Publié le 10 août 2018(Mise à jour le 28/07) Par Floréal Melgar

La chanson est-elle un art majeur ?

L’ancien animateur du Forum Léo Ferré, salle de spectacle qui défend, depuis 2001, des artistes français exigeants, estime que la chanson est un art majeur.

Lors d’une émission de télévision restée célèbre, à laquelle participait aussi Guy Béart, Serge Gainsbourg déclarait à propos de la chanson, de façon péremptoire, qu’elle était un art mineur.

Pour unique argument, l’auteur du Poinçonneur des Lilas affirmait que les arts majeurs – parmi lesquels il rangeait la peinture, l’architecture et la musique classique – exigent une initiation, ce qui selon lui n’était pas le cas de la chanson– « nos conneries », disait-il.

La question de savoir si la chanson est un art majeur ou mineur méritait assurément beaucoup mieux que la triste prestation offerte par notre provocateur professionnel. Sans doute s’expliquait-elle par le peu de sympathie éprouvée par Gainsbourg envers son vis-à-vis.

Béart n’ignorait bien sûr rien du côté tricheur de Gainsbourg, dont les « emprunts » avaient parfois pu être assimilés à du plagiat, et sans doute ce dernier fut-il blessé dans son narcissisme par le seul fait de devoir s’exprimer devant un auteur-compositeur-interprète à qui on ne pouvait certes pas reprocher la même chose.

Peut-être convient-il également d’ajouter que l’habitude prise à cette époque par Gainsbourg d’apparaître sur le petit écran dans… comment dire… un « état second » a-t-elle compté dans cette attitude immature et difficilement supportable.

Surpris par les propos de Gainsbourg, Bernard Pivot s’étonna auprès de lui de son insistance à qualifier de mineure une activité à laquelle il consacrait tout son temps, non sans beaucoup de talent quelquefois d’ailleurs. N’y a-t-il pas parfois des œuvres qui échappent à ce verdict sévère ?, semblait vouloir dire l’animateur de l’émission Apostrophes. C’était là une belle occasion offerte à Gainsbourg de nuancer son propos et de mettre en avant le formidable patrimoine dont nous disposons en matière de chansons françaises, où nichent d’innombrables chefs- d’œuvre.

Un autre que lui en eût certainement profité également pour mettre en avant quelques-uns de ses confrères en chanson qui ont porté cet art jusque sur des sommets. Lui qui fut le contemporain de Brassens, Ferré, Brel, Caussimon, Nougaro, Fanon et bien d’autres n’avait que l’embarras du choix.

Hélas, Gainsbourg ne vit alors modestement qu’un seul auteur à citer, ayant « frôlé, approché Rimbaud » : lui-même. Savoir si la chanson est un art majeur ou art mineur me semble une préoccupation purement générationnelle. Il ne m’a jamais semblé que ce débat pouvait entraîner autant de passions que parmi les bataillons du baby-boom, nés à la chanson avec l’apparition au grand jour des quelques noms célèbres cités plus haut.

Cette nécessité de qualifier la chanson d’art majeur est apparue avec ceux qui ont porté la chanson à son âge d’or. C’était là une façon de rendre hommage aux incontestables qualités littéraires et poétiques des chanteurs à texte les plus en vue, et aussi peut-être, inconsciemment, de s’assurer d’un bon goût en une époque où le yé-yé s’ingéniait plutôt à tirer la chanson vers le bas. Comme l’écrivait Brassens dans une lettre adressée à son ami libertaire Roger Toussenot, « il y a des chansons mineures ».

Mais avoir été nourri dans sa jeunesse à la poésie des Leclerc et Brassens, des Ferré, Brel et compagnie – Béart se situant d’ailleurs dans ladite compagnie – ne prédisposait pas à admettre qu’on vienne régulièrement contester ce qui était pour nous une évidence, que cette contestation fût prononcée de manière provocatrice et vulgaire à la façon de Gainsbourg ou pensée plus sérieusement comme un Malraux, ministre de la Culture qui, aux dires de Brassens, « comptait la musique pour moins que zéro ».

Un art moyen ?

Mais les temps ont changé, et à vrai dire, s’il n’est plus contestable que les années 50 et 60 du siècle dernier ont consacré une certaine chanson en tant qu’art majeur, la question ne peut plus se poser dans les mêmes termes. Aujourd’hui, le show-biz, devenu industrie culturelle, ne permet plus l’émergence et encore moins la diffusion à large échelle d’une chanson à texte qu’on pouvait autrefois découvrir à la télévision ou à la radio.

Sa quasi-disparition des scènes nationales où seuls la danse, le théâtre et les « gavés crétinisants du show-biz » ont droit à l’existence n’a fait qu’aggraver le problème. Reste bien sûr la chanson condamnée à rester en marge, où des jeunes gens pleins de mérite tentent de maintenir à flot une production digne de leurs respectables aînés.

Mais l’accès de plus en plus en plus aisé à l’informatique (qu’il s’agisse des instruments de musique, claviers divers, ordinateurs programmés ou matériel d’enregistrement, la possibilité de jouer et graver des CD) a fait connaître à la chanson ce qu’a connu avant elle la photographie. Le nombre de personnes qui aujourd’hui écrivent des chansons et les interprètent est phénoménal. Cela permet bien sûr à chacun de s’exprimer, ce qui est une bonne chose, mais, comme dans toute activité artistique en expansion, le phénomène, s’il ne devrait pas empêcher l’éclosion d’artistes majeurs, aura sans doute davantage tendance à faire de plus en plus de la chanson un art moyen. Publié le 9 août 2018(Mise à jour le 12/08) Par Rédaction Réforme

Des protestants nous parlent de leur chanson préférée

Plusieurs protestantes et protestants, bien connus de nos abonnés, ont accepté de nous livrer un secret. Ils nous révèlent quelle est leur chanson fétiche.

Maman est folle William Sheller

« Maman est folle, On n’y peut rien Mais c’qui nous console, C’est qu’elle nous aime bien, Quand elle s’envole On lui tient la main, Comme un ballon frivole, Au gré du vent qui vient… »

Cette chanson de William Sheller, dont voici la première strophe, me ramène à mes années de collège. Un jeune professeur de musique un peu audacieux décide de monter un orchestre. Je joue de l’alto, je m’inscris. Et je découvre grâce à lui l’univers de Sheller, ses musiques aux harmonisations travaillées et ces paroles qui décrivent la « vraie vie », c’est-à-dire une réalité complexe, douce-amère, entre humour, légèreté, gravité et même tragique, où affleurent la fragilité des relations, l’importance de la poésie et le prix inestimable de l’amour, même au cœur du chaos. Emmanuelle Seybolt présidente du Conseil national de l’ÉPUdF

La nuit je mens Alain Bashung

Cette chanson est tirée de l’album Fantaisie militaire. J’ai découvert Bashung au lycée, en 1979, avec un grand ami à moi mort aujourd’hui. J’aime la façon dont cette chanson déroule une histoire que l’on peut lire dans un sens comme dans l’autre. Multiplicité d’images burlesques et dramatiques qui s’entrechoquent. On peut l’écouter et refaire le monde en même temps, des soirées entières « à faire la cour à des murènes » avec « dans nos bottes des montagnes de questions ».

Ce n’est pas une chanson à thème, elle est juste absurde, ce qu’il faut pour résister à la cacophonie du monde et aux chagrins d’amour. Bashung, j’arrive à l’écouter sans nostalgie, juste sa voix et les mots qui évoquent des ambiances que j’avais oubliées. Prodigieux artiste qui ne se prend pas au sérieux malgré son air crooner.

Brice Deymié aumônier national des prisons, Fédération protestante de France (FPF)

Nuit et brouillard (1) Jean Ferrat

J’ai baigné dans la musique dès l’enfance, celle des cantiques et des disques de musique classique entonnés et écoutés en famille. J’ai commencé à entendre de la musique de variétés lorsque j’étais pensionnaire au lycée mais les Hallyday, Vartan, Sheila et autres ne m’enthousiasmaient pas. C’est Jean Ferrat qui m’a fait découvrir la chanson engagée. Le souvenir de ma première écoute de Nuit et brouillard est indélébile dans ma mémoire : à 15 ans, je n’avais jamais entendu parler des camps de concentration ! Cette chanson a fait naître la curiosité puis la stupéfaction, la colère et enfin la révolte qui ne m’a pas quittée. C’est donc vers les chanteurs qui ont des « choses fortes à dire » que j’oriente mes choix d’écoute musicale.

Édith Tartar-Goddet psychosociologue, présidente de l’ap2e / association protestante pour l’éducation et l’enseignement

Nuit et brouillard (2)

Dans le salon du presbytère de la cour Saint-Ruf, à Valence, je plaçais le bras du tourne-disque sur les sillons des 45 tours, dont celui de Jean Ferrat. Et j’alternais l’écoute de C’est beau la vie et l’autre, tragique, indéchiffrable pour mon esprit de 7 ans, Nuit et brouillard. Une histoire de mort, l’évocation d’une plainte infinie, un effroyable voyage recommencé à chaque écoute. J’avais peine à comprendre ce qui s’était passé même si mon père m’avait tout raconté, même si je savais que cela avait existé.

Lors de l’entrée de Simone Veil au Panthéon, un chœur d’enfants a chanté Nuit et Brouillard. Avec les invités d’une tribune silencieuse, j’ai pleuré des larmes intérieures. Le souvenir de Valence m’a saisi. J’ai compris alors qu’une chanson pouvait changer la vie, qu’un psaume pouvait énoncer une vérité et lancer un appel à ne jamais oublier. Les enfants perdus des wagons plombés ne seront pas oubliés. Mon enfance sera élevée à jamais par ces mots de Jean Tenenbaum.

François Clavairoly pasteur, président de la FPF

Laisse-moi t’aimer Mike Brant

C’est la chanson de mes 15 ans, la chanson qui m’a marqué. J’habitais alors une petite ville de l’Aisne, Hirson, à la frontière avec la Belgique.

Nous sommes restés plusieurs mois dans cette ville car ma grand-mère maternelle était malade et hospitalisée là. Impossible de reprendre la route. Résultat, c’est une période où j’ai davantage été scolarisé. Cette chanson si belle est donc lié au souvenir de ma grand-mère et à une période particulière de ma vie. Je l’avais entendue à la radio puis j’ai acheté le 45 tours car on m’avait offert un mange-disque. Pour des gens du voyage, c’était un objet pratique. Pas besoin d’avoir accès à l’électricité, il marchait à piles.

Mike Brant était mon idôle, je cherchais à lui ressembler, à m’habillercomme lui, à mettre des chemises à grand col… Comme beaucoup de collégiens, j’ai été marqué par son suicide. Je m’en souviens encore.

Mario Holderbaum pasteur, secrétaire national de la Mission évangélique tzigane de France

Sans la nommer Georges Moustaki

Cette chanson a pour moi le goût des luttes joyeuses et déterminées. C’est une des rares chansons que je connais par cœur et qui réveille en moi à la fois la joie et l’indignation.Elle a cette particularité de démarrer à tâtons, sur la pointe des pieds et se terminer dans un grand éclat de voix collectif.

Nous la chantions à tue-tête, étudiants, avec mes ami.es le soir après des après- midi de manifestations, rêvant d’un monde meilleur, vibrant du collectif qui agit, vivants ! Je l’écoute à la fois avec nostalgie pour me remémorer ces instants mais aussi pour me donner du courage, et conserver intact l’indignation de mes 20 ans, qui met en mouvement et permet de ne pas se satisfaire d’une vie tiède.

Elsa Bouneau directrice de la Fondation du protestantisme

Lily Pierre Perret

J’avais dix ans quand j’ai entendu Lily et c’est une chanson qui ne m’a plus quittée. Elle m’a ouvert les yeux sur la condition de ceux qui peuvent être rejetés au nom de leur différence, au nom de leur couleur de peau. Je n’en avais pas conscience, sans doute parce que j’avais évolué jusque-là dans un milieu protégé. J’aime cette chanson parce qu’elle s’achève sur l’espoir que la situation change, sur l’idée que l’amour peut tout transcender et que la venue d’un enfant renverse les plus vieux préjugés du monde.

J’écoute beaucoup de musique, de la chanson française mais aussi du rap et des chansons dans toutes les langues (russe, coréen, japonais…). Je suis curieuse des différents univers qui existent. La musique en général est ce qui me permet de tenir le coup dans les moments difficiles. Elle joue un rôle de stabilisateur émotionnel. Élise Lazarus pasteure, équipe de liturgie de la Fédération nord des Églises adventistes

Le jour se lève encore Jean-Louis Aubert

Le jour se lève encore est non seulement une prédication de Pâques sans le verni religieux, mais une résurrection. Jean-Louis Aubert reçoit un fax de la chanteuse Barbara : ce sont des mots qu’il met en musique sans savoir que c’est déjà une chanson de son amie. La version originale plutôt swing est transcendée par une mélodie chargée de rage qui souligne la cruauté dont l’homme est capable.

N’y a-t-il plus que le découragement et la résignation pour horizon ? L’espérance serait-elle morte et nous avec ? Non, la vie – Dieu – insiste, malgré notre sentiment d’être en fin de course : « Même si tu ne crois plus à l’aurore, tu verras, le jour se lève encore. » Ce peut-être « pâle », c’est suffisamment puissant pour avoir le désir de « reprendre le corps à corps ». Une chanson qui m’aide à traverser mes nuits plus rapidement.

James Woody pasteur ÉPUdF, Montpellier

Ma plus belle histoire d’amour c’est vous Barbara

J’aime beaucoup toutes les chansons de Barbara, mais celle-ci me touche particulièrement parce qu’elle dit avec pudeur l’attente de la rencontre. Je sais que le vous qu’elle emploie ici désigne son public. Mais ce mot peut aussi représenter un être aimé. Longtemps, je l’ai écoutée en songeant à quelqu’un de tout à fait particulier. Avec l’amour de ma vie, nous l’avons écoutée, réécoutée plusieurs fois. C’est aujourd’hui pour moi une chanson de compagnonnage, à double sens, qui dit l’essentiel de l’amour.

Geneviève Jacques ancienne présidente de la Cimade

La Mer La Mer a marqué mon enfance et mon adolescence. Je revois ma grand-mère avec ses grands yeux bleus entonner cette chanson avec ma mère et ses sœurs autour du piano, puis suivies par tous mes cousins et moi à la fin d’un repas. C’est une chanson qui respire les vacances, festive, joyeuse et familiale. Elle est devenue, sans vraiment que nous l’ayons voulu, la chanson de la famille du côté maternel (en dehors des cantiques protestants comme À toi la Gloire évidemment…).

Quand nous entonnons La Mer , nous sommes encore plus ensemble, comme si cette chanson nous appartenait. Elle évoque aussi pour moi l’île d’Yeu, le bord de mer où nous passons nos vacances depuis que je suis née. Cette chanson parle de l’été, des oiseaux blancs, de l’infini et de la beauté de l’Océan… La mer est merveille, un enchantement mystérieux. « C’est une chanson d’amour », avait coutume de dire Charles Trenet. Je la chante maintenant souvent en voiture avec mes enfants. « La mer a bercé mon cœur pour la vie. »

Karine Sicard-Bouvatier photographe

Kid Eddy de Pretto

On m’appelle parfois juke-box : un mot et une chanson me vient à l’esprit… Et en français dans le texte souvent ! Je suis très éclectique. Alors quand je vois Eddy de Pretto sur scène avec son orchestre dans son téléphone, j’aime. Une gueule qu’on n’oublie pas, des airs de Brel ou Nougaro… Âgé de 25 ans, ce jeune auteur- interprète décape tout sur son passage. De Ma fête de trop à Ego, son album Cure décoiffe. Dans sa chanson Kid, c’est toute la force violente de l’éducation paternelle qu’il dénonce crûment : « Tu seras viril mon fils, je ne veux voir aucune once féminine […]. Virilité abusive […] Je veux voir ton teint pâle se noircir de bagarre et forger ton mental. » À méditer à l’heure des #Metoo et de l’égalité femme-homme !

Bernard Guillot directeur du Nouveau Messager, Strasbourg

Le Déserteur Boris Vian Cette chanson m’a touché dès mon adolescence. Témoin d’une génération pacifiste dès les années 50, elle posait une question éthique. Adolescent, on chantait la reprise de Renaud, provocatrice, insultant les militaires et invitant le président à venir fumer des pétards (aujourd’hui Renaud est malade et « embrasse les flics »). Plus sobrement, la chanson de Vian évoque les morts et souffrances d’une famille durant la guerre et appelle à la désertion, à une désobéissance, avec ou sans violence, selon la censure.

Désertion, objection de conscience, désobéissance civile sont des thèmes d’actualité aujourd’hui, par exemple autour de l’accueil des migrants, de l’écologie, du tout technologique ou sécuritaire. Face aux injustices, comment « Résister » ?

Joël Dahan aumônier John Bost, auteur de chansons

Une belle histoire Michel Fugain

Je ne peux entendre le début de cette chanson sans penser à cet été 1972 : je retrouve Maman chez ma grand-mère, elle me dit qu’elle vient d’entendre une formidable chanson, je rétorque que moi aussi ! J’ai 10 ans et pour la première fois je partage un goût musical avec mes parents. Cette histoire d’amour est inextricablement liée à la construction de « l’autoroute des vacances », l’A6 finalisée par le tunnel de Fourvière en 1971. Chaque été nous descendions nous aussi « dans le Midi », route de nuit en convoi, enfants allongés par terre et sur la banquette arrière, odeur du café. La mer apparaissait soudain au petit matin, l’excitation était à son comble.

« Ils avaient le ciel à portée de main, un cadeau de la providence… » Les vacances pouvaient commencer.

Isabelle Schlumberger membre du CA de Réforme

Puisque tu pars Jean-Jacques Goldman

Cette chanson a beaucoup de sens pour moi. Par le contenu de ses paroles, elle traduit bien ce que je pense du consentement, c’est-à-dire d’un détachement qui ne se confond pas avec l’indifférence ou la résignation.

La personne qui part est aimée mais elle est libre ; et nous aussi, qui écoutons la chanson et qui pouvons l’aimer, nous sommes libres. Par cette œuvre, Jean- Jacques Goldman indique bien que l’être aimé n’est pas un objet. Il nous invite à sortir de l’amour possessif. En d’autres termes, cette chanson tisse un lien subtil entre l’amour et la liberté.

La voix du chanteur est belle aussi. De façon simple, dénuée d’affectation, Jean- Jacques Goldman exprime une profondeur de sentiments qui me semble être sa marque. Et comme toujours, mais peut-être un peu plus que de coutume, il chante une mélodie très tendre et l’accompagne d’harmonies qui me touchent elles aussi par leur évidence, leur naturel.•

Philippe Kabongo M’baya pasteur ÉPUdF

Quand on n’a que l’amour Jacques Brel

1956, une année de grandes violences : Guy Mollet trahit ses électeurs en relançant la guerre d’Algérie par le rappel des réservistes (dont mon frère aîné… et je participe à mes premières manifs contre la guerre). Fin octobre, c’est l’écrasement par les chars russes de l’insurrection de Budapest et l’expédition des paras français à Suez.

Et là, Brel, qui connaît comme tout le monde la dure réalité des rapports de force, élève cette voix, naïvement idéaliste, qui fait basculer ceux qui peuvent y croire du désespoir à l’espoir. 1956, c’est loin. Bien des jeunes gens ne connaissent plus cette chanson. Pourtant, elle sera toujours d’actualité. Aussi longtemps que deux amoureux n’ayant que leur amour pour richesse sauront qu’il est une source inépuisable d’espérance pour tous : « Quand on n’a que l’amour Pour parler aux canons, Et rien qu’une chanson Pour convaincre un tambour, Alors sans avoir rien, que la force d’aimer, Nous aurons dans nos mains, amis, le monde entier. »

Pierre Encrevé linguiste Publié le 8 août 2018(Mise à jour le 28/07) Par Agnès Morel

Des festivals de musique menacés en France

Depuis les années 80, les festivals se sont démultipliés : il en existe aujourd’hui près de 3 000 en France, mais leur équilibre économique est menacé.

Sur les réseaux sociaux défilent ces jours-ci des milliers de photos de concerts en plein-air. L’été est en effet la pleine saison des festivals de musique : il y en aura près de 3 000 en France, pour tous les goûts et tous les styles. De la grand-messe, l’Interceltique de Lorient, avec 750 000 visiteurs, au plus confidentiel, comme le Mas des Escaravatiers, dans le Var, qui n’en accueille qu’un millier. On y vient pour les artistes ou pour passer un bon moment. Ambre, 32 ans, n’a pas trop regardé la programmation : elle est venue, avec sa bande d’amis, au Lollapalooza organisé à Paris, le wek-end dernier, « pour l’ambiance. Il fait beau, c’est un peu les vacances avant l’heure ».

Partout, c’est un succès. France festivals, qui fédère une centaine de manifestations, estime à 6,8 millions le nombre de spectateurs venus en 2017, un chiffre en hausse de 15 % par rapport à l’année précédente, malgré le contexte de l’après-attentat. Une dizaine d’événements attirent de grandes foules, dont la Fête de l’Huma (550 000), les Vieilles Charrues (280 000), Jazz à Marciac (250 000)…

Tête d’affiche

Il faut dire que pour le public c’est une aubaine : les prix y sont très accessibles. « C’est moins qu’un concert normal », constate Ambre. Comptez 44 euros la journée aux Vieilles Charrues ou 93 euros le billet pour les trois jours de Cabourg mon amour. Avec sur scène, des artistes renommés tels que Gorillaz, Juliette Armanet, Bigflo et Oli, Eddy de Pretto. Car les artistes, qui ont été ébranlés ces dernières années par l’érosion de la vente de leurs disques, sont obligés, pour gagner leur vie, de tourner de plus en plus. Ce qui explique, que malgré la multitude des festivals, qui ont tous leur propre histoire et leur ancrage local, il semble y avoir une tendance à l’uniformisation. Sur son site, le média musical Sourdoreille dresse même chaque année le top des squatteurs des festivals de l’été.

L’explication est simple : programmer une tête d’affiche permet d’attirer les spectateurs, qui ont le choix entre plusieurs festivals le même jour. Au détriment de l’émergence d’une nouvelle scène musicale, puisque cela impacte les plus petits festivals, mais également les plus gros, qui ont dû évoluer. C’est le cas des Vieilles Charrues, né en 1992 en Bretagne : longtemps réputé pour sa programmation rock (Muse), il a dû s’ouvrir à la musique électronique depuis 2013, puis au rap. « Orelsan, Lorenzo… Cette année, la moitié des invités étaient des rappeurs, car c’est la musique la plus populaire chez les 18-30 ans », souligne, dans Ouest-France, Christophe Brault, spécialiste des musiques actuelles. Pour ramener du monde, il faut aller vers les goûts du public. » Tout en ne se fâchant pas avec les habitués, lesquels avaient en 2015 hué le célèbre DJ David Guetta.

Un exercice périlleux, mais indispensable car l’équilibre économique s’est fragilisé. Les collectivités territoriales, qui avaient pris le relais de l’État au moment de la décentralisation pour soutenir la scène musicale, sont obligées de revoir leurs dépenses à la baisse d’ici à 2022. Un coup dur pour des festivals qui sont, 7 fois sur 10, des associations, sans grands moyens. Pour boucler leur budget, les Vieilles Charrues, qui ne touche aucune subvention publique et s’appuie, pour son organisation, sur l’aide de 6 700 bénévoles chaque année, doit désormais faire appel à des mécènes. « Et vendre 90 à 95 % des billets », souligne Jérôme Tréhorel, son directeur.

Le coût de la sécurité

Résultat : malgré une fréquentation en hausse, malgré le besoin des artistes de tourner, la situation ne serait pas pérenne. En témoigne l’inquiétude causée par la publication d’une circulaire du ministère de l’Intérieur, en mai dernier, leur demandant de mieux contribuer aux frais causés par les dispositifs de sécurité jusque-là assurés par l’État. Lequel les déléguait au privé. Les festivals, qui remboursent déjà 15 % du dispositif aux préfectures, se sont affolés : « Impossible de régler sans mettre la clef sous la porte », s’est inquiétée la direction des Eurockéennes de Belfort, qui chiffre le montant total à 254 000 euros contre 30 000 aujourd’hui.

Alors que la ministre, Françoise Nyssen, répondait le 20 juillet qu’elle en laissait l’appréciation à chacune des préfectures (une manière de ne pas trancher ?), la situation reste compliquée, avec l’arrivée, ces dernières années, de grands groupes privés, notamment américains, qui ont investi dans le secteur.Un phénomène décrit par Emmanuel Négrier, chercheur au CNRS, dans son ouvrage Festivals de musiques, un monde en mutation (Michel de Maule éd., 2013).

Non seulement ces groupes – AEG, Vivendi, Live Nation… – rachètent des festivals (Rock en Seine, Printemps de Bourges, le Main Square), mais ils en lancent même de nouveaux comme le Lollapalooza à Paris qui séduit les foules. Difficile, alors, pour les festivals « historiques » de s’aligner et de proposer les mêmes prestations. Cela concerne tout ce qui peut exister sur place, après les concerts (restauration, animation..) mais également la programmation.

Pour ouvrir leur édition 2018 avec Depeche Mode, les Vieilles Charrues, l’un des festivals historiques les plus riches, a dû débourser presque 1 million d’euros… Publié le 7 août 2018(Mise à jour le 28/07) Par Frédérick Casadesus

Les salles de spectacle atteintes de gigantisme

Les salles de spectacle ont été supplantées par de gigantesques structures, mais elles résistent.

Sans surprise, l’histoire des salles de spectacle épouse l’évolution culturelle et sociologique de notre pays.

Durant les années vingt et trente, quelques villes possédaient un théâtre municipal, Marseille pouvait s’enorgueillir d’une salle mythique, L’Alcazar, dont le public était réputé difficile, exigeant, mais c’est à Paris que se trouvaient la plupart des music-halls ; on en trouvait de toutes les dimensions, dans tous les quartiers de la ville. Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, un désir intense de rompre avec la période sinistre de l’Occupation a donné naissance à ce qu’on pourrait appeler l’âge d’or du cabaret. La Rose rouge, La Fontaine des 4 saisons, La Colombe et tant d’autres ont favorisé l’éclosion de centaines de jeunes gens qui sont ensuite devenus des vedettes. L’avènement de la télévision, le changement de la législation fiscale ont eu raison de ces établissements. L’explosion de la vague yé-yé a fait le reste. La course au gigantisme

« Dès le concert organisé par Europe no 1 place de la Nation, le 22 juin 1963, la question des rassemblements de masse a été posée, remarque le journaliste François Jouffa. Le public s’intéressait déjà moins aux artistes qu’au fait d’être en communion avec leurs contemporains. » Au fil des années, les salles de spectacle traditionnelles ont été remplacées par des hangars pouvant contenir entre dix et vingt mille personnes, alors que la jauge de l’ ne dépasse pas deux mille places. La décentralisation jouant son rôle, des Zéniths et autres Arena ont été installés dans les régions, permettant de présenter des spectacles gigantesques n’ayant plus guère de rapport avec le tour de chant classique.

« Nous nous sommes inspirés de ce qui se pratiquait aux États-Unis, souligne Jean-Claude Camus, entrepreneurs de spectacles. Cela bien sûr a contraint les artistes à faire appel à du matériel conséquent, à mettre en scène leur prestation par des lumières particulières, une sonorisation spécifique. Autrefois, le music- hall offrait une ambiance familiale. Aujourd’hui, il est évident que le voyage est différent, même si Johnny a su réunir les parents, leurs enfants et parfois leurs petits-enfants ». Les règles du métier demeurent (lire ci-contre), mais le changement d’échelle induit quand même un bouleversement des sensations.

« Quand près de cent mille personnes se mettent à hurler, trépigner, claquer dans leurs mains, quand le son dépasse les cent décibels, on ressent des vibrations complètement hors norme sur la scène, explique Matthieu Gonet, compositeur et pianiste. Cela provoque un sentiment de puissance extrême dont il faut se méfier, car le désir d’en abuser peut venir à l’esprit. » Provocateur, Philippe Bouvard s’était jadis interrogé :« Quelle différence entre le twist et les discours d’Hitler au Reichstag ? » Dans un réflexe des plus salutaires, un nombre élevé de petites salles voient le jour aujourd’hui. Elles autorisent une rencontre plus intime entre les artistes et le public et donnent leur chance aux débutants. La roue tourne dans le bon sens. Publié le 6 août 2018(Mise à jour le 6/08) Par Frédérick Casadesus

Chanter, un métier ?

Le métier d’artiste de music-hall, en dépit des mouvements de mode, repose sur les mêmes principes et les mêmes règles qu’il y a cent ans.

C’est une singulière profession que celle de chanter sur une scène. « Quand je pense que tout petit, à l’église, je voulais déjà grimper dans la chaire, pour parler à la place du prêtre… » Les mots que Jacques Prévert prête à Frédérick Lemaître dans Les Enfants du Paradis valent pour la plupart des artistes de variétés. Faut- il, pour vouloir à ce point sortir de soi-même, avoir le goût de l’exhibition ?

« Ce n’est pas un acte naturel, admet le chanteur Gilbert Laffaille. On est mobilisé par l’irrépressible désir de se faire remarquer, de plaire. Pour certains, cela peut aller jusqu’au désir de pouvoir, voire de toute-puissance. » Il faut d’abord disposer de cet atout mystérieux que l’on nomme la présence.

Autant le dire, c’est la seule chose qui ne se travaille pas. Gilbert Bécaud a commencé sa carrière comme pianiste du chanteur Jacques Pills. Après deux chansons, le public ne regardait plus que lui ; c’est ce qui s’appelle « voler la vedette », cela peut paraître injuste mais personne n’y peut rien ; Bécaud est devenu soliste à part entière. Le travail et le don

« Freud affirme dans l’un de ses livres que si vous êtes dans le compartiment d’un train et qu’une personne, en entrant, attire tous les regards, vous pouvez être sûr que sa mère l’a beaucoup aimé, relate le psychanalyste Gérard Haddad. Bien sûr, un tel sentiment peut connaître des éclipses, qui conduisent ceux qui en souffrent à partir à la recherche du paradis perdu, mais je crois que le diagnostic de Freud est convaincant. La présence en scène est le reflet du fait que l’on a été immensément aimé par sa mère. »

L’art du chanteur s’appuie sur le travail de sa voix. Suzanne Decrais, soprano- coloratur à l’Opéra de Paris et fervente protestante, a longtemps tenu un excellent cours – tout comme une autre artiste lyrique, un peu plus tard : Annette Charlot. De nos jours, Nicole Fallien s’illustre comme une de nos meilleures pédagogues. Apprendre à respirer, trouver la tessiture à l’intérieur de laquelle on ne fournit pas d’efforts inconsidérés, projeter les sons sans brutalité – même quand on doit y mettre de la puissance, tels sont les principes sur lesquels repose un bon travail vocal.

« Par essence, la voix est en relation directe avec la vie, souligne Gilbert Laffaille. Elle a tendance, au fil du temps, à s’affaiblir, donc il faut la travailler davantage. Maurane avait une voix naturelle, fluide et riche à la fois, dénuée d’affectation. Mais avec des ressources originelles moins assurées, on peut aussi réussir. Ainsi Charles Aznavour, il y a vingt ans, était-il parvenu au sommet de son art. »

Chanter juste est essentiel, mais peut se révéler difficile quand la sono bat son plein et que le public est déchaîné. « Julien Clerc avait le plus grand mal à s’entendre et, de ce fait, souffrait de problèmes de justesse, notamment dans les notes graves, révèle Jean-Luc, technicien de spectacles. Depuis qu’il utilise des “ear monitors”, haut-parleurs en forme de petites boules, glissés dans ses oreilles, il peut entendre sa voix comme s’il était seul et se sent plus à l’aise. »

Le sens du rythme est également fondamental, mais il n’est pas la condition sine qua non d’une carrière réussie. Chanteur possédant l’une des plus belles voix de sa génération, d’une intelligence du texte éblouissante, nourrissait des relations difficiles avec la mesure. Il est parvenu à traverser les épreuves grâce à l’appui sans faille de son pianiste accompagnateur, Bob Castella. Une fois sur les planches, l’artiste doit dominer son trac et surtout retourner la pression physique exercée par le public en énergie positive. La cantatrice Nora Gubisch observe avec humour : « Chaque fois que je m’apprête à entrer en scène, je me demande ce que je fais là, et puis je m’élance et finalement, tout s’arrange. » Les musiciens ayant travaillé avec Charles Aznavour témoignent de sa décontraction juste avant d’entrer en scène. ” Le trac n’existe pas, ce qui existe, c’est la peur, a-t-il déclaré à nos confrères de la Radio Télévion Suisse. La peur de ne pas être à la hauteur.”

La gestuelle doit être explicite et stylisée. L’artiste doit faire comprendre ses intentions, mais éviter de verser dans une illustration redondante ou grotesque. Les Frères Jacques travaillaient leur spectacle devant une glace pendant des heures, ajustant leur attitude au sens des mots, tout en conservant une forme de sobriété.

Le rock a introduit d’autres codes, mais ils reposent sur le même principe : quand Johnny Hallyday faisait tomber son pied de micro, quand Mick Jagger se déhanche, il s’agit d’une signature scénique. « À mon sens, un artiste, tout au long de sa vie, poursuit avec le public comme une conversation mystérieuse et ininterrompue, notait Maurice Chevalier dans ses Mémoires. C’est à lui de sentir lorsque le ton varie et change. » Ce grand artiste, l’un des rares Français vraiment célèbres aux États- Unis, a donné à Johnny Hallyday l’une des clés de son métier : « Tu commences fort, tu finis fort et entre les deux, tu te débrouilles. » Un conseil qui n’est pas tombé dans l’oreille d’un sourd ! Publié le 6 août 2018(Mise à jour le 28/07) Par Frédérick Casadesus

Quand la chanson fait son cinéma

Quand une chanson passe dans un film, elle fait semblant d’être discrète mais, bien souvent, devient presque aussi célèbre que l’œuvre qu’elle accompagne.

Ainsi, Sous les toits de Paris, chanson de René Nazelles et Raoul Moretti, rencontre-t-elle en 1930 un énorme succès public, alors qu’elle n’est que la bluette charmante du film éponyme de René Clair. En 1947, Henri-Georges Clouzot présente une intrigue policière qui se déroule dans le milieu du music-hall : Quai des orfèvres. Suzy Delair, son épouse, y incarne une chanteuse. Il faut bien lui faire chanter quelque chose… Aussitôt le mélodiste implacable Francis Lopez écrit Avec son tralala, dont les paroles sont d’André Hornez. Méfiez-vous de cette chanson: trente secondes après avoir entendu le refrain, vous ne pouvez plus vous en défaire.

Imprégnée d’une irrépressible nostalgie, La Complainte de la Butte a été composée par Georges van Parys pour French Cancan, de Jean Renoir. Elle a, par son succès, dépassé de beaucoup la notoriété d’une œuvre qui pourtant conserve un charme intact.

Le destin du Tourbillon n’est pas moins singulier. Le poète et musicien Serge Rezvani l’avait inventée pour illustrer la relation conjugale entre son ami Jean- Louis Richard et Jeanne Moreau. Jouant le rôle d’un musicien dans Jules et Jim, il a proposé à François Truffaut d’interpréter la chanson. De nos jours encore, elle est emblématique d’une indépendance d’esprit dans l’amour. En 1978, Alain Souchon et Laurent Voulzy conçurent la chanson du film de François Truffaut L’amour en fuite. La même année, Michel Sardou interprétait Je vole, habile variation sur le désir des jeunes gens de quitter le domicile familial. Rien à voir avec le cinéma, jusqu’à ce qu’en 2014 la chanteuse Louane la reprenne dans le film La famille Bélier. Retour aux vingt-quatre images par seconde…

Publié le 5 août 2018(Mise à jour le 28/07) Par Frédérick Casadesus

La chanson, un art universel

De toutes les formes d’art, la chanson est celle qui passe pour la plus triviale, alors qu’elle offre beaucoup de joie.

Peut-être parce qu’elle court les rues, peut-être aussi parce qu’elle ne dure que l’espace d’un soupir (Sylvie Vartan fredonnait Deux minutes trente-cinq de bonheur ), peut-être enfin parce qu’elle exige, pour exister, l’intervention de plusieurs personnes (un auteur, un compositeur, un interprète, un arrangeur et des musiciens d’orchestre) alors qu’un roman, qu’un tableau résultent du travail d’un seul artiste, la chanson demeure un art que les académies regardent de travers. Et pourtant, tout le monde prend du plaisir à l’écouter. Professeurs au Collège de France, ouvriers métallurgistes, employés, traders, quelle que soit leur appartenance sociale, nos concitoyens se laissent gagner par une joie sans mélange quand ils entendent une ritournelle bien troussée. Pourquoi fallut-il attendre notre époque pour qu’enfin la chanson soit aimée au grand jour ? À l’heure où l’été jette ses feux sur le cœur des vacanciers, perçons le mystère d’une source universelle d’allégresse.

Le grave et le sérieux

« Une antique tradition veut que seul ce qui est profond ait de la valeur, explique le philosophe Gilles Lipovetsky. Pour Platon, tout ce qui est changeant, mobile, en un mot superficiel, est tout à fait méprisable. C’est ainsi que les formes esthétiques ou artistiques ayant trait à l’éphémère ont été dépréciées. » La chanson, brève par nature, ne pouvait tenir les premiers rôles, être estimée pour elle-même. La culture classique la tient donc pour marginale.

Une exception ? Le protestantisme. « Pour Calvin, le chant – comme la manifestation de la gratitude ou de la plainte, comme la louange – peut s’évanouir, analyse le philosophe Olivier Abel. À la semblance de la vie, fragile, fugace, le chant s’apparente à ce qui peut mourir. Voilà pourquoi il n’en est que plus précieux. » Clément Marot n’hésitait pas à plaquer des paroles de foi, de ferveur sur des chansons paillardes : on peut partir de ce qui est commun, voire obscène, pour atteindre le ciel.

Au XIXe siècle, le mouvement romantique observe avec passion ce qui paraît venir des bas-fonds. Victor Hugo déclare : « Vivre, c’est une chanson », rédige des textes – tantôt doux, tantôt féroces – qu’il intitule Chansons. L’écrivain Sophie Nauleau nous invite à repérer l’émergence de cette forme d’expression dans l’entrelacs des poésies : « C’est en s’ennuyant au Théâtre-Français, devant un Molière, qu’Alfred de Musset écrit : “Un vers d’André Chénier chanta dans ma mémoire/ Un vers presque inconnu, refrain inachevé/Frais comme le hasard, moins écrit que rêvé.” » La modernité suscite une vraie reconnaissance. « Paul Valéry joue des paradoxes en affirmant que l’épiderme est ce qu’il y a de plus profond en l’humain, note Gilles Lipovetsky. Ce renversement des valeurs classiques améliore sensiblement la place des formes d’expression basées sur l’éphémère et donc de la chanson populaire. » Le mouvement surréaliste, après la Grande Guerre, élargit la brèche. Aragon, toujours, acceptera que l’on transforme en chansons ses œuvres poétiques. Opposer la poésie, art suprême suivant les Anciens, à la chanson, art dégradé parce que populaire, est une conception qui n’est plus acceptée dans notre société démocratique, éprise d’égalité. « L’expression même de “chanson populaire” indique bien la volonté des gens de se rassembler, souligne Olivier Abel. Un peuple qui ne chante pas n’existe pas, tandis que les grandes nations ont un recueil commun très fort – il suffit de se rappeler Flower of Scotland chanté par un stade pour en prendre la mesure. »

Et le philosophe d’affirmer que la chanson devient le support d’une liturgie collective, qui permet de traverser des épreuves, de franchir les étapes du temps. De là sans doute la force mémorielle de cette forme d’art.

« Depuis quarante ans, l’audience de la poésie s’est considérablement réduite, constate Gilles Lipovetsky. Rares sont nos concitoyens qui peuvent citer le nom d’un poète qui, de nos jours, publie des recueils inventifs. En revanche, la fonction poétique demeure. Elle a vu son audience amplifiée grâce à la chanson, qui se change en poésie de la vie quotidienne. »

La présence de Barbara dans l’Anthologie de la poésie française du XVIIIe au XXe siècle, parue dans la prestigieuse collection de La Pléiade, accrédite ce rapprochement. «Avec son Mal de vivre, estime Sophie Nauleau, la parolière, même broyant du noir, a plus de souffle sur la page que certains poètes. »

Source de mémoire

Cette puissance nouvelle confère à la chanson la capacité de traverser les années. Transmises à l’intérieur des familles, d’une génération à l’autre, quelques ritournelles deviennent des repères auxquels chacun peut se référer. « La magie d’une musique apparemment simple, qui se retient facilement, mais aussi le travail de répétition réalisé par le refrain, tout nous encourage à la remémoration », note Olivier Abel.

Un point de vue partagé par Sophie Nauleau, pour qui c’est là le pouvoir entêtant que traduit le terme de « ritournelle » qui trotte parfois jusqu’à l’obsession dans notre esprit :« Même avant la naissance, la voix chantée nous mène. Et ce diapason ne nous lâchera plus, que cela soit conscient ou pas. Tout le monde a ses chansons fétiches, plus ou moins cultes, chansons qui renvoient à des cycles de vie qui se sont enfuis. » (lire p. 8-9). La chanson n’est pas donc pas cette forme futile que d’aucuns voulaient jadis caricaturer. L’éphémère s’établit dans la longue durée.

Ne versons pas tout de même dans un excès contraire. « Il est bon de reconnaître la valeur de ce bonheur fugace offert par une chanson, honnête de dire que nous avons tous ressenti, un jour ou l’autre, des moments de ravissement grâce à quelques notes fredonnées, mais faut-il inverser l’ordre des choses pour autant ? », s’interroge Gilles Lipovetsky. Certains propos, certaines ambitions réclament de la lenteur, de longs développements. Crime et Châtiment, Guerre et Paix, À la recherche du temps perdu ne peuvent être racontés en deux minutes et c’est très bien ainsi. »

Ne pas surestimer l’art de la ritournelle, ce n’est pas en diminuer les mérites, mais au contraire lui laisser toute sa noblesse : un bonheur intense qui ne dure guère. Un « plaisir d’amour », comme dit la chanson…

À lire

L’empire de l’éphémère Gilles Lipovetsky Folio Gallimard, 345 p., 8,90 €.

Plaire et toucher, essai sur la société de séduction Gilles Lipovetsky Gallimard, 480 p., 23 €.

Je voudrais tant que tu te souviennes Poèmes mis en chansons de Rutebeuf à Boris Vian Édition de Sophie Nauleau Poésie/Gallimard, 264 p., 6,90 €.

Le oui de Paul Ricœur Olivier Abel éditions Les petits Platons, 64 p., 14 €. Publié le 5 août 2018(Mise à jour le 1/10) Par Frédérick Casadesus

Ferré, Piaf, Ferrat, Aznavour… Une force d’émotion hors-norme

L’écrivain Robert Belleret décrypte la spécificité de quatre artistes français ayant marqué notre mémoire collective.

Questions à Robert Belleret, journaliste et écrivain

Vous avez écrit la biographie de Léo Ferré, Jean Ferrat, Édith Piaf et Charles Aznavour. Peut-on dire qu’ils constituent la base d’un panthéon de la chanson française classique ?

C’est une évidence. Ils ont tous les quatre été de grandes vedettes. Or, je crois, comme beaucoup de gens, que la chanson se situe très haut, que c’est un art à part entière.

Journaliste généraliste, j’ai touché à tous les types de sujets. Mais il se trouve que j’ai ressenti, enfant, mon premier choc esthétique en voyant Léo Ferré à l’Alhambra en 1961. Je n’ai donc pas choisi de raconter sa vie par hasard. Il s’agissait pour moi d’un geste essentiel, un hommage à un artiste que je considère comme la référence absolue.

Il ne faut pas oublier qu’il a fait découvrir au plus grand nombre les plus grands poètes, de Rutebeuf à Louis Aragon, en passant par Baudelaire, Verlaine, Rimbaud, Guillaume Apollinaire.

Comment avez-vous trouvé la juste empathie avec de telles personnalités ?

Il est essentiel, quand on écrit de telles biographies, de distinguer l’œuvre et la vie de l’artiste. Avoir été journaliste m’a aidé parce que si l’objectivité n’existe pas, l’honnêteté, elle existe. Lorsque j’ai découvert des choses négatives ou grises, j’ai pris le parti de les révéler, sans en exagérer l’importance, mais avec le souci de l’exactitude, afin que la personnalité des artistes apparaisse dans une forme de vérité.

Léo Ferré n’était pas un saint mais un être avec des zones d’ombre, des failles. De la même façon, Jean Ferrat était un auteur-compositeur d’une grande intégrité, notamment sur le plan artistique : il travaillait beaucoup, ne laissait connaître que des textes élaborés, sans scories, ce qui ne l’empêchait pas d’être un homme ayant des faiblesses. Les colères, les révoltes ou le mal de vivre et les frustrations qu’ils ont pu connaître se retrouvent dans leurs textes.

C’est vrai aussi pour Charles Aznavour. Édith Piaf, elle, n’était qu’interprète, même si elle a signé des textes. Il n’empêche qu’elle a chanté des œuvres qui reflètaient ou traduisaient la vie incroyable qui fut la sienne.

S’il existe une parenté artistique entre Ferré et Ferrat, par le biais de l’engagement politique en particulier, peut-on rappeler quelles furent les relations entre Aznavour et Piaf ?

Charles Aznavour a été l’homme à tout faire, voire le souffre-douleur de Piaf. Il l’a accompagnée dans sa vie quotidienne sans avoir été son amant pendant trois ans. Piaf ne croyait pas à son talent d’interprète. Alors qu’elle a fabriqué Yves Montand, lui transmettant en peu de temps les conseils qui lui ont permis de devenir un véritable artiste de music-hall, alors qu’elle a été le pygmalion des Compagnons de la chanson, qu’elle a soutenu Georges Moustaki, puis Charles Dumont, elle tenait Charles Aznavour en lisière. C’est une chose difficile à comprendre si l’on songe qu’il est devenu, à force de travail et de ténacité, une vedette extraordinaire. Quels points communs à ces artistes permettraient-ils de définir ce qu’est une grande chanteuse ou un grand chanteur ?

On peut parler du perfectionnisme, de la science des gestes, de la capacité à établir un tour de chant qui prenne sens. Le métier de la scène les rassemblait. À chaque règle, il y a une exception : ici, c’est Jean Ferrat. Quand on allait l’écouter, on passait une formidable soirée, mais on ne voyait pas un spectacle aussi fort qu’avec les trois autres. Ce n’était pas un « showman ».

Léo Ferré vous paraissait-il être un « showman » ?

Et comment ! À la semblance de Piaf, il exprimait les choses avec des gestes forts mais dosés, qu’il savait mettre en scène. Aznavour était un artiste chanteur et comédien. Bien sûr, aujourd’hui, ce n’est plus aussi magique. Mais sa voix a longtemps conservé une grande qualité. C’est une chance dont avait pu bénéficer aussi Charles Trenet. De nos jours, on entend des chanteurs perdre leur voix plus vite que prévu, peut-être du fait d’excès anciens.

Qu’avez-vous appris de ces artistes en racontant leur vie ?

J’ai d’abord pris plaisir à prendre du temps. Journaliste, j’étais contraint par des impératifs de rapidité, d’espace, qui m’interdisaient de comprendre en profondeur le parcours de ces personnages hors du commun. Donner le rythme que l’on souhaite offre de larges perspectives d’analyse.

L’émotion que m’a procuré la découverte des archives demeure aussi. J’ai pu consulter aux Archives nationales des documents que personne n’avait autrefois consultés – je pense par exemple à des lettres ou des confidences de Piaf.

Cela m’a appris beaucoup de choses sur l’âme humaine.

Les artistes sont particulièrement sensibles, blessés, énervants, admirables. Faire plaisir à des salles entières, c’est ce qu’il y a de plus beau. J’ai plus d’amour pour les artistes après avoir écrit ces livres.

Mais j’ai aussi davantage de lucidité. Je vois bien leurs faiblesses, qui pouvaient même être des gouffres. Édith Piaf a vécu un chemin de croix, quelque chose d’effarant qui dépasse l’imagination : la collection d’amants, cette vision du monde si noire, la maladie, la mort venue si jeune. Elle a vécu une vie de rock star, elle a brûlé sa vie pour son art parce que sa vie, c’était chanter… Ces artistes possèdent une force d’émotion qui les distingue vraiment de leurs contemporains.

Propos recueillis par Frédérick Casadesus

À lire

Vie et légendes de Charles Aznavour Robert Belleret éd. L’Archipel, 25 €.

Piaf, un mythe français Robert Belleret éd. Fayard, 29 €.

Jean Ferrat, le chant d’un révolté Robert Belleret éd. L’Archipel, 22,34 €.

Léo Ferré, une vie d’artiste Robert Belleret éd. Actes Sud, 26 €. Publié le 4 août 2018(Mise à jour le 28/07) Par Frédérick Casadesus

Qui sont les musiciens de studio ?

Longtemps, la chanson française a été portée par des artistes discrets : les musiciens de studio.

L’âge d’or des studios d’enregistrement se situe entre 1960 et 1980. Pendant vingt ans, tous les jours, pour au moins trois séances de trois heures chacune – agrémentées d’une pause de vingt minutes qu’on appelait le « quart d’heure » –, des musiciens enregistraient des partitions de variété.

« Quand j’ai commencé, en 1964, tout le monde jouait ensemble, en direct, y compris les chanteurs, explique Marc Chantereau, percussionniste qui demeure un des instrumentistes français les plus reconnus dans notre pays. Pour réussir dans ce métier, point n’était besoin d’être un artiste exceptionnel mais il fallait très bien lire la musique parce qu’on découvrait l’œuvre en même temps qu’on la jouait, et savoir s’adapter à tous les styles. » Une parole modeste qui masque la réalité d’une mission parfois délicate, chacun n’ayant que quelques minutes pour appréhender la difficulté de ce qu’il devait exécuter. « J’ai participé à l’enregistrement de La Bohème, de Charles Aznavour, se rappelle Guy Cipriani, percussionniste solo à l’Opéra. Quand Paul Mauriat nous a donné les partitions, Jean-Pierre Drouet, qui était chargé de la partie de xylophone, a regardé les premières mesures et s’est senti tranquille. Mais à la fin de la chanson, le rythme s’accélérant de façon spectaculaire, il a dû puiser dans ses réserves techniques afin de ne pas commettre de fausse note. » Compétition quotidienne

Tous les musiciens n’étaient pas concernés de manière égale par l’esprit de compétition. Pupitres de cuivres et de violons, venus des orchestres classiques, étaient un peu protégés. Mais les guitaristes et les batteurs, soumis aux mouvements de la mode, craignaient d’être dépassés par des jeunes gens réputés plus en prise avec leur temps. « La pression pouvait être énorme, admet Marc Chantereau. À titre personnel, cela me galvanisait. Autrefois, les musiciens classiques nous traitaient, mes amis et moi, de façon condescendante ; alors, étant donné que j’avais un premier prix de conservatoire, j’ai joué un jour, à la télévision, Le vol du bourdon au marimba ! Leur attitude a changé. »

À la fin des années 1970, la généralisation des consoles permettant à une seule personne d’enregistrer plusieurs pistes, le nombre des musiciens a diminué. La plupart des grands studios ont fermé leur porte, au profit de petites structures où des musiciens pouvaient enregistrer la même chanson sans jamais se croiser. « Les supports virtuels ont provoqué l’effondrement des disques, analyse encore Marc Chantereau. Cette évolution, rapide autant qu’insidieuse, a laissé penser à chaque auteur-compositeur-interprète qu’il pouvait se passer d’un orchestrateur et de musiciens pour l’accompagner. Quand le prix d’une console d’enregistrement de très haut niveau est passée de 200 000 à 15 000 euros, la messe était dite. » Pourtant, les idées manquent. « Un grand musicien de studio, c’est quelqu’un qui apporte une idée que l’arrangeur n’a peut-être pas eue », note Guy Cipriani . Sous le poids des ordinateurs, la musique s’en trouve peut-être appauvrie. Publié le 3 août 2018(Mise à jour le 28/07) Par Frédérick Casadesus

Chanson : le rôle clé des hommes- orchestres

Envelopper de musique une chanson, c’est tout un art : il faut lui donner du relief, de l’originalité, sans lui faire perdre son identité.

Précisons d’emblée la différence entre le travail de l’orchestrateur et celui de l’arrangeur. Le premier peut se traduire par un simple accompagnement musical, quand le second suppose la consolidation, voire la réécriture des mélodies que des compositeurs instinctifs ont signées. L’auteur-compositeur-arrangeur Jean- Claude Vannier résume la mission qui fut la sienne – et celle de ses confrères – jusqu’au début des années 80 : « Nous avons été les béquilles des artistes de variété. Sans nous, les vedettes de la chanson n’auraient pas pu réussir comme elles l’ont fait. » Constat sévère mais juste quand un compositeur doit accomplir le travail à la place d’une célébrité.

L’habillage orchestral parachève l’identité d’une chanson. Que je t’aime interprétée par Johnny Hallyday n’aurait pas la même couleur sans les notes jouées à l’orgue et la guitare. L’un des tubes de Michel Delpech, Pour un flirt, aurait moins marqué la mémoire sans le riff des trompettes qui ponctue son refrain. « Nous sommes des couturiers capables de vêtir n’importe quelle chanson, déclare le compositeur-arrangeur Jean-Claude Petit. Lorsque j’orchestrais en même temps pour Serge Lama, Julien Clerc et Claude François, j’étais obligé d’épouser la personnalité de chacun d’eux. » Classique avec l’auteur de Je suis malade, Jean-Claude Petit s’inspirait de la musique américaine, en particulier du rhythm and blues, pour le chanteur d’origine égyptienne. « Avec Julien Clerc, c’était encore différent puisque je réalisais ses tous premiers albums, ajoute-t-il. Je parlais avec lui, je m’inspirais des textes d’Étienne Roda-Gil, afin de lui créer un style orchestral. En croisant ma culture classique, acquise au conservatoire, et ma passion du jazz, je peux dire que j’étais préparé à exercer ce métier. »

La recherche de l’effet le plus juste a toujours guidé ces musiciens : construire le paysage sonore d’une chanson représente une lourde responsabilité. « J’ai débuté sous l’aile protectrice de Paul Mauriat, qui travaillait notamment pour Charles Aznavour, se souvient le compositeur-arrangeur Christian Gaubert. Il m’a indiqué qu’il privilégiait les accords parfaits par souci d’efficacité et m’a demandé d’agir de même. Quand j’ai conçu l’arrangement de Emmenez-moi, qui raconte l’histoire d’un docker, j’ai choisi la simplicité. Mais, lorsque j’ai conçu l’orchestration de Comme ils disent, qui réclamait de la subtilité puisque pour la première fois l’homosexualité était arbordée de façon sérieuse, j’ai utilisé des harmonies plus sophistiquées. »

L’avènement des machines

De façon progressive, les synthétiseurs se sont substitués aux instruments traditionnels, modifiant profondément le métier d’arrangeur-orchestrateur. « Aujourd’hui, les chanteurs fabriquent eux-mêmes des maquettes précises, qui sont validées par les producteurs, explique Christian Gaubert. Notre liberté s’en trouve bridée, même quand nous ajoutons des cuivres et des violons. » Plus spectaculaire encore, des orchestrations anciennes sont réutilisées par d’autres et des œuvres célèbres sont intégrées à des chansons nouvelles. « C’est une dérive inacceptable, qui souligne l’appauvrissement des orchestrations contemporaines, estime Jean-Claude Petit, qui fut aussi président de la SACEM . Il y a quelques semaines, un groupe anglo-saxon a placé des extraits du Requiem de Mozart dans une chanson et prétendu toucher des droits d’auteur à sa place. En Angleterre, aux États-Unis, le droit l’autorise, mais pas en France. Et je me réjouis que notre pays reste ferme sur ce point car au plan moral, c’est scandaleux. » Dans le domaine musical comme dans d’autres, il faut rendre à Mozart ce qui appartient à Mozart…