19444958 ; 14“ anniversaire

LA LIBÉRATION œuyre d'un peuple et non d'un homme

Pages glorieuses de notre Histoire

V' :*'Vit.r''k CHATEAUBMANT

A I endroif même où, le 22 octobre 1941, furent fusillés vingt- tept otoges se dresse, devant les neuf poteaux d’exécution, le Monument National du Souvenir,

2 — PAGES GLORIEUSES DE NOTRE HISTOIRE LA RESISTANCE

Voici venir, pour la quatorzième fois, fanniversaire des glorieux combats de la libération, l’anniversaire de l’insurrec­ tion parisienne d’août 1944, couronnement de quatre années d’une Résistance opiniâtre, sanglante, finalement victorieuse menée par des patriotes de toutes opinions, farouchement unis contre l’ennemi hitlérien et ses serviteurs de Vichy. Histoire glorieuse qui nécessiterait des volumes — tant notre peuple fut prodigue d’actes courageux. Parmi tant d’actions audacieuses et tant d’héroïsme tran­ quille face aux pelotons d’exécution ou devant la mort « à petit feu » des camps de déportation, comment choisir ? Voici les carnets du mineur légendaire Charles Debarge — devenu la terreur des hitlériens — le récit d’Aragon sur l’exécution des otages de Châteaubriant, le journal exaltant rédigé à la main par Danielle Casanova enfermée au fort de Romainville, la dernière lettre du métallo Lacazette ou de l’écrivain Jacques Decour, du cheminot Semard ou de l’étudiant Guy Môquet, les communiqués du Comité National des Francs- Tireurs et Partisans ou les comptes rendus des procès des tri­ bunaux hitlériens. A lire cette masse de documents, la gorge se serre d’émo­ tion mais le cœur se remplit de fierté devant la grandeur de ces fils et filles de France. On ne peut tout citer de ce Livre d’or. Efforçons-nous donc plus modestement, en ces jours anniversaires, de rappeler certains faits, certaines dates, cer­ tains documents, trop peu connus ou oubliés dans le tumulte de ces quatorze années, mais qui montreront que la Résistance n’a pas été l’œuvre d’un seul homme — qualifié arbitrairement comme le « libérateur de la patrie » — mais d’un peuple demeuré fidèle à tout un passé qui, maintes fois, étonna le monde. Que les survivants, les familles des martyrs nous excusent des lacunes inévitables de cette petite brochure. Qu’ils sachent qu’en écrivant ces lignes, nous unissons dans un même souve­ nir impérissable tous ceux qui sont tombés — « Ceux qui croyaient au ciel et ceux qui n’y croyaient pas » comme a dit le poète — et dans une affectueuse reconnaissance tous ceux des combattants de la Résistance qui luttèrent pour que viv« la France et que vive la République .

— 3 — ' Tout s’écroulait. Une armée — qui avait été la première d’Kurope, et qui comp­ tait 5 millions d’hommes — s’effondrait. Un gouvernement en plein désarroi, travaillé par la cinquième colonne : le agents de Hitler et les ennemis de la République. Un parlement qui allait capituler un mois plus tard à Vichy. Le chaos : dix millions d’êtres humains en proie à l’exode, toute production arrêtée, les transports para­ lysés. Ainsi, une politique de trahison produisait des fruits amers.

LES CAUSES D’UNE DEFAITE

Elle avait commencé, cette politique, avec l’arrivée de Hitler au pouvoir en janvier 1933 et avec la menace fasciste en France même. Le Parti Communiste Français avait, certes, fait triompher l’unité d’action entre les ouvriers socialistes et communistes dans la lutte contre les bandes fascistes qui avaient tenté un premier assaut le 6 février 1934. Il avait fait aboutir la signature du pacte d’unité d’action avec le Parti Socialiste le 27 juillet 1934 et la constitution du Front Populaire antifasciste qui devait triompher aux élections législatives en 1936. Poussant plus loin encore sa politique d’union de la nation française, devant le péril hitlérien de plus en plus menaçant, notre Parti s’était adressé aux travailleurs catholiques, aux petites gens des classes moyennes, à ceux des paysans égarés 'derrière les ligues fascistes pour leur proposer de constituer le Front français. Malheureusement, après une période où le Front populaire avait fait triompher de nombreuses revendications économiques, politiques, les gouvernements qui se réclamaient du Front populaire devaient pratiquer une politique de concessions à Hitler : non-inter­ vention à l’égard de la République espagnole, traité de Munich qui livrait au fulirer la Tchécoslovaquie et démantelait notre système d’alliance, sabotage des pourparlers engagés avec l’U.R.S.S. (seul moyen de dresser contre Hitler le barrage de la sécurité collective) et, quand la guerre fut engagée, les opérations militaires ne furent pas montées contre l’Allemagne hitlérienne, mais contre l’U.R.S.S. (corps expéditionnaire de 50.000 hommes préparés pour la Fin­ lande, armée de 150.000 hommes rassemblée en Syrie pour des opérations éventuelles contre le Caucase).

— 4 — Dès avant la guerre, les trusts — mécontents des lois sociales imposées par la lutte de la classe ouvrière en 1936 — désorgani­ saient la vie économique du pays et n’hésitaient pas à proclamer t € Plutôt Hitler que le Front populaire ! » Contre cette politique de trahison des intérêts de la France, te Parti Communiste Français combattait de toutes ses forces. Interdit dès septembre 1939 sous l’unique prétexte de sa fidé­ lité à la politique d’amitié franco-soviétique, il était devenu l’ennemi principal. 300 conseils municipaux avaient été suspendus ; 2.778 élus communistes déchus de leur mandat ; deux quptidiens {l’Huma~ nité et Ce soir) interdits ainsi que 159 autres publications ; 620 syndicats dissous et 675 associations démocratiques ; 3.400 mili­ tants arrêtés ; 8.000 fonctionnaires sanctionnés ; 11.000 perquisi­ tions. Tel était le tableau de chasse que dressait « triomphalement »; le ministre de l’Intérieur le 20 mars 1940. Deux mois après, c’était la ruée des blindés à croix gammée. La ligne Maginot — qui avait coûté 200 milliards — tombait intacte aux mains de l’ennemi.

Alors que la menace allemande sur Paris grandissait d'heure en heure, le Comité Central clandestin du Parti Communiste Fran­ çais avait fait transmettre le 6 juin 1940 au gouvernement (par l’intermédiaire de Georges Politzer, fusillé en 1942) les propositions suivantes : LES PROPOSITIONS DU 6 )UIN 1940

« Le Parti Communiste considérerait comme une trahison d’abandonner Paris aux envahisseurs fascistes. 11 considère comme le premier devoir national d’orga­ niser sa défense. Pour cela, il faut : 1. — Transformer le caractère de la guerre, en faire une guerre nationale pour l’indépendance et la liberté. 2. — Libérer les députés et les militants communistes ainsi que les dizaines de mil­ liers d’ouvriers emprisonnés ou internés. 3. — Arrêter immédiatement les agents de l’ennemi qui grouillent dans les Cham- G. POLITZER _ 5 — hres, dans les ministères et jusqu’à Fétat-major, et leur appliquer un châtiment exemplaire. 4. — Ces premières mesures créeraient Fenthousiasme popu­ laire et permettraient une levée en masse qu'il faut décréter sans délai. 5. — n faut armer le peuple et faire de Paris une citadelle Inexpugnable. Le Parti Communiste avait proposé Farmement du peuple et la lutte à outrance. Le gouvernement Paul Reynaud (auquel appar­ tenait de Gaulle) répondit par la capitulation. Le 22 juin 1940, à Rethondes. près de Compiègne, les envoyés du maréchal Pétain signent la capitulation de la France devant les généraux de Hitler.

|UIN-|UILLET : LA FRANCE EST AU PLUS BAS

Les événements tragiques que vivait notre peuple s’accompa­ gnaient d’un immense désarroi.des esprits. Notre armée avait été mise hors de combat en six semaines, la Pologne en une quinzaine, la Norvège, la Belgique, la Hollande en quelques jours ; les hitlériens et leurs alliés, les fascistes italiens et espagnols, apparaissaient invincibles. Le 10 juillet, l’Assemblée nationale — dont les élus communistes avaient été exclus en 1939 — et à l’exception de quatre- vingts parlementaires votant contre, avait étranglé la République à Vichy et confié tous les pouvoirs au maréchal Pétain. Tout comme en Algérie aujourd’hui, générau.x et amiraux remplaçaient partout les préfets. Les évêques, les anciens dirigeants des partis politiques (La­ val, Flandin, Paul Faure, Georges Bonnet, etc.) les dirigeants de syn­ dicats comme Belin, les journaux, la radio prêchaient la soumission au « Chei de l’Etat, glorieux vainqueur de Verdun ». L’appareil de l’Etat, ses hauts fonctionnaires, ses policiers, ses gendarmes étaient mis sans conditions à la disposition des occupants et de leurs valets. Banquiers et chefs d’industrie se ruaient dans une collaboration économique avec Hitler qui allait leur assurer de substantiels profits. Et l’immense majorité des Français croyait, en ces jours de pessi­ misme, que l’Angleterre ne serait pas, malgré son île, capable de résister à la plus formidable machine de guerre que Iq monde ait jamais connue.

SIGNIFICATION ET LIMITES DU 18 JUIN 1940

Certes, le soir du 18 juin 1940, le général de Gaulle avait lancé i la radio de Londres un appel qui déclarait : « Moi, général de Gaulle, actuellement à Londres, j’invite les afficiers et tes soldats français qui se trouvent en territoire britan­ nique, ou gui viendraient à s’y trouver, avec leurs armes ou sans

6 — leurs armes, j’invite les ingénieurs et les ouvriers spécialisés 'det industries d’armement qui se trouvent en territoire britannique ou qui viendraient à s’y trouver, à se mettre en rapport avec moi. > Il ne s’agit pas de nier les mérites des officiers, des soldats, 'des marins, des civils se trouvant en Angleterre et qui répondirent à cet appel, mais d’en évaluer la portée exacte sur la situation d’alors en France. Dans ses Mémoires, de Gaulle lui-même écrit (tome I, page 70) t « A mes côtés, pas l’ombre d’une force ni d’une organisation.^^ En France, aucun répondant et aucune notoriété. » Et dans l’appel radio diffusé le lendemain 19 juin, de Gaulle précisait : « A t’heure qu’il est, je parle avant tout pour CAfrique du Nord française. > C’est dire que lui-même ne s’adressait pas à ce moment-là en direction de la France. Comment d’ailleurs notre peuple aurait-il entendu ces appels alors que les routes de France donnaient le poignant spectacle d’unités en débandade, toutes armes confondues, d’enfants juchés sur des carrioles de campagne, ce fleuve humain — mêlant civils et militaires — dévalant de l’Est, du Nord, de la région parisienne en direction du Midi ? Non, mille fois non, l’appel du 18 juin et les émissions de Radio- Londres n’ont pas fait surgir, sur le sol de la patrie envahie, des hommes et des femmes qui se lancèrent sans retard dans le combat contre l’envahisseur. Ce ne fut ni si facile ni si rapide.

L’APPEL DU 10 JUILLET Après la débâcle, au fur et à mesure que rentraient dans leurs foyers la population civile qui avait par­ ticipé à l’exode, les soldats démobilisés en zone dite libre et qui avaient échappé de ce fait aux Oflags et aux Stalags, les adhérents du Parti retrouvaient ceux qui, sur place, n’a­ vaient pas Interrompu M. THOREZ la lutte. J. DUCLOS L’action clandestine prenait un nouvel et vigoureux élan. Elle consista, dans les premières semaines qui suivirent l’arniis- flce, à redonner confiance à notre peuple désemparé. L’Humanité clandestine reproduisit, le 10 juillet, un appel signé de et de qui constituait un magnifique acte de foi en notre peuple et un appel à la Résistance : « La France connaît la défaite, l’occupation, l’humiliation. La France, encore toute sanglante, veut vivre libre et indépendante. Jamais un grand peuple comme le nôtre ne sera un peuple d’es­ claves. La France ne deviendra pas une sorte de pays colonisé. La France, au passé si glorieux, ne s’agenouillera pas devant une équipe de valets prêts à toutes les besognes. Ce ne sont pas les généraux battus, ni les affairistes, ni les politiciens tarés qui peuvent relever la France. C’est dans le peuple que résident les grands espoirs de la libération nationale et sociale. Et c’est autour de la classe ou­ vrière ardente et généreuse, pleine de confiance et de courage, que peut se constituer le front de la liberté, de l’indépendance et de la renaissance de la France. » Si Radio-Londres était encore à l’époque peu écoutée, par contre, le texte historique qu’on vient de lire — la première, l’unique voix non conformiste sur le sol national — allait sonner le rassemblement d’un peuple abandonné de ses prétendues « élites ». La classe ouvrière — animée par le Parti Communiste — allait Jouer le rôle décisif dans la lutte terrible qui commençait.

« L’HUMANITE » PARAIT

L’Humanité (dont les numéros étaient, depuis septembre 1939, rédigés, imprimés et diffusés clandestinement) reparaît, d ’abord ronéotée le plus souvent. Beaucoup de ces numéros sont tapés par des dactylos improvisées, héroïques femmes ou jeunes filles tra­ vaillant au péril de leur vie. Ils sont tirés dans quelque pavillon de banlieue ou dans quelque cave afin que le bruit de la ronéo n’attire pas l’attention de la police. Des agents de liaison font parvenir un exemplaire dans telle ou telle région. Il sera reproduiu.. par les moyens du bord. Dans un numéro du 27 juillet 1940 — un mois après l’armis- flce — on pouvait lire : « Un peuple qui en opprime un autre ne peut être libre. » Dans un autre numéro du 12 décembre 1940, on lit cette pro­ testation contre l’annexion de l’Alsace-Lorraine : « Les autorités oecupantes censurent dans la presse soumise tout ce qui a trait aux Lorrains expulsés de leur pays, abandon­ nant leur maison, leurs biens, leur village, le cimetière où dorment leurs parents. » L’Humanité de la semaine suivante (23 décembre 1940) contient — 8 —. des- attaques ouvertes contre Otto Abetz et dénonce Flandin, « agréé par Berlin ». « Assez / Assez / », dit la manchette de ce numéro, n. C’est au peuple français à fixer le destin de la France I >. Le 30 décembre 1940, l’Humanité écrit ; « Après une intervention de M. Abetz, Pétain nomme de Brinon délégué général du gouvernement à Paris. C’est la prime à la trahison /... « Où passe le bétail français ? Où passent nos pommes de terre? Où passe notre blé? Telles sont les questions que le peuple affamé se pose, et il ne suffira pas de matraquer les femmes sur les marchés pour régler le problème du ravitaillement. On a faim dans les foyers des pauvres gens ; on a froid, et pendant ce temps, les Abetz et les de Brinon, les officiers occupants et les capitalistes français font bomi^ance, sablent le champagne, les pieds au chaud.. » C’est ainsi qu’en semant la colère contre les occupants et leurs complices de Vichy se préparaient les manifestations des ména­ gères sur les marchés — premiers.actes de résistance massive. DU COURAGE PLEIN LES CŒURS

En juillet-août, des distributeurs de l’appel du 10 juillet sont emprisonnés, notamment dans la région parisienne. Mais, le 5 octo­ bre 1940, c’est 300 militants communistes de Paris et de la ban­ lieue qui sont arrêtés à la même heure et internés à Aincourt, en Seine-et-Oise. Des centaines d’autres suivent en octobre-novembre. C’est que l’ennemi s’aperçoit que l’action menée par les commu­ nistes se développe puissamment. Le 8 novembre, l’Union des Etudiants et Lycéens Communistes fait circuler des tracts à la Sorbonne protestant contre l’ar­ restation, le 30 octobre, de Paul Langevin, jeté en prison par -la Gestapo, et appelant les jeunes à se retrouver au Collège de France. Malgré le Quartier Latin en état de siège, malgré les chars cernant le Col­ lège, quelques dizaines d’étudiants chan­ tent La Marseillaise. L ’étincelle est allumée. Le 11 novembre, les étudiants patriotes montent à l’Arc de Triomphe malgré l’in­ terdiction. Ce jour-là, les Parisiens accla­ ment la courageuse jeunesse des écoles, chantant La Marseillaise, Le Chant du Dé­ P. LANGEVIN part, conspuant Hitler et Pétain. La Ges­ tapo charge. Dix morts, cinquante blessés, des centaines de jeunes gens jetés en prison ; plusieurs seront fusillés, de nombreux autres déportés, et l’Université de Paris est fermée.

— 9 — Le même jour, le ministre de Hitler, Alfred Rosenberg, réunit luis la salle des séances de la Chambre des députés les hauts fonctionnaires allemands de Paris. Du haut de la tribune qu’illus­ tra Jaurès, le chef nazi explique que la guerre de 1939 signifie la fin de 1789, la fin des Républiques, la € guerre du sang contre Tor», des « peuples pauvres contre les ploutocraties^, du * socia­ lisme contre le capitalisme >. Le lendemain, toute la presse pari­ sienne reproduit le discours en première page. Qui y répond ? Le Parti Communiste Français. Une forte bro­ chure intitulée « Réponse à Sang et Or » dénonce quelques semai­ nes plus tard la démagogie hitlérienne qui tentait de pénétrer dans les universités et les milieux intellectuels. Tirage et diffusion (clan­ destine, bien entendu) ; cent mille exemplaires. Auteur : le profes­ seur de philosophie Georges Politzer, fusillé par la suite. L’action de sabotage commence à se développer dans les usi­ nes : en décembre, des moteurs sortant de chez Gnome et Rhône s’arrêtent après avoir tourné quelques heures, plusieurs centaines de motos fabriquées dans une autre usine doivent être jetées à la ferraille. Cette importance de l’action communiste est attestée par un document irréfutable. Le journal anglais le plus conservateur, le plus anticommuniste. Le Daily Telegrapli, publia, le 20 décembre 1940, une « Chronique de France » qui lui était parvenue par un pays neutre. Elle disait : « Le seul parti existant, quoique illégal, c’est le Parti Commu­ niste, et plus de 1.000 de ses militants ont été arrêtés le mois der­ nier. Ils distribuent des tracts antiallemands qui font appel au sen­ timent patriotique des Français. »

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Pendant ce temps, à Vichy, Pétain a proclamé la « Révolution nationale > qui couvre la pire réaction. Le 25 octobre 1940, c’est l’entrevue de Montoire entre Hitler et Pétain. On essaie d’abuser notre peuple : les prisonniers vont être libérés, l’indemnité écrasante de 400 millions payée chaque jour au vainqueur va être réduite — à condition que le peuple accepte de collaborer avec Hitler. Mais le peuple refuse. Au début de 1941, Déat lance en zone occupée son Rassemblement National Po­ pulaire, avec un programme effrené de ©, mi — 10 —

de paris'^ démagogie anticapitaliste, pour essayer d’entraîner les ouvriers dans la politique de collaboration. Qui arrache le masque au R.N.P. ? Le Parti Communiste Fran­ çais, par une brochure intitulée ; « Non, le fascisme n’est pas le socialisme ! ». L’auteur ? Gabriel Péri, fusillé en 1942. Dans les usines, la C.G.T. ayant été dissoute, des comités populaires clandes­ tins (dont Benoît Frachon dirige l’activi­ té) revendiquent pour les ouvriers. C’est de cette action revendicative que va naître l’héroïque grève des mineurs du Pas-de- Calais et du Nord. B. FRACHON LES MINEURS A LA POINTE DU COMBAT

Une nuit d’automne 1940, une flamme éclatante, véritable aurore boréale, éclaire le pays minier du haut du plateau de Vimy, comme si tant de morts enterrés là-bas se vengeaient et appelaient les vivants à la lutte et à l’espoir. Hapiot, glorieux combattant des Brigades internationales qui, déjà en 1936, défendait la France sur le sol espagnol, et Georges Capel, avaient incendié, sur les hauteurs, un parc de voitures allemandes. La direction clandestine du Parti Communiste Français venait de donner le signal de la lutte armée contre l’envahisseur. Le 1er mai 1941, quand les corons ouvrirent leurs volets, une multitude de drapeaux rouges flottaient sur les terrils et les trans­ formateurs. Le premier groupe de francs-tireurs, constitué par le mineur Charles Debarge, était passé par là. Le corps du jeune Bal- dyga, les bras en croix, électrocuté, gisait sur le sol noir, mais au- dessus de lui, éclatait l’étoffe rouge sur un ciel de printemps. Quelques semaines plus tard, c’était la grève pour plus de pain, plus de savon et l’augmentation des salaires. Partie de la fosse 7 de Dourges, elle gagne les autres fosses. Ils sont plus de 100.000 à braver l’ennemi. Quinze jours où les molettes des puits cessent de tourner pour alimenter la machine de guerre. Quinze jours où les fenmies de mineurs, tant polonaises que françaises, montent la garde avec leurs hommes aux piquets de grève. Face aux blindés allemands et aux gendarmes. Tant de courage nié misérablement par de Gaulle, lorsqu’il écrit dans ses Mémoires (page 231). €A la fin de 1941, les communistes entrèrent à leur tour en action. » A la fin de 1941 ? Vous ignorez l’histoire, M. de Gaulle 1

— 11 — Malgré les campagnes de mensonges d’une presse infâme, 1» Russie Soviétique était toujours apparue à des millions de Français comme la puissance la plus capable de vaincre le fascisme hitlérien. Rien d’étonnant, de ce fait, qu’avec son clair bon sens, le peuple de chez nous décelait, dès le 22 Juin 1941, que l’Allemagne hitlé­ rienne, en attaquant l’U.R.S.S., venait de signer son arrêt de mort. En outre, aux yeux de la classe ouvrière, le nazisme apparais­ sait définitivement comme l’ennemi du socialisme, d’autant plus que l’on voyait plus nettement, chaque .jour, les hommes des trusts faire la pluie et le beau temps à Vichy. Hitler voulait détruire les conquê­ tes sociales des peuples soviétiques et Pétain supprimait toutes les libertés arrachées par les luttes de nos pères. Dès lors, la lutte pre­ nait clairement tout son sens : pour la libération de la France, contre le fascisme de Vichy et pour le rétablissement de la République. ' Devant l’amplification de la Résistance, les hitlériens réagissent par la terreur. Réponse des patriotes : un soir de juillet, un officier allemand est abattu près de la porte d’Orléans ; peu de temps après, un autre au métro Barbés — par celui qui allait devenir le légendaire colonel Fabien. Ainsi se constituent les groupes de combattants sans uniforme, s’armant sur l’ennemi. Durant les quatre semaines de juillet, un millier de patriotes sont fusillés (dont 116 au Mont-Valèrien), plus de 6.000 sont emprisonnés ou envoyés dans les camps de la mort. Début août, les murs de Paris et des FABIEN villes occupées se couvrent de la procla­ mation suivante : c Le Parti Communiste étant dissous, toute activité communiste est interdite en France. Toute personne qui se livre à une activité communiste, qui fait de la propagande ou qui tente d’en faire, bref qui soutient de quelque manière que ce soit les agissements commu­ nistes, est ennemi de VAllemagne. Le coupable est passible de la peine de mort qui sera prononcée par une cour martiale allemande,

— 12 — Tottte persofifu se trouve ea possession d'un tract antiatlemand doit le remettre immédiatement au service militaire allemand le plus ffoche. * Les contrevenants seront frappés d’une peine pouvant aller fusqi/à quinze ans de travaux forcés... > C’est la déclaration de guerre ' officielle de von Stulpnagel au Parti Communiste. Les premières exécutions d ’otages ont soulevé la colère popu­ laire, et le sabotage se développe dans les usines, les chemins de fer. Pour essayer de l’enrayer, de Brinon — délégué de Pétain en zone occupée — se rend à Vichy. Il obtient de Barthélémy, ministre de la Justice, et de Pucheu, ministre de l’Intérieur, la constitution des € tribunaux spéciaux > jugeant sans appeL

LA GUILLOTINE POUR LES PATRIOTES

Trois jours après, la section spéciale de la cour de Paris tient sa première audience' à huis clos : un chef paveur de Malakoff a été pris distribuant des tracts ; 7 ans de travaux forcés ; un deuxième, pour le même motif ; 15 ans ; un troisième : la peine de mort. Dans l’après-midi de ce 27 août 1941, deuxième session ; Lucien Sampaix, secrétaire général de l’Humanité : travaux forcés à perpé­ tuité (il sera livré à la Gestapo et fusillé six mois plus tard) ; André Brechet, électricien, condamné à mort ; Emile Bastard, pour déten­ tion d ’une ronéo, condamné en première instance à deux ans de prison, lui aussi condamné à la peine capitale. Le lendemain matin, les trois condamnés à mort sont guillotinés 'dans la cour de la prison de la Santé. Ils sont allés au supplice avec ua courage qui a frappé de stupeur les hitlériens eux-mêmes. Le 21 septembre 1941 comparaissent devant les mêmes bourreaux Adolphe Guyot,. Jacques Woog, Jean Catelas. Adolphe Guyot est un jeune ouvrier de Colombes. En juillet 1940, il avait été condamné par le tribunal correctionnel à trois ans de prison pour avoir reconstitué la cellule communiste de son usine. C’est lui qu’une année plus tard le tribunal d ’Etat va extraire de sa cellule pour le condamner à mort ! Avec lui, l’architecte Woog, âgé de 22 ans, père de deux enfants. Son crime ? Distribution de tracts antihitlériens. C’est le deuxième condamné à mort de la san- J. CATtLAS glante journée, — 13 — Enfin, le cheminot Jean Catelas, glorieux combattant de l’autre guerre, élu député d ’Amiens en 1936, membre du Comité Central du Parti Communiste Français. Cela suffit : pour la troisième fois en deux heures, la peine de mort. Le lendemain, à nouveau, la guillotine est dressée dans la cour de la Santé. « ... L’agonie de ces trois hommes, lit-on dans le journal clan­ destin « Le Palais libre », ne fut même pas respectée. Dans leur cellule de condamnés à mort, on leur délégua de louches émissaires. Un mot de reniement et leur vie était sauve. Tous préférèrent le martyre au déshonneur. » Jusqu’à la guillotine, ces hommes conservèrent leur calme. Catelas, en passant devant le cachot de Péri, cria adieu à son com­ pagnon de lutte qui, quelques mois plus tard, devait mourir sous les balles allemandes. Guyot s’excusa auprès de tous ceux qui l’assis­ taient de les contraindre à voir un tel spectacle. Woog remit à l’avocat général une photo de ses deux enfants et lui demanda de l’envoyer au maréchal Pétain, protecteur de la famille française... »

LA TERREUR EN ZONE DITE LIBRE

En zone non occupée, ce sont les tribunaux militaires composés d ’officiers réactionnaires qui agissent — tel celui de Clermont- Ferrand le 12 septembre 1941. Douze inculpés « d’avoir tenté de reconstituer le Parti Commu­ niste dans la région de Châteauroux » sont jugés et récoltent au total soixante années de travaux forcés : deux les travaux forcés à perpétuité ; deux sont condamnés à mort ; ils étaient, avant la guerre, secrétaires du syndicat des ouvriers de chez Michelin. Quand la sentence est connue, l’indignation est telle à Clermont- Ferrand et dans toute la région qu’une grève générale est sur le point d ’éclater. La peine de mort est alors commuée en travaux forcés à perpétuité. Le 21 octobre, 100 otages — des communistes, des socialistes, des catholiques — sont fusillés à Châteaubriant, Nantes, Bordeaux. Ces féroces exécutions n’arrêtent pas la Résistance ; au contraire, elle redouble. L’ampleur de la lutte est attestée par un communiqué de la pré­ fecture de police de Paris, en octobre 1941 : « La police parisienne a tendu toute son activité en vue de recher­ cher les coupables des attentats d’ordre divers. Les individus arrêtés ont reconnu avoir participé à des sabotages de voies ferrées et à des sabotages dans différentes usines de Paris et de la région parisienne. » Attestée également par la conférence de presse de Pucheu, le 5 décembre 1941, à Vichy ;

— 14 — € Pour les communistes, 1.850 arrestations sont venues couroïk- ner les opérations massives entreprises depuis trois jours dans les grands centres de la zone libre, au sein, des milieux communistes ei terroristes. Ces arrestations s’ajoutent aux 11.000 arrestations effec­ tuées depuis six semaines dans les mêmes milieux. » Les opérations d’épuration continuent. » Telle était la sinistre besogne à laquelle se livraient les hommes 'du maréchal traître qui avait salué en Hitler, le 12 août 1941, le « champion de la civilisation >, les policiers du genre Dides, les fas­ cistes à la Tixier-Vignancour, les vichystes à la Pinay, et qui, aujourd’hui, ont porté de Gaulle au pouvoir et sont devenus ses plus zélés serviteurs.

C’ETAIENT LES MOIS LES PLUS DURS

Durant les années 1940 et 1941, il fallait alors une inébranlable confiance en l’avenir pour agir sans attendre contre l’ennemi. Mais au fur et à mesure qu’était démontré que l’Allemagne hitlérienne n’était pas invincible, l’attentisme reculait. La défaite allemande devant Moscou en décembre 1941 allumait de nouvelles énergies patriotiques et l’année 1942 voyait se développer considé­ rablement la lutte armée. Les détachements de partisans se multi­ pliaient. Bientôt se formait un véritable état-major — le Comité National des F.T.P. — qui publiera chaque mois un communiqué qui atteste des coups portés à l’ennemi. Son communiqué No 9 (août 1942) annonce ; « Pour célébrer le 14 juillet, de nombreuses équipes de des­ truction se sont constituées pour appuyer l’action des F.T.P., et les faits de sabotage ont subi un accroissement marqué dans l’ensembte de la production. « Quatre déraillements particulièrement importants ont été réa­ lisés, détruisant des effectifs allemands et du matériel de guerre, etc... «Dans l’ensemble, 131 officiers et soldats ennemis, 3 traîtres et 2 légionnaires de la L.V.F. ont été exterminés... » (suit une lon­ gue liste des actions diverses menées en un mois). Le débarquement américain en Afrique du Nord en octobre 1942, mais surtout la formidable victoire de Stalingrad (février 1943) galvanisent les patriotes et c’est partout que s’étend la flam­ me de la guerre contre l’envahisseur. Le Front National, dont l’idée a été lancée dès mai 1941 par le Parti Communiste Français, prend une grande ampleur. Agissant pour réunir toutes les forces opposées à l’envahisseur, le Parti Com­ muniste Français délègue son représentant à Londres auprès de la France Combattante afin d’agir pour que cesse l’attentisme, que cesse chez de Gaulle et dans son état-major la méconnaissance de la guerre des partisans et la peur du peuple en armes et que soit

— 15 — formé à Alger un gouvernement englobant les représentants de toute la Résistance. Egalement mandaté par le Comité National des F.T.P., le délégué du Parti à Londres, Fernand Grenier, apporte le vœu des combattants en armes : que soit formée « sur tout le ter­ ritoire français, l’Armée Française de la Libération ». Ainsi était lancée l’idée des Forces Françaises de l’Intérieur (F.F.I.) destinées à rassembler tous les groupements menant la lutte armée, mais que de Gaulle ne créa qu’en mars 1944, ces F.F.I. qui retiendront huit divisions allemandes, ainsi empêchées de renforcer celles qui se battaient contre les forces alliées débarquées en Normandie et en Provence. Mais pourquoi cette hostilité de de Gaulle à la lutte armée ?

LA PEUR DU PEUPLE EN ARMES A Londres, puis plus tard à Alger, que faisait de Gaulle pour aider à la lutte armée ? Dès le début, le lendemain de l’exécution des otages de Châ- teaubriant (22 octobre 1941), il déclare à Radio-Londres : < J’ordonne de ne pas tuer d’Allemands. » Attitude maintenue jusqu’à la fin, lorsque de Gaulle parti à Alger, son délégué à Londres, le général Kœnig, ordonne, sur son ordre, aux F.F.I., après le débarquement en Normandie : « Freinez au maximum, je répète, freinez au maximum activité guérillas. > Entre temps, en septembre 1943, il refuse toute aide à l’insur­ rection corse et blâme le général Giraud de l’avoir aidée ; « Je n’approuve pas le monopole que vous avez donné aux chefs communistes. > {Mémoires, tome II, p. 243.) Avec le maquis du Vercors qui n’est cependant pas dirigé par des « chefs communistes », il agira cependant de la même manière dix mois plus tard sans jamais tenter de se justifier des graves accusations portées contre lui et Soustelle. Tout au long de ses Mémoires, de Gaulle fait l’aveu de sa peur du peuple en armes en prêtant mensongèrement aux communistes des intentions partisanes. « L’objectif {des communistes) consistait à établir leur dictature à la faveur du drame de la France... » (Tome I, page 231.) « Le Parti Communiste compte trouver, dans Vécroulement de Vichy, l’occasion d’établir chez nous sa dictature... > (Tome 11, p. 2.) « A travers la lutte contre l’ennemi, le parti prépare d’une manière directe l’action révolutionnaire pour la prise du pouvoir... » (Tome 11, page 151.) Même opinion exprimée page 291 à propos de Paris : « L’intention des communistes... était d’y saisir les leviers de commande avant que je ne les prenne. S’ils parvenaient à s’instituer — IG — les dirigeants du soulèvement et à. disposer de la force à Paris, ils auraient beau jeu d’y établir un gouvernement de fait où ils seraient prépondérants... Ils projetaient d’apparaître à la tête de l’insurrec- lion comme une sorte de Commune... jusqu’au jour où serait établie la dictature dite du prolétariat. > Ainsi, de Gaulie prétendait déjà mensongèrement que le choix était entre le gaullisme et le communisme alors qu’il s’agissait unique­ ment, pour les patriotes, de libérer la patrie et de restaurer la Répu­ blique. (Tout comme aujourd’hui, le choix n’est pas entre gaullisme et communisme mais entre le retour à la République ou la dictature militaire et personnelle.)

A PROPOS DE LA LIBERATION DE PARIS Son attitude le juge encore à ce moment-là. A l’approche de Paris des armées alliées, l’insurrection parisienne va se déclencher. Le 10 août 1944, c’est le début de la grève des cheminots qui va s’étendre rapidement de gare en dépôt, suivie de celle des P.T.T. et le 16 août, de celle des policiers. De nombreuses usines sont fer­ mées faute de courant. La température monte. Une affiche des F.T.P. appelle à la mo­ bilisation générale des officiers et sous-officiers de Paris et, le 18 août, un appel des élus communistes de Paris et de banlieue et un autre du Comité Parisien de Libération exhortent à l’insurrection libératrice. Alors commence le 19 août la prise des mairies, des bâtiments publics tels la Préfecture de Police et l’Hôtel de Ville, des locaux occupés par l’ennemi. Mais, le même soir, une affiche est placardée sur la mairie de Vanves. « En raison de la promesse faite par le commandant allemand de ne pas attaquer les édifices publics occupés par les troupes fran~ çaises et de traiter les prisonniers selon les lois de la guerre, le gou­ vernement provisoire de la République française et le Comité national de la Résistance demandent de cesser l’action contre l’occu­ pant jusqu’à l’évacuation de Paris. > Le plus grand calme est recommandé à la population, qui est priée de ne pas stationner dans les rues. » Le lendemain, cette affiche est. placardée ailleurs et des voitures avec haut-parleurs annoncent dans tout Paris la conclusion de la trêve. Que s’était-il passé ? Les Allemands, craignant d’être prisonniers du peuple de Paris, avaient fait toucher Parodi et Chaban-Delmas (délégués de de Gaulle) par le consul de Suède et la trêve avait été conclue — sans que les dirigeants responsables de l’insurrection aient été prévenus. Le Comité National de la Résistance refuse de couvrir la trêve.

— 17 — Malgré la présence à Paris de 20.000 Al­ lemands disposant de 80 chars et de 60 canons, Paris se couvre de barricades et la glorieuse insurrection, en se dévelop-, pant, se rendra maîtresse de la capitale, sauf en quelques îlots que la division Leclerc réduira à son entrée dans les murs de Paris tout frémissant encore de la ba ­ taille, d’un Paris qui avait donné à la Résistance le député du 15', Charles Michels, les conseillers municipaux Gar- dette. Le Gall, Cariou, Frot, fusillés par l’ennemi. Quels sont les sentiments de de Gaulle en face de ces patriotes parisiens qui ont C. MICHELS versé leur sang pour libérer la capitale ? 11 écrit, page 305 de ses Mémoires : « Lisgnt l’exemplaire de la capitulation ennemie que me pré- sente Leclerc, je désapprouve la mention qu’il y a inscrite après coup sur les objurgations de Roi-Tanguy (1) et suivant laquelle c’est à Roi, comme à lui, que s’est rendu le commandement allemand. < D’abord, lui dis-je, cela n’est pas exact. D’autre part, vous êtes, 'dans l’affaire, l’officier le plus élevé en grade, par conséquent seul responsable. Mais, surtout, la réclamation qui vous a conduit à admettre ce libellé procède d’une tendance inacceptable. » Ainsi, les F.F.I. qu’avaient dirigés le colonel Roi-Tanguy ne devaient pas être reconnus comme ayant pris la part essentielle à la libération de Paris. De même, de Gaulle devait refuser de proclamer la République du haut du balcon de l’Hôtel de Ville après avoir tout d’abord également refusé de ren­ contrer le Conseil National de la Résistance et le Comité Parisien de la Libération et n’avoir cédé que sur les instances du préfet Luizet lui dépeignant « l’irritation qu’ont ressentie le C.N.R. et le C.P.L. quand ils ap­ prirent que jè n’allais pas à eux, tout droit, pour commencer ■». (Mémoires, page 307.) Quel mépris encore pour ceux sans les­ quels il n’y aurait pas eu de Résistance sur le sol national, de d’Estienne d’Orves au radical Jean Moulin, du socialiste Brossolette au communiste , tous morts pour la France ! (1) Dirigeant militaire de l’insurrection et ROL-TANGUY membre éminent du Parti Communiste Français.

— 18 — L IfMurrcrtioft du Pouote d« *

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AOUT 1944

Les gamins de Paris aident a construire les barricades — 19 — tt Paris M libéra (août 1944).

— 20 — IV HOMMAGE AUX HEROS

Ce qu’a coûté la lutte héroïque du peuple français pour la libération de la patrie, le bilan complet n ’en a jamais été dressé. Il y a eu 200.000 déportés vers les camps de la mort de Dachau, Buchenwald, Auschwitz, Matthausen et autres lieux de damnation, 162.000 y sont morts. Sur les 38.000 qui sont rentrés en 1945, 5 à 6.000, par suite de leurs terribles souffrances, sont décédés dans le trimestre qui a suivi la libération des camps. Combien sont encore vivants aujourd’hui ? Quinze milliers environ. Sur 200.000 ! Combien de fusillés, de morts sous les tortures ? Entre 40 et 50.000, selon les uns. Près de 100.000, selon les autres. Combien tués dans les maquis, assassinés par la milice de Pé­ tain, tombés dans les ultimes combats de la libération ? Le chiffre exact n ’en a pas, à notre connaissance, été précisé. Le Parti Communiste Français, à lui seul, a perdu 75.000 de de ses membres morts pour la France, parmi lesquels huit mem­ bres de son Comité Central : Pierre Semard, Gabriel Péri, Félix Cadras, Jean Catelas, Georges Wodli, André Rebière. Barthélémy Ramier. Charles Nedelec. D’autres avaient été frappés dans leurs plus chères affections. Alors qu’ils étaient emprisonnés à Alger, Henri Martel apprenait que ses deux fils avaient été fusillés par les nazis, Virgile Barel que l’un de ses fils était mort sous les tortures, Prosper Môquet que son Guy était parmi les héros tombés à la sablière de Châteaubriant. Maurice Thorez avait son frère Louis également exécuté par les nazis. La C.G.T. avait, elle aussi, payé un lourd tribut à la libération de la patrie : Pierre Semard, Timbaud (secrétaire du syndicat des Métaux parisiens), Poulmarch (secrétaire de la Fédération des Pro­ duits Chimiques), Michels (secrétaire de la Fédération des Cuirs et Peaux), Granet (secrétaire de la Fédération du Papier-Carton), Le Gall (secrétaire de la Fédération du Bâtiment), et des milliers d ’animateurs de syndicats. De tant et tant de lettres sublimes écrites par nos héros avant de tomber sous les balles des bourreaux hitlériens, citons celle de Pierre Semard, ancien secrétaire du Parti et dirigeant aimé de la Fédération C.G.T. des Cheminots : « Dans quelques instants, je serai fusillé. J’attends la mort avec calme. Ma dernière pensée est avec vous, camarades de lutte, avec

— 21 — tous les membres de notre grand Parti, avec tous les Français patriotes, avec les héroïques combattants de l’Armée Rouge et son chef, le grand Staline, je meurs avec la certitude de leur victoire sur le fascis­ me, avec la certitude de la libération de la France. Dites à mes amis les cheminots que ma dernière volonté est qu’ils ne fas­ sent rien qui puisse aider les nazis. Les che­ minots me comprendront ; ils m’entendront, ils agiront, j’en suis convaincu. Adieu, mes chers amis. L’heure de mourir approche. Mais je sais que les nazis qui vont me fu­ siller sont déjà vaincus. Vive l’Union Soviétique et ses alliés I Vive la P. SEMARD France ! » LA lEUNESSE AUSSI A BIEN MERITE DE LA PATRIE...

Tout naturellement, un nom vient de suite à l’esprit : Guy A/lôquet. Elève du lycée Carnot, il dirige en 1940 la section clandes­ tine des Jeunesses Communistes du 17’ arrondissement de Paris, et il tombera héroïquement sous les balles nazies dans la sablière de Châteaubriant. Décoré à titre posthume de la Médaille de la Résistance et fait Chevalier de la Légion d’Honneur, sa citation à l’Ordre de la Nation lui rend hommage en ces termes : « Ardent patriote, symbole de l’héroïsme de la jeunesse fran­ çaise en lutte contre l’ennemi. Arrêté par la Gestapo le 13 octobre 1940, à l’âge de 16 ans. Interné à Châteaubriant, après avoir été torturé, a été désigné parmi les otages et fusillé le 22 octobre 1941 à l’âge de 17 ans. » Voici un autre jeune patriote : le mineur Michel Bridé. Le 26 mai 1941, au matin, Michel arrive au puits 7 de Dourges, il saute sur le per­ ron et il parle : « Camarades, un jour décisif vient de 'commencer. La misère,la faim se sont ins­ tallées dans nos foyers. Les gosses deman­ dent du pain, nous-mêmes n’avons rien à manger. Et c’est ce jour qu’ils ont choisi pour exiger de nous plus de. charbon. On veut maintenant nous imposer le marquage de bois. Hier, c’était les primes. Aujour­ d’hui autre chose. Marcherons-nous comme des moutons ? Allons-nous continuer à fournir des armes à nos ennemis ? ■» &. MOQUET — 22 — Les applaudissements éclatent. < Non, camarades ! continue la voix jeune et puissante, non, dest assez! Nous n’avons qu’une arme, mais elle est toute puis~ santé : la grève! Ce matin nous^ ne descendrons pas. > La grève est votée dans l’enthousiasme. Et c’est ainsi que partit le mouvement qui allait faire trembler les nazis... Voici le responsable des Jeunesses Communistes du Cher, Roland Champenier (19 ans) qui, avec trois autres jeunes, font dérailler des trains avec des moyens de fortune, attaquent des Alle­ mands isolés pour se procurer des armes. Ils ne sont que quatre en février 1943; un an après, ils seront 500 au maquis de Douzy et 1.200 en juin. 3.000 Allemands les attaquent avec des chars et des canons. Les courageux maquisards rompent l’encerclement et l’en-' nemi laissera 174 cadavres sur le terrain, mais douze F.T.P. y sont morts héroïquement. Le maquis, reformé et harcelé jour et nuit, résiste à tous les assauts, et le 6 septembre 1944, le commandant Roland — il a tout juste 20 ans — fait son entrée victorieuse à Nevers à la tête de 1.500 maquisards... Voici Paul Casteur, dirigeant national des jeunesses. Dans la bataille depuis le début, il tombe une première fois en 1942 aux mains de l’ennemi. Il parvient à s’évader trois semaines plus tard et reprend le combat. Le 9 juin 1944, il est assassiné par des ins­ pecteurs des brigades spéciales. Quatre années durant, il a été un organisateur extraordinaire, d'un courage à toute épreuve... Voici Auguste Delaune, secrétaire général de la F.S.G.T. Une audacieuse évasion de Châteaubriant, et le voici dans la lutte armée jusqu’à ce qu’il tombe au Mans, en 1944, sous les balles — lui aussi — de policiers français... Quelle somme de courage représentent également les 385 numé­ ros clandestins de l’Avant-Garde, rédigés, imprimés et distribués par les jeunes communistes au péril de leur vie.

...L?5 FRAUCE EGALEMENT Un souvenir impérissable, un nom entré dans l’Histoire : Danielle Casanova. Avant guerre elle travaillait au dispensaire de Villejuif et elle animait l’Union des Jeunes .Filles de France. Quand la tempête s’abat sur la France, ces jeunes filles tiendront avec honneur leur place dans la bataille. Danielle est aux premiers rangs pour en­ traîner la jeunesse étudiante, le 11 novem­ bre 1940, à l’Etoile, pour participer à la formation des F.T.P., pour organiser aussi, D. CASANOVA les femmes, celles dont les maris sont — 23 — prisonniers, celles qui réclament du pain pour leurs enfants. Infati­ gable, elle dirige le journal clandestin La Voix des Femmes. Arrêtée le 15 février 1942 par des policiers français, elle est livrée à la Gestapo. Maintenue au secret, torturée, affamée, rien ne lui fera courber la tête. Avec ses compagnes Marie-Claude Vail- lant-Couturier, Maï Politzer, Lucienne Fromont,, elle fait résonner les murs de la prison de la Santé de nos chants d’espoir et de lutte. Transférée au fort de Romainville, elle galvanise la résis­ tance des femmes. Le 23 janvier 1943, elle est déportée en Allemagne. Dans l’enfer d’Auschwitz, sa bonne humeur, sa confiance dans l’ave­ nir sont un quotidien réconfort pour ses compagnes. En mai, en portant à boire à ses camarades malades, elle contracte le typhus qui va l’emporter. Dans sa dernière lettre envoyée de Romainville, elle écrivait : « Nous ne baisserons jamais la tête ; nous ne vivons que pour la lutte. Les temps que nous vivons sont grandioses, je vous dis au revoir ; j’embrasse tous ceux que j’aime. N’ayez jamais le cœur serré en pensant à moi. Je suis heureuse de cette joie que donne la haute conscience âe n’avoir jamais failli et de sentir dans mes veines un sang impétueux et jeune. Notre belle France sera libre et notre idéal triomphera. » Chère Danielle... mais aussi ces jeunes filles qu’elle avait su si bien entraîner dans le combat : Henriette Schmidt, Rose Blanc,, Jacqueline Quatremaire, Yvette Feuillet, Claudine Guérin, mortes également à Auschwitz... toutes ces fleurs arrachées, piétinées, écra­ sées par des tigres à face d’homme. Et Francine Fromond, fusillée à Fresnes, le 5 août 1944, elle avait vingt-six ans ! Et France Bloch-Sarrazin, fille de l’écrivain Jean-Richard Bloch, décapitée à la hache à Hambourg, le 12 février 1943, à l’âge de trente ans 1 Et Bertie Albrecht ! Elle animait un groupe de résistance en zone Sud. Arrêtée le 28 mai 1943, à Mâcon, par la Gestapo, elle sera décapitée à la hache le 9 juin, laissant deux enfants... Et Marie Talet, directrice du collège d’Angers, avec, pour elle aussi, ce long calvaire de souffrances : l’arrestation, Romainville, Compiègne, Ravensbrück... Et Germaine Lelièvre qui, elle, organisa, rue Daguerre à Paris, une manifestation de mille rhénagères qui s’emparent des conserves qu’une grande maison de commerce gardait pour les occupants. Germaine, rentrée de Ravensbrück... pesant... 28 kilos, et morte trois mois plus tard! Et Hélène Kro, arrêtée alors qu’elle transportait de la dyna­ mite pour les F.T.P. Les gendarmes la ramènent à son domicile pour perquisitionner le jour même où elle attend la visite de plu-

— 24 — sieurs partisans. Profitant d’un moment d’inattention des policiers, l’héroïque jeune femme se jette du cinquième étage pour prévenir ainsi ses camarades de combat et sauver leur vie au prix ye la sienne. y Et Léa Blain, tombée au Vercors, le revolver à la main, à l’âgè de vingt-deux ans ! Et Suzanne Masson, dirigeante du Syndicat des Métaux de La Courneuve, décapitée à Hambourg le 1er novembre 1943 I Et Thérèse Pierre, professeur à Rennes, animatrice du Front National en Bretagne, torturée à mort, sans avoir donné à l’ennemi le moindre renseignement, le moindre nom! Et Marie-Louise Laguerre, qui organise et dirige, grâce à son poste aux P.T.T. à La Châtre (IndreX la transmission de messages télégraphiques quî lui parviennent de cinquante postiers du département en liaison avec elle — évitant ainsi bien des arrestations de patriotes — arrêtée le 22 mai 1944 et déportée à Ravensbrück, elle meurt quelque jours après la libération du camp ! Et Suzanne Bruisson, socialiste, agent de liaison entre Lyon et Paris, arrêtée te 1er avril 1944, tor­ turée — à l’âge de soixante ans — au fort Montluc à Lyon, trans­ férée à Fresne et morte en déportation dans un lieu inconnu ! Et Blanche Solsena, la catholique, qui imprimait avec son fils les tracts communistes et tant d’autres ! Qu’ils sont poignants les cinq fascicules du Livre d’Or dédié par l’Union des Femmes Fran­ çaises aux femmes héroïques mortes pour que vive la France. Hé­ las 1 il est impossible de tout citer...

LES HAUTS LIEUX DE FRANCE

Les prisons : la Santé, Fresnes, Clairvaux, Fontevrault, Loos, celles de Lyon, de Marseille, de Bordeaux, de toute la France. Là, des patriotes ont durement souffert, jour après jour, sans rien renier de leurs actes, de leur idéal, de leur patriotisme. Pour beaucoup, c’était la dernière étape avant la mort. Le mont Valérien. Nos martyrs y montaient enchaînés, défiant les bourreaux, criant « Vive la France ! » ou chantant « La Mar ­ seillaise » et de là-haut, leurs yeux regardaient, une dernière fois, le panorama de Paris captif mais indompté. A Arras, c’était dans les fossés de la citadelle qu’ils fusillaient. Un mur, aujourd’hui couvert de deux rangées de plaques, celles des deux cent vingt fusillés avec sous les noms des martyrs : « F.T.P. », « Mineur », « Communiste » et la date, 1941 ou 1942. Bekaert, 17 ans, Lefebvre, Germinal Beudot, Moïse Boulanger, Paul Cainphin et Maurice Camphin — des noms bien de chez nous — mais aussi des noms d’ouvriers polonais, ceux enfin de deux soldats de l’Armée Rouge. Leur

— 25 — sinistre besogne achevée, les hitlériens partaient à la soupe. Ils avaient Jeté les corps dans les fossés, dans la boue, au milieu des boîtes de conserves. En cachette, les femmes de mineurs allaient jeter des fleurs au pied du mur. Comme le faisaient les paysannes des environs de Châteaubriant dans les divers cimetières ou l’ennemi avait fait enterrer les vingt- sept fusillés de la Sablière— Tant de' sang répandu. Pour libérer la France et pour une République meilleure.

CE QU’ÊTArr LE PROGRAMME DE LA RESISTANCE

D’abord sans lien entre eux, les princi­ paux groupements qui menaient la lutte contre l’occupant devaient, en 1943, se ras­ sembler au sein du Conseil National de la Résistance dont le premier président, Jean Moulin, fut livré à la Gestapo par trahison et assassiné. La préoccupation première du C.N.R. était la lutte contre l’occupant et ses com­ plices de Vichy. Mais, à mesure qu’appro­ chait la libération tant attendue, il se préoccupait de l’avenir de la France. J. MOULIN Dresser un programme commun à douze groupements de Résistance, six partis politiques, plus la C.G.T. et la C.F.T.C., n’était pas chose facile. 11 fut mis au point en 1943 et adopté le 15 mars 1944. Les membres du C.N.R. proclamaient qu’ils étaient « décidés à rester unis après la Libération > afin de réaliser ce programme. Tout un passage y était consacré au rétablissement des libertés démocratiques ; — L’établissement de la démocratie la plus large en rendant la parole au peuple français par le rétablissement du suffrage universel ; — La liberté de pensée, de conscience et d’expression ; — La. liberté de la presse, son honneur et son indépendance à l’égard de l’Etat, des puissances d’argent et des influences étrangères ; — 26 — — La liberté d’association, de réunion et de manifestation ; — L’inviolabilité du domicile et le secret de la correspondance j — Le respect de la personne humaine ; — L’égalité absolue de tous les citoyens devant la loi. Suivaient toute une série de réformes économiques et de réformes sociales parmi lesquelles : « féviction des grandes féodalités écono­ miques et financières », < le retour à la nation de tous les grands moyens de production monopolisés, fruits du travail commun, des sources d’énergie, des richesses du sous-sol, des compagnies d’assu­ rances et des grandes banques », « le droit au travail et le droit au repos », « un plan complet de sécurité sociale », < un niveau de salaire et de traitement qui assure à chaque travailleur et à sa famille la sécurité, la dignité et la possibilité d’une vie pleinement humaine », « la sécurité de l’emploi », « une retraite permettant aux vieux travailleurs de finir dignement leurs jours », € un juste statut du fermage et du métayage », « la réalisation d’un plan d’équipe­ ment rural », « la possibilité effective pour les enfants français de bénéficier de l’instruction et d’accéder à la culture la plus développée, quelle que soit la fortune de leurs parents ». Voilà pourquoi avaient combattu les patriotes de France !

Ce programme, nous autres, communistes, y demeurons fidèles, ainsi que tous les patriotes qui, aujourd’hui, défendent la Répu­ blique.

— 27 — Dans son rapport d ’activité présenté au premier Congrès du Parti Communiste Français tenu après la Libération (juin 1945), son secrétaire général Maurice Thorez disait : « Dans leur grande masse, les F.F.I., et parmi eux les anciens F.T.P., étaient des ouvriers, des paysans, des gens du peuple. » Une fois de plus, c’est le peuple qui avait sauvé la France. » Oui, c’est le peuple qui avait sauvé la France. Plusieurs centaines de milliers de Français ont payé de leur vie la libération de la patrie. D’autres patriotes ont repris leur métier d ’ajusteur ou de che­ minot, de paysan ou d ’artisan, d ’instituteur ou de professeur. Ils ne se proclament pas, eux, les libérateurs de la patrie. Ils se rap­ pellent seulement qu’au temps de leur héroïsme ils combattaient à la fois pour la libération du pays et la renaissance de la Républi­ que étranglée à Vichy. Ils ont souvenir des méfaits de la dictature militaire, du pouvoir personnel de Pétain et ils n’ont pas oublié les horreurs d ’une patrie écrasée sous la botte. Se souvenant des martyrs, ils continuent leur combat. Trop de traîtres d ’hier et de collaborateurs de Pétain soutiennent au­ jourd’hui la dictature militaire et personnelle de de Gaulle : les Pinay, les Dides, les Weygand, les Juin, les Tixier-Vignancour et autres Georges Bonnet. Les patriotes voient le gouvernement éliminer les républicains et installer, en France comme en Algérie, les hommes du fascisme dans les rouages de l’Etat. Ils lisent un projet de Constitution qui donnerait à un président des pouvoirs dictatoriaux, ceux d ’un monarque absolu, retirant au peuple et à ses élus toute possibilité réelle de contrôle ou d ’inter­ vention. La Constitution gaulliste, en fait, assassinerait la Répu­ blique et le plébiscite légaliserait cet assassinat. Ces menaces contre nos libertés, cette dictature, synonyme de misère et de guerre et néfaste à notre peuple sont la trahison la plus odieuse du programme du Conseil National de la Résistance. Les résistants, qui avaient fait d ’avance le sacrifice de leur vie, ne combattaient pas par attachement à un homme mais par amour de la patrie. Cette patrie, ils la veulent grande, digne des traditions de son passé. Elle ne peut être grande que par le respect des principes fon­ damentaux et des institutions de la démocratie, l’élévation du niveau

— 28 — 1 ■ 1

A la Républi^u»^, le 28 mai 1958. de vie du peuple, les moyens dignes de la France mis à la disposi­ tion de l’école, de la science, de la technique, de la culture françaisesw Elle sera grande par une politique d’amitié avec tous les peuples, la paix en Algérie et l’établissement de rapports nouveaux, libre­ ment consentis, avec les peuples jusqu’ici opprimés. La confiance en l’avenir de la France faisait agir les patriotes avec audace aux années sombres de l’occupation. Une même volonté les rassemble pour dire NON le 5 octobre à la dictature militaire, OUI à la renaissance de la démocratie, OUI à la République, OUI à la France 1 Le Parti Communiste Français. ^ 2» — TEMOIGNAGES

VERCORS

ans une lettre au général de Gaulle du II février 1955 à propos D de ses « Mémoires », Vercors s’élève contre « les calomnies ordinaires que l’on porte contre les communistes » et qu’il s retrouvées sous la plume de de Gaulle. Vercors écrit : « La première lettre que j’ai reçue, en août 1940, qui m’appe­ lait à la résistance, était signée du communiste Jean-Richard Bloch. La première réunion à laquelle j’ai assisté, en octobre, chez le poète Arcos, s’était faite à l’initiative du même, accompagné du commu­ niste Frédéric joliot, du communiste Wallon, du communiste Maublanc, du communiste Francis Jourdain, et il nous y fut lu des lettres d ’Eluard et d ’Aragon, tous deux en zone libre. La première revue clandestine, fondée en décembre, « La Pensée libre », était une revue communiste — et c’est sur ses cendres que j’ai fondé plus tard les « Editions de Minuit ». Le premier organe clandestin des intellectuels résistants fut fondé en avril 1941 par le commu­ niste Jacques Decour. Il y laissa sa vie. L’un des tout premiers résistants que j’aie « pratiqué » puis qui fut arrêté presque sous mes yeux, puis torturé à mort, c’était le communiste Holweg. La première grosse « affaire » découverte par la Gestapo fut celle du Musée de l’Homme — condiiite par des communistes. Comme vous, je disais alors au communiste François de Lcscure — en ce temps-là président de l’Association des Etudiants, et qui mena l’affaire du 11 novembre — je lui disais : « Tout ce qui nous sépare est effacé, actuellement. Peut-être, la guerre terminée, nous combattrons-nous de nouveau. Mais devant l’ennemi tout nous rassemble. » Et dans une seconde lettre, le 10 mars 1956 : e Vous objectez à mon témoignage : c’étaient seulement quel­ ques individualités. Mais c’est là justement que gît l’injustice à leur

~ ~ égard : de quel autre parti ne le diriez-vous pas ? Quel parti n’était pas alors divisé contre soi-même? Et quel parti, plus que le P.C^ avait été brisé en mille morceaux épars, se cherchant dans la nuit, pendant les premiers mois ? Cependant, quel autre « parti » a édité clandestinement une revue résistante dès 1940 ? Les radicaux ? Les socialistes ? Les modérés ? Quel réseau issu d’un « parti » a fonc­ tionné avant les réseaux communistes ? Penseriez-vous à reprocher aux autres ces longs mois passés à hésiter, à se chercher, à s’orga­ niser ? Trouveriez-vous raisonnable de les accuser, pour ces retards, d’obédience à Rome ou à la Maison-Blanche plus qu’à la France ? Me soupçonneriez-vous pour n’avoir écrit le « Silence de la mer » qu’en 1941, ne l’avoir publié qu’en 1942 ?... »

E délégué de de Gaulle écrivait en 1946 dans le « Livre du courage et de la peur » : « Le Parti Communiste Français a longtemps représenté sous l’occupa­ tion ennemie la seule organisation politique cohérente, disposant d’un excellent appareil mis en place de longue date, d’une stricte discipline chez tous ses membres et, par-dessus tout, d’une foi profonde chez ceux-ci. Tous ces avantages lui ont permis de porter des coups redoutables à l'envahisseur. Dirigé par un Comité Central inaccessible aux profanes, et qui échappa toujours aux recherches de l’ennemi, le Parti Communiste Français joua une part prépondérante dans l’organisation des francs-tireurs et partisans. » Ch. DEBARGE premier organisateur des F.TJ>.

— 31 — Pour continuer le combat de Pierre Semard et de Gabriel Péri, de Guy Môquet et de Danielle Casanova. Pour demeurer fidèles aux 75.000 de nos héros et de nos martyrs tombés pour que vive la France et que vive la République. Contre la dictature militaire, la misère et la guerre. Pour la renaissance de la démocratie qui peut, seule, ouvrir à la France un avenir de grandeur digne des tra­ ditions de son passé, digne de la glorieuse Résistance. Ami lecteur, adhérez au Parti Communiste Français en remplissant ce bulletin, en le découpant ou en le reco­ piant. (A adresser au Comité Central, 44, rue Le Peletier. Paris-9% ou aux sièges locaux du Parti.)

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