Revue D'histoire Du Xixe Siècle, 62 | 2021 Carolyn J
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Revue d'histoire du XIXe siècle Société d'histoire de la révolution de 1848 et des révolutions du XIXe siècle 62 | 2021 Ancêtres Carolyn J. EICHNER, Franchir les barricades. Les femmes dans la Commune de Paris Caroline Fayolle Édition électronique URL : https://journals.openedition.org/rh19/7628 DOI : 10.4000/rh19.7628 ISSN : 1777-5329 Éditeur La Société de 1848 Édition imprimée Date de publication : 20 juin 2021 Pagination : 257-260 ISSN : 1265-1354 Référence électronique Caroline Fayolle, « Carolyn J. EICHNER, Franchir les barricades. Les femmes dans la Commune de Paris », Revue d'histoire du XIXe siècle [En ligne], 62 | 2021, mis en ligne le 02 janvier 2024, consulté le 26 août 2021. URL : http://journals.openedition.org/rh19/7628 ; DOI : https://doi.org/10.4000/rh19.7628 Ce document a été généré automatiquement le 26 août 2021. Tous droits réservés Carolyn J. EICHNER, Franchir les barricades. Les femmes dans la Commune de Paris 1 Carolyn J. EICHNER, Franchir les barricades. Les femmes dans la Commune de Paris Caroline Fayolle RÉFÉRENCE Carolyn J. EICHNER, Franchir les barricades. Les femmes dans la Commune de Paris, traduit de l’anglais par Bastien Craipin, Paris, Éditions de la Sorbonne, coll. « Histoire de la France aux XIXe et XXe siècles », 2020, 312 p., 25 €. 1 Il aura fallu attendre une quinzaine d’années pour disposer de la traduction française de l’ouvrage de l’historienne américaine Carolyn Eichner consacré à trois féministes de la Commune de 1871 : André Léo, Paule Mink et Élisabeth Dmitrieff1. On ne peut que saluer cette heureuse initiative des éditions de la Sorbonne, même si on peut regretter que cette traduction ne soit pas accompagnée d’une préface replaçant le livre dans son contexte initial de parution et d’une mise à jour bibliographique. L’historiographie de la Commune a en effet connu récemment un renouvellement important2, tout comme les travaux relatifs en particulier à la figure d’André Léo3. Mobilisant le concept de genre et celui de new biography élaboré par Jo Burr Margadant, l’ouvrage retrace la trajectoire de trois femmes engagées qui, chacune, illustre différentes voies du socialisme féministe en révolution. Ces études de cas sont aussi l’occasion de croiser d’autres communardes, des plus célèbres comme Louise Michel, aux moins connues comme Sophie Poirier, Anna Jaclard ou Nathalie Lemel. Un des enjeux pour Carolyn Eichner est de réévaluer le rôle politique de ces militantes qu’elle considère comme marginalisées, non seulement dans l’historiographie de la Commune, mais aussi dans l’historiographie du féminisme. Du fait de la non-centralité de la question du droit de vote dans les revendications de la plupart des communardes, ces dernières ont en effet parfois été écartées de l’histoire de la lutte pour l’égalité des sexes, alors même qu’elles Revue d'histoire du XIXe siècle, 62 | 2021 Carolyn J. EICHNER, Franchir les barricades. Les femmes dans la Commune de Paris 2 ont élaboré des projets émancipateurs originaux pensant conjointement l’oppression de classe et l’oppression des femmes. 2 L’ouvrage est structuré par un plan chronologique en trois parties – l’avant, le pendant et l’après Commune – qui a l’intérêt de réinscrire l’insurrection parisienne dans une temporalité relativement longue. La première partie retrace la jeunesse et les premiers engagements des protagonistes étudiées. Fille d’un révolutionnaire polonais exilé, Mink (née Adèle Paulina Mekarska en 1839) exprime très tôt sa révolte contre le pouvoir du clergé et toutes formes d’injustice sociale. En 1866, elle s’associe à André Léo, Louise Michel et Maria Deraismes pour former la Société du droit des femmes. Elle participe également à des réunions publiques où elle défend des idées à la fois féministes et socialistes. Née en 1850, Elisavieta Loukinitchna Koucheleva, qui se forge le nom d’Élisabeth Dmitrieff pendant la Commune, est aussi issue d’un milieu aristocratique. En dépit de son jeune âge en 1871, sa formation politique est déjà très avancée. Lectrice de Marx et Tchernychevski (notamment son célèbre roman Que faire ? qui inspire la nouvelle génération populiste), elle quitte la Russie afin de poursuivre des études et rejoint à Genève la section russe de la première Internationale. En 1870, elle passe trois mois à Londres où elle se lie avec Marx. C’est envoyée par le Conseil général de l’AIT, qu’elle rejoint le Paris insurgé de 1871. D’une génération antérieure, puisqu’elle est née en 1824 au sein d’une famille issue de la bourgeoisie du Poitou, André Léo (née Victoire Léodile Béra) mène une carrière de romancière dans les années 1850 et 1860. Elle dénonce dans ces romans l’assujettissement des femmes dans le mariage et la famille. À partir des années 1860, Léo s’engage également dans des organisations féministes et socialistes. Les trois protagonistes étudiées ont le point commun de s’être investies au sein de l’Association internationale des travailleurs (AIT) où elles peinent cependant à faire entendre leurs voix. 3 Le soulèvement de 1871 constitue pour ces trois femmes une expérience fondatrice qui radicalise leurs positions politiques. Si toutes trois promeuvent la participation des femmes au combat sur les barricades, leurs engagements prennent des formes diverses. André Léo mène d’intenses activités journalistiques. Elle utilise sa plume pour promouvoir l’instruction du peuple et dénoncer les contradictions entre le projet émancipateur de la Commune et le maintien des inégalités entre les sexes. Élisabeth Dmitrieff mobilise, quant à elle, toute son énergie pour fonder l’Union des femmes pour la défense de Paris et les soins aux blessés. Les objectifs de l’Union dépassent de loin la question de la coordination des cantinières et des ambulancières, puisqu’elle vise à réorganiser le travail féminin sur la base d’associations productives permettant aux ouvrières de gagner en autonomie. Paule Mink, proche des communardes issues des milieux populaires, participe activement aux clubs révolutionnaires en diffusant une rhétorique anticléricale et insurrectionnelle. Elle défend une approche horizontale du socialisme, privilégiant les actions spontanées émanant de la « base » militante. Elle se différencie en cela de Dmitrieff qui préconise à l’intérieur de l’Union des femmes un fonctionnement centralisé et vertical. Mink défend également une conception féministe qu’on nommerait aujourd’hui différencialiste contrastant avec le féminisme universaliste de Léo. Eichner observe par ailleurs une forme de rivalité entre les organisations de communardes, notamment entre le Comité de vigilance des femmes de Montmartre et l’Union des femmes. 4 Toutes trois échappent au massacre de la Semaine sanglante et fuient la France. Élisabeth Tomanovskaya, qui abandonne alors le nom de Dmitrieff, trouve refuge à Revue d'histoire du XIXe siècle, 62 | 2021 Carolyn J. EICHNER, Franchir les barricades. Les femmes dans la Commune de Paris 3 Genève avant de retrouver sa Russie natale. Elle s’y marie avec le conspirateur Davidovsky qu’elle suit en exil en Sibérie. Isolée, elle abandonne ses combats politiques et se tourne vers la religion dans les années 1890. Elle meurt pauvre et oubliée en 1917 ou 1918. Léo rejoint aussi la Suisse avec son compagnon de route Benoît Malon qu’elle épouse en 1873. Dans un premier temps, elle intervient activement dans des conférences pour dénoncer la répression de la Commune. Elle s’investit également dans les conflits au sein de l’Internationale suisse, s’alliant un temps avec Bakounine pour mieux contrer l’influence de Marx dont elle dénonce l’autoritarisme. Après la signature de l’amnistie des communards, elle revient en France où elle continue à défendre ses opinions dans des romans et écrits politiques. Elle meurt en 1900, relativement isolée. Exilée également à Genève, Mink y opère un revirement idéologique, abandonnant sa position proche de l’anarchisme pour adhérer au mouvement blanquiste. Après son retour en France, elle joue un rôle important au congrès socialiste du Havre et se rapproche de Jules Guesde. Jugeant « bourgeoise » la revendication du droit de vote des femmes, elle s’oppose à la campagne suffragiste d’Hubertine Auclert, tout en continuant à militer pour l’émancipation des travailleuses. Contrairement à Dmitrieff et Léo, elle jouit jusqu’à sa mort en 1901 d’une vraie célébrité auprès des militants radicaux. 5 Ce livre constitue ainsi une contribution importante à l’histoire du genre et du féminisme pendant la Commune. Un de ses intérêts majeurs est de montrer que le féminisme socialiste de cette période, loin de constituer un bloc monolithique, est animé de différentes tendances parfois conflictuelles. Propre également à intéresser les spécialistes de l’histoire du socialisme et celle des révolutionnaires en exil, il met en lumière l’apport, longtemps sous-estimé, de ces trois femmes au projet communal mais aussi à sa mémoire comme en témoignent les clameurs « Vive la Commune ! » qui accompagnent le cortège funéraire de Paule Mink. On ne peut que souhaiter désormais que cette démarche soit complétée par davantage de travaux sur des militantes moins célèbres, voire anonymes, qui viendrait nourrir une histoire mixte de la Commune. NOTES 1. Carolyn J. Eichner, Surmounting the Barricades: Women in the Paris Commune, Bloomington, Indiana Press, 2004. 2. Pour ne citer que quelques travaux très récents : Quentin Deluermoz, Commune(s), 1870-1871. Une traversée des mondes au XIXe siècle, Paris, Le Seuil, 2020 ; Marc César, Laure Godineau (dir.), La Commune de 1871 : une relecture, Grane, Créaphis, 2019 ; Sidonie Verhaeghe, « De la Commune de Paris au Panthéon (1871-2013) : célébrité, postérité et mémoires de Louise Michel. Sociologie historique de la circulation d’une figure politique », Thèse de science politique, sous la direction de Michel Hastings, Université Lille 2, 2016. 3. Par exemple : Alice Primi, Femmes de progrès. Françaises et Allemandes engagées dans leur siècle, 1840-1870, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2010 ; Frédéric Chauvaud, François Durbasque, Pierre Rossignol, Louis Vibrac (dir.), Les Vies d’André Léo.