITION ÉNERGÉTIQUE ET NUMÉRIQUE : QUELLES RÉGULATIONS POUR LA VILLE ? JEAN CARASSUS, PROFESSEUR À L’ÉCOLE DES PONTS PARISTECH 7 SÉMINAIRE DU 9 & 10 JUIN 2017 PIERRE DUCRET, PRÉSIDENT D’I4CE, INSTITUTE FOR CLIMATE ECONOMICS, ET CONSEILLER CLIMAT ET COP21 DE LA CAISSE DES DÉPÔTS L’IMMOBILIER AU CŒUR DE CES TRANSFORMATIONS : L’organisation spatiale de la Société des urbains s’appuie fortement sur les grandes métropoles fruits de contacts privilégiés avec QUEL FINANCEMENT, QUELLE RÉGULATION ET QUELLE FORME URBAINE ? l’économie concurrentielle mondialisée. La nouvelle civilisation urbaine tend à s’organiser en de vastes territoires qui développent PHILIPPE CHIAMBARETTA, ARCHITECTE, FONDATEUR DE L’AGENCE D’ARCHITECTURE PCA-STREAM les relations nécessaires à leur prospérité. Dans le contexte de la 3e révolution industrielle fondée sur la transition énergétique et FRÉDÉRIC NOUEL, AVOCAT ASSOCIÉ AU SEIN DU CABINET GIDE LOYRETTE NOUEL numérique, les notions d’espace-temps utile, de métabolisme urbain et d’immobilier spécialisé se transforment. Comment la ville XAVIER LÉPINE, PRÉSIDENT DU DIRECTOIRE DU GROUPE LA FRANÇAISE peut-elle intégrer et réguler les contradictions auxquelles elle est confrontée ? GUILLAUME MANGEOT, DIRECTEUR D’AGENCE, ASSOCIÉ PCA-STREAM Les incidences de toutes ces évolutions sur la forme que prendront les espaces urbains de demain sont bien sûr très nombreuses. De même, la gestion des intérêts contradictoires exige des mécanismes de régulation renouvelés et proactifs. Comment les urba- 3 SÉMINAIRE DU 3 & 4 MARS 2017 nistes et leurs conseils juridiques les intègrent-ils dans leurs réflexions et comment se traduisent-ils dans la forme urbaine qui en TRANSFORMATIONS ÉCONOMIQUES ET AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE : QUELS ENJEUX ? découle ? Les nombreuses contingences financières impliquent également la mise en place de nouvelles formes de partenariat entre LAURENT DAVEZIES, ÉCONOMISTE, TITULAIRE DE LA CHAIRE « ÉCONOMIE ET DÉVELOPPEMENT DES TERRITOIRES » DU CNAM secteur public, grandes entreprises et populations : quelles en sont les lignes de force ? MARTIN VANIER, GÉOGRAPHE, PROFESSEUR À L’ÉCOLE D’URBANISME DE PARIS, DIRECTEUR D’ÉTUDES AU SEIN DE LA COOPÉRATIVE CONSEIL ACADIE Projeter la ville dans les grands mouvements qui affectent la société des urbains, c’est confronter des évolutions globales à un état d’inégalité inhérent au départ à chacun des territoires. Donner plus de compétitivité à la société urbaine française, c’est savoir 8 SÉMINAIRE DU 30 JUIN & 1ER JUILLET 2017 • SYNTHÈSE reconnaître ces atouts différentiels et en jouer. Dans un contexte de transformation du modèle économique global et de la relation GILBERT EMONT, directeur de l’institut palladio au travail, le positionnement spécifique des territoires tend à se radicaliser. Une politique d’aménagement nationale est probable- ment d’un autre âge surtout si elle vise à contraindre un développement économique naturel. Mais, dans un souci de solidarité globale, est-il possible de faciliter l’entrée dans cette nouvelle ère de l’économie géographique et d’offrir à chacun une égalité 22 NOVEMBRE 2017 • COLLOQUE DE CLÔTURE d’accès aux outils qui conditionnent la performance ? Nous remercions le Groupe La Française, membre fondateur de la Fondation Palladio, d’avoir accueilli dans ses locaux les séminaires à huis clos du cycle 2017 de l’Institut Palladio, ainsi que le Conseil Régional des Hauts-de-France, l’Université Catholique de Lille et Vilogia d’avoir reçu l’Institut lors du 6e séminaire à Lille. 40 41 SÉMINAIRE 1 1 RÉVOLUTIONS URBAINES ET DÉMOGRAPHIQUES : DES EXIGENCES NOUVELLES CONTRIBUTION DE MARC-ANTOINE DELBAUFFE, BÉATRICE LIÈVRE-THERY, ÉMILIE MOREAU INTERVENANTS : JEAN VIARD, GÉRARD-FRANÇOIS DUMONT

« Les espèces qui survivent ne sont pas espèces les plus fortes, ni les plus intel- projet politique ou de société mais plutôt ligentes, mais celles qui s’adaptent le mieux aux changements » : c’est en nous un effet non prévu de la modernité. 1 DÉBAT PUBLIC DU 24 JANVIER 2017 remémorant Charles Darwin que nous abordons ce premier séminaire avec NOUVEAUX MODÈLES ÉCONOMIQUES ET VALORISATION IMMOBILIÈRE : QUELLES LIGNES DE FORCE ? l’objectif de mieux appréhender les changements profonds, les dynamiques à Cette très forte augmentation de l’es- PIERRE SCHOEFLER, SENIOR ADVISOR À L’IEIF ET CONSEILLER DU PRÉSIDENT DU GROUPE LA FRANÇAISE l’œuvre en cette première moitié du 21e siècle, pour envisager les adaptations pérance de vie à de multiples consé- OLIVIER PIANI, SENIOR ADVISOR D’ARDIAN REAL ESTATE nécessaires, notamment dans le cadre de réflexion du cycle 2017: La ville de quences, tant en matière d’équilibres Parler de transformation économique, c’est désigner les critères qui conditionnent désormais la performance et la réussite. C’est demain, quelle place pour le travail ? économiques que de modes de vie indi- donc interroger les lieux et l’efficacité des liens qu’ils assurent pour optimiser la prospérité des territoires en particulier à travers viduels. la logique de métropolisation. Ce déplacement géographique de la création de valeur intéresse directement les investisseurs qui Nous nous intéresserons, dans un premier temps, aux mutations démogra- phiques intervenues pour l’essentiel au 20e siècle et aux conséquences socié- Nous avons en effet ajouté une généra- ciblent les infrastructures et l’immobilier. C’est là que se forge l’attractivité réelle pour les créateurs de valeur et les entreprises tales qu’elles entraînent, largement évoquées par Jean Viard, avant d’exami- tion à nos familles et cela bouleverse performantes dans la nouvelle économie. De nouvelles lignes de forces sont-elles en train de se dessiner qui traduisent la structu- les équilibres économiques : le poids ner les effets de la révolution numérique. Ce sont en effet sans doute les deux ration physique de cet univers globalisé ? révolutions fondamentales, inédites, imprévues et illogiques, pour reprendre des inactifs augmente (de 34 à 40 % en 90 ans selon les estimations), les héri- les termes de Gérard-François Dumont, auxquelles nous devons collectivement nous adapter pour apporter nos propres réponses et définir notre futur. Nous tages interviennent au moment où soi- même on prend sa retraite (on perd en consacrerons donc la troisième partie de cette contribution à tenter de décryp- 2 DÉBAT PUBLIC DU 31 MAI 2017 ter les enjeux sociétaux nés de ces révolutions et les adaptations nécessaires à moyenne ses parents à 63 ans, après LE GRAND PARIS À L’HEURE DU BREXIT : UNE CHANCE À SAISIR ? être devenus grands-parents à 53 ans) et notre gouvernance politique qu’elles nécessitent. BRUNO CAVALIER, CHEF ÉCONOMISTE AU SEIN DU GROUPE ODDO BHF cela bouleverse également les transmis-

ARNAUD DE BRESSON, DÉLÉGUÉ GÉNÉRAL DE PARIS EUROPLACE sions culturelles, puisqu’on vit désormais toute sa vie d’adulte sous l’œil de ses ALAIN TARAVELLA, PRÉSIDENT FONDATEUR D’ALTAREA COGEDIM parents. Les rapports entre les seniors, À l’heure où le Royaume-Uni quitte l’Europe, les interrogations sont nombreuses sur les conséquences d’un tel acte. La place de De fait, certains émettent aujourd’hui toujours plus nombreux, et la jeunesse Londres, très largement bénéficiaire d’une concentration européenne des implantations d’entreprises du secteur de la finance et de LES RÉVOLUTIONS l’hypothèse d’une baisse de la population se tendent au niveau global sur fond de la fiducie, se trouve concurrencée par d’autres métropoles européennes. Le Grand Paris en train de se construire sera directement DÉMOGRAPHIQUES EN COURS, mondiale à compter de 2080. concurrence pour les revenus, concur- impacté par cette nouvelle concurrence ; il peut vouloir en jouer pour dessiner son avenir. Quels peuvent être les éléments d’une telle rence gérée depuis 25 ans par un alour- stratégie ? Quels atouts peut-il mettre en avant ? Quelles sont ses chances réelles de convaincre ? CLÉ DE LECTURE ESSENTIELLE ! Les conséquences de cette explosion démographique sont immenses : d’un dissement considérable de l’endettement côté, la richesse produite dans le monde aujourd’hui probablement arrivé à son LA POPULATION MONDIALE A ÉTÉ maximum. Ces tensions sont toutefois MULTIPLIÉE PAR 4 AU 20e SIÈCLE a été multipliée par 10 au 20e siècle, bénéficiant de la hausse de la capacité compensées au sein de la famille où les 3 DÉBAT PUBLIC DU 11 OCTOBRE 2017 POUR ATTEINDRE PLUS solidarités intergénérationnelles se sont HABITER LA PLANÈTE URBAINE : HARMONIE OU CHAOS ? DE 7 MILLIARDS D’HABITANTS de travail dans le monde, hausse d’au- tant plus importante que l’espérance de renforcées. MAURICE CHARRIER, PRÉSIDENT DE L’INTA ET ANCIEN MAIRE DE VAULX-EN-VELIN Cette explosion de la population mon- vie a augmenté les heures travaillées; de La première conséquence de cet allonge- MARYSE GAUTIER, COPRÉSIDENTE DU COMITÉ PRÉPARATOIRE DE HABITAT III ET INGÉNIEURE GÉNÉRALE AU CGEDD diale qui, selon les experts, devrait se l’autre, nous entrons dans l’ère de l’An- ment de la durée de la vie est le rapport L’explosion démographique de la planète, avec la prise de conscience de plus en plus forte de la nécessité d’assurer le développe- poursuivre pour atteindre 9,7 milliards thropocène, c’est-à-dire que l’Homme au temps qui a été totalement bouleversé d’habitants en 2050 n’avait pas été anti- ment autrement, pose aux urbains un double défi quantitatif et qualitatif. Il s’agit, d’une part, de construire dans un temps limité commence à peser de manière signi- et devient un marqueur de la modernité. cipée, notamment parce que longtemps l’habitat nécessaire aux 3 milliards d’habitants supplémentaires escomptés d’ici 2050 ; d’autre part, dans une concentration plus ficative sur le devenir de l’écosystème En effet, après s’être structurées autour le malthusianisme a dominé, ainsi que accentuée des populations concernées, de garantir la sécurité de tous, un toit et une vie digne pour chacun, et de relever le défi terrestre, allant pour certains jusqu’à le de la conquête de l’espace, les sociétés la vision pessimiste du regroupement de la cosmopolitisation. Les heurts et soubresauts que ces chocs ne manquent pas de provoquer pourront-ils être surmontés ? Ces mettre en péril. sont maintenant concentrées autour de urbain perçu comme porteur d’innom- enjeux ont été au cœur des débats qui se sont déroulés lors de la conférence des Nations Unies « Habitat III » en octobre 2016. Peut-on la conquête et de la maîtrise du temps : espérer qu’elle mettra en œuvre un programme d’actions sur la Ville à la mesure des attentes qu’elle a créées ? brables catastrophes. Surtout, compte tenu des disparités très marquées entre les grandes zones du nous vivons aujourd’hui 700 000 heures Cette explosion est la résultante de la monde, elle conduit à un bouleversement en moyenne contre 500 000 heures en transition démographique, qui elle-même des grands rapports de force mondiaux, 1914 (800 000 heures estimées pour se déroule selon le même schéma, décalé qui plus est quand elle se double d’une un bébé qui naît aujourd’hui). La durée dans le temps selon les zones géogra- forte croissance dans les pays émer- légale du travail ne représente que phiques : baisse de la mortalité infantile, gents et d’un rattrapage progressif des 67 000 heures, moins de 10 % de notre de la mortalité maternelle puis baisse de niveaux de richesse. existence contre 200 000 heures il y a la natalité. À date, 50 % de la population un siècle. Nous dormons environ 200 000 mondiale a achevé cette transition. La fin heures, soit 3 heures de moins par jour de la transition se traduit par des situa- que nos grands-parents, nous étudions tions très inégales entre les différents L’ESPÉRANCE DE VIE A AUGMENTÉ e 30 000 à 35 000 heures. Au total, nous dis- pays, en fonction notamment du taux de DE 30 ANS AU 20 SIÈCLE, CE QUI posons donc de 400 000 heures de temps fécondité et de l’espérance de vie, ce qui A BOULEVERSÉ LE RAPPORT AU libre contre 100 000 il y a un siècle. L’es- rend les projections de long terme diffi- TEMPS sentiel de notre temps est donc « libre » ciles. En effet, la hausse de la population Depuis 1840, l’espérance de vie des ce qui implique que le temps est devenu mondiale est principalement la consé- nouveau-nés dans un pays occidental un enjeu privé, qu’il nous appartient quence de l’allongement de la vie : on et industrialisé a augmenté d’environ 3 avant d’appartenir à une quelconque ins- peut se demander, compte tenu de l’es- mois par an. En France, l’espérance de titution. pérance de vie actuelle très élevée, s’il vie a augmenté de 30 ans depuis 1900. CONTRIBUTIONS DES AUDITEURS ne s’agit pas d’un épiphénomène arrivé Ce n’est plus le travail qui structure notre Cette évolution, inédite, n’a pas été un à son maximum. temps mais c’est le temps hors travail

42 43 1 44 SÉMINAIRE 1 gommé carl’urbain estomniprésent. entre villeetcampagne s’estlargement taux d’urbains dépasseles 80 mique, culturelle,politique.EnFrance, le existantes, pôles d’attractivité écono- ment d’exode ruralbénéficiantauxvilles elles n’ontcessédecroître,le mouve- de richesses. reconnues ellesaussicommecréatrices croissante denotretempsetdoivent être ratif, qui pourtant représentent une part contribution aumodèlesocialcollabo- de l’autoproductiondomestique,la exacerbé parlafaiblereconnaissance sentiment demanquetempsestaussi des possibles aujourd’hui accessibles. Ce passé, n’estpassuffisantfaceàl’univers pourtant enabondanceparrapportau tions sont nombreuses de métier.Paradoxalement, lesfrustra- s’agisse deliensamoureux,d’activité/ sion deseréinventer plusieursfois,qu’il vont vivreplusieursviesetavoir l’occa- cette période de jeunesse, les adultes complexe, se mettent en place. Passée mentaux dansunmondedeplusen d’apprentissage etdedécouverte, fonda- expérimentations, celleoùlesprocessus comme nocives audébutdu20 Alors quelesvillesétaientdépeintes DES URBAINS,CONTRE15 PLUS DE50 du 20 soit 10à12ansplustardqu’au milieu tôt vers 28-30 ans que vers 16-20 ans, c’est senourriretreproduire aujourd’hui, au sens où « cence etl’âgeadulte période depassageentrel’adoles- aussi parunallongementdelajeunesse, de laduréeretraite,ilsetraduit seulement par une forte augmentation de laduréevienesetraduitpas à l’âgeadulte.Eneffet,l’allongement aussi plus rapidement, mais seulement cèdent plusnombreusesetpeut-être discontinue oùlesphasesdeviesesuc- Cette vielongueestaussiuneplus fection etdel’engagementprivé. liaux quistructurentunesociétédel’af sont maintenant les liens tribalo-fami- politique partagédeclassesociale.Ce tant queconsciencedeclasse,projet termes derichesse,tendàdisparaîtreen de classesociale,toujoursvraieen religieuses, sportives, culturelles.L’idée nombreuses et diverses communautés tant auxindividusd’appartenir àdetrès des liensmultiplesquisecréent,permet- blement élargi,sontmaintenantaucœur l’inventaire des possibless’est considéra- productive. Leschoixindividuels,dont derniers ayant prislepassurlasociété du modedevie,l’artvivre,ces travail. Nousentronsdansunesociété lieux viennentd’abord dutempshors normes, lesvaleurs, lahiérarchiedes qui structure la société du travail e siècle. Cette période est celle des % DES HUMAINS SONT % DESHUMAINSSONT : ondevientadulte : le temps libre, % EN1900 être adulte % e : l’écart siècle, » plu- : les - : de s’évader leweek-end vers lacampagne. ramener du vert dans la ville mais aussi besoin de se réapproprier du « à lanatureestrecherché,lesurbainsont nature revientaucentredudébat Pour autant,danscemondeurbanisé,la risque demettreenpérillamétropole. histoire quinedoitpasêtreoubliéeau toire toutentier,ensereposantsurson aux mouvements du monde à son terri- de lafierté,unsentiment d’appartenance symbolique estfondamentalpourdonner vient renforcerlamétropole,dontlerôle rigation desonterritoire,quilui-même La métropolejoueunrôlemajeurd’ir- l’imprévisibilité. nomie collaborative etparlàmêmede tique intense vie sociale,culturelle,artistique,touris- l’art de vivre qu’elle est l’occasion d’une dans cettesociété du tempslibreetde La métropoleestd’autant plusattractive France représente31 les 10plusgrandesmétropoles.L’Île-de- richesse etdesemploissontcréésdans richesse une parttoujourscroissancedela à quelquesmétropolesquiconcentrent de serenforcerpourdonnernaissance Ce phénomèned’urbanisation n’acessé dynamique. suffire àrendre unterritoireattractifet qui, s’ilssontimportants, nesauraient des seulsoutilsdemobilitéphysiques ritoires doivent seréinventer, au-delà C’est danscenouveau cadrequelester- partout instantanément. mobilité virtuellequinouspermet d’être dement s’estdoublédepuis2000dela kilomètres parcourustoujoursplusrapi- Cet accroissementconsidérabledes connaissent (logiqueréticulaire). premier tempsunecommunautéqu’ils car lesmigrantsrejoignentdansun mène décrit ci-avant de métropolisation, migrations viennent renforcer le phéno - vent jeunes(entre 18et30ans).Ces les deuxtierssontdestravailleurs, sou- migrants ontétérecensésen2015,dont restent très fortes politiques, religieuses,économiques qu’elles soient motivées par des raisons Au-delà du tourisme, les migrations, tière en2016. milliard d’humains ont franchi une fron- équilibres politiqueslocaux.Plusd’un ce quiaunimpact important surles çais netravaillent paslàoùilsdorment, des populations.Plusde61 tourisme concerneunepartcroissante La mobilitéestdevenue uneculture,le AU 20 DE NOSMODESVIE LA MOBILITÉESTAUCŒUR QUOTIDIENNEMENT : PARCOURUS MULTIPLIÉ PAR 9LESKILOMÈTRES e SIÈCLE,NOUSAVONS : ainsi,enFrance,61 : c’estlelieumêmedel’éco- : 250 millions de % duPIB. % desFran- vert % dela : le lien : lelien », de », de

sante desreligions. donc êtreconsidérécommelapluspuis- poraire delaconnexion Internetencas également un droit au maintien tem- fibres optiques d’ici 2022.Laloi prévoit tout leterritoirenationald’un réseaude milliards d’euros doitpermettrededoter verture nationale,unbudgetdevingt répondre àcesdéfis.Entermes decou- numérique du 7 octobre 2016 vise à En France,laloipouruneRépublique gestion desdonnées(datacenters,etc.). également àdesinfrastructures pour la mobile, àl’Internettrèshautdébitmais préparer ritoires (à toutes les échelles) doivent se Afin derépondreàcettemutation,lester- ment connectée. décentralisée maisdoitêtrenécessaire- velle économiepeut êtretrèsfacilement les donnéesetleurcirculation.Cettenou- de ressources abondantes fondées sur une économie dématérialisée, constituée L’économie traditionnellecèdesaplaceà lées. virtuellement aumondedeszonesrecu- est relativement facileetpermetd’ouvrir d’un territoire,commel’afaitleCantal, créer un maillage haut débit à l’échelle des TGVouautoroutes.Enrevanche, n’est pasenvisageabledemettrepartout contre le désenclavement. Toutefois,il la population, les territoires luttent donc depuis chezsoiestunedemandefortede La possibilité d’avoir accès au monde nantes dupassé. seuse écolo, vélo,tablette,bioutrilingue,bos- quiètent del’environnement nouveautés, surfentsurleNetets’in- voyagent, échangent, sontàl’affûtdes habitent dansdegrandesmétropoles, appelle les« nouvelle classesociale,queJeanViard On assisteainsiàlanaissanced’une UN OUTILDEDÉSENCLAVEMENT INTERNET, Internet, ausensde« en aplusdedeuxmilliardscirculation. phones n’existaientpas,aujourd’hui, ily à unréseaumobile.En2007,lessmart- compte plusdeseptmilliardsd’abonnés de trois milliards à être connectés, on trielles du passé. Nous sommes plus puissante quelesrévolutionsindus- mutation économique etculturelle aussi numérique, apourconséquenceune Cette nouvelle société, collaborative et eux denouvelles opportunités. les citoyens, etoffrepourchacund’entre les pouvoirspublics,entrepriseset formé radicalementlesrapportsentre le développement d’Internet atrans- En parallèledecesévolutionssociétales, RÉVOLUTIONNUMÉRIQUE LA », marginalisantlesclassesdomi- : accèsauréseaudetéléphonie nomades créatifs ce quirelie : une« », peut classe ». Ils central dessociétés technologiques activités autour du corps qui est « profonde mutation ainsiquetoutesles En parallèle,lesecteurdesloisirs esten pétences. demande grandissantedenouvelles com- sera possible, comme en témoigne la tion au numérique que cette transition taires. Enattendant,c’estparla forma- création decinqemploiscomplémen- teur delahautetechnologieentraîne l’OCDE, chaqueemploicréédanslesec- développent ouvont sedévelopper. Selon tomatisation, desnouvelles activitésse compensent pasceuxdétruitsparl’au- le mondedesnouvelles technologiesne ganisation de l’emploi,onledéplace,c’estuneréor- Jean Viard, « dès les années 1930. Comme l’explique technologique ne croient pas au risque « sérieusement. Lesexpertsdel’OCDE emplois devront, au minimum, évoluer Selon la même étude, près de 30 environ deuxmillionsetdemid’emplois. tution présentent un« Selon l’OCDE,9 pement dulivreélectronique. domaine publique(Google)etledévelop- risation desœuvrestombéesdansle de distributions(Amazon)oulanumé- engendrées parlesnouveaux moyens pleinement conscience des modifications du livreprend,quantàlui,maintenant à l’apparitiondunumérique.Lemilieu du disquequin’apasréagirapidement rieux ducontre-pouvoir grand-chose àvoiravec lemytheglo- l’information traditionnelle « de certainsmétiersendormiscomme Internet aparticipéauchamboulement numérique. du Chollet etPhilippeRivièredansunarticle fice social habitudes en« une modificationprofondedesanciennes de révolutionestprimordiale et induit teurs del’activité humaine hétérogènes quiaffecte« mais commeunensemblededispositifs un médiaaumêmetitrequelatélévision, nologies nesontpasàenvisagercomme Pour cesociologue,lesnouvelles tech- lution numérique,révolutionculturelle? loppe cettethèsedanssonouvrageRévo- révolution culturelle.RémyRieffeldéve- Cette révolutionnumériqueimpliqueune ET SOCIÉTALE UNE RÉVOLUTIONCULTURELLE à cequis’yfait. qui n’habitentpaslesmétropolesl’accès banité aux non-urbains Le numérique est une extension de l’ur- l’électricité. d’impayé, aumêmetitrequel’eauou Monde Diplomatiqueconsacréau » pardesrobots.Celareprésente ». Si les emplois créés dans », comme le souligne Mona on ne perd pas forcément » envisagéparKeynes % desemploisenFrance déstabilisant toutunédi- risque élevédesubsti- : il donne à ceux » etl’industrie tous lessec- de chômage ». Lanotion qui n’a plus % des l’objet ». à « le monde et sur les autres. On assiste de bénéficier d’une fenêtreouverte sur individualiste permet,paradoxalement, un écran.Cetteactivitépardéfinition cent milleheuresdenotreviedevant Nous passonsactuellement,enmoyenne, notion depropriété. classiques principalement axés sur la bus) ainsi que les modèles économiques volontiers lesnotionsdefamilles,tri- rapports entrelesindividus(onemploie La révolutionnumériquearedéfiniles PLUS COLLABORATIVE LE PASSAGE ÀUNEÉCONOMIE car etUber. ce secteur,onpeut citer salaire poulailler quivenaient encomplémentdu « Pour JeanViard,lalocationtypeAirbnb transformation del’autoproduction. La consommationcollaborative estune source) avec leplusgrandnombre. meut lepartagedessavoirs libres(open • (impression 3D,recyclage,etc.). muns et les plateformes de partage regroupe laproductiondebienscom- • manière plussobreetdurable. ou sous-utilisésetdeconsommerd’une permet departagerlesbiensinutilisés • coins). désormais lesLitecoinsetName- ne répondàaucunerégulation(existe est crééleBitcoin,monnaievirtuellequi à 12 Weshare pourlesPME)quiprendde5 Kisskissbankbank entreparticulierou relation sefaitviauneplateforme(type fonds propresouunprêt.Lamiseen un don,uneprisedeparticipationaux crowdfunding, quipeuvent consisteren • est présentesousquatreaspects Actuellement, l’économiecollaborative et bénéficiaire. son tour.Chacunestàlafoisprestataire également trèssimpled’en proposerà céder àdenombreuxservicesmaisilest Internet, ilestbeaucoupplusfaciled’ac- « les dixplusgrandesidéesquiallaient a classél’économiecollaborative parmi bien oud’un service l’usage prédominesurlapropriétéd’un comme « solidarité définitl’économiecollaborative Camille Mandel du façons deconsommerouproduire. la solidarité,créantainsidenouvelles sont crééesessentiellementfondéessur individualiste, des« trer. Afindes’opposeràunmondetrop monde virtuelabesoindeserencon- remplace désormaislepotager ou le changer le monde La connaissancecollaborative quipro- La production collaborative qui La consommationcollaborative qui Les financementscollaboratifs,ou une réunification numérique % desmontantsrécoltés.En2009 ». Parmi lesgrandesréussites de un nouveau modèledanslequel ». Grâce au réseau ». En2011,leTimes think tank pour la communautés : Airbnb,Blabla- : » » se : le favorisés ? pourrait-il sisonaccèsestlimitéauxplus nomique etlechômage.Maiscomment comme réduirelafracturesocialeetéco- numérique doitrelever degrandsdéfis faire marchearrièreetdelesstopper.Le rique vontvite.Iln’estpaspossiblede Les mutationsengendréesparlenumé- cercle vertueux delacollaboration sur lesnouveaux usagesetvalorise « communautaires, la formation capitalise En utilisantdesoutilscollaboratifset multimédias), àdesfinsdeformation. crowdsourcing, systèmedecontenus cussion boardsouforums,outilsde (réseaux sociaux, mais aussi wikis, pliquer les technologies dites sociales Le principe du les réseaux sociaux et accessibles à tous. mantes, sontdésormaisdisponiblessur Des formations,dontcertainesdiplô- d’être transforméeparlenumérique. on comptelaformationquiestentrain Parmi les(r)évolutionsimportantes, tant parailleurs utilisent leurplateformequeceuxexis- droits du travail pour les individus qui ploi ennereconnaissantpaslesmêmes système " pour MichelBauwens, « Unis. et l’électiondeDonald Trump auxÉtats- récentes ontétéle BrexitauRoyaume-Uni tionnisme dont les traductions les plus une montéedesextrêmesetdu protec- pagnent laglobalisation,onassiste à et àlarévolutionnumériquequi accom- Parallèlement auxévolutionssociétales « NÉCESSAIRES TIONS ÉVOLUTIONS ET LESADAPTA- LES ENJEUXNÉSDECES s’affilie au cours de sa vie diverses communautésauxquelleson en démultipliant ses relations dans les sa vie,endiversifiant sesexpérienceset nomie offrela« Pour JeremyRifkin,cettenouvelle éco- sociale correcte derniers puissentjouir d’une protection plateformes et travailleurs pour que ces naître lerapportdesubordinationquilie le défiaujourd’hui est defaire recon- taxes imposéesauxemployeurs. « riques sontexonéréesdelaplupartdes indépendants, lesplateformesnumé- étant considéréscommedestravailleurs ment destravailleurs. Lesprestataires rents traditionnelsmaissouvent audétri- réactives etefficacesfaceàleursconcur- permettent àcesentreprisesd’être très travail. Lescontratsatypiquespassés réelles questionsentermesdedroitdu de l’économiecollaborative posentde Sous unaspectvertueux, lesentreprises IL N’YAPAS DEFATALITÉ netarchique social learning estd’ap- », préciseCamilleMandel. ». possibilité d’améliorer " précarisentl’em- les acteursdu ». :

A contrario,

» ». Tout dis- un 45 CONTRIBUTIONS DES AUDITEURS 1 1 46 SÉMINAIRE 1 tés diverses parmilesquellesunedimen - fracture numérique comprenddesréali- d’accès auxnouvelles technologies. La des foyers demeurent ainsi dépourvus l’apparente généralisationd’Internet, d’une « constat n’effacepaslapersistance connectée enFrance.Pourtant, ce 80 Selon uneétudeduCredoc,plusde FRACTURE NUMÉRIQUE RÉUNIFICATION NUMÉRIQUE VS creusant encorelesinégalités. des plusqualifiésafortementaugmenté du supérieuradiminuéalorsquecelui 2000, letauxdechômagedesdiplômés années. Depuis le début des années férence quis’estaggravée cesdernières diplôme deniveau Bac+2en2013,dif que celuidespersonnesdisposantd’un des non-diplômésesttroisfoisplusélevé vatoire desinégalités, letauxdechômage plus desubirlechômage.Selonl’Obser- professionnellement et qui risquent le contrent leplusdedifficultésàs’insérer més, quisontégalementceuxren- rement importantparmilesmoinsdiplô- Le voteauFrontNationalestparticuliè- loppé cesdernièresannées. national s’estparticulièrementdéve- vier Faure, unterritoireoùlevoteFront le députésocialistedeSeine-et-MarneOli- lisières Il s’agitdela« paramètre gnement ducentres’ajouteunautre avant de décroître de nouveau. maximum à30-40kmducentreurbain le votefrontisteaugmente.Ilatteintson devant leFN.Plus ons’enéloigneplus ditionnels remportentlessuffragesloin et en périphérie proche, les partis tra- le montre L’analyse duvoteFrontNationalenFrance plus s’accroissentlesdifficultés. on s’éloignedesgrandscentresurbains, s’offrir partout dans le monde. Mais plus lifiés dontlescompétencespeuvent aller profite auxmétropolesetplusqua- toriales existantes. La mondialisation à accentuerlesinégalitéssocio-terri- profitent pasàtous,voirecontribuent sont aussiexcluantesencequ’elles ne émancipatrices etcréatrices.Maiselles ment décrites sont pour une large part Il apparaîtquelesévolutionsprécédem- enjeu decohésionsociale? évolutions neserait-ilpasaufinalun du populisme?L’enjeu principalliéàces traduise égalementparunetellemontée plissement desoiauniveau individuelse global, lesloisirs,l’autonomie,l’accom- communication, leséchangesauniveau nouveau quifavorise l’innovation, la Comment comprendrequececontexte SOCIALES LOISIRS ET…PLUSD’INÉGALITÉS PLUS D’INNOVATIONS, PLUSDE % delapopulationseraitaujourd’hui », selonlestermesemployés par fracture numérique : danslecœurdesmétropoles : celuidel’accèsautransport. France desmargeset ». Malgré À l’éloi- - percé danslee-commerce, ouvrent des de mêmequecertaines start-upsayant players le présageaient.Àl’inverse, les« commerce traditionnel, comme certains du e-commercen’apasfaitdisparaître le commerce lieu physique restecentral,àl’imagedu De multiplesexemplesmontrent que le fit pasàluiseulcréerduliensocial. Le développement dunumériquenesuf bénéficient les« et deservicescomparablesàcelledont des « L’objectif estd’offrir unequalitédevie, peuvent aussiapporter desréponses. développés àl’échelle desterritoires chômage ouderetraite),lesprojets sionnelle, assurance-maladie,indemnité subissent (éducation,formationprofes- der des« rait bénéficier à tousà condition d’accor- qui suggèrent que la mondialisation pour- Au-delà desthéoriesmacroéconomiques toires ? et lerestedespopulationsterri- concerne enpremierlieulesmétropoles, la révolutioncollaborative urbaine,qui évolutions ?Commentgérerl’écartentre ment répondreauxdéfisposésparces doublent d’une fracturenumérique. Com- et territorialesquisecreusent en mêmetempsdesinégalitéssociales discontinues, unelongévitéaccrueet plexes etdivers, destrajectoiresdevie Des modesdevieplusencom- L’IMPORTANCE DUTERRITOIRE L’IMPORTANCE DUPOLITIQUE, l’usage desnouvelles technologies. cier lespotentialitésourisquesliésà pas nécessairement outillés pour appré- contrairement auxidéesreçues,nesont les plusjeunes,digitalnatives, qui, tence numérique. Il vaut également pour renvoie désormais à celui de la compé- velles technologies.Leprincipalenjeu de formation et d’appropriation des nou- d’équipement mais bien plus un enjeu plus seulementunequestiond’accès ou Ainsi, lafracturenumériquenedésigne lisation limitée etmécanique d’Internet. outils etceuxquisecantonnentàuneuti- s’adaptent facilementauxnouveaux entre lesinternautesquiévoluentet retrouvent égalementdanslesusages, pas le baccalauréat. Les inégalités se des personnes« les milieux sociaux. Selon le Credoc, 90 se traduitpardefortesdisparitésentre le mieux profit. La fracture numérique qués etlesplusinformésquientirent d’inégalités qualifie ainsiInternetde« rels. Le sociologue Dominique Cardon fossés générationnels, sociaux et cultu- Mais ellerenvoieaussietsurtoutàdes ruraux nebénéficientpasdel’ADSL. sion géographique chances » dunumérique, tels queGoogle, compensations : letrèsrapidedéveloppement », carcesontlesplusédu- » entermesd’aménités urbains déconnectées : certainsterritoires » connectés. » àceuxquila multiplicateur » n’ont pure % - combinent. générationnelles, quis’aggravent etse les fractures, territoriales, sociales et au premierrangdesquelsl’isolementet défis quisontposésparcesévolutions, d’autre part,apporterdesréponsesaux La fabriqueterritorialeeturbainepeut, usages. vail etsusceptibles d’accueillir d’autres s’adapter auxtransformationsdutra- bureaux modulables, évolutifs, pouvant travail par exemple en envisageant des trouver leurplace.Dansledomainedu pour permettreauxnouveaux usagesde dimension évolutive danslesprojets, à adopterestsansdouted’intégrer une travailler. Danscecontexte,l’approche tion dedemain,lesnouveaux modesde dire quelsserontlesmodesdecohabita- est trèsdifficilevoireimpossibledepré- Or, les évolutions passées l’ont montré, il riques. vices offertsparlesplateformesnumé- de l’économiecollaborative etdesser- vies, auvieillissement,développement s’adapter au changement des modes de compte. Lavillededemaindoitpouvoir d’une partceluidesavoir lesprendreen L’enjeu posé par ces évolutions est CHAMP DEPOSSIBLES SOCIÉTALES ENOUVRANTUN ACCOMPAGNER LESÉVOLUTIONS menace du« magasins physiques. Ilapparaîtquela ficités, seshabitants, sonhistoire.Selon prend appui sur le territoire, ses spéci- qu’il existeunprojetquis’incarneet qui Dumont, etquetoutestpossibledès lors lité d’image montrent « enclavés, encrise,souffrantd’un déficit développement territorial dans deslieux désirable idées, à donner du sens, à « à-dire la capacité d’un acteur à avoir des suppose derevaloriser lepolitique,c’est- Concevoir unrécitpositifetintégrateur CONCLUSION fabrique urbaineausenslarge. décrites impactentàdifférentsniveaux la ce nouveau contexte territoire réponses peuvent êtreapportéesparle légitimer lespolitiquesterritoriales.Des L’importance du lieu/lienphysique vient velles technologies. demeure incontournableàl’èredesnou- aussi, àquelpointlarencontrephysique mouvement Nuitdeboutmontrent,elles tions citoyennes récentes, à l’instar du final mesurée. Les grandes manifesta- d’effectuer sonachatenligne,soitau magasin physique pourrepéreravant le fait d’avoir uniquement recours au » selonlestermesdeGérard-François : quellevillefabriquerdans ». Denombreuxexemplesde showrooming qu’il n’yapasdefata- ? Lesévolutions rendre la ville », c’est-à-dire plus « niques etfonctionnelles,desdimensions compte, au-delà des approches tech- de laquestionsociétale,enprenant tion urbaine dans le cadre plus large évolutions imposentdereplacerlaques- D’un pointdevueméthodologique,ces publics (Paris plage,lesbergesdeSeine). une dimensionludiquedanssesespaces du travail etdutempslibre,intégrant tions récentestémoignedel’imbrication périodes delavie…Lavilledanssesévolu- tion, besoinsspécifiquesauxdifférentes vail, espaces de production et de récréa- conciliation tiples besoinsetdeleurnécessaire et imposeunepriseencomptedesmul- du faitquelacomplexitédevientnorme Ce projet suppose aussi de prendre acte cès auxtransportspublics… riser les abords des gares, faciliter l’ac- place, accompagnerlesparcours,revalo- les entrepriseslocalesàdépensersur proximité, penser aux habitants, inciter nés d’initiatives citoyennes portés par les acteurs publics mais aussi développent dansdenombreusesvilles, s’appuyant surdesactionsconcrètes,se Des projetsderevitalisationurbaine, urbaines ». gies lequel peuvent prendreappuilesstraté- voir « élus deproposercettevisionetconce- l’urbaniste Jean-Yves Chapuis,c’estaux ment exploitées. sans doute encore à ce jour insuffisam - lier lesdifférentestemporalitéssont approches gies pourcréerdulien,développer des les potentialités des nouvelles technolo- un récitpositifetfédérateursur sensibles bottom up,maisaussiconci- : tempsdeloisirsettra- ». Decepointdevue, : privilégierla 47 CONTRIBUTIONS DES AUDITEURS 1 SÉMINAIRE 2 plusieurs projets en même temps : c’est Pour le numérique il sera nécessaire RÉVOLUTION INDUSTRIELLE ET TRANSITION ÉNERGÉTIQUE ET NUMÉRIQUE : QUELLES CONSÉQUENCES le modèle de l’économie participative et d’adapter l’éducation dans sa nature, sa DES RÉVOLUTIONS NUMÉ- collaborative. structure et son appréhension de l’ave- QUELLES RÉGULATIONS POUR LA VILLE ? RIQUES ET ÉNERGÉTIQUES nir. Il est évidemment fondamental de 2 La comparaison Airbnb/Accords (simple- l’intégrer ainsi que les technologies de la 2 CONTRIBUTION DE GUILLAUME DELORME, ÉRIC DE THOISY, DOAN LEBEL, ANTOINE LE TREUT SUR LE TRAVAIL ? ment ramenée à l’analyse des capitalisa- INTERVENANTS : JEAN CARASSUS, PIERRE DUCRET révolution industrielle dans l’éducation tions boursières, du nombre de salariés et la formation, et d’augmenter l’effort de Concernant justement le travail, thème et du nombre de chambres détenues en recherche dans ces nouveaux domaines. que nous étudions plus particulièrement propre) est la parfaite illustration de Il faut aller au-delà car cette révolution cette année, les deux révolutions numé- cette transformation du modèle d’en- numérique est aussi culturelle. Il faudra riques et énergétiques ont des effets treprise. Au sein de ces dernières, la donner l’envie, investir dans la forma- majeurs. manière de travailler, les modes de fonc- tion, la recherche et l’innovation pour tionnement et de vie sont profondément permettre à l’économie de prendre le Le séminaire avec Jean Carassus été technique d’abord (et même avant D’abord sur l’espace et la tentation remis en question. L’entreprise devient tournant d’une révolution riche en oppor- et Pierre Ducret portait sur l’ana- cela, il a été scientifique, mathéma- qu’il y a à parler d’une dimension LA RÉVOLUTION NUMÉRIQUE ouverte et s’inscrit dans des logiques tunités. lyse de deux phénomènes majeurs tique) ; puis il a été industriel, avec spatiale qui pourrait être compen- de communautés d’experts et d’indépen- du 21e siècle – l’impératif climatique la montée en puissance de modes de sée, voire remplacée, par une nou- Les nouvelles possibilités d’automatisa- dants qui ont des compétences bien spé- Certaines villes ont déjà entrepris des initiatives en ce sens, par exemple Paris et le déploiement du numérique – fabrication massive, qui ont utilisé la velle géographie connectée ; on peut tion, présentes dans tous les secteurs cifiques. Apparaissent déjà les nouvelles approches de structuration des organi- avec les projets de la Halle Freyssinet ou aujourd’hui tous deux qualifiés de nouveauté technique pour en fabri- nuancer. Certes, il y a les MOOC, qui économiques, amplifient les modifica- sations (l’holacratie, les entreprises libé- #hackingparis2024 pour ne citer qu’eux. révolutions et touchant particuliè- quer des objets ; puis le changement permettent à un utilisateur d’étudier tions potentielles des structures de tra- rées… ) ; elles convergent toutes vers la rement le monde urbain. À partir de est culturel dans le sens que ces sans se déplacer. Mais aussi, il y a les vail. Elles posent à nouveau la question de L’intervention publique devra aussi por- leurs interventions nous avons sou- la place du travail humain dans la société quête d’un but commun, la décentralisa- objets transforment notre manière de SPOC (Small Private Online Courses) : tion du pouvoir, l’apprentissage perma- ter sur l’adaptation des dispositifs juri- haité nous interroger sur le carac- de demain. voir le monde (cf. Milad Doueihi, entre des usagers se regroupent pour nent, l’autonomie de décision, la recon- diques et fiscaux aux besoins des inno- tère industriel de ces révolutions, autres, Pour un humanisme numé- suivre un MOOC. Et il y a une double Jusqu’à présent, l’évolution s’est faite de naissance personnelle et collective, la vateurs tout en gérant les industries analyser les défis qu’elles imposent rique). Par exemple, on n’appréhende leçon : d’abord l’initiative est venue l’agriculture à l’industrie, puis de l’indus- qualité des relations interpersonnelles. « uberisées » – L’objectif étant d’éviter les aux villes, à leurs acteurs ainsi qu’aux plus nos déplacements dans le terri- des étudiants eux-mêmes, qui se sont trie aux « cols blancs » des services, puis actions et décisions contradictoires sur- concepteurs de politiques publiques toire (uniquement) par notre corps, regroupés pour travailler ensemble, aux services à la personne où la tech- venues lors de la sortie d’UberPop. Il sera essentiel d’accompagner à la fois les des- afin de réfléchir aux liens qui peuvent mais (aussi) par des outils de carto- et seulement après les établisse- nologie intelligente remplace de plus en LA TRANSITION ÉNERGÉTIQUE tructions d’emplois (source de disparités être faits entre ces deux révolutions. graphie et de géolocalisation. ments ont participé à la production plus les salariés. Quelle suite ? Y a-t-il un La transition énergétique a elle aussi des entre populations et entre territoires) et Commençons par revenir sur le débat spécifique de ces SPOC. Et surtout, avenir pour le travail dans l’ère de l’intel- Cela correspond au moment actuel, conséquences majeures sur l’emploi. Le de développer les dispositifs d’adapta- posé par Jean Carassus au sujet de le retour de bâton quant aux idées ligence artificielle et du numérique ? Et si celui d’Internet des objets, dont Jean développement massif à l’échelle mon- tion et de sécurisation des citoyens face la «révolution numérique» – s’agit-il de disparition de l’espace est radi- oui, sous quelle forme s’organisera-t-il Carassus dit précisément qu’il ne diale des énergies renouvelables pré- aux mutations structurelles qui découle- d’une révolution industrielle ? – pour cal : à nouveau il faut un lieu, pour se dans celle nouvelle économie coopérative s’agit pas de quatrième révolution : figure bien sûr le ralentissement (ou le ront de ces politiques. regrouper et des espaces dédiés au pleinement distribuée ? y apporter quelques éléments de « c’est un changement radical, mais déclin) des puissantes industries liées réflexion complémentaires. En s’ar- visionnement collectif de MOOC sont [...] il n’y a pas d’innovation radicale. En caricaturant l’article de la journaliste aux énergies fossiles mais également les rêtant d’abord sur le second terme, même prévus aujourd’hui dans les Ça met en transversal toute une série économique Anne Drif dans les Échos du occasions phénoménales d’innovation et « industriel », et nous reviendrons en programmes. Le fantasme de l’univer- d’innovations qui existaient déjà. » 07/03/2017, qui traite de suppression de création d’emplois. Selon l’Organisa- conclusion sur le terme « révolution ». sité virtuelle n’aura pas fait long feu. Effectivement la technique s’étend, d’effectifs chez Goldman Sachs, nous tion internationale du travail, la transi- QUELLES CONSÉQUENCES S’agit-il d’une révolution industrielle, partout, à tous les objets, c’est même Une autre illustration de cette dimen- pourrions dire : « Nous partîmes 600 mais tion écologique pourrait créer 60 millions d’emplois à l’échelle mondiale d’ici 2030. SUR LA VILLE certainement. Jean Carassus l’ex- une de ses caractéristiques fon- sion culturelle, avec le travail : on a par un prompt renfort d’intelligence arti- ET L’URBANISATION ? plique parfaitement : « une période damentales : l’instrument cherche parlé de l’immense diminution du ficielle, nous nous vîmes 2 en arrivant au La transition énergétique « bas carbone » historique qui se traduit par une à « s’appliquer partout où il peut temps de travail et de l’explosion du port. » Si on se doutait que la robotisation est une transition énergétique de rup- accélération de l’innovation, par l’ap- s’appliquer », dit Jacques Ellul ; et le temps libre. Là aussi, d’autres élé- n’allait pas vraiment aider l’emploi et tures nécessitant un déploiement de ACCÉLÉRATION parition d’une grappe d’innovations digital colonialism dont parle Anto- ments sont à prendre en compte : risquait de menacer les moins qualifiés, réseaux d’énergie renouvelable (EnR) DE LA MÉTROPOLISATION radicales, qui se traduit par un pro- nio Casilli – « whatever can go digital par exemple, les travaux sur le digital Goldman Sachs démontre désormais – de grande envergure. Cela pourrait faire Les technologies numériques ont non cessus de destructions créatrices et must go digital » – n’est donc pas une labour, portés en France par Antonio en annonçant avoir réduit son nombre de émerger une nouvelle géographie de seulement soutenu la croissance de par un changement très profond de caractéristique du numérique, c’est Casilli, montrent qu’une grande partie traders new-yorkais de 600 à 2 et rem- l’énergie avec des disparités aux niveaux secteurs d’activités déjà urbains mais l’ensemble des modes de production, une propriété de toute la technique. de ce temps libre est, en fait, du temps placé ces derniers par des algorithmes des territoires. Aujourd’hui, les États-Unis elles sont aussi à l’origine d’une écono- de consommation, d’usage et de vie ». Et c’est précisément là sa dimension de travail. Mais c’est une nouvelle – que des emplois qualifiés seraient et la Chine sont les premiers producteurs mie numérique encore plus concentrée La pensée de Carassus s’inscrit dans culturelle. forme de travail, le digital labour : également impactés par la révolution d’EnR en valeur absolue mais la part géographiquement dans les métropoles. la continuité de grands penseurs de la en cliquant, en likant, nous agissons numérique. L’article permet néanmoins d’EnR dans leur consommation nationale Une étude de l’Insee de 2016 montre ainsi Cet attachement à une précision technique, André Leroi-Gourhan entre comme employés, au sens le plus de comprendre que cette révolution s’ac- reste faible. En revanche, une vingtaine que l’économie numérique est particu- sémantique – passer d’industriel à autres, qui insistent sur l’idée de vrai du terme, pour telle entreprise compagne de créations d’emplois directs de pays produisent d’ores et déjà plus lièrement concentrée en Île-de-France culturel – n’est pas que rhétorique ; convergence comme contexte histo- du numérique ; imaginons seulement (ingénieurs) et indirects (construction de la moitié de leur électricité grâce aux (512 600 emplois en 2012, ce qui correspond il permet, très concrètement de rique nécessaire pour parler de révo- que si tous les usagers, ne serait-ce des appareils de production et gains de renouvelables. Parmi eux figurent notam- à la moitié des actifs du secteur en France). confirmer que cette « révolution » lution, ou en tout cas de mutation : qu’une journée, se contentaient de productivité). ment le Brésil (82,7 % d’EnR dans son mix Elle représente 9 % de l’emploi francilien nous concerne bien, nous, fabricants électrique) et le Canada (62,5 %). On voit convergence entre des nouveautés parcourir le contenu sans le liker, contre seulement 3 % en province. de la ville, qui après tout avons une Véritable tsunami technologique, les déve- se dessiner une autonomie énergétique techniques et un milieu humain, prêt le modèle économique tout entier de à accueillir ces nouveautés pour en fonction culturelle bien plus qu’indus- loppements agiles, l’Internet des objets, et une remise en question du poids éco- Par ailleurs, les géants numériques cap- l’entreprise en question vacillerait. tent massivement la valeur dans le monde faire un fait social. trielle. la robotique ou encore la biotechnologie, nomique des pays et territoires pour les- Ce n’est donc pas tant qu’on travaille caractérisent le début d’un mouvement quels les ressources en énergie fossile entier pour la concentrer en quelques Mais il y a surtout une autre ques- Aussi, le passage à cette dimension moins et qu’on a davantage de loisirs, positif pour créer et dessiner une nou- constituent la base de leur économie. points du globe : certaines grandes tion : peut-on parler, non pas uni- culturelle permet, par deux illustra- c’est que la distinction même entre velle ère dans laquelle l’appréhension du villes et métropoles où se trouvent leurs quement de révolution industrielle, tions, d’apporter quelques éléments travail et loisirs ne tient plus vrai- travail, des emplois et les compétences sièges, leurs relais marchands régionaux mais de révolution culturelle ? Il faut de débat par rapport aux séances ment ; or cette distinction est un pilier vont être totalement modifiées. LA NÉCESSITÉ D’UNE POLITIQUE ou parfois des paradis fiscaux. La transi- regarder l’histoire : le changement a précédentes. de notre culture. COORDONNÉE tion numérique a ainsi pour conséquence Le numérique entraîne l’apparition de une concentration spectaculaire de la nouveaux modes de production. Les Qu’il s’agisse de révolution numérique ou valeur ajoutée au profit des quelques structurations en réseau distribué favo- de transition énergétique, les défis sont écosystèmes ayant su faire grandir des risent l’apparition de projets basés sur à la hauteur des enjeux et ne pourront géants de l’économie numérique et, le SÉMINAIRE 2 CONTRIBUTIONS DES AUDITEURS des contributions volontaires d’indivi- être relevés qu’en menant des politiques plus souvent, des métropoles plutôt que dus, qui peuvent eux-mêmes participer à cohérentes à la fois globales et locales. des pays tout entiers.

48 49 Il sera donc nécessaire d’organiser un révolution industrielle. En tant qu’acteur implique les différentes disciplines du seignent les matériaux issus ou utiles à LES LIMITES DE LA SMART CITY gouvernement de la ville-aggloméra- majeur de la transition énergétique, il doit bâtiment comme le second œuvre ou le leurs projets. LA VILLE INTELLIGENTE tion, sur un périmètre évolutif ; les élus non seulement guider tous les acteurs de gros œuvre. AU SECOURS DE LA VILLE Ces 10 dernières années, les expéri- mentations se sont multipliées : à Séoul, régionaux et locaux sont conscients du la construction vers une remise à niveau • Les architectes partenaires y trouvent DURABLE ? 2 problème et communiquent largement Le nouveau label E+C- intègre le bilan des pistes de matériaux pour répondre en Corée du Sud, la technologie Radio 2 du réseau de communication (récupéra- carbone de construction et d’exploitation Frequency Identification permet en sur les politiques visant à harmoniser tion et exploitation des données, accès aux ambitions de recyclage et aux prin- du projet en complément du bilan éner- Les défis pour la ville face aux révolutions temps réel de facturer aux habitants le l’accès à ces technologies pour éviter les aux réseaux dans différents espaces…), cipes de l’économie circulaire. gétique. Cela préfigure la nouvelle régle- numériques et énergétiques sont donc ramassage en fonction de la quantité fameuses zones blanches et la margina- être proactif sur le sujet des énergies lisation qu’elles engendrent – sujet que mentation thermique de 2018 2020. • Les maîtres d’ouvrage y trouvent la immenses. Et les défis en matière de nou- de déchets produite. À Lyon, le système pour passer de l’énergie fossile aux la technologie elle-même est en train de réponse aux objectifs de la loi de transi- velles régulations à inventer le sont tout Hublo permet de collecter, de visualiser traiter avec la 5G voire la 6G. sources renouvelables ; il faudra adapter tion énergétique pour leurs patrimoines. autant. et d’analyser en temps réel l’ensemble les constructions, les installations élec- AXES DE DÉVELOPPEMENT POUR des données liées au service d’eau de la • Les entreprises de démolition identi- triques pour les transformer en réseaux LES MÉTIERS DE L’IMMOBILIER Mais si la ville est au défi sur ces sujets, ville et ainsi de mieux anticiper et organi- NÉCESSITÉ DE S’ORGANISER, intelligents, numériser le secteur des fient des nouvelles filières de valorisa- elle constitue également une ressource ser les interventions, de réduire les fuites transports et de la logistique, équiper Les villes consomment 80 % de l’éner- tion et évitent des coûts d’élimination. pour inventer et construire les modèles DE REPENSER, DE RÉGULER gie produite mondialement, car elles et la consommation de cette ressource. les routes pour qu’elles deviennent intel- de développement de demain. Car la Quant à Vienne, elle a développé des pro- La transition énergétique souligne les concentrent les domaines les plus éner- • Les constructeurs sourcent des ligentes. Cela va nécessiter l’adaptation ville est le lieu de l’innovation : celui où grammes de capteurs citoyens : les auto- questions de densité, d’énergie, des givores : le bâtiment et les transports, matières localement et à faible coût. de la façon de concevoir une ville et des se développera l’économie verte (qui est mobilistes sont équipés de capteurs qui transports, du financement… Ces sujets responsables de 70 à 80 % des gaz à effet plans de formation importants pour tous • Les designers peuvent proposer des avant tout une économie de services), où sont multiples et démontrent l’urgence de serre (GES). aident à réguler la circulation mais aussi, les acteurs de la construction (ingénieur, de nouveaux modes de production et de de développer des politiques pour que concepts nouveaux de valorisation. entre autres, la qualité de l’air. compagnons, donneur d’ordre). Nous développerons dans ces quelques délivrance des services publics s’inven- l’émission du dioxyde de carbone et • Les entreprises d’insertion ou autres Cependant, malgré ce développement mas- exemples les axes importants de dévelop- teront, celui qui peut atteindre la pointe d’autres gaz hautement polluants soit L’important dans cette période est sif des dispositifs intelligents, la smart pement dans lesquels nous sommes à la peuvent devenir des partenaires et déve- de la productivité dans l’utilisation des réduite de façon draconienne. d’adapter « l’acte de construire » à ce rencontre des métiers du numérique et city peine encore à remplir ses pro- lopper une prestation dédiée. ressources, comme le soulignait Pierre L’enjeu est majeur pour les métropoles changement en alliant la régulation par de la transition énergétique. messes. Le numérique est très consom- le pouvoir politique, l’initiative indivi- • FORMATION DU SECTEUR DU BÂTIMENT Ducret. mateur en énergie et ses déchets posent et leur attractivité. Certaines s’organi- • LES PLATEFORMES D’ÉCHANGE sent déjà et repensent totalement leur duelle et l’économie de marché (taxe du Par rapport à l’aviation, à l’industrie des problèmes de recyclage ardus. La approche pour intégrer ces critères. carbone, valorisation immobilière indicée Cycle-up.fr est un exemple de place de smart city est également vulnérable aux navale, à l’automobile ou à l’animation, LES PROMESSES DE LA VILLE Paris est un exemple de mutation des sur le carbone… ). Ils ne sont pas liés mais marché en ligne qui met en relation les l’industrie du bâtiment ne s’est pas déve- cyberattaques et aux aléas techniques ensemble, on peut en tirer le bénéfice occasions de valorisation issues des CONNECTÉE et naturels. Elle peut aussi contribuer à politiques urbaines ; on pense bien sûr à loppée à la même vitesse. la politique de circulation et de transport pour changer notre vision de ces sujets. projets en déconstruction et les projets Atteindre la meilleure performance dans accroître les fractures sociales et les ten- mais on peut également regarder l’axe en neuf et rénovation pour stimuler l’up- sions, car elle accélère le mouvement de Le déploiement du numérique dans le l’utilisation des ressources grâce au de communication de Paris pour les JO cycling des matériaux. Cette banque de concentration de l’économie vers celle de bâtiment nécessite un gros effort de for- numérique, réguler le défi climatique 2024 avec la promotion pour des Jeux à données de matériaux mettra à disposi- la connaissance. L’IMPULSION POLITIQUE mation continue des professionnels, car grâce aux nouvelles technologies, c’est la « impact environnemental positif » (objec- tion des maîtres d’ouvrages, concepteurs la grande majorité des professionnels en tif de réduction des émissions de gaz à Le pouvoir politique a le bénéfice de pou- et réalisateurs, toutes les informations promesse de la ville connectée ou smart Sur le plan de l’énergie par exemple, activité n’ont pas été formés et n’ont pas effet de serre de 55 % par rapport au Jeux voir exiger la mise en place de normes nécessaires à leur réemploi (types, quan- city. Ce concept, apparu dans les années l’expérience Linky en France (installation eu l’occasion d’utiliser des outils comme de Londres 2012, assorti d’un objectif de et de règles afin de promouvoir de nou- tités, date de disponibilité, localisations… ). 2000 et popularisé lorsqu’il fut employé de 35 millions de compteurs intelligents la maquette numérique, encore moins le neutralité carbone par une stratégie de velles technologies ou règles urbaines, en 2005 par le président des États-Unis, par ErDF pour 4,5 milliards d’euros) n’a compensation). L’exemple de la prise de La prévention des déchets du BTP est la BIM dans leurs métiers. Le BIM va amé- Bill Clinton, propose de concilier les deux pas encore atteint ses objectifs : les pre- qui ne pourraient voir le jour sans cette priorité n°1 du Plan National de Préven- conscience de la Chine développée par régulation. Par exemple, les énergies liorer le processus et la prévision des grandes révolutions du 21e siècle, celle mières études ont révélé que, pour 90 % Pierre Ducret (sur les nouvelles normes tion 2014-2020. Le BTP produit 41 % du différentes opérations : nous ne sommes des consommateurs, l’arrivée de Linky renouvelables ont fait l’objet de soutiens tonnage total des déchets générés en de l’urbanisation massive et celle de l’ex- environnementales pour les véhicules financiers importants sans quoi nous qu’au démarrage de son utilisation dans plosion des technologies de l’information n’a rien modifié à leurs pratiques. En France et son gisement de déchets s’est effet, sans appropriation par les usagers, circulant en Chine) est édifiant. n’en serions pas à ce niveau de dévelop- la gestion des infrastructures énergé- afin de concrétiser enfin, l’idéal d’une élevé à 260 millions de tonnes en 2010, les technologies ne changent pas le réel. Se repenser c’est également s’adapter pement. Le fossile a encore un avenir cer- tiques, la conception des bâtiments et ville durable – performante sur le plan dont 39 pour le bâtiment. Comme le soulignait Pierre Ducret, une aux nouveaux modes de vies, aux ambi- tain mais c’est la première fois que l’on la mise en œuvre sur les chantiers. Il environnemental, socialement équitable grande part du chemin vers la ville plus tions ; cela doit passer par un travail voit un changement en faveur des éner- Cet objectif est repris dans le projet de loi demeure des pans entiers de la construc- et économiquement viable. protectrice de l’environnement passera important sur le transport à la fois en gies renouvelables ou production alter- de transition énergétique pour la crois- tion qui nécessitent d’améliorer les prévi- sance verte. Or, il n’existe aujourd’hui Ainsi, la smart city, aujourd’hui défi- d’abord par un changement des habitu- termes de densification des réseaux, de native. On peut parler aussi de la gestion sions, la connaissance des procédés et la aucun moyen de connaître le type, la nie par le Parlement européen, comme des, des modes de vie et des comporte- modernisation des équipements mais de la ressource eau, qui devient un sujet qualité de réalisation. quantité ou encore la disponibilité spa- ments de chacun. surtout en termes d’usage : il faut pro- important à l’échelle d’une ville ou d’un « une ville qui cherche à résoudre les mouvoir les mobilités actives et limiter tiale des matériaux issus de la décons- • LE CHANTIER DE LA RÉNOVATION problèmes publics grâce à des solutions bâtiment. truction. Celui-ci peut s’expliquer par la De plus, la smart city, qui portait la pro- les déplacements. L’introduction de la ET LA RÉVERSIBILITÉ basées sur les TIC sur la base de parte- messe d’un gouvernement urbain renou- nature dans la ville que ce soit en termes On peut noter les mesures du pouvoir méconnaissance des potentialités de réu- nariats d’initiative municipale et mobi- tilisation des matériaux, le peu de moyens La rénovation des bâtiments est un enjeu velé, pose aujourd’hui un défi majeur : d’espaces dédiés privés ou publics, de politique en faveur du transport propre, lisant de multiples parties prenantes » existants d’identifier rapidement sur un majeur dans le cadre de la transition celui de la maîtrise de l’ensemble de ces l’agriculture urbaine ou de la biodiversité que ce soit pour les transports collectifs (Mapping smart city in the EU, 2014) offre données urbaines collectées, utilisées et est également une belle combinaison de bâtiment les matériaux déposés et réuti- énergétique, qui fixe que le patrimoine ou individuels. Nous voyons dans les dif- une quadruple promesse, fondée sur la exploitées via des dispositifs intelligents, réponses à ces questions. lisables et le peu de moyens existants de immobilier doit être de niveau BBC en férents programmes immobiliers la mise mise à disposition et l’exploitation des connaître la disponibilité des matériaux 2050. L’impact de la nouvelle réglemen- qui sont aujourd’hui très largement déve- « Il faut fabriquer aujourd’hui les quar- en place de bornes pour recharger les données : loppés par des grands groupes privés. provenant de bâtiments déconstruits. tation thermique de 2020 et l’impact car- tiers qui feront la nostalgie de demain », véhicules. Le Grand Paris actuellement en De plus, au contraire d’espaces de vivre- bone se verront en 2080. disait P. Ducret. C’est effectivement un des construction est aussi une offre de trans- Sur la base de ce constat, la création • L’optimisation des fonctions urbaines ensemble, la ville du tout technologique a traditionnelles (telles que la mobilité, plus grands défis des acteurs de la ville. port répondant à ces différents points. d’une place de marché en ligne, ergono- La rénovation des bâtiments doit se faire tendance à se déshumaniser, se privati- mique et créative, permettra aux maîtres l’énergie ou la gestion des déchets). d’un point de vue énergétique afin de ser et à entretenir le repli sur soi. Le traité sur la transition énergétique d’ouvrages et concepteurs de connaître a marqué un tournant par rapport aux la ressource disponible en quantité, typo- répondre aux critères de la loi de la tran- • Le pilotage et la gestion de la ville en réglementations thermiques 2005 et logie, temps et en lieu et d’identifier des sition énergétique, mais aussi en termes temps réel. d’usage. Il faut introduire dans la concep- INVENTER LE MODÈLE SOCIO-ÉCONO- 2012. Ces deux dernières mettaient l’ac- intégrations possibles de ces matériaux • L’association multisectorielle de l’en- QUELLES CONSÉQUENCES tion de ces rénovations la mixité des MIQUE DE LA VILLE CONNECTÉE cent sur la consommation en énergie. par des exemples. semble des parties prenantes. POUR L’IMMOBILIER ? Maintenant, dans les futurs programmes usages et la potentielle réversibilité du Au cours de ses premières années de Le service crée de la valeur pour l’en- et réalisations, la réglementation bien avec la transformation des bureaux • L’émergence de processus davantage développement, la smart city a semble- SÉMINAIRE 2 SÉMINAIRE semble des acteurs : CONTRIBUTIONS DES AUDITEURS Le bâtiment est à l’image de toutes les demande d’étudier les programmes en en logement, ou le caractère évolutif des participatifs permettant aux citoyens de t-il été trop largement envisagée sous un industries impliquées dans la troisième minimisant l’emprunte carbone : cela • Les concepteurs y sourcent et ren- espaces créés. contribuer à la ville de demain. angle uniquement technologique ; la ville

50 51 devenant un gigantesque tableau de bord Faire véritablement converger les révolu- convertie en une autre forme, qui s’ajoute SÉMINAIRE 3 permettant de contrôler et d’optimiser tions numériques et écologiques afin de à la première. Il n’y a pas de « construc- TRANSFORMATIONS ÉCONOMIQUES ET AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE : les processus urbains. Quant aux autres mettre l’une réellement au service de la tion neuve » d’information, car ça n’est dimensions de la smart city, elles sont seconde et gérer les transitions rapides techniquement pas possible. QUELS ENJEUX ? 2 encore peu développées. 3 2 qu’elles imposent aux sociétés urbaines CONTRIBUTION DE GUILLAUME BIGOT, ALEXANDRE MERAH, GUILLAUME PASQUIER, FRANÇOIS CANTINAUD Pensons à la conversion numérique des Pour les acteurs de la ville, le défi est devient l’enjeu majeur. C’est pourquoi INTERVENANTS : LAURENT DAVEZIES, MARTIN VANIER nous interrogeons, en conclusion, sur livres et à l’expérience intéressante donc désormais le suivant : inventer le qu’en a fait la BNF : lors des premières modèle socio-économique de la ville l’une des convergences possibles entre ces deux phénomènes au travers du rap- phases de numérisation pour la consti- « connectée », c’est-à-dire la régulation tution de Gallica, il fallait, pour des rai- propre à la ville des nouvelles technolo- prochement entre conversion numérique et conversion architecturale. sons techniques, détruire le codex pour gies. Pour mettre ces nouvelles techno- le numériser : opération qui s’est avérée logies au service des défis urbains du catastrophique, tant la BNF s’est rendu 21e siècle et notamment du défi éco- compte qu’en perdant le support on per- Analyser et comprendre les inégalités territoriales et leurs impacts sur le tra- matière grise, accélère la concentration logique. Pour construire, les outils de dait aussi une manière indispensable vail et la richesse des populations revient à se heurter à de nombreuses idées géographique (à titre d’exemple, 80 % politique publique, à même d’encadrer de comprendre l’information (McKenzie reçues ou à des considérations politiques d’ordre démagogique. « Paris et le des emplois numériques sont concentrés l’usage massif de ses technologies. Car la CONCLUSION désert français », théorie d’après-guerre, reste un diktat quand on évoque les sur 12 communes !). À l’inverse, le méca- technologie ne résout pas les problèmes dit : « form affects meaning » : une même information, inscrite sur deux supports différentes politiques d’aménagement du territoire. Mais ces raccourcis ne nisme toujours croissant de redistribu- humains d’organisation et elle ne rem- Après avoir questionné en introduction différents, n’est en fait pas la même infor- témoignent évidemment pas d’une réalité. tion des dépenses publiques et sociales, place pas le besoin de politique. le terme industriel, regardons le mot l’égalisation territoriale des salaires mation). La BNF a appris de ses erreurs : Cependant, l’analyse des disparités territoriales, et de l’aménagement du ter- révolution. Quelles sont, précisément, les et de retraites, comblent, en termes de Les technologies sont aujourd’hui dans un ouvrage est aujourd’hui présent sur ritoire au sens large, n’est pas chose aisée. Aucune réponse globale ne semble modalités de cette révolution ? richesse individuelle (revenu par habi- le quotidien de chacun et dans celui des Gallica à la condition impérative que son valable pour expliquer le dynamisme d’une métropole par rapport à une autre. tant) les fossés entre territoires. Ainsi, villes. Elles sont un des outils, on l’a vu, Et par là on voudra tenter de revenir à double physique soit présent dans les À l’inverse, l’approche locale et contextuelle donne souvent les clés nécessaires les métropoles les plus dynamiques sont pour apporter des solutions au défi de la question de l’architecture, et en parti- rayonnages. Et là encore, ces considé- à l’appréciation de la dynamique des territoires. celles qui non seulement conservent et la transition énergétique. Mais pour culier à celle des pratiques de réhabilita- rations sont avant tout techniques : l’ou- Pour autant, les actions publiques, nationales puis locales, en termes d’aména- alimentent une force de frappe produc- les mettre au service d’une ville « intel- tion, question déjà évoquée un peu plus til de numérisation est construit ainsi ; ligente », de grands chantiers restent gement et de redistribution et le contexte historico-industriel des territoires, tive créant de la richesse, mais aussi haut. Jean Carassus a très bien dit l’enjeu l’existence numérique d’un objet ne peut encore à mener : ont dissocié la richesse produite par le territoire de la richesse de ses habi- captant directement (par l’emploi) ou fondamental qui se situe, dans l’urgence être qu’un ajout à son existence physique tants. indirectement (par les retraites ou pres- • Celui de la maîtrise de la donnée par climatique, dans la réhabilitation plutôt préalable. tations sociales) les revenus. Comme on les pouvoirs publics : l’ouverture des don- que dans la construction neuve : « Ce Alors que cette dissociation peut encore être aggravée ou modifiée notamment le voit, grâce (ou à cause) du bon fonc- nées – aujourd’hui largement contrôlées qui compte pour atteindre nos objectifs Le changement numérique est une (re) face aux enjeux et mode de travail de l’économie numérique, nous avons sou- tionnement du principe redistributif par les GAFAM (géants du Web) – doit être entre 2020 et 2050, c’est essentiellement conversion de l’existant, et non pas haité étudier les disparités des dynamiques territoriales d’abord comme héri- entre territoires, « produire » et « être organisée. À cette fin, les administrations le patrimoine existant. » une construction ; apparaît alors une tage des politiques d’aménagement, mais aussi au regard de leur système pro- riche » sont décorrélés. doivent se réorganiser en conséquence hypothèse de travail : pourrait-on pen- ductif, des principes d’organisation des flux redistributifs et, enfin, en tenant Dans le cas par exemple des projets et faire évoluer leurs pratiques. ser ensemble conversion numérique et compte de l’interconnexion des territoires. • TEMPS TROIS : ce nouveau cycle n’a pas universitaires, les campus de demain conversion architecturale, en saisissant encore commencé ou, s’il a commencé, • Celui du changement des usages et des adviendront, majoritairement, dans des la convergence de deux enjeux : la conver- ne peut encore être mesuré. La genèse pratiques : en identifiant notamment là architectures existantes, en particulier sion numérique d’un patrimoine écrit, et ont atteint leur paroxysme tout en per- de cette période débute en 2008 et se où la technologie a un pouvoir transfor- des années 1960 et 1970. Ainsi la révolu- la conversion architecturale d’un patri- mettant une hausse simultanée du PIB et traduit par une diminution progressive mateur sur les pratiques et là où elle ne tion numérique de l’apprentissage va se moine bâti ? du Revenu /habitant. Un écart important des dépenses publiques. Si, en France, vient qu’accompagner mais ne peut pré- LES DISPARITÉS faire dans des lieux existants, aux archi- se crée alors entre les régions les plus cette action reste encore mineure, nul céder. Cette piste de travail est d’autant plus TERRITORIALES FACE AUX tectures contraintes. Si cela ressemble à riches créatrices de valeurs collectives doute qu’elle se concrétisera très pro- encourageante qu’elle s’inscrirait dans • Celui de la place du citoyen, qui ne un paradoxe, ou en tout cas à une diffi- CYCLES DE L’AMÉNAGEMENT et individuelles et les plus démunies. De chainement. La réduction des dépenses la continuité d’une histoire d’échanges doit plus être uniquement un usager de culté, peut-on faire l’hypothèse que, bien DU TERRITOIRE même, la richesse créée par le territoire publiques aura pour effet de réduire les entre architectes et informaticiens la ville et des technologies, mais aussi au contraire, ce pourrait être cohérent ? engendre, par voie de conséquence, une redistributions entre territoire et d’aug- un acteur à part entière de la fabrique (échanges de méthodes, de langages… ) ; Laurent Davezies, économiste, propose augmentation de la richesse individuelle. menter les disparités territoriales liées à En effet, et pour en revenir au mot révo- on parle couramment d’architecture Après ce pic du milieu du 20e siècle, l’effet urbaine. lution, il est utile de bien comprendre le une interprétation des disparités terri- la production de richesse (PIB par habi- informatique, et ce détournement séman- toriales à partir de données statistiques d’aubaine des Trente Glorieuses permet tant). Les territoires générant du revenu In fine, la smart city ne peut pas être l’ob- changement à l’œuvre : c’est une opéra- tique n’est pas anodin. fournies par l’INSEE. Son long travail de une décroissance des inégalités territo- productif cesseront d’alimenter les terri- jet, le but, même si les technologies et tion, au sens technique, de conversion riales tout en gardant une corrélation Et alors, pourquoi pas, tout le corpus de recensement et d’analyse lui permet une toires non productifs qui s’enfonceront leur usage au service de la ville peuvent et non pas de construction. Alan Turing, entre le PIB par habitant et le revenu l’un des inventeurs du monde numérique, discussions historiques sur la manière interprétation directe ou par extrapo- dans la crise, creusant ainsi un écart apporter des solutions. Il faut se garder par habitant montrant que la richesse possiblement comparable à celui vécu de tout « solutionnisme » : c’est collecti- utilisait déjà ce mot, conversion. Et c’est d’aborder le patrimoine architectural – lation de données lui servant d’unité de produite par un territoire alimente direc- au milieu du 20e siècle (après « Paris et vement et consciemment que tous les effectivement ce qui se passe lors d’un Viollet-Le-Duc, Ruskin, Boito, Riegl, Brandi, mesure : le PIB par habitant, traduisant tement la richesse individuelle. En syn- le désert français », « les métropoles et acteurs et habitants des villes doivent procédé de « numérisation » : l’informa- Bonelli, Charte de Venise, Choay, etc. – la création de richesse des territoires, et thèse, il y a encore, lors de ce cycle, une le désert français »). Mathématiquement, réfléchir à ce qu’ils veulent que les tech- tion numérisée (qui doit d’abord exister pourra-t-il éclairer les débats actuels sur le Revenu par habitant témoignant de la corrélation entre « produire » et « être cette baisse des dépenses publiques nologies fassent pour eux. – on ne peut pas numériser un rien) est la conversion numérique de la mémoire ? richesse individuelle. riche ». devrait, par ricochet, recréer entre les L’analyse menée par Laurent Davezies • TEMPS DEUX : à partir des années 1980, territoires des disparités de richesse repose sur trois temps interprétés au individuelle. regard des inégalités territoriales l’analyse des données statistiques inter- prétées par Laurent Davezies montre une Le géographe Martin Vanier propose une • TEMPS UN – entre 1860 et 1980 : dans divergence entre la courbe du PIB / habi- vision des disparités territoriales basée cette période, PIB par habitant et revenu tant et celle du revenu / habitant. La pre- sur les politiques d’aménagement du ter- par habitant suivent une courbe paral- mière ayant tendance à redevenir un ritoire et leurs évolutions mais aussi sur lèle dans une échelle de temps allant facteur de discrimination territoriale, le dynamisme des espaces eux-mêmes. de 1860 à 1960. Cette courbe commence alors que la seconde reste linéaire sur Loin des discours binaires qui tendraient au début de la révolution industrielle où le territoire. Concrètement, la mutation à dire que « hors des métropoles, point les richesses territoriale (PIB/hab) et de la production du travail, passant de salut » ou à mettre en exergue l’idée individuelle (Revenu/hab) restent faibles d’une production industrielle capable de « des territoires abandonnés », les cartes sans pour autant créer de disparités « s’étaler » territorialement à une écono- illustrant l’évolution démographique interrégionales. À l’inverse, au milieu du mie de l’information, favorise le clivage témoignent du dynamisme quasi géné- SÉMINAIRE 2 20e siècle, les disparités interrégionales territorial. Cette nouvelle économie de ral des territoires urbains. En effet, loin CONTRIBUTIONS DES AUDITEURS CONTRIBUTIONS DES AUDITEURS l’information, s’appuyant sur plus de de l’idée reçue, le solde migratoire aug-

52 53 mente pour les trois quarts des villes et du territoire se fait en s’appuyant sur la LES FLUX REDISTRIBUTIFS régional est très discutable, ne serait-ce • par l’accroissement des inégalités historiques de notre territoire : sa faible les zones de repli diminuent. création et le développement des équipe- que parce qu’il est en réalité impossible au sein d’un même territoire alors que densité de population et son absence de ments expliqués par Vanier. La mise en ET LEURS LIMITES COMME de subdiviser par région la création de les inégalités entre territoires se sont désert, le faible poids des grandes villes Martin Vanier propose une approche de œuvre des grands équipements routiers OUTIL DE DYNAMISATION valeur d’une entreprise à dimension réduites. lié au poids de ses petites et moyennes 3 la doctrine d’aménagement du territoire et ferroviaires permet la diffusion de la nationale). villes et la représentation politique encore 3 DES TERRITOIRES en quatre périodes : richesse productive dans les territoires À cette explication nous pourrions peut- aujourd’hui de son espace rural. Par ailleurs, d’autres mécanismes forts et engendre par voie de conséquence une être en rajouter une troisième : les • entre 1945 et 1960 se met en place une La vision du développement des terri- sont à l’œuvre. Par exemple, environ un En premier lieu, la France est un espace diminution des disparités territoriales. redistributions sont très inégales d’un vision de l’aménagement du territoire toires de Laurent Davezies sort claire- quart des retraités franciliens choisit territoire à un autre. En effet les terri- à faible densité (112 hab/km2 en France, basée sur « l’équipement ». L’objectif est • La période entre 1960 et 1980 : la mas- ment de ce que nous avons l’habitude de s’installer en province, cela constitue toires touristiques, ou qui profitent de contre 231 hab/km2 en Allemagne, alors de mettre en œuvre, sur le terri- sification territoriale de la production d’entendre en prenant à rebours les pen- donc une forme de redistribution de reve- redistributions spécifiques importantes 181 hab/km2 en Suisse et au Luxem- toire national, les équipements structu- de richesse a gommé la plupart des dis- sées dominantes. Il se livre ainsi à une nus pour le territoire d’accueil. (l’arrivée de retraités), en bénéficient bourg), mais possédant des habitants rants permettant d’éviter les discrimina- parités territoriales. Chaque territoire explication du paradoxe de « croissance fortement alors que ce n’est pas le cas partout. Son rapport espace/population Ainsi la structure économique d’un terri- tions territoriales, de moderniser et de dispose d’une capacité productive lui sans développement », à contre-courant de territoire comme ceux du nord-est de lui confère une physionomie très particu- toire peut se décomposer de la manière désenclaver. permettant de développer des richesses des théories économiques plus tradition- la France où les pertes liées à la désin- lière, rendant coûteuse la couverture des nelles qui considèrent que la croissance suivante : • entre 1960 et 1975, la phase des grands locales. En parallèle, la mise en œuvre dustrialisation n’ont jamais été com- services à l’ensemble des individus sur économique d’un territoire est unique- travaux achevée, l’aménagement du terri- des politiques publiques et sociales, • économie productive (biens et services blées. Ainsi certaines régions continuent l’ensemble du territoire. par le biais des redistributions, lisse les ment liée à son développement. produits sur le territoire mais vendus en à incarner ce ressenti. toire va se concentrer sur une politique Ensuite, la faiblesse de ses grandes villes écarts du revenu par habitant. Rejoignant dehors) ; de rééquilibrage entre Paris et le reste et leur difficulté à atteindre la « taille Vanier, l’État axe sa politique d’aménage- Quand bien même les chiffres semblent du territoire national, notamment grâce critique » s’observent notamment dans ment du territoire sur le développement DYNAMIQUES DES INÉGALITÉS • activités résidentielles ou présentielles s’opposer à ce ressenti, le ralentissement au redéploiement industriel. La spéciali- la comparaison, à l’exclusion de Paris et de zone de compétitivité et sur le déve- TERRITORIALES (production et vente locale) ; de la redistribution des richesses entre sation des territoires (le zonage) devient Lyon, avec les villes européennes telles loppement de zones économiques. C’est territoires semble présager des difficul- un principe d’aménagement. Laurent Davezies considère que la redis- • activités publiques. que Milan, Florence, Francfort, Munich, à cette époque que certaines métro- tés croissantes dans les territoires non tribution de richesse n’a jamais été Hambourg, Stuttgart, Manchester, Barce- • entre 1975 et 1995, l’aménagement poles forgent les principes industriels Entre 1988 et 2008, l’emploi ayant le plus productifs qui ne pourront être contrées aussi forte entre les territoires riches lone, Anvers… du territoire s’appuie sur des principes de leur ADN territorial. Lié à un héritage, progressé était celui lié à la consomma- que par des politiques publiques volonta- et pauvres, effet qui se constate éga- moins structurants et sur des solutions ou à un choix délibéré porté par une tion (c’est-à-dire les activités résiden- ristes et pragmatiques. lement ailleurs en Europe (Allemagne Enfin, la France a conservé ses com- plus locales et plus modestes, basées décentralisation, ces métropoles vont tielles ou présentielles) avec une hausse munes rurales et n’a pas réalisé, comme avec la Bavière ou Espagne avec la Cata- sur les reconversions et les décentra- « miser » sur un axe de développement. de 7 millions ; les emplois productifs tous les autres pays voisins dans les logne). Sans nier que certains territoires lisations. L’aménagement du territoire De cette époque, vont émerger des pôles ayant, quant à eux, subi une baisse de 1,9 années 1970, les réformes territoriales puissent être en réelles difficultés, il s’adapte à la crise. Il ne s’agit alors plus de compétitivité (Nice Sophia Antipolis, million. pour dissoudre le rural dans l’urbain. considère que les assertions d’une cer- de propager territorialement la richesse l’aéronautique toulousaine… ) qui vont LES CARACTÉRISTIQUES DES taine partie de la classe politique, consi- Or, dans ce même laps de temps, les iné- productive, mais de se concentrer sur les permettre de corréler localement PIB et TERRITOIRES FRANÇAIS FACE dérant que les territoires auraient été galités territoriales de revenus par habi- territoires à la peine. Revenu par habitant. À l’inverse, en 1967, oubliés au profit des métropoles sont tants n’ont cessé de baisser. À LEUR SYSTÈME PRODUCTIF LES CONSÉQUENCES DES LOIS apparaissent pour la première fois des DE DÉCENTRALISATION • entre 1995 et 2015 et plus, cette période totalement fausses, ce que les chiffres Ainsi, la redistribution a mieux résisté zones de conversion. D’abord dans les Au cours de son intervention, Laurent SUR L’ÉVOLUTION DE L’EMPLOI est marquée par la fin d’une politique confirment. à la crise que la production et a eu des étatique et nationale d’aménagement du zones minières, puis dans la sidérurgie, Davezies a souligné l’effet de la mon- PUBLIC EN FRANCE l’industrie textile, ces premières actions Ainsi : effets positifs sur les territoires. territoire. Il n’y a plus de grand schéma dialisation sur le système industriel et Depuis 1980, le système industriel et de cohérence territorial. À l’inverse, les tentent de reconvertir des territoires qui • en 1980, l’Île-de-France produit 27 % du Pour Laurent Davezies, la conclusion agricole français, les conséquences des seront bientôt en crise. PIB français et récupère 25 % du revenu ; agricole français a été fortement remis actions régionales, qui supportent la res- est claire : la richesse captée par un mécanismes de flux redistributifs inter- en cause face à la mondialisation, qui a ponsabilité d’aménager leur territoire, • À partir de 1980 comme l’indique Martin • en 2014, l’Île-de-France produit 31% du territoire donné se fait sur la richesse territoriaux, et a évoqué les destructions redéfini les conditions de marché. Face à doivent s’appuyer sur les principes mou- Vanier, l’aménagement du territoire, en PIB français et récupère 22 % du revenu. productive nationale. Ainsi la richesse non renouvelées d’emplois privés, et ce bouleversement, une réponse sociale vants et difficilement perceptibles d’une tant que principe étatique, devient moins des territoires, où les activités résiden- la déstabilisation du produit intérieur forte de redistribution a été menée sous société mobile. structurant pour se concentrer sur des La concentration de richesse est de plus tielles et présentielles sont majoritaires, brut national. De plus, Laurent Davezies forme d’une politique d’accélération des en plus forte mais la répartition des dépend du dynamisme économique des a alerté sur la concentration de la pro- S’appuyant peu ou prou sur des jalons de actions locales. Est-ce cette absence de dépenses publiques et sociales. politique nationale qui engendre une bénéfices également. territoires à économie productive forte : duction, notamment en Île-de-France, et temps similaires, il est apparu intéres- « c’est dans le dynamisme de l’Île-de- sur les conséquences futures de la fin Dans son intervention, Laurent Davezies sant de croiser les deux interprétations remontée des disparités territoriales, Par ailleurs, il est constaté une amélio- notamment au regard de la production France que se trouve la richesse de la de l’étalement du revenu, vouées à creu- mentionne qu’environ un tiers des zones de Laurent Davezies et de Martin Vanier. ration plus forte du revenu médian par Creuse ». Le développement des terri- ser les inégalités territoriales. Il semble françaises a une progression de l’emploi L’idée est ainsi de mixer l’approche sta- de richesse ? Il serait injuste de résumer habitant dans les territoires par rap- le déclin des anciens grands territoires toires se fait de manière indirecte au intéressant d’approfondir le propos de directement liée à l’augmentation des tistique du premier qui, grâce à un travail port aux métropoles. Ainsi, entre 2001 travers de la redistribution des produits l’économiste à l’aide de données écono- emplois publics. Depuis les années 1980, analytique et rétrospectif fait « parler » industriels à une carence étatique. La et 2013, le revenu moyen par habitant a crise des énergies fossiles et celle de la des territoires productifs. Il est donc miques, géographiques et sociales, à tra- les lois successives de décentralisation les chiffres, avec une analyse géogra- progressé de 8 % dans les communes de inutile de concentrer les aides au déve- vers les axes suivants : ont contribué à démultiplier le principe phique, c’est-à-dire de compréhension production industrielle en sont des fac- plus de 20 000 habitants et de 18 % dans teurs plus discriminants. Pour autant, loppement productifs sur des territoires d’égalité des droits ainsi qu’à élargir aux des territoires et de leur différence. les communes de moins de 5 000 habi- qui n’ont aucun avenir sur ce plan. Néan- • les spécificités du territoire français ; départements et aux régions la « com- comme en témoignent les analyses de tants. Ainsi : Laurent Davezies, les écarts se creusent moins, avec 57 % de dépenses publiques, • les conséquences des lois de décentra- pétence territoriale générale » limitée entre les métropoles capables de conser- Ces éléments introduisent bien ce qui il est difficile d’aller plus loin dans la lisation sur l’évolution de l’emploi public jusqu’alors aux communes, comme le • La période entre 1945 et 1960 cor- souligne également Philippe Estèbe. ver une économie productive dynamique pousse Laurent Davezies à reformuler le redistribution. Un tel taux n’a par ailleurs en France ; respond au moment où, selon Laurent été possible que grâce à l’endettement. et les autres. Cependant, la hausse des fonctionnement de l’économie des ter- Ces lois successives sur la décentra- Davezies, les disparités territoriales, au La progression des revenus dans les • la perte de compétitivité des territoires dépenses publiques et le principe de ritoires qui n’est pas seulement liée à lisation sont à l’origine de l’explosion regard du PIB et du revenu par habitant, territoires non productifs devrait donc et le déclin industriel français ; redistribution guidant le modèle sociétal leur capacité à créer de la richesse mais du nombre de postes dans la fonction restent encore très fortes. Cette période rapidement se tarir. Ce qui n’est pas français gomment les écarts de revenus aussi à leur capacité à en capter. • la nécessité d’accompagner les mobili- publique territoriale, qui représentent commence par la publication de l’ou- sans poser question quant à l’avenir de entre habitants. tés liées au travail et de développer l’éta- plus de la moitié de la hausse totale des vrage de Jean-François Gravier, Paris ces territoires. lement du revenu à travers une nouvelle emplois publics (+700 000 emplois dans et le désert français, en 1947. Pendant • Et aujourd’hui ? Un inconnu. Comment STRUCTURE DE L’ACTIVITÉ Les conclusions de cette analyse ne coopération interrégionale. la fonction publique territoriale entre cette période, l’exode rural crée encore adapter une vision mobile du territoire ÉCONOMIQUE DES TERRITOIRES semblent pas en accord avec le ressenti 1981 et 2010). des clivages importants, notamment en avec une action en termes d’aménage- de l’opinion publique. Cela peut s’expli- affirmant la toute-puissance productive ment du territoire qui, par définition, Les schémas de fonctionnement de l’éco- quer : LES SPÉCIFICITÉS L’emploi public représente en 2015 plus de l’Île-de-France, mais la production réclame une action concrète ? L’action nomie d’une nation ne peuvent s’ap- DU TERRITOIRE FRANÇAIS de 5,5 millions d’emplois, soit 20,6 % du industrielle, et ses effets amonts et strictement territoriale devient alors pliquer à un territoire, car il y a toutes • par le fait que la mise à disposition des total des emplois salariés en France. avals, développe peu à peu des zones de plus floue surtout la baisse des dépenses sortes d’entrées/sorties qui ne sont pas bases de données de l’INSEE est récente, Dans son ouvrage L’Égalité des Terri- Cette surabondance d’emplois publics SÉMINAIRE 3 CONTRIBUTIONS DES AUDITEURS richesse dans les territoires. C’est pen- publiques engendre un effet négatif sur prises en compte dans les indicateurs ce qui a limité la possibilité de réaliser ce toires, une passion française, Philippe créés depuis les années 1980 ne peut dant cette période que l’aménagement le principe redistributif. économiques usuellement utilisés (le PIB genre d’analyse pendant très longtemps ; Estèbe évoque trois grandes spécificités pas être une réponse viable à la faiblesse

54 55 de création d’emplois du secteur privé : solidarité nationale sur la redistribution ces territoires, comme souligné par Banque mondiale a modifié son approche nombreuses réalités des territoires. On constate que le projet pour le Grand 3 cette stratégie creuse les déficits publics, de l’État vers les territoires, pour trois Laurent Davezies. du développement. En 2009, une mise à L’analyse cartographique montre une Paris a en partie emprunté à cette 3 affaiblit la croissance potentielle du pays, raisons majeures : jour de sa doctrine l’a conduite à cesser réalité plus contrastée. logique et déclenché des réflexions et et affecte en retour sa capacité à créer de défendre sa vision traditionnelle et des débats sur l’interdépendance entre • l’appareil redistributif territorial ne Certes les métropoles de plus d’un mil- des emplois dans le secteur privé. ruraliste du développement et à consi- les territoires. L’importance accordée peut plus assurer le niveau de presta- lion d’habitants bénéficient d’une ten- dérer qu’il fallait désormais soutenir et par tous à l’aménagement des quartiers tions exigé par les collectivités locales dance favorable depuis quelques années, LES MÉTROPOLES ET non pas freiner le développement des de gares du nouveau métro va dans le qui s’estiment « souveraines » ; mais leur destin est loin d’être uniforme. LA PERTE DE COMPÉTITIVITÉ métropoles, meilleures locomotives pour sens de l’importance des lieux (le seul LEURS INTERCONNEXIONS Et, plus important, il est inexact d’affir- DES TERRITOIRES ET LE DÉCLIN • le dispositif est inflationniste et ali- tirer la croissance. En France, les succès fait qu’on utilise le terme « gare » et pas COMME AXE D’AMÉNAGEMENT mer que les petites villes s’effondrent INDUSTRIEL FRANÇAIS mente une compétition permanente de certaines métropoles régionales et « station » comme c’est habituellement DU TERRITOIRE uniformément. Les trois quarts des bourgs entre les territoires pour accéder à des l’émergence d’une nouvelle vision du rôle le cas pour le métro parisien est d’ail- Le problème de compétitivité de la gagnent des habitants, ce qui est le ressources raréfiées ; de Paris pour le succès de l’économie leurs un signe, il ne s’agit pas seulement France s’illustre par son incapacité signe que tous ne sont pas en situation Martin Vanier plonge dans l’histoire nationale – vision promue par le débat de lieux où l’on passe, mais de lieux où structurelle à créer des emplois privés • il n’assure pas l’égalité des individus, désespérée, loin de là. Pour les villes des interventions sur l’aménagement puis le projet du Grand Paris – ont aussi l’on vit). Les concentrations thématiques depuis des décennies : dans son interven- dès lors qu’il contribue à la distribution du territoire en France depuis la fin de moyennes, la proportion est moindre, mis la question des métropoles au cœur des activités économiques dans des tion, Laurent Davezies parle de 250 000 locale de ressources collectives, plutôt la Seconde Guerre mondiale pour nous seule la moitié d’entre elles ont un solde des débats. À tel point qu’à l’occasion de sous-parties du Grand Paris – les clus- emplois privés perdus depuis 2008. Entre qu’à la valorisation de ressources terri- rappeler que cette discipline a connu migratoire positif. la réforme des régions adoptée en 2014, ters – ont été comprises par beaucoup mi-2013 et mi-2015, seuls 57 000 emplois toriales. une profonde remise en question au on a vu émerger chez certains l’idée que Martin Vanier propose un cadre d’ana- non pas comme des pillages des uns par dans le secteur privé ont été créés en tournant des années 1980. Les décennies la façon la plus rationnelle d’organiser France, contre 482 000 en Allemagne, L’évolution des migrations pendulaires lyse plus large pour comprendre ce qui les autres mais bien comme des chances en France depuis les vingt dernières précédentes avaient été marquées par politiquement les territoires, et donc de 651 000 en Espagne et 288 000 en Italie se passe sur les territoires, et détermi- pour l’ensemble grâce à leur bonne inté- années illustre la nécessité de repenser des interventions puissantes et détermi- délimiter les régions, aurait été de par- (source Standard and Poor’s). Au cours ner des politiques adaptées aux situa- gration dans le système de transport le modèle territorial actuel. Selon une nées, fondées d’une part sur une vision tir des métropoles et de se demander de la même période, la France a créé tions particulières. Le plus important est métropolitain en construction. À plus étude INSEE parue en 2016, 16,7 millions cohérente et partagée par tous du ter- pour chaque territoire, dans l’orbite de 233 000 emplois dans le secteur public, d’observer ce qui se passe à différentes large échelle, les débats et l’embryon de de personnes quittent quotidiennement ritoire national – l’hexagone – et d’autre laquelle il se trouvait, de quelle métro- aussi bien des postes de fonctionnaires stratégie pour l’axe Seine (Le Havre, port leur commune de résidence pour se part sur la conviction de la nécessité pole il était l’arrière-pays. L’idée, simple échelles, afin d’établir si une ville fait que des emplois aidés. du Grand Paris… ) sont une tentative inté- rendre à leur lieu de travail, soit près des de rétablir l’égalité des territoires par et séduisante, était que l’accès aux ser- système avec sa périphérie et son aire Le déclin de l’emploi industriel observé deux tiers de la population active fran- des démarches compensatrices. À par- vices métropolitains était un droit essen- urbaine. Ainsi, tous les cas de figure ressante d’alliance entre les territoires à en France, avec 1,4 millions d’emplois çaise. Cette donnée se traduit par deux tir de la crise économique, ce modèle tiel et qu’il fallait donc créer les condi- sont possibles. Si par exemple une ville grande échelle. centre va mal, mais que sa périphérie perdus en 25 ans, est représenté par phénomènes : s’essouffle, jusqu’à arriver au point où tions optimales pour que chacun puisse Les alliances entre territoires sont une et son aire urbaine se développent, une les cas notables d’Areva, ex-géant de la un nouveau consensus se fait sur l’idée l’exercer dans les meilleures conditions recommandation essentielle de Martin • le nombre de personnes travaillant en réflexion urbaine sur le cœur de la ville filière nucléaire aujourd’hui en faillite, que les démarches compensatrices possibles. Vanier pour bien penser le développe- d’, vendu à General Electric, d’Al- dehors de leur commune de résidence insufflées d’en haut ne fonctionnent plus. semble une réponse adéquate. Si seule On constate d’ailleurs à cette occasion ment. Il cite en particulier les efforts catel, fusionné avec l’américain Lucent est en augmentation (+ 6 pts entre 1999 Pour reprendre les termes de Martin l’aire urbaine se porte bien alors que la le retour d’une recherche de représen- réalisés dans ce but par la maire de avant d’être rachetée par Nokia, et de et 2013) ; Vanier, l’aménagement devient alors ville centre et sa périphérie périclitent, tation d’ensemble de l’aménagement du Nantes. L’analyse du besoin de ce type Merial, pépite vétérinaire de Sanofi ven- du « ménagement ». Il ne s’agit plus de alors le problème est plus profond et le • les distances parcourues chaque jour territoire français. Et Pierre Veltz, qui de démarche est très convaincante. Au due à l’industrie allemande. transformer les grands équilibres, mais risque est fort de créer un vide au centre. par ces travailleurs sont de plus en vu des défis à relever, en particulier en plus modestement d’atténuer, de com- n’est certes pas aller jusqu’à dessiner plus longues. Depuis 1999, la distance matière environnementale, une somme Dans son ouvrage La gravité du déclin de penser, de prendre en compte les effets une telle carte, s’approche lui aussi Plus généralement, la grande question l’industrie française, Frédéric Parrat rap- médiane domicile-travail a augmenté de de cette idée lorsqu’il dit que la France qui se pose à une ville est de savoir dans de démarches autarciques des terri- 2 km, la moitié des employés français de phénomènes économiques plus vastes pelle que c’est dans l’industrie que l’inno- entière s’apparente à une grande métro- quel système elle évolue et si elle y est toires, aussi vertueuses soient-elles résidant désormais à plus de 15 km de en mobilisant sur chaque territoire une vation est la plus forte, que l’on dépose pole dont le TGV est le métro. bien intégrée, si elle est à la fois contri- individuellement, serait condamnée à leur lieu de travail. boîte à outils adaptée. Cette nouvelle le plus de brevets, et que l’on trouve le butrice et bénéficiaire du système. Cela l’échec. Mais on peut ici s’interroger sur attitude coïncide avec la mise en œuvre Le phénomène de métropolisation est plus d’emplois qualifiés. Les sites de Cette mobilité croissante des employés de la décentralisation et ce n’est sans suppose de rompre avec une grille d’ana- une potentielle contradiction. D’une part, production en France sont à la fois géné- devenu tellement dominant dans les et des facteurs de production donne doute pas un hasard. Les collectivités ter- discours sur l’analyse des dynamiques lyse exclusivement concentrée sur les plus personne ne pense l’aménagement rateurs d’emplois directs, d’emplois une importance supérieure aux lieux de ritoriales dotées de nouveaux pouvoirs caractéristiques propres de la ville en du territoire national dans son ensemble liés aux services associés à l’industrie, territoriales qu’une vision binaire tend travail, de loisirs et de consommation s’emparent de la question de leur amé- à apparaître. On trouve d’un côté les question pour s’interroger sur son rap- et, d’autre part, chacun s’accorde à dire et d’emplois locaux. L’abandon de cette par rapport aux lieux d’habitation. En nagement et de leur développement. Avec tenants du tout métropolitain, pour qui port aux autres territoires partenaires, que seule l’alliance entre les territoires force industrielle française contribue somme, pour Philippe Estèbe, « l’armature des réussites diverses. Dans le même il faut privilégier le développement de bien au-delà de son voisinage immédiat. qui composent la République permettra à la désertification des zones alentours urbaine » se défait, les temps sociaux et e temps, toute ambition d’une représenta- ces grands hubs économiques à toute Les questions des réseaux, des mobilités, de répondre aux enjeux du 21 siècle. telles que les industries, les services, les les rythmes de vie évoluent, certains ser- tion cohérente et partagée du territoire autre intervention, en espérant que l’ef- des circuits logistiques deviennent alors Sans imaginer revenir à l’époque triom- infrastructures et les écoles, et fragilise vices publics et commerces deviennent français est abandonnée. Un puzzle de fet rebond permettra la diffusion de la premières. L’interdépendance entre les phante de la DATAR, peut-être serait-il l’écosystème local. inutiles, liés à des déficits structurels schémas régionaux a remplacé l’image richesse sur l’ensemble du territoire. Et territoires ne se pense plus en termes de tout de même judicieux de réfléchir à une d’habitants sur des territoires, tandis Enfin, la substitution d’un emploi quali- unifiée du pays. Martin Vanier affirme à l’autre extrême du spectre, les dénon- solidarité des uns vers les autres, mais vision partagée à l’échelle nationale (et que d’autres sont en surpopulation chro- fié à un emploi de services a un impact qu’il n’y a pas de raison d’avoir la nos- ciateurs des « territoires abandonnés de en termes de « contrat de réciprocité ». même européenne pour certains sujets) nique. sur la consistance de la main-d’œuvre, talgie de cette vision partagée à l’échelle la République », la France périphérique Plus que sur le territoire, Martin Vanier de l’aménagement, afin de créer un cadre et l’absence d’outils de production com- Afin d’accompagner ces nouvelles mobi- nationale. Nous verrons plus loin qu’il décrite en particulier par Christophe préconise de faire porter la réflexion de référence dans lequel les alliances pétitifs sur le sol français augmente le lités, il apparaît donc nécessaire de pas- pourrait pourtant y avoir de bonnes rai- Guilluy dans des ouvrages à succès. sur les « lieux », en particulier ceux où entre territoire seraient facilitées car risque que l’innovation se fasse hors du ser d’un raisonnement d’administration sons de s’en inquiéter, notamment si l’on Martin Vanier dénonce ce manichéisme se croisent de nombreux flux et de nom- fondées sur une compréhension com- territoire. de stocks (services, populations, équi- est convaincu par une autre idée mise comme simpliste et passant à côté de breux usages, comme les gares. mune des enjeux. pements) à un raisonnement en termes en avant par Martin Vanier, celle de l’im- d’animation de flux (mobilités, richesses, portance des réseaux dans lesquels s’in- LA NÉCESSITÉ D’ACCOMPAGNER compétences). En outre, le développe- sèrent les territoires. ment des réseaux Internet et de télépho- LES MOBILITÉS LIÉES AU TRAVAIL Mais avant cela, il convient de faire un ET DE DÉVELOPPER L’ÉTALEMENT DU nie mobile permet aujourd’hui de penser détour par la question des métropoles. La REVENU À TRAVERS UNE NOUVELLE non plus uniquement en maillage terri- métropolisation est un fait que personne COOPÉRATION INTERRÉGIONALE torial, mais également en accompagne- ne conteste, même si l’on peut regretter ment de la mobilité des personnes. Dans son ouvrage L’Égalité des Terri- que la puissance de cette transforma- toires, une passion française, Philippe Ces dynamiques semblent indispensa- tion – et sa relative simplicité concep- Estèbe préconise un nouveau dispositif bles afin de garantir l’interconnexion tuelle – conduit parfois les observateurs d’organisation du territoire, basé sur un des territoires, notamment ceux en à négliger d’autres tendances toujours à SÉMINAIRE 3 CONTRIBUTIONS DES AUDITEURS réseau de solidarités nouvelles entre ter- recherche de complémentarités, et afin l’œuvre. La métropolisation est un phéno- ritoires, au lieu de fonder uniquement la de favoriser l’étalement du revenu entre mène global. Elle a d’ailleurs conduit la

56 57 SÉMINAIRE 4 Deuxièmement, les biotechnologies et la chahuté par le bitcoin dont le principe est De cette tendance et de ces deux expres- ÉCONOMIE ET TRANSFORMATION DU TRAVAIL : santé : ce secteur a pleinement profité justement d’assurer la sécurité des trans- sions sont nées plusieurs filières écono- des deux lois de cette nouvelle révolution actions en les rendant publiques, et que miques en croissance, qui paradoxale- LA TRANSITION EST-ELLE POSSIBLE ? (Moore et Metcalfe), car les puissances le témoignage de tous en soit le garant, ment sont issues de la Nouvelle Économie 4 de calcul et le travail en réseau des cher- 4 CONTRIBUTION DE PIERRE-YVES BONNAUD, MATTHIEU ÉVRARD, FRÉDÉRIC GHOULMIÉ, DIMITRI LACOURTE par opposition au secret. (et des nouvelles technologies), mais sont cheurs ont démultiplié et accéléré les INTERVENANTS : LAURENT BERGER, DOMINIQUE BOULLIER, LUDOVIC GUILCHER On peut donc constater que le monde à l’opposé de leur conception fondatrice. capacités de compréhension des phéno- À savoir que la précision, la prévision, mènes et leurs applications. réel, par son pilotage virtuel, est devenu quantique et que l’espace s’est contracté. l’invisibilité font place au hasard, à l’im- Enfin, la quasi-gratuité d’accès aux Cette tendance est importante dans les prévu, au ressenti physique personnel. réseaux a permis de faire émerger de transformations sociales, puisque cela De cette demande est née l’économie de nouveaux modèles de valeur : pousse à l’agnosticisme et resserre les l’immatériel, de l’usage, du savoir-faire, relations réelles. des marques, de la surprise, « ce besoin • modèle de la seconde main : économie d’aléatoire ». Nous avons souhaité dans un premier temps reprendre et se reposer précisé- Dans cette masse à traiter pour répondre circulaire, échanges peer-to-peer, res- ment sur ce qu’est la nouvelle économie et ses émergences, pour faire un lien à nos demandes, le search, le ciblage, la sourcerie et recyclage ; Le sujet est poussé à l’extravagance de avec les modifications que cela implique sur les individus et le travail et leurs géolocalisation et l’appartenance à des RELATION AU TEMPS l’urbanisation au point, par exemple, implications sur le territoire. Enfin nous avons voulu dans une dernière partie communautés d’intérêt reviennent en • émergence d’une économie de la gra- ET À L’INDIVIDU de voir saluer les initiatives de fermes nous attarder sur l’importance des phénomènes liés à la gestion de la transition point pivot de la distribution de la valeur. tuité (dons, partage, prêts, encyclopédies urbaines (cf. chapitre sur la ville), où gratuites, logiciels libres, etc.). On peut estimer une tendance de fond à dans un contexte où le rythme du cycle de la nouvelle économie (immédiateté) pour générer des émotions, on fait venir est à l’opposé du cycle de l’urbanisme (le siècle). Ces nouveaux métiers ont donc fait émer- l’accélération, l’immédiateté, l’ultra-per- ger un modèle oligopolistique puisque Ces nouveaux modèles ont contracté sonnalisation des biens, des services, l’expérience rurale en ville ! notre appréciation à l’espace et au chaque réseau autoalimente sa propre de la connaissance, grâce aux modéli- valeur, et le point d’entrée de chaque temps, à tel point que Laurent Berger sations et à l’infrastructure virtuelle qui • Les nouvelles technologies travaillent demande se retrouve dans les nou- a suggéré la création d’une banque du maîtrisent le réel. De manière caricatu- LA NOUVELLE ÉCONOMIE QUI dans un environnement à inflation expo- temps, idée à suivre. nentielle avec tous les avantages (crois- velles « entreprises plateformes » (search, rale, on finit par se lasser, à être « blasé » TRANSITION REDESSINE NOTRE RELATION réseaux sociaux, market places, plate- de ces objets finis, ces services person- À L’ESPACE-TEMPS sance… ) et inconvénients (dépréciation DE LA VIE AU TRAVAIL du stock, rendement marginal négatif). formes d’échange). nalisés et à portée de main, qui corres- RELATION À L’ESPACE pondent à notre besoin avant même • Le succès des réseaux s’auto-reproduit Enfin le traitement informatique et la qu’on ne l’ait exprimé. PLACE ET RÔLE DU TRAVAIL RAPPEL ET DÉFINITION L’augmentation des puissances de calcul DE LA NOUVELLE ÉCONOMIE et forme des oligopoles. fiabilité de la gestion des données ont DANS LA SOCIÉTÉ DES URBAINS également été à l’origine de la multipli- et la dématérialisation de la localisation En tous les cas, même si ce type de ser- La Nouvelle Économie désigne la crois- La Nouvelle Économie a, par naissance, cité des moyens de compensation et par de la connaissance ont créé un phé- vice immédiat n’est pas abouti, chacun Pour Jacques Levy, la France est devenue sance que connaît l’économie depuis transformé plusieurs fondamentaux de effet induit d’une industrie entière de la nomène de fragmentation du cycle de est d’ores et déjà capable de se projeter quasiment urbaine : 61 des 64 millions de l’émergence et l’utilisation des nouvelles manière très directe ; mais avec quelques gestion des compensations non moné- production, de décroissance des stocks, dans ce futur proche où il le sera. On a personnes qui l’habitent vivent dans des années de recul, on peut aussi constater technologies. C’est un phénomène qui taires. À savoir qu’un bien était majori- d’optimisation de la logistique (rac- coutume de comparer la révolution Ford, aires urbaines. Les urbains se caracté- des transformations de fond, indirectes. est repris par certains économistes tairement compensé en monnaie (achat- courcissement des délais de livraison, qui a révolutionné l’industrie par la stan- risent par leur mobilité (mobilité pour accélération du cycle de développement comme une révolution industrielle, mais vente), dès lors que le bien n’existe pas dardisation (chacun a le droit de choi- le travail, les loisirs, la santé, les obliga- d’un produit). À tel point qu’il est difficile on constate bien que cela ne touche pas et que la plateforme permet d’apporter sir la couleur de sa voiture à condition tions familiales ou autres). À partir de ce IMPLICATION DIRECTE aujourd’hui de définir l’origine d’un pro- que le tissu économique mais égale- une réponse, les biens peuvent simple- qu’elle soit noire), et la Nouvelle Écono- constat nous pouvons ramener la transi- SUR LES NOUVELLES FILIÈRES duit, la localisation de la valeur ajoutée ment les relations sociales, l’accès à la ment ne pas exister (pré-vente, vente à mie qui a permis d’anticiper la personna- tion de la vie au travail à une conception ou la source d’un service. lisation (une voiture est aujourd’hui déjà connaissance ou encore la prévisibilité. La Nouvelle Économie a fait naître des découvert) et même être compensés au urbaine, à la ville, à l’habitat, aux lieux de produite, personnalisée avec les options À noter que c’est la première révolution nouveaux métiers, de manière très sein de la plateforme (services, avoirs, L’espace s’est contracté. Non seulement vie. directe, que l’on peut catégoriser, sans points, bitcoin, etc.). Cette perte de que vous souhaitez, sans même en avoir industrielle (après les trois premières) la mondialisation permet l’ouverture à Du fait de sa mobilité physique, l’urbain être exhaustifs : contrôle transactionnelle est à l’origine des marchés éloignés, mais la démocra- exprimé la demande, ni même le besoin). qui ne prend pas source dans l’émer- est devenu hyper connecté au reste du gence d’une nouvelle énergie (charbon, de multiples contestations et recours sur tisation des transports et l’accès déma- En conséquence, émerge une nouvelle • métiers du contenant qui ont trait à les entreprises plateformes (fiscale, anti- monde, à tout moment, en tout lieu. pétrole, nucléaire), ce qui a quelques l’infrastructure (logistique, stockage, térialisé aux clients ont créé une forme tendance formidable et antinomique en concurrentielle, sécurité). Leur succès implications que nous allons détailler. La câbles ou ondes, etc.), aux terminaux d’obligation à l’export. L’aspiration à la réponse directe, et qui est génératrice Comme détaillé en première partie, est néanmoins indéniable. source originelle est la fusion des tech- (ordinateurs, mobiles) ; croissance s’assimile très naturellement aussi de nouveaux métiers, d’une nou- favorisée par le progrès des sciences et nologies de l’information, de la miniaturi- à l’export. velle économie. techniques, en particulier celui des tech- • métiers du contenu qui ont trait aux sation, de la rapidité de calcul qui, ainsi La masse d’information à gérer et la quan- nologies de l’information et de la commu- logiciels, à l’édition, à la connaissance, à IMPLICATIONS INDIRECTES Cette réponse appropriée est portée par nication, l’imbrication entre vie privée et combinées permettent de modéliser un tique de l’information sortent du domaine deux registres : le divertissement et la l’information ; ET ÉMERGENCE vie professionnelle bouleverse une des monde, des objets, des comportements, de compréhension immédiat de l’humain. sécurité. des molécules de manière virtuelle, et à • métiers de la logistique, la distribution ; DE NOUVELLES FILIÈRES Dans ce contexte, se pose le problème bases jusqu’alors stable du mode de partir desquels, grâce à la simultanéité Les nouvelles technologies et la nouvelle de la réglementation (voir ci-dessous le On l’a vu auparavant, une des consé- production dans lequel nous vivions, où • métiers du e-commerce, de la vente quences immédiates des nouvelles tech- la frontière entre la sphère domestique et les prévisions, permet d’influer sur le de production, de services en ligne (ban- donne ont aussi eu des effets indirects lien avec l’évolution urbaine) qui n’a pas nologies combinées à l’allongement de et la sphère professionnelle était nette. monde réel. caire, voyages, etc.), de transactions ; sur les métiers. trouvé de solution juridique alors qu’elle s’est trouvé une solution en elle-même. la durée de vie est le développement L’ouverture de cette frontière va de pair On associe souvent deux lois à ce mou- • métiers de communication : mots clés, Tout d’abord, les métiers de la transition Ainsi, finalement, les réseaux et les plate- du temps libre. En effet, l’accélération avec un changement des conditions et vement : achat d’espace, micro-marketing ; énergétique : on fait rarement le rappro- formes s’autorégulent. C’est la confiance a permis une prise de conscience qu’en des modes de travail. Le travail, histo- chement immédiat, mais cette quatrième se projetant à moyen terme, on avait • La loi de Metcalfe qui dit que la valeur et non le contrôle qui tient en équilibre riquement, a une implication physique. Ces nouveaux métiers ont émergé en « révolution industrielle » n’est pas une une maîtrise parfaite de nos besoins même temps que la technologie qui fait (Laurent Guilcher l’avait soutenu égale- Aujourd’hui ce n’est plus le modèle domi- d’un réseau augmente à chaque fois que révolution prenant source dans l’éner- matériels et à un coût décroissant. Cela qu’aujourd’hui, on peut constater une ment pour la gestion de la relation des nant ; le travail c’est savoir s’organiser quelqu’un s’y connecte. gie, et par ailleurs n’est pas énergivore ajouté à l’allongement de l’espérance accélération du modèle : managers dans l’entreprise). La notation, face aux flux de commande et d’informa- • La loi de Moore qui prédit que la puis- (contrairement aux trois premières révo- les leaders d’opinion, le vote, la transpa- de vie et à l’épuisement des ressources tions. sance de calcul double tous les 18 mois. • real-time bidding : processus d’enchère lutions industrielles). Toute révolution rence deviennent les règles de contrôle naturelles, la recherche de l’épanouisse- d’espaces publicitaires en microseconde conduisant à des réflexions de transfor- de qualité et de conformité de la proposi- ment se dirige vers la protection de sa Quand ces flux sont couplés aux flux des Cela montre à quel point les notions éco- (pendant que la page se charge) ; mation plus large, cette révolution en tion. La régulation est opérée soit par le vie. Et cette recherche se présente de obligations quotidiennes de la vie person- nomiques classiques de la croissance marche sur les nouvelles technologies a système lui-même (administrateurs), soit deux manières : la protection (sécurité, nelle, cette imbrication des contraintes et • trading à haute fréquence ; sont complétement transformées et fait prendre conscience de la surconsom- par les membres (modérateurs), soit par assurances, santé préventive, silver eco- aspirations des salariés fabrique de nou- presque incontrôlables si on ne s’adosse • big-data : analyse massive de données mation d’énergie « sale », de la consom- la publication à la communauté. Un paral- nomies, etc.) et le divertissement (sports, velles attentes et de nouveaux besoins pas soi-même à ces propres principes et anonymes qui permet l’arbitrage com- mation des ressources « à crédit » et par lèle que l’on trouve de nouveau dans le loisirs, événementiel, détente, nouvelles de flexibilité (« nos pratiques urbaines SÉMINAIRE 4 CONTRIBUTIONS DES AUDITEURS qui (c’est la force du modèle) propage en portementale en temps réel et les prévi- la même manière ont conduit à accélérer domaine bancaire puisque le modèle de expériences, etc.) qui permettent de nous ont été transformées par les vacances et cascade cette adhésion : sions. cette attente de transition énergétique. la sécurité bancaire (coffre-fort) devient détourner de notre destin. l’essor du temps libre » – Jean Viard).

58 59 L’entreprise doit donc évoluer du fait de 15 % moins forte qu’en entreprise « clas- harmonie qui englobe l’ensemble des développées et fortement urbanisées, L’AVÈNEMENT DU NUMÉRIQUE On ne sait pas encore si les deux temps ces interconnexions et s’adapter à de sique » – du fait notamment des perspec- facettes de la vie d’une personne : vie modifiant de fait l’organisation du tra- ET SES IMPLICATIONS sont corrélés, si un excès de l’un entraîne nouvelles organisations en revoyant la tives d’évolution malgré la précarité du professionnelle, familiale, sociale… qui de vail et de l’entreprise, et interrogeant une croissance de l’autre, mais l’on peut valeur/sens du travail et notre approche travail (IFOP – Paris Workplace). ce fait est infiniment plus exigeante que les villes dans leur capacité à optimiser Avec le numérique, on assiste à l’émer- constater aujourd’hui que le second, en 4 de notre environnement. gence d’une forme urbaine nouvelle, matière de technologies, rattrape très 4 la recherche d’une harmonie sur le lieu les services urbains. Elles engendrent la • L’entreprise est un lieu d’épanouisse- de travail qui ne prendrait pas en compte métropolisation et inscrivent le territoire une ville qui fonctionne dans le réseau vite le premier : petit voyage dans la com- ment et d’expression, qu’elle prospère ou des flux de données. Ce n’est plus une les autres aspects de la vie du salarié. physique dans un espace apparemment pétitivité par l’inefficacité ! non. ville qu’on peut gouverner, ce sont les L’objectif est de réconcilier la vie hors du plus partagé et apte à proposer davan- FIN DE LA « FIRME » plateformes qui gouvernent. Les villes Prenons le cas de la mobilité. L’optimi- • Les salariés peuvent concilier leur travail avec celle au travail, la vie de la tage de souplesse aux actifs de demain. LA RESPONSABILITÉ DE L’ENTREPRISE essaient de survivre, dans un environ- sation des temps de parcours et des vie personnelle et professionnelle de ville sur les lieux de travail. Rappelons le rôle de l’entreprise : son but À l’instar des espaces de travail, il y a nement de connectivité maximale qui a chaînes de mobilités est acquise tandis manière harmonieuse. n’est pas de créer des emplois mais de La nouvelle donne immobilière est en des choses qui, à l’échelle de la ville, sont certes l’avantage de la traçabilité (récu- que la connaissance des mobilités s’af- répondre à différents besoins. Le client Sans nécessairement aller jusqu’à la marche, l’immobilier doit se transformer liées aux ambiances. Comme l’explique pération de données), ce qui nécessite fine grâce aux technologies et au big est alors positionné au centre dans la théorie de Bernard Stiegler selon laquelle en s’adaptant aux individus (habitants) ; Dominique Boullier, associer conteneurs une approche nouvelle de la gouvernance data, avec quelques surprises de taille stratégie de l’entreprise, devenant aussi « l’emploi est mort vive le travail1 ! » la l’immeuble devenant services et socié- (cadre bâti, design, technique) et conte- des données urbaines différentes. comme l’invariance des temps moyens nants (où on sent qu’il se passe quelque de transports depuis 40 ans et la mino- la cible d’une adaptation des offres aux transition est en cours et la question du tal. Ainsi quatre tendances majeures Comment la ville peut-elle être à la fois chose), c’est comprendre le mécanisme rité des motifs dits économiques : travail, données qu’il met à disposition incon- travail reste plus que jamais au centre marquent le paysage actuel : conteneur et contenant ? La ville est sciemment par ses connexions. L’entre- des enjeux économiques et politiques qui consiste à la fois à transformer son livraisons, logistique urbaine… Prenons • L’entreprise devient « lifestyle », l’esprit espace de loisirs, de culture, de sport, prise est incitée à devenir de plus en plus de nos sociétés. Le travail, tantôt facteur environnement et à se faire transformer l’exemple de la logistique urbaine. Située start-up s’invite dans tous les domaines zone d’activités, écoquartiers, incubateur agile pour s’adapter aux fluctuations d’épanouissement personnel tantôt enjeu par lui. L’aménagement de l’espace au au carrefour des enjeux du développe- d’activités. de clusters, zone d’habitation, d’ensei- des attentes/données de ses clients. d’aliénation, n’en finit pas d’évoluer. sens large, qu’il s’agisse du cadre de tra- ment urbain, de la dynamique écono- gnement, de recherche. Ce cadre-là est-il mique et de la qualité de la vie, elle prend Ces mêmes clients qui sont eux-mêmes • Le numérique est source d’innovation vail ou du cadre de vie, devient un enjeu suffisamment conteneur et contenant ? un intérêt croissant dans le fonction- connectés avec leurs propres salariés, et de nouveaux usages dont le Desksha- de transformation des pratiques collec- L’espace public communautaire a des nement global de la ville et sa gestion fournisseurs. Ces entreprises prennent RUPTURE ET ANNONCES D’ÉVOLU- ring – un poste de travail est vacant 50 % tives afin de donner à tout un chacun le qualités de conteneur et de contenant nécessite une rationalisation perfor- peu à peu conscience qu’elles ne gèrent TION SUR LES LIEUX DE TRAVAIL du temps (Francoscopie 2011). sens de sa place, dans un cadre ou une qui ont tendance à produire des abstrac- mante de ses composantes. L’explosion plus simplement du personnel mais des vision qui font sens et le dépassent. tions, des choses de plus en plus vola- réseaux humains complexes, eux-mêmes Revenons sur le devenir du travail en • Le bureau devient un connecteur, un du e-commerce, une tendance liée entre L’entrée dans le 21e siècle est mar- tiles, beaucoup moins définies durable- connectés à d’autres structures, ce qui entreprise : nous voyons apparaître une écosystème de partage (esprit collabora- autres au vieillissement de la population, quée par une profonde et vaste période ment dans l’espace. structure leur management et leur trans- personnification de plus en plus forte de tif). à la diminution du taux de motorisation de transitions aux multiples facettes. versalité. l’entreprise – par exemple, le siège social Est-on capable de récupérer la réacti- en centre-ville, à un intérêt pour l’achat d’une entreprise véhicule de plus en plus • Le nomadisme est une tendance La mondialisation, l’urbanisation, la vité, l’attention, la fluidité, la rapidité, la ludique ou une valeur du temps en aug- C’est une véritable révolution, car les ses valeurs ou celles de son dirigeant majeure – 60 % des entreprises du CAC40 contrainte climatique, les impacts tech- connectivité, pour en faire du conteneur mentation, congestionne les villes et entreprises plateformes et le numérique sous différentes formes : sa localisation, ont signé un accord sur le télétravail. nologiques s’accompagnent d’une évolu- correct, qui le rendent vivable, et une stimule le développement de solutions redéfinissent le travail, envoyant au rebut tion des normes sociales, des pratiques son accueil de salariés ou clients, sa Ainsi de véritables ruptures sont à forme de contentement ? On est loin de de livraison plus vertueuses. En effet, le le modèle de la firme de l’âge industriel. personnelles, des aspirations généra- capacité à offrir des zones de formation attendre du fait d’une obsolescence d’un la matérialité urbaine, de sa durée et volume de marchandises qui circulent en Le rôle de cette dernière dans l’écono- tionnelles, des modes de faire et d’être ou de travail collaboratifs… Le lieu phy- immobilier face aux nouveaux usages et aussi de l’esprit urbain fait d’habitudes, ville est déjà tel que les coûts de livraison mie du 20e siècle était essentiel, en ce qui s’expriment de façon exponentielle sique de l’entreprise sera également le attentes. Une génération X Y Z aborde le de familiarité... il en est de même pour du dernier kilomètre se sont envolés ces qu’elle organisait les relations entre les dans nos villes. Le collectif glisse vers le lieu qui rapprochera la production éco- marché du travail à l’image de son profil les territoires, qui supposent une topo- dernières années, jusqu’à représenter travailleurs beaucoup mieux que ne pou- collaboratif, le vivre ensemble s’organise nomique du monde du travail. LINKED-IN où l’on voit poindre des straté- graphie, mais aussi une topologie. près de 20 % du coût total de la chaîne vait le faire le simple marché. Avec ces autour d’espaces de valeur qui font com- de valeur du transport de marchandises. gies de profit d’un capital humain (valo- entreprises plateformes, la hiérarchie Les mutations et les transitions ame- munauté, l’innovation d’usage prime sur À l’échelle nationale, la livraison urbaine risation de son immatériel propre). Les a totalement changé aujourd’hui : plus nées dans l’entreprise replacent le les avancées technologiques. utilise le cinquième du trafic motorisé. jeunes diplômés n’hésitent pas à délais- SMART CITY, LA TECHNOLOGIE besoin de contrat, le travail individuel est manager au centre d’un dispositif qu’il Elle occupe le tiers de la voirie et est à ser aujourd’hui les grands groupes pour Anticiper, comprendre et s’approprier AU SERVICE DES CITADINS intermédié par l’informatique et ne passe subit et doit accompagner. Ainsi, le rôle l’origine de plus du quart des émissions se faire embaucher par une start-up, ces émergences, s’engager au présent plus par l’autorité d’un chef d’entreprise. des managers suit cette transition où « Mais que veulent les citadins et les usa- de gaz à effet de serre en ville, selon les quitte à gagner moins dans un premier pour le futur d’un territoire, tels sont les la coordination multicanale et l’anima- gers de la ville ? – une ville élégante et chiffres publiés par France Stratégie. L’emploi ne devient-il alors qu’une simple tion seront leur principale fonction. Ils temps, escomptant à terme un revenu fondements d’une démarche prospective désirable » (Laurent Vigneau, Urbaniste, matière première et le travail du dévelop- deviendront des animateurs d’espaces, supérieur. efficace. Cette démarche prend appui sur Artelia). Le dernier kilomètre a connu plus de pement personnel ? où nomades, télétravailleurs, consultants le développement d’une culture numé- transformations en trois ans que lors Ce type de comportement commence- rique, du collaboratif, de la mobilité et C’est entendu : la ville intelligente ren- des trois dernières décennies. Mais il est Si l’on reprend les propos de Dominique externes, auto-entrepreneurs, salariés, rait-il lui aussi à déstabiliser la place sur l’évolution du rapport de l’individu dra tout plus efficace. Elle chassera les fort probable que les années qui viennent Boullier nous avons un risque de confu- experts cohabiteront ponctuellement le centrale du contrat salarial ? « Il est cer- à son travail, à sa ville, à l’espace public consommations inutiles, les remplacera verront la poursuite de cette mutation sion avec la monétisation de l‘économie temps d’un projet ; « il faut des managers tain que de profonds changements s’an- pour capter cette force créative et cette par des conseils comportementaux, et l’apparition de nouveaux modèles : d’opinion où le travail pourrait devenir capables de mettre les choses en pers- noncent. À coup sûr, ils transformeront nouvelle forme d’intelligence collective. des solutions palliatives, des scénarios la livraison collaborative, les véhicules l’objet d’un échange sur le marché et pective, de leur donner du sens », selon notre réalité du travail comme la révo- optimisés de substitution. Les citoyens autonomes (la France, dont le coût du faire, tout comme une matière pre- Ludovic Guilcher. lution industrielle l’a fait en son temps. Ainsi dans ce contexte d’évolutions socié- seront en permanence informés de la travail est un des plus élevés d’Europe, mière, l’objet d’une cotation en continu : La question de la flexibilité des espaces Face à cela, il reviendra à chaque acteur tales, on voit des collectivités comme la meilleure façon d’utiliser leur environ- sera un territoire privilégié pour le déve- le contrat de travail est remplacé par devient donc un enjeu majeur pour tous concerné de remodeler sa façon de pro- métropole de Lyon soutenir et favoriser nement immédiat, d’optimiser leurs par- loppement de solutions robotisées), les la vente d’un service dont la quantité et les donneurs d’ordre et les aménageurs duire, repenser sa façon de travailler, l’explosion des espaces de coworking, cours, de faire plusieurs choses à la fois, solutions hors domicile (points relais, le prix varient en temps réel, au gré de d’espace que ce soit au niveau de la réécrire le droit du travail et de la pro- des lieux d’innovation ouverte, et autres tandis qu’ils seront invités à utiliser leur consignes), les livraisons en mode doux l’offre et de la demande. C’est un modèle métropole, de la ville ou du bâti lui-même. tection sociale pour s’adapter à ces nou- tiers lieux qui sont autant d’interfaces corps différemment : moins de gras, plus (à pied, à vélo). qui prône l’auto-entreprenariat. velles formes d’emplois. » Philippe Boyer dans la ville pour accueillir ces nou- de mouvements, gestion en temps réel Cette flexibilité attendue est aussi le velles dynamiques, accélérer ces nou- Le monde du dernier kilomètre deviendra Il est ainsi nécessaire pour le modèle dans La Tribune. des calories… et toujours de multiples reflet d’une séparation de plus en plus veaux modes de faire et ces innovations alors une équation à 4 : actuel de l’entreprise d’assurer sa tran- possibilités pour gagner du temps. ténue entre la vie – les données – per- d’usage. sition à travers différents éléments, • les collectivités locales, qui ont la maî- sonnelle et professionnelle. Et là encore Et si l’homme hyperconnecté n’avait pas comme le rappelle Laurent Berger dans trise de la réglementation ; le monde du travail doit s’interroger sur La création du réseau « coworking Grand toujours envie d’être hyper efficace ? Car son introduction : Lyon », réseau pionnier en France, en est la liberté à trouver dans l’entreprise, car sait-on vraiment ce que veulent les cita- • les e-marchands, et notamment les la parfaite illustration. Lieu fertile à la • Le lieu de travail reste un lien fonda- « c’est le juste retour du fait que le numé- dins et les usagers de la ville ? Plusieurs principales market places, qui pilotent TRAVAIL ET TERRITOIRE création d’entreprises, à l’innovation et mental de socialisation (« on y rigole… »). rique fait envahir la sphère individuelle signaux laissent à penser qu’ils veulent le choix des solutions et la politique com- à l’emploi, lieu où se tisse du lien social, par la sphère du travail », comme le pré- de plus en plus vivre deux temps à la fois : merciale ; • L’entreprise doit s’organiser pour défi- cise Gilbert Emont. Les nouvelles formes d’économie, fon- lieu de mutation du rapport au travail, un temps efficace, optimisé, et à l’inverse nir et assurer les perspectives de chacun dées en grande partie sur la rapidité l’espace de coworking nous dit beaucoup un temps imprévu, incertain, aléatoire • les innovateurs, qui développent des SÉMINAIRE 4 CONTRIBUTIONS DES AUDITEURS dans son travail. Par exemple, la percep- Ainsi, certains concepts comme Work life des échanges, conditionnent de manière des aspirations et des valeurs des nou- (comme on l’a expliqué en première par- solutions nouvelles, informatiques et tion du stress dans la French Tech est Harmony consistent à rechercher une significative la croissance des nations velles générations. tie). technologiques ;

60 61 • les opérateurs de transport, qui Cette politique urbaine ne considère pas mances de la ville et des projets urbains Qu’il s’agisse d’hyperpolisation (réseaux des nœuds majeurs / sécurisation), flui- un emploi sûr et à haute valeur ajoutée doivent saisir les opportunités leur per- les transports publics en tant que moyens associés. Chaque service urbain devient mondiaux / coopétition / ségrégation / difié (gouvernance de réseau / inno- pour les uns, la précarité pour les autres, mettant de transformer leur métier. de déplacements mais en tant que sup- donc la conséquence d’une politique glo- État / concentration / nœuds métropoli- vation et créativité / habiter le flux / c’est tout l’enjeu pour l’entreprise et les ports d’un renouveau urbain global, avec bale qu’il contribue à satisfaire. Il n’est tains /efficacité urbaine), de régiopolisa- mobilité individuelle décuplée), la capa- pouvoirs publics, comment équilibrer le 4 Le cœur de cette transformation sera 4 des résultats spectaculaires : rénovation plus un produit isolé répondant à une tion (autonomie fiscale / réseau urbain / cité de régulation d’un tel système ainsi collectif avec l’individuel. probablement le client, qui pourra choi- et valorisation des tissus urbains desser- seule des thématiques de la ville. Les ser- stratégies spatiales régionales / mobili- que sa grande vulnérabilité (interrup- sir ce qu’il souhaite, quand, où et à quel Beaucoup de métiers se sont révélés vis, attractivité commerciale, émergence vices publics deviennent ainsi interactifs tés durables / gouvernement métropo- tion de trafic, saturations, bugs...) sont prix. Un des principaux enjeux sera la en très forte demande grâce à cette de l’économie touristique, agréments des et connectés dans un processus commun litain), de postpolisation (décrois- au centre de toutes les attentions et des place que pourra trouver le commerce contre-tendance : les Chief Happiness déplacements, appropriations par les très communicable et validé par les élus. sance / périurbanisation généralisée / enjeux futurs. de proximité. Officer, les coachs sportifs, les anima- habitants… La maquette numérique urbaine permet individualisation / séparation spatiale / circuits courts / auto-organisation), dépo- teurs de l’immatériel. De même que le Ainsi, une grande partie des mobilités Les retombées de la conception d’une donc de lier l’intelligence de la ville et métier de manager dans une entreprise n’est plus liée aux temps de parcours. l’ensemble de ses services publics en cla- lisation (autosuffisance domestique / infrastructure de transport conçue avec réseaux sociaux / décroissance assumée / s’est transformé, les individus réclament Mobilités ludiques, divagations urbaines rifiant l’apport de chacun aux ambitions la prise en compte du développement faible densité / déprises des centralités), par réaction l’autonomie, le droit à l’er- – promenades-shopping non contraint – durables globales. Il s’agit là d’une nou- CONCLUSION urbain potentiel qu’elle peut impulser des néologismes composés du suffixe reur, le droit de changer d’avis. Le zap- horaires variables, etc. modifient le rap- velle façon de concevoir la ville, non plus sont donc plurielles : effets immédiats polisation en référence à la polarisation ping virtuel et sans persistance trouve à partir d’un projet global qui sous-tend Qui aurait pu prévoir, il y a encore 5 ans, port des urbains à la mobilité et aux sur les déplacements eux-mêmes avec exercée par la métropolisation, la Datar une application immédiate dans le réel. espaces publics. translation massive de l’usage de la voi- des services mais dans un jeu de va et la vitesse de diffusion du smartphone, voit dans la mondialisation, une tendance quand cette technologie était encore bal- Ainsi nous pouvons nous interroger ture vers des modes de transports plus vient entre planification, projets urbains lourde, et dans les métropoles, des Ces urbains majoritaires préféreront au durables, effets ricochets sur la valeur et services publics. butiante ? À titre d’exemple, l’âge moyen également sur la temporalité de l’em- gain de temps d’autres valeurs comme la « connecteurs » assurant « les liaisons des entreprises cotées aujourd’hui au ploi salarié et surveiller de très près de la ville, économique, culturelle, touris- entre la France et la mondialisation ». garantie des horaires, le confort, l’agré- tique, effets globaux sur le cadre de vie Le tout est autorisé depuis peu par la NASDAQ est de 25 ans, celui des GAFA la remise en cause de cette échelle de ment de l’itinéraire, les ambiances et des riverains et des visiteurs, réduction visualisation en 3D des actions, des don- La mondialisation, et son expression ter- est de 22 ans tandis que celui des entre- valeur, et l’émergence de nouvelle valeur atmosphères, la sécurité et la propreté. des nuisances, beauté des lieux, etc. nées et des services. C’est à ce titre que ritoriale la plus courante, la métropolisa- prises du CAC 40 est de 104 ans (source (Bitcoin, monnaie locale, troc, économie Le vieillissement moyen des citoyens ne la fabrique urbaine va connaître une tion, dessinent des territoires marqués CNN). collaborative, les travaux d’utilité collec- fera qu’accentuer cette recherche de Après avoir changé le destin de plusieurs mutation profonde en passant de la Pla- tive, l’utilisation de licences à récipro- par la circulation et l’échange. Depuis De la même manière, au niveau de la vie mobilités « inefficaces » tant qu’elles sont villes ou agglomérations, la mobilité « à la nification des volontés à la Scénarisation les années 1960, le nombre de passagers « active », il n’est plus possible de conce- cité). « Le travail ne peut, ni ne doit, être plus « agréables ». française » se concentre aujourd’hui sur des choix, en favorisant les confronta- aériens a par exemple doublé tous les voir les trajectoires professionnelles réduit à la forme historique qu’il a prise les apports des nouvelles technologies tions nécessaires à l’émergence de la dix ans. Quant au transport maritime par dans les sociétés industrielles depuis le De façon plus globale, les technologies individuelles de façon linéaire. La pros- dans l’optimisation de la chaîne multi- ville participative. containers, il représente désormais près 19e siècle, c’est-à-dire l’emploi salarié à doivent désormais intégrer l’existence pective n’a plus pour objet les mutations modale et la facilité d’accès des usagers. des deux tiers du commerce mondial en plein temps. » « La forme salariée n’est de deux espaces publics : l’espace public qui vont affecter la génération suivante : Les objectifs déjà atteints sur plusieurs valeur et les trois quarts en volume. Ces qu’un moment de la longue histoire du réel et l’espace public numérique. L’es- c’est à l’échelle d’une carrière que les projets sont une ville accessible à tous nouveaux territoires sont traversés par travail », comme l’explique Alain Supiot pace public numérique, à travers les UN PEU DE PROSPECTIVE… QUE paradigmes se transforment. et partout, une information facilitée en SERA LA VILLE DANS 20 OU 30 ANS ? des flux de toute nature (navetteurs, tou- dans Critique du droit du travail. réseaux sociaux et les liens Internet, temps réel, une intégration des services ristes, marchandises, informations, capi- Cette incertitude est d’autant plus grande a volé aux espaces publics réels bon sur les téléphones portables ou supports Dans son programme de prospective taux) et s’organisent à partir de « portes que ce sont également avec des grilles de Enfin pour faire la transition sur les nombre de ses fonctions historiques : numériques, un transfert de la mobilité « Territoires 2040 », et à partir des trois d’entrée ». Qu’elles soient terrestres lecture différentes qu’il faut appréhender changements dans les métiers, on peut faire ses achats, jouer, discuter avec ses subie vers la mobilité ludique, et toujours facteurs qui agissent à l’échelle mondiale (gares ferroviaires), maritimes (ports), cette transition : la croissance, le salariat, reprendre les principes abordés par amis sont les plus évidents. Il y a donc l’amélioration des formidables effets et transforment en profondeur les ter- aériennes (aéroports), territoriales (métro- la séparation du travail et du non-travail, Laurent Berger, qui a mis en avant deux aujourd’hui une complémentarité entre induits des mobilités bien conçues sur la ritoires français, à savoir la croissance poles), ces portes polarisent une part la compétitivité, l’intérêt commun. principes : ces deux espaces publics. ville, sa fluidité, sa beauté et sa facilité démographique et le vieillissement, le importante de tous les flux générés. Demain, l’adaptabilité et l’apprentis- • Nous sommes en transition perma- d’usage. changement climatique et enfin l’urbani- Une société où la mobilité est générali- Dans ces conditions, que peut proposer sage permanent deviendront une nou- nente et un objectif d’entreprise est sation, la Datar (Délégation à l’aménage- sée réinterroge les rapports qu’entre- l’espace public réel que ne peut pas La ville désirable repose en grande partie velle hygiène de vie. Comme le rappelait par définition indéterminé puisque la ment du territoire) a imaginé un certain tiennent les individus aux territoires. Les proposer l’espace public numérique ? La sur la façon dont on s’y déplace et encore Laurent Berger, dans 20 ans 60 % des demande du client est individuelle, immé- nombre de scénarii pour les différents frontières ont tendance à s’effacer et le demande des urbains dans les usages plus sur la façon dont les déplacements métiers seront des métiers nouveaux, la diate et éphémère. « systèmes spatiaux » du territoire natio- monde des réseaux (transports, numé- de la ville évolue rapidement vers le la complètent et la respectent. L’apport façon dont on produira demain dans les rique... ) à devenir de plus en plus pré- • La relation dans l’entreprise s’inscrit sensible, l’agrément, le sentiment, l’ex- français sur cette intime articulation se nal. Chaque espace remplit une fonction entreprises n’aura ainsi plus rien à voir traduit par des solutions capables de essentielle au service du territoire natio- gnant. dans le dialogue, la compréhension des périence : la ville élégante et désirable ne avec les modes de production actuels. évolutions, la négociation, le compromis peut pas se vivre sur le Net ! générer un duo gagnant/gagnant entre nal : produire de la richesse ou des res- Qu’il soit polarisé (mobilité globale / L’enjeu d’éducation sera immense. Afin la ville et ses mobilités, entre intelligence sources agro-environnementales, accueil- et donc l’adéquation des causes et effets métropolisation et pôles intermédiai- de faire face à la complexité du monde dans un processus évolutif. numérique et services urbains : lir des populations résidentes ou touris- res / consommation énergétique forte liée environnant, il deviendra primordial d’ac- tiques, permettre l’entrée dans le terri- LA MOBILITÉ, ARMATURE D’UNE aux transports), dilué (déplacements quérir de nouveaux réflexes en dévelop- 1 « L’emploi est mort, vive le travail ! la fin de l’emploi • En valorisant la chaine vertueuse toire national et la circulation des flux VILLE DURABLE ET DÉSIRABLE de co-conception de la ville, par des réduits / dématérialisation de l’échange / pant des nouvelles compétences, à la fois est l’occasion de réinventer le travail au cœur de nos de toute nature ou le déploiement de méthodes de contextualisation des sujets consommation énergétique forte liée techniques, relationnelles, analytiques… sociétés du numérique, de construire une économie La mobilité « à la française » est née il y a l’industrie, organiser des espaces métro- humains, économiques et environnemen- à l’habitat), archipellisé (mobilité à À ce constat un sentiment de précarisa- contributive en lieu et place de cette économie de l’in- politains qui assurent le rayonnement 30 ans de la rencontre entre des opéra- taux, par une capacité à les traduire grande distance limitée / autonomisation tion d’un monde à deux vitesses émerge, curie qui nous détruit à petit feu ». teurs publics soucieux de la qualité des en projet urbain partenarial et par la de la France tout en permettant le déve- services offerts, une industrie novatrice, construction ou l’exploitation des ser- loppement de leur hinterland, renforcer notamment dans les transports collec- vices urbains. Ainsi la décision de déve- les villes moyennes qui jouent un rôle tifs (tramway, trains, -trains, métro, lopper tel ou tel service n’est plus isolée majeur dans l’accessibilité aux services bus, services aux usagers… ) et des pro- dans son objectif sectoriel, mais vient de proximité. fessionnels de l’aménagement urbain étayer un projet urbain global, lui-même Loin de prédire l’avenir, la prospective soucieux de la cohésion de l’ensemble. résultant d’un diagnostic territorial com- vise principalement à anticiper les évolu- Portée et valorisée par des collectivités plet. Chacun des thèmes de la ville est tions possibles pour mieux s’y préparer qui voulaient utiliser la mobilité en tant ainsi amplifié par son environnement et et à élaborer des stratégies appropriées que vecteur d’économie et de rénovation sa participation à un développement glo- pour tenter d’infléchir les tendances les urbaine, elle est devenue l’emblème de bal. plus négatives et, mieux encore, pour la ville durable à travers plusieurs réa- • En amplifiant le rôle des services aller vers l’idéal souhaité. Se projeter lisations de renommée internationale : publics : les maquettes numériques dans le futur, regarder au loin, c’est donc SÉMINAIRE 4 tramways de Grenoble, Nantes, Stras- urbaines, les Smart Grids permettent de éclairer l’action publique en repérant les CONTRIBUTIONS DES AUDITEURS bourg, Bordeaux, Montpellier, métros de présenter les services urbains dans une défis qui nous attendent afin de forger un Rennes, Toulouse, Marseille. continuité logique du scan des perfor- avenir désirable. 62 63 LES RISQUES LIÉS logie renforce également cette accéléra- la conception de la ville et les liens qui SÉMINAIRE 5 À CES PROJECTIONS tion des rythmes de vie. unissent contenant et contenu. TRAVAILLER DEMAIN : QUELS ESPACES ET QUELLES RELATIONS À LA CITÉ ? Que l’on adhère ou non à ces scénarii, Dans le même temps, la disparition • COHABITATION ROBOTS, HUMAINS 5 l’exercice prospectif alerte et met l’ac- physique possible de certaines activi- ET INTELLIGENCE ARTIFICIELLE 5 CONTRIBUTION D’ÉRIC DONNET, YANN FLORENÇON, GÉRALDINE LEMOINE ET BÉRENGÈRE OSTER cent sur des phénomènes dont certains tés, liées notamment aux services à la INTERVENANTS : SONIA LAVADINHO, ÉLISABETH PÉLEGRIN-GENEL, GÉRARD PINOT Les robots d’assistance personnelle sont peuvent se transformer en tendances personne ou aux professions libérales de plus en plus nombreux. Présents de fond. À l’heure où les modèles écono- qui deviendraient elles aussi nomades, notamment dans le milieu médical, ils miques, sociaux ou politiques sont bous- pose une vraie question de vie au sein investissent de nouveaux secteurs : édu- culés dans leurs fondamentaux, il appa- de l’espace urbain. Dans l’optique de la cation, sécurité, police, tourisme… Même raît nécessaire et utile d’identifier les construction de villes du dehors attrac- si nous ne sommes qu’au début de la risques que de telles projections peuvent tives et propices aux modes de dépla- cohabitation entre humains et robots, la représenter. cements doux, quel sera le paysage de vitesse de déploiement de ces derniers En guise d’introduction à ce séminaire, Gilbert Emont nous annonçait que nous rentes composantes qui le constituent celles-ci ? Comment appréhender les • FRAGMENTATION ET GENTRIFICATION (+30 millions en 4 ans) incite à intégrer allions aborder des thèmes plus « spatialisés ». C’est étrange que ce terme espaces publics, les pieds d’immeubles, (équipes, expertises, espaces… ) pour cette dimension dans la conception des désigne à la fois l’espace dans lequel nous évoluons, mais aussi l’Espace infini DE LA SOCIÉTÉ ET DU MONDE DU TRAVAIL la question de la mixité ? favoriser la sérendipité et donc la créa- espaces. Quels espaces partager, quelle au-dessus de nos têtes. Pour ce séminaire, nous emploierons le mot « spatia- tivité. La maximisation des rencontres Selon Sonia Lavadinho, seules trois caté- Et dans une logique d’hyper mobilité distance instaurer, quelles règles éta- lisé » au sens d’« envoyé dans l’espace », comme l’ont utilisé Élisabeth Péle- sera d’ailleurs un facteur clé pour vous gories de métiers continueront à exister toujours plus forte où chacun devient blir ? Le département robotique du Labo- grin-Genel et Sonia Lavadinho. attirer et vous fidéliser car, en tant qu’hy- dans les trente prochaines années : les « autosuffisant » dans ses besoins quoti- ratoire d’informatique, de robotique et Nous avons pris ce séminaire d’abord comme des messages d’alerte plus ou per mobile, vous ne resterez pas plus de fonctionnaires, les métiers des services diens, on peut légitimement se poser la de microélectronique de Montpellier, le à la personne et la « classe créative ». moins violents en fonction des intervenants. Avec Élisabeth Pélegrin-Genel, qui quatre à cinq ans dans une même ville question suivante : pour satisfaire quel Lirmm, a travaillé sur ces sujets pour Cette dernière peut se définir comme remet en cause les modèles établis mais avec tempérance, nous avons pris du ou un même métier. Au quotidien, plus besoin ou usage, outre que commercial faire progresser la mixité entre intelli- l’ensemble des métiers liés à la création, recul et nous nous sommes interrogés sur nos usages et les différentes façons besoin d’équipement informatique, tout notamment, souhaiterons-nous « nous gence artificielle et intelligence humaine. « d’habiter nos espaces », que nous adoptons au fur et à mesure de nos évolu- qu’elle trouve son origine dans la pensée, arrêter » ? Les villes des hyper mobiles Et ce n’est qu’une question de temps sera virtuel grâce aux outils hologra- les sciences ou le dessin. Elle désigne par tions. phiques. D’un geste, ou d’un regard, vous devront en effet intégrer et concilier deux avant que cela se traduise concrètement là même toutes les activités ou fonctions périmètres et dimensions de vie : l’extrê- et largement dans les espaces de travail. Avec Sonia Lavadinho, nous avons été bousculés. Elle nous a alertés sur la condi- pourrez commander et actionner ces non algorithmisables et non robotisables. mement grand, dans une logique d’ouver- tion essentielle du lien entre vie professionnelle et contrat de travail au moment outils virtuels, mais pas seulement ! Votre ture et d’expérience à l’échelle mondiale, Au-delà de l’image du robot humanoïde, même où nous discutons des réformes sur le droit du travail et que notre nou- Cette lecture du monde du travail de robot personnel, véritable assistant, réa- et le petit, le vivable, c’est-à-dire un péri- la cohabitation au sein d’un même velle ministre, Muriel Pénicaud, affirme dans un grand quotidien : « Le CDI est demain, partagée par plusieurs obser- lisera pour vous les tâches que vous lui mètre dans lequel on puisse connecter espace, public ou privé, peut prendre la norme et le restera ! » Sonia Lavadinho nous a questionnés sur la juste rému- vateurs, est synonyme de destruction aurez dévolues, vous dégageant ainsi des les différentes facettes d’une même vie des formes très différentes. Les capteurs nération de la mise à disposition de « l’esprit créatif », de ces moments d’être massive d’emplois et limite fortement les contraintes quotidiennes et matérielles. (travail, loisir, famille, consommation), et en tout genre ont déjà envahi l’espace au bureau, dans un espace de travail ou bien dans ce qu’elle appelle « la ville perspectives de reconversion. Dès lors, public, l’espace de travail et l’espace À moins que ce ne soit l’inverse… comment garantir un équilibre social et ce, en offrant à ses différents publics un du dehors ». Elle nous a bousculés en nous parlant de « l’économie créative » ou privé. Le bâtiment se fait « intelligent » « faire société » quand les trois quarts de tissu urbain cohérent. de « l’économie expérientielle » qui émergent ; elle nous a bousculés quand elle Votre rythme de vie sera celui que vous pour optimiser sa gestion et maîtriser la population n’auront plus d’emplois ? exprime le fait qu’elle ne croit plus au « travail » à proprement parler, mais à aurez choisi avec des plages horaires • DE L’IMPORTANCE DE L’APPROPRIATION ses consommations. Aujourd’hui dis-

des endroits où nous pourrons interagir. Comment continuer à bâtir des villes, dédiées au travail, qui elles seront flexi- Si l’on poursuit dans cette logique d’op- DE LA VILLE crète, la cohabitation est déjà une réalité des immeubles, et comment imaginer ces endroits où nous interagirons ? et elle sera demain encore plus visible. bles, et des marqueurs temporels fixes position brutale entre classe créative Cette question de l’appropriation de la active et classe non créative non active, C’est pourquoi, notre retranscription commence par un examen d’une vision du liés à votre vie privée. Besoin de passer ville est centrale. Quel que soit le scéna- • PLUS DE NOMADISME, il existe un risque fort de dislocation des futur, en essayant de décrypter, parmi les fantasmes ou les excès de la révo- chez le dentiste ? Rien de plus simple en rio prospectif, l’enjeu est bien d’être en PLUS D’AGILITÉ ET PLUS D’EXPÉRIENCE sociétés dites développées telles que lution numérique, les signaux faibles qui se réaliseront sans doute, en prenant réservant la voiture autonome dentiste capacité d’éviter de concevoir des lieux soin de comprendre les mises en garde venues du futur. Nous reviendrons Car-e avant la sortie de l’école où vous nous les connaissons, et de basculement traversés mais non habités. Aujourd’hui, Monde du travail et construction de la vers un phénomène de « sud-américa- ville ne s’appréhendent déjà plus comme ensuite sur ce que vivent les entreprises aujourd’hui et quelles sont les ten- attendra la voiture autonome Childcar’. des réponses apparaissent et certaines nisation » de ces dernières. Cette éven- une structure linéaire. Les ruptures, les dances d’aménagement sous l’angle méthodologique. Enfin, nous dresserons Même chose pour votre coiffeur ou votre villes entament un nouveau travail pour sous formes d’enjeux, les grands défis qui attendent la ville du travail / loisir, et tualité, qui implique violence, insécurité, variations, les aspérités sont aujourd’hui kinésithérapeute. Et en tant que « Sla- inciter leurs habitants à prendre le notre posture face aux différents choix du présent. repli et protectionnisme, viendrait ainsi temps, à s’arrêter, cela faisant souvent recherchées et font la différence, qu’il sher », vous jonglerez entre deux, trois ou se placer en totale confrontation avec s’agisse de parcours professionnels quatre activités différentes au sein d’une écho à une politique de limitation du véhi- la logique d’ouverture et d’hyper mobi- cule personnel. La réappropriation des ou d’espaces urbains. Les nombreuses même semaine : créatif, mais aussi pro- lité également envisagée, mais surtout places par les piétons en cœur de ville en enquêtes menées auprès des Millenials fesseur de Pilates, spécialiste d’aquapo- nécessaire à l’émergence d’une classe est un exemple. soulignent cette tendance de la non- nie ou caviste. ou d’une économie créative. linéarité déjà constatée dans plusieurs La réinvention de la ville, ou comment secteurs ou métiers : le temps moyen des Au-delà de la fragmentation possible LE TRAVAIL DANS LA VILLE DE Entre deux réunions, vous visiterez un des espaces tombés en déshérence sont CDI se réduit et le nombre d’expériences LE FUTUR MONDE DU TRAVAIL : liée à des différences de richesse, il en DEMAIN : LE RÉCIT DU FUTUR appartement que vous avez repéré après transformés sur le long terme en espace s’accumulent ; le besoin de sens et de existe une autre : la fragmentation géné- PROSPECTIVE, PARADOXES ET l’avoir évalué en fonction de sa workabi- urbain partagé, en est un autre. On peut variété devient primordial. En termes rationnelle. Dans un contexte marqué SIGNAUX FAIBLES En tant que membre actif de la « classe lity par rapport à vos différents rythmes citer ici les exemples de la High Line à de management et d’accueil au sein des par le vieillissement de la population, créative », vous aurez en tout premier de vie. Vous vous engagerez sur une New York ou bien plus proche de nous la entreprises, les profils de la généra- d’une part, et l’émergence d’une classe lieu choisi votre ville, et ce, avant même durée courte sachant que vous réfléchis- Coulée Verte à Paris, ainsi que celui de tion Y et Z constituent un véritable défi. La prospective désigne la démarche qui créative, jeune et « toute puissante » sur votre activité ou votre employeur, si vous l’ancienne mine de charbon de Zollverein Dès lors, outils, modes de management vise à se préparer aujourd’hui à demain sez à vous installer dans un nouveau pays le monde du travail, d’autre part, com- souhaitez en avoir un ! Mais quel type de à Essen dans la Ruhr, reconvertie en et environnements de travail doivent en élaborant des scénarios sur la base l’année prochaine. Pour la composition ment créer de la cohésion et œuvrer, ville ? Une ville du dehors, une ville mar- espace culturel. s’adapter sans pour autant négliger ou d’analyse de données disponibles, de du logement, vous avez indiqué recher- notamment à travers l’action politique chable, comme Berlin, Oslo, New York ou déstabiliser les autres profils. comportements, de faits passés et de Vancouver, capable d’accueillir les corps cher deux chambres avec une salle de et, par la voie des représentants élus, à signaux faibles. Partant de cette définition en mouvement, la mobilité devenant une bains privative, ainsi qu’une cuisine, une un alignement des intérêts du plus grand La non-linéarité, la recherche d’expé- salle de jeux et un rooftop partagés, et nombre ? SIGNAUX FAIBLES ET PREMIERS et en observant les évolutions urbaines, valeur centrale. Mais aussi une ville qui EFFETS SUR LA CITÉ ET LE MONDE rience et l’accélération des changements enfin un fablab accessible 24h/24 et 7j/7. impactent également la conception et économiques, sociales et sociétales, à fait place au togethering, aux interac- • UNE VISION DÉSHUMANISÉE DU TRAVAIL les usages de la ville au sens large. Il quoi pourrait donc ressembler ce futur tions, dans les espaces publics certes, DE LA VILLE AUTOMATISÉE En résumé, vos journées ressembleront Certaines tendances jugées secondaires apparaît essentiel de concevoir des monde du travail possible ? Quels risques mais aussi dans les espaces privés. beaucoup à des samedis, sans toutefois L’obsession de la vitesse, de la libération ou anecdotiques pour certains ont d’ores espaces et des modèles de gouvernance et opportunités l’exercice prospectif L’environnement professionnel dans les visites familiales dominicales en ban- des flux et de la rentabilité du temps nous et déjà un effet sur la ville et le monde capables de se transformer rapidement met-il en lumière et quels enseignements lequel vous évoluerez, quel qu’il soit, lieue. À l’avenir, vous réserverez pour vos incite à une hyper mobilité sans aucun du travail. Nous avons ici choisi de nous pour accompagner ces évolutions. Pour SÉMINAIRE 5 en tirer en tant qu’acteurs de la ville ? devra lui aussi trouver le moyen d’assem- parents la Family’Car et les accueillerez moment de pause, ou le moins possible. arrêter sur trois d’entre elles, estimant prendre un exemple concret dans notre CONTRIBUTIONS DES AUDITEURS Immersion dans le futur possible. bler et de mettre en synergies les diffé- dans la ville du dehors. La portabilité des objets et de la techno- que leurs impacts iront croissant sur secteur, l’industrie hôtelière a été une

64 65 des premières à faire face à des chan- écho au concept de worry free lifestyle, biens et de services. Cela se traduit par Au final, ces nouvelles possibilités se • L’enjeu est-il d’optimiser les surfaces management directif, persuasif, délé- gements profonds quant aux besoins et c’est-à-dire de limitation ou de non-ges- un passage de l’ère du papier à l’ère du traduisent par l’apparition de nouveaux en mutualisant mieux l’espace ? gatif, participatif ? Ces choix sont fonda- aux attentes de ses clients. L’industrie a tion des contraintes. numérique ou encore la numérisation espaces conçus dans un esprit moins teurs du projet spatial. Inutile de créer un • L’enjeu est-il de créer un bâtiment dû trouver des solutions et s’adapter à du poste de travail, la possibilité de tra- « tertiaire », s’inspirant davantage d’es- espace qui ne serait pas en phase avec le 5 En matière immobilière, le coworking vailler à distance et en réseau (on parle vitrine qui servira davantage à marketer 5 ce besoin d’expérience pour répondre au paces libérés tournés vers le bien-être, le répond en partie à cette même logique. l’entreprise par rapport à ses clients ? discours managérial. défi posé notamment par les plateformes de capitalisme de plateforme) et bien Et le coliving, c’est-à-dire la possibilité chez soi et offrant une diversité de fonc- numériques comme AirBnB, Booking sûr, le nomadisme et la possibilité d’être tions et de postures physiologiques. Au final, la façon dont chaque projet Dans le cas d’une entreprise cherchant à d’avoir un espace de vie réduit mais connectés à différents endroits (anytime, faire évoluer le rôle du management par ou d’autres. Ces dernières années, les privé, au sein d’un plus grand espace répondra à ces questions aboutira à un concepts innovants, comme Yooma ou anywhere). espace collaboratif différent : dans son le biais d’un projet spatial, l’accompagne- avec des pièces communes – cuisines, ment des managers est indispensable Meininger, ont fleuri et les opérateurs salons, salles de gym – où il est possible • La transition écologique qui impose LES ORGANISATIONS image comme dans son intégration du pour mettre en cohérence pratiques et historiques en place ont diversifié leur d’interagir avec d’autres résidents, en une approche immobilière durable et le ET LES ESPACES : DÉCRYPTAGE numérique ou des nouveaux modes de palette d’offres à l’image d’AccorHotels et constitue le pendant au sein de la sphère développement d’un patrimoine immo- DU PROJET IMMOBILIER management. espace. En cas de dysfonctionnements, de son concept Jo&Joe. bilier moins consommateur d’espace et l’espace est souvent mis en cause alors privée. • STRATÉGIE IMMOBILIÈRE ET CULTURE d’énergie, afin de réduire son empreinte que le problème est davantage lié à une • INDIVIDU ET COLLECTIF, D’ENTREPRISE Au terme de cet exercice prospectif, qui écologique. Il s’agit de mieux consom- NOUVEAUX USAGES ET NOUVELLES mauvaise formation des personnes aux PROPRIÉTÉ ET PARTAGE recèle autant de risques que d’oppor- mer l’espace en partageant mieux les La localisation des projets immobiliers MÉTHODOLOGIES D’AMÉNAGEMENT usages de l’espace. Un espace accélère tunités, on constate un déplacement de Les modèles en place du salariat et de ressources. On mutualise les surfaces à est la partie la plus visible de la straté- DES ESPACES les dysfonctionnements issus de mau- curseur. Un basculement progressif s’est la propriété, qui ne sont d’ailleurs pas l’échelle de plusieurs bâtiments à l’image gie immobilière des entreprises : on n’a vais choix d’organisation et de mauvaise opéré et nos sociétés sont passées d’une Les usages au travail et la façon d’occu- la norme pour toutes les sociétés, sont des projets de type campus et on intègre pas la même stratégie selon que l’on préparation des individus à « manager » économie du « bien », assise sur le temps per les bâtiments ont beaucoup changé aujourd’hui remis en cause par ce futur de nouvelles réflexions sur la mobilité à crée un siège social, un bâtiment destiné l’espace et les personnes. possible qui mise sur le mouvement, la long, des valeurs comme la propriété ou l’échelle de l’entreprise avec les plans en quinze ans, si bien que la façon de pro- le salariat, vers une économie du ser- à regrouper des activités de back-office grammer des projets tertiaires a consi- • Nouvelles méthodes participatives : non-linéarité et les interactions. de déplacements ou le télétravail et son ou un centre de recherche et dévelop- vice où les rythmes se font plus rapides impact sur les temps de transports et le dérablement évolué depuis cinq ans. Les aujourd’hui, le projet immobilier est réso- Au-delà du phénomène, notamment de la et les modèles moins figés. Aujourd’hui, pement. Mais la stratégie immobilière méthodes de conception des espaces se lument participatif. Le processus de rapport domicile-travail (« tout ça pour recouvre une nature plus complexe : à hausse du nombre de travailleurs indé- une nouvelle phase semble débuter avec sont adaptées tenant compte des nou- conception est peut-être plus important allumer un ordinateur »). l’intérieur même du bâtiment se joue le pendants et des différentes formes d’au- l’émergence d’une économie de l’interac- velles réalités comme : que la conception elle-même. De plus en déploiement de la culture d’entreprise et to-entreprenariat dans le monde, il est tion où la qualité de service par exemple • La mondialisation qui impose une réac- plus de projets résident dans la possibi- intéressant de souligner que cette ten- réside dans la relation et l’expérience. tivité forte pour s’adapter à la concur- de son ADN. • la sous-occupation des bâtiments (70 % d’occupation maximum en moyenne) ; lité de simuler de nouvelles postures au dance n’est pas pour autant synonyme de Animer, faire vivre, susciter des émotions rence et aux conditions du marché. Cela Aujourd’hui, le projet immobilier a travail et de « tester le futur » par une créer des souvenirs, que l’on parle de se traduit par des réorganisations per- perte d’esprit collectif. Au contraire, elle changé de nature, passant d’un centre de • la réduction du temps passé au poste opération pilote qui, après évaluation, ville, de produits, d’activités… deviennent manentes, nécessitant une souplesse constitue une manière de le réinventer, dépense à un centre de ressource, davan- de travail (- de 50 % du temps au poste) ; sera ajustée avant un déploiement à essentiels et se traduisent dans les posi- dans l’organisation et l’adaptation des de créer de nouvelles communautés dans tage perçu comme support de plusieurs tionnements de nombreuses marques espaces. Ces changements d’organisa- • l’augmentation des activités d’interac- l’échelle de l’entreprise. un contexte d’individuation de la société. dimensions stratégiques de l’entreprise : Du simple portage salarial destiné à commerciales ou institutionnelles. La tion se produisent aussi bien dans les tions en petits groupes. C’est la nouvelle logique qui guide les valeur se déplace vers l’émulation, l’étin- entreprises privées que dans les admi- le projet RH et de management, le projet gagner en efficacité et en souplesse, numérique, le projet d’image et de mar- Avec un paradoxe, le parc immobilier méthodologies participatives : penser le aux collectifs d’artistes qui bénéficient celle, à l’image de certains espaces de nistrations ou services publics, confron- projet ensemble ne suffit pas, il faut vivre coworking qui valorisent d’un point de tés régulièrement à de nouvelles procé- keting, le projet social, le projet écolo- tertiaire n’est pas adapté : 80 % des sur- d’une couverture sociale et d’une assis- gique et de développement durable... faces sont attribués au poste et 20 % sont l’expérience ensemble pour confirmer ou tance commune, le modèle de la coopé- vue financier les synergies créées au dures ou refonte des services lors de infirmer une idée d’aménagement. C’est sein de leurs locaux. Dès lors, comment changements politiques. Chaque nouveau projet doit composer attribués à des grandes salles de réunion ration évolue lui aussi. En effet, d’abord une nouvelle forme de prototypage à l’immobilier, qui s’inscrit dans un temps avec l’ensemble de ces problématiques, souvent mal utilisées. observé chez les professions libérales et De l’autre côté, les salariés font égale- mais selon la nature du projet et la échelle 1 de l’organisation. Là aussi, les les « purs » créatifs, il se développe égale- long et qui par définition est fermement Aujourd’hui, on programme l’espace de ancré, peut se transformer et répondre ment face à des évolutions rapides qui culture d’entreprise, ces dimensions ne démarches de co-construction avec les ment aujourd’hui au sein de professions travail selon trois grandes questions : à ce besoin croissant d’expérience, de changent leur rapport au travail : seront pas traitées de la même façon et collaborateurs peuvent être mal réali- plus précarisées, notamment les travail- mobilité et d’interaction ? avec la même priorité. • Nouveau rapport au temps et à l’es- sées et desservir les projets si elles se leurs indépendants des sociétés de ser- • De nouvelles formes de management avec notamment la transition d’un mana- pace : l’analyse des besoins des utili- réalisent dans le cadre d’une vision très vices. Nous pouvons ici citer l’exemple de La généralisation de l’espace ouvert pour- sateurs se fait moins par l’analyse des directive, laissant de « fausses » marges la plateforme SMart, coopérative histori- gement de type « directif » et « vertical », rait laisser penser que les entreprises vers un management plus horizontal, métiers que par l’évaluation par chacun de manœuvre. quement dédiée aux métiers artistiques utilisent toutes l’espace de la même mettant en valeur les interactions et de son profil d’activités suivant une grille et de la communication, qui a fédéré et manière. Or, il y a autant de façon de faire L’espace « physique » immobilier reste la participation des collaborateurs. Un à deux entrées : soutenu en Belgique l’action collective LES TENDANCES DE FOND de l’espace ouvert que de cultures d’en- un support stratégique pour mettre en management en cœur d’équipe où l’enca- de livreurs-cyclistes contre l’entreprise VÉCUES PAR LES ENTREPRISES 1. Quelle est la répartition de mon temps œuvre le projet d’entreprise. Malgré une drant devient un animateur au service de treprises et de nature de projets. TakeEatEasy. de travail entre activités individuelles et apparente standardisation apportée par son équipe et transmet son expertise en Après une exploration dans le futur, L’espace ouvert n’est pas nouveau mais activités d’interactions / collaboration ? la généralisation de l’espace ouvert, la Le concept de propriété individuelle, continu. Un management qui se réalise déroutante, passionnante ou anxiogène, il a considérablement évolué dans son diversité des combinaisons d’espaces qu’il s’agisse d’immobilier, de modes de parfois à distance : c’est le remote mana- 2. Quel est mon profil de mobilité dans selon chacun, il est nécessaire de revenir design et dans les services proposés avec permet de mettre en valeur la culture transports, de biens de consommation, gement qui pose la question du manage- l’entreprise : sédentaire, mobile ou sur ce qui se joue aujourd’hui et dans un des espaces à taille humaine conçus pour d’entreprise, différents modes de mana- est aussi lourdement impacté par cette ment « hors présence », et qui repose sur nomade ? futur proche. Que vivent les entreprises des équipes de vingt à trente personnes. gement et d’organisation. Si la mobilité a émergence d’un nouveau mode de vie le fait de placer les salariés en situation et les salariés, et comment cela se traduit Ces espaces sont souvent décriés, alors Ces deux facteurs qui restituent de façon basé sur les principes de liberté de choix d’autonomie et de responsabilisation. changé le rapport au travail et le temps dans le projet immobilier ? Quels sont les qu’ils sont conçus plus finement et sont plus pertinente le travail réel vont per- et d’hyper mobilité. Il en constitue même passé dans les activités, le besoin d’être fondamentaux qui guident aujourd’hui la • De nouvelles possibilités de travail sont beaucoup plus en phase avec ce que mettre une programmation plus adap- l’un des principaux freins et ce pour plu- ensemble, rassemblé dans un même conception des espaces de travail et avec offertes aux collaborateurs qui évoluent vivent les entreprises. La véritable pro- tée des espaces. Cela se traduit par les sieurs raisons : coût, réel bénéfice, trans- bâtiment continue de faire sens. L’espace quelles méthodologies ? dans une nouvelle répartition des sur- blématique n’est plus de savoir si l’on grandes orientations : le bâtiment est mission, obsolescence, nouvelle mobi- ouvert collaboratif, parce qu’il est bien faces : multiplication des espaces d’in- doit faire un espace ouvert collaboratif, occupé à 60 %, il y a un enjeu de mieux lité… Cela a donné lieu à la création de mieux conçu qu’il y a vingt ans, est bien teractions d’un côté, réduction des sur- mais comment on le fait ? Pour répondre occuper les surfaces : peut-on partager nouveaux modèles économiques, comme en phase avec l’époque que traversent LES ENJEUX VÉCUS PAR LES faces allouées aux postes de l’autre. Mise à quels enjeux ? Et pour développer quelle les postes et si oui, quel est le taux de l’économie du partage bien sûr, mais les entreprises. Ça ne veut pas dire que ENTREPRISES ET LEURS BESOINS FACE à disposition d’espaces de travail dyna- image / culture d’entreprise ? mutualisation ? Parallèlement, le télétra- aussi au retour du principe d’abonne- cet espace est parfait ou qu’il ne faut AUX ÉVOLUTIONS DU TRAVAIL miques en « postes non attribués », pour vail est-il développé avec une charte défi- ment. À titre d’exemple, on peut citer le améliorer l’occupation des bâtiments • L’enjeu est-il de développer de nou- pas prendre en compte ses défauts. Les D’abord, rappelons que les entreprises nissant les règles d’attribution, les jours, cas du streaming musical ou vidéo, mais mais aussi donner de la liberté de pla- velles pratiques managériales ? vrais risques semblent ailleurs : « plus vivent plusieurs révolutions en même les durées ? aussi celui de Lokéo, société de location cement. Des solutions spatiales couplées les entreprises se numérisent, plus elles temps depuis à peine quelques décen- • L’enjeu est-il de développer de nou- d’électroménager et multimédia, ou de • Nouveaux modes managériaux : l’es- doivent s’humaniser », se traduit par nies : avec l’aménagement du temps de travail veaux outils numériques ? BIC ou Bigmoustache.com qui viennent de grâce au télétravail, à la maison ou dans pace est le reflet des modes d’organi- notre capacité à habiter les lieux collecti- SÉMINAIRE 5 CONTRIBUTIONS DES AUDITEURS lancer des offres de rasoirs sur abonne- • La révolution du numérique et la des nouveaux tiers lieux à proximité de • L’enjeu est-il de développer les syner- sation de l’entreprise. Il doit être en vement plutôt qu’à les traverser dans une ment ; ce mode de consommation faisant dématérialisation de la production de son lieu de travail (Bure@ulib). gies inter-services ? adéquation avec sa culture managériale : mobilité individuelle.

66 67 ENJEUX À RELEVER POUR tivité et sa créativité. Dans un contexte de Orientée exclusivement vers les nouveaux Face à ces mutations du travail, le prin- CONCLUSION Nous faisons le pari que le positionne- UN MONDE DU TRAVAIL course aux talents, l’environnement de entrants, les Millennials ? cipal défi à relever est celui de la forma- ment de Trump va rendre service aux travail constitue un facteur de motivation tion et de la décorrélation actuelle entre défenseurs du climat. Nicolas Hulot ne s’y Les statistiques semblent parler d’elles- Toutes les projections ne se réalisent NOMADISÉ, NUMÉRISÉ et d’attractivité indéniable que l’entre- le système éducatif et la réalité profes- est pas trompé, il déclarait : « Le retrait 5 mêmes : en 2020, 50 % de la population pas. Il est important d’avoir une vision 5 prise ne peut pas ignorer. En s’intéres- ET HUMANISÉ : active sera constituée par les jeunes nés sionnelle. Mais comment former les per- des États-Unis de l’accord de Paris va du futur, dans le présent, pour choisir SUBIR OU CHOISIR ? sant à la qualité des espaces, en inves- après 1985. De là à dire que toute l’en- sonnes sur un marché du travail qui évo- entraîner des renforcements d’alliances tissant dans le design et l’aménagement treprise va se construire autour d’eux, il lue en permanence et les accompagner des orientations. Mais il n’est pas dit que proportionnés à la “ gifle ” reçue dans la Le monde du travail, à l’exemple de notre des bureaux, c’est la performance glo- n’y a qu’un pas. Et pourtant, il va falloir dans leurs aspirations ? Il est illusoire nous puissions avoir raison avec vingt ou lutte contre le réchauffement climatique. bale de l’entreprise qu’elles contribuent société devient plus complexe, plus pro- s’intéresser aux autres 50 % et faire col- de croire que l’Éducation nationale aura trente ans d’avance. Il peut sortir de cette décision quelque à améliorer. téiforme, et revêt de nouveaux visages : laborer et cohabiter des générations très le temps et les ressources nécessaires chose de positif. Je pense qu’il y a un axe Nous pouvons espérer que la redistri- autour de la solidarité universelle qui va télétravail, coworking, temps partagé, • HABITER AU TRAVAIL OU TRAVAILLER différentes avec des aspirations variées. pour former les étudiants aux réels slashing… Ces nouvelles formes de travail bution des espaces précède celle des se créer et peut-être un axe inattendu CHEZ SOI ? Des initiatives émergent un peu partout besoins des métiers. Elle ne peut que apparaissent aux côtés des CDD et CDI et richesses avec plus de collectif, de ser- entre l’Europe, la Chine, l’Inde, y compris mais elles sont encore assez isolées. Éli- révéler des potentiels et ce sera à l’en- tendent à s’installer sur l’échiquier pour On dispose aujourd’hui de tous les outils vices, de bien-être. Comme le soulignait aux États-Unis ». sabeth Pélegrin-Genel en a cité certaines, treprise de capitaliser sur ces potentiels. satisfaire des attentes et aspirations tou- nécessaires pour pouvoir travailler de Élisabeth Pélegrin-Genel, on ne demande chez soi et faire de sa maison son nou- issues aussi bien d’initiatives privées Sonia Lavadinho nous rend service, jours plus diverses. comme Darwin à Bordeaux ou les Grands Les employeurs se plaignent de la dif- plus des organisations en open space, comme Trump, quand elle nous envoie veau bureau. On peut aussi travailler ficulté de trouver les meilleurs talents, mais des organisations en coworking. Et Nous nous sommes interrogés sur la depuis des tiers lieux (cafés, gares). C’est Voisins à Paris, que de l’entreprise elle- des signaux d’alertes, pour nous faire nature des enjeux à relever par les entre- même, avec le corpoworking de la Villa les perles rares... Une des clés sera pour ce petit « co » que nous mettons devant réagir. Sa vision du « travail » est extrê- peut-être une des raisons pour lesquelles eux de les former, de les accompagner, prises et les salariés dans un monde du les entreprises cherchent à faire ressem- Bonne Nouvelle d’Orange, qui a repris à les espaces ou nos actions pour y don- mement radicale également. Mais il faut son compte les bonnes idées du cowor- afin de faire naître les éminences de travail de plus en plus nomadisé, numérisé bler les lieux de travail à des lieux cosy, ner un caractère collaboratif (coliving, rappeler qu’elle nous enseigne aussi king. demain. La formation devient un enjeu et déshumanisé. Sommes-nous condam- chaleureux, comme à la maison. Mais il coworking, covoiturage…), rejoint le toge- que l’épanouissement des individus ne nés à subir ou pouvons-nous choisir faut probablement se méfier de l’effet Ces initiatives témoignent toutes d’une stratégique pour l’entreprise et le travail- thering de Sonia Lavadinho. D’ailleurs, passera plus forcément par le travail. d’adopter de nouvelles postures face à Canada dry : « Ça ressemble à chez soi, prise de conscience de la nécessite d’in- leur dans une logique d’enrichissement cette logique de mutualisation qui se Et cette mutation fondamentale – mais ces évolutions ? Seront-elles essentielle- mutuel. Il faudra certainement aller plus aussi très complexe – qu’elle annonce, mais il n’y a rien de chez soi », puisque clure l’ensemble des composantes de la déploie dans l’immobilier (services, ment individualistes ou permettront-elles loin en France sur le droit à la reconver- est tout à fait enthousiasmante pour dans ces nouveaux espaces il n’y a rien population active. Elles constituent des espaces, ressources…) est une source de préserver le collectif, de mieux habiter laboratoires d’idées qui ont vocation à se sion et à la formation. nous qui travaillons sur la construction de personnel. On se retrouve en entre- d’inspiration pour la société au sens les lieux ? prise dans un lieu décoré, mais non généraliser et à être transposées à une de la ville. Pour terminer sur une note optimiste, large. habité. Lorsqu’on travaille en flex office, plus grande échelle, puisque savoir tra- • NUMÉRISATION DE L’ENTREPRISE reprenons le titre de l’article de Markus Pour finir, un clin d’œil sur la relation ET LIEU DE TRAVAIL ? on ne dispose que d’un casier (l’équiva- vailler en équipe, associer les seniors aux Pour revenir à Sonia Lavadinho, elle travail/robot /ubérisation : nous vous plus jeunes, est indispensable à la créati- Gabel dans les Cahiers français du mois lent d’un petit casier de piscine), on ne envoie effectivement des signaux faibles proposons d’aller sur un site Internet Pour Élisabeth Pélegrin-Genel, la numé- vité et à l’innovation. de mai 2017 et qui fait écho au titre de peut pas personnaliser son bureau avec sur une fraction de la population, seule- très intéressant qui prédit les chances, risation de l’entreprise, si elle impacte des effets personnels (il n’y a plus de l’ouvrage de Jérémy Rifkin : « Et si l’avenir • EMPLOIS INDÉPENDANTS OU PRÉCARITÉ ment, « les créatifs ». La grande question nous dirions plutôt les risques, qu’ont bien les modes de travail et qu’elle tend place pour les photos de famille, la tasse du travail commençait aujourd’hui ? ». à déshumaniser, ne conduit pas pour DU TRAVAIL ? est donc : cette population de créatifs les métiers d’être remplacés par un à café et autres cartes postales décora- robot : ce site est : willrobotstakemyjob. autant à anéantir la relation physique au L’émergence de modèles variables et doit-elle emporter tout le monde ? Le tives). On doit pouvoir changer de place, com. Faites le test et vous verrez que plu- lieu de travail. Qu’il s’agisse d’entreprise flexibles traduit l’évolution, la transfor- monde qu’elle nous fait entrevoir laisse d’étage, du jour au lendemain. Il ne faut sieurs branches et métiers ne sont pas traditionnelle ou de start-up, on continue pas s’attacher. C’est aussi le terrorisme mation profonde mais progressive du de côté une grande partie de la popula- à aller « au bureau », même s’il faudrait travail et surtout des actifs qui le com- encore menacés. Et comme la plupart du rangé, rien ne doit dépasser ! tion. Elle fait le pari des pessimistes, de des métiers de la construction de la ville probablement lui trouver un autre nom ? posent. Un certain nombre d’entre eux la violence « je pense qu’on va vers une D’aucuns diront que la raison principale En contrepartie, l’entreprise crée de nou- opte déjà pour des formes de travail ne sont pas délocalisables, nous sommes sud-américanisation », dit-elle. En un est un manque de confiance généra- veaux espaces d’échanges plus colla- alternatives, qui contribuent à diversi- résolument optimistes sur les évolutions lisé, on fait venir les gens tous les jours boratifs (on parle de la Place du Village fier les expériences et les découvertes, sens c’est un peu ce que nous propose de nos activités, et « du travail » qu’ils parce que « l’Entreprise » veut les avoir chez Criteo où l’on se retrouve pour à picorer, plutôt que de rester dans Trump aujourd’hui. peuvent procurer, encore. sous les yeux. Mais c’est peut-être aussi prendre un café et discuter) où les sala- une relation platonique avec un même parce que l’individu a besoin de collectif, riés peuvent tisser du lien social et l’on employeur pour une longue période. d’échanges, de relations humaines et que observe dans de nombreuses entreprises Le salarié a le choix de nouvelles formes l’immeuble les fait converger. un ratio 50/50 de répartition des espaces entre l’individuel et le collectif (espaces du travail. Mais est-ce un choix pour • ESPACES DE TRAVAIL PERFORMANTS de réunion, d’échanges informels). tous ? Pour les plus diplômés et les OU PERFORMANCE SOCIALE ? jeunes ? Qu’en est-il des autres salariés, Et pourtant le défi à relever par les moins adaptables, qui vont devoir subir Les entreprises en quête de productivité entreprises reste de taille, car même si un emploi fragmenté et précaire ? cherchent à avoir des espaces de travail on pousse au collaboratif, le risque du Rester accroché à ce qui est connu, maî- de plus en plus performants, efficaces repli sur soi reste fort. Décloisonner les trisé, est le premier réflexe de la majorité et rationnels. Elles ont le souci de mieux espaces ne garantit pas le décloisonne- d’entre nous, plutôt que de se préparer au les occuper, elles mesurent et contrôlent ment des esprits. leurs ratios d’occupation, et font la changement et à la reconversion profes- chasse aux m2 non exploités. Cela se tra- • VERS TOUJOURS PLUS DE BIEN ÊTRE sionnelle. Les politiques publiques, peu duit aussi par des réflexions sur leurs OU LA MISE EN SCÈNE DU BONHEUR ? novatrices à ce jour, protègent en figeant aménagements et sur les modes de tra- plutôt qu’en accompagnant vers un futur Élisabeth Pélegrin-Genel parlait de la vail, aux antipodes du bureau individuel plus audacieux et plus dynamique. Mais fascination pour le fun, c’est-à-dire des fermé. Mais faut-il y voir uniquement la l’optimisme peut être de mise puisque la efforts déployés par les entreprises, du recherche de gains supplémentaires, variété des modes de travail attendues numérique principalement, pour « ne dans une logique purement coût / m2 par les nouveaux entrants va permettre pas montrer le travail, le vrai labeur » et et au détriment des salariés et de leur à l’entreprise de s’adapter plus facile- insister sur les à-côtés : salles de sport, confort ? ment au contexte économique. Celles espaces de détente et de bien-être. Ainsi qui ont des besoins ponctuels pourront Les signaux faibles évoqués précédem- pour vous donner envie de venir travail- faire appel à des profils aux compétences ment nous font plutôt penser que les ler, on vous dit que vous allez avoir une spécifiques et les missionner à la journée entreprises sont en train de prendre le vraie cuisine et un baby-foot, faire du ou au mois, ou à la demande. Bienvenue virage de la modernité et ont compris sport, être original... On cache le travail, dans l’ère du T.A.D, le travail à la demande SÉMINAIRE 5 l’importance de l’environnement de tra- on lisse l’image de l’entreprise. Est-ce en réponse aux besoins réels des entre- CONTRIBUTIONS DES AUDITEURS vail sur le facteur humain, sur sa produc- le signe d’une dictature du jeunisme ? prises.

68 69 SÉMINAIRE 6 GOUVERNANCE URBAINE ET TRANSITION ÉCONOMIQUE : et de données grâce à la mise en place • Plus de 14 millions d’euros déposés par pole lilloise, alors que sa compétence de batteries de capteurs. Les bâtiments des citoyens sur le livret d’épargne Troi- en matière d’énergie était indispensable QUEL RÔLE POUR L’ACTION PUBLIQUE ? deviennent alors les nœuds du réseau sième révolution industrielle en moins de dans la conduite de ce projet. Les obs- CONTRIBUTION D’OLIVIER COURTAIGNE, PIERRE-YVES GUICE, FRÉDÉRIC DE KLOPSTEIN, JEAN-RAPHAËL NICOLINI maillé sur lequel transitent les informa- 2 ans. tacles de nature juridique ou réglemen- 6 tions et les énergies distribuées. taire sont par ailleurs nombreux, par 6 INTERVENANTS : XAVIER BERTRAND, BENOÎT BOUREL, JOËLA DAVALO, PIERRE GIORGINI, CLAUDE LENGLET, • Un fonds d’investissement inédit de 40 MICHEL LUSSAULT, BENOÎT ROBYNS, LUDOVIC ROUSSEAU exemple l’interdiction des réseaux privés • La mise en œuvre dans tous les millions d’euros destiné au financement en résidentiel. Écueil social également, domaines des principes de l’économie d’entreprises désireuses de développer avec les locataires du parc Vilogia qui se circulaire, seule solution à notre portée leur projet en Hauts-de-France et à créer sont opposés au projet ; et bien sûr les pour faire face à l’épuisement prévisible des emplois. difficultés techniques et financières. des ressources naturelles. Ici aussi, la maintenance et l’optimisation de l’emploi • 7 grands projets dits structurants Cet exemple concret a illustré à merveille des matériaux et des énergies dans un pour l’avenir : plan EfEEL & TRI – « Smart la nécessité d’inscrire ces projets dans Lycées » ; Université Zéro Carbone ; hôpi- Pour ce 6e séminaire, un peu particulier puisqu’il se déroulait « hors des murs » bâtiment seront facilitées par les don- un contexte plus général, porteur de TROISIÈME RÉVOLUTION nées mises en place par le BIM. tal de la Troisième révolution indus- sens, susceptible d’emporter l’adhésion de la Fondation, Gilbert Emont a impulsé notre journée de travail en filant la trielle ; efficacité énergétique dans l’in- métaphore du « voyage ». Voyage parce que « sur le terrain », voyage aussi par INDUSTRIELLE : des populations et plus généralement DE QUOI PARLE-T-ON ? • L’appui sur les nouveaux modèles éco- dustrie ; Réseaux Électriques Intelligents des parties prenantes du projet ; ce que les rencontres multiples des acteurs qui interviennent au cours de nos sémi- nomiques qui découlent de ce qui pré- (REI) ; mobilité (avec le SMIRT) ; synergies naires. Claude Lenglet a appelé un « récit ». Cette cède mais aussi de l’essor de l’économie du bassin lensois. dimension manque encore à la Troisième e UNE VISION GLOBALE ET du partage, de l’économie de la fonction- Mais ce 6 séminaire était aussi un « bilan de mandat à mi-étape », si l’on peut SYSTÉMIQUE DU DÉVELOPPEMENT « Nous avons la chance historique de révolution industrielle et, en ces temps dire. nalité et de l’évolution des comporte- où la vie politique se renouvelle en pro- DES TERRITOIRES ments des nouvelles générations. faire à nouveau de notre Région le ber- ceau de la prochaine révolution indus- fondeur, on peut se demander si les élus En effet, notre réflexion pour l’année Palladienne 2017 porte sur l’émergence Comme les deux précédentes (la pre- n’ont pas ici un rôle prépondérant à jouer. des urbains sous l’angle du travail, de la métamorphose du travail. Nous avons Cet ensemble n’a de sens qu’à partir trielle », Xavier Bertrand. mière, celle du charbon et de la machine du moment où il est vu comme un tout, Outre les sujets de gouvernance, les donc étudié les transformations du territoire (pas seulement les métropoles obstacles juridiques et sociaux, Claude à vapeur, la deuxième, celle du pétrole et déployé de façon globale et systémique. mais le rapport rural / ville) ; nous avons réfléchi aux conséquences du numé- de l’électricité), la Troisième révolution Lenglet a rappelé l’absolue nécessité de rique dans notre rapport au travail, mais également sur le développement industrielle, basée sur la transition éner- fixer un prix pour le carbone, seule façon durable et ses incidences en termes de responsabilités collectives (entreprises, gétique et les technologies numériques, a de répondre aux problématiques finan- élus, producteurs de la ville, etc.) ; nous avons enfin réfléchi aux évolutions du POURQUOI CETTE INITIATIVE DANS QUELLES INITIATIVES cières des projets visant à une économie pour but de changer notre façon de vivre, LA RÉGION DES HAUTS-DE-FRANCE ? travail en tant que tel (mutation d’entreprise avec Orange et réflexions selon de produire, de consommer, de nous ET QUELLES RÉALISATIONS décarbonée. Laurent Berger, CFDT). SUR LE TERRAIN ? déplacer, etc. Après avoir été championne de la pre- Il est intéressant ici de souligner que mière révolution industrielle, la région Notre journée à Lille a donc été l’occasion de confronter nos voyages précé- En synthèse, Jeremy Rifkin propose une ce diagnostic n’est pas propre à Claude a dû trouver les ressources nécessaires Au cours de cette journée, nous avons dents à une réalité, notamment politique. Rappelons ainsi notre thématique approche cohérente et structurée qui Lenglet ou à la TRI, mais fait l’objet désor- e pour surmonter les conséquences de la pu voir deux projets concrets de mise de réflexion pour ce 6 séminaire : « Gouvernance urbaine et transition écono- s’appuie sur le potentiel des plateformes mais d’un consensus très large au sein deuxième. Anticiper et gérer ces chan- en œuvre de la Troisième révolution mique : quel rôle pour l’action publique ? » numériques jointes aux réseaux intelli- de la société : médias, dirigeants, etc. Je gements et ces défis, faire preuve d’es- industrielle, avec le bailleur social Vilo- gents, notamment dans la gestion des fais par exemple référence au manifeste Cette interrogation est à inscrire dans le contexte particulier de la région des prit pionnier et imaginer des solutions gia et l’Université catholique de Lille, la Hauts-de-France. Pourquoi un contexte particulier ? Car d’une part, l’une de ses données, dans les transports et dans de l’association The Shiftproject, dirigée innovantes était une nécessité pour une « Catho ». par Jean-Marc Jancovici. Ce point est figures politiques est Xavier Bertrand, ancien ministre, personnalité politique l’emploi des énergies distribuées. région longtemps « sinistrée » économi- D’emblée, Claude Lenglet a souligné une important, d’une part parce que le dis- de premier plan, aujourd’hui président du Conseil régional, mais, d’autre part, La mise en œuvre de cette vision repose quement. parce que le contexte même de la région est celui d’un territoire d’expérimen- première originalité du Masterplan mis cours de Rifkin est plutôt centré sur la sur six propositions : réalisation d’économies d’énergie, qui tation inhabituel sur le plan national (cf. la Troisième révolution industrielle). La démarche a été mise en œuvre en en œuvre dans la région : c’est le pre- reste un objectif essentiel, et d’autre part • Le développement des plateformes 2013, avant la fusion des régions, et elle mier qui est rentré dans un dialogue, au parce que le coût de l’énergie en France Notre restitution s’est donc attachée à retranscrire, de façon peut-être inhabi- numériques qui forment le socle de est le fruit d’une rencontre entre des moyen de groupes de travail, entre les est relativement bas du fait de l’énergie tuelle également, cette journée de travail. l’Internet des objets (IoT). Les données projets existants sur le territoire, les res- acteurs locaux et Jeremy Rifkin. Ce n’est nucléaire. Dans un premier temps, il nous a semblé important de revenir à un point d’ori- recueillies et les algorithmes de traite- ponsables politiques et économiques du donc pas le plan de Jeremy Rifkin pour gine et d’explication des théories de Jeremy Rifkin, afin de bien comprendre et ment vont permettre un accroissement territoire et la vision de Jeremy Rifkin. la région des Hauts-de-France, mais le Cette visite a néanmoins fait ressortir de cerner les problématiques posées, ainsi que leurs relations avec la question significatif de l’efficacité dans le domaine Ainsi, le 25 octobre 2013, à l’occasion du plan de la région des Hauts-de-France, deux points qui permettent un certain qui servait de fil directeur à la journée. Cela nous a permis de porter un regard énergétique, mais aussi dans la mobilité World Forum de Lille, la Chambre de com- fait avec Jeremy Rifkin. Il s’agit du pre- optimisme : individuelle et la logistique, l’optimisation mier laboratoire de mise en œuvre de la mieux éclairé, parfois aussi critique, sur les cas pratiques que nous avons pu merce et d’industrie de la région Nord de • La bataille de l’efficacité énergétique, des processus industriels, le développe- Troisième révolution industrielle. Cette rencontrer, à Vilogia et à l’Université catholique de Lille. France et le Conseil régional du Nord-Pas- qui est porteuse de nombreuses créa- ment de nouveaux marchés, etc. de-Calais ont présenté officiellement leur question du dialogue entre les parties Notre réflexion s’est poursuivie par une remise en perspective, en s’appuyant prenantes, que nous allons retrouver au tions d’emplois. • Le développement des énergies intel- projet stratégique de Troisième révolu- sur les propos de Michel Lussault, des notions économiques et géographiques cours de ces rencontres, nous semble • Et le facteur humain, le fort intérêt ligentes par la réorientation des grands tion industrielle en Nord-Pas-de-Calais, qui sous-tendent les politiques de réindustrialisation ou de redynamisation des cruciale pour réfléchir à ce que peut ou des populations pour ces enjeux et sur- anciens territoires industriels. Notre conclusion porte sur ce qui était en fait investissements énergétiques vers les élaboré en collaboration avec Jeremy Rifkin. Initialement soutenu par Daniel doit être l’action publique. tout le renouvellement des générations l’introduction de cette journée de travail, puisque c’est à la lumière de toutes énergies renouvelables : électricité d’ori- qui voient plus de valeur à l’usage, au Percheron, ancien président du Conseil • VILOGIA les autres interventions que nous avons cherché à remettre en perspective le gine photovoltaïque, éolien terrestre et réseau et aux connexions qu’à la pro- off-shore, géothermie, énergies marines, régional, Xavier Bertrand a souhaité élar- rôle de l’action publique, tel que l’a exprimé Xavier Bertrand. Pour Vilogia, la réhabilitation du patri- priété, comme va l’illustrer l’exemple de unités de bio-méthanisation, etc. gir la dynamique à la Picardie et l’ampli- fier dans les années à venir. Notons la moine fait partie des priorités de la stra- la Catho. • La conversion rapide des moyens de mise en place de Rev3, structure permet- tégie RSE de l’entreprise : 37 % du parc • LA CATHO transport aux énergies propres, essen- tant le soutien et la communication sur est en étiquettes EFG. Dans ce cadre, le tiellement électriques et à hydrogène, les actions développées. quartier de l’Escalette, en grande partie Avec cette dernière, nous entrons de jointe au développement des modes de détenu par Vilogia, a été choisi pour être plain-pied dans la transition économique déplacement doux et à l’optimisation de Pour conclure cette première partie, le site expérimental de la TRI. et numérique. Pour la Catho, cela passe l’ensemble des chaînes logistiques grâce sous forme de longue introduction à par un changement de modèle qui voit la Comme l’a souligné Claude Lenglet, Ludo- aux plateformes numériques, ce qui réa- notre journée de travail, nous pouvons fonction de transfert remplacée par un vic Rousseau, le chef de projet, n’a pas lisera une véritable révolution des mobi- relever les premiers résultats mis en modèle en écosystème, c’est-à-dire ces- masqué les difficultés rencontrées par le lités. avant par la Région, depuis la mise en ser de se penser dans l’efficacité produc- œuvre de cette démarche : projet. En synthèse, elles relèvent de la tive pour passer à une économie basée • La transformation de l’ensemble de gouvernance du projet avec, un exemple, • 700 projets suivis. sur l’intensité créative. La Catho quitte notre environnement bâti en lieux hau- 45 partenaires associés à la conduite de donc une organisation classique et pyra- SÉMINAIRE 6 tement efficaces sur le plan énergé- • Un investissement à la fois public et ce projet, mais toutefois l’absence d’un midale (où le nœud prime le lien comme CONTRIBUTIONS DES AUDITEURS tique, producteurs d’énergies propres privé estimé à 500 millions d’euros/an. des principaux protagonistes, la métro- le dit Pierre Giorgini) pour s’inscrire

70 71 dans une logique maillée et coopérative Cette pédagogie de l’écosystème semble çaise dans les secteurs du textile, de la LA « SOCIÉTÉ HYPER-INDUSTRIELLE » plupart des pays occidentaux cherchent phique, ou a-géographique, du monde (où le lien prime le nœud). aussi avoir porté ses fruits avec Huma- métallurgie ou des transports), a été ET SA TRADUCTION DANS NOS à organiser : il met quelques puissantes hyper-industriel. C’est à cela qu’il faut nicité, quartier de ville expérimental où emportée par la vague de désindustria- TERRITOIRES entreprises, capables de maîtriser la souhaiter au monde socio-économique Ce qui pour nous acteurs de l’immobi- l’enjeu est de faire vivre ensemble des lisation qui a frappé le monde occidental conception et la distribution, en situation des Hauts-de-France, grâce à sa mobili- 6 lier est très intéressant, c’est que Pierre depuis une trentaine d’années, alors que, Le besoin de nos sociétés en organisa- de contrôle total de réseaux de produc- 6 personnes en situation de handicap et sation massive et concertée, d’aboutir. Giorgini voit l’immobilier comme un nou- d’autres personnes. Un projet similaire depuis les grandes crises des années tions et en productions industrielles tion au sein desquels les acteurs indus- vel acteur de cette transition ; il devient sur l’intergénérationnel est aussi en 2000, les politiques publiques de relance n’est donc pas si différent de ce qu’il triels « au sens strict » se livrent une le « lieu apprenant », autant par le conte- cours de démarrage. Ce qui est intéres- et l’investissement privé ne sont plus en était hier. La différence majeure est que, guerre exacerbée. nant que par le contenu. Cette approche sant dans ces deux derniers exemples, mesure d’insuffler un quelconque effet pour répondre à la demande et demeu- innovante de l’immobilier complète celle c’est qu’ici l’urbanisme et l’immobilier contracyclique. rer compétitifs, les acteurs économiques La compréhension de ces mécanismes COMMENT L’ACTION PUBLIQUE de Dominique Boullier sur l’immobilier sont organisés par rapport à des usages, doivent désormais prouver leur capacité est essentielle afin de ne pas se tromper comme plateforme de génération de Mais les choses ne sont peut-être pas si à fournir en masse des services faisant dans la réponse à apporter au défi de PEUT-ELLE ÊTRE PERTINENTE ET des recherches d’innovations et bien simples que cela. D’abord, parce que la liens sociaux, comme lieu d’expérience et appel à des biens manufacturés, plu- la transformation des territoires indus- EFFICACE ? moins dans des logiques purement utili- notion de désindustrialisation doit être tôt que leur seule capacité à fournir en triels. d’expérimentation. taires : se loger, produire, vendre, comme tempérée et qualifiée. Il y a bien une désin- le dirait Pierre Giorgini, en fonction de dustrialisation statistique de la France masse des biens manufacturés. Ce nou- L’idée de refuser, tout simplement, de Après avoir analysé le contexte écono- Pour mettre en place cette intensité veau paradigme, que Pierre Veltz qualifie mique, le fond théorique et les premières créative, les écoles d’ingénieurs ont été liens et non de nœuds. depuis 30 ans : le secteur compte moins souscrire à la logique hyper-industrielle, de 3 millions de salariés aujourd’hui, de « société hyper-industrielle », a deux peine généralement à dépasser le stade retombées pratiques de la Troisième fusionnées et pour chaque projet, des grandes caractéristiques. révolution industrielle, l’intervention de équipes pluridisciplinaires ont été mises contre 5 millions en 1980, et les ouvriers d’incantation électorale : d’une part, non qualifiés ne représentent plus que parce que les tentatives de réintroduc- Xavier Bertrand, parrain de notre promo- en place dans des lieux, des espaces D’abord, le niveau de développement tion, prend un tour nouveau. Notre temps offrant tous les équipements néces- 2,3 % de la population active. Pierre Veltz des infrastructures de transport et de tion de barrières protectionnistes se POURQUOI ET COMMENT en attribue notamment les causes à un heurtent toujours aux nécessités du com- d’échange avec Xavier Bertrand visait à saires. Il faut bien sûr des gens capables communication à l’échelle mondiale est l’entendre tout particulièrement sur sa positionnement de l’activité française sur merce et aux exigences de la demande d’animer ces séances créatives, qui RÉINDUSTRIALISER tel que, pour la première fois dans l’his- façon de mettre en œuvre ses préroga- des créneaux de milieu de gamme, très (les biens manufacturés représentent connaissent les dernières innovations UN TERRITOIRE ? toire, les notions de spécialisation géo- tives de président du Conseil régional vulnérables à la concurrence, à des taux environ 75 % des exportations et des méthodologiques, la pédagogie co-éla- graphique, d’avantages comparatifs des des Hauts-de-France, ainsi que sur sa de marges trop faibles, rendant difficile importations de la France) ; d’autre part, borative ; sur le plan immobilier, cela nations, au sens de Ricardo, n’ont plus stratégie en matière d’aménagement du Autant que leurs réussites et leurs limites, toute politique d’investissement digne de parce qu’une frontière économique ne se traduit par la construction d’un bâti- cours. Les sources d’approvisionnement territoire et de valorisation des atouts de on retient des exemples précédents l’in- ce nom, ou encore à la dégradation de la garantit aucunement une égalité de trai- ment offrant 32 surfaces de showroom à de chaque composante élémentaire des la région dans le contexte actuel. tensité et la sincérité de l’engagement compétitivité de nos produits nationaux. tement dans tout l’espace qu’elle déli- l’image de celle qui nous a reçus. biens et services manufacturés, c’est-à- de ceux qui les font vivre au quotidien. Toutes ces considérations s’appliquent mite (les concurrents les plus féroces Nous avons, à cette occasion, clairement C’est comme si tout le tissu socio-écono- dire les entreprises industrielles au sens L’intervention de Benoît Robyns, vice-pré- pleinement à l’industrie des Hauts-de- de certains pans de l’industrie française perçu : mique des Hauts-de-France s’était donné historique du terme, sont soumises à une sident à la transition énergétique et France, le textile en étant sans doute le se trouvent à l’intérieur de l’Union euro- le mot pour tenter de s’inventer un avenir meilleur exemple. concurrence permanente et mondiale, • son attachement à mettre en place des sociétale, en charge du programme Live péenne, comme hier les industries tex- commun, durablement viable faute de orchestrée par des experts en sourcing mesures concrètes perceptibles par la Tree (Lille Vauban Esquermes en Tran- tiles lilloises et lyonnaises se faisaient pouvoir être immédiatement profitable. En revanche, comme Michel Lussault et en supply chain dont les méthodes population sition Énergétique, Écologique et Écono- nous l’a montré, ce constat d’une désin- concurrence). Certes, il y a bien une planification der- n’ont plus rien à envier à celles du capi- mique), a permis de positionner les pro- dustrialisation structurelle des pays • et sa manière bien à lui d’agir en rière toutes ces initiatives, et le regard talisme financier. Cela aboutit générale- Il faut donc se résoudre à jouer le jeu développés est remis en perspective, homme de terrain, en entrepreneur avec jets de la Catho au sein de la Troisième du politique, se voulant stratège et coor- ment à une division de la production, un concurrentiel et viser à ce que nos terri- voire inversé, si l’on pense en termes de une obligation de résultat. révolution industrielle. L’objectif est en « dégroupage » pour reprendre l’expres- toires industriels y soient des candidats dinateur, n’est jamais très loin ; mais tout production plutôt que d’activité, autre- effet d’atteindre une cible zéro carbone de même, l’impression est tenace d’assis- sion de Michel Lussault, en un très grand crédibles. Les trois leviers évoqués pré- à l’horizon 2035 pour tout le campus. Le ment dit, si l’on observe la fin plutôt que nombre d’origines et de fournisseurs, ter à une réaction instinctive à l’échelle les moyens : cédemment doivent être actionnés : périmètre ne se limite pas au quartier où d’une région, à un réflexe de survie qui ceux qui auront su présenter le meilleur LES PRÉROGATIVES DE LA RÉGION • la compétitivité par les coûts, qui s’ob- se trouve l’université, puisque la Catho animerait l’ensemble des acteurs d’un • d’une part, parce que la demande mon- rapport entre coût, qualité de production tient localement en regroupant des four- Xavier Bertrand nous a tout d’abord un est présente dans d’autres quartiers territoire. diale en biens manufacturés n’a jamais et conditions d’acheminement. peu surpris en nous disant qu’il appré- nisseurs capables de se stimuler et de se de la métropole lilloise. Et pour piloter été aussi forte qu’aujourd’hui et a suscité hendait sa fonction de président de la Ensuite, à l’autre bout de la chaîne de compléter, et en leur offrant des condi- ce projet, c’est bien le fonctionnement une forte intensification des systèmes Région Hauts-de-France comme celle valeur, on assiste à la formation de tions immobilières et fiscales appro- décrit par Pierre Giorgini qui est en LA DÉSINDUSTRIALISATION, productifs (le produit manufacturé par de maire d’une grande ville ; une région place : un laboratoire à l’échelle réelle heure travaillée en France a été multiplié quasi-monopoles très puissants, qu’il priées UNE NOTION À NUANCER s’agisse d’anciens conglomérats indus- dans laquelle Lille serait le centre-ville associant tous les acteurs pour décloi- par 4 entre 1995 et 2015). Cette demande et les quartiers formeraient l’ensemble triels qui ont su évoluer, ou d’entreprises • la compétitivité par les connexions, qui sonner toutes les disciplines, en ce com- Définir ce à quoi les acteurs écono- porte de plus en plus vers des biens des villes de la région. Mais cette façon de nouvelles technologies exploitant des résulte de la capacité d’un territoire à se pris les sciences humaines et sociales. miques et politiques des Hauts-de-France « augmentés » d’un panel de services de voir se comprend en fait parfaitement, services « de niche » (l’entreprise la plus positionner en hub des réseaux matériels cherchent à échapper, ou ce dont ils dont la production obéit elle-même à une et immatériels qui tissent la sphère pro- si l’on considère qu’il faut à la fois pen- Mais la force des projets portés par l’uni- logique industrielle (l’exemple le plus rentable du monde, Apple, appartient souhaitent se remettre, est une chose ductive mondiale ser le présent et la vie quotidienne, pour versité lilloise, c’est surtout d’associer la assez simple. Le taux de chômage y est simple étant celui du smartphone et de d’ailleurs à ces deux catégories). Ces recherche scientifique et sociale, comme avoir un impact immédiatement percep- solidement installé au premier rang ses applications) ; monopoles commandent chacun tout un • la compétitivité par la qualité de tible par la population (qui, rappelons-le, Benoît Bourel a pu l’exprimer. À ce titre, national (12,1 % fin 2016 dans la région, écosystème de biens manufacturés et de conception et de production, qui néces- ne sait pas forcément à quoi sert la la technologie doit être au service de • d’autre part, nous l’avons entendu à contre 9,7 % pour la France métropoli- systèmes de production « dégroupés ». site une concentration de connaissance, Région !), et en même temps se projeter l’usager, voire au service de l’apprentis- plusieurs reprises cette année, parce Ils s’érigent et se maintiennent grâce à taine), de même que la part des jeunes qu’une part croissante de la demande de capital humain apte à s’adapter et à à long terme, à 10, 20 ou 30 ans, avec une sage (bâtiment intelligent). L’approche leur capacité à supporter d’importants n’étant ni en formation ni en emploi (28 % en biens manufacturés se déplace de la innover. stratégie de développement du territoire. sociotechnique consiste à concilier ces fin 2013, contre 22 % au niveau national). coûts fixes (recherche et développe- possession vers l’usage, ce qui conduit à On voit bien que l’on dresse en creux le approches « techno » et « socio » ; d’où Le revenu médian de la région est le ment, création d’infrastructures) et à Car la problématique du développement mobiliser une force de travail à caractère portrait des « filières ouvertes » selon un travail avec des sociologues, des plus faible de France (18 600$ en 2013, déployer rapidement et largement, par la de la ville est finalement, à une autre industriel mais dont la production n’est l’expression de Michel Lussault, des psychologues, des anthropologues expé- soit près de 10 % de moins que la valeur conjonction de moyens matériels (capi- échelle, la même que celle du développe- pas matérielle, voire pas quantifiable : ce « plans » de la Nouvelle France Indus- rimentaux pour mieux comprendre les nationale), ayant même décru en euros taux) et immatériels (plateformes), les ment d’une région ou du pays tout entier. sont, entre autres, les salariés de l’ubéri- trielle, des « clusters » de Christian Blanc. problématiques liées à l’homme, ses constants depuis les années 2000 dans innovations qui alimentent de manière De ce point de vue, Xavier Bertrand salue sation et de l’économie collaborative ; Il n’y a plus lieu de penser en termes de comportements, ses résistances. certaines aires géographiques, et 18 % cyclique la demande et l’offre de services la pertinence de la loi NOTRe, qui confie spécialisations locales fermées et auto- de la population, soit un million de per- • et enfin, parce que le fonctionnement et de biens ; pour en revenir aux Hauts- aux Régions la grande prérogative de Implication de tous, modèles coopératifs, nomes : la connaissance absolue et per- sonnes, vit sous le seuil de pauvreté. même de nos sociétés modernes néces- de-France, pensons ici à la manière dont l’économie, même s’il regrette au pas- bâtiments et enseignants jouant le rôle site une quantité astronomique de ser- Zara et H&M ont renvoyé Daxon et La manente de tous les facteurs de compé- sage que la technocratie soit encore un d’animateurs et médiateurs, prise en Les raisons de la déprise économique vices répétitifs et reproductibles (éner- Redoute à la préhistoire. titivité relègue cela au rang de traditions frein et que la loi n’aille pas jusqu’à don- compte des besoins sociaux et pas seule- des Hauts-de-France peuvent également gie, transports, télécommunications, d’un autre temps. Une filière industrielle ner la faculté d’expérimenter dans les ment technologiques à la réflexion, cette sembler évidentes : l’économie de la etc.), dont les modes de production ont Autrement dit, le monde hyper-industriel territorialisée n’a désormais de sens que domaines réglementaire, fiscal et admi- approche globale pourrait sans doute région, fortement marquée par la pré- toutes les caractéristiques de l’activité tendrait à évoluer naturellement vers un si elle génère un écosystème capable nistratif. Les Régions disposent en outre SÉMINAIRE 6 CONTRIBUTIONS DES AUDITEURS donner à Vilogia de meilleures chances pondérance de l’industrie (qui concentre industrielle, sauf celle de déboucher sur schéma radicalement opposé à celui de de se renouveler, de s’adapter et de se de deux autres prérogatives majeures : de mener à bien ses projets. encore une large part de l’activité fran- des biens tangibles. la concurrence juste et équitable que la projeter dans la dimension extra-géogra- les transports et le logement.

72 73 En parallèle, le pouvoir des maires a été trouver un nouveau nom s’est doublée CONCLUSION SÉMINAIRE 7 transféré aux intercommunalités, ce qui d’une volonté politique de donner une L’IMMOBILIER AU CŒUR DE CES TRANSFORMATIONS : a d’ailleurs coûté très cher : doublon- image positive de la nouvelle région sur Nous tenons naturellement à remercier nages de postes, hausse de la fiscalité le plan national comme sur le plan inter- QUEL FINANCEMENT, QUELLE RÉGULATION ET QUELLE FORME URBAINE ? 6 Xavier Bertrand, parrain attentif, inté- 7 2 locale, etc. national. Le nom des « Hauts-de-France » ressé et source d’inspiration, ainsi que CONTRIBUTION D’OLIVIER BUCAILLE, SYLVAIN GRÉMY, DIMITRI MAILLARD, CHRISTOPHE ZURAWSKI remplit pleinement cet objectif et galva- L’administration du territoire devrait l’ensemble des intervenants de cette INTERVENANTS : PHILIPPE CHIAMBARETTA, XAVIER LÉPINE ET FRÉDÉRIC NOUEL nise sa population de 6 millions d’habi- donc bien à terme se jouer à l’échelon journée, dont les propos nous ont per- de la Région et des intercommunalités, tants. mis de dresser un panorama complet avec la probable disparition des conseils C’est la première pierre d’une stratégie des problématiques qui se présentent départementaux qui ont été dépossédés de marketing territorial, qui agit sur plu- aujourd’hui aux Hauts-de-France. de leurs prérogatives. sieurs tableaux et notamment celui de Il est difficile de porter un avis synthé- l’emploi, clef de voûte du redressement tique sur la manière dont les Hauts-de- de la région, véritable priorité politique France s’y prennent pour se construire La transformation de l’immobilier est un long et lent voyage porté, influencé L’IMMOBILIER AU CŒUR L’AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE ET selon Xavier Bertrand. un avenir meilleur : en tentant de mettre et guidé par plusieurs facteurs de différentes origines et natures (évolutions DE CES TRANSFORMATIONS : LA VALORISATION DES ATOUTS DE réellement en pratique la théorie de sociétales, événements historiques… ) : les différentes révolutions industrielles LA RÉGION Cette priorité passe en particulier : Jeremy Rifkin, d’aller au-delà de la dialec- en furent une des premières composantes avec l’évolution sociétale et celle du QUEL FINANCEMENT ? • par la mise en œuvre d’une politique de tique classique opposant désindustria- monde du travail associée. Les Hauts-de-France ont la chance d’avoir, Dans une économie mondialisée où la développement de la formation initiale et lisation à réindustrialisation, la région Avant la première révolution industrielle, le monde est principalement rural avec avec Lille, une grande métropole régio- finance, le social, l’immobilier ou encore de la formation continue qui est essen- s’engage dans quelque chose qui n’a la domination de l’agriculture et de l’élevage. Les types d’ouvrage construits nale. Mais son rayonnement pourrait être la démographie sont extrêmement liés, tielle pour un retour durable à l’emploi. jamais été fait à une telle échelle. sont implantés au plus près des populations pour répondre à des besoins très bien plus important si sa situation fron- nous assistons à plusieurs mutations fon- talière était mieux exploitée. Cela passe Par exemple, Xavier Bertrand veut notam- En écho à la thématique générale des simples. Du point de vue infrastructure par exemple, de nombreux ouvrages ment créer des organismes de formation type ponts ont été créés pour faciliter la vie quotidienne et les transports entre damentales. Après plusieurs révolutions notamment par la maîtrise des langues séminaires de l’Institut Palladio pour l’an- industrielles qui ont abouti à la mondiali- permettant de soutenir le développement la campagne, lieu de production, et les villes. étrangères (flamand, anglais). née 2017, cet exemple restera en tout cas sation de l’économie et à la recherche de des pôles logistiques à l’échelle régio- particulièrement éclairant : il illustre com- L’immobilier acquiert une nouvelle composante après la première révolution l’épanouissement personnel et collectif Xavier Bertrand entend combler cette nale ; ment le travail, en tant que donnée éco- industrielle. Les villes connaissent alors de nouveaux développements avec la par la consommation et l’endettement, lacune (« quand vous parlez flamand nomique, révélateur sociologique, objec- dans le nord vous n’êtes pas au chô- • par des démarches de promotion du création des premières usines et leur architecture associée. Ces nouveaux lieux l’économie de la connaissance, du par- tif politique, peut être le point de départ furent un des premiers facteurs de concentration des populations avec la pre- mage ! ») en développant des écoles de territoire à l’échelon international, avec d’un projet de développement territorial tage et collaborative tendent à devenir mière transformation du monde du travail, et de l’organisation des lieux d’ha- e langues et même en favorisant l’appren- par exemple les efforts pour attirer « total », concernant tous les acteurs le modèle du 21 siècle. Parallèlement, bitation construits à proximité de ces derniers. Les corons ont ainsi été créés tissage du mandarin pour attirer les tou- l’Agence européenne du médicament ou du territoire, trouvant des traductions nos processus productifs n’ont jamais près des mines pour loger les ouvriers. ristes chinois. les initiatives en matière culturelle en concrètes dans tous les pans de la vie autant été sous l’emprise de la finance créant le Festival des Séries télévisées ; et du besoin de financement, base de En parallèle, il faut réfléchir au renfor- publique, y compris les formes urbaines La deuxième révolution industrielle est à l’origine de la création de l’immobilier et l’immobilier. tertiaire avec son fonctionnement et son architecture associée. L’organisation notre processus de développement éco- cement des transports en commun de la • par le développement de l’industrie e spatiale des villes, et plus généralement du territoire, a été fortement impactée nomique depuis le début du 20 siècle. métropole lilloise qui est complètement de la robot-numérique, car si les robots Sans épuiser les points qui nous ont par cette nouvelle donnée économique et sociétale. saturée par la circulation automobile. remplacent des emplois à faible valeur interpellés en rédigeant cette restitution, Dans ce contexte de profonde mutation, ajoutée ils créent aussi trois emplois : nous souhaiterions poser deux dernières l’immobilier et son financement doivent- L’idée serait aussi tirer parti de la posi- Ces dernières années, la création du monde numérique, troisième révolution conception, production, assemblage, ins- questions à Xavier Bertrand : ils se réinventer ? Comment ? Et pour tion centrale de la France et de sa région ou transformation majeure, a été également un facteur évolutif de l’organisa- tallation et maintenance. aller où ? Avant de tenter une analyse dans les transports Nord-Sud en dévelop- • La première est celle du temps de l’ac- tion du travail, avec de fortes conséquences sur l’ensemble des modèles écono- miques et plus spécifiquement ceux du secteur immobilier. contemporaine et prospective du devenir pant la logistique sur l’ensemble de son D’ailleurs, il est amusant de remarquer tion politique, de sa chronologie : un man- du financement dans l’immobilier, reve- territoire. que Michel Lussault donne raison à dat d’exécutif local a un début et une fin, À l’échelle de la ville, la vie des urbains est également en pleine mutation avec nons tout d’abord à sa source ainsi qu’à qui n’ont aucune raison de correspondre l’introduction de nouveaux modèles ou concepts dits expérimentaux, dont nous Plus généralement Xavier Bertrand pro- Xavier Bertrand sur l’importance de la celle de l’économie. au début et à la fin de l’histoire du ter- avons encore du mal à appréhender les conséquences à moyen et long terme pose plusieurs pistes de réflexion : Logistique et de la robotique associée à l’intelligence artificielle. Je cite : « la ritoire. En l’occurrence, Xavier Bertrand sur les habitants ou utilisateurs de ces nouveaux lieux : la ville expérientielle • il prône une plus grande autonomie des logistique est le secteur roi du monde » a dû prendre le relais d’une politique avec ces nouveaux modes de travail, le développement des robots et de l’intelli- publique engagée par son prédécesseur, DE « L’ÉCONOMIE » AGRICOLE Régions, une vraie décentralisation, plus car il est ce réseau de mobilités de la gence artificielle en sont des exemples marquants et connus de tous. À L’ÉCONOMIE INDUSTRIELLE de pouvoirs pour mieux agir à l’échelon issu du camp politique opposé ; et la Troi- globalisation ; « aujourd’hui une nouvelle Par ailleurs, une prise de conscience très récente de l’impact de l’homme sur la local avec les décideurs régionaux : les sième révolution industrielle des Hauts- • ÉCONOMIE AGRICOLE : forme de robotique croise les acquis de planète, sujet repris par l’ensemble des canaux de communications et nos poli- entreprises, les associations, les citoyens de-France ne sera sûrement pas achevée UNE PÉRIODE SANS FINANCEMENT l’ingénierie des robots et de l’intelligence tiques, marque potentiellement une entrée dans l’air de l’Anthropocène. L’im- et leurs élus ; au terme de son mandat. Comment conci- artificielle. Nous sommes là devant une lier le temps politique et le temps du pact du monde sur l’écosystème a et aura un impact sur les formes urbaines L’économie agricole, qui a prédominé • il se demande s’il ne faudrait pas déve- mutation dont nous ne mesurons abso- territoire ? Qu’aurait-il fait différemment et la requalification des parcs immobiliers actuels avec de nouveaux leviers de pendant la plus grande partie de notre lopper, pour les zones rurales et péri- lument pas les possibles conséquences. » s’il avait piloté le projet de Troisième créations de valeurs et plus généralement sur l’ensemble des typologies de histoire, est apparue lorsque l’agricul- urbaines, l’équivalent de l’ANRU des Xavier Bertrand imagine aussi une révolution industrielle dès le début ? Que parcs immobiliers. ture de subsistance a laissé la place ferait-il différemment s’il ne devait pas zones urbaines ; mesure à l’échelon national consistant à L’ensemble de ces transformations, de ces bouleversements, a eu et aura des à une agriculture de production et de remettre son mandat en jeu en 2021 ? modifier la logique actuelle d’indemnisa- impacts sur les formes immobilières et urbaines, avec un besoin de finance- négoce. Il s’agissait d’un système fermé, • il verrait bien une sorte de DATAR régio- qui n’avait pour finalité que de fournir à tion du chômage pour créer un outil de • La deuxième question porte sur les phé- ment, de nouveaux business model à faire évoluer ou à créer, et la mise en place nale qui fixerait une stratégie de dévelop- l’homme l’essentiel de son alimentation pement régional. formation professionnelle tournée vers nomènes de ségrégation, de création de de nouvelles règles ou l’évolution du cadre réglementaire. des emplois précis et fléchés avec les nouvelles inégalités, que peut provoquer et de son énergie. entreprises régionales. la transition vers une économie « hyper-in- Durant cette longue période, l’histoire de dustrielle ». La vision globalisée de la pro- L’ESPRIT D’ENTREPRISE SOUFFLE À On le voit, Xavier Bertrand se positionne la population évolue assez peu. Les prin- LA TÊTE DE LA RÉGION : LA MISE EN duction industrielle permet sans doute cipales caractéristiques de cette époque en entrepreneur et comme le maire d’une d’envisager un avenir serein pour cer- ŒUVRE DE MESURES CONCRÈTES grande région : des actions concrètes font état d’une population jeune et d’une taines métropoles ; mais quel sort réserve- faible espérance de vie, où les crises Xavier Bertrand a pris en décembre 2015 perceptibles par la population dans son t-elle aux espaces ruraux et périurbains ? quotidien et une vision sur le long terme démographiques sont beaucoup plus la tête d’une région Nord-Pas de Calais Comment prévenir le risque de formation spectaculaires que les phases de crois- élargie à la Picardie. La nécessité de lui pour agir en profondeur. de nouvelles fractures territoriales ? sance. Ces crises peuvent être de nature différente, mais leur gravité est presque toujours liée à des circonstances poli- SÉMINAIRE 6 tiques et économiques. Cette phase, qui a CONTRIBUTIONS DES AUDITEURS duré plusieurs milliers d’années, est éga-

74 75 lement caractérisée par une stagnation • UNE SOCIÉTÉ QUI S’URBANISE que ce fait s’accompagne d’un grand • PROSPÉRITÉ PUIS CRISES ÉCONOMIQUES Le retournement de la croissance amé- • Une intensité capitalistique faible sur de la richesse par habitant, une accumu- nombre d’autres changements. ricaine, la hausse des taux d’intérêt et des horizons de temps courts La population rurale, attirée par les lation de capital et une absence presque Alors que la prospérité semble imper- de la précarité des ménages concernés totale de tout investissement. emplois urbains, décline, si bien que L’évolution la plus marquante de la struc- turbable, les chocs pétroliers de 1973 et ont provoqué de nombreux défauts de Comment le financement peut-il satis- 7 le seuil de 50 % de citadins est franchi ture de l’économie française est la chute 1979 sont la première alerte à des crises faire ces nouvelles exigences et prendre 7 paiement et une insolvabilité des débi- La spécificité de cette économie, que l’on dans l’ensemble des pays industriels brutale du poids de l’agriculture dans la plus profondes. C’est le début d’une teurs, puis, par ricochet, un besoin de en compte ces mutations sociétales ? dit « soumise à la trappe malthusienne », entre 1850 et 1940. Les conditions de valeur ajoutée totale : de 18 % en 1949 à crise économique latente et de plusieurs refinancement des banques détenant est son incapacité à capitaliser les inno- vie en milieu urbain sont alors difficiles 10 % au début des années 1960, il oscille crises immobilières. ces créances ou ces titres (un besoin vations technologiques produites par avec des loyers élevés, des logements aujourd’hui entre 1,5 et 2 %. La désindus- de liquidités pour faire face aux retraits LE FINANCEMENT EST-IL EN TRAIN les marchés : tout gain à court terme se médiocres ; néanmoins de nombreux pro- Une note du Centre d’Études Prospectives trialisation s’amorce dans les années monétaires des agents non financiers) D’ÊTRE DISRUPTÉ ? répercutant sur les revenus est inévita- et d’Informations Internationales (Cepii) grès sont faits avec l’amélioration des et amplifié la crise du bâtiment et de blement absorbé par une croissance de 1960 et s’amplifie dans les années 1980. explique que, depuis la libéralisation • LE FINANCEMENT DOIT-IL SE RÉINVENTER ? transports urbains, l’apparition du gaz l’immobilier (l’augmentation des saisies population, et non par l’accroissement La part de l’industrie dans la valeur ajou- de la finance, les crises suivent en fait puis de l’électricité. augmentant l’offre immobilière dans un Dans un contexte de population vieillis- individuel du niveau de vie. Le finance- tée est ainsi passée de 25 % en 1960 à l’évolution des cycles immobiliers. « Deux contexte de demande déprimée). ment privé est quasiment inexistant car L’exode rural a dépeuplé les campagnes 10 % aujourd’hui. cycles immobiliers globaux se sont suc- sante, de taux d’intérêt bas et avec un françaises où vivaient encore la moitié cédé entre 1985-1995, et entre 1997- business model de la banque en perte de trop risqué et dépourvu d’intérêt. Les Cette baisse a pour corollaire une Cette crise a donné naissance à de nou- seules véritables infrastructures qui des Français en 1945, au profit de villes 2012 », explique son auteur, l’économiste vitesse (le syndicat national des banques croissance continue de la part des ser- velles réglementations censées mieux bénéficient d’investissements « publics » de plus en plus importantes qui ras- Thomas Grjebine. Et chaque fois, « les encadrer les conditions d’octrois des demande qu’on investisse dans l’hu- vices marchands, qui passe de 35 % au provenant de l’impôt se limitent aux com- semblent aujourd’hui les trois quarts banques ont alors cherché à dégager une emprunts immobiliers et leurs trans- main !) nous sommes en droit de nous plexes militaires, aux châteaux et aux de la population. La périurbanisation début des années 1950 à plus de 50 % rentabilité élevée en se tournant vers de formations dans les différents circuits demander si le financement a encore un monuments religieux. a étendu l’espace urbain dans les cam- aujourd’hui. D’un point de vue socio- nouvelles catégories d’emprunteurs dont financiers. Cela a également été le point avenir et de quelle manière il doit se réin- pagnes proches des agglomérations avec logique, on assiste à l’explosion de la les risques sont sous-estimés », explique- de départ d’une forme de défiance des venter. De plus, il est indéniable que les Les mentalités ne sont à l’époque pas le développement des « cités dortoirs » et classe moyenne. t-il. populations envers leur système finan- crises économiques ont dans la plupart tournées vers le progrès mais vers la des banlieues pavillonnaires. des cas pour origine une surchauffe du • L’ENDETTEMENT ET LE SURENDETTEMENT : cier. reproduction des traditions. L’économie • DÉVELOPPEMENT ET MODE DE VIE système de l’endettement privé condui- est donc celle de la foi, le divin l’emporte • LE RÔLE DU FINANCEMENT DE LA CLASSE MOYENNE LES SUBPRIMES • LA DIGICRATIE DANS CETTE ÉCONOMIE sant au surendettement. sur tout. Ignoré dans les années 1960, négligé Ce concept de « classes moyennes » date On assiste à la fin de cette période, 1980- Si le financement doit se réinventer en • ÉCONOMIE INDUSTRIELLE : INVENTION Ces deux mouvements de fond qui des Trente Glorieuses et correspond à dans les années 1970, le phénomène de 2000, à une première rupture que Xavier e tant que tel, il doit également faire face ET NAISSANCE DU SYSTÈME FINANCIER impactent le 19 siècle constituent les l’émergence, entre classes populaires l’endettement a pris une place croissante Lépine cite dans son intervention : « la prémices du système financier et donc et déterminante dans la réalité de l’éco- à un changement de paradigme dans la e et classes aisées, d’une catégorie de la digicratie ». La révolution industrielle du 19 siècle est du besoin en financement. On assiste à la chose même à financer. Nous allons vers population ni riche ni pauvre. nomie de services des années 1980-1990, une période où nous assistons au pas- naissance des marchés autour de quatre qu’il s’agisse de celle des États ou du sec- Alors que la globalisation de l’économie une prédominance de l’usage sur la pro- sage d’une société agricole à une société aspects principaux : unification régle- Cette classe moyenne qui se développe, teur privé. avait été largement profitable aux pays priété. Par exemple, l’entreprise Michelin dominée par la mécanisation de la pro- mentaire et technique du marché / amé- emmène avec elle ses attentes et ses développés comme aux pays en voie de ne vend plus des pneus mais des kilo- duction de biens non alimentaires. Elle a L’avènement du matérialisme, de la lioration des transports / suppression modes de consommation. Ainsi, les développement et avait ainsi permis à mètres ! commencé en Angleterre vers le milieu consommation permanente en réponse plusieurs milliards de personnes d’accé- des douanes intérieures /unification des années 1960 à 1990 sont le théâtre de Ainsi, certains acteurs, investisseurs et du 18e siècle pour s’étendre ensuite au à la recherche de bonheur des sociétés der à un niveau de vie correct, la période systèmes de mesure et de paiement. la consommation à outrance. En 1970, reste de l’Europe de l’Ouest au 19e siècle. occidentales, propulse l’endettement en question met en avant une paupérisa- startups tentent de nouvelles approches. Notons l’apparition de grandes banques 70 hypermarchés et 1200 supermarchés e privé au rang de passage obligatoire de tion des classes moyennes en Occident. Elle a apporté la croissance de l’indus- de dépôt au milieu du 19 siècle ainsi • L’EXEMPLE DE LA PROPRIÉTÉ À VIE drainent les classes moyennes fran- l’épanouissement individuel et collectif. Ce phénomène se traduit logiquement trialisation dans différents pays d’Europe que la création de la Banque de France çaises. La plupart des Français ont connu On assiste à la prise d’ampleur du sys- par la montée du populisme, le repli sur Xavier Lépine tente avec La Française AM et a enrichi le monde de progrès tech- en 1800. la privation pendant la guerre, et une tème financier. Les États ont pour but soi, la stigmatisation de « l’autre », du d’explorer de nouveaux modèles, telle niques : la maîtrise de la technologie et La propriété est l’objectif et l’apanage telle abondance de produits directement d’entreprendre des politiques de libéra- « nanti au chômeur profiteur d’un sys- que la propriété à vie. Il s’agit d’opérer le stockage de l’énergie, principalement des plus aisés ou des industriels/agricul- à portée de main représente une sorte de lisation financière (surnommées « big- tème perverti et injuste », au mieux le une séparation entre le bâti et le foncier l’électricité, ont notamment permis de teurs. Le prêt immobilier prend son essor bénédiction. bang ») dont l’objectif est d’accroître le retour en force de la doctrine Monroe et ainsi remplir deux objectifs : répondre pouvoir conserver et investir. lors d’opérations de promotion. Si, pour drainage des capitaux en faveur de l’in- (l’Amérique aux Américains), au pire le à une crise de solvabilité en particulier Cette nouvelle période est basée sur la des raisons de coûts, le logement reste Le pouvoir d’achat a augmenté de vestissement. De manière générale, on national-socialisme. pour les ménages habitant dans les zones production, l’échange et la consomma- un bien cher tout au long du 19e siècle, manière considérable. Les Trente Glo- aura recours aux « 3 D » (déréglemen- denses en déficit de construction et décli- Cependant, depuis quelques années, la tion des biens. ce qui en limite l’accès (dans de bonnes rieuses sont une période de plein-emploi, tation, désintermédiation, décloisonne- ner un business model innovant pour des révolution du numérique fait son appa- conditions de prix et d’occupation) aux avec un taux de chômage qui ne dépasse ment). investisseurs tel que La Française AM • MODIFICATION DES CARACTÉRISTIQUES rition et pourrait bien inverser positi- catégories aisées de la population, l’or- jamais les 3 % pour toute la période. Le dans un contexte de financement du pro- DÉMOGRAPHIQUES L’État privatise et déréglemente. Le capi- vement cette situation en Occident. La ganisation d’un système moderne de cré- revenu par habitant a triplé entre 1953 duit logement complexe et peu rémuné- talisme de groupe se développe, les digicratie qui est en train de s’installer à e e dit a peu à peu modifié la stratégie des et 1967, et l’écart des revenus entre rateur. Il s’agit d’une utilisation innovante À partir du 18 , mais surtout du 19 siècle entreprises européennes et françaises grande vitesse repose sur des concepts acteurs et favorisé une meilleure adapta- ouvriers et cadres supérieurs tend à se en Europe, les progrès de l’hygiène et de connaissent une prospérité indéniable. radicalement différents : des textes juridiques existants. la médecine font baisser le taux de mor- tion de l’offre de logement à la demande. réduire. L’État-providence, notion appa- L’endettement privé prend le relais de Cela tient également compte du fait que talité : on vit plus longtemps. Le nombre L’effet de levier de l’endettement a permis rue en 1945 et symbolisée par le général • La mondialisation devient bottom up en effet d’augmenter la rentabilité des la croissance dans les pays dévelop- la population française va devenir de de naissances ne diminue pas immédiate- de Gaulle, instaure un certain nombre de pés et entraîne des crises successives. c’est-à-dire que l’initiative individuelle se capitaux propres investis dans les loge- déploie mondialement. plus en plus vieillissante. Les succes- ment, si bien que la population augmente réformes sociales qui permettent l’amé- Si l’on prend l’exemple de la crise des beaucoup pendant quelques décennies, ments moyens et modestes. sions seront donc plus tardives. L’âge où lioration des conditions de vie : sécurité subprimes, qui sont nées pendant l’an- • C’est la demande qui façonne l’offre : avant que le taux de natalité ne baisse à l’on hérite, actuellement de 52-53 ans, sociale, assurance maladie, régime des née 1995, cela pose la question du sujet la customisation par le client existe déjà son tour. On appelle cette période la tran- reculera massivement, les personnes retraites. Par ailleurs, dans une France du surendettement. dans les médias (musique, film par le sition démographique. ÉCONOMIE DE SERVICES, qui hériteront de leurs parents ou aïeux enrichie, la révolution scientifique et cloud et vidéo à la demande VOD), par les CRISE(S) ÉCONOMIQUE(S) Les subprimes, sous-marché du marché seront, de plus en plus souvent, déjà elles- Au début de la première révolution indus- technologique participe à la démocrati- services définis par les clients eux-mêmes, ET SURENDETTEMENT hypothécaire des États-Unis, visaient à mêmes à la retraite. Ce modèle entraîne trielle (1780), la population mondiale est sation des produits de pointe. précurseurs de développements locaux permettre aux ménages défavorisés un en quelque sorte un bouleversement d’environ 700 millions d’habitants. Un • ÉCONOMIE DE SERVICES / TERTIARISATION par le biais de petites unités de production accès à la propriété immobilière. Ces des habitudes culturelles basées sur la siècle plus tard, au début de la deuxième Dans ces conditions idéales, la société de et de services (cf. imprimante 3D). À partir du milieu du 20e siècle, comme prêts immobiliers à taux variables, gagés propriété comme aboutissement dans le révolution industrielle (1880), elle a dou- consommation peut s’installer. toutes les sociétés développées, la sur la valeur de l’acquisition immobilière • La primauté du travail est à forte valeur but de transmission de son patrimoine à blé, atteignant 1,4 milliard. société française est marquée par un Pour la première fois, consommer (l’hypothèque) présentaient un risque ajoutée (la quote-part du travail à faible ses descendants. On peut se demander Cette mutation fondamentale de la struc- poids croissant du secteur tertiaire semble être la clé d’une vie heureuse. « I important d’insolvabilité (non rembour- valeur ajoutée dans les nouveaux pro- si cette nouvelle manière d’appréhender ture démographique va donc engendrer au détriment des secteurs primaire et shop therefore I am » (« j’achète donc je sement des dettes) mais les banques duits et services est faible : par exemple la notion de propriété trouvera sa place SÉMINAIRE 7 des conséquences sur l’immobilier, la secondaire. Certains sociologues parlent suis »), a écrit l’artiste Barbara Kruger pouvaient saisir les maisons hypothé- le smartphone avec ses applications au sein de la société française et de ses CONTRIBUTIONS DES AUDITEURS construction de la ville et son financement. de « société postindustrielle » et pense en 1987. quées. embarquées). nombreuses spécificités.

76 77 En effet, démographie et transmission Pour parvenir à rester rentables et col- présente un aspect supplémentaire faible, le jeune rend quelques services, diplômés, choisissent souvent de ne plus ainsi que tous les services classiques, sont liées. En France notre système de ler aux nouveaux besoins et usages de auquel il faut réfléchir, avec la dimen- comme faire les courses, le ménage ou passer leur permis de conduire. depuis l’imprimante jusqu’à la vidéo- taxation est basé sur une faible imposi- leurs clients, les banques doivent donc sion juridique et politique. L’économie du donner des cours d’informatique. Par ail- conférence de bonne qualité. Plus performants thermiquement, sans tion de la transmission (une génération réinventer leurs approches et créer un partage aspire à rebâtir l’économie sur leurs, on trouve de plus en plus de colo- 7 lien affinitaire puissant. Un lien affinitaire doute plus confortables et mieux conçus, L’immobilier est à la fois un bien de 7 ne renouvelle que 15 % de la population) de nouvelles valeurs morales, et notam- cations à destination des seniors actifs. les immeubles d’entreprises n’ont pas consommation (on l’utilise) et un bien pour permettre aux ascendants de trans- est un lien qui préexiste à l’adhésion à un ment celle du partage, qui ne va pas de Des sites comme EmbassyNetwork.com tous, loin s’en faut, fait leur révolution durable, « un actif ». Dans cette nouvelle mettre dans des conditions privilégiés système. soi dans une société totalement indivi- ou Coliving.org se sont spécialisés dans spatiale. La plupart sont organisés en économie, nous sommes en réalité loca- leurs biens. dualisée et dont tout le système juridique l’habitat collectif bien localisé au cœur La banque doit retrouver un modèle open space au milieu desquels sur- taires (utilisateurs) de tout et proprié- repose sur la valorisation de l’appropria- des métropoles urbaines comme San • LE CROWDFUNDING qui répond aux besoins du 21e siècle et vivent quelques bureaux fermés. Les taires de rien : l’usage d’un bien prime sur tion privative des objets. Francisco. Ces nouvelles formes d’hé- en premier lieu prendre en compte les entreprises qui ont fait l’expérience des sa propriété. Près de 50 % des Français bergement créent du lien social et cette Particulièrement adapté au financement nouvelles économies, circulaires et soli- bureaux non attribués, ou gommé la hié- considèrent par exemple l’acquisition Les attentes de la société ont changé, socialisation est l’occasion de dévelop- des PME et des jeunes entreprises inno- daires. rarchie en abattant les cloisons, sont les d’une maison de vacances comme inutile. nous voulons maintenant : per des réseaux amicaux et profession- vantes, le crowdfunding, ou finance par- exceptions que tout le monde regarde La mutualisation concerne dorénavant nels. L’argument financier n’est pas la ticipative, est une activité en plein essor. • privilégier l’usage à la possession ; sans toujours suivre leur exemple. Pour- tout actif immobilier. Un immeuble aura première motivation des colocataires, Selon le baromètre annuel réalisé par tant, le travail a indéniablement changé davantage d’usages et de destinations DE L’ÉCONOMIE DE LA CONNAIS- • privilégier le local au global ; dont l’âge varie de 30 à 50 ans. La com- Compinnov pour l’association Finance- et va continuer de se transformer. Com- qu’aujourd’hui. SANCE À L’ÉCONOMIE DE PARTAGE : munication virtuelle étant devenue une ment Participatif France, la collecte sur • privilégier la communauté à l’individu. ment les entreprises peuvent-elles HUMAINE, COLLABORATIVE ET réalité dans les grandes villes, l’idée de les plateformes françaises de crowd- ÉCOLOGIQUE s’adapter ? funding poursuit une forte croissance, La consommation collaborative repré- se retrouver et de communiquer physi- passant de 152 millions d’euros en 2014 • L’ÉCONOMIE DE LA CONNAISSANCE sente une révolution totale de la vision de quement fait écho. Le propriétaire d’une L’immobilier partagé est une réponse à près de 300 millions d’euros en 2015. la propriété. Depuis 1789, la Révolution grande maison avec de nombreuses encore peu explorée. On parle aussi de Le Conseil européen de Lisbonne de L’IMMOBILIER AU CŒUR D’après le dernier baromètre du crowd- française libérale a proclamé le plein chambres ou d’un petit immeuble peut « ville liquide « ou « mutualisée », « utile mars 2000 avait l’ambition de faire de DE CES TRANSFORMATIONS : funding immobilier réalisé par Fundimmo pouvoir de l’individu possédant sur ses ainsi gagner de l’argent tout en offrant à tous mais pas en même temps ». Les l’Europe « l’économie de la connaissance et Hellocrowdfunding, au premier semes- biens : le droit de propriété, qui est aussi un habitat communautaire pour un loyer réflexions ne sont guère abouties, mais QUELLE RÉGULATION ? la plus compétitive et la plus dynamique tre 2017, 36 millions d’euros ont été col- un droit d’exclure les autres de l’usage légèrement plus faible que la location l’idée avance de mutualiser les espaces, du monde d’ici 2020 ». Au niveau écono- lectés, soit 20 % de plus qu’en 2016 sur la des biens, était vu comme un droit natu- d’un studio meublé. pour en éviter la vacance même tempo- Au cœur des transformations des formes mique, la connaissance est un bien col- rel et sacré. Mais cette autarcie du bien, raire. Les parkings peuvent par exemple urbaines, les dimensions juridiques même période. Le secteur de l’immobilier d’entreprise lectif et faiblement exclusif, le fait d’en représentant l’idée de propriété pleine et être partagés entre les entreprises la jouent un rôle de régulation. Elles enca- est quant à lui frappé de plein fouet par Le crowdfunding permet de financer des disposer ne nous oblige pas à en payer exclusive, n’existe plus. journée, et les habitants du quartier la drent les évolutions, parfois elles les l’économie collaborative et de partage. programmes de promoteurs mais égale- la totalité du prix notamment lié à sa pro- nuit. L’énergie produite par les ordina- favorisent, d’autres fois elles les limitent. • LES IMPACTS SUR L’IMMOBILIER Les mètres carrés de bureaux peuvent- ment d’aménageurs et de lotisseurs. Si duction. teurs des bureaux ou les data centers Le droit immobilier impacte au quotidien ils se partager, les locaux d’entreprise les projets financés demeurent majori- Quels impacts immédiats et futurs cette pourrait servir à réchauffer les loge- les contraintes pour construire ; il joue Quel rôle peut jouer le financement dans s’ouvrir à d’autres usages, les entre- tairement liés à de l’immobilier résiden- nouvelle économie a-t-elle sur l’immobi- ments. Partager les restaurants d’en- un rôle également déterminant dans les une économie en pleine mutation et qui prises se couler dans des espaces faits tiel, peu à peu, le tertiaire (bureaux, com- treprise entre entreprises n’a rien de modifications des habitudes de consom- se tourne vers l’écologie, le collaboratif lier et son financement ? pour d’autres qu’elles ? Il y a la prospec- merces, logistique...) fait aussi de plus en nouveau. Mais que se passe-t-il dans mation et de déplacement. et l’humain ? tive, les rêves et… la réalité. Aura-t-on plus appel au crowdfunding. Pourquoi acheter un bien immobilier ces espaces avant 11 heures et après encore besoin d’immeubles de bureaux Cette nouvelle phase qualifiée « d’éco- ou une voiture, quand on peut les louer, 15 heures ? Rien. L’idée progresse de On assiste à une réappropriation du dans dix, vingt ou trente ans ? Oui cer- nomie fondée sur la connaissance », les partager ? En milieu urbain, on loue, les transformer en espaces accessibles LE DROIT ET LA VILLE financement de la ville et de la construc- tainement, répondent tous les profes- « d’économie du savoir » ou encore de on échange, on troque. Cela concerne aux salariés durant toute la journée : il tion par la société en tant que telle et sionnels de l’industrie tertiaire. Depuis • CONTEXTE « capitalisme cognitif » serait caractéri- aussi bien les objets, les transports, le devient possible d’y tenir une réunion moins par des opérateurs spécialisés. une vingtaine d’années toutefois, ils sée par une phase d’innovation radicale logement que le crédit. L’immeuble de ou de s’y réfugier avec son café pour se Aujourd’hui, près de 80 % des Français donnent tort à toutes les Cassandre qui • NOUVEAU MODÈLE POUR LES BANQUES ET au sens de Schumpeter, impliquant non bureaux ne sera pas épargné même s’il concentrer. Apparaît également l’idée vivent dans les villes alors qu’elles ne prévoyaient la disparition ou une nette CRÉATION D’UN LIEN AFFINITAIRE seulement de nouvelles technologies n’est pas aussi mobile que les individus de les ouvrir et de les approvisionner à représentent que 21 % du territoire. diminution de l’immobilier d’entreprises. mais aussi de profondes transformations ou les objets. l’heure du goûter ou du dîner, histoire L’écart est encore plus important si l’on Une des autres pistes avancées par Même si le marché n’est pas au mieux, organisationnelles des firmes et des mar- d’inciter les salariés à rester un peu utilise la notion de zone urbaine, les Xavier Lépine, pour permettre aux Il nous faut dans un premier temps dif- la production ne s’est jamais arrêtée ; chés ainsi que des modes de régulation. plus tard. Ces espaces pourraient, allons centres urbains représentant moins de banques de continuer à exercer leur mis- férencier l’approche entre le logement et ce sont les conditions de la location plus loin, servir à une autre population 15 % du territoire. sion de financement, est la nécessité de • L’ÉCONOMIE DU PARTAGE : HUMAINE, l’immobilier tertiaire. qui varient et s’adaptent. Les surfaces comme les riverains de l’immeuble, des créer avec leurs clients un lien affinitaire. COLLABORATIVE ET ÉCOLOGIQUE attribuées à chaque salarié auraient Dans ce contexte, la ville s’inscrit dans un Le premier étant un bien de première associations... Dans la même ligne, le diminué de 12 % depuis 2009. Les baux cadre de droit où l’environnement démo- Le business model de la banque est L’effondrement planétaire de l’économie nécessité, il semble moins impacté que financement mutualisé d’une salle de 3-6-9 paraissent une éternité pour des cratique est complexe. Elle est le lieu où en perte de vitesse. Plusieurs études de la seconde révolution industrielle, à le second. Néanmoins, certaines évolu- sport est possible mais onéreux, alors entreprises qui se développent vite ou la démocratie est la plus difficile à orga- montrent que la rentabilité des agences l’été 2008, a alerté la population mondiale tions sont à noter, comme l’invention que des installations déjà amorties sont sur la durabilité du système économique, au contraire naviguent dans le brouillard niser : les règles doivent traiter des ques- bancaires en France est fragile. Le résul- de nouveaux modèles de construction souvent sous-utilisées juste à côté. tions de voisinage, de cohabitation, de tat est édifiant : entre 15 % et 20 % et des remises en cause de ce modèle collaboratifs (la co-construction ou la parce qu’elles sont innovantes ou en dif- sont en cours. Dans une société de ficulté. Les immeubles, ces fameux outils Le partage des bureaux entre entreprises collaboration, le tout dans le respect des d’entre elles coûtent plus cher qu’elles ne co-promotion). Conscients de l’intérêt droits individuels qui sont d’autant plus surendettement qui nous encourageait au service de l’entreprise, ont-ils changé est une autre piste, déjà largement explo- rapportent. En effet, les clients ne fuient à développer des modes alternatifs de difficiles à gérer en raison de la promis- à consommer et à acheter toujours plus, de nature ? Pas tant que ça. De plus en rée par plusieurs réseaux de centres pas les agences mais consomment leur production de logements mais aussi de cuité. Cela donne lieu bien souvent à une nombre de personnes se sont retrouvées plus grands, ils sont construits là où les d’affaires, dans lesquels les sociétés banque différemment d’il y a quelques proposer des produits en phase avec les multiplication d’intérêts contradictoires surendettées avec beaucoup d’objets promoteurs trouvent de la place et pas peuvent louer, pour un jour ou un an, des années. nouveaux modes de vie, certains acteurs qu’il faut faire coexister. désormais sans valeur et jugés inutiles. ont commencé à engager une réflexion toujours sur les sites les plus pratiques locaux qui leur sont attribués et bénéfi- Il existe également une autre probléma- Aidées par le développement de l’Internet permettant à des utilisateurs (ménages, pour les utilisateurs. Et cela en dépit de cier de services mutualisés. La montée Dans notre pays, cet environnement juri- tique des agences : celle du multicanal. des réseaux, elles ont favorisé l’émer- artisanats, commerçants… ) de pouvoir tous les sondages, car les promoteurs ne de l’économie collaborative développe dique est respecté et il contribue à façon- Internet et l’arrivée des banques en ligne gence d’un nouveau modèle économique, accéder dans les centres urbains à des font pas toujours ce qu’ils disent. Le baro- une alternative à cette offre presque trop ner le développement urbain, ce qui n’est ont bousculé les habitudes de consom- associé à la valeur morale de « partage », habitats groupés et participatifs. mètre de BNP Paribas Real Estate montre classique : le partage des postes de tra- pas le cas dans les pays où l’accès aux mation des particuliers. Les usagers susceptible de relancer l’idée de progrès en tout cas que l’accessibilité de l’im- vail dans les incubateurs ou les espaces tribunaux n’existe pas. des banques se servent de plus en plus dans des sociétés qui n’y croient plus car Parlons également du « coliving ». La colo- meuble par les transports en commun de coworking et les réseaux de tiers • UNE ADAPTATION AUX ÉVOLUTIONS de leur espace client sur Internet pour à la crise économique s’est ajoutée une cation a évolué ces dernières années : arrive dans le tiercé gagnant des critères lieux. Si leur entreprise y est adhérente, effectuer de simples opérations. Afin d’at- crise écologique majeure. Cette nouvelle nous sommes passés de la colocation de choix d’implantation pour 95 % des les salariés peuvent s’y rendre, lorsqu’ils Les outils de régulation du développe- tirer les clients au sein de leurs agences manière de produire et de consommer d’appartement pour étudiants à la colo- personnes interrogées, juste après le n’ont par exemple pas le temps de retour- ment urbain, historiquement centralisés et limiter la non-rentabilité de celles-ci, revendique l’éthique du développement cation pour les personnes âgées. Face coût des loyers et des charges. Donnée ner au siège, entre deux rendez-vous. par l’État, évoluent ; le droit de la ville les banques doivent donc réinventer leur durable. En effet, elle articule les trois aux prix des loyers, de nombreux jeunes récente, cette accessibilité est d’autant Mieux installés que dans un café ou dans s’adapte et utilise les textes pour favo- SÉMINAIRE 7 CONTRIBUTIONS DES AUDITEURS réseau en intégrant les nouvelles techno- piliers que sont : l’économie, l’écologie acceptent une colocation avec une per- plus importante que les nouveaux venus leur voiture, ils trouvent là un espace de riser la mise en œuvre des transforma- logies au sein même des points de vente. et le social. Mais l’économie du partage sonne âgée. En contrepartie d’un loyer sur le marché du travail, même bien travail confortable, confidentiel si besoin, tions des centres urbains.

78 79 La règle de droit essaie de rattraper les cile de mettre en place des programmes retard. La rapidité des évolutions techno- Voyons à présent comment se traduisent Lépine nous a fait visiter. Les évolutions Toujours dans le film PCA-Stream, Nico- évolutions mais pas de les anticiper. Elle sur le long terme. Pour autant, avec la logiques et la mise en œuvre de moyens ces évolutions des formes urbaines, au de la forme urbaine se retrouvent sur- las Bouriau dit qu’il ne faut plus opposer cherche à accepter et à reconnaître une mise en place de la métropole, une étape importants permettent de créer des situa- travers des exemples du film PCA-Stream tout à l’intérieur, même si les façades public/privé, mais parle plutôt du parte- porosité nécessaire entre les règles d’af- importante pour la construction de l’Île- tions monopolistiques, exploitant souvent et de la visite de l’immeuble La Française. sur le boulevard semblent conçues avec nariat public/privé. Il y a aujourd’hui une 7 de-France a été franchie. En effet, elle 7 fectation et de destination sur lesquelles des angles morts sur le plan juridique un mode différent de pensée. La visite multitude de façons nouvelles de conce- tout l’urbanisme est construit. Elle essaie a permis le rassemblement des PLU : là (cf. Uber, Airbnb, Booking, Expedia ou Trip s’est déroulée de haut en bas, en décou- voir les projets dans lesquels les opé- d’établir des zones de tolérance, de flexi- où il y avait 213 PLU, il y a maintenant 13 Advisor). TRADUCTION DES ÉVOLUTIONS vrant tous les espaces de partage de rateurs privés commencent à avoir une bilité, pour reconnaître le caractère irré- zones urbaines. Mais en général, ce n’est qu’une question DES FORMES URBAINES : l’immeuble à tous les niveaux : la superbe place collaborative avec la commande pressible de l’économie du partage. de temps avant que la réglementation EXEMPLES DE RÉALISATIONS terrasse accessible, qui est un espace publique. Depuis quelques années par n’évolue et s’applique. DANS LE FILM PCA-STREAM DE multiusage à la fois pour les salariés, exemple, il y a de plus en plus d’appel NUMÉRISATION, LE DROIT GILLES COUDERT ET VISITE DU pour les clients et aussi pour la tenue à manifestation d’intérêt, qui sont des DROIT ET DIRECTIVES POLITIQUES DOIT-IL S’ADAPTER AUX NOUVEAUX L’enjeu est de ne pas freiner les évolu- SIÈGE SOCIAL DE LA FRANÇAISE d’événements ; des espaces de rencontre concours dont le but n’est pas néces- USAGES ? tions, tout en préservant un cadre accep- sairement et dans un premier temps Les règles de droit sont la résultante Nous avons vu dans le film de PCA-Stream à deux personnes, implantés en plein table pour notre société. la cession d’un terrain mais plutôt de des choix politiques de notre démocra- Avec l’accélération des technologies et de Gilles Coudert beaucoup d’exemples milieu des plateaux de bureaux, et des tie. Chaque mutation est le fruit d’une leur impact sur l’économie quotidienne, cités et commentés notamment par espaces de rencontre pour des petits sonder les opérateurs privés le plus en volonté politique qui correspond au sou- notre société est confrontée à un choc Philippe Chiambaretta, fondateur de groupes ; des espaces en sous-sol avec la amont possible. L’idée est de voir l’ac- hait d’une majorité. À chaque alternance de la numérisation, dont le symbole est l’agence. Dans ces exemples, il y a des salle de gym, la salle de musique et l’es- ceptabilité du marché et des opérateurs privés, pour aller capter leurs réflexions politique, le droit s’adapte, ce qui conduit le phénomène d’uberisation. On assiste L’IMMOBILIER AU CŒUR traductions des évolutions des formes pace éclairé par le patio. Xavier Lépine à une véritable inflation législative et à une remise en cause de la réglemen- urbaines, visibles de l’extérieur : c’est nous a montré avec cette visite comment et leurs innovations pour ensuite lancer donne un environnement extrêmement tation et de l’encadrement du rôle de DE CES TRANSFORMATIONS : l’exemple de l’immeuble « Le ShAKe» de sa société prend soin du bien-être de ses un appel d’offres, un appel à concours changeant. chacun, conduisant à une évolution des QUELLE FORME URBAINE ? l’architecte Philippe Chiambaretta « avec salariés, à tous les étages. qui aboutira à une cession de terrain et usages. une spirale qui déroule une promenade à la réalisation d’un projet immobilier. Les instances de décision sont aujour- On voit au travers de tous ces exemples Dans ce chapitre, nous avons souhaité de 250 mètres pour s’élever, de marches Philippe Chiambaretta, dans le film, parle d’hui multiples et le partage des res- Avec le BlackBerry, puis les smartphones que la valeur d’usage est maintenant au d’abord faire le constat des évolutions en terrasses arborées, jusqu’à un belvé- de la façon dont le concours du ShAKe a ponsabilités et des compétences est et les ordinateurs portables, le travail centre des préoccupations de l’immo- récentes des formes urbaines, pour dère, situé à 50 mètres du sol ». L’objectif été mené. Là aussi, c’est un exemple de complexe. La multiplicité des collectivités est arrivé à la maison. Cela permet par bilier. Voyons maintenant comment la ensuite traiter des traductions des évo- du ShAKe est de s’ouvrir aux habitants concours qui laisse le plus de liberté pos- territoriales qui bénéficient de compé- exemple à un salarié de ne pas passer lutions de ces formes urbaines avec, d’EuraLille, mais aussi de s’adapter aux valeur d’usage change depuis une dizaine sible aux propositions des opérateurs tences propres en matière d’urbanisme sur son lieu de travail avant de se rendre comme illustrations, les exemples et évolutions des usages du travail de plus d’années la façon de concevoir les pro- privés qui a abouti à un immeuble, auquel et d’aménagement du territoire ne faci- à une réunion. Cependant, la distinction les interviews qui composent le film de en plus décloisonnés, traduction visible jets. EuraLille ne s’attendait pas du tout au lite pas l’organisation de la régulation. entre le temps de travail et le temps l’agence d’architecture PCA-Stream et de l’extérieur, même si le fonctionnement départ. personnel est devenue parfois difficile à intérieur de cet immeuble est clairement Au niveau national, en fonction de l’évolu- établir, à tel point que la loi a introduit la visite du siège de La Française avec Pour finir sur les nouvelles façons de transformé, la forme urbaine marque LA VALEUR D’USAGE CHANGE LA tion des équilibres démocratiques, l’idée récemment le droit à la déconnexion. Xavier Lépine. En dernière partie, nous concevoir, évoquons le concours « Réin- principalement une rupture par son FAÇON DE CONCEVOIR LES PROJETS d’organiser un système de subsidiarité verrons comment la valeur d’usage a venter Paris », dont Jean-Louis Missika Cette évolution a des conséquences sur modifié depuis une dizaine d’années la aspect extérieur. et de répartition a été mise œuvre, puis Depuis une dizaine d’années, la profes- dit dans le film PCA-Stream que, pour remise en cause. Ce fonctionnement pose l’organisation de la ville. Historique- façon de concevoir les projets immobi- L’autre traduction des évolutions des sion constate que le process de fabrica- lui, ce concours a agi comme un révéla- un problème d’instabilité des règles et ment la ville était construite en sépa- liers. formes urbaines se lit aussi dans le tion des projets immobiliers est passé en teur : il y a des choses qui existaient et ne favorise pas la conduite des projets rant les zones tertiaires et industrielles fonctionnement intérieur des nouvelles mode collaboratif. Cette nouvelle façon qui ont été révélées et formalisées par d’aménagements. des zones résidentielles. Les migrations générations d’immeubles. La transforma- entre les différentes zones étaient orga- de travailler est une approche trans- ce concours. Pour Jean-Louis Missika, ÉVOLUTIONS RÉCENTES tion vient du fait de mettre au centre le « Réinventer Paris » a révélé ce qui était Dans ce contexte, le métropolisation est- nisées avec les transports publics et les DES FORMES URBAINES disciplinaire comme l’explique Philippe elle une opportunité ? bien-être des collaborateurs, le bien-être Chiambaretta, approche qui mêle le dans l’air du temps. réseaux routiers. Aujourd’hui, on observe des salariés, et de faire entrer la création Le premier constat est que les évolutions social, l’économie, l’architecture, l’urba- Le Grand Lyon est un exemple de réussite. une modification des espaces de travail, Il y a eu l’initiateur « Réinventer Paris », des formes urbaines sont très récentes. dans les bureaux. Les exemples qui sont Avec la volonté des élus, Lyon a réussi à devenus pour certains plus banalisables. nisme, les mobilités, les accessibilités, le ensuite « Inventons la Métropole du Elles apparaissent de manière consé- cités dans le film de PCA-Stream, sont le fusionner l’intégralité des compétences Le télétravail se développe progressive- Stream Building et le Cloud de Philippe culturel ainsi que le paysage et l’agricul- Grand Paris », et tout récemment « Réin- quente depuis une dizaine d’années. des quatre communes en une seule ment mais aussi la création d’entreprise Chiambaretta. ture urbaine. venter Paris II ». Les évolutions sont très chez soi et le coworking. Certaines villes entité, le Grand Lyon, qui gère de manière La première des évolutions concerne l’en- rapides aujourd’hui, y compris sur la investissent d’ailleurs pour créer de Le projet du Cloud est une restructuration Ainsi, dans le film de PCA-Stream, Gilles centralisée les transports, le logement, veloppe des bâtiments : c’est le résultat de façon de faire les concours : ceux qui nouveaux espaces de travail. En matière d’immeubles réalisée pour le compte de Clément, paysagiste, intervient pour par- l’éducation, l’économie. Lyon a sup- la prise en compte des transformations, ont participé à « Réinventer Paris » s’en d’urbanisme, la frontière entre les zones SFL. L’enveloppe extérieure et les façades ler de l’illusion de l’infinitude de l’espace. primé le département et à chaque élec- résultant de ce que Gilbert Emont appelle souviennent. C’était un concours très axé tertiaires et les zones de logements et ne traduisent pas forcement l’évolution Considérant que la biomasse est en train tion municipale, le Grand Lyon se dote dans le film de PCA-Stream la révolution sur la communication pour la Ville de commerces est devenue progressivement de la forme urbaine du fait de la restruc- de disparaître sur la terre et que donc d’institutions administratives et poli- de l’urbain, que ce soit les transforma- Paris, où au final, ce qui va en ressortir poreuse. turation respectueuse du passé, mais plus rien ne sera infini, il faut prendre en tiques stables pour 6 ans. Fusion des tions de l’économie numérique, de l’ur- est aussi important que le fait que ce c’est surtout à l’intérieur que l’on voit compte selon lui le paysage au début des compétences, gestion centralisée et sta- gence climatique, du besoin de prendre Le droit s’adapte pour permettre les évo- l’évolution du fonctionnement urbain. projets et dans son aspect multidiscipli- concours révèle une nouvelle façon de bilité des centres de pouvoir sont les clés en compte le développement durable, lutions et les encadrer. Il tend à susciter Pour Éric Oudard, directeur technique narité. Dans le film, Nicolas Bel intervient, penser et l’expression d’un besoin, un de la réussite du développement de cette l’écologie, la transformation démo- des comportements vertueux et à favo- et développement de SFL, le Cloud « sym- quant à lui, sur l’agriculture urbaine : le besoin de faire autrement, d’avoir cette métropole. graphique. riser l’intérêt général. À titre d’exemple, bolise la mise en réseau, la connexion fondateur de Topager a le souci de l’agri- approche transdisciplinaire exprimée lors d’un recours, le Conseil d’État a En Île-de-France, la situation est diffé- Les évolutions récentes des formes interne et externe des personnes et des culture urbaine qui n’est pas seulement par Philippe Chiambaretta dans le film accepté, au nom de l’intérêt général, une rente. La région et les communes ont urbaines sont aussi le résultat, la consé- entreprises présentes dans l’immeuble ». un gadget mais aussi une recherche PCA-Stream. opération de coworking à Paris dans un des calendriers politiques différents ; quence d’un changement de la façon de bâtiment préalablement affecté au loge- L’autre exemple révélateur de la pro- d’agriculture ou d’économie durable, avec La Métropole du Grand Paris a tenu la première essaie d’appliquer les pro- concevoir l’immobilier, qui vient de l’im- ment et aux services publics. L’évolution fonde transformation intérieure des l’objectif de faire pousser des plantes et compte du parcours du concours initia- grammes sur lesquels elle a été élue, portance qu’a prise la valeur d’usage. de l’hôtellerie avec l’arrivée d’Airbnb et la immeubles qui est cité dans le film est des aliments d’une manière durable dans teur « Réinventer Paris » pour optimiser même si cela remet en cause ce qui a été Dans le film de PCA-Stream et lors de la modification des politiques de transport le Stream Building d’Eurosic imaginé par le respect de l’environnement. son concours « Inventons la Métropole du décidé par les communes concernées. On visite du siège social de La Française, on avec Uber sont autant d’exemples de la Philippe Chiambaretta, qui traite de la Grand Paris » ; et la Ville de Paris va tenir assiste à un empilement de réglementa- ressent que la valeur d’usage est placée Un autre aspect du changement de la nécessaire adaptation du droit face à multifonction, du multiusage pour créer compte de ce qui s’est passé sur son tions, qui doivent être compatibles entre au centre de tous les choix de conception façon de concevoir les projets est le fait l’impact de la numérisation. un lieu de vie et des formes nouvelles du premier concours pour améliorer son elles, et qui changent très souvent. La de l’immobilier. Alors, les évolutions ne qu’aujourd’hui les process font inter- travail selon l’architecte. second « Réinventer Paris II ». durée moyenne de stabilité d’un docu- Le droit est ainsi un élément de régulation se limitent plus seulement à l’enveloppe venir de plus en plus tôt les opérateurs ment d’urbanisme en matière de compa- qui essaie de préserver les protections des bâtiments, mais à l’ensemble des élé- Le dernier exemple également révélateur privés. Cela rejoint un peu la question Ces nouvelles façons de concevoir les tibilité en Île-de-France est de 18 mois… individuelles, et cherche à maintenir un ments constitutifs de l’immeuble, l’exté- d’une époque en mutation est le siège du financement dans la conception des projets immobiliers, très clairement, ont SÉMINAIRE 7 L’urbanisme planifié en Île-de-France a équilibre entre les parties prenantes. Il rieur, l’intérieur, le visible, le non-visible, social du groupe La Française, immeuble projets avec de la co-construction, de la et auront un impact direct sur les formes CONTRIBUTIONS DES AUDITEURS de fait marqué le pas et il est très diffi- régule mais souvent avec un temps de l’immobilier, le mobilier. de l’architecte Franklin Azi, que Xavier co-conception public/privé. urbaines.

80 81 CONCLUSION tif : créer une ville humaine, intelligente, cupations des collaborateurs. On parle écologiquement responsable, ouverte et ainsi d’entreprise intelligente, humaine, inclusive avec des lieux d’échanges. numérique, comportant des lieux de ren- Nous en concluons donc que certaines 7 tendances sont en train de se dessiner et À l’échelle des entreprises, nous retrou- contres et d’échanges avec de nouveaux de se mettre en place, remettant en cause vons une grande similitude d’évolutions : modèles économiques à réinventer. On les modèles traditionnels et usages bien nouvelles technologies, nouveaux usages, retrouve des objectifs d’évolution com- connus. Nous sommes arrivés à la fin nouvelles générations (digitales natives), mune à l’échelle des villes et des entre- d’un cycle avec l’émergence de nouvelles tout va très vite et les générations se suc- prises avec une évolution des priorités priorités et de nouvelles données éco- cèdent avec des habitudes et des prio- et des comportements des salariés ou nomiques, sociétales, démographiques, rités différentes, obligeant également à utilisateurs de ces lieux. numériques et environnementales. repenser les modèles d’aujourd’hui et de demain. Il faut donc dès maintenant intégrer Les villes et l’organisation du travail au toutes ces évolutions dans l’architecture sein des entreprises sont en pleine muta- Notre façon de travailler ne sera plus la urbaine à venir tion. Le financement, la régulation et la même : éthique, écologie, bien-être, épa- forme urbaine ne sont que des moyens nouissement personnel et professionnel, Quelle sera la ville de demain ? En réalité pour atteindre un seul et unique objec- nomadisme sont au cœur des préoc- nul ne le sait. Une certitude : la ville sera !

Nous remercions tous ceux qui ont participé à la réalisation de cet ouvrage.

Collection « Les Actes de l’Institut Palladio® » ISSN 2268-848X Cycle 2017 - La Ville de demain : quelle place pour le travail ? Édition Novembre 2017

Les « Actes de l’Institut Palladio® » est une publication de la Fondation Palladio, sous l’égide de la Fondation de France. Siège administratif et adresse postale : 5 bis, rue Volney 75002 Paris Siège social : 40, avenue Hoche 75008 Paris www.fondationpalladio.fr - Tél : +33 (0)1 40 38 38 31

Conception graphique : Autonne, www.autonne.com Imprimeur labellisé imprim’vert Crédits photos : Fondation Palladio, Nicolas Grout, Istock SÉMINAIRE 7

82 83 INSTITUT PALLADIO DES HAUTES ÉTUDES SUR L’IMMOBILIER ET LA CITÉ COLLECTION « LES ACTES DE L’INSTITUT PALLADIO® »

DÉJÀ PARU 2012 : LA VILLE DE DEMAIN POUR QUELS TERRITOIRES ? 2013 : LA VILLE DE DEMAIN POUR QUELS HABITANTS ? 2014 : LA VILLE DE DEMAIN POUR QUELS USAGES ? 2015 : LA VILLE DE DEMAIN POUR QUELLES VALEURS ? 2016 : LA VILLE DE DEMAIN À L’ÈRE DE LA RESPONSABILITÉ SOCIÉTALE

À PARAÎTRE EN 2018 : HABITER LA VILLE DE DEMAIN

Fondateurs ALTAREA COGEDIM l BNP PARIBAS REAL ESTATE l COPI l EY l FONCIÈRE DES RÉGIONS l GECINA l ICADE l KLÉPIERRE l LA FRANÇAISE l UNIBAIL-RODAMCO.

Mécènes ADI / Association des Directeurs Immobiliers l GROUPE ADP / Aéroports de Paris l AE75 l AFFINE l AFILOG l AGENCE D’ARCHITECTURE ANTHONY BECHU l ALILA l AMO / Architecture et Maîtres d’Ouvrage l AMUNDI IMMOBILIER l ARTELIA l GROUPE BALAS l BOUYGUES IMMOBILIER l BPD MARIGNAN l

CAPITAL & CONTINENTAL l CBRE l CDIF / Club des développeurs immobiliers et fonciers l CEGEREAL l CITYNOVE-GROUPE GALERIES LAFAYETTE l CLESTRA HAUSERMAN l CLIMESPACE-GROUPE ENGIE l COSY HOME l CRÉDIT AGRICOLE IMMOBILIER l GROUPE DUVAL l EGIS l EIFFAGE IMMOBILIER l

EMERIGE l ENIA ARCHITECTES l EUROSIC l FFB / Fédération Française du Bâtiment l FPI / Fédération

Promoteurs Immobiliers l FREO l FREY l GROUPE GA l GENERALI REAL ESTATE FRENCH BRANCH l GÉNIE DES LIEUX l GRAND PARIS AMÉNAGEMENT l GROUPAMA IMMOBILIER l INGÉROP l INTERCONSTRUCTION l KAUFMAN & BROAD l MACIFIMO l MOBILITIS l OGIC l ORANGE l GROUPE

PANHARD l PATRIMOINE & COMMERCE l PCA-STREAM / Philippe Chiambaretta Architecte l PERIAL l POSTE IMMO l REOLIAN l RESOLVING l RICS FRANCE l S2T l SAPHYR l SCAU l SEFRI-CIME l

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