UNIVERSITE D’ ECOLE NORMALE SUPERIEURE DEPARTEMENT DE FORMATION INITIALE LITTERAIRE CENTRE D’ETUDE ET DE RECHERCHE EN HISTOIRE – GEOGRAPHIE

« LA MEDECINE EUROPEENNE DANS LE CADRE DE LA ROYAUTE ET DE LA COLONISATION JUSQU’EN 1914 A »

Mémoire présenté pour l’obtention du diplôme de

Certificat d’Aptitude Pédagogique de l’Ecole Normale Supérieure (C.A.P.E.N)

Présenté par : RAFIDIHARINIRINA Fabienne

Président du jury : RAZAFIMBELO Célestin (Maître de Conférences)

Juge : ANDRIAMIHANTA Emmanuel (Maître de Conférences)

Rapporteur : RAMANANTSOA Benjamina (Maître de Conférences)

Date de soutenance : 12 Novembre 2008

REMERCIEMENTS

La réalisation de ce mémoire n’a pu être faite sans la contribution des personnes que nous avons l’honneur d’énumérer comme suit :

Nous exprimons notre parfaite gratitude à Monsieur RAZAFIMBELO Célestin, Maître de Conférences à l’Ecole Normale Supérieure d’avoir présidé la séance de soutenance.

Nous tenons ensuite à remercier sincèrement Monsieur ANDRIAMIHANTA Emmanuel, Maître de Conférences à l’Ecole Normale Supérieure d’avoir bien voulu être juge du présent travail.

Nous exprimons aussi notre remerciement à Monsieur RAMANANTSOA RAMARCEL Benjamina, Maître de Conférences à l’Ecole Normale Supérieure d’avoir accepté de diriger ce travail et d’avoir su témoigner de la patience pendant tout le temps de sa réalisation malgré ses multiples occupations.

Nous tenons à présenter nos sincères remerciements envers la famille pour son soutien matériel et financier durant toute la réalisation de ce mémoire.

Nous présentons également nos vifs remerciements aux enseignants du CER en Histoire et Géographie de l’Ecole Normale Supérieure qui nous ont formés pendant les cinq années d’études universitaires, sans oublier les divers responsables de l’Ecole Normale Supérieure. Que tous ceux qui ont contribué de près ou de loin à la réalisation de ce mémoire trouvent ici le témoignage de notre reconnaissance et notre profonde gratitude.

TABLE DES MATIERES

INTRODUCTION GENERALE Introduction générale ------7 Introduction générale ------7 PREMIERE PARTIE : ------9 « L’action médicale missionnaire » Introduction de la première partie - 9 Introduction de la première partie ------9 CHAPITRE I : Les débuts de l’action médicale missionnaire ------10 I - Pourquoi une action médicale missionnaire ? ------10 A- Les débuts difficiles ------10 1- La situation sanitaire avant l’action médicale missionnaire ------10 2- La persécution des missionnaires ------11 B- Les éléments favorables à l’action médicale missionnaire ------13 1- L’intention des Rois et des Reines ------13 2- Les maladies caractéristiques de l’île ------15 II- L’action missionnaire : évangélisation, scolarisation et assistance médicale ------16 A – Les missionnaires et le contact de cultures ------16 1- L’action médicale : une œuvre bien accueillie ------16 2- Liens entre « valeurs missionnaires » et « valeurs indigènes » ------18 B – La mission : du domaine religieux au domaine médical ------20 1- La « Mission Médicale » et le christianisme ------20 2- Les prémices d’un enseignement médical ------21 CHAPITRE II : L’action médicale missionnaire à l’épreuve des réalités sanitaires ------24 I- Les efforts missionnaires ------24 A- Les bases de l’action médicale missionnaire ------24 1- Les débuts d’un véritable enseignement médical ------24 2- Les œuvres médicales des missionnaires ------26 B- L’action médicale missionnaire : un reflet de l’AMI ------30 1- Un détour historique qui nous ramène au présent. ------30

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2- L’option pour la médecine moderne ------31 II L’action médicale missionnaire dans le contexte de la « royauté » ------32 A- Faiblesses de l’action médicale missionnaire ------32 1. Problèmes scientifiques des missions ------32 2. Problèmes sociaux des missions ------34 B- Bilan de l’action médicale missionnaire ------36 1- Bilan social et sanitaire ------36 2- D’une conversion royale à une conversion nationale ------40 3- L’action médicale missionnaire et la colonisation ------41 Conclusion de la première partie ------43 Introduction de la deuxième partie ------44 CHAPITRE I : L’AMI : un élément de la politique coloniale ------45 I – Les débuts de l’Assistance Médicale Indigène à Madagascar ----45 A- Pourquoi l’Assistance Médicale Indigène ? ------45 1- Les causes lointaines ------45 2- Les causes immédiates ------46 B- Capacité d’adaptation de l’AMI ------48 1. Les contraintes de l’AMI ------48 2- Les éléments favorables à l’AMI ------49 II – L’AMI : un élément au service de l’administration ------50 A- L’AMI : du domaine sanitaire au domaine politique ------50 1. AMI : une branche de la politique coloniale ------50 2. L’AMI : une stratégie politique ------51 B- Les acteurs de l’Assistance Médicale Indigène ------54 1. L’AMI : une œuvre militaire ------54 2. AMI pour l’emploi d’une main d’œuvre indigène ------55 CHAPITRE II : l’AMI dans le contexte de la colonisation ------57 I- L’AMI : préalable nécessaire à la mise en valeur de la colonie ---57 A- Politique sanitaire et démographie : liens et réalités ------57 1- L’AMI : une politique démographique ------57

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2. L’AMI au secours du projet colonial ------62 3. L’enseignement médical colonial ------66 B- L’AMI : du domaine médical au domaine politique et économique ------67 1. Les problèmes scientifiques coloniaux ------67 II– AMI et contact de cultures ------68 A- Une assistance médicale pour les indigènes, par les indigènes -----68 1. Cas malgache : le mythe d’une unité culturelle ------68 2. Médecin : une profession de conscience ------69 B – AMI : source d’inégalité sociale ------70 1- Un statut professionnel valorisé sur terrain ------70 2- AMI : un choc de culture ------71 C- L’AMI à la veille de la 1 ère Guerre Mondiale ------73 1- Médecin indigène de colonisation : un métier de colonisé ------73 2- Bilan sanitaire de l’AMI ------75 3- L’ Ecole de Médecine : creuset du nationalisme malgache ------77 Conclusion générale ------80 ANNEXES ------83 SOURCES ET BIBLIOGRAPHIE ------95 ANNEXES ------84

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Table des tableaux

Tableau 1 : Programme de la MMA de 1887 à 1891 ...... 23 Tableau 2 : Les plantes médicinales et leurs indications ...... 28 Tableau 3 : Classification des principales maladies identifiées par les missions chrétiennes ...... 33 Tableau 4 : Pourcentage des maladies selon l’admission des malades de 1890 à 1894 en chiffre ...... 37 Tableau 5: Liste des médecins de l’ancien régime ...... 39 Tableau 6 : Évolution et la répartition du budget de l’AMI pour les Hautes Terres Centrales et les provinces côtières depuis 1896 à 1914 en chiffre ...... 53 Tableau 7 : Tableau de répartition de la population malgache de 1897 à 1914 ...... 59 Tableau 8 : Tableau récapitulatif du Service de la vaccine depuis de 1899 à 1914 ...... 62 Tableau 9 : Liste des léproseries établies par la colonisation en 1903 ...... 64 Tableau 10 : Evolution du nombre des médecins et sages-femmes sortis de l’Ecole de Médecine entre 1898 et 1914 ...... 76

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Table des figures

Figure n° 1 : Programme d’étude du Collège Médical d’Analakely en 1870 ...... 22 Figure n° 2 : Programme de la Medical Mission Academy de 1892 à 1895 avec les professeurs de chaque matière ...... 24 Figure n° 3 : Programme de l’ Ecole de Médecine de Tananarive ...... 67

Table des organigrammes

Organigramme 1 : L’AMI : une politique démographique ...... 61 Organigramme n° 2 : L’AMI : une politique sanitaire...... 65

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Liste des abréviations

- AMI : Assistance Médicale Indigène - FFMA : Friends Foreign Mission Association - LMS : London Missionary Society - MMA : Medical Missionary Society - MMMA : Member of the Medical Missionary Academy - NMS : Norvegian Missionary Society - SPG : Society for the Propagation of the Gospel - VVS: Vy Vato Sakelika - TCE: Tananarive Côte Est - MLA: Moramanga Lac Alaotra

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INTRODUCTION GENERALE

Introduction générale

En 1890, au fur et à mesure que s’étend sous la IIIème République, l’empire colonial français, Madagascar était en pleine époque royale. Mais après la loi d’annexion du 6 Août 1896, le destin de l’île va changer : elle devient une colonie française jusqu’à l’obtention de son indépendance en 1960. Notre première intention lors du choix de notre thème de recherche pour ce mémoire de CAPEN était de travailler sur l’ Ecole de Médecine de Tananarive. Etant donné que cette école a déjà fait l’objet de plusieurs publications 1, nous nous sommes orientés vers « La médecine européenne dans le cadre de la royauté et de la colonisation jusqu'en 1914 à Madagascar » vu que c’est un sujet peu abordé 2.

Bien avant l’introduction de la médecine européenne, les Malgaches avaient déjà leur « médecine » connue sous le nom de médecine traditionnelle mais à travers nos investigations, nous avons pu constater que la médecine européenne a déjà existé durant la période précoloniale. Cette médecine a été introduite depuis le règne de Radama I er et l’action médicale était en majeure partie l’œuvre des différentes missions chrétiennes anglaises et norvégiennes. Ayant peu de moyens financiers, l’action médicale missionnaire a été très concentrée dans les provinces de l’Imerina et du Vakinankaratra. Les résultats étaient uniquement localisés à Tananarive et ses environs. De ce fait, ce n’est qu’à partir de 1896 que la médecine européenne a réellement pris de l’ampleur avec la création de l’Assistance Médicale Indigène ou l’AMI avec l’initiative du Général Gallieni en 1896. Ceci nous amène à la problématique suivante : « Quels sont alors les points communs et les différences entre ces deux actions médicales ?

Pour répondre à cette question, nous avons émis trois hypothèses, la première : la réalisation d’une action médicale en outre mer est possible quelque soient les ambitions de ses acteurs. Depuis le 19 ème siècle jusqu’au 20 ème siècle, la médecine européenne a été l’œuvre des missionnaires dans un premier temps puis par la colonisation à partir de 1896.

La deuxième hypothèse suppose qu’une action médicale constitue toujours une œuvre humanitaire incontestable dans un pays étranger. Elle est aussi la meilleur façon pour acquérir et le cœur d’une population d’un pays et faire accepter un nouvel ordre politique : la

1 Bibliographie 2 Ibidem

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colonisation. Les troubles politiques de 1897 contre l’implantation coloniale ont montré que pour acquérir le cœur des Malgaches, il fallait donner un résultat concret contre les épidémies qui ont longtemps décimé la population. Par ailleurs, le développement de l’économie coloniale n’a pas été mis de côté, l’AMI a été l’un des piliers de cette réalisation économique. Nous allons voir alors comment l’AMI a été utilisée pour parvenir aux objectifs coloniaux et quelles les conséquences de cette politique sanitaire ?

La dernière hypothèse suppose que le boom démographique que connaissent aujourd’hui les pays du Tiers Monde est le résultat de l’action médicale que ces pays ont connu. Actuellement, la réalité nous révèle que la plupart des pays anciennement colonisés qui ont bénéficié d’une assistance médicale connaissent un essor démographique très marquant ; dans ce cas, l’Assistance Médicale Indigène était-elle une politique démographique ?

Nos recherches nous ont emmené à visiter plusieurs établissements de la ville, en premier lieu la bibliothèque de l’Ecole Normale Supérieure elle-même et la bibliothèque nationale, les Fonds Grandidier et l’Académie Malgache sis à Tsimbazaza, et enfin, notre mémoire ne saurait être accompli sans l’analyse des archives nationales dont ceux du centre des Archives de la République Démocratique de Madagascar et ceux de la FJKM Foibe sis à Andohalo. Nous tenons aussi à remercier Mr Randrianasolo Jean Noël responsable des archives de la Norvegian Mission Society à la Mission Norvégienne sise à Isoraka de nous avoir laissé l’interviewer longtemps sur le sujet.

Notre mémoire se divise en deux parties, la première partie parlera de l’action médicale missionnaire durant la royauté et la deuxième partie développera l’Assistance Médicale Indigène coloniale jusqu’en 1914.

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PREMIERE PARTIE :

« L’action médicale missionnaire »

Introduction de la première partie

Si le christianisme est l’héritage le plus connu qu’on a reçu des missions chrétiennes, ce n’est pas le cas de l’action médicale missionnaire. Nul ne saurait le contredire, le but de la mission, c’est la conversion, mais c’est là une définition trop restreinte. Si les missionnaires n’agissaient pas comme des gens sans sagesse, rien de solide ne serait fait. Il y a donc au travail sous-jacent de la conversion, une activité parallèle pour parvenir au but pratique : la constitution d’église. Arrivés à Madagascar, les missionnaires étaient face à une population très superstitieuse et fidèle aux traditions ancestrales. Sur le plan sanitaire, la médecine était issue des connaissances des « guérisseurs traditionnels » dont les pratiques étaient basées sur la médecine magique, quelque fois des plantes médicinales de l’île. De ce fait, la circulation de l’Evangile exigeait une approche sans effrayer les gens : un élément qui répond tant au besoin des missionnaires mais en même temps ceux des âmes à convertir. A Madagascar, l’action des missionnaires était très diversifiée : évangélisation, scolarisation et enfin l’action médicale.

Puisque notre sujet se porte sur la question médicale, ce sera donc sur ce dernier point que va se porter toute notre attention. Mais nous allons voir que l’évangélisation tenait une place importante d’où son omniprésence dans la branche médicale. En effet, si le but premier des missionnaires était de convertir les infidèles, pourquoi se sont ils souciés de l’état sanitaire de la population en allant même jusqu’à créer une Ecole de Médecine ? Ainsi dans cette première partie, nous allons voir dans le premier chapitre, les causes réelles de l’implantation de l’action médicale. Ensuite, nous verrons les liens entre l’action médicale missionnaire et l’évangélisation. Puis, le contact de cultures entre les Malgaches et les missionnaires, était-ce caractérisé par des scènes de violence ou non ? Et si des contacts négatifs eurent lieu, auraient ils des impacts sur le fonctionnement de ce service ? Ensuite dans le deuxième chapitre nous verrons l’action médicale missionnaire en tant qu’une assistance médicale publique, voyons jusqu’où les missionnaires ont pu aller sur ce point, était-ce une activité superficielle ou une véritable assistance médicale ? Enfin, nous allons établir le bilan de cette œuvre qui s’est étalée sur près de 30 ans d’exercice, donc de 1865 à 1896, date du début de la colonisation.

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PREMIERE PARTIE : L’ACTION MEDICALE MISSIONNAIRE

CHAPITRE I : Les débuts de l’action médicale missionnaire I - Pourquoi une action médicale missionnaire ? A- Les débuts difficiles 1- La situation sanitaire avant l’action médicale missionnaire Si l’on prend l’année 18623 comme le début d’une véritable action médicale missionnaire, avant cette date, les Malgaches ne possédaient aucune connaissance médicale moderne pour lutter contre la maladie. Pour y remédier, les Malgaches avaient leurs propres croyances médicales pour lutter ou prévenir la maladie : ils vénéraient les « sampy » ou les « idoles » où figuraient les dieux de la médecine 4 : Ikelimalaza, Imanjakatsiroa, Ranfantaka et Ramahavaly qui selon James Sibree préservaient les troupes des maladies épidémiques, il était le patron des serpents. Ces idoles étaient considérées comme « instrument de protection » contre la maladie 5 : « Rakelimalaza miahy ny Andriana amin’ny aretina hahazo azy » ; les idoles étaient aussi des « instruments d’action » pour soigner la maladie 6. En espérant la bénédiction de leurs ancêtres, les Malgaches ne négligent en aucune façon leurs mœurs et coutumes, qui souvent, favorisent la transmission des maladies sexuelles telle que le « miandravana » au Betsileo, l’équivalent du « mamadika » des Hautes Terres Centrales. Ils se traduisent par des orgies alcooliques et sexuelles pratiquées pendant 3 ou 4 jours.

Les croyances médicales sont nombreuses et c’étaient de la « médecine magique » à savoir la prophylaxie de la syphilis qui n’a rien avoir avec la maladie 7, la carie dentaire traitée par les crottes de chien. Ces pratiques étaient essentiellement les conseils donnés par les maîtres de

3 Année de la création du dispensaire de Davidson à Atsinanan’Andohalo en Septembre 1862 suivi de l’hôpital d’Analakely en 1865. Brygoo (E.R) « Les débuts de l’enseignement médical à Madagascar : un siècle d’expérience » Bulletin de l’Académie Malgache, Tome XLIX-I, 1971. p 56 4 Les dieux de la médecine étaient sensé protégés les Andriana des maladies, des mauvais sorts… et ils étaient 4 : Ikelimalaza, Imanjakatsiroa, Ranfantaka et Ramahavaly. Ibidem 5Rakelimalaza protège les Nobles des maladies qui peuvent l’atteindre. Ibidem

6 Raison Jourde (F). « Bible et pouvoir à Madagascar au 19 ème siècle », Karthala, Paris, 1991, p 542.

7 « Quand un membre de la famille contracte la syphilis, tous les autres prennent l’intérieur de la peau d’un gésier, le font brûler, le pulvérisent et l’avalent » L’explication est que la muqueuse du gésier de poulet séparant les aliments en 2 parties (la bonne et la mauvaise) sépare aussi dans notre corps ce qui est bon du mauvais. Radaody (R) « Une croisée des chemins, le Dr Gershon Ramisiray et sa thèse sur les pratiques et croyances médicales des Malgaches », Bulletin de l’Académie Malgache, Tome XLVII, 1969, p 96.

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la médecine traditionnelle malgache. Conséquence, de tels traitements étaient des non-sens thérapeutiques et n’avaient au maximum qu’une action psychologique 8. Aucune pratique moderne n’était connue d’autant plus que la santé ne figurait pas parmi les principales préoccupations du gouvernement malgache ; la question de l’hygiène publique a été confiée au ministère 9 de l’intérieur et constituait la 12 ème et dernière de ses attributions 10 . Avec de telles circonstances, les Malgaches n’ont pas été à l’abri des maladies, et cette expérience a montré que la médecine occidentale était devenue une arme de choix entre les mains des missionnaires chrétiens. Enfin, l’action médicale missionnaire a été réalisée au point de vue humanitaire, les missionnaires furent envoyés dans le but d’exercer leur métier dans un pays lointain ce qui n’a pas été possible si ces missionnaires n’ont pas eu l’amour pour leu travail mais aussi pour la population malgache.

2- La persécution des missionnaires Vu la souffrance physique de la population malgache, les missionnaires avaient une deuxième mission : soigner la population, c’était un devoir moral qui leur sont imposés, d’ailleurs ils étaient aussi sensibles aux souffrances de la population. Mais comme tout étranger dans un territoire nouveau, les missionnaires étaient maintes fois victimes de persécution. Depuis les missions françaises de 1675, le Frère Thomas Jean 11 mourut empoisonné sur la côte ainsi que Noinvelle du Gléfier 12 : c’est l’insécurité territoriale 13 . Tous les missionnaires furent victimes de persécution, comme le docteur Thesen 14 qui fut contraint de demander une protection de la part du gouvernement : « Tamin’ny alin’ny alatsinainy teo dia nasian’ny

8 « Ramisiray montre que le Malgache était entouré de mille dangers, essayant de comprendre ce qui l’environne et de trouver l’origine de ses maux » Radaody (R) « Une croisée des chemins, le Dr Gershon Ramisiray et sa thèse sur les pratiques et croyances médicaless des Malgaches » op. cit, p 103 9 Une sorte de ministère 10 1ère attribution : ils sont chargés du service des Antily ou « placée en sentinelle », les attributions des Antily consistent à empêcher tout désordre dans la population, à assurer la propreté des villages et à apprendre ceux qui sont l’objet d’une accusation. Kabary nataon-dRanavalomanjaka tao Andohalo tamy ny Talata 1 Alakarabo (29 Mars 1881) Document du Ministère de l’intérieur Tananarive, 1881, p 5.

12 Piolet (J.B) « Les missions catholiques françaises au 19 ème siècle » Librairie Armand Colin, Paris, 1902 p 405 13 Leenhardt (M) « La condition missionnaire » Le monde non chrétien, n°24, Octobre – Décembre 1952, p 214.

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tonta kely tao amin’ny tranoko ka noho izany dia milaza aminao aho mba hangataka polisy hiambina eto amin’ny tranoko ary ekeko koa ny hanome karama azy araka ny fanao . »15 . Tout comme le personnel médical, les bâtiments furent en danger d’où la nécessité de les protéger quand Fox écrit dans sa lettre : « Mba mila mpiambina izahay hiambina ny trano sy ny tokotan’ny hopitaly hatramin’ny 27 novambra ka hatramy ny iray volana mahery kely fa mikasa haka rivotra izahay. Ny sakafo dia hataon’i Miss Graham araka izay fanao hiany . »16 . Des scènes de violences sont observées envers les missionnaires comme le cas de Rainitavy 17 et le missionnaire Minsaas se plaint : « Ilehy Rainitavy fa tonga mitondra sabatra ary manenjika anay sy mitondra olona maro izy ». Comme les missionnaires ont été maintes fois victimes de menaces et de persécution, à l’insécurité territoriale s’ajoute « insécurité morale »18 ; sur le plan médical, le docteur Andrew Davidson, fondateur du collège médical malgache à Analakely fut victime de chantage de la part du gouvernement malgache. Le Dr Andrew Davidson, envoyé par la LMS pour servir de médecin arriva à Madagascar le 30 Août 1862, il ouvra un dispensaire le 1 er septembre et l’hôpital d’Analakely en 1865. Un des piliers de l’action médicale missionnaire, il n’a pu malheureusement continué son oeuvre face aux tensions qui régnaient entre le docteur et le gouvernement. Les causes remontent au moment de la maladie du Premier Ministre en 1875 où Davidson n’ayant pas le droit de pénétrer la colline sacré d’Ambohimanga refusait de le soigner 19 , et finira par tenir sa parole quand il écrit « Tsy hitsabo an-dRainilaiarivony mianakavy instony aho na dia ho feno ny fatiny aza ny fasan-dRainiharo »20 . Conséquence, les officiers malgaches empêchèrent les gens de consulter le Dr Davidson dans la lettre de Rainimaharavo : « Ary raha namporisihanareo ary ny olona tsy hanatona ahy intsony, tsy fanangonan-karena akory no nanaovako io asa io »21 , après ils affirmèrent que le gouvernement ne voulait plus continuer la collaboration car selon la réponse de Davidson : «

15 Série HH7. « Des malfaiteurs ont attaqué ma maison dans la soirée de lundi dernier, sur ce, je vous demande de bien vouloir m’accorder de payer des policiers pour ma sécurité » Lettre du Dr Thesen adressée à Andriamifidy le 13 Février 1891. 16 « Nous voudrions avoir des gardiens pour garder la maison et l’hôpital pendant notre absence à partir du 27 novembre pour une durée d’un mois au minimum pendant notre voyage » Série HH7, lettre de Tregelles Fox adressée à Rainizafimanga (professeur de la FFMA à Ambohijatovo) le 23 Novembre 1883. 17 « Rainitavy se voit le plaisir de nous courir après avec un sabre à la main avec sa troupe » Série HH7 lettre de Minsaas adressée à Rainilaiarivony le 14 Janvier 1876. 18 Leenhardt (M) « La condition missionnaire » op. cit, p 248. 19 Série HH7 lettre de Davidson pour le Premier Ministre le 05 Mai 1875.

20 « Plus jamais, je ne soignerai la famille du Premier Ministre Rainilaiarivony même si leurs corps inondera la tombe de Rainiharo » Rabary « Daty malaza : ny dian’ny Jesosy Kristy teto Madagasikara » op. cit, p 78. 21 Série HH7 « Vous qui encouragez les autres à ne plus être consultez par moi-même, sachez que ce n’est pas pour l’argent que je fais ce métier » Lettre de A Davidson à Rainimaharavo le 09 Juin 1876.

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Koa raha tsy te-hihavana sy tsy te-hanan-draharaha amiko intsony ianareo dia mampahalaelo ahy izany nefa na izany aza dia mbola te hihavana sy te hanao soa anareo hiany aho »22 . Finalement, l’œuvre de Davidson a dû s’arrêter en 1876, il fit payer cher les membres du gouvernement du palais qui voulaient se soigner au dispensaire et avec les tensions entre le gouvernement et le missionnaire, il fut expulsé de l’île le dimanche 5 novembre 1876. Revenu de l’île Maurice, il partit définitivement avec sa femme et ses enfants le 7 juillet 1877. Robert Lyall arriva à Madagascar en 1828 après le décès du roi Radama I er , successeur d’Hastie, il était un agent britannique était envoyé à Madagascar en qualité d’agent diplomatique et de médecin pour veiller l’exécution de la convention concernant l’abolition de la traite des esclaves. Il ne fut pas reconnu par la reine quand il a reçu l’avis officieux de la reine Ranavalona I que les dieux de son pays ne voulaient pas lui permettre d’y séjourner. Il fut accusé d’avoir insulté l’idole royale Ramahavaly après avoir fait approcher son cheval d’un village consacré à cette idole et envoyer ses domestiques dans les bois voisins à la recherche de serpents 23 . Il fut assaillit par des serpents et en mourut de folie. Enfin, le problème d’ordre climatique est inévitable, les missionnaires étaient victimes des maladies tropicales principalement la fièvrecomme Davidson qui écrit : « Mikasa hitsabo tena atsy Morosy fa manavy ny tazo, mandrapahalaminy ity fahavaratra ho avy ity, avy eo hiverina indray rehefa afaka ny tazo aminy ririnina. » 24 . Vu cette insécurité sanitaire vécue par les missionnaires et l’évangélisation devant être menée à terme, ils devaient surtout rester en vie pour vivre au côté des indigènes, la solution : l’action médicale.

B- Les éléments favorables à l’action médicale missionnaire 1- L’intention des Rois et des Reines La question de la santé ou encore de l’état sanitaire de la population a été, depuis le règne d’, jusqu’à la dernière souveraine Ranavalona III, une question prise en compte sinon c’est là une intention à ne pas ignorer. Au temps d’Andrianampoinimerina, on retrouve des traces de lois relatives à la variole 25 et ils semblent

22 « Cela ne m’enchante guère de savoir que vous ne voulez plus rien avoir à faire avec moi, mais moi, j’aimerai encore continuer notre collaboration » Ibidem 23 Descartes (M) « Histoire et géographie de Madagascar depuis la découverte de l’île jusqu’au dernier évènement de Tamatave», Paris, Librairie de la Société Géologique de France, p 147. 24 « Je compte partir pour l’île Maurice pour me soigner cet été, je reviendrai l’hiver prochain » Série HH7, lettre de Andrew Davidson adressée à Rasoherina en Septembre 1866 25 Six mois de séparation étaient imposés avec les parents. Il arrivait aussi qu’on enterre les malades vivants. Callet (P) « Tantaran’ny Andriana » Volume II, p 520.

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être très sévères 26 . Radama I désirait envoyer des étudiants malgaches pour étudier la médecine en Ecosse mais l’absence de Sir Farquar remplacé par Sir Cole a fait échouer cette initiative car ce dernier désapprouvait la politique de Farquhar concernant Madagascar. Ranavalona I populaire par la persécution et l’exécution des martyrs avait aussi compris l’importance et l’intérêt de la question sanitaire; outre le fameux Jean Laborde, le Docteur Tavel 27 lui aussi a été retenu même s’il était un docteur privé 28 . Et si en 1838, Brygoo (E.R) avait cité les noms de médecin de passage à Madagascar comme les docteurs Ravalintsalama, Powell, Milhet de Fontarabie qui, tout en donnant des soins médicaux, apprenaient à quelques autochtones les premiers soins d'urgence 29 , c’est là encore une preuve que la Reine a pris en considération la question sanitaire et mis de côté ses différends envers les « Vazaha »30 . Rasoherina chargea les médecins européens de recruter des élèves pour suivre des cours de médecine 31 et c’est en son temps que fut crée ce qu’on appelle l’enseignement officielle de médecine avec l’école officielle de médecine située au nord du palais d’où son nom : « Avaradrova » en 1868. Ensuite, Ranavalona II par son discours du 6 Août 1875 a bien fait comprendre aux Malgaches l’importance et la nécessité du fait d’avoir un médecin dans son royaume quand elle affirme : « … Raha nihevitra aho, ry Ambanilanitra, dia nataoko fa mety raha mba manana dokotera isika, ho entiko hahasoa ahy sy hianareo Ambanilanitra… »32 , et cela prouve encore une fois son désir de préserver la santé de son peuple lors de la promulgation du code des 305 articles. Parmi ces articles figurent alors des mesures contre la variole 33 différentes de celles d’Andrianampoinimerina, et d’après son énoncé, la loi est devenue plus clémente envers les malades, ils ne sont plus enterrés vivants mais isolés.

26 « … Que le varioleux soit enterré vivant car il est atteint d’une terrible maladie qui se communique et que je déteste, quiconque dérobera pendant la nuit le cadavre de ses parents verra sa femme est ses enfants réduits en esclavage… » Ibidem 27 Le médecin Tavel qui vient de La Réunion forme quelques disciples sous Ranavalona I. Ibidem. 28 La reine Ranavalona I ère devait payer un abonnement à un médecin français de La Réunion pour recevoir les soins et les médicaments dont elle avait besoin. [Le nom n’étant pas cité, il s’agit sûrement du docteur Tavel] Jourdran « L’enseignement médical à Madagascar, depuis ses origines à nos jours » Revue de Madagascar, Septembre 2001, p 1. 29 Brygoo (E.R) « Les débuts de l’enseignement médical à Madagascar : un siècle d’expérience » op. cit. p 100 30 « … A la date du 24 Admizana 1834, Ranavalona I interdit la religion chrétienne, et les étrangers rentrèrent chez eux » Document historique de Madagascar n° 33 Centre de formation pédagogique. Ambozontany. CIDST, page 116 31 Brygoo (E.R) « Les débuts de l’enseignement médical à Madagascar : un siècle d’expérience » op. cit. p 85 32 « Oh peuple en dessous du ciel, je pense qu’il est dans notre intérêt à tous d’avoir un médecin parmi nous » Kabary miezinezina nataon-dRanavalona II momba ny fitandremam-pahasalaman’ny vahoakany ny 7 Adijady 1875. In « Fahaizana, Fahalalana, Fahendrena » Gazety volana jolay 1977, laharana faha II. P. 23 33 Article n° 67 « Les lépreux doivent être conduits aux lieux qui leur sont assignés… » Article. n°68 « Les habitants de chaque district doivent construire conformément au modèle qui leur sera fourni par le gouvernement des maisons bien aménagées pour l’hospitalisation des varioleux » Thebault (E) « Le code des 365 articles » Tananarive, Institut des hautes études de Tananarive. Imprimerie officielle. 1960, p 63

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Ranavalona III a signé la convention du 14 Février 1889 34 entre la reine et la LMS aboutit à la construction de l’actuel hôpital Girard et Robic appelé jadis, hôpital d’Isoavinandriana ou « cadeau de la Reine » car la reine a offert en cadeau son terrain pour sa construction. A partir de tels faits peuvent être tirée une intention commune : l’orientation vers la santé publique. Et enfin une orientation bien définie qui vise qu’une seule chose : améliorer et maintenir la santé d’une population. Un fait positif pour les missionnaires chrétiens car le gouvernement malgache leur a donné le feu vert pour instaurer l’action médicale missionnaire.

2- Les maladies caractéristiques de l’île

Madagascar est un pays tropical et on pouvait observer deux manifestations meurtrières de la maladie : il s’agit de l’endémie et de l’épidémie.

L’endémie peut être une maladie propre à une région ou à un pays ou une maladie qui règne de façon permanente dans une contrée : la fièvre est un cas incontournable pour Madagascar .L’épidémie est la deuxième manifestation de la maladie à Madagascar, parmi les maladies épidémiques menaçantes, nous allons tenir compte du cas de l’épidémie de la fièvre typhoïde 1870,1892, 1893 : la fièvre typhoïde existe sur tout le territoire de l’île, l’eau n’est pas à incriminer, elle est due à l’hygiène fécale particulièrement défectueuse à Madagascar, aux mouches et aux mains sales. Les épidémies de la variole sont intéressantes à prendre en compte, elles se sont manifestées en 1870, 1875, 1876,1876, 1892, 1895. Les épidémies du paludisme ou « Tazon’Avaradrano 35 » se sont manifestées de manière régulière de 1879 jusqu’en 1895, les conditions de vie favorisant la multiplication des larves : les villages sont presque toujours construits auprès des gigantesques gîtes à larves que sont les rizières, canaux mal entretenus, où toute mesure de prophylaxie est limitée. Enfin, on peut citer l’épidémie du choléra en 1870 et la lèpre qui est une maladie forte ancienne à Madagascar.

D’autres maladies peuvent être mentionnées : en saison froide, les affections pulmonaires, les bronchites et le rhumatisme prédominent les causes des consultations contre les maladies de l’appareil digestif qui culminent pendant la saison des pluies. Les Malgaches furent

34 Série HH7. Convention signée entre la LMS et la reine Ranavalona III 35 Selon la description des indigènes.

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conscients du manque de réponse concrète de la médecine traditionnelle et leur état sanitaire leur a préparé fort longtemps à accueillir la médecine occidentale.

II- L’action missionnaire : évangélisation, scolarisation et assistance médicale A – Les missionnaires et le contact de cultures 1- L’action médicale : une œuvre bien accueillie Le véritable promoteur de l’action médicale, le Dr Andrew Davidson fut à son arrivée accueilli avec joie par le roi Radama II qui envoya un officier du Palais pour lui souhaiter la bienvenue 36 . Davidson allait commencer la véritable « Mission Médicale » ou en anglais « Medical Mission » sous la direction de l’ « Edinburgh Medical Missionnary Society » chargé de secourir les docteurs missionnaires à l’étranger. Il fut le premier à construire l’hôpital royal à Analakely opérationnel le 25 juillet 1865. Les missionnaires enseignaient par la suite les Malgaches attirés par l’art de guérir: c’était le temps des disciples 37 . En 1838 avec le passage des docteurs venus de l’île Maurice à savoir Powell, Milhet de Fontarabie ; il n’y avait pas d’école 38 ni de support hospitalier 39 et les étudiants en médecine étaient autrefois des disciples comme on l’était de Pythagore. On peut voir qu’en 1838 le docteur Powell soigna les dignitaires du Palais et il devra alors préparer des médicaments pour guérir les malades et enseigner à des jeunes malgaches la manière d’en préparer d’identiques à ceux des Européens à partir de produits de la terre malgache 40 . Pareil, le missionnaire Davidson et son élève Andrianaly, le Dr Fox 41 et le Dr Tavel du temps de Ranavalona I 42 entre 1828 et 1861. D’autre part, en nommant le docteur

36 Brygoo (E.R) « Les débuts de l’enseignement médical à Madagascar : un siècle d’expérience » op. cit. p 74 37 « … Quelques médecins rassemblaient autour d’eux des adeptes et la science médicale qui se transmettait ainsi comme en Grèce, celui de la philosophie. » Jourdran « L’enseignement médical à Madagascar depuis ses origines jusqu’à nos jours » op, cit . p 360. 38 « Les élèves accompagnaient le maître au domicile du malade ; on révisait en chemin de l’art de la médecine. » Jourdran « L’enseignement médical à Madagascar depuis ses origines jusqu’à nos jours » op. cit. p 361 39 « Il n’y avait pas encore à cette époque d’hôpitaux, d’écoles, et le lit du malade n’existait pas à proprement parler. » Ibidem. 40 Cette lettre est conservée aux archives de Maurice et signalée par S. Ayache 41 Série HH7 « Fox raconte ensuite comment il choisit deux étudiants : Ravelonahina et Andrianavony à Ambohijatovo auquel après midi, il donnait les premières leçons d’anatomie, physiologie, Chimie, pendant que lui-même en apprenait le malgache. » 42 « Un médecin français de Bourbon, Tavel lui aussi forma quelques disciples sous Ranavalona I… Il venait à Tananarive une ou deux fois par an pour des séances de vaccination après avoir initié quelques jeunes gens intelligents, Randrianangaly, Rafaralahy, à la pratique de la vaccination … » Jourdran « L’enseignement médical à Madagascar depuis ses origines jusqu’à nos jours » op, cit . p 359

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Mackie médecin à la cour 43 en 1873, la monarchie marque sa bienveillance envers cette action médicale et aussi la reconnaissance de son importance. Pour ce qui est de la consultation, les Malgaches ont constitué une clientèle fidèle aux missionnaires et n’ont pas hésité à se faire assister par les médecins si l’on tient compte du rapport de Davidson en Mai 1866 concernant l’hôpital d’Analakely qui connaît un succès dès son ouverture. Une situation qui va se prolonger jusqu’en 1870 44 ; les chiffres suivant en témoignent : « Hatramin’ny volana jolay 1865 hatramin’ny taona 1870 dia 68.000 no isan’ny olona notsaboina tao Analakely ». Des populations des contrées lointaines se sont aussi déplacés pour se faire soigné : « Tsy ny manodidina azy hiany no olona manatona azy fa ny lavitra koa, na dia ny Sakalava avy any avarany lalana aza … ary amin’izany Tompokolahy dia efa manao trano fitsaboana izy izao ka efa mavita trano .» 45 . D’autre part, lors des séances de vaccination, seuls sont vaccinés ceux qui veulent l’être 46 et s’ils ont été nombreux « Ary tamin’ny 1862 dia nahatratra 6000 ny isan’ny olona nataon’ny Davidson vakisiny 47 .» , c’est que les Malgaches ont compris la nécessité et ne trouvent aucun inconvénient du fait que le vaccin provient d’une personne étrangère. Peu à peu, les Malgaches étaient attirés par la profession de médecin qu’il a existé des familles où ce métier est devenu héréditaire dont voici quelques exemples : Rainiharisoa 48 et sa femme Ramanja 49 . Ranaivo d’Isotry 50 dont les parents sont tous médecins 51 , Randrianangaly et son fils Andrianaly 52 . La famille du Dr Radaody – Ralarosy 53 et son beau père Ramamonjisoa 54 , son grand père paternel médecin : Ralarosy 55 dont le beau frère :

43 Ravalitera (P) « Fourre tout » in Journal Express de Madagascar, Samedi 29 Avril 2006 44 « Depuis le mois de Juillet 1865 à l’année 1870, on comptait 5000 consultations, sur 47 malades hospitalisés, 40 furent tirés d’affaire et 7 moururent » Clarck (H) « Tantaran’ny fiangonana teto Madagasikara 1870 à 1885 » Antananarivo, FJKM Foibe. p 118 45 . Série HH7 « Non seulement leur voisinage se faisait consulter mais ceux qui viennent de loin aussi… ainsi, ils ont pu construire leur propre cabinet de consultation » Lettre de Backwell Fenn adressée à Rainilaiarivony le 2 Décembre 1893. 46 « Il [le Dr Tavel] venait 1 ou 2 fois par an à Tananarive, et y vaccinait ceux qui voulait être » Brygoo (E.R) « Les débuts de l’enseignement médical à Madagascar : un siècle d’expérience » op.cit p.58 47 « En 1862, 6000 personnes ont été vaccinés par le Dr Davidson » Rabarijaona op. cit. p 287. 48 Série HH7 « Rainiharisoa était l’un des étudiants les plus fidèles d’Analakely » Lettre du Dr Backwell adressée à Rainilaiarivony le 2 Décembre 1893. 49 « Ramanja son mari était un étudiant très brillant à Analakely » Ibidem 50 Etudiant de la MMA. 51 Mère : Rainiketamanga : étudiante à l’école officielle de médecine du temps de Rasoherina. Son père : Ramarobandro : un des deux premiers sortis de l’ Ecole de Médecine de Tananarive en 1897 avec Rafaralahimanjato. ibidem 52 Andrianaly suivi l’enseignement de A. Davidson qui l’emmena à Edimbourg. 53 Il fur un certain temps Médecin chef de l’armée malgache 54 Ramamonjisoa entre en 3 ème année à l’ Ecole de Médecine en 1898. Brygoo (E.R) « Les débuts de l’enseignement médical à Madagascar : un siècle d’expérience » op. cit. p 102.

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Razanamahazo 56 s’est intéressé à la médecine européenne, Gershon Ramisiray frère de sa grand-mère maternelle 57 . Enfin, le docteur J. Raharijaona 58 fils de Rabarijaona, un médecin sorti de la MMA. Enfin, la reine Ranavalona II qui fit brûler le 8 septembre 1869 les dieux de la médecine marque le renoncement officiel à la médecine magique et le « OUI » pour le savoir européen.

2- Liens entre « valeurs missionnaires » et « valeurs indigènes » Le premier obstacle qui se présente aux missionnaires chrétiens est premièrement la langue d’enseignement car une des conditions de réussite de l’enseignement réside dans la compréhension de l’élève du professeur. Or le vocabulaire malgache manquait, l’enseignement qui se faisait en malgache 59 était perturbé par la difficulté de traduction des mots « techniques » d’où le problème de la traduction qui se fait par d’autres langues : « Teo aloha dia sahirana ny dokotera rehetra noho ny tsy fisian’ny teny malagasy tandrifin’ny ho entiny milaza ny zavatra medikaly ampianariny, koa dia samy nampiditra baiko araka izay noheveriny hahamety azy avy izy, ka ny sasany avy amin’ny teny Grika, Latina, Anglisy ary Frantsay » 60 . Ensuite, les missionnaires ont tenté d’effectuer des dissections d’après leurs correspondances avec le gouvernement malgache : « Any maraina hono nisy fatin’olona halevina tao amin’ny fonja, toa tsy misy nandevina azy fa ny gadralava ihany no nitondra azy. Koa mangataka kely ny fatiny raha tianao hanaovanay fandidiana kely hianaran’ny mpianatra vao halevinay. » 61 . Deuxième cas, la demande de Tregelles Fox : « Efa reko fa misy olona vao tonga any Toamasina, narary tazo ka maty, koa tsy misy havany na tompony aty hono, ka dia mangataka kely ny fatiny hanaovanay fandidiana kely hianaran’ny

55 « Ralarosy s’est décidé à étudier la médecine sur les conseils de Rainizafimanga ancien professeur à Ambohijatovo. » Radaody (R) « Une croisée des chemins, le Dr Gershon Ramisiray et sa thèse sur les pratiques et croyances médicaless des Malgaches », op. cit. p 109 56 « Rainibe a conseillé à son fils Razanamahazo d’étudier la médecine européenne, et a marié sa fille Randamina à un médecin, Ralarosy » Ibidem 57 Ibidem 58 Raharijaona (J) « Quelques étapes de la formation des médecins malgaches » Revue de Madagascar. Janvier 1945, p 53 - 61 59 Rasolofonirina (N) « Les liens qui unissent l’institut pasteur de Madagascar et l’académie nationale malgache depuis un siècle ». Archives Institut Pasteur de Madagascar, n° 11 2002, p 11 60 . « L’absence des termes médicaux appropriés aux Malgaches rendait difficile le travail des docteurs ainsi, chacun faisait de leur mieux pour trouver le mot juste, certains mots ont été tirés du latin, de la langue anglaise ou du français. » « Fahaizana, Fahalalana, Fahendrena » Gazety volana jolay 1977, laharana faha V. p 18.

61 Série HH7 « Un corps a été inhumé ce matin en prison, étant donné qu’aucune famille n’a réclamé de corps, je vous demande l’autorisation de faire une autopsie avec les élèves avant que nous l’enterrons nous même » Lettre de Tregelles Fox adressée à Ravoninahitriniarivo le 1 er Juillet 1882

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mpianatra ka halevinay vetivety . »62 ; Mais ces demandes n’ont pas eu de suite car nous n’avons retrouvé aucune lettre du gouvernement malgache autorisant une autopsie sinon, nous verrons plus loin que les étudiants de l’ancien régime, futurs étudiants de l’ Ecole de Médecine n’en ont jamais pratiqué. Sans doute, le gouvernement a toujours refusé cette pratique étant contraire au culte des morts 63 . En outre, les préparations médicamenteuses élaborées surtout les suppositoires ne pouvaient pas être utilisées contre les maladies pelviennes 64 en raison d’une divergence de mœurs et de cultures, le traitement des maladies sexuelles se faisait toujours à l’externe. Ces deux inconvénients forment sûrement les obstacles majeurs n’ayant pas autorisé les missionnaires à agir complètement. En classe, les étudiants malgaches ne sont pas en bonne entente avec les professeurs comme Rabemanotrona, son professeur ayant prévenu le Premier Ministre dans sa lettre : « Mahalahelo aho hilaza aminao fa misy anakiray Rabemanotrona nesoriko sy ny komitin’ny LMS sy ny FFMA androany satria izy tsy nifanaraka tamiko ka tsy nanaja ahy mpampianatra, ary tsy mety nankato lalàna. »65 .

Le corps était sacré et ceci pourrait être ne raison qui a poussé les professeurs à attribuer le cours d’anatomie à un malgache Andrianaly au collège d’Analakely et Ralarosy pour la MMA jusqu’en 1891. Du côté étatique, les relations entretenues par les missions chrétiennes et le gouvernement malgache n’ont pas toujours été amicales comme il l’écrit comme sous- titre « Ny fifandraisana manalasala teo amin’ny fiangonana sy ny fanjakana »66 ; et cela est d’ailleurs prouvé avec la discorde marquée de violence survenue entre un missionnaire et un garde du corps du Premier Ministre obligeant même la LMS à adresser une lettre d’excuse à la Reine 67 .

62 Série HH7 « L’on a entendu qu’une personne souffrant d’une forte fièvre venait de mourir à Tamatave, puisque la victime n’a aucune famille, je vous demande de nous donner le corps pour compenser les études médicales avant tout enterrement » Lettre de Tregelles Fox adressée à Rainilaiarivony le 15 Août 1881. 63 Jamin (Ch) « l’Assistance Médicale et l’Hygiène Publique indigène à Madagascar », La Dépêche Coloniale illustré, 31 décembre 1903, p.103. 64 « En cas de douleur pelvienne, aucune médication locale, vaginale ne devait être possible, une telle pratique était fady » Chippaux (C) « Note sur le formulaire d’Analakely et de Soavinandriana sur l’utilisation des plantes ». Bulletin de l’académie malgache, tome XLII-1, 1964, p 6. 65 Série HH7 « J’ai le regret de vous annoncer que moi-même et le comité de la LMS et de la FFMA avons renvoyé un élève Rabemanotrona pour manque de respect envers moi son professeur et pour le non respect des règles en vigueur » Lettre de Tregelles Fox adressée à Rainilaiarivony le 28 Octobre 1884. 66 Ravalinomenjanahary (L) « Fifandraisan’ny Fiangonana sy ny Fanjakana » Mémoire de théologie, Antananarivo, p 85 67 ibidem.

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B – La mission : du domaine religieux au domaine médical 1- La « Mission Médicale » et le christianisme Il est impossible de délimiter une « mission »68 de manière tranchée, elle reste indéfinissable. Le domaine religieux représenté par la mission semble devenir « omniprésent » dans de nombreux domaines, ici donc, le domaine sanitaire. Par ailleurs, la mission médicale semble être un moyen efficace pour une évangélisation de masse, ainsi le programme d’enseignement au Collège Médical d’Analakely comportait un cours de la Sainte écriture fait par le Révérend C. Jukes. D’ailleurs, le programme du collège fut mixte : théologie et médecine. A l’hôpital d’Analakely, on avait ce qu’on appelle les « Bible Women Nurses »69 pour aider le Dr Davidson à l’hôpital d’Analakely. Dans le programme de la « Medical Mission Academy » (MMA), la religion a été présente dans l’enseignement médical, dans les cours donnés au Malgaches, une prière 70 pour ceux qui veulent devenir médecin est citée et on les sollicitait à la répéter à la maison. Les professeurs tenaient une séance de prière en dehors du cours pour ses élèves mais la présence n’était pas obligatoire 71 . Du côté des professeurs, leur titre de « médecin » ne tenait pas debout, leur seul point commun était le fait d’être missionnaire, ils enseignaient avec comme base, leurs connaissances médicales 72 : « Maromaro ihany ireo zay nanao izay hainy tamy ny fampianarana » si nous prenons l’exemple de Rainijhonson 73 , le Révérend Peake 74 et enfin le Révérend W. Cowan 75 à Fianarantsoa. La médecine est donc ici accompagnée de la religion, un fait qui n’est autre que l’exportation de la civilisation occidentale tant spirituelle que culturelle.

68 « Il faut distinguer la « mission » au singulier ou « missio dei » à la révélation de l’amour de DIEU, et « missions » au pluriel qui sont les formes particulières de participation de la « missio dei » en rapport avec certains besoins. » Bosch (D) « Dynamique de la mission chrétienne, histoire et avenir des modèles missionnaires » Karthala. Paris, 1995. p 236. 69 Rabenja (T) « Les débuts de l’enseignement médical à Madagascar ou le Dr A Davidson et le MMC (1862- 1876) », op. cit. p 86. 70 Il s’agit ici de la prière du philosophe Moïse Mainmonide (1135-1204). « Fahaizana, Fahalalana, Fahendrena » Gazety volana jolay 1977, laharana faha II. P38. 71 ibidem 72 . « Nombreux sont ceux qui enseignaient ce qu’ils savaient » Clarck (H) « Tantaran’ny fiangonana teto Madagasikara 1870 hatramin’ny 1885 », op. cit. p 473 73 « Rainijhonson étant ni médecin, ni pharmacien mais comme tout missionnaire, avait des connaissances médicales pour les mettre en pratique au cours des missions évangéliques » Brygoo (E.R) « Les débuts de l’enseignement médical à Madagascar : un siècle d’expérience » op. cit p 55 74 « Le Révérend J Peake était arrivé à Tananarive le 7 Octobre 1869. Il alla ensuite à Ambatondrazaka le 23 Août 1875 où, bien que non médecin ; il donnait des consultations médicales, des soins dentaires et pratiquait des vaccinations. » Ibidem 75 « Le Dr Parker était arrivée à Fianarantsoa le 1 er Juillet 1871. Après son départ sur Tananarive il y fut remplacé par le Révérend W. Cowan qui n’était pas médecin. » Ibidem

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2- Les prémices d’un enseignement médical Les missionnaires norvégiens et anglais ont tout crée leur propre Ecole de Médecine, ainsi il existait d’abord le Kolejy medikaly Analakely fondée en 1870 crée par A. Davidson de la LMS, ensuite la Norvegian Mission Society (NMS) , une autre institution médicale installée à Andohalo par une équipe dirigée par un missionnaire norvégien, le médecin Borchgrevink, avec la collaboration du Dr Davidson. Enfin, par les Anglais et les Norvégiens, la Medical Missionary Academy (MMA) créée en 1886, installé d’abord à Analakely puis transférée à Isoavinandriana en 1891. A part la mixité du programme établi au Collège Médical d’Analakely, la sélection d’entrée des étudiants n’est pas si l’on peut dire « correcte » dans le domaine médical, car même ceux qui ne veulent pas devenir médecin peuvent assister au cours : « koa raha misy mpianatra te-hianatra dia mahazo manao, na dia ireo tsy mikasa ho dokotera aza » 76 . Une décision qui réduisait la persévérance et la motivation des élèves et a constitué un obstacle au développement de l’enseignement médical de ces missions. « Koa hoheverintsika kely aloha ny zavatra nahasahirana tamin’ny fampianarana medikaly hatr’izay ela izay…fahadimy: ny mpianatra medikaly dia betsaka ihany no efa tafalatsaka, ary rehefa ny olona moa no vory maro toy izany, na aiza na aiza dia tsy ilaozan’izay malaina na adala… » 77 La Edinburgh Medical Missionnary Society à la tête de la Mission médicale accorda des bourses d’études aux étudiants méritants, ainsi plusieurs étudiants ont pu poursuivre leurs études en Ecosse comme Andrianaly, Rajaonah et Ramanohisoa. D’autre part, concernant le programme d’étude, seul l’anatomie et la physiologie font partie de la branche de la médecine 78 . Les missionnaires tenaient avant tout à donner un bon niveau de culture générale aux élèves. Mais d’un autre côté, les élèves suivaient aussi des cours pratiques à l’hôpital d’Analakely, donc malgré la faiblesse du programme, les élèves complétaient leurs connaissances à l’hôpital. Ce n’est que d’après les livres d’enseignement de l’époque qu’on peut observer une amélioration du niveau du programme d’étude, l’apparition des supports didactiques tels qu’un squelette humain pour le cours d’ostéologie. L’apparition de la MMA en 1887 marqua la professionnalisation du programme d’enseignement. Les illustrations suivantes montrent alors l’amélioration du programme d’enseignement.

76 Clarck (H) « Tantaran’ny fiangonana teto Madagasikara 1870 hatramin’ny 1885 », op. cit. p 174 77 « Si l’on tient compte des difficultés dans l’enseignement médical… les étudiants en médecine arrêtèrent leur cursus ou parfois n’ont plus le courage de continuer leurs études… Ibidem 78 Figure n°1 : programme du Collège médical d’Analakely de 1870.

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Figure n° 1 : Programme d’étude du Collège Médical d’Analakely en 1870

Source : Clarck (H) « Tantaran’ny fiangonana teto Madagasikara 1870 à 1885 » Antananarivo, FJKM Foibe. p 176.

La figure n°1 montre le premier programme d’enseignement qu’ont instauré les missionnaires. D’après cette figure, on ne peut observer l’enseignement des matières purement scientifiques, on a tout simplement les bases de la médecine, la physique –chimie, l’anatomie et la physiologie. On peut donc tirer qu’avec un tel programme, on ne peut que maîtriser la connaissance du corps humain et la préparation d’un nombre limité de médicaments.

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Tableau 1 : Programme de la MMA de 1887 à 1891

Matières Professeurs

Botanique Révérend Baron

Chimie Mr Lord

Physique Mr J Sims

Anatomie Dr Fox

Pharmacologie Dr Allen

Anatomie des os Dr Ralarosy

Opération Dr Ralarosy

Obstétrique Ravelonahina

Diagnostic médical Dr Borchgrenvink

Source : Clarck (H) « Tantaran’ny fiangonana teto Madagasikara 1870 à 1885 » Antananarivo, FJKM Foibe. p 176

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Figure n° 2 : Programme de la Medical Mission Academy de 1892 à 1895 avec les professeurs de chaque matière

Source : Brygoo (E.R) « L’enseignement médical à Madagascar : un siècle d’expérience »

Bulletin de l’Académie Malgache, 1971, p 65 : Etant l’école la plus professionnalisée pendant la période royale, la MMA a enregistré, d’après le tableau n°1 et la figure n° 2 une nette amélioration du programme d’étude. On observe dans le premier programme de 1887 à 1891 la présence de certaines matières plus scientifiques en rapport avec la médecine, inexistantes dans le programme d’étude du collège d’Analakely comme l’obstétrique, la botanique, la pharmacologie, l’opération, le diagnostic médical …

Le deuxième programme d’étude la MMA (1892 à 1895) a connu un changement plus bénéfique pour la pratique de la médecine, les matières ont été plus scientifiques avec l’apparition de la chirurgie, la gynécologie, l’histologie, l’anatomie pathologique et chirurgicale. Ce changement a été un point positif à la pratique de la médecine ce qui explique le bilan de l’action médicale missionnaire car les étudiants ont été capables de pratiquer des petites chirurgies.

CHAPITRE II : L’action médicale missionnaire à l’épreuve des réalités sanitaires I- Les efforts missionnaires A- Les bases de l’action médicale missionnaire 1- Les débuts d’un véritable enseignement médical « … Toa reko fa misy mamaly hoe raha tahaka ny hevitray dia hanina sy ny fitafiana dia ampy ka inona indray ary ? 79 ». Cette affirmation prouve que les Malgaches n’avaient jamais eu à apprendre l’origine des maladies et n’ont jamais suivi un enseignement médical quelconque. Dans leur ensemble, les Malgaches considéraient les maladies comme une punition divine, d’origine surnaturelle, ils ignoraient les facteurs naturels de la maladie. Cette idée va être remodelée à travers l’enseignement médical, source de toute l’œuvre médicale malgré son orientation religieuse. L’origine des étudiants en médecine était diverse, pour le Collège Médical d’Analakely, Davidson demanda l’autorisation de recruter ses élèves dans les écoles et ils choisirent ceux qui sont les plus instruits 80 . Plus tard, pour la Medical Mission Academy, Rainizafimanga 81

79 « J’ai entendu dire que certains d’entre vous pensent que le simple fait de manger et de se vêtir suffisent pour être en bonne santé » Raveloson (G ) « Lesona tsotsotra amy ny fahasalamana » 2 ème édition. FFMA, 1884 p 2. 80 « Le docteur choisit alors parmi les meilleurs élèves des écoles ceux qui avaient des connaissances générales ou manifestaient des aptitudes intelligentes… c’était à l’époque, la meilleure façon de procéder » Ibidem

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était chargé du recrutement choisit son fils même Rajaofera, et les autres, tous, élèves de l’école d’Ambohijatovo 82 . La MMA, dernière école hérita des anciens étudiants en médecine pour ses premières promotions avant la mise en place du système de concours en 1887. Et parallèlement à l’enseignement de la MMA s’effectuait le stage 83 . Concernant le programme, l’enseignement se basait sur des livres écrits par les missionnaires. En général, on enseignait surtout aux Malgaches, les bases de la médecine, les notions primaires pour rester en bonne santé à savoir la façon de garder l’eau potable : « Misy zavatra 2 atao hanadio ny rano sy hanafaka ny loto ao anatiny, ny mampangotraka azy sy ny manatantavana azy amin’ny ilay atao hoe filtera »84 , des notions de propretés et les éléments nutritifs des aliments : « Ireto avy ny sakafo mitondra nofo : hena, trondro, atody, fromazy, akoho. »85 . En chimie, on enseignait le phénomène de l’oxygène par l’expérience de la bougie 86 . Le mécanisme du froid et de l’éternuement son t également expliqués suivant l’expérience d’un enfant au bras de sa mère qui, aussitôt séparée d’elle attrape froid 87 . Concernant l’enseignement, on peut dire que les missionnaires ont fait l’effort de transmettre leurs connaissances aux étudiants malgaches en publiant des livres en leur langue maternelle. Ainsi selon certains livres qu’on a pu retrouver que dans la pratique de la médecine, on apprenait aux étudiants les différentes maladies identifiées, la différence entre vaccin et médicament. En chirurgie, on apprenait aux étudiants à distinguer une plaie superficielle et profonde selon la gravité de la plaie et les techniques de la petite chirurgie. En physiologie, les étudiants ont su le fonctionnement des processus physiques et chimiques dans l'organisme à travers les expériences du froid. Pour ce qui est de l’anatomie pathologique, on expliquait aux Malgaches les points positives de la pratique de la dissection, les origines des maladies et son évolution d'un microbe dans l'organisme. Pour l’anatomie chirurgicale, elle concerne généralement la composition de la peau (derma sy epiderma), et la disposition des différents organes pour des éventuelles opérations. Enfin pour l’obstétrique on apprenait aux étudiants la disposition du fœtus dans l’utérus, mais l’obstétrique était surtout pratique.

81 Professeur à l’école de la FFMA à Ambohijatovo 82 Rajaofera, Randriamboavonjy, Ralarosy, Rabemanotrona, Ravelonahina, Andrianavony. 83 « Les élèves faisaient leur stage à Soavinandriana. » Brygoo (E.R) « Les débuts de l’enseignement médical à Madagascar : un siècle d’expérience » op. cit. p 82 84 « Il existe 2 procédés pour purifier l’eau, l’ébullition et la filtration » Raveloson (G) « Lesona tsotsotra amy ny fahasalamana » op cit. p 15 85 « La viande rouge, la viande de poisson, l’œuf, le fromage, la viande de poulet sont les aliments qui apportent des fibres musculaires » Ibidem 86 Expérience de la bougie mise dans un verre qui prouve l’absence d’oxygène et la prédominance du CO 2 .Ibidem. 87 Parcker (W) « Fianarana amy ny aretina » Imprimerin’ny mpanjakan’ny Madagasikara. Anatirova, 1870, p 43

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2- Les œuvres médicales des missionnaires La création de l’hôpital d’Analakely en 1865 était accompagnée des visites à domicile pour les malades incapables de se déplacer. Donner des soins médicaux et enseigner la médecine n’étaient pas suffisant pour les missionnaires, des séances de vaccinations ont été réalisées en 1884 : les missionnaires accompagnés de leurs étudiants, malgré la diminution de l’efficacité de la vaccine importée 88 , ont quand même prévu un programme de vaccination dans les régions rurales ; le Dr Fox emmena avec lui quelques étudiants pour l’accompagner : « Mangataka aminao aho hamela ahy hitondra mpianatra ho any ambany vohitra hanao vakisiny satria vitsy ireo olona no tonga aty an-tanan-dehibe… »89 , ils ont vacciné dans les régions d’Alasora, Ambohimanarina, Ilafy, Fenoarivo, Betafo, Ambohimanambola, cela donc ajouté à ce qui a déjà été effectué en ville : « …maro no efa vita vakisiny noho izay natao teto Antananarivo » 90 .

Sur le plan curatif, il fut entretenu sans doute pour la première fois les vertus thérapeutiques des eaux thermales à Fianarantsoa en 1881 : « Misy rano mafana ao Ivohidravina ao avaratry Matsiatra, ka dia nankeny izahay niezaka nizaha azy tsara. Ka dia namboarinay, koa efa misy vata filomanosana lehibe, sady nasianay trano koa. Ary maro ny olona narary izay nankeny. » 91 . Des léproseries ont été créées à savoir la léproserie d’Antsirabe en 1881 par la mission norvégienne, une léproserie à Soavina en 1885 par la Société des Missions de Londres et à peu près à la même époque, la léproserie d’Avaratr’Ilafy par les Jésuïtes. Dans la province de Fianarantsoa, la léproserie de la mission norvégienne en 1882 et celle de la LMS en 1895.

L’autre initiative des missionnaires fut d’envoyer des médecins mobiles pour les soldats à la veille de la prise de Tananarive : « Miera amin’ny Prime Minister aho mba hitondra ny mpitsabo izay nampianariko, hitsabo ireny miaramila ireny izay tsy afaka manantona

88 Avant la création de l’Institut Pasteur de Tananarive, les vaccins utilisés provenaient soit de l’île Maurice, Saigon ou de Paris. 89 Série HH7. Lettre n° 600. « Je vous demande l’autorisation d’emmener avec moi des élèves à la campagne afin de vacciner la population car peu de gens arrivent en ville » Objet de la lettre de Tregelles Fox adressée au Premier Ministre le 13 Septembre 1884. 90 « Nombreux sont vaccinés après les séances de vaccination à Antananarivo » Clarck (H) « Tantaran’ny fiangonana teto Madagasikara 1870 hatramin’ny 1885 ». op. cit. p 473 91 Série HH7. « L’on a découvert une source thermale à Ivohidravina au nord de Matsiatra, après l’avoir examiné, on l’a aménagé et construit une piscine et plusieurs personnes sont déjà venus pour se faire soigner » Lettre de A. Walen adressée à Rainilaiarivony le 18 Avril 1881.

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hopitaly toy ny any an-tafika na ny eny an-dasy satria amin’izany dia hita fa be ny marary. 92 » Inséparable à la médecine, la pharmacologie a été basée sur l’utilisation des plantes médicinales existantes sur l’île, donc sur la base de la médecine indigène 93 tels que le chanvre indien 94 , le matico 95 , la rhubarbe 96 , la parera brava et la busserole 97 , l’eau de laurier ou de cerise. De nos jours, plusieurs plantes sont encore utilisées et font leurs preuves et pour concurrencer la médecine moderne, le tableau suivant montre quelques exemples :

92 Série HH7. « Je demande l’autorisation au Premier Ministre d’emmener avec moi mes étudiants pour donner les soins nécessaires aux soldats du camp qui ne peuvent pas venir à l’hôpital » Lettre de Miss Byan à Rainilaiarivony le 5 Août 1895. 93 (G) Raveloson « Le formulaire d’Analakely et de Soavinandriana sur l’emploi des plantes au siècle dernier » op. cit. p 49 94 Contre la coqueluche. Ibidem 95 Antihémorragique. Ibidem 96 Laxatif. Ibidem 97 Diurétique. Ibidem

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Tableau 2 : Les plantes médicinales et leurs indications

Plantes médicinales et leurs indications

Ahimafana Vermifuge

Akondronjaza cressons sauvage servant à frictionner les luxations ( Nasturtiuns Barbarafolium) Analasoa utiliser le jus des feuilles pour arroser les plaies des fractures Anamamy Sert à enlever les corps étrangers de l'œil avec la tige juteuse, soulager la toux avec les feuilles cuites (Solanum Nigrum) Anampoza plante odoriférante contre les maux d'estomac Anantsifotra Appliquer sur la lésion de la bouche une pommade faite avec les cendres de feuilles brûlées Anantsonganala petite herbe employée contre la gale Aviavy(Ficustrichopoda) feuilles en infusion contre la coqueluche Bekaraoka Plante purgative Bonara ( Albizzia) et dingadingana (Psiadia traitement externe de la syphilis Dodocoefolia) Fandefana(Clematopeis Soaveoleni) Racine purgative Fanoroboka herbe dont le sucre exfolie l'épiderme des lépreux Farimaty (Clematis Sarkola) Fébrifuge Fiandrilavenona (Malva Crispa) Feuilles utilisées en cataplasme Goavy (Goyavier) feuilles utilisées contre les diarrhées Hanidraisoa (Senecio Faujasioides) Contre les maladies éruptives Harongana (Psorospermum Leonenze) contre la gale Hazomafana (Diospyros Megasepala) Purgatif Homandra Absorbe le sang dans la dysenterie Ilaimahery Contre le rhumatisme et la goutte Kelimaika Contre l'hystérie Kelimafana Contre les indigestions Kijejalahy ( Vernonia Scariosa) Contre la blennorragie Kinamena (Ricinus Communis) Appliquer sur les dents cariées

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Kivolavola (Impatiens Baroni) Contre la blennorragie Kodiadiamborona Vermifuge Komy Fièvre Landemy Fébrifuge Lavaravina (Spirospermum Penduliforum) En infusion contre les coliques Manavodrevo Fièvre Mangidimanta (Vanguerua emirnensis) jus de racine, à faire couler dans l'œil si la conjonctivite est blessée Matahotrantsy (Euphorbia Erythroxyloides) Contre la douleur des reins Nonoka (Ficus Melleri) Contre la fièvre et dysenterie Paiso Feuilles pilées et mélangées à la graisse de bœuf pour enduire l'ulcère Paraky (Nicotiana Tabacum) Contre la conjonctivite blessée Ramamonjy Contre les maladies du ventre Rambiazina (Stenocline Incana) Contre la syphilis Ramy Pour les dents cariées Roibe Friction dans les luxations Romba (Ocimim Gratissimum) Utilisée contre les maux de tête Sakamalao (Gingembre) Contre les maux de tête et faire couler les narines Sakay Contre les indigestions Sitrakavoafery Empêche de nouvelles blessures Soa Contre les entorses et les luxations Songosongo Contre la blennorragie Sorisory Un excitant, contre l'impuissance

Source : Radaody ® « Une croisée des chemins : le docteur Gershon Ramisiray et sa thèse sur les pratiques et croyances médicales des Malgaches » in Bulletin de l’académie malgache, Tome XLVII 1969,. 1969. p 53-102

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Comme nous l’avons vu plus haut, les Malgaches avaient plusieurs manières de voir la maladie et plusieurs manières de la vaincre : la médecine magique où la vénération des sampy dominait la lutte contre la maladie, le suivi des conseil des guérisseurs avec l’utilisation des produits. Le tableau n° 2 renferme la liste des plantes utilisées dans la médecine traditionnelle malgache et actuellement, certains sont encore utilisés comme le gingembre ce qui veut dire que malgré le recours croissant à la médecine moderne, la médecine traditionnelle est moins populaire mais respectée par les Malgaches.

B- L’action médicale missionnaire : un reflet de l’AMI 1- Un détour historique qui nous ramène au présent. Dans le cadre de l’enseignement, les étudiants étaient uniquement originaires du Betsileo et du Vakinankaratra pour la NMS 98 , et pour la MMA, les étudiants étaient choisis parmi les plus instruits à l’école d’Ambohijatovo, donc dans la capitale en Imerina 99 . Une sélection qui traduit une politique de moindre coût car déjà les étudiants possédaient déjà les prés requis indispensables en médecine. Une préoccupation du gouvernement a été de protéger son armée contre l’emprise de la variole, alors l’action médicale missionnaire n’a pas seulement intéressé la partie civile de la population, mais les militaires en ont aussi profité. Sur le plan militaire, les troupes militaires ont subi des vaccinations à chaque époque de recrutement 100 par les étudiants des écoles de médecine comme Ravalomanda et Razakarivony 101 . Lors de l’envoi de l’expédition de 1895, l’action médicale a été très utile avec l’envoi des médecins sur le champ de bataille, ce fut essentiellement une médecine de soin, pour les Européens 102 si l’on tient compte du cas de Miss Byam. Pendant la 1 ère Guerre Mondiale en 1914, on observe l’envoi en France du Dr Ramisiray. D’autre part, les nouveaux médecins formés par les écoles de médecine des missions refusent d’aller plus loin dans les zones rurales 103 . Tous préfèrent rester dans la capitale et ses

98 Brygoo (ER) « Les débuts de l’enseignement médical à Madagascar : un siècle d’expérience » op. cit, p 77 99 Ibidem 100 Ibidem 101 « Ils ont été les premiers à être chargés officiellement de vacciner la population suburbaine et la troupe » Ibidem 102 En reconnaissance des services rendus, la France lui (Miss Byam) décerna le 02 Avril 1896 une médaille d’honneur du Ministère de la Guerre pour avoir prodigué ses soins aux officiers et aux soldats blessés du corps expéditionnaire.

103 « Les praticiens indigènes formés par les missionnaires décidaient rarement de quitter Tananarive et les campagnes restaient ainsi complètement dépourvues de soins et de médicaments. » Gheusi (P.B) « Le Général Gallieni et l’assistance publique indigène à Madagascar, dans les articles politiques et coloniaux de 1904 et 1905 », Nouvelle Revue, 13 janvier 1904 .p 164

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environs : Andrianavony à Isoraka, Rahamefy : Faravohitra, Rainibao à Amparibe, Ralarosy : Analakely, Rasamba ; Atsinan’Andohalo,Ramanana : Amparibe, Rasamoely : Atsinan’Andohalo, la même attitude que vont adopter les médecins de l’AMI et même jusqu’à nos jours. 104 .

2- L’option pour la médecine moderne C’est à partir du règne de Radama I que la médecine européenne s’est peu à peu intégrée dans la vie des Malgaches. De même, les Malgaches avaient des principes médicaux proches des principes occidentaux tel le vaccin. : le principe est de contracter la maladie pour se protéger de cette dernière. Contre la variole, on observait la variolisation qui consistait à inoculer à petite dose la variole à un individu sain pour que celui-ci soit ensuite protégé contre le risque de contracter à nouveau la maladie. Chez les Betsileo, elle consistait à perforer l’épiderme avec une aiguille en le soulevant légèrement pour y introduire du pus prélevé sur un varioleux dont la maladie évoluait favorablement et où les virus sont présumés moins virulents : c’est l’inoculation 105 . Le roi même s’est fait inoculé avec succès 106 . Après la conversion et le baptême de la reine Ranavalona II et du Premier Ministre Rainilaiarivony 107 , les missionnaires ont pu organiser parallèlement le développement de la médecine européenne et le progrès du christianisme. La chance du Christianisme dans la Grande île était principalement en rapport avec l’appartenance à la noblesse de la majorité des premiers chrétiens. Avec la reconnaissance de la supériorité de l’idéal chrétien sur l’animisme ancestral, la démystification faisait son apparition et on observait enfin des relations de cause à effet même si certains produits sont malpropres car le rôle des esprits persiste quelque fois.

104 . Brygoo (E R) « Les débuts de l’enseignement médical à Madagascar : un siècle d’expérience » op. cit, p.68 105 Les personnes qui devaient être soumises à la variolisation se rendaient dans la chambre occupée par un varioleux, après en avoir reçu l’autorisation des gardes-malades. Ils mangeaient avec le malade, couchaient dans le même lit, se couvraient de ses vêtements, quelques uns recueillaient même le pus des pustules et s’en frottaient. Beaucoup d’entre eux contractaient la variole et plusieurs en mouraient. Merlin (J) « L’assistance médicale indigène à Madagascar (1898-1950) ». Medecine Tropicale, 2003, p 59 106 Série H. 17 Février 1818 : Radama Ier avait eu la petite vérole et a été inoculé par Mr Brown sur sa propre demande. 29 Décembre 1818 : le Roi va mieux, 1 er Janvier 1919 : le moral du roi va mieux. 107 21 Février 1869

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II L’action médicale missionnaire dans le contexte de la « royauté » A- Faiblesses de l’action médicale missionnaire 1. Problèmes scientifiques des missions Au tout début, l’hôpital d’Analakely manquait de ressources financières, le ravitaillement en médicament provenant de la Grande Bretagne était irrégulier. Par ailleurs, en essayant de guérir sans une réelle connaissance de la maladie, sans un acquis scientifique solide, les missionnaires se heurtent à la réalité du monde de la médecine et montre la faiblesse de l’action médicale. Sur le plan chronologique de 1860 à 1896, l’époque d’intervention sanitaire, s’effectue bien avant des grandes découvertes scientifiques : par exemple le paludisme dont le parasite responsable ne devait être découvert qu’en 1880 par Alphonse Laveran et son mode de transmission par l’anophèle, bien des années plus tard en 1898 par Grassi 108 . On ignorait encore le véritable mode de transmission des maladies qu’on ne prend aucune précaution avant de partir dans un pays nouveau. Cette ignorance rendait sûrement la lutte inefficace, et la quinine qu’on utilisait contre la fièvre ne répondait pas au besoin réel du malade. Et il en est de même pour le vaccin antivariolique, les vaccins importés n’ont pas été conservés convenablement d’où perte d’une partie sinon la totalité de son efficacité 109 et cela de 1820 110 jusqu’en 1899. Le combat des missionnaires était d’une grande envergure voire titanesque si l’on tient compte des maladies identifiées à l’époque. Le niveau de connaissance scientifique était largement inférieur face à l’ampleur des maladies. Face aux épidémies successives, l’action médicale missionnaire a été dans l’impossibilité d’éradiquer une maladie distincte. Sur ce, l’ère antérieure à une révolution de la médecine est une situation où l’on ne peut accuser les missions de mépris car tel était le niveau de la science à cette époque. Enfin leur obligation religieuse sans doute privilégiée ne mettait pas l’action médicale missionnaire au premier plan qui, par conséquent réduisit l’importance que mérite l’organisation médicale. Les connaissances médicales des missionnaires n’étaient pas à la hauteur des maladies qu’ils devaient combattre dont voici la liste :

108 Chauliac « Contribution à l'étude médico-militaire de l'expédition de Madagascar » In Bulletin de Madagascar, mai 1966, p 94 109 « La conservation de la pulpe vaccinale était précaire. » Valette (J) « Note sur l’introduction de la vaccine à Madagascar» Bulletin de l’Académie Malgache, Tome XLII-I, 1964, p 60 110 « James Hastie [revenu en 1820 après avoir quitté Tananarive le 22 Février 1818] apportait avec lui à Tananarive de la vaccine. » Valette (J) « Note sur l’introduction de la vaccine à Madagascar » Bulletin de l’Académie Malgache Tome XLII – I, 1964, p 59

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Tableau 3 : Classification des principales maladies identifiées par les missions chrétiennes

Maladies générales et éruptives Maladies des organes Tazo (fièvre) Aretin-doha (maux de tête) Nendra (variole) Aretim-bava (maux de la bouche) Habokana (Lèpre) Areti-nify (maladies des dents) Kitrotro (rougeole) Areti-maso (maladies des yeux) Nendram-boalavo (varicelle) Aretin-tenda (maladies de la gorge) Tety (syphilis) Aretin-tratra (Maladies de la poitrine) Donika (oreillon) Aretin-kibo (maladies du ventre) Haromontana (rage) Maladies des organes génitaux Angatra ( blennoragie) Maladies du coeur Gaotra et Rohana (goutte et rhumatisme) Vers intestinaux

Maladies nerveuses dites Maladies dites chirurgicales diaboliques Tapaka (fracture) Kasoa (hystérie) Mipitsoka (luxation) Androbe (épilepsie) Folaka (entorse) Ramanenjana (manie dansante) Mangana (bleu) Tsevo-drano (panaris) May (brûlure) Ratra (plaies, blessure) Mony (acné) Fery (ulcère) Tevika (point de côté) Hatina (gale)

Source : Radaody (R) « Une croisée des chemins : le docteur Gershon Ramisiray et sa thèse sur les pratiques et croyances médicales des Malgaches » In Bulletin de l’Académie Malgache, 1969, tome XLVII. 1969. p 83

Selon le tableau n° 3, les maladies au temps des missionnaires peuvent être classées en 4 groupes bien distincts. Selon le niveau de la science à l’époque, les maladies générales et éruptives et les maladies du coeur constituent la principale barrière à l’action médicale missionnaire pour atteindre un bilan sanitaire positif. Pour faire disparaître ces maladies définitivement, il faudrait un traitement préventif donc un vaccin et un changement du comportement social qui favorise par excellence la transmission des maladies épidémique ; ce qui exige alors un détour aux rites funéraires et au comportement sexuel relatif à la polygamie …. La lutte contre les maladies chirurgicales, nerveuses et celles des organes a été possible avec l’existence de l’anatomie chirurgicale, l’anatomie pathologique, de la pharmacie pratique

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enseignée dans les écoles de médecine des missionnaires. Mais malgré les efforts des missionnaires pour lutter contre les maladies existantes, ils ont du faire face parallèlement aux problèmes scientifiques, des problèmes sociaux.

2. Problèmes sociaux des missions La rivalité entre les différentes missions religieuses entraîna la multiplication des différentes formations sanitaires dans l’île. L’œuvre de Davidson représente celle de la LMS et la « Norvegian Missionnary Society » représenté par le Dr Borchgrevinck ; et enfin la « Society for the Propagation of the Gospel » représenté par les Anglicans. La rivalité eut pour source la recherche d’une grande influence auprès de la Cour et entraîna une déchirure au sein de la LMS quand le Dr Davidson a commencé à travailler avec le Dr Borchgrevinck et les autres médecins comme les Français jésuites en 1869. 111 D’autres faits contribuent à l’insuffisance de l’action médicale missionnaire : c’est le territoire lui-même, le problème d’ordre climatique est inévitable, sinon le missionnaire est envoyé en congé pour cause maladie. L’absence de médecin en période de congé réduisit le personnel médical qui est déjà insuffisant et les autres sont victimes d’épidémies 112 . Même si la variole a dominé le milieu pathologique, le gouvernement n’a cependant rien fait pour la fabrication du vaccin antivariolique sur place en dépit de son intention : « … Naheno izahay fa hampanao vakisiny ny fanjakana nefa hatramin’izao kanefa… » 113 . Plus important encore, le manque de soutien financier 114 aux missions pourrait avoir comme origine, premièrement les dépenses relatives à l’évangélisation dont le salaire des missionnaires 115 et le manque de budget de l’Etat 116 malgache. Ceci pourrait expliquer que lors de la convention du 14 Février 1889, la reine donna ses terres mais les missionnaires devront prendre en charge toutes les

111 Rabenja (T) « Les débuts de l’enseignement médical à Madagascar ou le Dr A Davidson et le MMC (1862- 1876) »,Op. cit, p 78 112 Série HH7. « Deux ou trois européens ont en ce moment même, la fièvre typhoïde, et Miss Sibree souffre de dysenterie grave » Lettre de Backwell Fenn adressée à Rainilaiarivony le 23 Février 1984. 113 Série HH7. Lettre n°600. « L’on a entendu que le gouvernement organiserait une séance de vaccination et maintenant encore … » Lettre de Tregelles Fox adressée au Premier Ministre le 13 septembre 1884. 114 « L’Etat qui s’était déchargé de ces problèmes sur les missions religieuses qui les assumaient selon leurs propres moyens. » Raharijaona (J) « Quelques étapes de la formation des médecins malgaches » op. cit p 54 115 « Les salaires des pasteurs et évangélistes tendent à devenir de plus en plus l’équivalent d’un salaire autochtone » ibidem. 116 Les taxes arrivaient bien allégées dans les caisses de l’Etat, car les Sakaizambohitra, Antily et leur secrétaires prélevaient sur elles de quoi vivre » Raison Jourde (F) « Bible et pouvoir à Madagascar au 19 ème siècle », op. cit. p 522

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dépenses y afférant 117 . Les étudiants étaient obligés de payer 40£ dans les 4 ans après avoir obtenu son diplôme à la MMA. Ensuite, les maladies vénériennes dont la transmission est favorisée par les mœurs et les coutumes ont eu des impacts négatifs dans l’accroissement 118 de la population et de l’amélioration de son état sanitaire notamment chez les femmes et les enfants 119 ; Non seulement la population indigène fût victime mais les Français 120 aussi. Enfin, la ponctualité des étudiants faisait défaut ainsi que l’assiduité des étudiants 121 , voire le renvoi de Rabemanotrona. Les missionnaires manquèrent d’organisation 122 , le Dr Fox l’avoue en disant « … e t jusqu’à présent nous n’avons pas été capable de trouver la bonne méthode. ». La méthode tant recherchée fut certainement la manière de gérer ensemble l’évangélisation et l’enseignement médical, la gestion de l’emploi du temps des missionnaires au temple et à l’hôpital. Les léproseries ont été mises en place pour des raisons humanitaires et non prophylactiques, elles manquaient un bon ordre pour assurer l’état d’isolement des lépreux 123 et de leur traitement 124 . Les médecins malgaches étaient libres de pratiquer dans la localité qu’ils voulaient car on leur a donné le large choix d’exercer leur métier où ils voulaient 125 . Ces dispositions réduisaient l’extension territoriale de l’action médiale mais néanmoins, nous

117 Série HH7. .La LMS et le FFMA prendront toutes les dépenses à leurs charges mais le terrain reste insaisissable car il reste propriété de la reine de Madagascar. 118 « Elles avaient aussi des conséquences importantes sur la fécondité, causant sous fécondité, stérilité et fausses couches… » Gastineau (B) « Dynamique démographique et développement durable dans les Hautes Terres Malgaches » Institut Catholique de Madagascar et Institut de Recherche pour le Développement, Antananarivo, 2005 p 5. 119 « Le libertinage y est porté à l’excès : une femme malgache choisit un blanc, vit avec lui pendant son séjour, reçoit avec avidité les cadeaux qu’il lui offre et le quitte avec indifférence à son départ pour lui trouver un successeur. » Valette (J) « Note sur une coutume Betsimisaraka : les Vadimbazaha. » Cahier du centre d’études des coutumes de l’Université de Madagascar. Tome 3. 1963. p 13 120 « Peu de jours après notre départ, deux hommes de l’équipage ont été attaqués, l’un par la blennorragie urétrale l’autre de chancre à la couronne du glande » Pommier (J) « Topographie médicale des Français de Madagascar » Bulletin de l’Académie Malgache. Tome 51, 1973, p 75. 121 Depuis l’arrivée de Dr Fox, il a eu 2 étudiants à la MMA, 6 autres ont arrêté leurs études » Clarck (H) « Tantaran’ny fiangonana teto Madagasikara 1870 hatramin’ny 1885 », op.cit. p 464. 122 Brygoo (E.R) op. cit. p.66 123 « Les lépreux, libres dans leur village en profitaient pour rompre l’isolement et d’autre part, les médecins norvégiens ne s’opposaient aucunement au contact des lépreux avec les individus sains. » Gheusi (P.B), « L’assistance médicale et l’hygiène publique à Madagascar », in Revue de Madagascar, Août 1903, p 425 124 « … dans quelques léproSéries, les malades n’étaient ni nourris ni internés, et pouvaient aller mendier le long des chemins et sur les marchés… » Ibidem 125 « …Les médecins diplômés étaient libres de pratiquer dans la localité de leur choix… » Rasolofonirina (N) « Les liens qui unissent l’Institut Pasteur de Madagascar et l’Académie Nationale Malgache depuis un siècle » Archive de l’Institut Pasteur de Madagascar 2002 p 6.

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avons pu localiser certaines localités servies par les indigènes selon le propos du Dr Moss 126 où les habitants ont pu profiter de l’œuvre médicale de ses compatriotes comme le Dr Ramarosato dans le district de Mandrindrano 127 . Tous ces obstacles ont empêché l’action médicale missionnaire de réaliser une œuvre médicale répondant au besoin médical réel de la population malgache dans le temps et dans l’espace, cette œuvre médicale sera inévitablement améliorée par la colonisation.

B- Bilan de l’action médicale missionnaire 1- Bilan social et sanitaire Par rapport à l’ambition des missionnaires, aucune maladie, qu’elle soit épidémique ou non n’a été éradiquée en dépit des établissements sanitaires crées, la variole 128 et le paludisme 129 faisaient encore partie du quotidien des Malgaches à l’arrivée des Français en 1896, une mission qui sera par la suite à la charge de l’assistance médicale indigène coloniale.

Par contre les praticiens de l’époque étaient en mesure de gérer des plaies superficielles 130 : « … Faly tokoa manoratra amin’izao maraina izao aho milaza aminao fa mandroso tsara Andriamatoa Ramaka (mot illisible). Vao avy namboatra ny feriny izao aho ka hatramin’izao dia tsy maninona tsy akory . ». Ces propos nous montrent à quel point le Premier Ministre tient à la réussite des efforts des missionnaires dans cette mission médicale. Sur le plan chirurgical, ils ont été capables d’effectuer des petites chirurgies comme la blessure provoquée par une balle : « … Efa nasehony ahy ny bala nesoriny tamy ny olona voatifitry ny fahavalo 131 . Selon l’admission des malades de 1890 à 1894, on peut constater que les Malgaches souffraient de maladies générales ; par contre, le taux des maladies circulatoires a diminué entre ces années que nous le montre le tableau suivant :

126 Moss se félicitait que les 3 préparés à la Mission médicale avaient choisi de s’installer à la campagne : l’un à Moramanga [son nom n’a pas été mentionné], J Rakotozao à Isoavina, et Rainiharisoa à Vonizongo. Brygoo (E.R) « Les débuts de l’enseignement médical à Madagascar : un siècle d’expérience » op. cit. p 92 127 ibidem 128 La variole a été quasiment ou du moins éradiquée qu’en 1914 à Madagascar 129 « …Le paludisme était une maladie propre des côtes, les Hautes Terres centrales étaient indemnes. Pourtant, le paludisme y fait son apparition en 1878, année durant laquelle sévit une forte épidémie parmi les populations merina, suivie d’une seconde épidémie en 1895… » [Date qui coïncide avec l’arrivée des troupes françaises] Gastineau (B) « Evolution de la population à Madagascar Antananarivo, Institut Catholique de Madagascar et Institut de Recherche pour le Développement , p 4. 130 Série HH7 « Je viens tout juste de donner les soins à Mr Ramaka et j’ai le plaisir de vous annoncer ce matin qu’il va bien » Lettre de Backwell Fenn adressée à Rainilaiarivony le 19 Août 1894. 131 Série HH7. « Il m’a montré la balle qu’il vient de retirer d’une personne blessée » Lettre de Backwell Fenn adressée à Rainilaiarivony le 2 Décembre 1893.

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Tableau 4 : Pourcentage des maladies selon l’admission des malades de 1890 à 1894 en chiffre

Maladies Maladies Maladie du tube Maladies Année circulatoires respiratoires digestif générales * (%) (%) (%) (%) 1890 12,7 - 23,6 22 1891 11 - - 13,6 1892 14,7 24,2 - 18,4 1893 5,8 18,6 - 23,8 1894 3,4 - 32,8 -

* : considérées comme maladies générales, toutes les maladies ne concernant pas les maladies circulatoires, respiratoires ou les maladies du tube digestif

Source : Chippaux (C), Raveloson (G) « Note sur le formulaire d’Analakely et de Soavinandriana sur l’utilisation des plantes ». In Bulletin de l’Académie Malgache, tome XLII-1, 1964, p. 4

D’après ce tableau, nous pouvons constater que les maladies générales et les maladies du tube digestif ont connu une hausse de manifestation contre une baisse de manifestation pour les maladies circulatoires et respiratoire selon les statistiques des admissions des malades de 1890 à 1894, presque à la fin de la période de l’action médicale missionnaire. Ainsi les maladies générales touchant en grande partie la population n’ont pas pu être traitées correctement. Enfin, cette action médicale missionnaire qui présente un caractère humanitaire a bien fait comprendre aux Malgaches l’utilité et l’efficacité de la médecine moderne. L’efficacité de la médecine européenne a été remarquée face aux maladies chirurgicales et non sur les maladies générales.

L’action médicale ne fit pas une distinction de race car elle a été destinée pour toutes les couches sociales 132 , le Dr Davidson a soigné la reine Rasoherina d’une dysenterie 133 et l’esclave provenant de Vonizongo 134 . L’éloignement géographique de certains patients pour se faire soigner à l’hôpital explique que les Malgaches sont convaincus de l’efficacité de la

132 « Madagascar » Journal des missions évangéliques, Paris, 1872, pp 182-184 133 Boudou (A) « Les Jésuites à Madagascar au 19 ème siècle », Beauschenes, Paris, 1940, p 139 134 Rabanja (T) « Les débuts de l’enseignement médical à Madagascar ou le Dr A Davidson et le MMC (1862- 1876) », op. cit. p 117

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médecine moderne ; même les promoteurs de la médecine traditionnelle sont convaincus que la médecine moderne est utile qu’on assiste parfois à la conversion de certains d’entre eux 135 .

Le chiffre exact des médecins formés par l’ancien régime est encore flou, si J. Raharijaona 136 estimait qu’en 1895, une centaine de médecins malgaches avaient été formés soit dans les institutions anglaises ou norvégiennes, soit dans celle du Gouvernement Hova. Le chiffre semblait exagéré, car en 1896 il n’y avait que 30 Malgaches titulaires du diplôme de la MMA faisant partie du « Member of the Medical Missionary Academy ». Ils furent plus précisément 49 parce qu’on a pu récupérer certains chiffres de ces médecins diplômés quand ils doivent valider leurs diplômes à l’ Ecole de Médecine , 49 médecins au total en excluant ceux qui ne l’ont pas fait dont voici les noms :

135 Ibidem 136 . Raharijaona.(J) « Quelques étapes de la formation des médecins malgaches » 1945. op. cit. p 61

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Tableau 5: Liste des médecins de l’ancien régime Nombre Année de validation Noms Nombre Année de validation Noms 1 1900 RABARIJAONA 26 1902 ANDRIANISA 2 1901 ANDRIAMBOAVONJY 27 1902 RAJAFETRA 3 1901 RAFAOFERA I 28 1902 RAJOSEFA 4 1901 RAZAFY 29 1902 RAKOTOTAHINA 5 1901 RASOAMANANA Samuel 30 1902 RALAROSY 6 1901 RAVOAVAHY 31 1902 RAMANANA 7 1902 RABETANY 32 1902 RAMORASATA 8 1902 RABOANA 33 1902 RASAMOELA 9 1902 RAKOTONIZAO J 34 1902 RAVALINERA 10 1902 RAMAROSY 35 1903 ANDRIANANDRAINA Martin 11 1902 RATSITO 36 1903 RABENINARY Bernard 12 1902 RAZAFIMAHOLY 37 1903 RAJOHANESA-Ranaivo 13 1902 ANDRIAMAHAY Johanesa 38 1903 RAKOTO Joseph 14 1902 ANDRIANARY 39 1903 RAKOTOMANGA 15 1902 ANDRIANTAVY 40 1903 RAMANANKORAISINA 16 1902 RAFIRINGA 41 1903 Ranaivo Philippe 17 1902 RAHAMEFY 42 1903 RAOELINA II 18 1902 RAJAONA I 43 1903 RASOAMAHARO Joseph 19 1902 RAJAONA II 44 1903 RATOMPOARO 20 1902 RAOELINA 45 1903 RATRIMOSALAMA 21 1902 RAOMANA 46 1903 RAVALOMANDA 22 1902 ANDRIANILANA 47 1903 RAZANAMAHAZO 23 1902 RABARIJOELY 48 1903 SALOMON ou RASALOMONA 24 1902 RABEMANANTSOA 49 1904 RABOANARY Rogens 25 1902 RAFARALAHITELO

Source : Brygoo (E.R) « Les débuts de l’enseignement médical à Madagascar : un siècle d’expérience » In Bulletin de l’Académie Malgache. 1971. Tome 49, p 69

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Si ces médecins de l’ancien régime ont pu valider leurs diplômes suite à un examen français, c’est grâce à leur acquis précédents mais aussi grâce à leur persévérance pour obtenir le diplôme de médecin. Ce fut la base principale de la réussite de l’ Ecole de Médecine de Gallieni, car après leurs sessions de validation, ils furent fonctionnels dans nombreuses régions de l’île comme Andrianilana à Ambositra, Ravalinera à Vondrona, Ramanankoraisina à Fianarantsoa, Razanamahazo à Ankadivoribe, Rakotomanga à Behenjy, Rasolomona à Ambohitravo, Rabeniary Bernard à Ambatoharanana ry Raboanary Rogens à Ramainandro.

2- D’une conversion royale à une conversion nationale L’action médicale utilisée comme un moyen d’évangélisation a montré son efficacité. L’œuvre sanitaire faite par les professeurs a été utilisée comme moyen de recrutement de fidèles par le biais de l’enseignement 137 . La reine Ranavalona II ordonna de brûler les dieux de la médecine fut couronnée en l’absence des idoles royales pour la première fois dans l’histoire de l’île 138 . Ces conditions étant, le développement du Christianisme a été intimement lié à celui de la médecine. Certains étudiants en médecine ont fini leur carrière comme pasteur à savoir Rabary 139 ou ayant suivi les deux carrières comme Ramamonjisoa 140 . Le nombre des églises 141 a augmenté: 621 en 1870 pour atteindre 1133 en 1886 pour la LMS et le FFMA réuni dans tout Madagascar, et parallèlement, le nombre des chrétiens a considérablement augmenté que les temples sont pleins 142 . Malgré cette augmentation massive d’éléments protestants, la guerre franco-malgache de 1885 a réduit les effectifs humains et les biens immobiliers : « … Tsy azo lazaina ny isan’ny trano fiangonana rava tao anatin’ireo taona ireo [1884 - 1885], nefa fantatra fa maro tokoa… »143 . Le mariage de la reine chrétienne et du Premier Ministre chrétien amène à de prise de décision purement chrétienne telle que l’annulation du marché de Dimanche 144 , jour qui fut désormais

137 « Il s’agit plutôt ici d’un christianisme signifié dans les bâtiments centré non sur la conversion personnelle mais l’adhésion. » Raison Jourde (F) « Bible et pouvoir à Madagascar au 19 ème siècle », op. cit. p 618.

138 « When Ranavalona II was proclamed, the idole, for the first time in Madagascar history, were absent » Journal de la mission médicale, n°4, Vol 4, 18 Janvier 1869 pp 71-72 139 « Il finit sa carrière comme pasteur » Brygoo (E.R) « Les débuts de l’enseignement médical à Madagascar : un siècle d’expérience » i op. cit. p 68 140 « Le Dr Ramamonjisoa n’a commencé ses études qu’à la fin de ses études de théologie » Radaody (R) « Une croisée des chemins, le Dr Gershon Ramisiray et sa thèse sur les pratiques et croyances médicales des Malgaches », op. cit. p 105

141 Clarck (H) « Tantaran’ny fiangonana teto Madagasikara 1870 hatramin’ny 1885 », op. cit. p.191 142 « En un an, le nombre des protestants quadripla… » Deschamps (H) « Histoire de Madagascar » Berger Levrault, Paris, 1960, p 178 143 « L’on ne peut affirmer avec exactitude le nombre de temples détruits entre 1884 – 1885» Clarck. (H) op. cit. p 132 144 Journal de la Mission Médicale, n°10, Volume VIII, 18 Juin 1869, p 90.

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considéré comme jour de repos. On assiste ici à une « conversion nationale » du fait de la conversion du personnel royal qui impose sa souveraineté dans la capitale malgache.

3- L’action médicale missionnaire et la colonisation 30 septembre 1895 : jour de la prise de Tananarive, le premier acte de Gallieni qui suit symbolisa la mise en place en position dominante de la France : la réquisition de l’hôpital de Soavinandriana 145 . Après la loi d’ d’annexion du 6 Août 1896, les mesures prises par l’administration coloniale ne convenaient pas aux missionnaires chrétiens. L’exercice de la médecine allait être régi par l’arrêté du 10 décembre 1896 146 et remet en question le devenir des médecins formés bien avant 147 reconnus par le gouvernement royal malgache.

Cette décision imposait donc la création d’une Ecole de Médecine française d’outre-mer, ce qui implique d’un côté le changement de la langue d’enseignement qui va être la langue française, et d’une part le changement du programme d’étude en médecine au sein des écoles de médecine anglaises comme la MMA qui effectuait ses cours en langue malgache 148 . Le programme sera calqué à celui de la Faculté de Montpellier. Et même si on a donné 6 mois aux professeurs anglais et norvégiens pour apprendre la langue française, l’école allait de toute manière fermer ses portes car la réquisition de l’hôpital de Soavinandriana ne permit plus aux élèves de la MMA de poursuivre leurs études 149 ; une mesure qui sera renforcée plus tard par la création de l’ Ecole de Médecine par l’arrêté du 11 décembre 1896 : ceci marqua la fin définitive de l’enseignement médical missionnaire. La colonisation à peine commencée, l’action médicale missionnaire médicale perdit sa notoriété et laissa la place à l’assistance médicale indigène, néanmoins, les missionnaires seront toujours responsables de quelques petites formations sanitaires délocalisées dans l’île comme la léproserie de Marana à Fianarantsoa, à Soavina et à Antsirabe. Ces établissements de bienfaisance

145 « Le 30 septembre 1895, l’hôpital de Soavinandriana sert à héberger les blessés français… Le général Duchesne signe avec la LMS une convention de 12 mois… » Chippaux (C), « De l’hôpital colonial à l’hôpital Girard et Robic, soixante-dix ans de politique hospitalière à Tananarive », Académie des Sciences d’Outre Mer, 1966. p 358.

146 Série E306 « Nul ne pouvait exercer la médecine à Madagascar et ses dépendances s’il n’était pas muni d’un diplôme de docteur en médecine d’une faculté française » Documents relatifs à l’AMI. 147 Ce sont les médecins formés par l’école officielle, le Kolejy Medikaly d’Analakely, et la MMA. 148 « Les études duraient 5 ans, les cours se faisaient en langue malgache » Rasolofonirina (N) « Les liens qui unissent l’institut pasteur de Madagascar et l’académie nationale malgache depuis un siècle » op. cit p 12 149 Les élèves de la MMA effectuaient leur stage à Soavinandriana.

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privés sont soumis à un règlement qui les place sous le contrôle et la surveillance de l’administration.

Ainsi, l’action médicale missionnaire a eu sa chance d’être établi dans la grande île par le manque de crédibilité des méthodes traditionnelles pour lutter contre les maladies. D’autre part, le christianisme a aussi apporté sa contribution quand une personne convertie renonce aux pratiques magiques en étant malade. Malheureusement, les missionnaires étaient lion de réaliser un bilan positif, soit faute de ressources suffisantes, soit parce que les missions se heurtaient au mauvais vouloir des autorités malgaches. Les résultas furent tels que l’état sanitaire déficient n’avait pas manqué de frapper l’attention du Général Gallieni à son arrivée à Madagascar.

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Conclusion de la première partie

Pour conclure, la réussite de l’introduction de la médecine moderne à Madagascar est l’un des moments historiques les plus importants de l’histoire de la nation malgache. Acceptée depuis le règne de Radama I er , la médecine tient aujourd’hui une place non négligeable dans le quotidien des Malgaches. D’un autre côté, le manque de résultats positifs des remèdes traditionnels a permis aux missionnaires de dresser une véritable action médicale pendant la période précoloniale.

Avec l’état sanitaire de la population, le sentiment humanitaire des missionnaires n’est pas à exclure quand ils ont établi cette action médicale. Les divergences d’opinion religieuses avec le gouvernement malgache et la persistance de la médecine traditionnelle ont été vite oubliées face à la compétence des missionnaires, ou encore les membres du gouvernement guéris après des soins intensifs donnés par les missionnaires. Le seul moyen d’acquérir le cœur du peuple mais surtout le gouvernement était l’action médicale, l’efficacité ou tout simplement la noblesse de cette œuvre allait donner aux Malgaches une bonne image de ces « missionnaires ». D’autre part, le point essentiel à ne pas oublier sur l’introduction de cette médecine occidentale est le début d’une véritable conversion nationale : brûler les dieux de la médecine disait grand de la part de la reine Ranavalona II complété par l’implantation de plusieurs temples dans plusieurs régions de l’île.

La faisabilité de l’ambition d’éradiquer la variole ou le paludisme était moindre et l’objectif sanitaire de l’instauration de l’action médicale médical n’a pas été atteint malgré un enseignement médical de longue durée. De ce fait, l’action médicale missionnaire allait constituer le pionnier de l’AMI ; les étudiants de la MMA iront constituer les premiers étudiants de l’ Ecole de Médecine de Tananarive.

L’arrivée des troupes coloniales en 1895 allait marquer la fin de cette première période de l’assistance médicale publique à Madagascar. Avec le changement du statut de l’île en une colonie française en 1896, l’assistance médicale aura alors comme véritable promoteur le Général Gallieni par la création de l’Assistance Médicale Indigène. Voyons alors dans cette deuxième partie les caractéristiques de cette Assistance Médicale Indigène.

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DEUXIEME PARTIE

« L’Assistance Médicale Indigène »

Introduction de la deuxième partie

De toutes les transformations qu’a vu s’accomplir notre île durant la période coloniale, il n’en est pas plus digne d’étude que l’Assistance Médicale Indigène : une institution mise en place par l’initiative de Gallieni en 1896. La colonisation ayant pris le dessus sur le gouvernement malgache, l’action médicale aux Malgaches va prendre le nom de « Assistance Médicale Indigène » ou « AMI ». Conçue comme une action inhérente au processus de colonisation, elle est organisée, visant à offrir des soins aux populations autochtones. Sa mise en place nécessite des hommes et des moyens. Il faut aussi convaincre les populations que la médecine scientifique est plus efficace que les pratiques traditionnelles. Il convient donc d’obtenir rapidement des résultats tangibles, indiscutables.

La colonisation donnait à l’administration coloniale le devoir moral de soigner les contribuables malgaches. Et en même temps, la politique sanitaire a été utilisée pour étendre l’influence politique française, autrefois limitée dans la province de l’Imerina. A la veille de la Première Guerre Mondiale, l’AMI couvrait toutes les provinces de l’île. A Madagascar, le principal obstacle qu’a rencontré cette mise en valeur réside dans l’insuffisance numérique de la population, la disproportion entre son étendue et le nombre de ses habitants. Pourtant la question de la main d’œuvre indigène se trouve intimement liée à la réussite des entreprises de colonisation et par la suite l’avenir économique de l’île, l’AMI fut donc une solution tant sociale face aux maladies exotiques qu’économique face aux ambitions coloniales.

Pour développer cette deuxième partie, nous allons voir successivement les causes la création de cette institution, ensuite les problèmes rencontrés dans sa mise en place. Puis les acteurs de l’AMI. Nous n’allons pas oublier de développer le contact de cultures entre les médecins français et les Malgaches. Les médecins Malgaches avaient ils le même titre que les colons ? Et enfin, nous allons dresser le bilan de l’AMI à la veille de la 1 ère Guerre Mondiale sur le personnel médical et sur le plan pathologique.

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DEUXIEME PARTIE : L’ASSISTANCE MEDICALE INDIGENE

CHAPITRE I : L’AMI : un élément de la politique coloniale I – Les débuts de l’Assistance Médicale Indigène à Madagascar A- Pourquoi l’Assistance Médicale Indigène ? 1- Les causes lointaines Bien avant l’action médicale missionnaire, les Français ont déjà, lors des anciennes expéditions été dotés d’un service de santé mais à cette époque il était réservé qu’à eux seuls. En effet, avant 1895, les missions catholiques entre 1674 et 1832 appelées « La mission de petites îles »150 ont songé à une mesure se rapportant à la santé 151 , ensuite celle de 1821 à Sainte Marie 152 a eu son propre service de santé. En 1819, le navire français Amaranthe sur la cote de Fort Dauphin a eu son propre chirurgien : le Dr Pommier 153 . Toute cette organisation était due par la connaissance du pays grâce aux données historiques rapportées par les anciennes « missions d’exploration » faites par Grandidier et Roblet qui ont établi les esquisses de certaines régions de l’île 154 . L’expérience acquise au cours des ces différentes expéditions a pu permettre à la colonisation d’instaurer une assistance médicale indigène coloniale. Une expérience désastreuse pour celle de Sainte Marie où 75% 155 des soldats tombèrent malade ; en d’autres mots, les Français comprirent qu’outre mer, « le médecin valait un bataillon »156 . De ce fait, l’idée d’une assistance médicale n’est donc pas nouvelle aux Français. Enfin, la France avait déjà élaboré l’Assistance Médicale Indigène et institué des formations sanitaires dans ses autres possessions coloniales à savoir les Ecoles de médecine à Pondichéry dès 1863 157 , à Pékin en 1881 158 , à Hanoï en 1888 159 , l’Institut Pasteur de Hong Kong en 1894, à Tunis

150 Il s’agit ici des îles Nosy Be, Mayotte, Sainte Marie. Piolet (J.B) « Les missions catholiques françaises au 19 ème siècle » Librairie Armand Colin, Paris, 1902 p 397. 151 « Leur premier soin fut de remplacer l’église par une chapelle provisoire et d’approprier quelque case pour un petit hôpital pour le séminaire, leur habitation et songer aux indigènes.» Ibidem p. 402 152 « Le Dr Marquis, docteur en médecine à Montpellier en 1807 a été le chef du service de santé. » Valette (J) « Etudes sur le service de santé de Sainte Marie de 1821 à 1823 » Bulletin de l’Académie Malgache. tome 32, 1971, p 299 153 « La topographie médicale » de Pommier repris par Valette (J) In Bulletin de l’Académie Malgache, tome 51- 1,1973, p75. 154 Chauliac « Contribution à l'étude médico-militaire de l'expédition de Madagascar » Bulletin de Madagascar, mai 1966, n°241, p 84 155 « Sur 272 personnes de l’expédition, 167 malades, 37 morts. » Valette (J) « Etudes sur le service de santé de Sainte Marie de 1821 à 1823 » Bulletin de l’Académie Malgache. tome 32, 1971, p 302. 156 Chauliac. « Contribution à l'étude médico-militaire de l'expédition de Madagascar » op.cit p 63

158 Ibidem 159 Ibidem

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en 1893, en Alger en 1894 et au Sénégal en 1896 160 . Pour Madagascar, la création de l’ Ecole de Médecine et de l’Institut Pasteur figurait déjà dans l’emploi du temps colonial.

2- Les causes immédiates Tout comme ses prédécesseurs, le Corps Expéditionnaire de 1895 a connu le même sort : un désastre sanitaire, une véritable hécatombe avec 6700 morts sur les 15000 hommes du Corps Expéditionnaire. Ainsi, le Corps expéditionnaire malade devait être pris en charge par une assistance médicale, une évidence pour la colonisation. D’un autre côté, si l’on exclut les causes lointaines d’une idée de la création d’une assistance médicale, la colonisation elle-même exigeait cette assistance médicale, et il a été constaté depuis longtemps que le peu de densité de la population de Madagascar constituait un sérieux obstacle à la colonisation 161 . La population était très restreinte et dans un état déplorable : « la nécessité de secourir une population clairsemée et souffreteuse » 162 selon Gallieni. En 1896, on ne comptait que 2,5 millions d’habitants alors qu’en France la même année on comptait déjà 38 millions d’habitants. Cette population relativement faible avec une densité de 4.3hab/km 2 ne pouvait satisfaire aux besoins économiques. Un tout autre cause aussi, c’est que la France avait la responsabilité de protéger les indigènes : « Mais ce n’est pas assez, nous avons le devoir de les protéger dans leur santé. » 163 . L’infériorité numérique de la population malgache résultait en majeure partie des maladies diverses non éradiquées par l’action médicale missionnaire comme la variole, le paludisme et la lèpre 164 . Les européens ont même été à l’origine de l’arrivée du paludisme 165 sur les Hautes Terres Centrales autrefois indemnes 166 . Les autres épidémies qui se sont manifestées on également été le point de départ de nouvelles mesures sanitaires et à ce titre, il est intéressant d’en donner le résumé historique : les épidémies de peste à Tamatave en 1898 se sont déclenchées après plusieurs décès d’indigènes indigènes dont l’examen du cadavre démontra qu’il s’agit de la peste. L’épidémie s’est prolongé jusqu’en Février 1899, époque des grandes pluies.

160 Robic (J) « L’Institut Pasteur de Tananarive » Revue de Madagascar, Octobre 1945 Janvier 1946, n° 24, p 137. 161 Jamin (Ch) « L’assistance médicale et l’hygiène publique indigènes à Madagascar », La dépêche coloniale illustrée, 31 décembre 1903, pp.338-350. 162 Gallieni « Neuf ans à Madagascar 1896- 1905 », 1905, p.280 163 Gheusi (P.B) « L’assistance médicale et l’hygiène publique à Madagascar » in Revue de Madagascar, Août 1903, p 426. 164 Le paludisme et la lèpre existent encore jusqu’à nos jours mais néanmoins ne se manifestent plus par une grande épidémie. 165 « … une forte épidémie parmi les populations merina en 1878 suivie d’une seconde épidémie en 1895 … » Gastineau (B) « Dynamique démographique et développement durable dans les Hautes Terres malgaches « Institut Catholique de Madagascar et Institut de Recherche pour le Développement, Antananarivo, 2005 p 4. 166 Au 19ème siècle, les Hautes Terres malgaches étaient considérées comme indemnes de paludisme et on opposait fréquemment les Hautes Terres aux Côtes « véritables cimetières des Européens » Ibidem

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D’un autre côté, il ne faut pas ignorer les effets des maladies sexuelles sur le taux de mortalité infantile : « Elles sont une des causes des troubles génitaux de la femme qui ont leur répercussion sur la natalité. »167 . La syphilis mérite d’être signalée car est l’une des causes principales de la mortalité. Elle touche beaucoup la région côtière 168 mais n’épargne pas non plus les Hautes Terres Centrales 169 . L’AMI s’avère être donc la principale préoccupation de l’administration coloniale. Nombreuses sont les maladies dont l’AMI sera donc à la charge, preuve que l’ Ecole de Médecine a été créée bien avant les écoles administratives comme l’école le Myre-de-Villers par exemple 170 .

D’autre part, il fallait voir aussi une action de politique internationale dans la création de l’ Ecole de Médecine pour rivaliser avec les Anglais et les Hollandais qui avaient œuvré les premiers dans la formation médicale à Madagascar. D’ailleurs, lors de la distribution des prix de l’Ecole de Médecine en 1901, le docteur Jourdran, alors directeur de l’Ecole, rappelait dans son discours adressé au général Gallieni, les efforts déjà réalisés par ces deux nations colonisatrices au niveau de l’enseignement médical des indigènes, et dont la colonie s’était en fin de compte largement inspirée : « … Cette utilité de former des auxiliaires indigènes a été bien comprise par les Hollandais et les Anglais dans leurs colonies respectives. Nous ne parlerons que pour mémoire de l’ Ecole de Médecine indigène de Java, dont l’organisation rappelle presque en tous points celle de Tananarive… Les Anglais, dans l’Inde et la Birmanie, comme les Hollandais à Java, ont su résoudre à peu de frais le gros problème de l’assistance médicale en créant des médecins indigènes. A Calcutta, Bombay, et Madras, il y a de grandes écoles médicales. » 171 . Des origines lointaines qu’immédiates, les objectifs économiques coloniaux, l’AMI est impératif pour les indigènes et pour les colons car il s’agit ici d’un intérêt humanitaire qui se double d’un intérêt économique pressant.

167 Crozat « Organisation et fonctionnement de l’assistance médicale indigène » In Revue de Madagascar octobre 1945, janvier 1946, n°24 p 159. 168 « Les Antalaotra … experienced lower birth rates than the surrounding indigenous population, probably due to syphilis… » Campbell (G) The State and pre-colonial demographic history: the case of nineteenth-century Madagascar”, Journal of African History, 32, p 12. 169 « … An estimated 10 per cent of clinic patient in Antananarivo in 1865 had syphilis, and a decade later 70 per cent of LMS dispensary patients in Imerina, 20 per cent in Betsileo and most in Menabe were reported to be suffering from syphilis-related complaints. » Ibidem 170 Brygoo (E.R). « Les débuts de l’enseignement médical à Madagascar : un siècle d’expérience » op. cit p 71 171 Jourdran « L’enseignement médical à Madagascar, depuis ses origines à nos jours » in Revue de Madagascar, 1901, p 656

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B- Capacité d’adaptation de l’AMI 1. Les contraintes de l’AMI Faisant partie du projet colonial, l’AMI n’a pu fonctionner immédiatement en raison des troubles de 1897 et 1898 : l’insurrection de 1897 bien que promptement réprimée retarda la mise en exécution d’un grand nombre de projet ; c’est ce qui explique que de 1896 à 1899 il fut relativement peu fait pour l’assistance médicale 172 . L’insécurité était totale pour les français 173 . Du côté de l’enseignement, le programme établi par la MMA a été considéré comme insuffisant par le directeur de l’ Ecole de Médecine , le Dr Mestayer comme il l’affirme d’ailleurs : « la vive intelligence et les facultés de travail des étudiants malgaches remédieront d’ici peu à l’insuffisance de leur instruction antérieure… »174 . Par ces propos, on peut dire que les Français ont pris conscience de la faisabilité d’un enseignement médical plus avancé, et ils n’avaient pas eu tord vu le bilan de l’ Ecole de Médecine .

C’est d’après les examens probatoires à l’entrée à l’ Ecole de Médecine qu’on a constaté l’insuffisance de cet enseignement antérieur notamment pour les sciences indispensables à l’enseignement médical très complet de l’ Ecole de Médecine de Gallieni comme la chimie et la physique. Une insuffisance qui a perturbé la répartition des élèves entre les années d’étude : certains étudiants étaient obligés de suivre en même temps des cours de deux années : en première et en deuxième année. Les élèves n’étaient pas motivés, des abandons 175 et des renvois 176 ont été observés. La différence de programme entre les 2 écoles fut un des éléments négatifs qui ont peut être démotivé les assistants du Général Gallieni dès le début de la création de cette école d’après les propos de Dr Vaysse, directeur du service de santé en 1901 : « …Lorsqu’il y a 5 ans mon Général, vous avez décidé la création d’une Ecole de Médecine à Tananarive, je ne crois pas me tromper en disant que vous avez été à peu près le seul à croire à sa réussite… ». Cela confirme encore une fois l’hésitation des collaborateurs coloniaux sur l’efficacité d’un enseignement médical dans la colonie.

172 Gallieni « Neuf ans à Madagascar » op. cit p 679 173 Chippaux « De l’hôpital colonial à l’hôpital Girard et Robic, soixante-dix ans de politique hospitalière à Tananarive », Académie des Sciences d’Outre Mer, 1966, p 359 174 Brygoo (E.R). « Les débuts de l’enseignement médical à Madagascar : un siècle d’expérience » op.cit p 86 175 Série H9, 1908 : Rapport sur le fonctionnement de l’AMI en 1908 « Razanamahefa donna sa démission au cours de l’année ». 176 Un élève a été exclu de l’école pour 3 échecs successifs aux examens. 1911 : 4 étudiants sages-femmes ayant subi 3 échecs successifs aux examens ont été licenciés de l’Ecole de médecine. Série H12 1913 : Série H 14. L’élève Robinson, élève de 4 ème année qui a subi 3 échecs aux examens de fin d’année a été exclu de l’école. Rasoamaharo élève de 4 ème année qui a été absent sans excuse après avoir préalablement subi 2 échecs a été exclu de l’école. Ibidem

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Cette hésitation de la part des collaborateurs coloniaux provient de l’état des lieues, la difficulté apparente d’apprendre au peuple malgache la médecine européenne.

2- Les éléments favorables à l’AMI En dépit de ces contraintes, l’AMI pouvait néanmoins fonctionner d’emblée comme une institution en exercice grâce à l’action antérieure des missions chrétiennes, le terrain ayant été préparé par l’effort des missionnaires, ces différentes expériences permettaient de montrer que les Malgaches n’étaient pas hostiles à l’apprentissage de la médecine moderne. L’AMI n’est que la suite d’une œuvre commencée bien avant la colonisation, l’action médicale missionnaire devait préparer les indigènes à leur accorder une confiance illimitée à la science des praticiens qui vinrent s’établir dans le pays : « L’intelligence ouverte du peuple malgache et son empressement à accepter les bienfaits de la civilisation rendront ici la tâche facile… »177 . Même si au point de vue hygiénique, les Malgaches avaient une mauvaise réputation 178 , c’est un peuple réputé intelligent selon Marthe Gallieni « Il peut sembler étrange qu’un peuple comme le peuple malgache, réputé intelligent (et il l’est) et point sauvage 179 …» et cette intelligence allait jouer un rôle important dans l’enseignement médical qui a vu ses premiers étudiants sortis de la MMA. Non seulement, les étudiants étaient intelligents 180 , mais ils étaient profondément marqués d’une bonne volonté attirant l’attention des enseignants : « l’impression première des professeurs est des plus satisfaisantes : les étudiants malgaches sont très assidus et très attentifs, soit aux leçons théoriques, soit aux diverses cliniques »181 Les étudiants malgaches avaient un immense désir d’évoluer et ont su prendre des initiatives pour apprendre la nouvelle langue d’enseignement : le français 182 .

177 Raharijaona (J) « Quelques étapes de la formation des médecins malgaches » op.cit p 60 178 « Non seulement l’hygiène individuelle, propreté du corps et des vêtements, disposition salubre… des demeures mais encore l’hygiène des foules faisaient complètement défaut. » Gallieni « Neuf ans à Madagascar » op. cit p 277. 179 Gallieni (M) « L’œuvre des dispensaires et des maternités à Madagascar », Revue de Madagascar 1903, p 425 180 « On peu prévoir que la remarquable intelligence et aussi l’amour-propre mêlé d’orgueil des étudiants… » Ibidem 181 Ibidem 182 « Dans leur désir d’avancer rapidement, plusieurs étudiants n’hésitèrent pas à prendre des leçons de français en ville, en dehors de cours. » Raharijaona (J) « Quelques étapes de la formation des médecins malgaches » op. cit. p 61

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II – L’AMI : un élément au service de l’administration A- L’AMI : du domaine sanitaire au domaine politique 1. AMI : une branche de la politique coloniale

Se trouvant face à un mouvement ardente et patriotique en 1897, Gallieni se devait de justifier sa présence dans l’île. Ainsi, pour ce faire, il dénonçait les pratiques médicales malgaches. Elles ne pouvaient apporter de résultats concrets car suivaient des préceptes basés sur des coutumes ancestrales inadaptées. Il visait également les bénéficiaires de cette médecine magique qui profitaient selon lui de cette situation de détresse face aux différentes maladies. « Partout les pratiques superstitieuses les plus grossières tenaient lieu de soins et de traitement médical. La masse ignorante s’abandonnait sans réserve aux Mpisikidy, sorciers aussi influents que néfastes, qui exploitaient odieusement la population et en tiraient des revenus aussi illégitimes qu’exagérés »183 .

Une telle affirmation permettait à Gallieni de présenter l’organisation qu’il voulait réaliser comme étant avant tout une œuvre humanitaire. Le discours de Gallieni laissait imaginer l’importance de cette institution quant il dit : « cette école a été créée pour vous jeunes Malgaches, pour vous permettre l’accès d’une noble et utile profession et pour fournir aux populations le secours de soins éclairés »184 , et qu’à l’entrée de l’ Ecole de Médecine , le visiteur était accueilli par l’inscription : Hanasoavana ny vahoaka 185 . Il osa même jusqu’à comparer les étudiants malgaches aux étudiants français 186 dans son élocution : « … dont la durée sera la même qu’en France, voulant en cela que les étudiants malgaches soient traités comme les étudiants français… ». Gallieni promit également d’envoyer les élèves méritants en France pour y compléter leurs études : « Je récompenserai les plus studieux d’entre vous en les envoyant en France pour perfectionner leurs études … » 187 .

En voulant envoyer en France les étudiants de l’ Ecole de Médecine, on peut dire que Gallieni voulait encourager les étudiants à mener à bien leurs études pour que l’administration coloniale aie de bons auxiliaires. Ces étudiants étaient ceux remarqués par leur zèle et leurs aptitudes on a à Paris, Rajaonah en 1898, Radafine en 1901 Gershon Ramisiray la même année. A Montpellier,

183 Gallieni « Neuf ans à Madagascar » 1905, p.337 184 Extrait de 1'allocution prononcée par le Général Gallieni à I'occasion de 1'inauguration de1'Ecole de Médecine de Tananarive, le 6 février 1897 185 Pour le bien du peuple 186 « … dont la durée sera la même qu’en France, voulant en cela que les étudiants malgaches soient traités comme les étudiants français… » Extrait de 1'allocution prononcée par le Général Gallieni à I'occasion de 1'inauguration de1'Ecole de Médecine de Tananarive, le 6 février 1897 187 Ibidem

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on a Andrianavony en 1901, Ravelonahina, Andrianjafy et Rabary Ratsimba en 1902, enfin à Lyon. Revenus de France, les uns se sont installés pour leur propre compte, les autres sont entrés dans le corps de médecins de colonisation.

Par ces mesures prises par l’administration coloniale, l’AMI est devenue, dans un laps de temps très court, l’une des branches les plus importantes de l’administration coloniale. Certes en 1905 l’AMI a été entreprise dans toutes les provinces, mais c’est une période trop restreinte pour que des résultats absolus apparaissent. L’administration coloniale devra, dans la mesure de ses ressources financières augmenter le personnel, le nombre de ses formations sanitaires, la fréquence des tournées médicales et enrayer les causes dominantes de la mortalité sans lesquelles il n’est pas d’établissement colonial durable.

2. L’AMI : une stratégie politique

Pour dominer politiquement, Gallieni avait appliqué même dans l’enseignement médical une sorte de « politique des races ». En effet, la grande majorité des étudiants de l’Ecole était originaire de l’Imerina ; à une ou deux exceptions près, le recrutement de l’ Ecole de Médecine a été exclusivement opéré dans les provinces de l’Imerina, et bien sûr les anciens élèves de la MMA 188 . Socialement, ils représentaient l’élite de la population malgache, ainsi l’administration transmettait son pouvoir aux élites locales dans le but de mieux asseoir son autorité et faire enfin accepter la colonisation : « …Espérons aussi qu’ils [futurs médecins de l’ Ecole de Médecine] contribueront à développer notre influence en apprenant à leurs compatriotes que, s’ils sont soulagés ou guéris par des élèves sortis de notre Ecole, ils le doivent à la France… » 189 .

L’enseignement médical reflétait aussi une politique de moindre coût car ses premiers étudiants étaient principalement les Merina et Betsileo, donc ceux qui ont déjà eu une certaine formation médicale dans le passé. Ce sera à partir de la capitale que s’étendra le pouvoir politique français. L’ Ecole de Médecine fut un outil pour acquérir le cœur indigène : « En souhaitant que les médecins sortis de cette nouvelle école n’oublient pas, lorsqu’ils seront répandus dans les différentes parties de la Grande Ile, toute la part de gratitude qu’ils devront à la mère patrie. Espérons aussi qu’ils

188 « A la suite d’épreuves de sélection et de séances d’examens probatoires, 58 étudiants, pour beaucoup anciens élèves de la MMA, ont été admis et répartis… » Ibidem 189 Rencurel « Organisation de l’Ecole de Médecine de Tananarive », Archive de la Médecine Navale 1897, p.139

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contribueront à développer notre influence en apprenant à leurs compatriotes que, s’ils sont soulagés ou guéris par des élèves sortis de notre Ecole, ils le doivent à la France … »190 .

Les futurs médecins malgaches donneront raison à la présence française : « Soyez persuadé, mon Général, que ces médecins malgaches feront tous leurs efforts pour mériter les éloges de leurs professeurs et faire honneur à leur nouvelle patrie, à la France ». Le gouvernement colonial avait aussi donc pour but de faire oublier aux Malgaches leur nation ce qui est peut être aussi à l’origine de la naissance du sentiment nationaliste au sein même de l’ Ecole de Médecine.

L’efficacité de l’AMI qui justifie le bien fondé de la présence française permit à Gallieni d’étendre son pouvoir dans toute l’île sans avoir recours à une campagne militaire. Du point de vue politique, l’assistance médicale est un puissant instrument de propagande et un précieux adjuvant pour l’expansion de l’influence de la puissance colonisatrice. Les missions médicales attachent les indigènes par des liens de reconnaissance à travers les soins donnés ou les guérisons faites, et on a souvent dit qu’une mission médicale pouvait quelques fois remplacer une opération militaire pour la conquête d’un pays ou la pacification d’une région. Présente que dans l’Imerina en 1896 à son arrivée, à la fin du mandat de Gallieni en 1905, toutes les provinces ont été pourvues de l’assistance médicale : « Il n’est pas une province de l’île où les efforts des plus louables ne soient continuellement faits » 191 .

En même temps que l’AMI progressait vers les provinces de l’île, l’emploi des médecins militaires dès le début de la colonisation 192 entraînait une dépense trop élevée, pour faire face à des problèmes de finance et de main d’œuvre 193 , il devenait alors nécessaire que l’Assistance Médicale Indigène puisse fonctionner grâce à ses propres ressources. A partir de 1902, elle fonctionnait au moyen d’un budget spécial, dit « budget autonome »194 où la taxe de l’AMI calculée à raison de :

- 3fr/an/hab pour l’Imerina

190 Ibidem. 191 Jamin © « L’Assistance médicale et l’Hygiène publique indigènes à Madagascar », La Dépêche Coloniale Illustrée, 31 décembre 1903, n°24, p15 192 « En Février 1897, Gallieni prescrit à tous les médecins du Corps d’occupation de donner des soins et médicaments aux indigènes qui se présenteraient à eux » Crozat « Organisation et fonctionnement de l’assistance médicale indigène » In Revue de Madagascar, octobre 1945, n° 24, p 149.

193 « L’Etat français, la métropole réduit les subventions des colonies de 1897 à 1902 » Gontard(M) « Madagascar pendant la Première Guerre mondiale » Université Tananarive, 1969, p 97. 194 Arrêté du 8 décembre 1902 portant organisation de l’Assistance Médicale et de l’hygiène publique indigènes à Madagascar et Dépendances. Journal officiel de Madagascar du 27 décembre 1902 p 8608.

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- 2fr /an/hab dans la province de Fianarantsoa - Entre 2fr et 2.5fr/an/hab pour le cercle de Fort-Dauphin - 1.5 fr/an/hab pour les provinces de Betsimisaraka et la région intermédiaire - 0.5fr dans la région du Nord-Ouest.

Selon ces statistiques, ce sont les Hautes Terres centrales qui ont engagé des dépenses élevées car cette partie de l’île qui a bénéficié de 100% du budget de la colonie depuis 1896, en bénéficie encore près de 70% du budget de l’AMI à partir de 1902 : année considérée comme le début de l’extension de l’AMI.. Les provinces de la côte n’ont pas eu une organisation aussi complète et régulière qu’au fil du temps comme nous le montre le tableau suivant :

Tableau 6 : Évolution et la répartition du budget de l’AMI pour les Hautes Terres Centrales et les provinces côtières depuis 1896 à 1914 en chiffre

Pourcentage Hautes Terres Provinces côtières Total (francs) pour les Centrales (francs) (francs) HTC(%) 1896 12 000 12 000 100 1897 15 000 15 000 100 1898 50 000 50 000 100 1899 80 000 80 000 100 1900 200 000 200 000 100 1901 453 087 453 087 100 1902 945 116 94 000 1 039 116 90,95 1903 901 042 11 800 1 019 042 88,42 1904 1 020 365 99 526 1 119 895 91,11 1905 1 110 790 273 793 1 374 583 80,81 1906 1 113 047 325 693 1 438 740 77,36 1907 961 913 329 887 1 291 400 74,49 1909 -1910* 1914 1 614 210 1 614 210 100

* Le rapport sur le fonctionnement de l’AMI pour les années 1909 et 1910 ont été perdus au centre des Archives Nationales

Source : Série H. Les rapports de fonctionnement de l’AMI de 1897 à 1914.

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Selon le tableau n° 6, nous pouvons affirmer que seules les Hautes Terres Centrales ont bénéficié de l’Assistance Médicale Indigène entre 1896 et 1901. Ce n’est qu’à partir de 1902 que les provinces côtières ont pu bénéficié de l’AMI. Cependant, ces dépenses relatives à l’AMI n’ont cessé d’augmenter d’année en année. Les causes de l’augmentation du montant de ces recettes sont nombreuses, l’augmentation de la population d’une part et la multiplication des formations sanitaires à créer.

La faible proportion du budget des provinces par rapport aux Hautes Terres s’explique par l’approvisionnement en médicaments ou en vaccin des côtes à partir de la capitale. La priorité accordé aux visites hebdomadaire que l’installation d’une formation sanitaire dans les régions éloignées, ce qui explique l’existence du manuel « Instructions sur les maladies et le mode d’emploi des médicaments dans les postes dépourvus de médecins » retrouvé aux Fonds Grandidier.

B- Les acteurs de l’Assistance Médicale Indigène 1. L’AMI : une œuvre militaire Le général Gallieni, étant le premier gouverneur militaire de la colonie, les mesures prises y afférentes redessinent ce statut. L’hôpital de Soavinandriana réquisitionné après la convention passée avec la LMS pour héberger les soldats des troupes coloniales a été transformé en hôpital militaire en 1896 : « Ceci dit, le 15 Novembre 1896, naissait l’hôpital ordinaire de Soavinandriana, à statut militaire… » 195 . On se retrouve donc ici en présence d’une convention qui réserve des salles à des militaires français dans un hôpital étranger. Au fil des années, des hôpitaux militaires ont existé, celui de Tananarive, Tamatave, Diego et Majunga 196 sous la direction d’un médecin Major et assisté par un médecin français et 3 pharmaciens 197 . Le circulaire du 16 Février 1897 prescrivait à tous les médecins des troupes coloniales de soigner gratuitement les malades qui se présenteraient à eux 198 . Les médecins indigènes étaient sous la surveillance du médecin militaire le plus voisin de son lieu de travail 199 . En

195 Chippaux © « De l’hôpital colonial à l’hôpital Girard et Robic, soixante-dix ans de politique hospitalière à Tananarive », Académie des Sciences d’Outre Mer, 1966. P 362. 196 « La colonie compte aujourd’hui 4 grand hôpitaux militaires » Gallieni 9 ans à MADAGASCAR p 679

197 CHIPPAUX © « De l’hôpital colonial à l’hôpital Girard et Robic, soixante-dix ans de politique hospitalière à Tananarive », Académie des Sciences d’Outre Mer, 1966, p 363 198 Valette (J) « Hôpital et aide sociale à Paris : Les débuts de l’AMI à Madagascar 1896 à 1904 » Paris, Mai- Juin Bimestriel 1964 n°27. p367. 199 Crozat « Organisation et fonctionnement de l’assistance médicale indigène » Revue de Madagascar, Octobre 1945- Janvier 1946, n°24. p 150.

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réalité, les militaires français se voyaient partout dans les branches de l’AMI, à l’Institut Pasteur où Neiret 200 eut comme assistant des médecins militaires 201 . A l’ Ecole de Médecine , le directeur de l’école est lui-même un militaire 202 a eu comme adjoint des militaires 203 , le corps professoral 204 , lui- même composé de médecins militaires 205 et les médecins civils étaient sous la direction d’un médecin militaire 206 . Dans le service médical du chemin de fer, le personnel se compose de médecins militaires 207 ainsi que des indigènes. Enfin, on doit à ces militaires 208 la découverte du vaccin anti-pesteux par les docteurs Girard et Robic, tous deux médecins des troupes coloniales 209 .

2. AMI pour l’emploi d’une main d’œuvre indigène

Malgré le manque de « connaissance » et de « savoir » des indigènes, les Malgaches sont intelligents. Déjà, on retrouve dans le discours prononcé par Mme Marthe Gallieni, l’importance accordée aux « indigènes » retraçant leur rôle important pour le développement de la colonie 210 : « On oublie pas les petits enfants indigènes qui deviendront nos meilleurs auxiliaires dans l’avenir ». Cette affirmation traduit l’utilité des indigènes dans le monde professionnel. Ils seront les « bons auxiliaires » qu’espérait tant la colonisation ; comme révèle Mr Treille, inspecteur général en retraite du service de santé des colonies dans son discours au Congrès International de

200 Directeur de l’Institut Pasteur 1903-1919 201 « Neiret eut pour l’assister plusieurs adjoints, médecins militaires, normalement affectés au corps d’occupation… » Robic (J) « L’Institut Pasteur de Tananarive » Revue de Madagascar, Octobre 1945 Janvier 1946, n° 24, p 137. 202 « L’école est placée sous la direction d’un médecin militaire, ayant au moins le grade de médecin-major de 2 ème classe et sous contrôle du directeur de l’assistance médicale. » Gheusi (P) « L’assistance médicale et l’hygiène publique à Madagascar », in Revue de Madagascar, Août 1903, p 427

203 Série H 17 « Le directeur de l’école a eu comme adjoint le Dr Roton, médecin major de 2 ème classe des troupes coloniales, rentré en France le 14 octobre 1914, est remplacé par Monsieur le Dr Auliffe Mac, médecin major de 1 ère classe de Réserve des troupes coloniales. Rapport sur le fonctionnement de l’assistance médicale indigène en 1914 ». 204 « Le corps professoral est recruté parmi les médecins militaires présents dans la capitale » Gheusi (P) « L’assistance médicale et l’hygiène publique à Madagascar » op cit. p 425 205 « La première équipe des professeurs était composée … de Nanta, pharmacien aide major de 1 ère classe de l’armée métropolitaine… »

207 Gallieni « Neuf ans à Madagascar 1896- 1905 » op cit. p 307. 208 Archives nationales G 402 « Les médecins contractuels de l’AMI ne passent guère plus de temps dans la Colonie que les médecins militaires » Lettre du Gouverneur Général Piquié au Président de l’Amicale des Citoyens Français d’origine Malgache. Juin 1936. 209 Crozat op.cit. p 153

210 Gallieni (M) « L’œuvre des dispensaires et des maternités à Madagascar » op.cit p.428

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Sociologie coloniale en 1900 à Paris : « … L’indigène est un instrument de colonisation, c’est à dire d’exploitation commerciale et agricole, devant être rendu plus robuste… »211 . La population malgache constituera donc la principale main d’œuvre de la France et l’immigration massive des Chinois ou des Hindous 212 fut interrompue que même que les instructions du 15 Juin 1898 préconisaient fermement l’emploi de la main-d’œuvre locale, de préférence à toute autre. L’arrêté du 10 décembre 1896 sur l’exercice de la médecine à Madagascar et dépendance confirme cette volonté d’employer que des médecins indigènes : « Nul ne peut pouvait exercer la médecine à Madagascar s’il n’était muni d’un diplôme de docteur en médecine d’une faculté française. Etaient considérés comme docteur en médecine d’une faculté française et autorisés à exercer à Madagascar seulement, les indigènes ayant obtenu leur diplôme dans l’une des écoles de médecine françaises établies dans la Colonie . »213 . Une mesure renforcée par l’article 17 de l’arrêté du 11 décembre 1896 portant sur la création de l’ Ecole de Médecine n’exigeait pas la maîtrise parfaite de la langue française, il était simplement demandé aux premiers candidats de justifier d’une instruction générale suffisante, de la connaissance de la langue française. Encore était-il précisé que pour les premières années, cette dernière condition ne serait pas appliquée 214 .

C’est alors que furent crées le corps des médecins indigènes de colonisation par l’arrêté du 15 Octobre 1900, et le corps de sages-femmes de colonisation par l’arrêté du 1 er Juillet 1903. Les médecins indigènes de colonisation ont souvent été considérés comme la cheville ouvrière de l’AMI mais l’on se trouve ici dans un milieu indigène au service des Blancs ; l’indigène restait alors dans un cadre de forme européenne, toujours sous la direction d’un médecin européen.

211 Discours prononcé lors du Congrès International de Sociologie Coloniale à Paris du 6 au 11 août 1900. In Journal Officiel de la République Française 1903 212 « A Madagascar, l’immigration de travailleurs étrangers était vouée au sort commun : les 2 ou 3 essais d’introduction de Chinois et d’Hindous ont dû être interrompue. » Hesling (E) « L’assistance médicale indigène et la colonisation » in Revue de Madagascar, Avril 1905, p 293. 213 Ibidem 214 Brygoo (E.R). « Les débuts de l’enseignement médical à Madagascar : un siècle d’expérience ». Bulletin de l’Académie Malgache, 1971, 49, p 76.

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CHAPITRE II : l’AMI dans le contexte de la colonisation

I- L’AMI : préalable nécessaire à la mise en valeur de la colonie A- Politique sanitaire et démographie : liens et réalités 1- L’AMI : une politique démographique La mise en relation des trois termes : société, population, santé, est du plus grand intérêt pour une approche critique de tout problème de santé. Dans les anciennes colonies françaises, même si des volontés pro natalistes 215 ont été affirmées quand la lutte contre la mortalité infantile a été organisée dans la plus large échelle possible, la politique sanitaire visait dans son ensemble l’augmentation de la population en s’efforçant de la conserver en bonne santé. La politique sanitaire s’accompagne donc naturellement d’une politique démographique. Qu’en était-il pour Madagascar ? Comme on l’a souligné au début, l’objectif de la colonisation est le développement économique de la colonie. Un développement qui exige une population nombreuse donc plus de bras, car c’est tout un capital humain dont dépend la prospérité de l’entreprise coloniale. L’AMI va donc être orienté vers l’accroissement de la population et les instructions du 15 Juin 1898 représentent des instructions relatives aux mesures à prendre pour favoriser l’accroissement de la population. Les mesures prises visent spécialement une repopulation y retrouve les traces des mesures fiscales comme exemption d’impôt aux pères de 5 enfants et de service militaire à tous les pères de famille 216 . La syphilis étant une des causes de la faible natalité, la première chose à faire est de s’attaquer à la source avec la création d’un hôpital de vénériens à Itaosy par l’arrêté du 2 Décembre 1900. L’hôpital était doté de laboratoire de sérologie portent toutes les directives donnant une unité d’action à la lutte contre ces maladies. La lutte contre la mortalité infantile a été organisée à la plus large échelle, ici le rôle des sages- femmes a été essentiel : consultation prénatale, accouchement dans les maternités dont le nombre ne cessera d’augmenter 217 , du lait stérilisé est donné aux mamans qui ne peuvent pas nourrir au sein. Gallieni organisa la fête des enfants pendant laquelle est délivré un diplôme et des cadeaux aux parents des plus beaux bébés et aux familles nombreuses 218 , on voit déjà à travers cette initiative le côté nataliste de l’AMI, une incitation qui amène à avoir beaucoup d’enfants. D’autres œuvres

215 Crozat « Organisation et fonctionnement de l’assistance médicale indigène » op.cit p 152. 216 Gheusi (P.B), « L’assistance médicale et l’hygiène publique à Madagascar », op.cit p 156 217 1902 : 4 1904 : 17 ; 1907 : 46. Gallieni (M) « L’œuvre des dispensaires et des maternités à Madagascar » op cit. p .426 218 ibidem

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méritent d’être soulignées ; la distribution de vêtements et layettes aux familles nécessiteuses : pour les garçons, c’était une sorte de combinaison, boutonné sur l’épaule, toute d’une pièce, en flanelle de coton pour les enfants de 2, 4, 6 ans. Pour les filles, une robe toute droite avec empiècement 219 .

Cette politique démographique est valable pour toutes les colonies si l’on se réfère au programme des travaux coloniaux où a été discutée la « condition matérielle des indigènes » et la « conservation de la race indigène » lors du Congrès international de sociologie coloniale du 6 au 11 Août 1900. En d’autres termes, il s’agit de défendre les indigènes contre toute cause de dépérissement qui amène à l’obtention d’un résultat positif, l’accroissement de la population. Et on semble oublier le rôle économique de l’AMI quand Mr Treille 220 révèle dans son rapport au Congrès une légère allusion à l’intérêt économique de l’AMI : « … L’indigène est un instrument de colonisation c'est- à-dire d’exploitation commerciale et agricole, devant être rendu plus robuste… »221 . Bref : « Croissez et multipliez ! », un précepte que Gallieni rappelle constamment aux Malgaches dans ses discours. Bilan, l’AMI a été une politique démographique si l’on tient compte au taux d’accroissement naturel ou TAN de la population calculé à travers les taux de natalité et de mortalité, le seuil d’un TAN élevé étant de 2% 222 , celui de Madagascar a été constamment élevé car il a toujours dépassé ce seuil. A la veille de 1914, le taux de mortalité a diminué à 17.6 ‰, c’est donc une preuve de la victoire de l’AMI sur les maladies qui existaient. La baisse du taux de natalité pourrait avoir comme cause les travaux forcés obligeant les familles à se séparer sur de longues périodes : « Les corvées obligatoires instituées par le pouvoir politique ont participé à la dégradation de l’état de santé de la population ont obligé les conjoints à se séparer sur des périodes longues et ont crées les conditions d’une crise sociale particulièrement propice à une faible fécondité. Dans ce contexte difficile, il semble que les couples malgaches ont délibérément choisi de limiter leur descendance. »223 .

219 Gallieni (M), op.cit p.425

220 Inspecteur en retraite de service de santé des colonies 221 Discours prononcé lors du Congrès International de Sociologie coloniale. Journal Officiel de la République Française (JORF) 1903. 222 Leçon sur la Géographie de la population en 1 ère année. 223 Gastineau (B) « Evolution de la population à Madagascar » Tsingy, N°4, Spécial Démographie à Madagascar., Juin 2006, p 24

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Tableau 7 : Tableau de répartition de la population malgache de 1897 à 1914

TN ‰ TM ‰ Population TAN seuil (millions (2%) (seuil 20‰) (Seuil 13‰) d’hab)

1897

1898 Estimatif car sans recensement

1899

1900 2 100 000

1901 55,6 23,2 3,24 2 168 040

1902 53,42 22,8 3,06 2 234 425

1903 52,8 21 3,18 2 305 480

1904 52,92 20 3,29 2 381 377

1905 49,85 19,63 3,02 2 453 342

1906 46,74 20,5 2,62 2 517 717

1907 45,56 20,79 2,48 2 580 081

1908 45,09 19,16 2,59 2 646 983

1909

1910

1911 2 836 370

1912 41,37 18,89 2,25 2 900 131

1913 43,86 18,86 2,5 2 972 635

1914 41,96 17,6 2,44 3 045 048

Source : Série H. Rapport de fonctionnement de l’AMI de 1898 à 1914,

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Le tableau suivant a été réalisé à partir des informations données dans les rapports de fonctionnement de l’AMI entre 1897 et 1914, les taux de natalité (TN) et les taux de mortalité (TM) ont été fournis par les sources mentionnées. Ces rapports ont été écrits d’une manière différente selon le directeur de l’AMI de chaque année, il y eu alors certains rapports où l’on ne trouve pas le nombre de population, mais le TN et le TM, ou dans le cas contraire, le nombre de la population y figure et non le TN et le TM. Etant donné qu’avant le premier recensement de 1900, le nombre de la population était estimative selon les auteurs. Ainsi le calcul s’est fait à partir des données sur le TN et TM dans les rapports annuels même si dans certains, le nombre de la population fut mentionné comme c’est le cas de l’année 1914 : 3 045 048 hab.

D’après ces données, le taux d’accroissement de la population malgache a été constamment élevé à partir de 1901. Le TN et le TM toujours en dessus du seuil, nous pouvons affirmer que l’efficacité de l’AMI s’est remarquée dans la protection de la mère et de l’enfance d’où la forte croissance de la population ; l’enrayement des maladies n’a pas pu être observé qu’après quelques années car le taux de mortalité n’a commencé qu’à baissé qu’à partir de 1908, certaines épidémies ont encore fait surface : la peste à Tamatave de 1898 à 1900, à Majunga en 1902 et 1907. Et n’oublions pas qu’un des facteurs importants de résistance aux maladies est une bonne nourriture, or une alimentation quasiment à base de riz est insuffisante.

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Organigramme 1 : L’AMI : une politique démographique

AMI AUGMENTATION = DE LA POLITIQUE POPULATION DEMOGRAPHIQUE

DEVELOPPEMENT MAIN D’ŒUVRE DE ABONDANTE ET L’ECONOMIE BON MARCHE COLONIALE

Source : L’auteur

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2. L’AMI au secours du projet colonial

Outre ses priorités démographiques, l’AMI en tant qu’une politique sanitaire avait la vocation de soigner les indigènes. D’un point de vue économique, accroître la population n’est pas suffisant pour un bilan économique positif, une population abondante serait inutile si elle était malade. De ce fait, le nombre de la population ayant augmenté, il est important par la suite pour l’administration coloniale d’assurer dans tous les détails leur moyen d’existence en la protégeant contre les maladies. La plus importante œuvre est sans contestation la création de l’Institut Pasteur en 1898, l’établissement fournissait du vaccin antivariolique et le service antirabique fonctionne également dans le même établissement. A partir de 1902, un parc vaccinogène installé à Diego Suarez a également fourni des quantités importantes de vaccins, employées, dans leur presque totalité, à inoculer les indigènes des régions du Nord-Ouest. Détruit par un cyclone en 1905, sa reconstruction n’était plus utile car l’approvisionnement de l’Institut Pasteur des régions côtières a démontré que le vaccin arrivait en parfait état de virulence. Il est sans doute incontestable que c’est durant la colonisation qu’ont été effectué des séances de vaccination de masse contre la variole :

Tableau 8 : Tableau récapitulatif du Service de la vaccine depuis de 1899 à 1914

Année 1899 1900 1901 1902

Nombre de vaccinations 6.415 12510 34881 94.820

Année 1903 1904 1905 1906

Nombre de vaccinations 61.549 140.218 136.106 79.362

Année 1907 1908 1909 1910

Nombre de vaccinations 80.982 82046 92350 116557

Année 1911 1912 1913 1914

Nombre de vaccinations 171709 186277 161669 131548

Source : Fonds des archives de l’Institut Pasteur de Madagascar. MADCOPIE n°10

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Dans l’ensemble, ce tableau permet de se rendre compte d’une modification du rythme des vaccinations à partir de 1905. En effet, le nombre de tubes de vaccins fournis aux postes médicaux de l’île qui était en constante augmentation de 1899 à 1904, se retrouvait ensuite en constante diminution dès 1905. De même, le maximum des vaccinations effectuées se situait en 1904, puis les vaccinations diminuent en 1905, puis en 1906 et restent stables par rapport à cette dernière année en 1907. A partir de 1905, si la variole représentait encore un grand danger et bien que la population de l’île était loin d’être totalement vaccinée, les épidémies avaient disparu grâce à la vaccination. Dès 1903, elles ne sévissaient plus sur les provinces centrales de Madagascar. L’augmentation du nombre des vaccinations à partir de cette année était due à l’extension de cette action aux autres provinces de l’île.

La lutte contre la rage n’obtient pas moins de succès, des mesures sont prises pour empêcher la divagation des chiens errants, cause de propagation de ce terrible mal. En même temps, un service anti-rabique était installé à Tananarive rattaché à l’Institut Pasteur. Les personnes mordues par des chiens reconnus suspects sont dirigées sur la capitale aux frais de la colonie et traitées gratuitement dans ce service.

Les champs de chemin de fer comme le réseau Tananarive Côte Est (TCE) ou le réseau Moramanga Lac Alaotra (MLA). Ils furent munis d’un encadrement médical sur la prévention car les indigènes envoyés sur les chantiers reçoivent à leur départ et dans les localités qu’ils traversent des doses de quinine préventive. En ce qui concerne le traitement des malades, le blessé est transporté au poste médical… et en cas de maladie grave, il est installé une ambulance d’évacuation 224 . Dans le domaine des grands travaux, l’installation des camps des travailleurs est faite dans les meilleures conditions possibles d’hygiène.

La lutte contre le paludisme a été d’une grande envergure, partout, une sensibilisation est organisée pour l’utilisation de la moustiquaire dont l’usage tend à se répandre. Les médicaments anti-palustres sont distribués aux dispensaires et peuvent être obtenus à un prix très modeste. Des agents sont envoyés dans les villages pour reconnaître les gîtes les plus fréquentés par les moustiques vecteurs de la maladie à savoir apprécier là où il faut combler ou drainer. Dans les lacs comme à Itasy furent introduites des poissons grands destructeurs de larves comme le Gambusia Holbrooki 225 . L’île était aussi protégée de toutes les maladies provenant de

224 Gallieni « Neuf ans à Madagascar » op cit, p 520 225 Cayla, (V) Grasse (P) « Quelques problèmes scientifiques coloniaux » Editions de l’office. Paris, 1943. p 139

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l’extérieur par l’institution de la police sanitaire régie par l’arrêté du 31 mars 1897 ; elle prévoit des mesures sanitaires au port de départ qu’au port d’arrivée. Les trois principaux ports de l’île à Majunga, Tamatave et Diégo Suarez ont été munis de lazarets pour isoler les malades et satisfaire aux besoins des services sanitaires maritimes.

L’administration indépendamment des léproseries des missions, a également crée ses propres léproseries installées par région :

Tableau 9 : Liste des léproseries établies par la colonisation en 1903

Léproseries Nombre de malades internés Ambohidratrimo 800 Antsirabe 400 Farafangana 400 Manankavaly 350 Midongy 250 Soavinandriana 250

Source : Gallieni « Neuf ans à Madagascar 1896-1905 » Sociétés d'Éditions géographiques maritimes et coloniales, Paris, 1928, p 250

Les léproseries sont considérées comme des formations sanitaires. Malgré le nombre élevé des lépreux, 5700 226 dans toute la grande île. Il reste encore beaucoup à faire dans cette voie car on a qu’on a que 2500 lépreux internés. Il eu été très difficile pour ne pas dire réalisable de surveiller convenablement les léproseries et d’y prévenir l’évasion des malades.

226 Gallieni « Neuf ans à Madagascar » Op. cit p 295

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Organigramme n° 2 : L’AMI : une politique sanitaire

AMI = POPULATION EN POLITIQUE BONNE SANTE SANITAIRE

MAIN D’ŒUVRE DEVELOPPEMENT DE DE BONNE L’ECONOMIE CONDITION COLONIALE PHYSIQUE

Source : L’auteur

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Pour résumer cette partie, l’organigramme n° 2 montre que l’AMI a établi de nombreuses dispositions afin d’enrayer les maladies. Evidemment, les résultats ne sont pas immédiatement sensibles, l’éducation d’une population indigène est longue. Toutefois, la population malgache a pu constituer un groupe d’auxiliaire performant, capable d’amener la colonisation à son ambition purement économique.

3. L’enseignement médical colonial

Ecole de Médecine de Tananarive vit le jour sous 1'impulsion de Gallieni par l’arrêté du 16 décembre 1896. Installé au Sud Est du Palais de la Reine et l’hôpital de Soavinandriana devient la clinique de la nouvelle Ecole de Médecine . L’organisation de cette école, l’année même suivant la conquête en fait une des toutes premières réalisations de Gallieni. Le premier recrutement s’opéra en 1897, à la suite des épreuves de sélection, 58 étudiants pour beaucoup, anciens étudiants de la MMA ont été admis et répartis. Parmi les étudiants en cours d’étude à l’ Ecole de Médecine deux étudiants seulement ont pu entrer directement en 5 ème année : Rafaralahimanjato et Ranaivo Ramarobandro ; trois étudiants admis en 4 ème année : Rabefierana, Ramparany et Ranaivo Charles, cinq étudiants admis en 3 ème année : Andrianasolo, Rainibao, Rajoelina Joseph, Ramamonjisoa, Ravalisaona et 4 étudiants en 2 ème année, Rajaona, Rakotobe Gabriel, Ramialisaona Louis et Ratsimba I. L’étude durait 5 ans pour les médecins et ce n’est que trois ans plus tard qu’a été ouvert une école pour formée des sages femmes indigènes dont l’étude s’étalait sur 3 ans.

Dix bourses d’études par an étaient distribuées de l’ordre de 240fr/an/étudiant, et elles se répartissent de la manière suivante :

- Deux bourses pour les méritants de Tananarive - Deux à ceux de Tamatave - Deux à ceux de Majunga - Deux à ceux de Fianarantsoa

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Figure n° 3 : Programme de l’ Ecole de Médecine de Tananarive

Source : Série H. Rapport sur le fonctionnement de l’AMI en 1902.

Un programme français pour les étudiants malgaches, le programme de l’ Ecole de Médecine est la plus avancée des écoles de médecine ayant existé à Madagascar. Les études duraient 5 ans, et aux matières enseignées a été ajoutée la pratique de la dissection en 3 ème année. Pour toutes les 5 années d’étude, le stage hospitalier était obligatoire.

B- L’AMI : du domaine médical au domaine politique et économique 1. Les problèmes scientifiques coloniaux

Toujours à Madagascar comme furent les missionnaires d’avant, les problèmes scientifiques coloniaux furent à peu près les mêmes. Premièrement, les colons furent obligés de lutter contre l’acclimatement, qui selon Jack LIND, chercheur en pathologie coloniale à l’Institut Pasteur de Paris : la maladie a pour cause le climat 227 , il a fallu donc se protéger du climat, ensuite lutter contre la maladie. La maladie typique du climat tropical est la fièvre qui tend à devenir le paludisme. Le problème qui se pose est que même un geste inconscient 228 pourrait contribuer à favoriser l’action des moustiques. L’organisme malgache présente aussi l’inadaptation climatique dont les répercussions se font ressentir dans les travaux généraux et porta atteinte à l’objectif économique de l’AMI quand le Hova, bon ouvrier sur les Hauts Plateaux fournit à la côte un rendement médiocre 229 dans les chantiers de chemin de fer. Bien que le mode de transmission du paludisme n’ait été découvert qu’en 1898 comme on l’a dit plus haut, la lutte dura des années avant d’être jugé positif. Le mode d’exploitation des rizières 230 qui exige l’irrigation a favorisé l’extension du paludisme sur les Hautes Terres Centrales avec l’arrivée des Français 231 en 1895. Le problème de la découverte scientifique est observé pour la tuberculose, car il a fallu attendre 26 ans après découverte du bacille de Koch en 1882, qui n’est malheureusement qu’une victoire à brève échéance contre la maladie que le BCG a été découvert en

227 « Pour Jack LIND, toute maladie a pour cause le climat, c’est tantôt la température, tantôt le régime des pluies, tantôt la nature des vents dominants. » Cayla (V) Grasse, (P) « Quelques problèmes scientifiques coloniaux », op.cit p 122. 228 Telles que les pièces d’eau décoratives 229 Bernard (N) « Hygiène des installations minières et chantiers coloniaux », op.cit. p 110 230 « Cette recrudescence du paludisme tiendrait, d’après certains observateurs au mode actuel de culture des rizières qui sont inondées après la coupe du riz. » 231 « L’arrivée de l’anophèle, vecteur de la maladie, dans la région centrale s’explique par l’intensification de la riziculture et l’aménagement de nouvelles plaines agricoles. » Gastineau (B) « Dynamique démographique et développement durable dans les Hautes Terres malgaches » Institut Catholique de Madagascar et Institut de Recherche pour le Développement, Antananarivo, 2005 p 3.

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1908 232 . C’est le problème de la recherche scientifique proprement dit, et plus précisément la « recherche orientée »233 . Le problème attribué à la variole est d’un ordre différent : l’inexistence d’un laboratoire pour la fabrication de vaccin antivariolique d’où obligation d’importation. Une situation qui n’a duré que jusqu’en 1899 234 avec la création de l’Institut Pasteur. Sur ce, la pathologie qui a pu profiter du début de l’âge des découvertes scientifiques s’efforce de combattre les maladies exotiques où le génie épidémique emporte trop souvent contre les moyens de défense qui lui sont opposés. Pour le personnel de l’AMI, les médecins indigènes refusent d’aller hors de Tananarive 235 .

L’efficacité de l’œuvre sanitaire ne se voit qu’avec le temps car sans doute, n’est il pas possible de réaliser dans tous les cas, le programme intégral que l’hygiène et la médecine préventive sont capables de formuler.

II– AMI et contact de cultures A- Une assistance médicale pour les indigènes, par les indigènes 1. Cas malgache : le mythe d’une unité culturelle Si la culture malgache existe, elle n’est qu’une simple partie de la plus grande « Idée » de la « Culture » car une nation peut être l’hôte de groupes d’individus en complète indépendance comme le peut être la culture aussi. Ainsi la population malgache se divise en « castes » .Chacun est familier à sa propre caste et chacun la comprend lorsqu’il en devient conscient, considérant tout autre caste comme parasite à la sienne. Dans le cadre de l’enseignement médical, les élèves étaient astreints au stage hospitalier qui s’accomplissait à l’hôpital malgache accolé à l’école où ils passaient successivement d’un service dans un autre pour compléter leur instruction. Un problème social intervenait ; les étudiants, pour la plupart d’une classe élevée et pénétrée de la supériorité de leur caste, admettaient malaisément la nécessité de procéder de leurs mains au pansement des malades : c’était là pour eux « une besogne répugnante, autrefois laissée aux esclaves ».

232 Le BCG découvert par Calmette (A) et Guérin. (G) 233 Recherche scientifique pour lutter contre telle ou telle maladie. Bernard (N) « Hygiène des installations minières et chantiers coloniaux » Société d’édition géographique, maritime et coloniale, 1934, p 108

235 « Les médecins indigènes montrant une certaine répugnance à s’établir en dehors des grandes agglomérations… » Brygoo (E.R). « Les débuts de l’enseignement médical à Madagascar. Un siècle d’expérience ». Bulletin de l’Académie Malgache, 1971, 49, p 82.

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L’exercice de la médecine par le médecin indigène malgache a donné un exemple concret de ce « parasitisme de culture ». Un médecin « andriana » fait preuve de dévouement pour les gens de sa caste, et selon, son supérieur hiérarchique ne cache pas son mépris pour « la classe pauvre »236 , autre cas, une sage-femme zanadralambo causa un sérieux accident en ne dévoilant pas ses difficultés lors d’un accouchement au médecin chef de l’établissement de caste inférieure à la sienne 237 . Dans le cadre géographique, côte et Hautes Terres centrales, la relation entre Merina et les non merina sont assez peu fraternelles surtout pour le pays Bara 238 . Ainsi, cette absence de conscience professionnelle aboutit à un effet inverse de celui recherché par les autorités coloniales. C’est alors qu’on arrive à ce point suivant qui traite les conditions d’efficacité de la profession de médecin.

2. Médecin : une profession de conscience

Selon Hippocrate : « Il n’est point d’amour de la médecine sans l’amour des hommes. » Un amour qui ignore tant l’identité physique que culturelle de son patient. La profession de médecin exige alors les qualités suivantes : la patience, le dévouement et la conscience professionnelle. En tant qu’employé de l’administration coloniale, les médecins indigènes sont envoyés sur toute l’étendue de la colonie, mais ce n’est pas le cas, car leur conscience laisse parfois désirer quand ils refusent d’exercer ailleurs que dans la capitale. Ils préfèrent rester à Tananarive pour ne pas se séparer de leur famille en raison du changement climatique et de l’obligation d’adaptation aux régions côtières 239 dont l’exemple de Rakotomalala Etienne qui, à peine arrivé à Vohipeno, souffre d’une forte fièvre et contracte une typhoïde et meurt rapidement. Les médecins malgaches ne se préoccupent guère que de ses intérêts personnels et tendent à se désintéresser de leur travail 240 car le métier s’avère être enrichissant en faisant une clientèle privée à l’hôpital. Cet attrait de la fonction de médecin peut être interprété que certains étudiants,

236 Dossiers de Ravalisaona Ernest et Rakotovao Martin

237 Paillard (Y.G) « Domination coloniale et récupération des traditions autochtones. Le cas de Madagascar de 1896 à 1914 », Revue d’Histoire Moderne et Contemporaine, Janvier-Mars 1991, p 154. 238 « Déteste les Bara qui le lui rendent bien » formule qui se trouve dans les dans les dossiers de médecins devant y travailler tel que Andrianaivo Kazo Joseph, Rajaonarison William.

239 « L’une des difficultés était la capacité d’adaptation rapide du médecin face aux problèmes sanitaires variant entre les régions côtières et celles des Hauts Plateaux » Merlin (J). Mafart (B)., Triaud (J.L) « L’assistance médicale indigène à Madagascar (1898-1950) ». Médecine Tropicale, 2003,n° 63, p 19.

240 Rapport du médecin inspecteur de Fianarantsoa en 1911 cité par Brygoo

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avant d’entrer à l’ Ecole de Médecine avaient essayé d’autres métiers. 241 Les sages-femmes font le vide dans leurs maternités en ne songeant qu’à leurs toilettes ou leurs amants 242 . En plus elles n’étaient vraiment pas de bons collaborateurs : les sages femmes indigènes ne sont pas toujours, assez disciplinées, et ne s’entendent pas comme il conviendrait avec les médecins sous l’autorité desquels elles remplissent leur fonction 243 .

Dans le sens d’une différence culturelle, le premier rôle du médecin est de se concentrer sur le malade comme le dit Maimonide « Fais que je ne vois que l’homme dans celui qui souffr e » . Les auxiliaires malgaches à l’instar des différences entre castes, entament aussi une politique raciste car il y a eu non assistance à la personne malade 244 , le médecin indigène ignorant les patients européens. Tous ces exemples mettent en évidence que le médecin indigène, reconnu par leurs supérieurs coloniaux, n’était pas toujours le bon collaborateur sur lequel l’autorité coloniale avait fondé son espoir. Mais heureusement, tous ne se comportent pas de cette façon que ce soit envers les Malgaches ou les Français 245 .

B – AMI : source d’inégalité sociale 1- Un statut professionnel valorisé sur terrain Au-delà de l’idée d’une élite médicale indigène qui s’impose, il faut concevoir que le statut professionnel des médecins indigènes de colonisation s’est également forgé hors de l’enceinte de l’Ecole de Médecine de Tananarive. Un facteur plus indirect de professionnalisation « sur le terrain » du médecin indigène touche les transformations de l’emploi d’un personnel médical. La polyvalence remarquée de certains diplômés impose des « auxiliaires » à des postes de direction normalement réservés à de « vrais » médecins français tel que le docteur Rasamimanana 246 qui fut professeur à l’ Ecole de Médecine dès son ouverture ou encore le docteur Rajoelina 247 qui était chargé de cours à partir de 1905.

241 Ratsimivony en 1899 était menuisier. Ramiandrisoa a été élève à l’école Le Myre de Villers en section administrative.

242 Dossier de Razoely Christine. 243 Série H17. Duvingeau « Rapport sur le fonctionnement de l’AMI en 1914 » 244 « …Il [médecin indigène] fait tout pour démoraliser le malade [dans notre cas, un européen souffrant d’une ostéite tuberculose], lui remettant la copie d’un traité de chirurgie où l’évolution de la maladie est décrite avec les détails bien faits pour le déprimer. » Dossier de Ranaivo Louis. Ibidem 245 « Affable et dévoué pour les indigènes, qu’il n’a pas l’air de considérer comme d’une race inférieure… » Dossier de Rajaoson Henri à Tsivory. 246 « Premier Malgache docteur en médecine en France » 247 « Diplômé en octobre 1899, il se disputa la première place avec Raharinosy au cours de leurs études. »

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La structuration du champ de pratique et du cursus universitaire des sages-femmes indigènes, entraîne en parallèle la mise en place d’une hiérarchie des professions dont le médecin faisait part dans les professions de grade élevé voire une place dans le Comité Central Consultatif 248 qui dirige l’AMI sous la direction du directeur de service de santé. Le malgache était lui-même attiré par le titre de médecin pour lui assurer un rang social imaginaire dans la société : celui du fonctionnariat. Porté par le goût vers le fonctionnariat, le malgache recherche avec empressement une situation qui lui donne, avec l’existence matérielle assurée, un uniforme et un rang dans la société. 249 On vit alors à Madagascar un fait tout à fait nouveau, le jeune médecin de colonisation fraîchement sorti de l’ Ecole de Médecine rejoignant , non sans sacrifice, car la vie à Tananarive est douce, son premier poste parfois lointain. Ordinairement transporté en filanjana à travers pistes et sentiers, son prestige était grand, surtout parmi les tribus qui n’étaient pas de sa race ; presque rehaussé par son uniforme, ses galons sur fond grenat, ses boutons dorés, son casque colonial orné d’un écusson. Ainsi le rang de médecin indigène de colonisation avait une valeur au sein de la société mais ne supprime pas pour autant le statut de colonisé, un statut qui n’empêche pas le malgache à se sentir supérieur.

2- AMI : un choc de culture

Avec les contraintes de l’AMI, la pratique de la médecine présentait un sérieux problème. La langue, un élément fondamental pour une intégration social n’est pas ici la même. Cette différence de langue réduisait l’efficacité de l’enseignement et la motivation des étudiants :» Les étudiants n’étant pas suffisamment familiarisés avec la langue française d’où le recours à un interprète :« …les cours ont été faits au moyen d’interprète ; cet enseignement présentait de nombreux inconvénients et décourageait bien souvent élèves et professeurs… 250 . Ensuite, la grande difficulté concernait la participation des étudiants malgaches aux études pratiques d’anatomie d’où l’attribution à un professeur malgache de ce cours : Rakotobe qui devait adapter peu à peu les étudiants du fait que tous les cours pourront se faire par un médecin français, Rigaud en 2 ème année. L’ Ecole de Médecine se heurtait à un préjugé tenace concernant la pratique de la dissection qui se

248 « Le Comité Central Consultatif est composé …de 2 médecins indigènes de colonisation… » Selon l’arrêté du 13 Juillet 1903. 249 Paillard (Y). « Domination coloniale et récupération des traditions autochtones. Le cas de Madagascar de 1896 à 1914 », Revue d’Histoire Moderne et Contemporaine, Janvier Mars 1991, p.154 250 « Bien peu comprenaient le français, et force fut de recourir à des interprètes pour leur expliquer les cours pendant les 4 premières années» Kermorgant (A). « Ecole de Médecine et hôpital indigène de Tananarive », Annale d’Hygiène et de Médecine Coloniale, n°6, 1903 p.182

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fait tous les jours pendant la 3 ème année ; les tentatives des missionnaires pour réaliser un essai d’autopsie n’ont pas été possibles puisque aucune dissection n’a été pratiquée selon les auteurs comme Brygoo ou Gheusi. En effet, autrefois la dissection était interdite par le gouvernement malgache, comme étant contraire au culte des morts. Cependant, on peut penser que les étudiants de l’ancien régime ont peut être assisté à une autopsie au temps de Davidson quand ce dernier emmenait avec lui des étudiants pour des cours pratiques ou tout simplement pour une observation dans le cas Ingers 251 .

L’isolement des malades contre l’épidémie de la lèpre par exemple allait à l’encontre du sentiment de la famille. Le « mort » était très respecté 252 , le nombre élevé des linceuls donnés aux familles prouvent à quel point l’enterrement est important pour les Malgaches, et encore enterrer dans la tombe familiale selon le dicton « velona iray trano, maty iray fasana »253 . Mais là par exemple, la lutte contre le choléra et la peste interdit formellement l’enterrement : « aucune inhumation n’était autorisée en dehors des cimetières dans toute l’étendue de la colonie sauf dérogation ci après : les anciens tombeaux de familles pouvaient continuer à être utilisés sauf en cas de peste, choléra ou variole ». La veillée fut aussi interdite et contrarie bon nombre de Malgache 254 selon cet énoncé : « …mourir de peste ou d’autre chose, qu’importe, disait-il, personne n’échappe au destin. Mais ce qui nous angoisse, c’est de penser que nous pourrions ne pas rejoindre ceux qui nous attendent au tombeau de famille… ». Autrement dit, laissez-nous mourir tranquille, nous ne vous reprocherons rien, mais que notre honneur familial soit sauvegardé. Les mesures sanitaires sont en contradiction avec la manière de vivre des Malgaches, mais cela n’a pas empêché à cette médecine nouvelle de s’intégrer dans notre culture au prix fort : l’obligation d’efficacité de soin de la part de l’AMI. Or cela n’est pas toujours évident car l’efficacité de soins exige une double responsabilité, celle du patient et du médecin. Bien que les résultas obtenus soient assez encourageants, l’on doit lutter contre l’apathie des Malgaches et contre les coutumes profondément ancrées.

251 Davidson (A)« Report of the Antananarivo dispensary for 1865 – 1866 » repris par RABENJA (T) 252 Pour les soldats malgaches, parmi les trois éléments à respecter figure en premier lieu le mort [ou voiture portant un corps], suivi du drapeau et de la patrie. 253 Vivre dans une seule maison en être enterré dans le même tombeau après la mort 254 Girard (G). cité par G. Ramahandridona, « La perception de la science et de la recherche par l’âme malgache », Bulletin de l’Académie Nationale des Arts, des Lettres et des Sciences, n°2 spécial centenaire de l’Institut Pasteur de Madagascar, 1998, Tananarive, p.12.

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C- L’AMI à la veille de la 1 ère Guerre Mondiale 1- Médecin indigène de colonisation : un métier de colonisé Former des médecins indigènes pour les employer comme auxiliaires, l’administration française n’a jamais voulu donné au Malgache le titre de « savant »255 . Les jeunes indigènes qui suivent les cours à l’ Ecole de Médecine ne sont pas destinés, dans l’esprit de l’administration à devenir des praticiens possédant à fond et théoriquement l’art médical. Mais l’administration en a inconsciemment formé des « docteurs » à partir du choix du programme d’étude, calqué sur celui de Montpellier suivi de l’envoi des étudiants en médecine en France. Après l’acquisition de ses lettres de noblesse 256 essentiellement sur le terrain de par sa formation et l’exercice de l’exercice de la médecine, le médecin indigène ne reçoit pas pour autant confirmation des bornes de son champ d’activité car n’a pas une autocontrôle de son exercice.

La colonisation jugeait très imprudent de leur attribuer les fonctions des médecins européens dans les provinces, même si s’ils sont des docteurs en médecine 257 ; même si ils avaient pleinement la compétence et que leurs valeurs techniques n’étaient pas mise en doute. Conscient de cela, on assiste à l’arrêt de l’envoi des étudiants malgaches en France pour continuer leurs études 258 en 1903. Leur poste ne correspondait pas à leur profil car la majorité de ces médecins formés à l’Ecole de Tananarive était destinée à exercer dans des petits postes de brousse, avec mission première d’inculquer les notions d’hygiène aux populations locales et de pratiquer les vaccinations dans les provinces tel Joseph Andrianasolo envoyé pour vacciner contre la variole les habitants d’Antsihanaka. Or de telles missions n’étaient plus en adéquation avec l’esprit d’un étudiant ayant suivi un cursus universitaire complet dans la métropole. Ainsi, les étudiants revenus de France subissaient le même sort, ils sont intégrés dans la 3 ème classe des médecins indigènes de colonisation parmi les quatre classes qui sont : - 1ère classe 2 500 francs - 2ème classe 2100 francs - 3ème classe 1 800 francs - 4ème classe 1 500 francs

255 « Il ne s’agit pas ici de former des savants mais des praticiens nécessaires pour diverses formations sanitaires » r 256 « Cette école a été créée pour vous jeunes Malgaches, pour vous permettre l’accès d’une noble et utile profession… » Chippaux « De l’hôpital colonial à l’hôpital Girard et Robic, soixante-dix ans de politique hospitalière à Tananarive », Académie des Sciences d’Outre Mer, 1966, p 359 257 Série H. Lasnet (A) Rapport sur le fonctionnement de l’AMI en 1911. 258 C’est avec J Rajoelina en 1903 s’arrêta l’envoi en France des meilleurs médecins d’Ankadinandriana.

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Les missions médicales attribuées aux médecins indigènes malgaches les dévalorisaient et les Malgaches en étaient conscients : « Les Français nous maintiennent uniquement dans les fonctions subalternes dont nous ne pouvons sortir ; or notre intelligence est assez développée pour nous permettre d’aspirer aux emplois les plus élevés. On ne nous admet pas dans les établissements d’enseignement européen ; on restreint nos études parce qu’on nous craint » 259 . Les sages femmes indigènes bien que diplômés de l’ Ecole de Médecine ne pouvaient pas évidemment remplacer les sages femmes européennes rendent indirectement comme gardes malades, de grands services aux accouchées européennes.

Les étudiants de l’ Ecole de Médecine sont désormais soumis à l’autorité coloniale par la signature d’un engagement écrit de servir la colonie pendant trois ans 260 . Cette décision avait été prise après la constatation que nombreux d’étudiants, une fois munis de leur diplôme de médecin ou de sage-femme, refusaient de prendre part au concours de médecin de colonisation ou de sage- femme de l’Assistance Médicale Indigène. Malgré leur titre de médecins, ils étaient tous sous l’autorité de médecins français dont l’ensemble constituait le cadre local des médecins. Ce cadre ensuite dirigeait les cadres spéciaux 261 où sont regroupés les médecins et sages femmes indigènes… Encore une fois cela montre que la fonction de médecin indigène est un métier de colonisé. Un fait qui va aboutir à une rupture entre la collaboration des médecins coloniaux et médecins indigènes qui justifie le mouvement de la VVS en 1913 en ayant comme promoteurs, les étudiants en médecine. Enfin, en 1914, l’AMI a participé à l’effort de guerre en envoyant les médecins malgaches en guerre 262 . Les problèmes financiers de la France ont entraîné à Madagascar un manque de personnel 263 , et un manque de matériel 264 : cette période marquait sans conteste une régression dans le fonctionnement de l’AMI. Enfin, pendant la guerre 1914-1918, 9 médecins de l’AMI ont servis sur les fronts, 15 médecins furent mobilisés et ont servi dans les formations

259 Merlin (J). Mafart (B), Triaud (J.L). « L’assistance médicale indigène à Madagascar (1898-1950). » Médecine. Tropicale., 2003,63, 17-21. 260 « … avant de commencer leurs études, les étudiants et les élèves sages-femmes devaient prendre l’engagement par écrit, de se tenir, une fois le diplôme obtenu, à moins d’empêchement pour cause de maladie, pendant trois années à la disposition de l’Administration. » Brygoo (E.R), op. cit 1971. p.75 261 ibidem 262 « Des médecins malgaches, docteurs de l’université comme le Dr Ramisiray, Ramamonjisoa, sont eux aussi envoyés vers la métropole ce qui a réduit le nombre de praticiens locaux. » Girard « La santé publique et ses problèmes à Madagascar entre les deux Guerres mondiales » Bulletin de l’Académie Malgache, 1964, Tome XLII- II. p 1- 17

263 « Le recrutement de l’ Ecole de Médecine se trouve provisoirement diminué en raison de la participation de nombreux étudiants à la VVS ». ibidem 264 « Le coton manquait et nous devions employer pour les besoins du service chirurgicale une sorte de charpie péniblement tirée de vieux équipement en toile kaki que les infirmiers épluchaient fil à fil pour en faire de petits bourdonnets passé ensuite à la stérilisation » Ibidem

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militaires, 3 autres détachés à Djibouti, comme médecins de l’Assistance Médicale Indigène de la Côte française de Somali.

2- Bilan sanitaire de l’AMI

D’un point de vue général, l’AMI a été d’un bilan satisfaisant, l’ Ecole de Médecine , a formé depuis sa création en 1897 jusqu’à la fin de l’année 1914 238 médecins, 282 médecins si on ajoute ceux sortis en 1909 et 1910, et 233 sages-femmes, ceux de l’ancien régime compris. D’après le tableau n°10 obtenu d’après les rapports de fonctionnement de 1899 à 1914, sur les 282 médecins formés, seuls 167 ont fait partie du corps de médecin indigène de colonisation soit 51,21 % et concernant les sages femmes, sur les 176 formées, seules 98 firent partie du corps de sages-femmes de colonisation 265 soit 59,03% seulement. L’ Ecole de Médecine a été une source d’une couche intellectuelle malgache avec plusieurs thèses de médecine soutenues en France 266 . A des années près avant la Première Guerre Mondiale, on constate une baisse progressive du nombre des élèves sortis de l’ Ecole de Médecine à cause de l’élévation du niveau d’admission d’une part et la l’abandon de certains étudiants en cours d’étude d’un côté, et enfin, en 1913, l’affaire de la VVS a amené l’administration coloniale à réduire considérablement l’effectif des étudiants à l’Ecole de Médecine. La variole n’a plus engendré d’épidémie, en 1901, cette maladie avait quasiment disparu dans la capitale, et si on relevait encore des cas sur les Hauts Plateaux de Madagascar, ceux-ci étaient exempts de grandes épidémies, la région côtière s’ensuivra car en 1914, la variole était quasiment éradiquée de l’île 267 . Enfin, en 1914, toutes les provinces ont été dotées d’une assistance médicale.

265 Série H 17. Rapport sur le fonctionnement de l’AMI en 1914 266 Rasamimanana, Andrianavony, Radafine, Ramisiray, Ravelonahina, Andrianjafy, Rabary-Ratsimba, Rakotobe, Rakotosaona, Ramamonjisoa, Rajaofera, Ranaivo Charles, Rafidimanana, Andriamampianina. 267 Merlin J., Mafart B., Triaud J.L. « L’assistance médicale indigène à Madagascar (1898-1950) ». Med. Trop., 2003,63, 17-21.

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Tableau 10 : Evolution du nombre des médecins et sages-femmes sortis de l’Ecole de Médecine entre 1898 et 1914

Médecins Sages femmes Total des sortis de l' Ancien de Total des Ancien de la Année Année sortis de l' Ecole sages- Ecole de la MMA médecins MMA de Médecine femmes Médecine 1897 2 2 1897 1898 3 3 1898 15 4 19 1899 5 5 1899 1 1 1900 4 1 5 1900 0 1901 15 5 20 1901 2 2 1902 12 28 40 1902 9 35 44 1903 11 14 25 1903 10 22 32 1904 18 1 19 1904 14 14 1905 18 18 1905 14 14 1906 18 18 1906 13 13 1907 22 22 1907 12 12 1908 22 22 1908 1 1 1909 0 1909 0 1910 0 1910 0 1911 12 12 1911 5 5 1912 8 8 1912 4 4 1913 10 10 1913 8 8 1914 9 9 1914 7 7 Total 189 49 238 Total 115 61 176 Source : Rapport sur le fonctionnement de l’AMI de 1897 à 1914

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Selon ce tableau, le nombre des effectifs à l’ Ecole de Médecine n’a diminué au fil des années, ceci s’explique par l’augmentation du niveau de recrutement et le niveau d’examen de passage ce qui a réduit l’effectif dès le début du cursus qu’à la fin des études.

3- L’ Ecole de Médecine : creuset du nationalisme malgache Avec un objectif tant sanitaire que politique, la conséquence politique de l’AMI est sans conteste l’apparition du premier mouvement nationaliste connu sous le sigle de VVS : Vy Vato Sakelika. En effet, ce mouvement est considéré comme étant le premier mouvement nationaliste en raison des origines diverses de ses membres qui représentent tous les Malgaches. Le mouvement trouve son origine au sein de l’Ecole de Médecine de Tananarive à la suite des articles du pasteur Ravelojaona sur le Japon et les Japonais parus dans la revue malgache Mpanolon-tsaina en 1913. L’acquisition du savoir médical à l’Ecole de Médecine était synonyme d’acquisition d’un pouvoir non négligeable pour les étudiants et les amena à créer le mouvement de la VVS. Le prestige d’un cursus universitaire entrepris dans la métropole ne pouvait qu’accentuer ce pouvoir et gêna par la suite le pouvoir de l’autorité française en place. A une ou deux exceptions près, le recrutement de l’ Ecole de Médecine a été exclusivement opéré dans les provinces de l’Imerina et l’élément Hova a seul fourni, des médecins indigènes. Toutefois, l’institution des écoles administratives permettra à brève échéance d’appeler des élèves originaires des régions excentrique. Conséquence, à la tête de la création de ce mouvement, cinq étudiants en médecine : Robin Joseph Ramiandrasoa, Bonifasy Ramasy, Ratsimbazafy, Rason Louis, Raphaël Rabetsa 268 . D’autres membres, toujours originaires de l’ Ecole de Médecine ont pu être identifiés après les arrestations de 1915 dont voici les noms : Rajaobelina, Randria Michel, Rajaona, Rajaonah, Randzavola Henri, Razanamahefa Louis, Rajafetra Samuel, Rajaonarivo, Raboto Raphaël, Rason Louis, Ratsimbazafy, Ramasy Boniface, Ravoahangy dit Andrianavalona Joseph, Robin Joseph, Joseph Raseta 269 . Voici l’extrait d’une lettre d’un ancien étudiant en médecine de première année, Randriantsalama, adressée au directeur du

268 Robin Joseph Ramiandrasoa (protestant), Bonifasy Ramasy (catholique), Ratsimbazafy (catholique), Rason Louis (protestant), Raphaël Rabetsa. Koerner (F) « Madagascar, colonisation française et nationalisme malgache au XX° siècle » op cit. p165

269 Randriamandimby Ravoahangy Andrianavalona (J) « La VVS : contribution à l'étude sur l'origine du nationalisme malgache, Paris, mémoire de l'EHESS publié par l'Académie malgache, 1978, p 401.

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Service de Santé le 18 janvier 1921, dans laquelle il demandait sa réintégration au sein de l’Ecole de Médecine pour pouvoir terminer son cursus : « Je suis un ancien étudiant en médecine, exclu de l’école pour l’affaire V.V.S. aujourd’hui je viens, Monsieur le Directeur , me recommander à votre haute bienveillance et à la générosité de la France, de me réintégrer dans mon ancienne Ecole pour pouvoir continuer et terminer mes études. Je vous le promets, je serai fidèle et dévoué aux services qui me seront confiés »270 .

La colonisation fut une chance pour Madagascar, source de santé et de développement économique, c’est le double héritage qu’on a reçu de la France. Il y eu en 1914 quelques médecins malgaches mobilisés : - Andrianjafy - Maurice Andriamampianina - Parson Rasoanirainy - Alphonse Rajaofera - Joseph Gabriel Ramangalahy - Jean Razakariasy - Ramisiray

270 Merlin (J)., Mafart (B)., Triaud (J.L) « L’assistance médicale indigène à Madagascar (1898-1950) » op cit. p 19.

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Conclusion de la deuxième partie

Pour conclure, Madagascar doit sa victoire sur les fléaux tropicaux au Général Gallieni : le véritable promoteur de l’AMI et dont le nom restera toujours lié à celui de Madagascar. Les vécus des anciennes expéditions françaises et l’état des lieues en 1895 ont fait qu’il était impératif pour la colonisation d’instaurer une institution médicale à grande échelle sur l’île. L’œuvre des missions chrétiennes étant limitée dans l’espace ; avec l’AMI, toutes les provinces ont pu profité. Cependant, au-delà de son importance sanitaire, l’AMI se révélât comme une nécessité impérieuse au point de vue économique et politique. Economique par les mesures prises pour l’augmentation de la population et les mesures prises pour la mère et la petite enfance ; et enfin politique pour étendre l’influence coloniale dans toute l’île.

L’AMI fut une médecine de soin car c’est là qu’ont commencé les grandes campagnes de vaccination jusqu’aux chantiers des grands travaux. D’autre part, c’est une nécessité politique car le régime colonial doit s’imposer dans toute l’île. De ce fait, l’AMI était un outil de propagande ; son efficacité facilitait la tâche et aveuglait les indigènes. Dans le cadre des contacts de cultures, l’AMI a pu s’adapter avec le temps, des dissections ont pu être réalisées. L’Assistance Médicale Indigène est l’une des plus belles œuvres coloniales qui aient été conçues et entreprise par la colonisation, cependant on peut constater que cette institution a toujours été envisagée en vue de ses conséquences immédiates, politiques et économiques. Elle a contribué au physique du malgache, longtemps entretenue par les maladies. C’est à ce relèvement physique que l’Assistance Médicale Indigène s’est appliquée, et si l’état sanitaire de la colonie s’est amélioré de façon nette, c’est grâce au dévouement de tout le personnel médical européen et surtout aux collaborateurs autochtones jouant un rôle important dans l’action sanitaire sous les tropiques. Enfin, aussi remarquable que le patrimoine immobilier, il faut insister sur le dispositif opérationnel éprouvé durant la colonisation ; il concerne surtout l’approche collective et préventive, dite de masse, et a pour principe la mobilité : se déplacer pour aller au devant des populations et des malades. Comme l’a dit Lyautey : « "Si quelque chose ennoblit et justifie l’expansion coloniale , c’est l’action du médecin considérée comme une mission ou un apostolat ". Mais y a t- il une plus grande œuvre coloniale que celle qui consiste à soigner et à guérir les populations indigènes, à favoriser leur accroissement et à travailler enfin au relèvement d’une race ?

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CONCLUSION GENERALE

Conclusion générale

Comme partout ailleurs, dans les sociétés du Tiers Monde, la médecine moderne, comme savoir par l’enseignement médical, et comme pratique à travers les médecins coloniaux, a été introduite de l'extérieur dans les sociétés de tradition non occidentale, d'abord dans le cadre des missions chrétiennes, puis par les conquêtes coloniales.

A Madagascar, l’assistance médicale publique connaît ses débuts pendant la royauté vers 1860 ; en ce temps, elle fut dépourvue de réelles connaissances scientifiques ; l’enseignement médical était insuffisant et reflétait un manque de connaissances médicales, de ce fait, elle sera surtout le pilier de l’Assistance Médicale Indigène qui prit place en 1896 et ce, durant l’ère coloniale. Pour les missionnaires, l’action médicale était inévitable du fait des maladies locales qui sévissaient sur l’île, ils furent alors contraints de donner des sois selon leurs connaissances médicales antérieures et former des médecins sur place en créant des écoles de médecine, ceci pour leur survie aussi. Vu la transmission de l’Evangile très difficile dans un pays encore païen, les services médicaux octroyés donnaient l’image d’une bonne intention tant humaine que spirituelle des missionnaires.

D’après ces deux grandes parties, on a pu constater que l’action médicale missionnaire et l’Assistance Médicale Indigène ont toutes été utilisés pour d’autres fins qu’humanitaire et sanitaire. Une « politique sanitaire » est toujours réalisé dans un but humanitaire par la santé qu’elle procure aux malades et sanitaire par la lutte qu’elle entame contre les ma ladies tropicales. Mais puisque les promoteurs ne sont pas toujours de véritables médecins, nous pouvons donc affirmer qu’une action médicale peut cacher les véritables intentions d’un organisme implanté dans un pays. Certes, si l’on considère seulement le but humanitaire qui a principalement guidé les premiers organisateurs de l’action médicale, on doit reconnaître qu’ils ont accompli une belle oeuvre, digne d’admiration. Soulager les souffrance de ses semblables et est un acte toujours méritoire : il revêt un caractère peut être encore plus touchant quand il touche les indigènes.

Malheureusement, les actions médicales se heurtaient à nombreux obstacles, l’insécurité territoriale, l’insécurité morale, faible niveau de la science de l’époque, le problème de la langue ; c’est là que le bilan sanitaire de l’année 1895 est moins satisfaisant. Malgré les

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médecins formés et les essais de vaccinations tentés par les missionnaires, la situation sanitaire était déplorable car aucune maladie n’a été éradiquée définitivement de l’île. Seules les régions autour de la capitale et la région de Vakinankaratra bénéficièrent d’une assistance médicale et les formations sanitaires furent très localisées. Vu que l’année 1896 marque un tournant important dans la vie politique de Madagascar, l’action médicale missionnaire laissa la place en 1896 à l’Assistance Médicale Indigène par l’initiative du Général Gallieni. Mais cette dernière cache le véritable objectif colonial : le développement économique. Toujours avec un tout autre objectif, la « politique sanitaire coloniale » résumait de tout un ensemble de programme pour atteindre les objectifs économiques coloniaux. La mise en place de l’AMI était inévitable après le « désastre sanitaire » de 1895, et l’état désastreux de la population. Les efforts réalisés furent la formation des médecins indigènes à l’ Ecole de Médecine qui serviront de main d’œuvre qualifiée, la prise en charge de la mère et de la petite enfance pour un accroissement démographique, et là encore, pour plus de main d’œuvre indigène.

La période coloniale malgache coïncidant avec la période de gloire de la médecine et les périodes de grandes découvertes scientifiques, le bilan fut des plus satisfaisants, sur le plan sanitaire, le paludisme ne présenta plus des cas d’épidémies, la variole a été éradiquée en 1914, la population a augmenté et on observe une baisse du taux de la mortalité infantile. Le personnel médical indigène est formé d’une couche d’intellectuels malgaches sortis de l’ Ecole de Médecine qui ont initié la V.V.S : le premier mouvement nationaliste malgache : le bilan politique de l’assistance médicale indigène. Certes, on peut attribuer l’explosion démographique comme un des bilans de la colonisation puisque on assiste à une politique nataliste et une politique délibérée de baisse de la mortalité mais l’on ne peut pas ignorer les attitudes pro natalistes des pays du Tiers Monde : une autre responsabilité qui est actuellement un obstacle au développement économique de ces pays anciennement colonisés.

Il est clair que les deux formes d’assistance médicale indigène ont eu pour but d’améliorer la situation sanitaire de la population malgache malgré leur propre objectif : l’évangélisation et l’acquisition de plus de fidèles pour les missionnaires contre le développement de l’économie coloniale. En d’autres termes, l’assistance médicale est un outil indispensable pour parvenir à son but car elle anoblit et justifie une présence en outre mer. La confrontation de cultures différentes étant toujours au « rendez-vous » ; la pratique médicale des médecins européens ne manque pas sur eux de résultats positifs. La situation sanitaire telle que nous la voyons aujourd’hui est le fruit d’une succession d’amélioration au niveau de la connaissance

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scientifique de l’action médicale missionnaire qui peut être considérée comme le premier pas vers la médecine moderne. Alors si les missions chrétiennes ont vu leur nombre de fidèles augmenter, si la population malgache a gardé constamment un fort taux de croissance démographique, si les maladies ont été éradiquées, on peut dire qu’une « politique sanitaire » peut être opposée à la réalité de la domination du monde occidentale dans ses autres aspects … parfois brutaux dans le cadre de la colonisation.

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ANNEXES

ANNEXE 1

Le Docteur Andrew Davidson

Source : Rabenja (T), op.cit, 1985. p 2

ANNEXE 2

Collège Médical Analakely ou le « Royal hospital »

Source : Rabenja (T). op.cit. 1985. p 5

ANNEXE 3

Diplôme délivré par la Medical Missionnary Academy

Source : Firaketana, Annales des Anciens Elèves de l’Ecole de Médecine et de Pharmacie d’Ankadinandriana- Befelatanana.

ANNEXE 4

Ecole de médecine d’Ankadinandriana

Source: Rakotomahandry (S).1977, p 35

ANNEXE 5

Institut Pasteur de Tananarive en 1899

Source : www.asnom.org

Ecole de Médecine de Tananarive

Source : www.asnom.org

ANNEXE 6

Première promotion des médecins indigènes de colonisation

Source : www.asnom.org

ANNEXE 7

Professeurs à l’Ecole de Médecine (1901)

Source : www.asnom.org

ANNEXE 8

Cours d’anatomie à l’Ecole de Médecine

Source : www.asnom.org

ANNEXE 9

Cours pratique à l’hôpital de Befelatanana

Source : www.asnom.org

ANNEXE 10

Date Principaux faits historiques Arrivée des docteurs venus de La Réunion et de Maurice, 1838 Ravalintsalama, Powell de Milhet, Tavel, 1 Septembre 1862 Ouverture du dispensaire de Dr Davidson (Atsinan'Andohalo) 14 janvier 1864 Pose de la première pierre de l'hôpital d'Analakely 25 juillet 1865 Ouverture de l'hôpital d'Analakely 21 Février 1869 Baptême de la reine Ranavalona II et du Premier Ministre 8 septembre 1869 Destruction par le feu des dieux de la médecine 24 janvier 1870 Ouverture du Collège Médical d'Analakely 9 juillet 1875 Création de l'hôpital d'Avaradrova 5 novembre 1876 Expulsion du Dr Davidson, disparition du collège d'Analakely 18 Octobre 1880 Réouverture de l'hôpital d'Analakely 19 juillet 1886 Ouverture de la Medical Missionnary Academy 14 Février 1889 Construction de l'hôpital de Soavinandriana 13 Août 1891 Inauguration de l'hôpital de Soavinandriana 30 Septembre 1895 Prise de Tananarive 6 Août 1896 Madagascar: colonie française 22 mai 1896 Ouverture du dispensaire pour les indigents Réquisition de l'hôpital de Soavinandriana, 15 novembre 1896 fermeture de la MMA 11 décembre 1896 Création de l'Ecole de médecine 17 mars 1898 Création de l'Institut Pasteur Instructions relatives aux mesures à prendre pour 15 juin 1898 l'accroissement de la population en Imerina 15 octobre 1900 Création du corps des médecins indigènes de colonisation 20 mai 1902 Création de la taxe unique de l'AMI 1902 Création du parc vaccinogène à Diego Suarez 1er Juillet 1903 Création du corps des ages femmes de l'AMI 1913 Naissance de la VVS au sein de l'Ecole de médecine 1914 Eradication de la variole dans l'île

Faits historiques depuis l’action médicale missionnaire à l’Assistance Médicale Indigène

Source : L’auteur

ANNEXE 41

Quoi ? ° L’action médicale missionnaire • Absence d’un ministère de santé Pourquoi ? • Négligence du gouvernement royal • Les épidémies de variole et de paludisme • Par qui ? Les missions anglaises • Les missions norvégiennes Pour qui ? • La population malgache et les missionnaires Quand ? • 1862 à 1895 Où ? • Madagascar Localisation • Hautes Terres Centrales, Fianarantsoa, Antsirabe • Evangélisation • Acquisition de plus de fidèles Les objectifs • Création d’églises • Intégration sociale des missionnaires • Amélioration de l’état sanitaire des fidèles. • Le Collège médical d'Analakely, la MMA Les moyens mis en œuvre • L'hôpital d'Analakely, l’hôpital de Soavinandriana • Les léproseries • La langue • Les obstacles L’insécurité des missionnaires • Le manque de ressources financières • Divergence de culture • L’image du malgache Malade à guérir • Païens à convertir Les acteurs • Les missionnaires et les étudiants malgaches • 49 médecins • 61 sages-femmes Le bilan • 1 dentiste • Aucune maladie éradiquée • Conversion nationale

Tableau de synthèse de l’action médicale missionnaire

Source : L’auteur

ANNEXE 12

Quoi ? • Assistance Médicale Indigène Pourquoi ? • Nécessité économique, • Bilan sanitaire de 1895 • Désastre sanitaire du Corps Expéditionnaire de 1895 Par qui ? • Général Gallieni • Le corps de médecins indigènes Pour qui ? • La population malgache Quand ? • De 1896 à 1914 Où ? • Madagascar Localisation • Toutes les provinces de l'île • Inégalité de répartition entre les provinces et les Hautes terres Centrales de l’île Les objectifs • Eradication des maladies tropicales • Augmentation de la population • Extension de l’AMI dans toute l’île • Main d’œuvre indigène Les moyens mis en œuvre • Institut Pasteur, • Ecole de médecine • Ambulances, • Séances de vaccination à grande échelle • Assistance médicale des chantiers de chemin de fer Les obstacles • La culture malgache • L’attraction urbaine Image du malgache • Instrument de colonisation • Un agent économique Les acteurs • Les médecins français, • Les médecins indigènes Bilan • Variole éradiquée en 1914 • Rareté des épidémies de paludisme • 282 médecins indigènes • 176 sages femmes • Creuset du nationalisme malgache • Le mouvement de la VVS

Tableau de synthèse de l’Assistance Médicale Indigène

Source : L’auteur

SOURCES ET BIBLIOGRAPHIE

I- Documents d’archives

- Archives royales Série HH composée par des correspondances de missionnaires avec le gouvernement royal à propos de leurs actions sur le plan médical. Série HH (7-8): Medical Mission

- Archives coloniales

Série D composé par des notes et rapports officiels relatifs à l’AMI et l’Ecole de médecine D355 : Hôpital indigène d’Ankadinandriana Série G : enseignement G402 : Ecole de Médecine 1911- 1953 Série H : santé Série H (1-17) : Rapport de fonctionnement de l’assistance médicale indigène de 1897 à 1914

Dossiers personnels de médecins auxiliaires Ravalisaona Ernest, Rakotovao Martin, Rajaonarison William, Andrianaivo Kazo Joseph, Razoely Christine, Ranaivo Louis, Rajaoson Henri,

II- Ouvrages

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IV- Mémoires

RABEFIERANA . « Contribution à l’étude historique de la variole et du vaccin antivariolique à Madagascar », Antananarivo, thèse de médecine, 1922, 98 p. RABENJA (T). « Les débuts de l’enseignement médical à Madagascar ou le Dr A Davidson et le MMC (1862- 1876) », Mémoire de CAPEN, Tananarive, 1985, 151 p. RAVALINOMENJANAHARY (L). « Fifandraisan’ny Fiangonana sy ny Fanjakana » Mémoire de théologie, Antananarivo, 1996, 132 p. RAZAFIMANDIMBY (T.H) « Les médecins malgaches à partir du 19 ème siècle jusqu’aux années 1920 »Mémoire de maîtrise, 2006,115 p

V- Webliographie

- dokotera.free.fr

- medecinetropicale.free.f r - www.asnom.org - www.cairn.info - www.pasteur.mg - www.troupesdemarine.org

Titre : « La médecine européenne dans le cadre de la royauté et de la colonisation jusqu'en 1914 à Madagascar »

Auteur : RAFIDIHARINIRINA Fabienne

Nombre de pages : 81 Nombre de figures : 3 Nombres de tableaux : 10 Nombre des organigrammes : 2

Résumé :

Etant un élément de la culture européenne, la médecine moderne a été importée à Madagascar par les missions chrétiennes au temps de la royauté, puis améliorée pendant la colonisation. Dans les deux cas, cette action médicale a été utilisée parallèlement à son objectif sanitaire et humanitaire, pour parvenir aux ambitions propres des missions chrétiennes donc la propagation de l’Evangile, et le développement de l’économie coloniale pour les colons.

Mots clés : colonisation, assistance, médecins, missionnaires, missions, indigène, santé, AMI, médecine européenne

Directeur de mémoire : RAMANANTSOA RAMARCEL Benjamina

Adresse de l’auteur : 411 Cité Ambodinisotry ANTANANARIVO 101

Numéro de téléphone : 0320462722