Des Protestants Nous Parlent De Leur Chanson Préférée,Des Festivals De
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Publié le 10 août 2018(Mise à jour le 28/07) Par Floréal Melgar La chanson est-elle un art majeur ? L’ancien animateur du Forum Léo Ferré, salle de spectacle qui défend, depuis 2001, des artistes français exigeants, estime que la chanson est un art majeur. Lors d’une émission de télévision restée célèbre, à laquelle participait aussi Guy Béart, Serge Gainsbourg déclarait à propos de la chanson, de façon péremptoire, qu’elle était un art mineur. Pour unique argument, l’auteur du Poinçonneur des Lilas affirmait que les arts majeurs – parmi lesquels il rangeait la peinture, l’architecture et la musique classique – exigent une initiation, ce qui selon lui n’était pas le cas de la chanson– « nos conneries », disait-il. La question de savoir si la chanson est un art majeur ou mineur méritait assurément beaucoup mieux que la triste prestation offerte par notre provocateur professionnel. Sans doute s’expliquait-elle par le peu de sympathie éprouvée par Gainsbourg envers son vis-à-vis. Béart n’ignorait bien sûr rien du côté tricheur de Gainsbourg, dont les « emprunts » avaient parfois pu être assimilés à du plagiat, et sans doute ce dernier fut-il blessé dans son narcissisme par le seul fait de devoir s’exprimer devant un auteur-compositeur-interprète à qui on ne pouvait certes pas reprocher la même chose. Peut-être convient-il également d’ajouter que l’habitude prise à cette époque par Gainsbourg d’apparaître sur le petit écran dans… comment dire… un « état second » a-t-elle compté dans cette attitude immature et difficilement supportable. Surpris par les propos de Gainsbourg, Bernard Pivot s’étonna auprès de lui de son insistance à qualifier de mineure une activité à laquelle il consacrait tout son temps, non sans beaucoup de talent quelquefois d’ailleurs. N’y a-t-il pas parfois des œuvres qui échappent à ce verdict sévère ?, semblait vouloir dire l’animateur de l’émission Apostrophes. C’était là une belle occasion offerte à Gainsbourg de nuancer son propos et de mettre en avant le formidable patrimoine dont nous disposons en matière de chansons françaises, où nichent d’innombrables chefs- d’œuvre. Un autre que lui en eût certainement profité également pour mettre en avant quelques-uns de ses confrères en chanson qui ont porté cet art jusque sur des sommets. Lui qui fut le contemporain de Brassens, Ferré, Brel, Caussimon, Nougaro, Fanon et bien d’autres n’avait que l’embarras du choix. Hélas, Gainsbourg ne vit alors modestement qu’un seul auteur à citer, ayant « frôlé, approché Rimbaud » : lui-même. Savoir si la chanson est un art majeur ou art mineur me semble une préoccupation purement générationnelle. Il ne m’a jamais semblé que ce débat pouvait entraîner autant de passions que parmi les bataillons du baby-boom, nés à la chanson avec l’apparition au grand jour des quelques noms célèbres cités plus haut. Cette nécessité de qualifier la chanson d’art majeur est apparue avec ceux qui ont porté la chanson à son âge d’or. C’était là une façon de rendre hommage aux incontestables qualités littéraires et poétiques des chanteurs à texte les plus en vue, et aussi peut-être, inconsciemment, de s’assurer d’un bon goût en une époque où le yé-yé s’ingéniait plutôt à tirer la chanson vers le bas. Comme l’écrivait Brassens dans une lettre adressée à son ami libertaire Roger Toussenot, « il y a des chansons mineures ». Mais avoir été nourri dans sa jeunesse à la poésie des Leclerc et Brassens, des Ferré, Brel et compagnie – Béart se situant d’ailleurs dans ladite compagnie – ne prédisposait pas à admettre qu’on vienne régulièrement contester ce qui était pour nous une évidence, que cette contestation fût prononcée de manière provocatrice et vulgaire à la façon de Gainsbourg ou pensée plus sérieusement comme un Malraux, ministre de la Culture qui, aux dires de Brassens, « comptait la musique pour moins que zéro ». Un art moyen ? Mais les temps ont changé, et à vrai dire, s’il n’est plus contestable que les années 50 et 60 du siècle dernier ont consacré une certaine chanson en tant qu’art majeur, la question ne peut plus se poser dans les mêmes termes. Aujourd’hui, le show-biz, devenu industrie culturelle, ne permet plus l’émergence et encore moins la diffusion à large échelle d’une chanson à texte qu’on pouvait autrefois découvrir à la télévision ou à la radio. Sa quasi-disparition des scènes nationales où seuls la danse, le théâtre et les « gavés crétinisants du show-biz » ont droit à l’existence n’a fait qu’aggraver le problème. Reste bien sûr la chanson condamnée à rester en marge, où des jeunes gens pleins de mérite tentent de maintenir à flot une production digne de leurs respectables aînés. Mais l’accès de plus en plus en plus aisé à l’informatique (qu’il s’agisse des instruments de musique, claviers divers, ordinateurs programmés ou matériel d’enregistrement, la possibilité de jouer et graver des CD) a fait connaître à la chanson ce qu’a connu avant elle la photographie. Le nombre de personnes qui aujourd’hui écrivent des chansons et les interprètent est phénoménal. Cela permet bien sûr à chacun de s’exprimer, ce qui est une bonne chose, mais, comme dans toute activité artistique en expansion, le phénomène, s’il ne devrait pas empêcher l’éclosion d’artistes majeurs, aura sans doute davantage tendance à faire de plus en plus de la chanson un art moyen. Publié le 9 août 2018(Mise à jour le 12/08) Par Rédaction Réforme Des protestants nous parlent de leur chanson préférée Plusieurs protestantes et protestants, bien connus de nos abonnés, ont accepté de nous livrer un secret. Ils nous révèlent quelle est leur chanson fétiche. Maman est folle William Sheller « Maman est folle, On n’y peut rien Mais c’qui nous console, C’est qu’elle nous aime bien, Quand elle s’envole On lui tient la main, Comme un ballon frivole, Au gré du vent qui vient… » Cette chanson de William Sheller, dont voici la première strophe, me ramène à mes années de collège. Un jeune professeur de musique un peu audacieux décide de monter un orchestre. Je joue de l’alto, je m’inscris. Et je découvre grâce à lui l’univers de Sheller, ses musiques aux harmonisations travaillées et ces paroles qui décrivent la « vraie vie », c’est-à-dire une réalité complexe, douce-amère, entre humour, légèreté, gravité et même tragique, où affleurent la fragilité des relations, l’importance de la poésie et le prix inestimable de l’amour, même au cœur du chaos. Emmanuelle Seybolt présidente du Conseil national de l’ÉPUdF La nuit je mens Alain Bashung Cette chanson est tirée de l’album Fantaisie militaire. J’ai découvert Bashung au lycée, en 1979, avec un grand ami à moi mort aujourd’hui. J’aime la façon dont cette chanson déroule une histoire que l’on peut lire dans un sens comme dans l’autre. Multiplicité d’images burlesques et dramatiques qui s’entrechoquent. On peut l’écouter et refaire le monde en même temps, des soirées entières « à faire la cour à des murènes » avec « dans nos bottes des montagnes de questions ». Ce n’est pas une chanson à thème, elle est juste absurde, ce qu’il faut pour résister à la cacophonie du monde et aux chagrins d’amour. Bashung, j’arrive à l’écouter sans nostalgie, juste sa voix et les mots qui évoquent des ambiances que j’avais oubliées. Prodigieux artiste qui ne se prend pas au sérieux malgré son air crooner. Brice Deymié aumônier national des prisons, Fédération protestante de France (FPF) Nuit et brouillard (1) Jean Ferrat J’ai baigné dans la musique dès l’enfance, celle des cantiques et des disques de musique classique entonnés et écoutés en famille. J’ai commencé à entendre de la musique de variétés lorsque j’étais pensionnaire au lycée mais les Hallyday, Vartan, Sheila et autres ne m’enthousiasmaient pas. C’est Jean Ferrat qui m’a fait découvrir la chanson engagée. Le souvenir de ma première écoute de Nuit et brouillard est indélébile dans ma mémoire : à 15 ans, je n’avais jamais entendu parler des camps de concentration ! Cette chanson a fait naître la curiosité puis la stupéfaction, la colère et enfin la révolte qui ne m’a pas quittée. C’est donc vers les chanteurs qui ont des « choses fortes à dire » que j’oriente mes choix d’écoute musicale. Édith Tartar-Goddet psychosociologue, présidente de l’ap2e / association protestante pour l’éducation et l’enseignement Nuit et brouillard (2) Dans le salon du presbytère de la cour Saint-Ruf, à Valence, je plaçais le bras du tourne-disque sur les sillons des 45 tours, dont celui de Jean Ferrat. Et j’alternais l’écoute de C’est beau la vie et l’autre, tragique, indéchiffrable pour mon esprit de 7 ans, Nuit et brouillard. Une histoire de mort, l’évocation d’une plainte infinie, un effroyable voyage recommencé à chaque écoute. J’avais peine à comprendre ce qui s’était passé même si mon père m’avait tout raconté, même si je savais que cela avait existé. Lors de l’entrée de Simone Veil au Panthéon, un chœur d’enfants a chanté Nuit et Brouillard. Avec les invités d’une tribune silencieuse, j’ai pleuré des larmes intérieures. Le souvenir de Valence m’a saisi. J’ai compris alors qu’une chanson pouvait changer la vie, qu’un psaume pouvait énoncer une vérité et lancer un appel à ne jamais oublier.