Rainilaiarivony. Un Homme D'état Malgache
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R AINILAIARIV ON Y UN HOMME D'ÉTAT MALGACHE RAINILAIARIVONY PAR G. S. CHAPUS Docteur .-leur. Membre titulaire de VAcadémie malgache Membre correspondant de VAcadémie du sciences coloniales ET G. MONDAIN Ancien élève de l'Ecole normale supérieure Vice-Président de VAcadémie malgache Président honoraire de la Mission protestante française à Madagascar EDITIONS DILOUTREMER 100, RUE RICHELIEU PARIS La monarchie hova au cours et à la fin du XIXe siècle a présenté de très singuliers contrastes qui ne la font ressembler à nul autre gou- vernement d'outremer existant alors. A la même époque, en effet, en Afrique ou en Asie, les souverains ou roitelets ou potentats locaux, s'ils avaient conservé des mœurs et des méthodes de gouvernement assez primitifs et s'ils s'embarrassaient assez peu de constitutionnalité, gardaient par contre dans l'étiquette de leurs cours et dans leurs coutumes personnelles ces mêmes mœurs et modes de vie propres à leurs races et à leurs traditions. A Tananarive, au contraire, sur la colline d'Andohala, les rois et surtout les dernières reines de l' lmerina, tout en gouvernant selon les normes d'un absolutisme ancestral que ne tempérait, comme en Europe, aucune concession donnée aux libertés et aspirations de leurs sujets, montraient cependant un souci toujours plus poussé d'adopter l'apparence des cours occidentales quant à l'aspect extérieur, aux céré- monies, aux costumes, à l'apparat. Aussi quoi d'étonnant si les écrivains contemporains qui se pro- posent de narrer aujourd'hui l'histoire des ultimes représentants de la dynastie hova soient attirés tantôt par l'un, tantôt par l'autre des deux caractères spécifiques et contraires de cette dynastie, selon qu'eux- mêmes se sentent plus ou moins politiquement « engagés » dans les actuelles discussions sur les peuples d'outremer. Pour certains, le gouvernement royal malgache ne fut jamais, malgré les apparences, qu'une cour de satrapes quasi orientaux, cruels et sans scrupules; pour d'autres au contraire, il présentait une forme déjà évoluée, solide et sage, basée sur des principes éprouvés à l'instar de ceux que les occidentaux avaient élaborés pour servir à l'administration des hommes. Or, entre ces deux points de vue extrêmes, il y a évidemment place pour un troisième : celui de la vérité. Et il semble bien que le grand mérite du présent livre que AIM. Mondain et Chapus ont consacré à Rainilaiarivony est précisément d'exposer les faits et les documents en historiens consciencieux et scrupuleux, sans tenter de les torturer, pas même de les gauchir, pour les contraindre à servir dans un camp ou dans un autre. Leur héros, qui fut premier ministre sous plusieurs souverains, fut le meilleur « témoin » en même temps que le meilleur « acteur » de cette double tendance coutumière et moderniste qui caractérisait à F époque la cour de Tananarive. A lire l'ouvrage de nos auteurs, on le voit vivre, penser, réagir de ces deux façons et ses biographes, heureusement, ne songent nullement à atténuer l'un ou l'autre de ces aspects. De même, leur plume vivante et pittoresque sait admirablement ressusciter la société hova de l'époque en évoquant tout ce qui dans son genre de vie la rattachait à des traditions ou des coutumes vraiment malgaches, dont beaucoup nous apparaissent encore comme assez frustes, et tout ce qui, au contraire, était inspiré, ou copié sur un occidentalisme de manières ou d'usages que les occidentaux eux-mêmes s'ingéniaient à encourager par l'envoi aux souverains d'Andohala de présents souvent très « modern'style ». Mais, grâce à Dieu, MM. Mondain et Chapus après avoir décrit les faits ne nous imposent pas une théorie explicative : au lecteur de juger sereinement d'après les pièces et témoignages versés aux débats. Il en est de même pour une autre question fort délicate apparue en ce livre, celle de la présence française à Madagascar, qui s'est affermie et réalisée de façon plus précise au cours des longues années où Rai- nilaiarivony dirigea la politique intérieure et extérieure de l'Imerina. Là encore, les auteurs n'ont eu pour soin majeur que d'apporter des faits exacts, contrôlés et recoupés, notant également, en toute équité, les explications données par les deux parties à leurs actes ou à leurs démarches. Et beaucoup, peut-être, s'apercevront alors, à la lumière de ces informations nouvelles, que la vraie question aux alentours de 1880-1890 à Madagascar était bien moins de savoir si la France allait ou non s'y établir que de savoir, à défaut d'une présence française, quelle autre nation étrangère ne manquerait pas d'imposer la sienne. Or, cette question n'est-elle pas tout aussi actuelle qu'à l'époque de Rainilaiarivony ? N'est-elle pas le drame émouvant de tous ces états dont l'organisation n'arrive pas à se parfaire par suite d'une structure interne mal définie, de tous ces états, à la fois très jeunes et très vieux, qui avan- cent dans notre rigoureux vingtième siècle en boitant d'un pied dans la légende et d'un pied dans l'histoire? Enfin la grande réussite de ce travail sérieux et consciencieux est d'avoir campé de façon magistrale le personnage de Rainilaiarivony lui-même. Grâce à cet ouvrage d'historiens français, nul doute que beau- coup de Malgaches, même appartenant à l'élite, apprendront sur l'ancien premier ministre et son époque des données insoupçonnées. Et là encore l'oeuvre juste et mesurée de nos deux auteurs permettra sans doute d'évi- ter ces excès de jugement qui tendraient à faire, du confident des der- nières reines hovas, soit un pur héros national, soit un homme d'état essentiellement tortueux et fourbe. A dire vrai, l'impression que l'on ressent en fermant le livre de MM. Mondain et Chapus est que leur héros se situe surtout hors de son temps, et hors de son pays. Héros national, il ne saurait l'avoir été, car il se plaçait trop loin, de par sa classe, sa caste et sa valeur, des masses populaires dont les héros nationaux sont toujours les émanations, directes et immédiates. Diplomate retors et constamment fallacieux, comme l'accusent d'être certains, Rainilaiarivony ne mérite pas non plus ces épithètes extrêmes, car il eut, lui aussi, sa franchise, son courage et sa loyauté. Il fut exactement un homme d'exception, venu ou trop tôt ou trop tard dans une société qui n'était pas à sa mesure, car à travers ses écrits ou ses actes on pressent qu'il a compris beaucoup plus de choses et t-'u beaucoup plus loin que maints parmi ses partisans, ou même ses adver- saires. Aussi en arrive-t-on à se demander si ce n'est pas plutôt dans les ultimes instants, dans les ultimes pensées de sa vie qu'il convient de rechercher et de trouver la vérité de cet homme quasi historique, à travers son visage de vieillard, lorsqu'il parvint à une sérénité et une paix inté- rieure qui prenaient sans doute leurs raisons dans l'autre paix, dans l'autre sérénité qui, à l'époque, régnait à nouveau grâce à la France sur les hautes terres de son pays d'îmerina, et dont plus que personne il était capable de savourer la valeur et le prix. AVANT-PROPOS La personnalité de Rainilaiarivony constitue, parmi les Malgaches, l'une de celles qui se sont élevées jusqu'ici à la plus haute stature; et comme elle se dresse, d'autre part, sur le piédestal social que forme le premier poste administratif de l'Etat, on comprend qu'elle s'impose aux regards de tous ceux, tant Européens que Malgaches, qui éprouvent quelque intérêt pour l'histoire de notre île. Dès les premiers temps de mon séjour à Madagascar, j'avais été frappé par le fait qu'il n'existait encore, de la plupart des hommes d'Etat malgaches, aucune biographie digne de ce nom. Il m'était donc possible de choisir celui dont la personnalité et l'œuvre me paraîtraient le plus mériter un travail de longue haleine. Après avoir penché pendant longtemps pour Radama Jer, ce fut à Rainilaiarivony que je décidai finalement de m'attacher parce qu'il me paraissait être l'un des plus « représentatifs » parmi les Merina et que la durée de son gouvernement avait coïncidé avec la période pendant laquelle les initiatives européennes furent le plus actives dans le pays. Il y a quelque six années de cela et je n'ai jamais eu à regretter depuis le choix que j'avais fait. Rainilaiarivony n'a aucunement trompé mon attente. Son journal ou sa correspondance, malgré toutes les réserves qu'ils peuvent comporter, m'ont toujours paru dignes d'être comptés parmi les documents tout au moins psycholo- giques les plus intéressants que j'ai eus en main. Je voyais même souvent la forte personnalité du Premier Ministre se projeter sur celles de ses contemporains et en quelque sorte les vivifier. Nul parmi ceux qui ont écrit à son sujet, ne l'a fait d'une façon quelconque et en termes froids. Bien au contraire. Ma seule crainte est de ne pas avoir été à la hauteur de mon entreprise, de ne pas en avoir mesuré assez exactement les difficultés et de n'avoir pas produit tout ce qu'il y avait d'intéressant a dire sur ce vaste et beau sujet. Des lacunes apparaîtront sans doute à ceux qui liront cet exposé. J'en serai d'autant moins surpris que j'en ai quelque conscience moi-même. Mon travail a été facilité et complété par la bonne volonté de la plupart de ceux auxquels j'ai eu recours et rien ne saurait m'être plus agréable que de le déclarer ici.