Université d’

Faculté de Droit, d’Economie, de Gestion et de Sociologie

Département de Sociologie

LABORATOIRE III

Recherche Interdisciplinaire en Politique, Gouvernance et Développement

Mémoire de Maitrise

ESSAI D’ANALYSE DE LA CRISE DE 2009- 2011 A

Présenté par : RALAINONY Stéphane Richard

Membres du jury

Président : Mr ETIENNE Stefano Raherimalala, Maître de conférences

Juge : Mr ANDRIAMAMPANDRY Todisoa, Maître de conférences

Directeur de mémoire : Mr RASOLO André, Maître de conférences

Date de soutenance : 11 Juillet 2012 Année Universitaire : 2010- 2011

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“““ Ny olona mahay mihaino sady tsy miteny firy dia manmananganaangana hery lehibe sy afaka mamoaka hevihevi----dalinadalina »»»

The person who listen carefully and who speak rarely that person build a great force and can expose an analysis ininin-in ---depthdepth

Une personne qui sait écouter et qui parle rarement est une personne qui érige une grande force et capable d’exposer une analyse approfondie ...

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Essai d’analyse de la crise de 2009-2011 à Madagascar

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Remerciement

Nous remercions les personnalités suivantes pour leurs partages d’expériences et de savoirs.

 Mr. Serge ZAFIMAHOVA  Mr. Fetison RAKOTO ANDRIANIRINA  Mr. Joseph RANDRIAMIARISOA  Mr. Willy RAZAFINJATOVO  Aux autres informateurs qui ont voulu gardé l’anonymat.

Je tiens également à adresser ma profonde gratitude envers les membres du jury à savoir :

 Dr. Stefano Raherimalala ETIENNE, le président du jury  Dr. Todisoa ANDRIAMAMPANDRY, le juge  Dr. André RASOLO, notre directeur de mémoire

Mes vifs remerciements à toutes les personnes suivantes :

 Mme. Lalaoarisolo RAZANAMANGA  Mme. Christine RASOAMISAMANANA  Mlle. Hariliva RAKOTOARISOA  Mr. Olontiana Mahenintsoa RAZAFINTSALAMA

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SOMMAIRE

Remerciements

Introduction générale

Partie I : Les Républiques de Madagascar dans une crise cyclique Chapitre I : Les crises cycliques Chapitre II : Concepts et théorie générale de l’action Partie II : La conquête du pouvoir par Chapitre I : La pratique politique du président Ravalomanana Chapitre II : Les rites politiques pour s’accaparer du pouvoir Partie III : Le processus interminable de la mise en place de la Transition Chapitre I : Les actions sociales dans la transition Chapitre II : Chevauchement du champ politique et du champ économique Conclusion générale Bibliographie Table des matières Acronyme Liste des tableaux Liste des graphes Annexes Résumé Abstract

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Introduction Générale

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INTRODUCTION GENERALE

En demi-siècle d’ « indépendance », le Continent Africain souffre de tous les maux : famine, pauvreté extrême, sécheresse, épidémies, maladie « incurable » comme le S.I.D.A, guerres civiles, coups d’Etat, etc. Tels sont les plus exposés médiatiquement. Sur le plan politique, en faisant le survol de l’histoire de la quasi-totalité des pays Africains, nous constatons que le dénominateur commun était et demeure le putsch. Le recensement des tentatives de coups d’Etat et des putschs en Afrique du 9 Avril 1999 jusqu’au 17 Mars 2009 est très révélateur : sur trente trois 1 tentatives de prises de pouvoir et de prises de pouvoir illégales -c’est-à-dire hors normes- vingt-cinq tentatives de coup d’Etat et coups d’Etat ont eu lieu dans les pays francophones, quatre dans les ex-colonies portugaises, trois dans des pays anglophones et un dans un pays anciennement colonisé par l’Espagne. En moyenne donc, il y a 3,3 tentatives de coup d’Etat et de coups d’Etat par an en Afrique. Tout ceci revient à dire que la stabilité politique demeure hautement fragile dans plusieurs Etats africains, et particulièrement, en Afrique francophone. Il n’y a rien d’étonnant donc si la plupart des « failed States » sont des pays Africains. Cette statistique valide en même temps la formule communément admise selon laquelle Afrique francophone rime avec coup d’Etat.

Choix du thème :

Faisant partie de cette Afrique francophone, Madagascar ne fait pas l’exception. Depuis que Madagascar a retrouvé son indépendance en 1960, il a connu quatre grandes crises que les experts en science sociale qualifient de crises cycliques. Ce qui est alarmant, c’est que depuis le troisième millénaire, Madagascar enregistre déjà deux crises, celles de 2002 et de 2009. Académiquement parlant, ces crises sont des pains bénis, aussi bien pour les irénologues, les économistes, les politologues, les psychologues, les historiens, que pour les sociologues. Ainsi, celles-ci constituent de parfaits objets d’étude méritant une profonde réflexion. C’est dans cette optique que notre sujet de recherche intitulé « Essai d’analyse de de la crise de 2009-2011 à Madagascar» propose une analyse et une lecture de la situation Malagasy.

1 Recensement et calcul à partir des documents personnel. Le chanteur Alpha Blondy, quant à lui, avait avancé un chiffre lors d’une interview sur B.B.C (British Broadcasting Corporation), le 29 Mars 2011 selon lequel, 80% des dirigeants africains accèdent au pouvoir par un coup d’Etat. 1

Choix du terrain : Le choix du terrain -Antananarivo- est hautement stratégique. A fortiori, la capitale de Madagascar est une zone de concentration de pouvoir, nous pouvons même avancer qu’elle est surconcentrée, vu que presque tous les régimes ont succombé dans la ville des mille. La région Analamanga en général, et la capitale de Madagascar en particulier, est bel et bien une cité politique par rapport aux autres régions de l’île.

Problématique : Le noyau central de notre investigation s’articule autour de la question suivante : comment expliquer la fossilisation de la situation anomique dans le champ sociopolitique Malagasy?

Hypothèse : A posteriori, la pratique politique malagasy constitue un facteur de blocage à toute innovation. D’autant plus que celle-ci est continuellement perpétuée par des politiciens entraînant sa pérennisation. Il en résulte alors son incorporation dans la culture personnelle des politiciens, influant sur la culture politique à Madagascar.

Objectifs : La présente recherche a pour objectif global d’élucider la crise sociopolitique malagasy tout en dégageant une piste de réflexion. Comme objectif spécifique, nous tenterons de déceler certains aspects de cette crise. De ce fait, nous pouvons révéler la face cachée de l’iceberg que la majorité ont oubliée ou font exprès d’ignorer dans leur lecture vulgaire ou dans leur analyse de la réalité sociopolitique à Madagascar. Pour ce faire, nous allons scruter les différentes crises Malagasy dans le but de voir les éléments statiques.

Portés et limites de la recherche : Mentionnons maintenant les portés et les limites de cette recherche. Primo, ce travail fait à la fois une analyse holistique et individuelle, c’est-à-dire qu’il prend en compte le « tout » tout en examinant la particule, l’atome qui constitue ce « tout ». Secundo, il fait appel aux diverses disciplines (Psychologie, irénologie, anthropologie, économie, histoire, etc.) pouvant élucider quelques zones d’ombres.

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Tertio, certaines informations ne sont pas analysées dans cette recherche car nous sommes soumis à l’éthique de la recherche. Quarto, ce travail ne tient pas en compte quelques variables et paramètres tels que le jeu d’alliance entre les anciens présidents de la République, la/les feuille(s) de route et les conséquences économiques de la sanction internationale. Etant conscient que notre travail est un sujet incendiaire pour certaines classes politiques Malagasy, gênant pour d’autres, voire tabou, nous adopterons une méthodologie permettant de combler le vide dû à la culture du « secret », nous obligeant ainsi à fouiller dans l’inconscient individuel et collectif de l’élite gouvernementale et non gouvernementale.

Méthode d’analyse : De par la nature de la théorie parsonienne (théorie générale de l’action), notre méthode d’analyse est le structuro-fonctionnalisme. Celui-ci est l’une des variantes du fonctionnalisme. Ce courant de pensée explore l’intégration et l’interdépendance des différents éléments qui composent la société. Le concept de structure renferme trois notions : la totalité (holisme), la transformation et l’autorégulation. Dans le fonctionnalisme, la société est conçue comme un organisme dont chaque partie remplit une fonction.

Rubrique épistémologique : En ce qui concerne la rubrique épistémologique de notre recherche, elle se situe entre le croisement de la sociologie politique et de l’irénologie (peace research ou recherche de la paix). L’irénologie est une discipline née en Europe vers 1945, particulièrement dans les pays scandinaves ayant comme vocation d’étudier le phénomène de la paix. Cette discipline fait partie des branches interdisciplinaires car elle a recourt à d’autres disciplines comme la sociologie, l’anthropologie, la psychologie, la politologie et le droit pour analyser son objet.

Afin d’éviter toute subjectivité qui sera nuisible à notre analyse, nous avons pris une précaution. Nous avons alors procédé à l’examen de notre tendance politique dans la vie quotidienne pour éviter d’être submergé par celle-ci. De ce fait, nous pouvons nous détacher de notre culture de la société tout en essayant d’accéder à la culture scientifique qu’un tel travail requiert.

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Techniques de recherche : Quant aux techniques utilisées lors de notre travail de recherche, nous avons essentiellement recouru à l’interview avec comme outils les guides d’entretien (cf. Annexe I). Et comme toute la recherche en science sociale qui requiert une technique non négligeable, nous avons recouru à l’observation et à l’observation documentaire. Une enquête a été aussi menée auprès de la population de la région Analamanga. Quelques critères ont été utilisés pour pouvoir modéliser cette population. La population d’enquête est composée majoritairement par des ruraux 2, des protestants 3, le sexe féminin 4 et des jeunes. Ces quatre critères peuvent être retenus pour que notre « micro société » à observer, soit similaire à la réalité. Aussi, la méthode de quotas est-elle utilisée dans le cadre de cette recherche. Notre enquête a été donc effectuée dans deux milieux bien distincts : milieu urbain (Commune Urbaine d’Antananarivo) et milieu rural (Commune Rurale d’Ambohidratrimo). Comme outil utilisé pendant l’enquête, on a eu recours au questionnaire semi-ouvert. (cf. Annexe II) Ci-dessous nous pouvons voir l’échantillon de notre population. Tableau 1 : Représentation de la population à étudier Féminin Masculin Total Urbain Rural Urbain Rural Protestant 5 6 4 9 24 Catholique 3 12 0 6 21 Autres 5 0 2 1 3 6 Total 8 20 5 18 51 Source : Enquête personnelle, 2012.

2 Selon l’E.P.M 2010 de l’I.N.STAT, 79.7% de la population résident dans le milieu rural. 3 Oliver JÜtersonke, Moncef Kartas et al, 2010, Peace and Conflict Impact Assessment (P.C.I.A) Madagascar, Centre on Conflict, Development and Peacebuilding (C.C.D.P) Graduate Institute of International and Development Studies, Geneva. Selon les données, la population chrétienne d’Antananarivo est divisée comme suit: l’Eglise protestante F.J.K.M a 46%, l’Eglise catholique (E.CA.R) a 39%, L’Eglise Luthérienne (F.L.M) a moins de 4%, l’Eglise anglicane (E.E.M) a 1, 3%, l’adventiste a 1,3% et les autres groupes protestants 7%. P39 4 Selon les statistiques non officielles, environ 52% de la population d’Analamanga est composé de femme. 5 Luthérien, Jesosy Famonjena, Pentecôtiste, Islam et non croyant. 4

Graphe n °1: Représentation graphique de la population d'enquête

Rural Urbain Masculin Autres[1] Rural Catholique Sexe milieu etSexe Urbain Féminin Protestant 0 2 4 6 8 10 12 14

Effectif

Ce tableau appuyé par le graphe nous montre que sur le total de la population observée, la confession protestante est légèrement supérieure à celui de la confession catholique. Une lecture verticale nous montre que le total du sexe féminin est supérieur par rapport à celui du sexe masculin .

Avant de terminer cette introduction, nous allons procéder à la présentation du plan de ce travail. Dans la première partie intitulée «Les républiques de Madagascar dans une crise cyclique », nous exposerons les raisons de l’instabilité politique à Madagascar, mais aussi, comme la tradition académique le veut, la théorie que nous comptons utiliser, ainsi que la mise en lumière de quelques concepts y seront explicitées. Dans la deuxième partie, « La conquête du pouvoir par Andry Rajoelina », nous proposerons d’examiner la pratique politique de Ravalomanana ainsi que la façon dont Rajoelina a pris le pouvoir entre les mains du premier. Et dans la troisième partie, « Le processus interminable de la mise en place de la transition », nous analyserons les acteurs engagés dans cette institution de la transition ainsi que les effets de la crise dans l’environnement social.

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Partie I : Les Républiques de Madagascar dans une crise cyclique

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Partie I : Les Républiques de Madagascar dans une crise cyclique

« If we do not learn from history, we are destined to relive it »6 Proverbe

En 1958, quand Madagascar a reconquis sa souveraineté, un nouvel espoir était né chez le peuple Malagasy alors que les « hommes du pouvoir » sont divisés entre eux : sommes-nous prêts pour faire face à notre destin questionnaient certains, Quel type de régime adopter ? Qu’allons-nous faire de Madagascar ?etc. se demandaient les autres. Visiblement, le doute s’installait au sein du corps politique Malagasy. Celui-ci influait, et a des répercussions dans la manière de diriger le pays mais aussi, et surtout, dans la vie sociale. Comme impact dans le système politique, Madagascar devient parmi les pays abonnés à des crises. C’est dans cette optique que le chapitre I diagnostiquera les crises répétitives à Madagascar, le chapitre II exposera les concepts ainsi que le cadrage théorique.

Chapitre I : Les crises cycliques

A- La crise de Mai 1972 : Une décennie après l’ « indépendance » Madagascar demeure sous l’emprise de la France. L’économie Malagasy était entre leurs mains, le domaine politique était téléguidé à partir de l’Elysée, menant à une relation incestueuse avec la politique française mais aussi à une ignorance quasi-totale de la culture Malagasy 7 le condamnant consciemment et/ou inconsciemment à une « mort spirituelle »8. Tel est en général l’environnement à Madagascar ante crise.

Politiquement parlant, trois grandes forces politiques interagissent dans le champ sociopolitique des années 70.

6 Littéralement : Si nous n’apprenons pas à partir de l’histoire, nous sommes destinés à revivre cette histoire. 7 Les élites « n’ont pas su intégrer et rassurer le peuple dans la Constitution par rapport aux traditions » Interview avec Serge Zafimahova le 26 Octobre 2011. 8 L’Express de Madagascar, 23 Septembre 2010, n°4724. Conférence sur le « Patrimoine et création contemporaine, la dimension culturelle du développement » Jean-Marc Boyer, « Ne pas soutenir la culture, c’est condamner le pays à une mort spirituelle » 6

La première est la force dirigeante du pays, le Parti Social Démocrate (P.S.D). Ce parti fondé en 1956, peut être considéré comme la transmutation du Parti des Déshérités de Madagascar (PA.DES.M). De ce fait, il est constitué majoritairement par des « côtiers ». L’analyse de l’interaction « intra-P.S.D » explique en grande partie sa chute. Le régime P.S.D. est fortement personnalisé à l’image de son fondateur Tsiranana. Ainsi, alors que sa figure « emblématique » était hospitalisée à Paris suite à une attaque d’hémiplégie au début de l’année 1970, un vide dangereux s’installe autour du pouvoir. Ceci, mal géré par le président, a provoqué une course enragée et fatale à la succession de Tsiranana. André Resampa était parmi les victimes de celle-ci. Resampa était le ministre de l’intérieur et en même temps secrétaire général du parti présidentiel. Implicitement, il est le successeur d’office de Tsiranana vu sa fonction et son rôle au sein du parti et au sein du régime (Resampa est le vice-président de Tsiranana). Il a d’ailleurs dit qu’ « En 1970, le Président de la République a fait une déclaration comme quoi il me nommait premier vice-président parce que j’étais jeune, parce que j’étais dynamique, parce que j’étais l’avenir du pays. Que ministre de l’Intérieur et secrétaire général du parti, je sois aussi nommé premier vice-président, ce fait va évidemment faire peur à beaucoup de gens. Et on me considérait déjà comme dauphin. Donc dès ma nomination comme premier vice-président, il s’est constitué au sein du P.S.D ou plus exactement parmi les grands camarades du P.S.D un comité qui avait pour but de m’empêcher de devenir dauphin (…) »9 Dans cette optique, les membres du gouvernement et du P.S.D étaient plus focalisés sur leurs affaires internes, particulièrement au futur président de la République, que sur les affaires nationales. Ce fait a permis une certaine marge de manœuvre à une force politique que nous allons voir plus tard. Pour discréditer Resampa, son/ ses adversaire(s) politiques a/ont mis en ouvre une stratégie (alimentée par une querelle personnelle) consistant à convaincre ou à forcer le président de le reléguer de ses fonctions. Visiblement, cette stratégie aboutira à un changement dans le gouvernement. Resampa devenait le ministre de l’Agriculture et en même temps devenait deuxième vice-président après Calvin Tsiebo. Ceci était la première phase de la « dérésampisation »10 . La seconde phase consistait à le destituer de ses postes (Ministre de l’Agriculture et S.G du P.S.D) en l’accusant de fomenter un complot avec la première

9 André Rasolo, Autour de Mai 1972 : La question du pouvoir, Cahiers des sciences sociales, n°1, Filière Sociologie E.S.D.E.G.S, Antananarivo, Université de Madagascar, 1984, P.12 10 André Rasolo, Op.cit, P.11 7 puissance mondiale 11 (Etats Unis d’Amérique). Par conséquent, il était arrêté et incarcéré à Sainte Marie le 1 er Juin 1971 et banni de toutes ses fonctions. Le processus de « déresampisation » étant achevé avec son arrestation.

Un autre fait important de l’époque du régime P.S.D était ses politiques économiques et diplomatiques très impopulaires que les faiseurs d’opinions ont pu capter pour les utiliser contre le régime, dans le but de l’affaiblir. Le premier fait est l’ « affaire des Grands Moulins de Dakar ». En 1969, cette société proposait la mise en valeur des ressources forestières du Nord-Est de la Grande Ile en échange de la construction d’une minoterie à Toamasina et d’un chai à vin. 12 L’accord entre l’Etat malagasy et cette société a suscité le mécontentement de certaine population très attachée à son Tanindrazana et qui venait tout juste d’être violé par la colonisatrice. L’expérience coloniale était encore gravée dans la mémoire collective, le gouvernement faisait marche arrière pour éviter les problèmes. Le second fait consiste au rapprochement du régime P.S.D au régime d’apartheid de l’Afrique du Sud. Celui-ci se manifestait par la venue du ministre des Affaires étrangères de l’Afrique du Sud, Hilgaard Muller pour conclure un accord économique avec Madagascar. 13 Un projet de construction d’un port en eau profonde a été alors prévu en coopération avec l’Afrique du Sud, la Grande Bretagne, la République Fédérale de l’Allemagne, la France ainsi que les organismes internationaux. 14 Sur le plan moral et éthique, l’opinion Malagasy condamnait ce projet vu l’implication du régime raciste Sud Africain.

Comme nous venons de mentionner ci-haut, le régime P.S.D était en pleine lutte intestine laissant une fissure dans sa gestion de l’affaire nationale. Parmi celle-ci, il y avait l’insurrection populaire dans le Sud les mois de Mars-Avril 1971 menée par le leader charismatique du M.ONI.MA (Madagasikara Otronin’ny Malagasy), . C’est dans cette logique que le M.ONI.MA constituait la deuxième force politique de l’époque, cela malgré son implantation dans le Sud. Cette insurrection était essentiellement motivée par deux raisons.

11 Sylvain Urfer, L’espoir et le doute. Un quart de siècle malgache, Foi et Justice, Antananarivo, Mars 2006, P.12 12 André Rasolo, Op.cit, P.8 13 André Rasolo, Op.cit, P. 10 14 André Rasolo, Op.cit, P. 9 8

Il y a d’abord la raison socio-économique. Les paysans du Sud refusent de payer l’impôt annuel de capitation 15 car celui-ci fait obstacle à leur capital symbolique qu’est le bétail. En plus de cette situation, l’environnement climatique dans le Sud comme la sécheresse entraînant la famine, aggrave fortement la situation. Ensuite, le parti de Monja Jaona a un ancrage territorial dans le Sud et il est même considéré comme le parti politique le plus populaire à Toliara. Malgré l’adhésion en masse de la population du Sud, le M.ONI.MA n’est pas représenté au parlement censé défendre l’intérêt de la population en général. De ce fait, c’est le P.S.D qui représente la population du Sud aux dépens du parti connaissant et pouvant entièrement défendre leur cause. La seconde raison est ainsi purement politique. Ce mouvement populaire dans le Sud est le signe précurseur de la chute du régime Tsiranana. Avec la grève des étudiants de Befelatanana qui s’est vite propagée dans le champ éducationnel (lycées et université) et qui sait rallier à leur cause les syndicats des travailleurs, toutes les conditions ont été presque réunies en plus de la faiblesse interne du P.S.D pour précipiter sa chute. La solution conçue par le régime était de déporter les étudiants et les universitaires à Nosy Lava la veille du 13 Mai 1972. Cette action a amené ces derniers à occuper l’avenue de l’indépendance où se trouvait l’hôtel de ville et agir. Paniqué, Tsiranana et consort ont tiré sur les manifestants entrainant des morts. De son côté, l’hôtel de ville a été incendié par les manifestants. C’est ainsi que la Place du 13 Mai a vu le jour et devenu un lieu hautement symbolique. Ce qui est intéressant dans ce Mai 72, est le fait que celui-ci n’a pas été mené par des personnels politiques mais par contre, a occasionné la naissance d’une future élite gouvernementale qui va par la suite devenir des acteurs majeurs dans la sphère politique Malagasy.

La troisième force politique de l’époque est l’Antokon’ny Kongresin’ny Fahaleovantenan’i Madagasikara (A.K.F.M) mené par Richard Andriamanjato. Ce parti aurait du être une alternative pour les jeunes lycéens et universitaires mais il n’a pas pu capter l’opinion publique en sa faveur. Au contraire, il s’est rangé du côté du régime P.S.D. Ce qui fait que l’A.K.F.M a « repoussé » les personnes qui devraient être censées le mener au pouvoir.

15 Cet impôt de capitation a été introduit par Gallieni. Il fait partie de sa politique de pacification, de ce fait, c’est une des séquelles de la colonisation. 9

La solution que Tsiranana avait adoptée consiste à remettre le pouvoir à l’armée considérée comme neutre.

B- La crise de 1991 : Sur le fond, la crise de 1991 a un lien non visible à l’œil nu avec la situation post crise 1972. Comme nous l’avons mentionné ci-haut, les leaders du mouvement de Mai 1972 ne sont pas des professionnels en politique mais des étudiants regroupés au sein du Komity Iombonan’ny Mpianatra (K.I.M), taxant la malgachisation et le départ des colons. Ainsi, 16 a su accaparer le soubassement de la revendication pour le faire sien et le raccorder avec l’attente de la population. En Août 1975, il a alors récupéré les « aspirations populaires » en l’introduisant d’abord dans son livre rouge ou La charte de la révolution Socialiste Malagasy, ensuite en l’instituant par son plébiscite à la tête de la Nation, ce qui fait que la Constitution a un ancrage socialiste.

A l’époque, le socialisme était à la mode surtout pour le Tiers-Monde qui veut se libérer de l’emprise des colonisateurs. Comme les autres pays du Sud, Madagascar a opté pour le socialisme et a choisi comme pays partenaires la Corée du Nord et l’Union des Républiques Socialistes Soviétiques (U.R.S.S). A la place des conseillers militaires ou civils et d’assistants techniques français, la Grande Ile a introduit des conseillers militaires et civils et d’assistants techniques soviétiques. Comme conséquence de cette politique mal conçue, mal gérée et incohérente à la situation Malagasy, la situation économique du pays a connu une dégradation chronique 17 . Cela revient à dire que le modèle économique socialiste, à savoir l’économie administrée et l’interventionnisme de l’Etat 18 n’était pas une solution pour la majorité des Malagasy. En même temps, la famine et la malnutrition guettent les ménages Malagasy malgré la solution adoptée par l’Etat qui avait décidé de distribuer des Produits de Première Nécessité (P.P.N) au niveau des Fokontany. De son côté, Ratsiraka et son entourage nationalisent tous les secteurs économiques et financiers importants du pays. Dans cette logique de l’idéologie du

16 Didier Ratsiraka, Manandafy Rakotonirina, Richard Andriamanjato et Monja Jaona étaient les artisans du socialisme Malagasy. 17 Sylvain Urfer, Op.cit, P.25. « la balance commerciale, structurellement déficitaire de l’ordre de 10 à 15 millions de franc malgaches (Fmg) chaque année, accuse un déficit annuel de 8 à 10 milliard Fmg depuis 1979. (….) la dette publique extérieure a pris une ampleur dramatique, dépassant actuellement 1,5 milliard de dollards, pour un P.N.B estimé à 3 milliard de dollars environ en 1984. 18 François Roubaud, Identités et transition démocratique : L’exception Malgache ?, Tsipika/L’Harmattan, Antananarivo/Canada, 2000, P.9 10 socialisme, l’Etat Malagasy monopolisait les informations et tentait d’ériger un parti unique par la mise en place du Front National pour la Défense de la Révolution (F.N.D.R). Seuls les partis membres de ce front ont le droit de parler et de siéger au sein des institutions de la République. Il en résulte que l’espace de dialogue est verrouillé par le pouvoir et toute information circulant dans la société est minutieusement contrôlée et manipulée. Face à cette situation d’appauvrissement et de censure, le Hery Velona Rasalama a vu le jour après les Concertations nationales (Août et Décembre 1990) menées par le Fiombonan’ny Fiangonana Kristianina eto Madagasikara (F.F.K.M) 19 .

Sur le plan international, il y avait l’exigence de l’instauration de la démocratie comme une des conditions sine qua non à toute aide. Du coup, la démocratie devenait la mode 20 . Instrumentalisée et accaparée par les leaders de l’opposition, la démocratie devenait une des revendications centrales en 1991. Dans cette même logique, la société Malagasy veut adhérer aux valeurs universelles et s’affirmer comme étant membre de la société mondiale. Cela afin d’éviter d’être stigmatisé et qualifié de déviant aux yeux de la communauté internationale. Longuement paralysée par la peur des représailles, la population pouvait manifester son mécontentement envers le régime suite à un rassemblement mené par l’opposition le 1 er mai 1991 au stade Coum des 67 ha.21 Ignorée et méprisée par Ratsiraka, la grève s’intensifiait et se propageait dans les provinces de Madagascar. Le mouvement commençait à descendre dans la rue (10 Juin 1991) en exigeant le changement de Constitution. Le Hery Velona Rasalama demandait alors le départ de Ratsiraka avant 26 Juin 1991 mais ce dernier persiste et reste au pouvoir. Le trentième anniversaire de l’indépendance était en effet, boycotté par le Hery Velona Rasalama qui organisait leur fête sur l’Avenue de l’indépendance. Pour mettre la

19 Sylvain Urfer, Op.cit, P.41 20 La démocratie est perçue comme une chose nouvelle, attirante. Véhiculée lors des meetings de l’opposition afin d’éveiller « l’eau dormante » qu’est la société, cette doctrine et modèle occidentale est devenue une force mobilisatrice. Par cette idée, cette société est endormie (par la faim et la pauvreté) et effrayée par les représailles du régime retrouve une nouvelle souffle et un nouvel air pour « respirer ». Scipio Sighele, La foule criminelle, Essai de psychologie criminelle, ouvrage électronique « La société, sous un certain point de vue, pourrait être comparée à un grand lac tranquille, dans lequel on jette de temps en temps une pierre ; les ondes vont en se propageant du point où la pierre tomba jusqu'à la rive. Il en est ainsi du génie dans le monde : il lance une idée au milieu de l'eau dormante des intelligences médiocres, et cette idée, d'abord peu appréciée et peu suivie, s'étend dans la suite comme les rides du lac. »P.44 21 R.O.I, Août 2011, n°328, P.42. C’est au cours de cette manifestation qu’on a brûlé un exemplaire du Livre rouge et l’effigie de Ratsiraka. 11 pression et afin de structurer le rapport de force, le Hery Velona Rasalama a mis en place un gouvernement insurrectionnel. Rakotoharison Jean, un général, devient le « chef de l’Etat » et Zafy Albert le « premier ministre ». Six jours après, ils ont procédé à la nomination et à l’installation des ministres du gouvernement insurrectionnel. Face à cette nouvelle donne, le premier ministre Ramahatra Victor a déclaré l’état d’urgence. Ceci reste en vain car le rapport de force n’était pas brisé. Le 8 Août, Didier Ratsiraka décidait alors de nommer le maire de la capitale, Razanamasy Guy Willy, à la tête du gouvernement pour « garantir la paix sociale, faire tourner la machine administrative et élaborer une nouvelle Constitution ». 22 Le Hery Velona Rasalama avait alors apparemment gagné une bataille vu que Ratsiraka voulait « élaborer une nouvelle Constitution ». Cette victoire n’est qu’une illusion pour mettre en veille la manifestation. Le 10 Août 1991, les leaders du mouvement ont organisé une « Marche de la liberté » sur Iavoloha, le palais d’Etat -donc une zone rouge- pour « rencontrer » Ratsiraka. Cette marche a tourné en tragédie. Des morts et des blessés ont été observés. Six jours après, la province de Toamasina s’autoproclamait Etat fédéré, puis les autres provinces à l’exception d’Antananarivo lui emboitaient le pas. Ce dernier est ainsi, imaginairement enclavé. Cette auto proclamation n’avait pas une conséquence voulue (conservation du pouvoir et captation des rentes étatiques) car, structurellement le pouvoir est concentré dans la capitale.

L’instrument pour entrer dans une « phase normale » était la signature de la Convention de Panorama, instituant la Transition.

22 R.O.I, Op.cit, P.42-43 12

C- La crise de 2002 : En 1997, Ratsiraka retourne à Madagascar et devient le héros de la Nation avec ses nouvelles idées. Il a réussi un grand « coup » en revenant au pouvoir après son exil. Après avoir épuisé son mandat vers la fin de l’année 2001, il décidait encore de courir car les relèves ( et ) n’étaient pas encore prêtes à le succéder. Alors que le camp Ratsiraka était en pleine lutte intestine, les politiciens se sont réunis à Manambato le 3 février 2001 pour désigner un candidat pour faire face au président sortant à la prochaine élection. Comme conclusion de cette réunion, ils ont décidé « qu’il est grand temps, maintenant, et dès la prochaine élection présidentielle, d’avoir un président de la République Merina ». 23 Une nouvelle demande apparait donc sur le marché politique, il ne reste qu’attendre que la demande et l’offre se rencontrent sur le marché. Un sujet tabou venait alors d’être brisé parce qu’il y avait une loi non écrite qui veut qu’un Merina ne devrait pas être président de la République. Ravalomanana, maire d’Antananarivo et fondateur de l’empire Tiko, devenait alors le candidat idéal. Il a le « moyen, l’idée et l’équipe »24 , la trilogie pour accéder au pouvoir, d’un côté. De l’autre côté, il est considéré par la population comme l’homme « nouveau » (« olom- baovao ») dont l’imaginaire de la population s’attendait depuis longtemps. Ainsi, il répondait exactement à la fois à la demande de la population 25 et à la demande des personnels politiques. Pour la première fois dans l’histoire de Madagascar, un candidat à l’élection présidentielle avait une chance de battre un candidat sortant. Ce qui était quasi-impossible auparavant car le système administratif était toujours manipulé au profit du candidat du parti présidentiel. Deux grands appuis contribuaient à la popularité de Ravalomanana : son entreprise Tiko et le F.F.K.M, plus particulièrement le Fiangonan’i Jesoa Kristy eto Madagasikara (F.J.K.M), dans lequel, il est le vice-président. Le point commun entre ces deux institutions est sa base territoriale. Il est très connu par exemple qu’au fin fond de la campagne, il existe au moins deux églises (dans la majorité des cas, Eglise catholique et Eglise protestante). D’où l’expression : « un village, deux clochers ».

23 Midi Madagascar, 5 Février 2001 n°5219. 24 Gilbert Raharizatovo, Madagascar 2002, Genèse et silence d’une crise, Edition Antanimena, Antananarivo, 2008, P.9 25 François Roubaud, Op.cit, Dans son étude menée à Antananarivo, Roubaud a montré que « près de trois quarts de la population estiment qu’un homme politique devrait avant tout faire preuve d « honnêteté ». L’ « éloquence » et le sens de la diplomatie », qualités que l’on peut habituellement attendre d’un homme politique, sont estimés secondaires »P.119. Signalons que « fahamarinana » (Honnêteté ou vérité) fait partie des slogans lors de la propagande de Ravalomanana. 13

Cette structure territoriale contribuait donc, que ce soit directement ou indirectement à la propagation de l’image du candidat Ravalomanana. Implicitement, le F.F.K.M faisait partie du point central de l’accession de Ravalomanana au pouvoir. D’ailleurs, le capital électoral au sein du F.F.K.M est non négligeable. Notons que tous les présidents de la République élus sont tous membres du F.F.K.M et plus particulièrement de l’Eglise catholique, Ravalomanana est le premier homme de confession protestante élu à la tête de la Nation et en même temps, premier président Merina. Quant à son entreprise, elle a aussi une base territoriale très élargie. Son rôle était de faire connaître le candidat Ravalomanana avec le mélange de couleur du groupe de Tiko. En effet, la couleur du candidat est étroitement associée et assimilée avec Tiko et son succès. Tiko Group faisait alors partie des forces de frappe psychologique au sein de la masse. Consommer un produit Tiko signifie inconsciemment voter pour son fondateur. Consommer un produit Tiko revient aussi à dire incorporer Ravalomanana en soi, voire l’ingurgiter. Comme Tiko est partout, Ravalomanana devient aussi omniprésent dans tous les recoins de Madagascar. Les deux institutions devenaient alors l’atout de Ravalomanana. Avec ces deux structures, Ravalomanana possédait un appareil non étatique capable de rivaliser les Appareils Idéologiques de l’Etat. Celles-ci devenaient comme un petit Etat dans un Etat. Le bras de fer s’impose du coup, parce que les deux candidats sont théoriquement en position de force.

Pendant la crise, les deux principaux rivaux font tout pour briser cet équilibre de force afin de gagner la bataille. Ratsiraka a de son côté, recouru aux militaires et isolait le noyau du pouvoir (Antananarivo) pour que la force de Ravalomanana ne se propage dans les cinq provinces autonomes. Quant à Ravalomanana, il a d’abord mobilisé la population d’Antananarivo et les autres provinces pour manifester dans la rue. Ce procédé consiste à montrer qu’il est le président légitime car la majorité de la population est dans son camp. Ensuite, il est symboliquement investi le 22 février 2002 par des magistrats. Cette investiture était considérée comme une « investiture légitime » 26 qui serait plus tard couronnée par l’ « investiture légale » parce qu’elle sera tenue en présence des membres de la Haute Cour Constitutionnelle (H.C.C). Puis, étant sûr de sa victoire, il n’a pas accepté les résolutions de Dakar (I et II). L’acceptation de celles-ci était une défaite pour Ravalomanana parce que toute concession est une marque de faiblesse dans un tel contexte. Enfin, pour briser la force de

26 Dans cette même logique, il a mis en place un gouvernement parallèle à celui de Ratsiraka. 14

Ratsiraka, Ravalomanana et ses conseillers ont engagé la guerre envers son adversaire par l’intermédiaire des Zana-dambo (Armée non régulière, composée par des réservistes). Grâce à cette armée, Ravalomanana a pu contrôler en un peu de temps le territoire Malagasy et la crise a été résolue par la reconnaissance de son pouvoir par la première puissance mondiale le jour de la célébration de l’indépendance de Madagascar. Avec l’élection législative le mois du décembre 2002, Ravalomanana a mis à terme le processus de la crise en prouvant que son parti Tiako I Madagasikara (T.I.M) a la majorité des sièges au sein de l’Assemblée Nationale.

D- Dénominateurs communs des crises Malagasy Dans la quasi-totalité des crises que la Grande Ile a traversées, nous pouvons constater des éléments statiques méritant une réflexion et pouvant servir de base dans notre analyse. Le lieu des mouvements populaires, les martyrs, les cultes religieux ainsi que les acteurs sont certains éléments constants que nous diagnostiquerons. Ceci dit, les soi-disant « révolutions » ne sont qu’ « un éternel recommencement »27

1) L’épicentre Le premier mouvement populaire post colonisation entrainait une émergence d’un lieu hautement symbolique, politiquement parlant. A l’origine, il y avait l’Hôtel de Ville d’Antananarivo et où le maire siégeait mais durant la manifestation du samedi 13 Mai 1972, cet Hôtel était incendié par les manifestants. Depuis, la place où se trouvait l’Hôtel de ville sert de podium pour les différents discours. La place du 13 Mai sert toujours d’endroit pour tous les meetings politiques. Des régimes y succombent et naissent. C’est un lieu de construction et de destruction. A un certain moment de l’histoire, la place du 13 Mai est devenue un lieu « sacré » parce que le régime l’avait déclaré zone rouge. Ce qui revient à dire que ce lieu a bien sa « puissance » et sa « force », le permettant de « contraindre » le régime. Il est alors isolé pour qu’il ne fasse pas du mal au dirigeant en place et pour que toutes menaces cessent. Signalons que presque toutes les grèves à caractère politique se propageaient dans toute l’île à partir de ce lieu. Cette rue devient alors le centre du pouvoir des conquérants.

27 L’Hebdo de Madagascar, du vendredi 10 au jeudi 16 février 2010, n°0365 15

2) « Le sang qui mène au pouvoir »28 Sur les trois crises ci-dessus, les deux à savoir celles du 1972 et du 1991 sont « mortelles ». Des pertes de vie humaines ont été observées (13 Mai et Palais de Iavoloha le 10 Août 1991). Désormais, durant tous les mouvements à l’exception de 2002 29 , les meneurs de grève donnent des vies à sacrifier tandis que ceux qui dirigent les prennent sans hésitation. La foule se trouve toujours instrumentalisée et manipulée.

Force est de constater que le fait de verser du sang accélère la chute d’un régime. Le régime Tsiranana chutait cinq jours 30 après le 13 Mai 1972, celui de Ratsiraka deux mois après le 10 Août 1991. Cela pour tout dire qu’aucun régime ne persiste après avoir tué, même s’il a raison car dans la logique weberienne, l’Etat a le monopole légitime de la force, donc il peut en user (surtout si le palais d’Etat ou les bâtiments administratifs stratégiques ou non sont menacés).

3) La sacralisation du pouvoir de la rue Presque toutes les grèves sur la Place de 13 Mai débutent par des cultes œcuméniques en général. On voit alors le rôle prépondérant du phénomène religieux dans la société Malagasy. Politique et religion sont un couple où l’une n’atteint son objectif sans l’autre. Ces cultes ont pour objectif de bénir le nouveau régime par les dirigeants des Eglises. Le nouveau dirigeant devient par conséquent « l’élu de Dieu » et un homme que le peuple a aussi « choisit ».

Durant ces cultes des versets bibliques sont utilisés pour mobiliser et pour exciter la foule. Ceux-ci deviennent par la suite des formules pour exciter la foule.

4) Les acteurs De toutes les crises, les acteurs demeurent relativement constants. On observe rarement des hommes « nouveaux » dans les mouvements populaires. Habituellement, ce sont toujours les mêmes personnes qui portent un dirigeant à la tête de la Nation et le destituent par la suite.

28 Alpha Blondy sur B.B.C le 29 Mars 2011. 29 Bien qu’il y avait des morts pendant la crise de 2002, celles-ci n’étaient pas similaire aux cas de 1972 et 1991. 30 Il donnait le pouvoir au Général Ramanantsoa 16

E- Racines de ces instabilités chroniques Bien que chaque crise ait ses « caractéristiques » spécifiques, beaucoup d’entre elles peuvent avoir les mêmes causes profondes.

1) Conception monarchique de l’Etat Théoriquement, l’Etat Malagasy est un Etat Républicain depuis 1958 mais dans la pratique nous constatons certaine dissonance entre l’Etat moderne et la monarchie. Celle-ci peut être renforcée et cristallisée par les termes juridico-politiques utilisés par les politiciens mais aussi par les « citoyens ».

Sous un regard psycholinguistique, quand les Malagasy ont recours au mot « Fanjakana » qui signifie Etat en français, son inconscient ou son subconscient émet des groupes de mots qui ont un lien avec ce mot. Le mot Fanjakana véhicule alors une idée sur les royaumes Malagasy, le « Mpanjaka » (roi) qui est intouchable et qui, en effet, doit être obéit à la lettre. Le mot Fanjakana donc déclenche une succession d’idées telles que Mpanjaka (roi)- Tompoina 31 (adorer, obéissance sans limite). Le problème se pose donc à deux niveaux. D’abord, entre le rapport que les gouvernants entretiennent avec les gouvernés. Ces derniers considèrent les dirigeants comme des rois qui ne peuvent pas faire l’objet de critiques. Tout esprit critique devient alors interdit implicitement. La culture de silence arrange alors ceux qui dirigent car ils peuvent faire tout ce qu’ils veulent faire. Ils sont libres dans ces actions. De plus, étant « sujets » des dirigeants, ils n’osent pas demander des comptes auprès de ses représentants, voire des dirigeants, mais acceptent tout simplement ce qu’ils font. Ensuite, l’autre niveau concerne les interactions au sein même du pouvoir. Si les conseillers ou les membres du cabinet de la présidence ou du cabinet des ministres ont le droit de pointer le doigt sur ce qui ne va pas dans la manière de gérer les affaires nationales, ils ne l’osent pas, par souci de perdre leurs postes. Ils ont d’ailleurs des familles à nourrir. La soumission devient en effet, une carte de sécurité. 32 Contredire donc le président, le chef du gouvernement, les ministres, etc. constitue un risque à courir auquel peu de personnes n’ose prendre. Il en résulte alors que l’inconscient collectif et la conscience collective Malagasy « fabriquent » des présidents monarques et/ou des présidents dictateurs.

31 Interview avec Serge Zafimahova, le 18 Octobre 2011. 32 Interview avec Fetison Rakoto Andrianirina, le 27 Octobre 2011. 17

On comprend alors pourquoi le mot « citoyen » est vide de sens à Madagascar, mais aussi pourquoi toute analyse qui prend en compte comme acquis la notion de citoyen est erronée. 33 Comme le disait Joseph Randriamiarisoa, sans ce citoyen opérationnel, on n’a pas d’Etat opérationnel. 34

L’utilisation des termes Ray aman-dreny (Père et mère) et Zanaka (enfants) dans les relations entre gouverné et gouvernant complique en plus la situation, étant donné que la masse ou le peuple est relégué(e) au rang des enfants. Aussi, la norme –institutionnalisée par la hiérarchie- et la valeur Malagasy et chrétienne veulent que l’«enfant » obéisse à ses « parents ». De ce fait, il ou elle ne peut ni avoir des avis ni encore l’exposer.

Pour résumer, la notion d’Etat est importée tout comme le concept de citoyen. Les Malagasy n’évoluent pas encore dans ces concepts occidentaux mais procèdent à un greffe, c’est-à-dire qu’ils mélangent la notion de monarchie et celle d’un Etat Républicain. La République Malagasy est à moitié Etat moderne et à moitié traditionnel. A cet égard le greffe empoisonne le système politique Malagasy.

2) L’auto-verrouillage du débat contradictoire En considérant le président comme un roi et le peuple comme le sujet, l’interaction entre eux devient de plus en plus à sens unique. Seul le président a le droit de faire ce qu’il compte faire tandis que le sujet contemple et admire ce qu’il fait. Ainsi, quand les Malagasy ont des critiques à émettre envers leurs dirigeants, ils procèdent à une autocensure. Dans la culture Malagasy d’ailleurs, le fait de critiquer ou de contredire signifie attaquer personnellement la personne à qui on émet des critiques. C’est pour cette raison qu’ils disent toujours « Oui » sans en être d’accord. La logique Malagasy veut qu’on se maintienne dans le rang au lieu de se démarquer du lot. Si on se fait remarquer, on devient l’ « ennemi public ou de la nation ». Leur proverbe « Ny hazo avo halan-drivotra » (Littéralement : le plus long arbre est détesté par le vent) prouve ce fait.

Un autre obstacle à ce débat contradictoire est la faiblesse des partis politiques Malagasy. Ceux-ci n’ont ni idéologie ni encore une ligne directrice à défendre mais servent tout

33 Cas de la conférence intitulée « Responsabilité citoyenne » donnée par Rakotoarisoa Jean Eric au C.R.S, Route de l’Université Ankatso le vendredi 13 Janvier 2012. 34 Interview avec Joseph Randriamiarisoa, le 24 Octobre 2011. 18 simplement à soutenir une personne pendant l’élection. Ce phénomène favorise le « retournement de veste » car une fois un membre d’un parti politique n’est pas privilégié, il se range tout d’un coup dans le rang de l’opposition. En plus, cette absence de débat contradictoire facilite le lavage de cerveau du peuple. Il est alors facile de leur faire « ingurgiter » n’importe quelle idée ou slogan. Elliot Aronson a déjà fait cette remarque avant nous. Pour lui, « The person who is easiest to brainwash is the person whose beliefs are based on slogans that have never been seriously challenged »35 On comprend mieux alors pourquoi il y a une instabilité car chaque « nouvelle idée est attirante ».

3) Absence du contre pouvoir Dans l’administration, toutes les entités ayant le pouvoir de contrôler l’Etat est dépendant de l’exécutif. 36 L’Inspection Générale de l’Etat et le Médiateur de la République sont par exemple rattachés à la présidence. Ce qui complique leur tâche étant donné que l’Etat qu’il doit contrôler leur contrôle indirectement. Tel est aussi le cas de la Cour des Comptes. Comment veut-on qu’on contrôle son patron ?

35 Elliot Aronson, The Social Animal, 5th Edition, Freeman, U.S.A, 1988, P.103 Littéralement: La personne la plus facile à laver son cerveau est la personne dont ces croyances sont basées sur des slogans qui n’ont jamais été sérieusement défiée. 36 Interview avec Fetison Rakoto Andrianirina, le 27 Octobre 2011. 19

Chapitre II : Concepts et théorie générale de l’action 37

A- Concepts Deux principaux concepts sont élucidés dans ce paragraphe : le concept de crise et le concept de pratique politique.

1- Crise : Une crise est un état d’une chose, d’un individu, d’une société, d’une collectivité, d’une organisation. Elle signifie une rupture brusque avec l’état antérieur. De ce fait, toute crise engendre un changement (structurel, organisationnel, etc.).

2- Pratique politique : La pratique politique est la façon de conquérir le pouvoir (que ce soit par les urnes, par les armes, par des mouvements populaires ou par la rue). Une fois arrivé au pouvoir, elle consiste à la manière d’exercer le pouvoir politique avec toutes les stratégies et les tactiques utilisées pour y rester (le plus longtemps possible). En gros, elle concerne les savoir-faire, les savoir-dire et les savoir-vivre dans le domaine de la politique.

3- Théorie générale de l’action :

a) Talcott Parsons et les étapes de sa pensée : Talcott Parsons est un sociologue Américain rejeté au début par ces collègues à cause de sa démarche scientifique qui privilégie plus la théorie que la pratique. A son époque, la sociologie Américaine est dominée par la recherche empirique et par la quantophrénie 38 , c’est-à-dire au recours excessif à la statistique. Avec Pitirim Sorokin de Harvard University, il condamne cette pratique de la sociologie Américaine. Quand Parsons est allé étudier en Europe, particulièrement à Londres au London School of Economics et en Allemagne, à l’université d’Heidelberg, il a fait la redécouverte des fondateurs de la sociologie, à savoir Max Weber, Vilfredo Pareto, Emile Durkheim et Karl Marx. Son étude à la terre natale de la Sociologie lui a permis de se débarrasser des idées fausses sur la sociologie qui étaient répandues dans son pays. Plus tard, il sera séduit par le psychanalyste Freud et regrette de ne l’avoir pas connu très tôt. Il intègre alors la théorie de

37 Guy Rocher, Talcott Parsons et la sociologie Américaine, ouvrage électronique. 38 Manie des chiffres ou utilisation excessive des chiffres. 20

Freud dans sa théorie. A ce stade, il faut faire une remarque que Parsons a largement dépassé l’obstacle entre l’individu et la société qui posait et continue à poser des problèmes aux nombreux sociologues d’avant lui et à ceux d’après lui. Pour lui, il n’y a pas de contradiction entre Freud et Durkheim, au contraire tous les deux sont complémentaires.

Dans la première étape de l’évolution de sa pensée, Parsons a cru découvrir chez les pères fondateurs (Weber, Pareto et Durkheim) les axes centraux de la théorie de l’action. Dans la deuxième étape, il a systématisé cette théorie de l’action en cherchant son fondement logique et scientifique et en lui donnant une plus grande universalité de manière à la faire une théorie générale de l’action humaine. Dans la troisième étape, Parsons a appliqué sa théorie aux différents champs de connaissance des sciences sociales et humaines (science politique, psychologie, économie). Celle-ci l’a conduit à la correction de sa théorie mais aussi à la compléter. Telles sont donc les trois grandes étapes de l’édification de la théorie générale de l’action.

b) Pièces maitresses de la théorie générale de l’action : Comme toutes les théories, celle de Parsons a ses piliers que nous présenterons ci-dessous.

b.1) Le système : Chez Parsons, la notion du système implique « l’interdépendance des éléments, qui forment un ensemble lié dans lequel les mouvements et les changements ne peuvent pas se produire d’une manière désordonnée et au hasard, mais sont le fruit d’une interaction complexe d’où résultent des structures et des processus ». De là nous pouvons tirer que le système véhicule la notion de totalité (holisme) qui entraîne que la modification d’un élément entraine obligatoirement la modification des autres éléments. Force est de noter que le système d’action est un mode de reconstruction mentale de la réalité et en ce sens, c’est un procédé purement heuristique.

Ci-dessous, nous allons exposer les éléments du système social tel que Parsons l’a élaboré.

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b.2) L’action sociale : L’action sociale est définie comme « toute conduite humaine qui est motivée et guidée par les significations que l’acteur découvre dans le monde extérieur, significations dont il tient compte et auxquelles il répond »

Pour qu’une action ait lieu, il faut qu’il y ait un acteur qui est important chez le sociologue Américain. Pour lui, ce concept d’acteur n’est pas seulement limité à un individu mais peut désigner un groupe, une organisation, une région, une société globale, une nation, une classe, une caste, une tribu, une ethnie. Ce concept va donc au-delà d’un seul palier des relations interpersonnelles et permet d’étendre son application dans le schéma parsonien de l’interaction à tous les niveaux. Notons aussi que chez Parsons, l’ « acteur est un être-en-situation, car son action est toujours la lecture d’un ensemble de signes qu’il perçoit dans son environnement et auxquels il répond ». Par environnement, Parsons entend l’environnement géographique, l’environnement biologique et l’environnement social.

Les quatre éléments de l’action sociale :  Sujet-acteur (individu, groupe, organisation, nation, etc.)  Situation (objets physiques et sociaux)  Symboles  Règles, valeurs et normes (qui orientent l’action)

c) Système d’action sociale : Trois éléments sont indispensables pour qu’il y ait un système :  Structure  Fonction  Processus du système.

c.1) Structure : La structure est l’élément stable permettant d’analyser le système. Elle est alors comme un point de référence. Dans le système d’action ce sont les variables structurelles qui remplissent cette fonction. Parsons s’est inspiré du travail de Ferdinand Tönnies sur la communauté et la société quand il a élaboré ses variables.

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Ainsi, dans la structure il y a quatre variables structurelles à savoir :  Universalisme/Particularisme  Performance/Qualité  Neutralité affective/Affectivité  Spécificité/Diffusion Les deux premières variables sont en relation avec la situation tandis que les deux dernières sont en rapport avec l’acteur. D’où la dualité acteur/situation.

c.2) Fonction : La fonction a pour objectif de satisfaire aux besoins de la structure sociale. Si cette dernière concentre l’analyse sur le facteur de stabilité du système social (statique), la dimension fonctionnelle amène à considérer le système d’action dans son activité (dynamique).

Dans le système social, il y a quatre fonctions :  Adaptation (A) L’adaptation est « l’ensemble des unités-actes qui servent à établir des rapports entre le système d’action et son milieu extérieur. Le milieu extérieur au système d’action est généralement un autre ou plusieurs systèmes qui peuvent être des systèmes d’action ou de non-action » « L’adaptation consiste à puiser de ces systèmes extérieurs les diverses ressources dont le système a besoin, à offrir en échange des produits qui proviennent du système lui-même et à aménager et transformer ces ressources pour les faire servir aux besoins du système. Cette fonction comprend les activités destinées à assurer que le système s’adapte à son environnement, à ses contraintes, ses exigences et ses limites, et celles aussi par lesquelles le système adapte l’environnement à ses besoin, le modifie, le contrôle, l’exploite ». En général, cette fonction incombe à l’économie dans la théorie de Parsons et par conséquent fait partie de son objet d’étude.

 Goal attainment (G) ou poursuite des buts La poursuite des buts désigne « toutes les actions qui servent à définir les buts du système, à mobiliser et gérer les ressources et les énergies en vue de l’obtention de ces buts et à obtenir finalement la gratification recherchée ».

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Le goal attainment correspond alors au politique et à la politique. Notons que politique pour Parsons a un sens très général qui veut dire « toutes formes de prise de décision, d’organisation et de mobilisation des ressources du système ». En effet, il y a de la politique dans l’entreprise, dans l’administration, dans les mouvements, dans l’Etat. Le goal attainment est l’objet d’étude de la science politique pour Parsons.

 Intégration (I) L’intégration quant à elle est vue comme « la dimension stabilisatrice du système, c’est-à-dire celle où se trouvent les actions qui protègent le système contre des changements brusques et des perturbations majeures et à maintenir l’état de cohérence ou de « solidarité » nécessaire à sa survie et à son fonctionnement » Dans sa forme la plus aboutie, l’intégration prend la forme d’une institution juridique. Mais là, il ne faut pas oublier que Parsons tient en compte les différents types de solidarité qui se trouvent dans la théorie durkheimienne. Dès lors, l’intégration correspond à la communauté sociétale. Parsons propose l’intégration comme objet de recherche de la sociologie.

 Latence (L) La latence est « l’ensemble du réseau de socialisation des membres de la société, par lequel la culture est proposée et transmise aux sujets-acteurs, intériorisée par eux, pour devenir un facteur important de la motivation de leur conduite sociale ». C’est aussi un « point de contact entre le système d’action et l’univers symbolique et culturel ». Dans la théorie parsonienne, celle-ci concorde avec la socialisation et pour Parsons, la latence fait partie de l’objet de la psychologie et/ou de l’anthropologie. Il faut faire une remarque que dans la sociologie Américaine et particulièrement dans la théorie de Parsons, contrairement à la sociologie française, la société ne comprend que de l’interaction et des institutions sociales. La culture y est formellement exclue.

c.3) Processus du système : Après la structure et les fonctions, la dernière condition requise pour que le système d’action soit un système est l’organisation des processus. Ainsi, toute action de l’acteur entraîne obligatoirement un changement, une perturbation. C’est ici qu’intervient la notion d’ « équilibre » qui est un procédé heuristique car l’équilibre en lui-même est impossible à atteindre. L’équilibre dont il parle alors est un « point de

24 référence théorique à partir duquel doit s’amorcer l’analyse systématique de l’action ». La problématique est que l’équilibre est déjà perturbé au moment même où il paraît s’établir.

Deux grands processus modifient les rapports acteur/situation :  L’activité : chaque activité de l’acteur introduit une perturbation dans la situation. Bref, chaque action entraîne une réaction, ce qui suppose un éternel réajustement.  L’apprentissage : tout ce qui est appris, donc intériorisé par l’acteur, modifie –même légèrement- l’acteur lui-même mais aussi les conditions de son action et son action elle-même.

Il y a aussi quatre autres processus, selon qu’on considère l’action de l’acteur ou l’action du système. Si on tient compte de l’action de l’acteur, il y a la :  Communication  Décision Si on prend comme référence l’action du système on a la :  Différenciation : une partie du système se distingue des autres et affirme leur autonomie en remplissant une fonction qui leur est propre  Intégration : les différentes parties du système sont reliées et forme un tout.

d) Hiérarchie cybernétique : Comme tous les systèmes, le système d’action est le « lieu d’une incessante circulation d’énergie et d’information » L’échange entre ces deux éléments provoque l’action du système. Ce qui est intéressant c’est le fait que toutes les parties d’un système n’ont pas la même proportion d’énergie et d’information. Ainsi, « les parties les plus riches en énergie se situent à la base de la hiérarchie où elles jouent le rôle de facteurs de conditionnement de l’action ; les parties plus riches en information se placent au sommet de la hiérarchie et remplissent le rôle de facteur de contrôle de l’action ». Dans les quatre fonctions, l’hiérarchie est donc comme suit : l’adaptation (A) est plus riche en énergie, vient après la poursuite des buts (G), ensuite l’intégration (I) et enfin la latence (L) qui est pauvre en énergie mais riche en information. Selon la hiérarchie cybernétique donc, on obtient la hiérarchie suivante au sommet duquel se trouve ce qui a plus d’information et pauvre en énergie : - Latence (L)

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- Intégration (I) - Goal attainment ou poursuite des buts (G) - Adaptation (A)

e) Système d’échange : Etant un système, ces quatre fonctions et/ou ces quatre sous systèmes sont en étroite relation. Cela est dû au système d’échange permettant une interaction entre ces quatre. Pour l’Adaptation (A) qui correspond à l’économie, le système d’échange est la monnaie. Le goal attainment (G) a le pouvoir comme moyen de « communiquer » avec les autres tandis que l’Intégration (I) dispose de l’influence. Quant à la Latence (L), elle a comme moyen d’échange les « commitments » ou les engagements.

Ces quatre média d’échange assurent de ce fait, une grande fluidité et une incessante circulation entre les systèmes et/ou les sous systèmes.

f) Distinction de niveau : Chez Parsons, il faut distinguer trois principaux niveaux d’analyse à savoir : le plus abstrait qui est le premier niveau. Celui-ci est la théorie la plus générale et correspond au schéma conceptuel de la théorie générale de l’action c’est-à-dire l’A.G.I.L. Au deuxième niveau, nous avons les quatre sous systèmes (organique, personnalité, social et culturel). C’est au troisième niveau qu’on a les concepts correspondant à la réalité concrète. C’est dans ce niveau que ce travail évoluera. Si on prend comme point de départ l’Intégration, c’est-à-dire l’objet de la sociologie, à l’intérieur de ce système il existe encore un autre sous système d’Adaptation, de Goal attainment, d’Intégration et de Latence. Cette théorie fonctionne donc comme une « poupée russe ».

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g) Synthèse de la théorie parsonienne

« Ensemble des unités-actes qui « Actions qui servent à définir les buts servent à établir des rapports entre le du système, à mobiliser et gérer les système d’action et son milieu ressources et les énergies en vue de extérieur. » l’obtention de ces buts et à obtenir finalement la gratification A G recherchée »

« Ensemble du réseau de socialisation «Dimension stabilisatrice du système, L des membres de la société, c’est-à-dire (…) les actions qui par lequel la culture I protègent le système contre des est proposée est transmise aux sujets- changements brusques et des acteurs, intériorisé par eux, pour perturbations majeures et à maintenir devenir facteur important de la l’état de cohérence ou de « solidarité » motivation de leur conduite sociale » nécessaire à sa survie et à son fonctionnement »

Monnaie Pouvoir Influence Engagement

L’approche diachronique de la République de Madagascar démontre que la vie des Républiques Malagasy est entrecoupée par des crises. Celles-ci sont favorisées par le système Malagasy qui est une combinaison du système traditionnel et le système copié à partir du système français. Quand ces deux se combinent, on fabrique un président monarque tout puissant. Il se trouve alors que la racine de ces crises est à la fois psychosociologique et culturelle. Ce constat légitimerait les questions suivantes : Madagascar est-il ingouvernable ? Ou est-t-il en quête de mode de gouvernance qui le convient ? Ou encore le peuple Malagasy serait-il facilement manipulable par les politicards ? Ou Madagascar est-il condamné à errer dans le néant ?

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Partie II : La conquête du pouvoir par Rajoelina Andry

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Partie II : La conquête du pouvoir par Andry Rajoelina

« Le fond du problème, c’est qu’ils veulent bouffer, et je les en empêche »39 Thomas Sankara

Fin de l’année 2008 et premier trimestre de l’année 2009, Madagascar entre dans une nouvelle ère. Le maire de la Commune d’Antananarivo affiche son ambition d’être à la tête de l’instance suprême de la République Malagasy et profite de toutes les situations dans ce pays pour y accéder. Encore une fois, les institutions de la République ont été remises en cause et des gens qui sont tous affamés du pouvoir sont en interaction menant le pays au bord du gouffre. Cette partie brossera d’abord la pratique politique du président Ravalomanana, ensuite, elle analysera le Mouvement Orange de Rajoelina.

Chapitre I : La pratique politique du président Ravalomanana

Pour la bonne intelligence du sujet et afin de mieux appréhender ce chapitre, il nous est important de diviser en deux parties la règne de Ravalomanana : primo, lors de son premier mandat, secundo, lors de son second mandat inachevé.

A- Le « prince » et sa pratique politique de 2002 à 2006

Après sa victoire et après que Ravalomanana avait contrôlé tout l’étendue du territoire Malagasy, Ravalomanana a essayé de créer un environnement stable, solide et rassurant pour son régime en nommant à la tête des départements « sensibles » des hommes de confiance plus connus sous le nom des Tiko-boys. Ainsi, Ravalomanana a autour de lui une équipe solide et sécurisante pour ses actions à venir. Soulignons que l’environnement de cette époque est très instable. Pour illustrer ce fait, nous pouvons observer le nombre élevé des sénateurs A.R.E.MA par rapport au T.I.M au sein de la chambre haute. Avec les « hommes de confiance », en plus de quelques hommes et femmes compétents, la machine administrative

39 François-Xavier Vershave, La Françafrique, Le plus long scandale de la République, Editions Stock, Paris, 1998, P.188 28

Malagasy reprend fonction dans un bref délai et ce, malgré la crise que le pays venait de traverser. Madagascar est revenu rapidement à l’état où il se trouvait avant la crise. Avec cette action, Ravalomanana tue d’un côté, « la race du prince qui était maître »40 du pays à savoir Ratsiraka et ses acolytes, rendant en même temps le partisan de ce dernier qui décidait de rester au pays inoffensif. De l’autre côté, il maitrise la quasi-totalité des points clefs du pays. Encore une fois, il est à l’abri de tout danger qui peut venir de l’extérieur.

Ravalomanana était donc largement entouré par des technocrates lui assurant le bon dynamisme de son équipe gouvernementale. Son régime était comme une transposition de l’entreprise privée vers le milieu public. C’est dans cette optique qu’il entend mettre en œuvre la bonne gouvernance. La bonne gouvernance étant une pratique dans les entreprises privées mais rapportée et appliquée dans la façon de gérer un pays. Elle signifie que ce que les dirigeants font doit être communiqué pour que le peuple soit au courant des moindres faits et actes des gouvernants. La transparence est alors l’idée la plus véhiculée par ce concept. En toute logique, Ravalomanana est en position de force et a toute l’expérience pour rendre effective cette norme de politique mondiale à Madagascar. Il est l’homme que le peuple a besoin vu son expérience réussie dans son entreprise. Gérer rationnellement les affaires de ce pays était l’attente et l’aspiration de la population.

Après avoir installé des hommes de confiance ou des « esclaves » selon le concept de Machiavel, Ravalomanana se débarrassait des hommes qui lui avaient porté au pouvoir. Pour ce faire, il a donné des titres honorifiques et symboliques à certains hommes comme Ratsirahonana Norbert, Marson Evariste 41 , Rakotonirina Manandafy, Rabetsintota Tovonanahary, etc. sans qu’ils ne possèdent pas trop de pouvoir pour lui rivaliser. Cela dans le but de ne pas perdre la face devant le peuple car il est monnaie courante de rendre l’ascenseur, c’est-à-dire que Ravalomanana une fois au pouvoir devrait récompenser ceux qui lui avaient aidé à conquérir le pouvoir. Une question se pose alors : pourquoi Ravalomanana n’a donné qu’une portion de pouvoir inoffensif à ceux qui lui ont porté au pouvoir ? Pourquoi les avoir gardés dans le circuit du pouvoir ? La réponse à cette question réside dans le passé de ces personnes.

40 Nicolas Machiavel, Le prince, ouvrage électronique, P.7 41 « Evariste Marson, conseiller spécial et président du R.P.S.D accusera Ravalomanana de n’avoir jamais «renvoyé l’ascenseur». Madagascar : Sortir du cycle de crises, Rapport Afrique, n°156-18 Mars 2010, ICG, P.14 29

D’abord , Rakotonirina Manandafy et Ratsirahonana Norbert sont très connus comme les « faiseurs »42 et défaiseurs de rois. Ces deux personnes sont en effet, considérées par le journal Express Afrique du 14 Mars 2002, n° 246 comme « les têtes pensantes de l’entourage de Ravalomanana, lors de son élection au premier tour en 2002 ». Grâce à eux en une partie, Ratsiraka est tombé mais grâce aussi à ces deux faiseurs de roi, Ravalomanana est consacré président de la République. Examinons de près ces deux politiciens. Rakotonirina Manandafy avec son parti, le M.F.M est un spécialiste d’organisation de grèves, de mouvements de la rue. Dans ce sens, il est un grand manipulateur de la foule, Il est à l’origine du mot « rotaka » (désordre ou affrontement) en 1972, et son fameux slogan « ndao, lasa izao » (venez, on y va). Ses concepts sont captivants et ont un certain impact sur l’inconscient collectif Malagasy. Rakotonirina est un bon communicateur capable de convaincre une personne ou une foule. De ce fait, il peut être une source de grand danger pour Ravalomanana. Mais comme le disait Ratsiraka, « Aleo Manandafy toy izay manandratsy » (Littéralement : mieux vaut avoir Manandafy qu’avoir un mauvais (homme)), Ravalomanana suivait ce que Ratsiraka disait à son époque. En plus de son talent de bon communicateur, Rakotonirina Manandafy a aussi une grande culture et expérience politique très utile à Ravalomanana. Son analyse pendant des années s’avère d’ailleurs très pertinente. Comme Raharizatovo le décrivait, Rakotonirina Manandafy est un « érudit et un stratège redoutable »43 . Sa matière grise est donc très utile pour Ravalomanana. Quant à Ratsirahonana Norbert, c’est un homme rusé, voire futé. Il n’hésite pas d’un instant à l’autre de passer d’un camp à un autre. Au début, il était avec Ratsiraka pendant la IIème république, puis avec Zafy Albert, pour être de nouveau à côté de Ratsiraka encore une fois après son retour au pouvoir et enfin avec Ravalomanana (Pendant la crise de 2009, il retournait encore sa veste pour être près de Rajoelina). Nous pouvons extrapoler à partir de ce changement de camp de Ratsirahonana, qui est très constant, qu’il est un homme qui n’a qu’un seul principe qui le guide : « le pouvoir ». Un homme presque dépourvu d’éthique. Raharizatovo Gilbert le classait dans les « émergences ratées ». En tant que tel, il s’efforce de se positionner dans le centre du pouvoir pour « savourer » le pouvoir auquel il n’a pas pu s’agripper. Ces deux hommes sont donc à la fois un atout pour Ravalomanana tant qu’ils sont avec lui, et un danger s’ils sont écartés du pouvoir (surtout pour Ratsirahonana). La seule solution

42 L’hebdo de Madagascar, 24 au 30 Avril 2009, n°219. 43 Gilbert Raharizatovo, Op.Cit, P.70 30 possible pour Ravalomanana paraît alors d’appliquer le principe de Machiavel 44 : gardez ces deux personnes tout près pour pouvoir les contrôler. Ensuite, ces personnels politiques cités sont tous habitués aux choses politiques. Dans cette optique, ils peuvent avoir une grande influence sur la politique de Ravalomanana qui veut réorganiser sur une nouvelle base la politique Malagasy. Ils pourraient alors être un obstacle à la réalisation de sa réforme étant donné qu’ils ont une habitude (cf. au concept d’ habitus de Bourdieu) que Ravalomanana veut changer. En quelque sorte, ces anciens sont vus par Ravalomanana comme infectés par la mauvaise pratique, or, il veut redorer le blason de la pratique politique à Madagascar.

Puis, Ravalomanana a fait tout pour que ses « esclaves » ne lui mettent pas dans l’ombre pour qu’il demeure le seul et unique « héros ». Le but était que seul Ravalomanana restait dans la bouche du peuple. Ce qui revient à dire que Ravalomanana doit être l’unique vedette à Madagascar. Il doit être le seul capitaine à bord. Nombreux sont les exemples illustrant ce fait. Nous pouvons constater le cas de Ramiaramanana Patrick qui était à l’époque le Président de la Délégation Spéciale d’Antananarivo. Quand il avait la réputation d’être un des grands bosseurs et que le public d’Antananarivo commençait à l’aimer et à l’admirer, le président lui avait nommé comme ministre du sport pour qu’il s’éclipse devant la scène et pour que sa réputation soit remise en question. Quand l’équipe nationale de football essuie une défaite, c’est au ministre de sport que revient la faute. Son image sera alors ternie. Il y avait aussi, Lahiniriko Jean qui était à l’époque le ministre des travaux publics. Lahiniriko avait ainsi remis opérationnel en peu de temps tous les ponts dynamités lors de la crise tout en réalisant des grands travaux routiers. Le président l’a envoyé à l’Assemblée Nationale pour que les députés se débarrassent de lui un peu plus tard. Rajemison Rakotomaharo était aussi l’autre figure emblématique du pouvoir de Ravalomanana. Il avait su gérer les sénateurs A.R.E.MA et contrôlait parfaitement cette institution bien que le parti présidentiel n’était pas majoritaire dans cette chambre à l’époque. Comme son travail devient très remarquable, Ravalomanana l’a muté à Genève loin de tout le public et où il resterait discret et devient hors circuit.

44 « Garde tes amis près de toi et tes ennemis encore plus près » : Machiavel 31

Sur le plan diplomatico-économique, il est primordial d’analyser la grande ouverture de Ravalomanana. Nous pouvons avancer une hypothèse selon laquelle Madagascar s’est désenclavé du monde entier à son époque. Pour dynamiser l’économie Malagasy, Ravalomanana a invité les opérateurs économiques étrangers à investir dans la Grande Ile. Dans sa logique, il s’est tourné surtout vers les Anglo-saxons, les Scandinaves et les Germaniques. Force est de constater que la France est quasi-totalement délaissée par Ravalomanana. Si cette dernière était toujours le premier partenaire économique, Ravalomanana l’a remis dans l’ombre. Son époque pourrait alors être appelée comme une autre indépendance ou rupture économique avec la France. On se demande alors pourquoi Ravalomanana a carrément tourné le dos à la France pour s’ouvrir au reste du monde ? Deux explications peuvent être apportées. Primo, Ravalomanana ignorait voire snobait les français pour une raison personnelle. Il ne faut pas oublier que la France traînait pour reconnaître son pouvoir en 2002 45 . Selon le sociologue et économiste italien Vilfredo Pareto, cette action de Ravalomanana est catégorisée dans ce qu’il appelle da l’Action Non Logique 46 (A.N.L). L’A.N.L est guidée par la haine, l’amour, rancune, vengeance, passion, habitudes, routine, stéréotype, etc. c’est-à-dire des choses non rationnelles, mais qui sera rationnalisée ou revêtue par la raison, pour ne pas avoir l’air bête. Secundo, cette ouverture envers ces pays non habituels pour Madagascar est un apport de son expérience au sein de son entreprise/empire Tiko. Ainsi, les biens utilisés dans celle-ci viennent essentiellement de l’Afrique du Sud (partenaire de Tiko, fournisseur des gardes du corps et pilotes), de l’Allemagne (Mercedes), de Norvège ; mais les techniciens qui l’ont beaucoup aidé dans son entreprise venaient majoritairement aussi de Norvège, des Etats-Unis, de Canada, de l’Allemagne, de Grande-Bretagne. En quelque sorte donc, il s’agit d’un transfert de compétence (technique, intellectuelle, savoir faire, savoir vivre) allant de Tiko vers l’Etat Malagasy. Il faut admettre dans ce paragraphe que Madagascar était hautement en carence en matière du pragmatisme des Anglo-saxons parce qu’avec le système éducatif inculqué au système

45 Les premiers pays à reconnaître le pouvoir de Ravalomanana était les Etats-Unis d’Amérique lors de la fête de l’indépendance, l’Allemagne, la Suisse, les pays scandinaves, l’Angleterre, le Japon et l’île Maurice. 46 Jean Pierre Simon, Histoire de la Sociologie, PUF, France, 2008, L’ANL est « bien plus nombreuse et, en réalité, bien plus importante dans la vie sociale, les actions non logique –ce qui ne veut pas dire illogiques, mais en dehors de la logique, du raisonnement, du calcul- sont guidées par des états psychique instinctifs ou affectifs(…). P.532 32 français, on a beaucoup de problèmes à passer à l’action, on s’enferme éternellement dans la théorie sans passer à l’action. Tous ces « réseaux mondiaux Anglosaxonisés » de Ravalomanana l’ont permis facilement l’obtention d’un support financier massif venant des bailleurs internationaux. Grâce à ces financements, il a pu investir dans les infrastructures publiques, dans la réforme sur la santé et sur l’éducation. Dans cette logique de désenclavement de Madagascar, Ravalomanana s’est entouré d’experts internationaux de renommée mondiale pour réaliser son projet. On peut citer par exemple l’ancien représentant de la Banque Mondiale à Madagascar, Michael Sarris, le responsable de Rapid Result Initiative, Nadine Nata, le conseiller politique et économique allemand, le docteur Einsslin, la conseillère juridique norvégienne, Eva Joly avec son homologue Peter Langset, le canadien Roger Christen qui sera responsable du Pôle Intégré de Croissance (P.I.C), le fameux Bertrand de Speuille, un britannique qui a fait sa preuve en matière de lutte contre la corruption à Hong Kong et à Singapour, le français, Rémi Stoquart expert au sein du ministère de la décentralisation, les deux canadiens Gilles Breton et Yves Poulin qui étaient respectivement des experts auprès du Ministère de l’Education Nationale et de l’Ecole Nationale de l’Administration, ainsi que l’ancien ambassadeur britannique, Brian Donaldson qui s’occupait des Fonds d’Appui du Président de la République (F.A.P).

Il en résulte de ces changements, un nouvel ordre 47 au sein du sommet de la hiérarchie de l’élite gouvernementale Malagasy. Ce beau monde qui régnait pendant Ravalomanana est « entré dans la politique malgré eux »48 . Dans ce nouvel ordre hiérarchique, il y a forcément des frustrés parce qu’ils sont exclus ou éloignés du cercle du pouvoir. Ce qui ne sera pas sans risque pour le régime Ravalomanana, vu que l’Etat Malagasy est encore un « Etat naturel »49 .

47 Au sommet de la hiérarchie se trouve les Tiko-Boys ainsi que les étrangers/experts . En seconde position se trouve les hommes de l’église surtout du F.F.K.M (On peut remarquer que les chefs des institutions de la République sont tous membres du F.F.K.M. On peut même avancer qu’il y a une sorte de répartition de confession à la tête de ces institutions. Ravalomanana et Rajemison sont par exemple issus de la confession protestante, le premier ministre Sylla est un catholique, le président de l’Assemblée Nationale Lahiniriko est un luthérien.) A la base, c’est-à-dire au-dessous se trouve les politiciens et politicards qui sont devenus des simples accessoires. 48 Gilbert Raharizatovo, Op.Cit, P.354 49 Douglas C. North, John Joseph Wallis, Bary R. Weingast, 2010, Violence et Ordres Sociaux, Nouveaux Horizons, Editions Gallimard, Paris. « L’Etat naturel utilise le « système politique pour réguler la compétition économique et créer des rentes (…) » Avant Propos 33

Sur tous les plans, on assistait à un démantèlement rapide et quasi-effectif de la France à Madagascar et à l’américanisation de Madagascar.

Dans cette optique de sortie de l’isolement, Madagascar a signé le protocole du Southern African Development Community (S.A.D.C) en Août 2005. Cela est censé à socialiser Madagascar au marché régional et surtout à l’intégrer au monde qu’il n’a jamais connu : le monde Anglo-saxon (La langue Anglaise étant la langue véhiculaire dans cette intégration. 50 ). Les objectifs étaient donc multiples : rapprocher du marché régional, faire un bloc avec ce groupe pour faire face à la mondialisation, exercer Madagascar à se familiariser au monde Anglo-saxon tout en renforçant le lien avec celui-ci et en pérennisant ce système qui commence à prendre place. Notons que Ravalomanana voyait aussi trop loin dans ce « jeu d’alliance internationale ». Son empire Tiko pourra importer ces matières premières d’Afrique du Sud sans acquitter le droit de douane. Il bétonnait à la fois son régime et renforçait la puissance de son entreprise. Le fait d’intégrer Madagascar dans la S.A.D.C est aussi un signe d’appartenance à l’Afrique d’abord, et au monde Anglo-saxon, ensuite.

Une autre grande décision à la fois à caractère économique, culturel et surtout politique est le fait de changer l’unité monétaire Malagasy du Franc Malagasy à l’Ariary. L’ancienne unité, le Fmg véhiculait la France et l’attachement à son économie. Avec l’Ariary, la rupture était symbolique car il valorise le Malagasy et sa culture. C’est un signe d’indépendance. 51 Sur le plan politique, ceci permettait au régime de Ravalomanana de récupérer certains deniers publics que le précédent régime avait pris dans le dos des contribuables.

Signalons que Madagascar était revenu à son état économique de 2001 en un rien de temps malgré la crise que le pays venait de traverser, cela grâce à l’expérience et à l’équipe dynamique qui arrivait à suivre la vitesse de son chef. Cela constitue un indicateur d’efficacité et d’efficience de l’équipe de Ravalomanana. Il n’y a rien d’étonnant donc s’il est qualifié par les institutions de Bretton Woods comme un « bon élève ».

50 Pour un plus ample détail, voir Lisa Voigt et Dominique Rakotomalala, Guide Facile. Intégration Régionale, Friedrich-Ebert-Stiftung, Antananarivo, 2008. 51 Interview avec Razafintsalama Olontiana Mahenintsoa, étudiant D.E.S.S en Economie à la Faculté D.E.G.S de l’Université d’Antananarivo. 19 Février 2012. 34

B- Ravalomanana : Trop indépendant et trop puissant (2006 à 2009)

Dans ce paragraphe nous diagnostiquerons le second mandat inachevé de Ravalomanana. Si son premier mandat (2002- 2006) a été consacré à l’économie, il décidait de se pencher plus sur le social. Dans un de ces discours pour le nouvel an, il a fait illusion au schéma semblable à la théorie de Karl Marx. Son premier mandat disait-il était destiné à la bonne fondation de la base de la maison de Madagascar (économie), le second mandat consistera à bâtir une bonne maison sur cette base [qu’est l’économie].

Si le Document de Stratégie de Réduction de la Pauvreté (D.S.R.P) était le principal guide de Ravalomanana pendant sa première année au pouvoir, le Madagascar Action Plan (M.A.P) devient la bible pour la politique Malagasy. Il faut remarquer que même le nom de ce document est en Anglais. Cela signifie que Madagascar entre et évolue progressivement dans le monde Anglo-saxon. Ce qui est une grande première dans l’histoire sociopolitique Malagasy.

Comme son prédécesseur Ratsiraka, à force de côtoyer avec le pouvoir, Ravalomanana commençait à prendre goût au pouvoir. Il est alors atteint par la maladie du pouvoir. Aussi, il a organisé un référendum constitutionnel en vue de modifier et introduire certains articles. Encore une fois, la Constitution est instrumentalisée et manipulée.52 Parmi ces articles, nous citerons « (1) the President’s authority to amend laws during a state of emergency without parliamentary approval; (2) redefinition of the country’s administrative divisions by replacing the six autonomous provinces with 22 regions within the provinces; (3) adoption of English as the third official language, in addition to French and Malagasy; and (4) removal of the term “secular state” from the constitution.” 53 In P.C.I.A Madagascar, P.49

52 En 1995, face à l’inertie des institutions de la République, le président Zafy initiait la modification dans le but de diminuer le pouvoir du Premier Ministre. Cette modification lui donne le pouvoir de nommer le Premier Ministre parmi les trois noms proposés par le Parlement et le révoquer. En 1998, le président Ratsiraka a modifié pour la seconde fois la Constitution. Celle-ci l’autorise à dissoudre l’Assemblée « pour des causes déterminantes » (Article 95 de la Constitution). En même temps, il nomme le tiers des sénateurs et supprime les mesures d’empêchement définitif à cause de violation de la Constitution. Pour couronner le tous, celle-ci l’autorise à exercer trois mandats au lieu de deux. En 2007, le président Ravalomanana a aussi modifié la Constitution. 53 Littéralement : le président a l’autorité de décréter des lois lors d’un état d’urgence sans la consultation du parlement, redéfinition de la division administrative en remplaçant les six provinces en 35

Avec cette nouvelle constitution adoptée, le pouvoir présidentiel devient de plus en plus fort. La Constitution est taillée sur mesure pour Ravalomanana. Si le pouvoir de l’exécutif augmentait énormément, les autres, à savoir le pouvoir législatif et la judiciaire, s’affaiblissaient. Il arrive même que ses pouvoirs devenaient de plus en plus passifs. La nouvelle Constitution votée en Avril 2007, entraine la cumulation de pouvoir (exécutif et législatif) étant donné que le président peut décréter une ordonnance. L’exemple cité dans P.C.I.A Madagascar illustre ce fait. « Indeed, the National Assembly became more and more inactive over the course of Ravalomanana’s mandates. From 2003 to 2006, in contrast to the 218 law proposals and 316 amendments submitted by the executive branch, the legislative only initiated 8 law proposals and 37 amendments”54 .P.49

De ce fait, les deux pouvoirs (législatif et judiciaire) ne sont pas au même niveau. Si l’exécutif est très puissant et très dynamique, les autres ne le sont pas. Dans ce rapport de force entre ces trois pouvoirs, il n’y a rien d’étonnant si le législatif et le judiciaire sont soumis à l’exécutif. Les balises deviennent alors inexistantes, laissant ainsi le champ libre à l’exécutif. La légitimité de Ravalomanana qui est élu par le peuple augmente de plus son pouvoir par rapport au pouvoir judiciaire qui n’est pas issu d’une élection. Cela est en plus renforcé par son statut de vice-président du F.J.K.M. Symboliquement, le président Ravalomanana avait le pouvoir temporel et en même temps le pouvoir spirituel. C’était comme au temps du roi pendant lequel le Premier Ministre ( après sa conversion au protestantisme avec la reine Ranavalona II) était aussi le chef de l’Eglise. Quant au rapport entre le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif, force est de constater une forte personnalisation du pouvoir. Même si les deux pouvoirs sont issus d’une élection (Membres de l’Assemblée Nationale et le président de la République), la légitimité du dernier pèse plus lourde par rapport à ceux des premiers, même s’ils sont tous élus par le même peuple. A cause de ce rapport de force très faible, voire inexistant, la porte est ouverte à tout abus. Il est alors inévitable que l’Assemblée Nationale devient de plus en plus inactive. Une institution dépourvue de sens voire une accessoire qu’on peut facilement se passer. On dénote alors un déséquilibre institutionnel entre les trois pouvoirs. vingt et deux régions, adoption de la langue Anglaise comme la troisième langue officielle après le Malagasy et le français, suppression du terme « Etat séculaire » dans la Constitution. 54 Littéralement : Durant le mandat de Ravalomanana, l’Assemblée National devenait de plus en plus inactive. De 2003 à 2006, le pouvoir exécutif a soumis au parlement et a proposé 218 lois et 316 amendements alors que le pouvoir législatif n’en proposait que 8 lois seulement et 97 amendements 36

Parmi ces abus, nous énumérerons l’achat du second Air Force Two, un avion qui appartenait à Elham Entreprises Ltd. Son acquisition est très polémique parce que selon les dires du ministre des Finances Hajanirina Razafinjatovo, la moitié du prix –soit 30 millions d’Euros- est payé par la caisse de l’Etat, tandis que le reste sera payé par le président. Le problème intervient à partir du moment où la frontière entre l’entreprise/empire Tiko et l’Etat Malagasy est brisée. Il n’y a plus alors une orthodoxie financière. En Octobre 2004, le port de Toamasina a débloqué 12 milliards d’Ariary pour financer la construction de la minoterie Mana qui fait partie du groupe Tiko. Il y a la pression mise sur l’assurance Aro, qui était obligée de consentir un prêt sans garantie de 17 milliards d’Ariary pour l’acquisition d’actifs, dont 25.000 hectares de rizières à Alaotra, précisément à Vohidiala. On peut citer aussi l’acquisition des terrains à Andohatapenaka qui seront remblayés grâce au compte de la région Analamanga (3.645.140.000 Ariary) 55

Sur le plan diplomatique, Ravalomanana était en conflit relationnel avec certains pays. Il a par exemple renvoyé l’ambassadeur Américain James McGee en mai 2007 et souhaite que les Etats-Unis « nomme un diplomate blanc » à sa place. Un an plus tard, il a aussi écourté le mandat de Gildas Le Lidec, un diplomate français. Ce problème diplomatique aurait probablement des conséquences pour Ravalomanana puisqu’il avait « snobé » un pays imbu de sa supériorité qui se considère comme « grand », donc « intouchable ».

Si tels sont les pratiques politiques de Ravalomanana, comment la microsociété que nous avons observée le juge ? Pour ce faire, nous allons combiner plusieurs variables et les tester.

55 SeFaFi, Quand les politiciens prennent les citoyens en otage/ Rehefa ataon’ny mpanao politika takalonaina ny vahoaka, Communiqués 2010, 9 ème recueil, P.48-50. 37

C- Perception et jugement de la période Ravalomanana par la microsociété

Cette partie sera consacrée à différents tests pour savoir quelle(s) variable(s) influe(nt) ou non à la faveur de Ravalomanana.

Vérification de corrélation entre confession et satisfaction à la pratique politique de Ravalomanana Tableau 2 : Observations sur terrain Jugement de la période Ravalomanana selon la population d’enquête Confession Excellente Bonne Moyenne Mauvaise Total Protestante 0 11 10 3 24 Catholique 1 5 14 1 21 Autres 1 3 2 0 6 Total 2 19 26 4 N= 51 Source : Enquête personnelle, 2012. En regardant à l’œil nu ce tableau, nous ne pouvons pas dire exactement s’il y a ou non une corrélation entre ces deux variables (Confession et satisfaction ou non pendant la période de Ravalomanana). Ainsi, nous allons procéder à un test, le test de Khi-deux 56 , permettant de dire scientifiquement si une corrélation existe ou non. Pour ce faire, nous allons compresser les deux variables Excellente et Bonne en une seule variable Satisfaite et les variables Moyenne et Mauvaise en variable Insatisfaite. Ceci est obligatoire étant donné que certaines cases du tableau ont le chiffre O, ce qui ne nous permet pas d’effectuer le test de Khi-deux.

56 Le test de khi-deux a été proposé par le mathématicien et philosophe britannique Karl Pearson (1857-1936) pour trouver « une manière de faire raisonnable » pour tester si une liaison observée est causée par le hasard ou non. 38

Tableau 3 : Observation sur terrain à partir d’une compression des données Comment jugez-vous la période Total Confession Ravalomanana ? Satisfaite Insatisfaite Protestante 11 13 24 Catholique 6 15 21 Autres 4 2 6 Total 21 30 N= 51 Source : Enquête personnelle, 2012 N est l’effectif total de la population observée.

Si telle est la réalité dans notre microsociété, qu’en est-il théoriquement parlant ? Pour répondre à cette question, nous allons appliquer la formule ci-dessous : n*ij= ni.*n.j N i et j sont respectivement les lignes et les colonnes. ni. étant le total de la colonne tandis que n.j celui de la ligne. N est l’effectif total des enquêtés.

Tableau 4 : Tableau des effectifs théorique Comment jugez-vous la période Total (ni.) Confession Ravalomanana ? Satisfaite Insatisfaite Protestante (i=1) 9,88235294 14,1176471 24 Catholique (i=2) 8,64705882 12,3529412 21 Autres (i=3) 2,47058824 3,52941176 6 Total (n.j) 21 30 N= 51

Telle est donc la répartition équitable, c’est-à-dire ce que nous devions avoir si les deux variables sont indépendantes. A partir de ces deux tableaux d’observation, nous pouvons voir les écarts entre la réalité sur terrain et ce qui devrait être théoriquement. La formule suivante nous permettra d’effectuer cette démarche. eij=nij-n*ij 39 nij est l’effectif recueilli sur terrain soustrait avec l’effectif théorique qu’est n*ij.

Tableau 5 : Tableau des écarts Comment jugez-vous la période Confession Ravalomanana ? Satisfaite Insatisfaite Protestante (i=1) 1.11764706 -1.11764706 Catholique (i=2) -2.64705882 2.64705882 Autres (i=3) 1.52941176 -1.52941176

Ces tableaux nous aideront à calculer les écarts pondérés qui nous indiqueront quelles cases sont les plus éloignés de la situation d’indépendance et quelles cases sont les plus proches. Avec cette formule, nous pouvons compléter le tableau des écarts pondérés : x2ij= e2ij n*ij e²ij signifie qu’on va multiplier les écarts avec ce même écarts et ensuite on le divisera avec l’effectif théorique (n*ij)

Tableau 6 : Tableau des écarts pondérés Comment jugez-vous la période Total (ni.) Confession Ravalomanana ? Satisfaite Insatisfaite Protestante (i=1) 0,12640056 0,0884804 0,21488096 Catholique (i=2) 0,81032413 0,56722688 1,37755101 Autres (i=3) 0,9467787 0,66274509 1,6095238 Total (n.j) 1,88350339 1,31845237 *D 2= 3,20195577 *D 2 est la distance.

En obtenant D 2, nous la comparerons avec la valeur correspondante dans la table de loi de Khi-deux. Avec un degré de liberté γ= (i-1)*(j-1), on obtient γ= (3-1)*(2-1)= 2 Posons comme seuil de risque d’erreur à 5%, en se référant au tableau de la distribution de x 2, on obtient x 2= 5.99

On constate que D 2

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Mathématiquement parlant donc, nous pouvons dire que ni le fait d’appartenir à l’Eglise réformée ni le fait d’être membre d’une autre confession (Catholique ou autres) n’influe sur la satisfaction ou l’insatisfaction des enquêtés sur leur façon de juger la période Ravalomanana. Cependant, en modifiant le seuil de risque à 30% (ce qui est très élevé), on obtient une certaine corrélation. On a alors D 2 (3.20195577)>x 2(2.41).

Nous sommes alors dans l’obligation de tester une autre variable. En effet, nous allons choisir la variable milieu, vu que bon nombre de programmes de Ravalomanana étaient axés sur le monde rural.

Tableau 7 : Tableau croisant la variable milieu (urbain/rural) et satisfaction ou non *Tableau 7.1 : Tableau des faits bruts observés Comment jugez-vous la période Ravalomanana ? Total Milieu Excellente Bonne Moyenne Mauvaise Urbain 0 4 7 2 13 Rural 2 15 19 2 38 Total 2 19 26 4 N=51 Source : Enquête personnelle, 2012.

Visiblement, les gens du milieu rural qualifient la période de Ravalomanana d’excellente tandis que ceux du milieu urbain gardent un certain doute. La majorité des citadins (7 sur 13) reste sceptique et qualifi cette période de Moyenne. Il se peut que leur besoin collectif ne soit pas pris en compte ou que leur désir soit exclu dans le programme national, le M.A.P. Ils s’attendaient encore plus. On peut dire que les urbains sont plus exigeants par rapport aux ruraux. Comme ce qui a été fait auparavant, nous allons procéder à une compression de ces variables afin de nous permettre d’effectuer le test de Khi-deux.

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*Tableau 7.2 : Tableau compressé Comment jugez-vous la période Milieu Ravalomanana ? Total Satisfaisante Insatisfaisante Urbain 4 9 13 Rural 17 21 38 Total 21 30 N=51 Source : Enquête personnelle, 2012.

Maintenant, nous allons procéder au calcul des effectifs théoriques

n*ij= ni.*n.j N Tableau 8 : Tableau des effectifs théoriques Comment jugez-vous la période Milieu Ravalomanana ? Total Satisfaisante Insatisfaisante Urbain 5,35294118 7,64705882 13 Rural 15,6470588 22,3529412 38 Total 21 30 N=51

Théoriquement, telle devrait être la répartition des effectifs.

Calcul des écarts entre les faits observés et les effectifs théoriques. Eij=nij-n*ij

Tableau 9 : Tableau des écarts Comment jugez-vous la période Milieu Ravalomanana ? Satisfaisante Insatisfaisante Urbain -1,35294118 1,35294118 Rural 1,35294118 -1,35294118

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Calcul des écarts pondérés. x2ij= e2ij n*ij

Tableau 10 : Tableau des écarts pondérés Comment jugez-vous la période Milieu Ravalomanana ? Total Satisfaisante Insatisfaisante Urbain 0,34195217 0,23936652 0,58131868 Rural 0,11698364 0,08188854 0,19887218 Total 0,4589358 0,32125506 *D 2=0,78019086 *D 2 est la distance

Avec un degré de liberté γ= (i-1)*(j-1), on obtient γ= (2-1)*(2-1)=1 Posons comme seuil de risque d’erreur à 5%. En se référant au tableau de la distribution de x 2, on obtient x 2= 3.841

D2

Comme une dernière tentative, nous allons tester s’il y a une corrélation entre la variable niveau d’étude et la satisfaction ou non au régime Ravalomanana.

Tableau 11 : Tableau croisant les variables niveau d’étude et satisfaction ou non Comment jugez-vous la période Ravalomanana ? Niveau d’étude Excellente Bonne Moyenne Mauvaise Total Primaire et 0 0 2 0 2 analphabète S.I 57 2 11 13 1 27 S.II 58 0 4 3 1 8 Universitaire 0 4 8 2 14 Total 2 19 26 4 N=51 Source : Enquête personnelle, 2012.

57 Niveau Secondaire premier cycle. (6 ème jusqu’au 3 ème ) 58 Niveau Secondaire second cycle (2 nde jusqu’au Terminale) 43

Dans cette microsociété, force est de constater qu’il y a une certaine hétérogénéité de la réponse des enquêtés. Pour le cas du niveau d’étude primaire et analphabète par exemple, ils adoptent une réponse qu’on qualifierait de douteuse car ils ne sont ni totalement satisfaits ni totalement insatisfaits. Nous dirons qu’ils n’osent pas donner une réponse « extrémiste », c’est-à-dire qu’ils n’optent ni pour la variable Excellente ni pour la variable Mauvaise. Cela prouve le fait que cette couche de la population est la plus facile à manipuler. Elle fonctionne à partir des slogans qui changent à chaque régime. En ce qui concerne le niveau secondaire premier cycle, la moitié reste aussi sceptique car elle juge la période Ravalomanana Moyenne. Cependant, on remarque qu’il y a bon nombre d’entre eux qui jugent cette période Excellente et Bonne. D’ailleurs c’est dans ce niveau d’étude qu’on ose opter pour une variable Excellente. Quant au niveau secondaire second cycle, les enquêtés semblent être divisés entre Bonne et Moyenne. C’est au niveau de l’universitaire qu’on enregistre une légère différence, vu que le tableau nous montre que deux d’entre eux jugent la période Ravalomanana Mauvaise. La majorité est semblable à tous les autres niveaux d’étude, cela revient à dire qu’ils sont douteux. En gros, la majorité des enquêtés (27 sur 51) jugent la période Ravalomanana Moyenne. C’est auprès des enquêtés du niveau secondaire premier cycle qu’il a un score favorable, tandis que les enquêtés fréquentant l’université sont un peu défavorables à Ravalomanana, même si cela reste un peu moins net.

Maintenant, nous allons procéder au test de Khi-deux. Pour ce faire, nous allons effectuer la même opération comme auparavant, sauf que nous allons compiler dans un même tableau le tableau d’observation (compilé lui aussi), le tableau des effectifs théoriques et le tableau des écarts. Nous pensons que cette démarche nous sera bénéfique, vu que les procédures de calcul à suivre sont déjà détaillées avec les formules adéquates.

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Tableau 12 : Combinaison des variables et test de Khi-deux Comment jugez-vous la période Niveau d’étude Ravalomanana ? Total Satisfaisante Insatisfaisante Analphabète, Observé 13 16 29 Primaire et S.I Théorie 11,9411765 17,0588235 Ecart 1,05882353 -1,05882353 0 Observé 4 4 8 S.II Théorie 3,29411765 4,70588235 Ecart 0,70588235 -0,70588235 0 Observé 4 10 14 Universitaire Théorie 5,76470588 8,23529412 Ecart -1,76470588 1,76470588 0

Tableau 13 : Tableau des écarts pondérés Comment jugez-vous la période Milieu Ravalomanana ? Total Satisfaisante Insatisfaisante Analphabète, 0,09388583 0,06572008 0,15960591 Primaire et S.I S.II 0,1512605 0,10588235 0,25714286 Universitaire 0,54021609 0,37815126 0,91836735 Total 0,78536242 0,54975369 *D 2=1,33511612 *D 2 est la distance

Avec un degré de liberté γ= (i-1)*(j-1), on obtient γ= (3-1)*(2-1)=2 Posons comme seuil de risque d’erreur à 5%. En se référant au tableau de la distribution de x 2, on obtient x 2= 5.99

D2

Nous pouvons alors conclure que les tests effectués sur la microsociété n’ont pas permis d’identifier mathématiquement les variables fortes en relation avec la satisfaction ou non à la période Ravalomanana. Toutes les trois variables à savoir la confession, les milieux et les niveaux d’études sont indépendantes avec une certitude à 95%.

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Cependant, nous pouvons déduire que la confession catholique et les autres confessions (protestante exclue) ont jugé la période Ravalomanana Excellente ; pour ceux qui en jugent Bonne, c’est la religion protestante qui répond favorable à son régime (11/19). Le milieu rural est quand à lui, très déterminant car la majorité écrasante de ceux qui jugent la période Ravalomanana Excellente et Bonne viennent de ce milieu (17/21). En ce qui concerne le niveau d’étude, le niveau secondaire premier et second cycle trouve la période Ravalomanana Excellente et Bonne (13/21). Les jeunes entre 18 et 29 ans sont satisfaits à la période Ravalomanana (10/21). Les universitaires sont un peu hostiles à Ravalomanana et les protestants, même s’ils sont très minimes.

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Chapitre II : Les rites politiques pour s’accaparer du pouvoir

Dans ce chapitre, nous examinerons le Mouvement Orange du 2009 mené par le maire de la capitale. Dans cette optique, il importe d’analyser le rapport entretenu entre le pouvoir central et le pouvoir local. Deux pouvoirs qui coexistent difficilement vu que la capitale est un lieu de surconcentration de pouvoir, ce qui revient à dire implicitement qu’elle est le fief du pouvoir central. Ainsi, nous analyserons en premier lieu les conditions nécessaires et fertiles pour faire intrusion au sein du pouvoir central, c’est après qu’on analysera en détail les raisons latentes de ce Mouvement Orange.

A- La mobilisation des objets sociaux

Dans sa théorie, le sociologue Américain Talcott Parsons privilégie deux objets sociaux (à part la relation sociale) tels que la culture et les symboles. C’est dans ce sens parsonien que nous entendons effectuer et étudier les rites du Mouvement Orange en particulier, et les rites de tout mouvement de rue à Madagascar en général.

1- Le lieu de mémoire pour concevoir un régime parallèle

A Antananarivo, pour mener à terme une manifestation, il faut bien choisir l’endroit. Cet endroit doit avoir une certaine légitimité aussi bien aux yeux du public qu’aux yeux du régime. En plus, il doit avoir une forte signification symbolique. La place du 13 Mai répond à ce critère et joue un rôle très important dans la mémoire collective des Malagasy. Celle-ci se transmet de génération en génération grâce à des manifestations (1972, 1991, 2002, 2009). Avec ces « rendez-vous » cycliques sur la rue, il est quasi-impossible d’oublier un tel endroit truffé de significations. Les grèves sur la place de 13 Mai ont alors pour vocation de revivifier la mémoire.

Quelle est donc l’importance d’un endroit dans une manifestation ? Et pourquoi certaines manifestations n’ont pas de grands impacts ? Pour tenter de répondre à ces questions, nous allons voir la façon dans laquelle Rajoelina avait construit un endroit symbolique mais insuffisant pour renverser le régime Ravalomanana.

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Suite à la fermeture de la station de la télévision Viva le mois de Décembre 2008, et face à l’intransigeance de Ravalomanana, Rajoelina décidait de rassembler la foule (Samedi 17 Janvier 2009) 59 pour inaugurer la Place de la Démocratie à Ambohijatovo. Avec un endroit fraîchement inauguré et qui plus est dans un endroit clos et dépourvu de symbole, Rajoelina décidait de descendre sur la place de 13 Mai sous prétexte que la Place de la Démocratie qu’il venait d’inaugurer ne peut pas contenir sa foule. Avec une telle action, il menaçait et déstabilisait le régime en place.

Emmener de la foule sur la Place de 13 Mai consiste à envoyer un message envers le régime en place. En général, le contenu de ce message veut le départ du président en exercice et en effet, la naissance d’un autre régime 60 . Trois régimes sont tombés sur cet endroit entraînant en même temps la naissance d’un nouveau régime. On peut dire que tout embryon de régime à Madagascar est conçu à partir de la Place de 13 Mai. On se demande alors quelle(s) est/sont la/les signification(s) de la place de 13 Mai ? 13 Mai est une dénomination attribuée à une portion de place sur l’Avenue de l’indépendance. 13 Mai est aussi une date que la mémoire collective de tous les Malagasy retient. Primo, il évoque le sang qui a coulé sur cet endroit suite aux tirs des Forces Républicaines de Sécurité sous l’ordre de Tsiranana qui voulait à tout prix défendre son régime. Secundo, c’est un symbole de la libération. A l’époque (1972), les manifestations voulaient une rupture avec la colonisatrice. La chute du régime Tsiranana signifiait pour le peuple que Madagascar n’est plus sous le joug des français. Un peu comme s’il est libéré pour une seconde fois après la proclamation de l’indépendance en 1960. Tertio, la place de 13 Mai est un lieu pour se rivaliser avec l’ordre établi. En général, l’Etat a le monopole de la force et peut en user pour remettre l’ordre. Avec ce principe weberien, la force de l’ordre intervient pour disperser les manifestants et les menacer. Deux forces s’interposent alors : celle de l’Etat légitime et celle de la foule qui est censée être le souverain. Par conséquent, cet endroit est devenu un lieu de confrontation de force entre les protagonistes. Dans une logique de manifestation, la place de 13 Mai devient le substitut de Tsimbazaza, l’endroit où le dirigeant et les porte-paroles du peuple devraient se communiquer. 13 Mai

59 Signalons que les chiffres qui contiennent un chiffre 7 est symbolique pour les Malagasy, pour les chrétiens et aussi pour Ravalomanana. Tous les numéros d’immatriculation des voitures du président Ravalomanana se terminent tous par des 7. 60 Implicitement et explicitement, les manifestants et les meneurs veulent dire : donnez-nous ta place, c’est à nous maintenant. Il faut que vous dégagiez. 48 devient alors un espace (de dialogue) pour se faire entendre. Quarto, la Place de 13 Mai est le lieu de la défaite pour les régimes.

2- La mobilisation du background culturel et les actes oraux Dans presque tous les mouvements populaires, les meneurs essayent toujours d’évoquer le patriotisme pour mobiliser les gens. Mener un mouvement sous l’habit du « patriotisme » permet de toucher la fibre émotionnelle sur le Tanindrazana . En effet, par cette noble cause, on peut défier et destituer le régime en place. Ce phénomène est appuyé souvent par le chant patriotique du M.D.R.M61 pour mettre le baume sur le cœur et pour inciter implicitement les manifestants à passer à l’acte. Ce chant patriotique a aussi un caractère provocateur. Ainsi, tout mouvement de la rue doit mettre en scène ce patriotisme. Lors du Mouvement Orange les éléments évoqués pour démontrer le soi-disant patriotisme des meneurs de grève sont au moins au nombre de trois.

 Dénonciation du monopole de Ravalomanana. Par là, ce que les meneurs et certains manifestants entendent est l’idée de partage. Un partage qui explique la philosophie Malagasy. Ainsi, pour eux, il faut partager tout (même si c’est en petite quantité. Ceci est inscrit dans leur proverbe « Valala iray ifanapahana » Littéralement : « partager une sauterelle »). Martin Blais, dans son ouvrage L’anatomie d’une société saine (Les valeurs sociales) démontre qu’il y a deux types de partage. L’un a une « résonance altruiste »62 tandis que l’autre relève de la justice. L’idée de partage chez les Malagasy correspond au premier sens. Cela montre qu’ils sont des êtres qui sont pour autrui et vivent au sein de la communauté. Cette idée de partage (au sens altruiste du terme) explique en partie le pillage du 26 Janvier 2009. Celui-ci autorise aux manifestants d’accéder aux richesses du président Ravalomanana vu qu’il ne partage pas ses surplus. Ainsi, Rajoelina leur offre l’occasion de prendre en toute impunité. Il s’agit de donner à partir des capitaux des autres. Une vraie idée machiavélique. En même temps, Rajoelina joue aussi le rôle d’un justicier. Il décide à qui donner ces richesses du président.

61 Le refrain est surtout incitatif et mobilisateur. Mitsangana ry tanora, Traduction littérale : Debout les jeunes, Mitsangana f’aza manana ahiahy Debout n’ayez pas crainte ‘Zao no andro sady ora C’est le jour et l’heure Mijoro sahia tokoa ho lehilahy! Debout et soyez de (vrai) homme !

62 Martin Blais, L’anatomie d’une société saine (Les valeurs sociales), ouvrage électronique, P.35 49

Il est fort probable aussi que par cette notion de « partage », les états majors de Rajoelina et lui-même veulent accéder aux rentes étatiques qui sont jusque maintenant entre les mains de Ravalomanana et âprement gardées par ses réseaux.

 Vente du Tanindrazana (quelques hectares de terre arable) au Daewoo Pour les Malagasy, le Tanindrazana ou la terre des ancêtres est sacré et n’est pas à vendre 63 , surtout aux étrangers. Cette loi d’interdiction de vente de terre aux étrangers date, en effet, de l’époque du royaume. Profitant de ce capital culturel, Rajoelina condamne Ravalomanana pour trahison à la patrie. Par analogie, Radama II était pendu en raison de cette même raison pour certains chercheurs. Une telle vente est donc un vrai scandale que le clan Rajoelina décidait d’exploiter à fond même s’il savait pertinemment que cet acte entre dans le cadre et dans le jeu du système capitaliste. Force est donc de constater le fait qu’il y a une opposition entre le monde Malagasy qui évolue dans le particularisme -surtout ceux qui n’ont pas acquis la culture universelle dans les écoles- et le monde universel –qui évolue dans la logique du marché, des investissements, etc. Cette contradiction entre ces deux mondes est alors instrumentée par Rajoelina pour servir son but. Avec un taux d’éducation peu élevé, les politicards bernent facilement la population qui évolue dans « sa coquille » qu’est le monde particulariste. Une population qui est essentiellement enclavée dans l’ignorance et dans le monde particulier.

 Le pays est « envahi » par des mercenaires étrangers Dire que le pays est envahi est une technique de manipulation de l’opinion. Elle déclenche le reflexe nationaliste des Malagasy. Cette technique veut faire croire aux peuples que le pays est de nouveau sous le joug d’un nouveau colonisateur. Parmi ces colonisateurs, les étrangers avec qui Ravalomanana avait l’habitude de travailler sont pointés du doigt. Les étrangers qui ont instruit 64 les forces de l’ordre ne sont que des boucs émissaires pour atteindre les autres étrangers qui se trouvent dans le noyau du pouvoir. Cette situation a une ressemblance avec la situation post colonisation. Pendant la période Tsiranana, les français sont partout : dans différents

63 Cette interdiction est inscrite dans le Code 305 en 1881. Cependant, la loi en vigueur (Loi n°2007- 036 du 14 Janvier 2008 sur l’investissement à Madagascar soumet l’acquisition de terrains pour les étrangers à l’obtention d’un permis d’acquisition foncière délivré par l’Economic Development Board of Madagascar. 64 Cf. Annexe III 50 départements stratégiques (le Secrétaire Général de la présidence était même un français alors que Madagascar est indépendant.), et dans les postes juteux. Il s’agit donc d’exploiter ce même schéma et faire ressurgir ce souvenir dans la conscience collective. Dans cette même ligne d’idée, les meneurs de grève deviennent en quelque sorte des héros nationaux, car ils « défient » les « colonisateurs » et libèrent le pays, le Tanindrazana.

Dans un moment de manifestation aussi, il faut des discours tenus par des tuteurs de la politique Malagasy. Dans celui-ci, le sujet est dans la plupart des temps destiné à exciter la foule et à dénigrer le régime en énumérant ses fautes, ses points faibles. Tout est alors permis pendant la grève. C’est comme si la censure est bannie. La foule se défoule et les meneurs font semblants de jouer le jeu. Comme la majorité des régimes successifs à Madagascar se maintiennent par le contrôle de l’information et de la parole, le fait de palabrer sur la rue est une autre forme pour établir un pouvoir parallèle au régime en place. L’opposition a alors une structure pour s’exprimer publiquement. Elle crée son propre champ de dialogue et attire l’attention des média. Faire intrusion dans l’opinion publique est donc devenue possible. En même temps, elle est entendue et reconnue du moins d’une certaine façon comme une force au sein du système politique. Il faut aussi souligner ces discours nationalistes65 tenus par des gens ayant eux-mêmes une double nationalité. Il y a alors un écart entre ce que l’on dit et de ce que l’on fait.

Dans un mouvement populaire aussi, il est important qu’un culte religieux ait lieu. D’abord, la religion est un phénomène intégrateur dans la société. Dans toute réunion de famille, presque la quasi-totalité commence toujours par des cultes surtout dans la Haute Terre. La religion est donc inscrite dans l’inconscience et la conscience des Malagasy qu’il faut utiliser pour les rassembler. Ensuite, avec ce rite cultuel, on procède à la sacralisation de Rajoelina et son pouvoir. Religion et politique sont en effet, étroitement imbriquées.

65 Serge Zafimahova, Jeu de fanorona autour de privatisation, Editions Orsa plus, Antananarivo, 1998, P.137 51

3- Diabolisation de l’ennemi Ce paragraphe consiste à analyser la manière dont Rajoelina et compagnie ont créé l’image de son ennemi. Soulignons que par diabolisation nous entendons une construction mentale collective faite par la société du diable. Celle-ci peut avoir une connotation religieuse.

a) Victimisation Suite à la fermeture de sa station le 13 Décembre 2008 à cause des propos émis par l’ancien président Ratsiraka qui étaient « susceptibles de troubler l’ordre et la sécurité publique », Rajoelina entrait dans la peau d’une victime. Ceci le permit d’avoir la sympathie et l’empathie de la population d’Antananarivo. Faire semblant d’être la victime est un jeu favori des politiciens Malagasy vu que la population est toujours du côté des victimes 66 . Rajoelina est d’ailleurs avantagé par les obstacles érigés par Ravalomanana et les « règlements de compte entre eux ». Parmi les moyens de faire appel à l’affection du public, nous avons observé des propos (fondés ou non) propagés dans les média. Pendant les moments forts du Mouvement Orange par exemple, nous voyons presque toutes les semaines certains journaux et radios qui mettent à la Une que la vie de Rajoelina est en danger, on veut le tuer, etc. Tout en sachant que les Malagasy sont des « olon’ny fo » (Littérallement : hommes de cœur), ils défendent les faibles et ont une grande empathie pour eux. Faire semblant d’être faible est alors une manière d’être en relation symbiotique avec la foule.

b) Souiller les mains du président A Madagascar, tout changement de régime est une machine de fabrication de martyrs. Comme toutes les « révolutions » précédentes, Rajoelina n’avait qu’à refaire ce que les meneurs de grève ont procédé jusqu’à maintenant pour ternir l’image du régime. D’ailleurs, il est entouré par des anciens qui savent exactement ce qu’ils font. Le 26 Janvier 2009, Rajoelina voulait provoquer 67 Ravalomanana en pillant son entreprise et sa station médiatique à Anosipatrana. La réaction que Rajoelina avait certainement attendue était que le président mobilisait les forces de l’ordre pour défendre ses avoirs mais tel n’était pas le cas. Le président ne réagissait pas à cette action, il n’entrait pas dans le jeu dans lequel

66 Interview avec Serge Zafimahova le 26 Octobre 2011. 67 Cf. Document électronique (cd) Emission de la France 24, Reporters. Chronique de Virginie Herz. 52 il serait très facile de l’étiqueter d’être un monstre affamé de pouvoir et de richesse. Il fallait une autre action plus osée et plus agressive pour montrer sa « face cachée ». Ce « lundi noir » a comme effet pervers un formatage de la mémoire collective. Il s’agit de déraciner dans la conscience collective tout ce qui fait Ravalomanana et tout ce qui permet de le remémorer. Le 7 février 2009, après avoir déclaré quelques jours plutôt (le 31 Janvier 2009) qu’il est aux commandes du pays, il nommait son Premier Ministre Zafitsimivalo. A peine nommé, Rajoelina l’autorisait à s’installer à Ambohitsirohitra vu que ce bâtiment appartient à la Commune Urbaine d’Antananarivo, disait-il. On constate alors ce paradoxe dans les paroles et les circonstances dans lequel évolue la logique Rajoelina. S’il est à la tête de l’Etat pourquoi investir un bâtiment de la Commune d’Antananarivo? A quel statut se réfère-t-il quand il « autorise » son Premier Ministre à s’installer dans ce palais ? En tant que Maire ou en tant que chef d’Etat ? Rajoelina voulait simplement justifier la prise du palais d’Etat qui serait une zone rouge. Le but implicite était de sacrifier des martyrs pour montrer aux yeux des Malagasy et aux yeux du monde entier que le régime est un régime sanguinaire qui assassine son peuple. Le psychologue Américain Lee Aronson ne disait-il pas que les comportements agressifs peuvent être la plus dramatique manière pour une minorité opprimée d’attirer l’attention de la puissante majorité ? (“(…) aggresive behavior might be the most dramatic way for an oppressed minority to attract the attention of the powerful majority »68 P. 209 ) L’évènement du 7 février 2009 pourrait alors être vu sous un angle d’un rite sacrificiel effectué par Rajoelina. Pourquoi alors un tel rite ? Il est universellement reconnu que la vie d’un homme est importante. Tuer est en effet un acte criminel et interdit. Rajoelina poussait alors Ravalomanana à commettre l’irréparable. Le faire entrer dans le groupe de présidents qui ont du sang sur leurs mains. Dans ce jeu, Rajoelina voulait intégrer le peuple parmi les victimes du régime Ravalomanana afin qu’il puisse agir en sa faveur. Nous entendons souvent dans la discussion ou interview : « volam-bahoaka no nampiasain’i Ravalomanana » (Littéralement : c’est le denier public que Ravalomanana a utilisé). Du coup, Rajoelina et le peuple sont tous des victimes. Le rite consiste à créer un autre lieu de mémoire qui sera gravé dans la conscience collective des Malagasy. Quand on évoquera le 7 Février et la place d’Ambohitsirohitra, cela entraînera un élément déclencheur d’un souvenir lié à Ravalomanana.

68 Lee Aronson, Op.Cit, P.209 53

c) Transformer une personne en diable en personne Pendant presque tous les mouvements populaires à Antananarivo, le culte est toujours au rendez-vous. Il est souvent mis en exergue et devant la scène. Pendant les prises des ministères, comme celui de l’Intérieur par exemple, ce sont les Mpiandry (littéralement : Gardiens) qui exorcisent les bâtiments publics. Dans ce jeu, on fait passer Ravalomanana et ses collaborateurs comme le mal dont le pays doit s’en débarrasser. L’acte oral (prière) et l’acte gestuel ne sont que des symboles recourus pour faire naître dans l’esprit des gens que le diable est repoussé.

Un autre cas de figure de cette transformation est la fouille effectuée au sein du palais d’Ambohitsirohitra. Quand Rajoelina, avec l’aide du C.A.P.S.A.T, a envahi le palais, des talismans utilisés dans les rites sataniques sont bradés aux yeux des médias et du public venus pour assister aux évènements. Avec un tel acte, le but est atteint. Ravalomanana qui est vice- président du F.J.K.M et qui fait toujours appel à Dieu n’est en fait qu’un serviteur du diable, un hypocrite : tel est le message qu’on veut faire passer. L’image est d’ailleurs un appui très convaincant que les mots 69 . « Une image vaut dix milles mots » disait les chinois. Du côté des partisans de Ravalomanana le but consiste à faire planer le doute.

B- Les causes du Mouvement Orange

1- Le conflit entre Ravalomanana et Rajoelina Propriétaire de l’Injet, Rajoelina concurrençait le marché de panneaux publicitaires à Antananarivo. Il entre en rivalité avec Ravalomanana vu qu’un de ses proches possédait aussi des panneaux publicitaires (iMada). Bénéficiant de sa position, Ravalomanana ordonne à Ramiaramanana Patrick, P.D.S d’Antananarivo d’intervenir. Toute installation de panneau publicitaire est alors interdite et/ou retirée, en 2004. Cela soi-disant entre dans le cadre de l’amélioration de l’image de la capitale. Ce harcèlement à son encontre devenait alors une source de motivation majeure pour Rajoelina afin de régler ce que Matthieu Pellerin appelle « conflit d’entrepreneurs ». Pour ce faire, il s’est porté candidat à la mairie d’Antananarivo. A l’époque, le camp Ravalomanana était victime de dissensions internes et de sa politique de parachutage. Profitant de cette confusion au sein du parti présidentiel, et du mécontentement de la population d’Antananarivo, Rajoelina a pu facilement accéder à la Mairie.

69 Dale Carnegie, Comment parler en public, Hachette, Librairie Générale Française, Paris, 1990. 54

La tension entre Ravalomanana et Rajoelina montait alors d’un cran. Le premier mettait des obstacles comme la nomination des chefs fokontany par le préfet de police, le blocage du compte de la commune, la gestion du S.A.M.V.A qui est désormais rattaché au ministère de l’eau.

2- L’anglophobie de la France Nous venons de constater ci-dessus que Ravalomanana était trop proche des Anglo-saxons et des germaniques. Au début du mois de Janvier 2009 par exemple, Ravalomanana annonçait la création d’une banque malagasy avec la coopération de l’Allemagne. Une telle initiative mettrait sans doute les banques françaises en rogne. Ces dernières contrôlent le secteur financier du pays et bloquent le développement de Madagascar à cause de leur taux d’intérêt très élevé. Avec celui-ci, seuls les riches pouvaient emprunter et investir tandis que les pauvres sont exclus du système. Une banque avec un capital Malagasy pourrait donc être grandement utile et efficace pour mener Madagascar sur la bonne voie. Ainsi, avec un taux d’intérêt moins élevé, le prêt bancaire augmenterait. Ce qui impliquerait une hausse d’investissement et une croissance économique. Il en résultera que les banques françaises seront dans l’obligation de diminuer ses taux d’intérêts, impliquant la baisse de ses surplus.

Cette anglophobie se manifeste par la Constitution du 17 Novembre 2010 qui définit deux principales langues nationales : Malagasy et Français. On remarque tout de suite que la langue Anglaise est exclue de la langue officielle à Madagascar.

3- Le règlement de compte entre la grande famille puissante et Ravalomanana La décision économique de Ravalomanana avait des revers. Certaines décisions ne protégeaient pas les intérêts économiques de grand nombre de familles, entre autres la famille Ramanandraibe, Rasolondraibe, Rajabali, Danil Ismael, Ramaroson. Ayant un intérêt, certaines familles rejoignent Rajoelina en espérant profiter de sa période pour augmenter leur surplus économique.

55

4- Phobie de la puissance de Ravalomanana Sur le plan international, le régime Ravalomanana était sur le point d’être reconnu pour ses efforts et ses réalisations. L’accueil du Sommet de l’Union Africaine aurait probablement un impact diplomatique tout comme l’accueil du sommet de la francophonie que Bernard Krouchner voulait à tout prix revenir à la République Démocratique du Congo 70 . En hébergeant ces sommets, Madagascar en général et Ravalomanana en particulier se trouve au sommet du monde entier. Son prestige et son honneur augmentent progressivement. Un tel accueil est une forme d’atteinte du besoin d’estime et un besoin d’accomplissement de soi 71 sur l’échelle de Maslow. Sous un regard psychologique de Maslow, c’est une forme de respect. Maslow distingue deux sous-ensembles de ce besoin d’estime :  « (…), le désir de la puissance, de performance, d’adéquation, de confiance au regard du monde et d’indépendance et de liberté. »P.65  (…), le désir de réputation ou prestige, de reconnaissance, d’attention, d’importance et d’appréciation. »P.65 72 Accueillir donc ces deux sommets procure à la fois à Ravalomanana une puissance mais aussi une réputation (qui vont probablement renforcer son pouvoir et ses atouts auprès des électeurs). Ce qui confirmerait au stéréotype qui dit qu’il est un grand bosseur, un génie. Force est alors de remarquer la présence de l’A.N.L telle que la jalousie de la classe politique anti-Ravalomanana. C’est en partie un moteur qui leur motive à destituer Ravalomanana vu que ces réalisations sont palpables.

Visiblement donc, Ravalomanana menait des luttes 73 sur tous les fronts qui entraînaient des réactions de la part des acteurs. A force de trop réagir, il provoque des échos négatifs et beaucoup de variables qu’il doit maîtriser.

70 « (…) C’est un pays francophone majeur qui pourrait accepter d’accueillir le sommet de la Francophonie en 2010 - nous souhaitons, c’est juste un souhait, que ce soit la République démocratique du Congo. On verra. Il y a une équipe qui va venir, autour du président Diouf, pour voir si c’est possible. Il y a certainement des priorités pour le président Kabila, pour ce pays et ses habitants, qui ne sont pas forcés d’accueillir une conférence. Nous verrons bien. C’est un projet que j’aime beaucoup. (…)» Le président Kabila n’avait pas pris la peine de venir à Québec pour défendre son pays, du coup, Madagascar est « qualifié » d’office pour accueillir le Sommet. 71 Ce besoin « renvoie au désir de réalisation de soi, c’est-à-dire la tendance de l’individu à devenir actualisé dans ce qu’il est. Cette tendance peut être formulée comme le désir de devenir de plus en plus ce que l’on est, de devenir tout ce que l’on est capable d’être » in Devenir le meilleur de soi-même, Abraham Maslow, Nouveaux Horizons, Paris, 2008, P.66. 72 Abraham Maslow, Devenir le meilleur de soi-même, Nouveaux Horizons, Paris, 2008. 73 Interview avec Fetison Rakoto Andrianirina, le 27 Octobre 2011. 56

C- Perception et jugement de la période Rajoelina par la microsociété Tableau 14 : Tableau des observations sur terrain sur le croisement de variable Age et jugement de la période Rajoelina Comment jugez-vous la période Rajoelina ? Age Excellente Bonne Moyenne Mauvaise Total 18-29 0 1 11 20 32 30-39 0 1 1 5 7 40-49 0 0 3 3 6 50 et plus 0 3 0 3 6 Total 0 5 15 31 N= 51 Source : Enquête personnelle, 2012.

Une lecture verticale de ce tableau nous révèle que plus de la moitié de la tranche d’âge de 18 à 29 ans trouvent la période de Rajoelina Mauvaise. Lors de notre terrain un jeune homme avait même jugé la période Rajoelina de « Cancre » mais comme cette variable n’est pas inscrite dans le questionnaire nous tenons à le classifier dans la variable Mauvaise. Dans la tranche d’âge de 30 à 39 ans, la même interprétation est valide vu que la moitié de celle-ci juge cette période de Mauvaise. La tranche d’âge de 40 à 49 ans quant à elle, est divisée entre la Moyenne et la Mauvaise. C’est dans la tranche d’âge de 50 ans et plus qu’on remarque un hiatus. Les enquêtés se trouvant dans cette tranche d’âge ont une réponse plus ou moins à l’extrême. Ils optent soit pour la bonne, soit pour la Mauvaise. D’ailleurs si on fait une lecture horizontale du tableau on constate que c’est cette tranche d’âge qui a une tendance à juger la période favorable. Sur les cinq enquêtés qui ont jugé la période Rajoelina Bonne, la moitié d’entre eux sont tous dans la tranche d’âge de 50 ans et plus. Une lecture holistique du tableau nous indique que la majorité des enquêtés sont unanimes à dire que la période de Rajoelina est Mauvaise.

« Ravalomanana voulait régler les problèmes tous en même temps. Il était en « guerre » avec la France, la bourgeoisie Merina, karana, chinois, la corruption. » 57

Tableau 15 : Tableau de combinaison de variable et test de khi-deux Comment jugez-vous la période Age Rajoelina ? Total Satisfaisante Insatisfaisante Observé 1 31 32 18-29 Théorie 3,1372549 28,8627451 Ecart -2,1372549 2,1372549 0 Observé 1 6 7 30-39 Théorie 0,68627451 6,31372549 Ecart 0,31372549 -0,31372549 0 Observé 3 9 12 40-50 et plus Théorie 1,17647059 10,8235294 Ecart 1,82352941 -1,82352941 0

Tableau 16 : Tableau des écarts pondérés Comment jugez-vous la période Age Rajoelina ? Total Satisfaisante Insatisfaisante 18-29 1,4560049 0,1582614 1,6142663 30-39 0,14341737 0,01558884 0,15900621 40-50 et plus 2,82647058 0,30722506 3,13369564 Total 4,42589285 0,48107531 *D 2=4,90696816 *D 2 est la distance.

Avec un degré de liberté γ= (i-1)*(j-1), on obtient γ= (3-1)*(2-1)=2 En fixant le seuil de risque d’erreur à 5%. En se référant au tableau de la distribution de x 2, on obtient x 2= 5.99

D2

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Si le seuil de risque d’erreur est de 20% (ce qui est très élevé, donc peu fiable), on a x 2=3.22. Il en résulte que D 2>x 2. Actuellement nous allons combiner la variable Niveau d’étude avec le jugement envers la période Rajoelina.

Tableau 17 : Tableau des observations sur terrain sur le croisement de variable Niveau d’étude et jugement de la période Rajoelina Niveau Comment jugez-vous la période Rajoelina ? d’étude Excellente Bonne Moyenne Mauvaise Total Analphabète 0 0 2 0 2 et Primaire S.I 0 5 7 15 27 S.II 0 0 4 4 8 Universitaire 0 0 2 12 14 Total 0 5 15 31 N=51 Source : Enquête personnelle, 2012.

En général, il est évident que ceux qui ont fréquenté le niveau secondaire du premier cycle sont unanimes à juger la période Rajoelina Bonne. La même interprétation émise ci-dessus demeure valide dans cette combinaison d’autre variable : la majorité des enquêtés (31 sur 51) juge cette période Mauvaise.

Tableau 18 : Tableau d’observation et combinaison de variable Milieu et jugement de la période Rajoelina Comment jugez-vous la période Rajoelina ? Milieux Excellente Bonne Moyenne Mauvaise Total Rural 0 5 13 20 38 Urbain 0 0 2 11 13 Total 0 5 15 31 N=51 Source : Enquête personnelle, 2012.

Il est patent que même si la majorité des ruraux trouvent la période Rajoelina Mauvaise (20 sur 38), c’est dans ce milieu aussi que Rajoelina a un public favorable à lui (5 sur 38). Ceci peut s’expliquer par l’action sociale à caractère politique de Rajoelina comme le

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Vary Mora - Tsena Mora . Celui-ci est en quelque sorte une séduction envers les gens. En effet, à Madagascar, à cause de la pauvreté, on séduit facilement le public avec des nourritures ou des Produits de Première Nécessité. Ceux-ci sont d’ailleurs devenus une arme anti- démocratique mais très utilisés par des gens malveillants et assoiffés du pouvoir. La logique de Donnant-Donnant 74 entre en jeu grâce à cette forme de « gentillesse ». A partir de ces tableaux, nous pouvons avoir une certaine idée des caractéristiques de gens qui sont favorables à la période Rajoelina : les personnes ayant un niveau d’étude secondaire premier cycle, du monde rural, de confession catholique (parmi les 5 qui ont jugé la période Rajoelina Bonne 4 sont issue de cette religion) et âgées plus de 50 ans. Les personnes âgées entre la tranche d’âge de 18 à 29 ans (20/32), ayant le niveau d’étude secondaire premier cycle et universitaire, appartenant à l’Eglise réformée (18/31) ont par contre tendance à être défavorable à la période Rajoelina.

Etant trop indépendant vis-à-vis de la France, Ravalomanana s’était rapproché intimement avec un monde nouveau dont la majorité de la classe politique méconnaît. Cette ouverture vers un nouvel horizon n’est pas sans risque car elle provoque la naissance des acteurs frustrés décidés à récupérer leur « dû ». On peut dire qu’ils sont déboussolés et en perte de repère. En plus de cette situation, la gestion incestueuse entre l’Etat et l’empire Tiko ne fait que donner raison aux détracteurs de Ravalomanana pour le faire tomber. Ainsi, l’accession de Rajoelina à la tête de la Commune Urbaine d’Antananarivo n’était qu’une occasion saisie par les opposants pour déstabiliser et manœuvrer en plein cœur même du champ du pouvoir. Dans cette lutte pour accéder au pouvoir, Rajoelina manipule le triptyque Malagasy qu’est le « Aina » (vie), le « tanindrazana » (terre des ancêtres ou patrie) et le « fiaraha-monina » (société ou communauté).

74 Voir Marcel Mauss sur le Don et le Contre-don in Sociologie et Anthropologie, PUF, Paris, 1995. Dans ce don et contre-don, il y a trois obligations : « Donner- Recevoir- Rendre ». Ainsi, la logique veut qu’après avoir reçu (quoi que ce soit) on rend. Cela de peur d’avoir une sorte de dette envers celui qui nous a donné. « On n’a pas droit de refuser un don, agir ainsi c’est manifester qu’on « craint » d’avoir à rendre » Ici, la même logique s’applique, Rajoelina donne (le vary mora), et en retour il a la sympathie du public.

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Partie III : Le processus interminable de la mise en place de la Transition

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Partie III : Le processus interminable de la mise en place de la Transition

« Revolutions usually are not started by people whose faces are in the mud. They are most frequently started by people who have recently lifted their faces out of the mud, looked around, and noticed that other people are doing better than they are and that the system is treating them unfairly.” 75 Elliot Aronson

Après le trouble et la confusion au sein du pouvoir central, une nouvelle institution a vu le jour pour prendre le relais étant donné que la nature a horreur du vide. Ainsi, nous allons d’abord examiner les acteurs impliqués dans cette institution, ensuite, nous verrons pourquoi tout le monde se précipite vers ces institutions de la transition. En d’autres termes, pourquoi cette transition dure longtemps 76 et est « difficile » à résoudre ?

Chapitre I : Les actions sociales 77 dans la Transition Malagasy

A- Les principaux protagonistes En sachant que deux acteurs ont entraîné cette crise, il est plus fructueux de les voir dans son « milieu/situation naturelle »

a) Ravalomanana et la mouvance Ravalomanana Au début de la crise, nous avons pu observer une certaine cohésion et une certaine homogénéité de cette mouvance. Au fil du temps divers acteurs majeurs et mineurs se sont désintégrés au sein de cette mouvance. Aussi, y-a-t-il le T.I.M Raharinaivo et le G.M.M.R. Jusqu’à maintenant, suite à notre observation durant quelques meetings au Magro, à peu près quatre partis politiques constituent le noyau de cette mouvance : T.I.M, Teza, M.F.M,

75 Littéralement : (Les) révolutions ne sont pas toujours amorcées par le peuple dont les faces sont dans la boue. Elles sont très souvent menées par des peuples qui ont récemment sorti leurs faces de la boue, regardez autour, et remarquer que d’autres peuples font le meilleur qu’eux et que le système leur traitre injustement» P.212-213 in Elliot Aronson, The Social Animal, 5th Edition, Freeman, U.S.A, 1988. 76 Nous basons sur le nombre d’année. La transition va atteindre la 4 ème année au moment où nous effectuons notre travail de recherche. Elle est longue si on la compare aux autres transitions que Madagascar ont connues. 77 Cf. notion d’action sociale chez Talcott Parsons. Une action sociale comporte quatre éléments : Le sujet-acteur, la situation, les symboles ainsi que les règles, les normes et les valeurs. 61

A.M.F/3F.M. Tous les quatre sont habitués à travailler ensemble depuis que Ravalomanana a accédé au pouvoir en 2002.

Exclu du pouvoir par la force, Ravalomanana s’est exilé au Swaziland d’abord puis en Afrique du Sud. Un choix de terrain d’exil judicieux dans la mesure où ces pays sont tous membres de la S.A.D.C. Ainsi, être à la proximité de cette instance régionale tout en étant à quelques milliers de kilomètres de l’île, Ravalomanana peut en même temps influencer les décisions prises par cette communauté et piloter ses actions à Madagascar. Ravalomanana et compagnie utilisent à cet égard son réseau national et surtout international pour faire pression sur Rajoelina afin qu’il puisse revenir sans inquiet dans son pays. Sa revendication demeure son retour au Tanindrazana. Avancer une hypothèse comme quoi le but est de se présenter à la prochaine élection présidentielle est exploitable. En réalisant des infrastructures de grande envergure et en améliorant certains aspects de la vie sociale, Ravalomanana croit fermement et pense qu’il pourra encore gagner l’élection. L’observation de la microsociété nous démontre d’ailleurs qu’entre Ravalomanana et Rajoelina, la population observée préfère largement le premier, c’est-à-dire Ravalomanana que le dernier. Ces différentes réalisations deviennent alors le témoin du travail de Ravalomanana. Dans cette logique, Ravalomanana utilise tous les moyens et toutes les personnes « compétentes » comme le Danois Jens Thorsenn, le Mauriciens Prega Ramsamy et les deux Sud Africains Peter Man et Brian Currin pour faire pression sur la communauté internationale afin qu’il puisse atteindre son objectif. Avec cet intense lobbying, une lutte de reconnaissance internationale est alors engagée. Dans celle-ci, Ravalomanana est théoriquement gagnant vu ses relations « intimes » avec certaines hautes personnalités comme le président de l’Allemagne, l’ancien président de la Banque Mondiale, etc. En plus de cet atout, son réseau d’influences est également très actif.

Une autre situation dans laquelle se trouve Ravalomanana en personne est la ruine de ses avoirs à Madagascar après l’évènement du 26 Janvier 2009 et après l’accession de Rajoelina au pouvoir. Tout son ancrage territorial sur le plan géopolitique local est, soit parti en fumée, soit détruit, soit volé. Il en résulte que sa puissance économique était fortement touchée. Dans une émission spéciale sur le Lundi noir, le 26 janvier 2012, Onitiana Realy a avancé sur TV Plus que Tiko a perdu 102 Milliards d’Ariary dans toute l’île lors de cette crise.

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b) La mouvance Rajoelina La mouvance Rajoelina est très hétéroclite parce qu’elle est composée par différentes personnes de divers horizons politiques mais ayant les mêmes caractéristiques : frustrées78 à cause de Ravalomanana, elles trouvent « refuge » auprès de Rajoelina. Telle est la première caractéristique, la seconde pourrait être vue comme la raison du premier. Privés d’autorité ou de pouvoir, voire privés de rente étatique, beaucoup d’individus qui noyautent la mouvance Rajoelina sont des affamés de pouvoir. Beaucoup d’entre eux étaient dans le gouvernement et/ou dans l’administration Ravalomanana, mais sont devenus des opposants systématiques car exclus du centre de décisions et perdent leur privilèges. Parmi ces personnes nous pouvons citer , Marson Evariste, Lahiniriko Jean, , Alain Ramaroson. A cause de sa composition, elle est très difficile à gérer. Il y a alors une forte probabilité que certains groupes de personne agissent comme des électrons libres et que Rajoelina ne peut pas les contrôler. De ce fait, l’image de Rajoelina est ternie. Ce qui cimente cette alliance au sein de la mouvance est la rente ainsi que les privilèges que les membres obtiennent. A cause des origines des composants de la mouvance, la majorité des membres font tout pour que Ravalomanana ne puisse pas revenir à Madagascar, car si ce dernier parviendra à reconquérir le pouvoir, ils seront remis dans l’ombre pendant longtemps.

B- La Haute Autorité de la Transition Cette institution a vu le jour le 31 Janvier 2009 quand Rajoelina s’autoproclamait en charge de l’exécutif. Etant en déficience de légitimité, Rajoelina mettait à la tête des institutions de la Transition des anti-Ravalomanana pour tenter de combler cette carence. Cette politique de nomination est en effet guidée par deux principales raisons. Premièrement, il s’agit d’une sorte de récompense attribuée aux « supporteurs » pour leurs soutiens durant la lutte. Deuxièmement, Rajoelina étant novice dans la politique, il a besoin de ces tuteurs.

a) Question de légitimité En ce qui concerne la légitimité de Rajoelina et la H.A.T, nous allons observer notre microsociété car l’observation sur le terrain et des journaux télévisés depuis l’inauguration de la Place de la Démocratie jusqu’à la prise des deux palais Ambohitsirohitra et Iavoloha nous

78 Des entrepreneurs économiques et des politicards et politiciens. 63 ont démontré que le Mouvement Orange est limité dans le milieu urbain. Force nous est quand même de signaler qu’à un certain moment il y avait une forte affluence de la population sur la Place du 13 Mai ou sur la Place de la Démocratie. Pour ce faire, nous allons recenser les personnes qui disaient avoir participé à des manifestations politiques. Comme notre questionnaire ne détermine pas à quelle manifestation elles ont participé, nous sommes dans l’obligation de les classer selon le jugement de la période Ravalomanana ou Rajoelina. Ainsi, si elle juge la période Ravalomanana Mauvaise par exemple et que la personne déclare avoir participé à une ou des manifestations populaires, il y a une forte chance que cette personne ait été présente lors du Mouvement Orange. Tout en sachant que ce procédé est peu fiable, nous allons prendre des précautions. Dans le cas ou l’enquêté juge les deux périodes Excellentes, Bonnes, Moyennes ou Mauvaises, nous ne classerons pas sa réponse. Nous considérerons alors que la personne enquêtée avait participé au « mouvement » auquel elle a donné une « meilleure note » par rapport à l’autre période. Ce tableau ne recense donc que ceux qui ont participé au Mouvement Orange.

Tableau 19 : Personne ayant participé au Mouvement Orange. Effectif de ce qui Milieu Participait au Mouvement Ne participait pas au Mouvement Total Orange Orange Urbain 0 12 12 Rural 1 36 37 Total 1 48 49 Source : Enquête personnelle, 2012.

Deux réponses des enquêtés sont non classifiées car ils ont jugé les deux périodes Moyennes. Ce qui expliquerait cet effectif de 49 au lieu de 51. Il est évident alors que très rares sont les personnes qui ont participé à ce Mouvement. Sur les 13 urbains enquêtés aucun n’avait participé tandis que sur les 38 ruraux enquêtés, il n’y avait qu’un à avoir participé.

Nous allons ainsi voir les personnes qui ont participé à la manifestation contre Rajoelina, cela tout en recourant au même principe ci-dessus.

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Tableau 20 : Personne ayant participé aux manifestations contre Rajoelina Effectif de ce qui Milieu Participait aux manifestations Ne participait pas aux Total contre Rajoelina manifestations contre Rajoelina Urbain 3 9 12 Rural 0 37 37 Total 3 46 49 Source : Enquête personnelle, 2012.

Deux réponses sont annulées car les deux enquêtés ont jugé les deux périodes Moyennes. Par rapport à ceux qui participaient au Mouvement Orange, l’effectif de ceux qui manifestaient contre Rajoelina est significatif (3). Ce qu’on doit retenir, c’est que la population d’Analamanga est faiblement attirée par des manifestations politiques.

b) De la « philanthropie » et du charme sociopolitique Etant en carence de légitimité, la H.A.T applique la logique du don contre don afin de diminuer ce défaut. Pour ce faire, elle organise des différentes actions sociales pour appâter la population. Nous pouvons par exemple citer le « Zoma fanampiana », l’œuvre sociopolitique mené sous l’égide de Mialy Rajoelina à l’aide de l’association Fitia. Dans la plupart de ces actions, des Produits de Première Nécessité sont distribués. En « satisfaisant » ainsi le besoin physiologique de la population nécessiteuse, la H.A.T reçoit en retour leur affection et puis leur vote. Une question se pose alors. Comment la H.A.T convainc les autres couches de la population qui ne sont pas facilement manipulables par des « dons » ? Un constat s’impose à nous : Ravalomanana a réalisé des grands travaux presque à tous les niveaux (économique : infrastructure, etc., social, etc.) De ce fait, il y a un nombre non négligeable de la population qui a une fixation envers ces réalisations. Il importe alors pour la H.A.T de les convaincre par le travail. C’est pour cette raison qu’elle entreprend des travaux d’envergure comme la construction d’hôpitaux, de piscines, de stades sportifs et culturels, hôtel de ville, etc. En même temps, la H.A.T effectue à la fois un marquage territorial et temporel. Ces travaux ont presque le même effet que les « tsangambato » en mémoire d’une ou des personne(s). Le but est alors de faire le lien entre Rajoelina et ces réalisations. En parlant d’une telle ou telle infrastructure on évoque dans l’inconscience des gens Rajoelina.

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Avec ces « charmes » sociopolitiques, il est fort probable que Rajoelina projette de se porter candidat dans l’élection présidentielle. On comprend mieux alors ces tergiversations dans le calendrier électoral parce que certains travaux ne sont pas encore achevés pour témoigner son « efficacité ».

c) Les dérives de la H.A.T Une fois arrivé au pouvoir, Rajoelina « verrouille le pouvoir ». 79 Pour ce faire, il a dissout les institutions de la Troisième République telles que le Sénat et l’Assemblée Nationale. La raison de cette dérive peut être comprise dans la coloration politique de ces institutions que Rajoelina craignait énormément. Pour compenser ces institutions, il a attribué les fonctions de celles-ci à la H.A.T au Conseil de Redressement Economique et Social. 80 Dans le but de bien contrôler les appareils étatiques, il a aussi suspendu les vingt-et-deux chefs de régions qui collaboraient et étaient étroitement avec le T.I.M. En comprenant les failles et les risques par les actions des fractions d’armée, un Comité Militaire pour la Défense Nationale (C.M.D.N) est institué. Le but était de recontrôler, donc, de remettre de l’ordre au sein du corps militaire. Pour couronner le tout, Rajoelina instituait une Commission Nationale Mixte d’Enquête (C.N.M.E) et la Force d’Intervention Spéciale (F.I.S) que beaucoup d’observateurs considèrent comme une sorte de police politique destinée à anéantir les opposants à la H.A.T. Ces deux institutions deviennent alors les « chiens de garde »81 de la H.A.T la permettant de dominer avec la peur la population.

En fin de compte donc, rien ne diffère la pratique politique de Ravalomanana de celle de Rajoelina car ce dernier reproduit ces dérives que son prédécesseur avait commises, alors qu’il les avait dénoncées publiquement. La seule différence réside dans la légitimité et de la légalité de Ravalomanana. Il se trouve alors que Monseigneur T.D. Roberts avait raison quand il disait que « Tout pouvoir entre des mains humaines monte à la tête comme une drogue pire encore que l’alcool ». 82

79 Madagascar : Sortir du cycle de crises, Op. Cit, P.8 80 Ordonnance 2009-003 81 Le concept de « chien de garde » est utilisé par l’anthropologue Paul Nizan pour désigner les gardiens de la bourgeoisie. 82 Martin Blais, Op.Cit, P.23 66

d) La soif de reconnaissance Privé de fond international pour huiler les systèmes, la H.A.T mène une croisade diplomatique en vue de reconnaissance internationale et d’un « désenclavement international ». Dans ce jeu, elle est désavantagée par le réseau de Ravalomanana. Rajoelina tente alors de s’appuyer sur Mouammar Kadhafi pour sa quête de reconnaissance mais cela reste sans succès. Une même approche a été entamée par son ministre Ny Hasina Andriamanjato avec la délégation de la S.A.D.C mais le résultat reste le même. Dans l’espoir de débloquer les 630 millions d’Euros, la H.A.T proposait une « feuille de route farfelue et proposait des échéances complètement irréalistes » 83 (propos d’un officiel Européen) à Bruxelles le 6 Juillet 2009. Dans sa recherche de reconnaissance internationale la H.A.T était humiliée et cela était à son apogée lors de la réunion annuelle des Nations Unies à New York en Septembre 2009. On se demande alors pourquoi la Communauté Internationale refuse de reconnaître la H.A.T ? Tout d’abord, cette institution résulte d’un « coup d’Etat »84 , donc, il serait impossible pour la Communauté Internationale de valider cette anomie. Ensuite, il y a le fait que la H.A.T s’entête et continue à diriger le pays unilatéralement. L’une des conditions de reconnaissance étant la gestion inclusive et consensuelle de la Transition. Enfin, nous pouvons voir dans une reconnaissance internationale un signe de fidélité au principe universel (respect du droit de l’homme, de la démocratie, de la bonne gouvernance, de la transparence, etc.). Tous ces principes ont été piétinés par Rajoelina. La H.A.T n’a pas donc respecté la norme internationale ou plutôt occidentale pour accéder au pouvoir (élection).

Dans cette course à la reconnaissance internationale, la H.A.T fait semblant d’habiller son gouvernement et les autres institutions par des gens issus des trois mouvances (T.I.M Raharinaivo, G.M.M.R, Hery Politika Mitambatra). Mais une telle tactique n’a pas marché car ces personnes ne sont pas nommées par leurs chefs. D’où le caractère unilatéral de la H.A.T.

e) Trop de pouvoir et d’influences Au sein de la HAT divers acteurs influencent toute décision politique. Les militaires qui ont porté Rajoelina au pouvoir lui poussent par exemple à refuser tout compromis et le retour

83 Madagascar : Sortir du cycle de crises, Op. Cit, P.10 84 Madagascar est signataire de l’Accord de Cotonou 67 de Ravalomanana au pays. La H.A.T en général, et Rajoelina en particulier, font ainsi face aux diverses pressions internes et externes. Ce qui ne facilitera pas ses prises de décisions. En plus de cela, le pouvoir est éparpillé entre les mains de nombreuses personnes (cf. Madagascar : Crisis Heating Up ? Africa Report n°166, 18 November 2010, I.C.G). Comme conséquence Rajoelina doit obligatoirement consulter certains vrais détenteurs de pouvoir avant de prendre une décision importante. Le retard lors de la nomination du Premier Ministre de consensus qui aurait avoir lieu à 7 heures et qui était retardé à 11 heures du soir illustre bien ce problème. Pour appuyer notre argument, nous évoquerons aussi ces nombreuses hésitations de Rajoelina quant à l’application ou non des différents accords que ce soit Maputo I ou II, voire ceux d’Addis-Abeba.

C- Les forces armées Les forces armées jouent un rôle décisif dans l’évolution de cette crise. Avec leurs interventions, notamment celles du C.A.P.S.A.T, elles sont impliquées. Celles-ci ont redonné un nouveau souffle au Mouvement Orange. Soulignons qu’à un certain moment de la crise, les partisans de Rajoelina ont connu un effritement.

D- Les Eglises Avec le Partenariat-Public-Privé (3P) de Ravalomanana, Eglise et Etat sont en relation symbiotique. Mais depuis que Monseigneur Razanakolona Odon Arsène se trouvait à la tête de l’Eglise Catholique à Madagascar, la relation entre ces deux entités était mal au point. Ceci est surtout dû à des incidents comme l’interdiction de diffuser l’émission Karajia de la radio Don Bosco, jugée par le régime très critique envers eux. Il y avait aussi la « fouille » d’une Eglise Catholique à Fianarantsoa soupçonnée par le régime de lieu d’hébergement de Pety Rakotoniaina, lorsque ce dernier était recherché.

Comme il y a plusieurs types d’Eglise à Madagascar actuellement, nous préférons faire une typologie permettant d’optimiser notre analyse des faits. Ainsi, il y a les quatre Eglises regroupées au sein du F.F.K.M et les sectes.

a) F.F.K.M Deux points méritent notre attention. Le premier est la scission au sein du F.F.KM. L’église catholique et l’église réformée ont des positions différentes sur certaines questions. Il y a la question liée à la réforme de l’éducation. Celle-ci veut introduire la langue Anglaise

68 depuis le primaire et rallonger ce cycle. Si la première est contre, la seconde est pour. Le second point concerne le Hetsiky ny Mpitondra Fivavahana.

Tout au long de cette crise, il y a des religieux « militants » regroupés au sein du Hetsiky ny Mpitondra Fivavahana. L’analyse approfondie sur les membres de ce mouvement religieux nous révèle à quel point les protestants sont engagés dans la politique et ce depuis longtemps (Le Pasteur Ravelojaona était à la fois un homme religieux, un savant et un homme politique, il avait même un parti politique). Pendant la période du Premier Ministre des trois dernières reines de Madagascar, l’Eglise protestante était même imbriquée à l’Etat. Elle est devenue la religion d’Etat et le Premier Ministre Rainilaiarivony gérait en même temps l’Etat et les Eglises. L’Eglise protestante, notamment le F.J.K.M a une structure plus souple par rapport à l’Eglise catholique. Les spécialistes de l’organisation considèrent que la première a un style démocratique puisque les membres (la base) sont en général consultés avant de prendre une décision tandis que l’Eglise catholique est plutôt dictatoriale. Pour celle-ci, la décision vient d’en haut et tout le monde suit au pied de la lettre ce qui est dit par la hiérarchie supérieure. On comprend alors pourquoi l’Eglise protestante s’immisce facilement dans le champ politique. D’où ces nombreux pasteurs qui sont dans la politique comme les pasteurs Fety Michel, Richard Andriamanjato, Edmond Razafimahefa, (et à un certain degré Ramino Paul) etc. Force est de constater que la question politique fait partie même des sermons dans cette Eglise. Dans cette crise donc, les hommes de l’Eglise protestante jouent un rôle protestataire.

b) Sectes Afin de bien appréhender ce sujet, nous définissons les sectes comme les Eglises qui ne sont pas intégrés au sein du F.F.K.M. Si le F.F.K.M est impliqué dans le champ politique, les sectes préfèrent garder sa distance vis-à-vis de la chose politique même si quelques uns s’en mêlent comme l’Apokalypsy. Actuellement, les sectes se propagent à grande vitesse en raison de l’enlisement de la crise. En même temps, ce phénomène de propagation peut être vu comme une volonté de s’affranchir de la pratique des anciennes Eglises. Paul Rabary a par exemple cité le cas des Eglises à Antananarivo dans lesquelles « l’occupation des places se fait suivant des règles

69 tacites bien établies entre les fidèles »85 alors qu’une telle règle n’existe pas au sein des sectes du moins jusqu’à présent. Dans cette crise, les sectes jouent aussi un rôle même si c’est peu visible. A défaut de la présence des quatre chefs de l’Eglise lors des cérémonies de la H.A.T par exemple, cette dernière fait appel aux sectes pour combler le vide religieux. Comme le disait aussi Marx, ces sectes sont en mesure de donner l’opium nécessaire pour le peuple afin qu’il puisse « survivre » dans la vie quotidienne. Nous observons depuis la crise une forte augmentation brusque des publicités religieuses qui invitent le public d’Antananarivo à assister à des miracles surtout concernant les problèmes économiques. Nous pouvons même dire que les sectes répondent au besoin immédiat des Tananariviens. Du coup, ces « produits » se vendent partout et la théologie de la prospérité est en vogue.

E- La Communauté Internationale (C.I) La C.I désigne tous les pays membres de l’Organisation des Nations Unies. Comme tous ces pays ne peuvent pas tous intervenir dans la résolution de la crise Malagasy, elle a créé le Groupe de Contact International-Madagascar ou le G.I.C-M. Celui-ci regroupe en général les membres du conseil de sécurité des Nations Unies, les six partenaires bilatéraux de Madagascar (les Etats-Unis, le Norvège, la Suisse, le Japon, l’Allemagne et la France), les organismes des Nations Unies, l’organisme continental (Union Africaine) et régional (S.A.D.C et C.O.I). Parmi ces pays, deux d’entre eux sont en « guerre froide » pour maîtriser géopolitiquement Madagascar : la France et les Etats-Unis. Cette guerre d’influence a des répercussions sur la résolution de la crise Malagasy car à part ses positions officielles, certains pays agissent en dehors de ses positions et perturbent énormément la crise, et notre analyse. De ce fait nous allons analyser isolément les différents organismes et pays impliqués dans cette crise.

a) La S.A.D.C Dans le principe de subsidiarité, la résolution de la crise Malagasy incombe à cet organisme régional. Si les acteurs politiques Malagasy sont habitués à « jouer » avec des organismes et pays francophones et Africains (Union Africaine) dans les résolutions des différentes crises, c’est pour la première fois qu’une autre variable intervient dans le jeu politique Malagasy. Cette variable S.A.D.C gêne énormément les habitués de l’ancien jeu

85 Tsilo, Mars 2011, n°006. 70 et/ou variable car ils sont « désavantagés ». Ce qui explique en partie l’enlisement de cette crise. Les membres de la H.A.T voient d’un mauvais œil la S.A.D.C tandis que ceux des opposants la considèrent comme une bénédiction et un avantage. Il importe ici de déceler les relations entre la S.A.D.C et Madagascar. Pour ce faire, nous allons nous baser sur l’ouvrage de Gavin Cawthra intitulé The role of S.A.D.C in managing political crisis and conflict. The cases of Madagascar and Zimbabwe, Friedrich Ebert Stiftung, Maputo, 2010. Etant un nouveau membre au sein de la S.A.D.C, Madagascar n’est pas encore très familier à son fonctionnement. En plus, il n’a pas un passé historique avec cet organisme régional, ce qui est le cas avec la plupart des pays membre de la S.A.D.C. 86 En résumé, Madagascar n’a pas ni un lien territorial ni un passé commun avec la S.A.D.C ou la S.A.D.C.C. Il nous est même permis de dire que le régime francophile de Tsiranana « insultait » cette S.A.D.C.C car il collaborait avec ce régime apartheid. Cela revient à dire qu’il était plus tôt du côté du régime blanc Sud Africain. Sur le plan diplomatique donc, Madagascar était « pro-apartheid alors que la S.A.D.C.C était anti-apartheid. » La compréhension de cette situation historique est vitale dans la suite de notre analyse.

Il importe aussi de considérer le fait que c’est Ravalomanana qui a intégré Madagascar dans cette communauté et en plus, il est anglophile. Tout cela (avec le fait que Ravalomanana est en exil en Afrique du Sud) peut influencer la perception de la situation Malagasy auprès de la S.A.D.C dans la mesure où Ravalomanana a une sympathie envers le monde Anglo-saxon tandis que Rajoelina 87 et consort sont en symbiose avec la France.

Sur le plan économique et diplomatique, presque aucun pays membre de la S.A.D.C n’a ni un intérêt économique ni un représentant à Madagascar. L’île Maurice et le géant Afrique du Sud sont les seuls pays ayant des liens avec Madagascar. On comprend alors pourquoi le poids de ce dernier pays pèse plus lourd par rapport aux autres pays. Cela est en plus renforcé par son statut de première puissance continentale et son appartenance au B.R.I.C.S (Brésil. Russie. Inde. Chine. South Africa) qui est un regroupement des pays émergents et futurs pays riches du monde.

86 Cf. Annexe VI 87 Rajoelina a une double nationalité : Malagasy et française. 71

Avec l’intervention de la S.A.D.C dans la crise Malagasy, il y a une forte bataille diplomatique, culturelle et économique entre la France et la S.A.D.C88 en général, et l’Afrique du Sud en particulier. (Ce dernier était censé régler le problème libyen mais la France a intervenu.)

b) L’Union Africaine L’U.A est la première organisation internationale à réagir face au coup d’Etat de Rajoelina. Elle est aussi la première organisation à avoir sanctionné certains membres 89 de la H.A.T qui font obstacles à la résolution de la crise. Cependant, le problème réside dans le fait qu’aucun pays n’a suivi cette sanction. La sanction n’a pas alors un important impact 90 pour les concernés, vu qu’ils voyagent rarement dans le continent africain. Nous constatons alors la faiblesse de cette institution continentale face aux puissances mondiales. Ce qui nous indique que les rapports de force dans cette résolution de la crise excluent l’U.A. Nous pouvons même avancer une hypothèse selon laquelle un ou deux pays court-circuite(nt) le processus entamé par cette institution. En tout donc, l’U.A n’a que peu d’influence sur les décisions concernant Madagascar.

c) Les Etats-Unis d’Amérique Les Etats-Unis, par l’intermédiaire de son ambassadeur Niels Marquardt, étaient parmi les témoins du coup d’Etat et le recours à la force à l’Episcopat à Antanimena le 17 mars 2009. Comme réaction à cet environnement qui leur est hostile et contraire à leurs principes, ils ont mobilisé les moyens de pression comme la suspension de l’African Growth Opportunity Act (A.G.O.A) et le Millenium Challenge Account (M.C.A). Il est fort probable que cette action consiste à ce que le peuple et surtout les bénéficiaires de ces « programmes » font pression à leur tour à la H.A.T, étant donné que celle-ci est la raison de l’annulation.

En se référant à leurs valeurs répandues dans le monde, les Etats-Unis dénoncent et publient les exactions du régime H.A.T. Ce qui irrite beaucoup les tenants du pouvoir. C’est

88 Cf. Annexe VII. Rapport de Anne Kappès-Grangé du B.B.C World Service 89 Ils sont au nombre de 109. 90 Rolly Mercia un des 109 sanctionnés dit par exemple qu’ « il s’en fiche car il n’aime pas les Africains »donc ce qui vient de l’union Africaine le touche peu » Ambroise Pierre, Madagascar. Suspension, saccages et désinformation : les médias au cœur de la crise, Reporters Sans Frontières, Juillet 2010, P.7 72 pour cette raison que les « chiens de garde » de la H.A.T à savoir les hommes forts du F.I.S incitent les Etats-Unis à quitter Madagascar.

d) La France Théoriquement, Madagascar a mis fin aux différents accords de coopération avec la France suite à la péripétie de 1972. Cependant, il n’est pas raisonnable pour ce pays de laisser un pays riche en rente comme Madagascar entre les mains d’un ou plusieurs pays, vu que les « profits sont immenses »91 . Madagascar est un pays francophone. Ce qui implique qu’il entre dans la politique française. Cette politique qui « vise uniquement à exploiter les ressources naturelles et géopolitiques des pays francophones ». 92

Etant membre de l’Union Européenne, la France est obligée de s’aligner avec la décision prise collégialement. Cet alignement avec la communauté Européenne, nous l’appellerons la face n°1 de la France (« face émergée de l’iceberg »93 ). Mais force est de signaler aussi qu’elle a une seconde face que nous appellerons la face n°2 de la France ou le Realpolitik. C’est cette deuxième face qui est importante à analyser parce que c’est la face cachée de l’iceberg. Par analogie au travail littéraire de Robert Stevenson, la face n°1 est Mr Hyde (le bon côté) tandis que la face n°2 est Dr. Jenkyl (le mauvais côté, le méchant, le diable). François-Xavier Verschave définit cette face par les « hommes » de l’ombre d’une monarchie élyséenne décadente qui tient l’Afrique francophone pour son « domaine réservé ». 94 Appliqué dans le contexte Malagasy, nous pouvons dire que la France est en train de faire un « come back » avec Rajoelina à Madagascar après une éclipse pendant la période Ravalomanana. Comme preuve, nous avons assisté à ces va-et-vient -dont certains ont été médiatisés et d’autres non- de Rajoelina entre Madagascar et France, à chaque évolution critique de la situation. Il y avait aussi le fait que Nicolas Sarkozy voulait inviter la H.A.T au 25 ème Sommet France-Afrique 95 et tout cela, à part le fait que son ambassadeur (Jean-Marc Chataigner) était le premier à avoir présenté sa lettre de créance auprès du régime de facto.

91 Françoi-Xavier Verschave, Op.Cit, postface. 92 Françoi-Xavier Verschave, Op.Cit, postface. 93 Jean Claude Ramandimbiarison in R.O.I, Juillet 2011, n°327 94 François-Xavier Verschave, Op.Cit, P.262 73

La France, championne des « coups tordus »96 est ainsi en plein renforcement du réseau de Foccart par l’intermédiaire du régime H.A.T en général et de Rajoelina en particulier. Dans cette optique, elle est prête à tout faire pour que ses adversaires/concurrents (ceci peut être un pays, une personne ou un organisme) soient hors du jeu, pire encore, qu’ils périssent. 97 Dans cette crise de 2009 donc, l’enjeu principal pour la France est les richesses naturelles de Madagascar. C’est pour cela qu’elle tient à mettre ces hommes 98 à tout prix dans la transition et après la fin de la crise.

e) La Chine Si la Chine reste très discrète sur le plan diplomatique et semble s’aligner avec la position de la C.I, elle est très agressive sur le plan économique. Deux grandes compagnies chinoises sont par exemple en pleine installation à Madagascar : le Wisco et le Mainland Mining. Cela sans que nous tenions compte des entrepreneurs chinois impliqués dans les trafics des bois de rose 99 et des pierres précieuses. Indirectement, ces compagnies font tourner et huilent inconsciemment ou consciemment le trésor public. Wisco versait par exemple quelques centaines de millions de Dollars.

f) Lutte de territoire économique entre puissants Dans cette crise Malagasy, les pays Anglo-saxons et francophones sont « en guerre ». Si les premiers sont avantagés pendant la période Ravalomanana, les seconds ont été par contre sur la touche. L’arrivée de Rajoelina au pouvoir est pour eux un grand atout. Aussi, cette lutte n’entre-t-elle pas dans la logique du capitalisme. Lénine disait à ce sujet que « si les capitalistes se partagent le monde, ce n’est pas en raison de leur scélératesse particulière, mais

95 Le 25 Mai 2010, Alain Joyandet annonçait sur la R.F.I : « Nous sommes en train d’en discuter, nous trouverons des solutions pour les pays où il y a des crises institutionnelles (…) de toute façon, Madagascar y sera représenté. In R.O.I, Juin 2011, n°326 Suite à la demande de l’Afrique du Sud et des chefs d’Etat membres de la S.A.D.C, le France a décidé de ne pas inviter la H.A.T à ce sommet. 96 François-Xavier Verschave, Op.Cit, P. 152 Qualifiée de telle, il n’y a rien d’étonnant si la France est souvent citée comme l’instigateur du coup d’Etat à Madagascar. 97 Dans son travail très remarquable, Verschave nous démontre comment la France élimine tout ce qui se met à travers son chemin. Elle est l’initiateur voire l’exécuteur des plans d’assassinat des présidents de la République ou chef d’Etat Africain qui les gênait comme Sankara, Olympio, etc. 98 Rajoelina en personne est son homme, mais il y a aussi Camille Vital qui a été désigné par la France pour être le Premier Ministre de la H.A.T. 99 Hery Rakotomalala, The rosewood chronicles. 74 parce que le degré de concentration déjà atteint les oblige à s’engager dans cette voie afin de réaliser des bénéfices et ils partagent « proportionnellement aux capitaux », selon les forces de chacun, car il ne saurait y avoir d’autre mode de partage en régime de production de marchandises et de capitalisme. »100

F- Société civile A Madagascar, la société civile est un peu faible par rapport à la société politique et la société militaire. Elle est minée par des divisions internes et par des manipulations ainsi que des récupérations politiques 101 . Suite à la formation de la C.N.O.S.C. qui proposait un dialogue malgacho-malagasy pour la résolution de la crise, par exemple, la H.A.T finançait une autre société civile, le Ray Aman-dreny Mijoro pour faire un contrepoids. Il arrive alors que la H .A.T et le Ray Aman-dreny Mijoro soient au diapason, ce qui impliquerait que cette société civile n’est plus indépendante. Il importe d’illustrer ici le financement de la H.A.T du Dinika Santatra organisé par cette société civile à partir des deniers publics. Sur le plan national, la C.N.O.S.C. est le relai entre la C.I et les acteurs de la crise Malagasy. Force est de constater aussi une prolifération des médiateurs nationaux suite à des intérêts divergents des différents acteurs. A cet égard, il faut évoquer la multiplicité des approches recourues par les médiateurs. Cela peut entraîner des confusions et en conséquence, des problèmes difficiles à résoudre.

G- Les partis politiques Dans une logique parsonienne, les partis politiques devraient être parmi les éléments constitutifs du système et/ou sous système Latence tout comme l’école, l’église, la famille, etc. En transposant cette théorie dans la réalité Malagasy, on risque de la déformer car les partis politiques à Madagascar doivent être vus autrement. Une typologie des partis politiques Malagasy s’impose alors.

En analysant le paysage politique Malagasy et les partis politiques qui le noyautent, nous avons trouvé trois principales typologies des partis à Madagascar.

100 Lénine, L’impérialisme, stade suprême du capitalisme, Editions en langues Etrangères, Pékin, 1970, P.88. 101 Cf. Annexe X. Nina Cvetek, Friedel Daiber, Qu’est ce que la société civile ?, KMF/CNOE- Friedrich Ebert Stiftung, Antananarivo, Octobre 2009.

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a) Les partis politiques, bornes des différentes crises Malagasy A Madagascar, quatre principaux partis constituent les bornes de l’Histoire politique des crises Malagasy : l’A.R.E.M.A, l’U.N.D.D, le T.I.M et le T.G.V. En tout, ces partis sont les marquages historiques ancrés dans la mémoire collective Malagasy. Nous pouvons ainsi dire que ces partis s’émergent brusquement à partir d’une euphorie populaire. Le dénominateur commun de ces partis est le fait qu’ils sont institués juste après ou avant l’élection de son fondateur à la tête de la nation (A.R.E.M.A, U.N.D.D et T.I.M) ou à la tête d’une ville (T.G.V). Ces partis ont alors comme fonction de soutenir son fondateur. Il n’y a rien d’étonnant donc s’ils sont hautement personnalisés à l’image de son créateur. Ce qui est à souligner, c’est que les personnels membres de ces partis sont en général issus d’un parti évincé par un autre. Il en résulte alors des « prostitués » politiques. Parmi eux, ont peut citer Claude Pagès (A.R.E.M.A puis T.I.M), Soja dit Kaleta (A.R.E.M.A puis T.I.M ensuite T.G.V)

b) Les vieux partis politiques Comme son nom l’indique, il y a des partis qui ont une certaine espérance de vie très élevée par rapport aux autres : M.O.N.I.M.A, A.K.F.M, M.F.M et Leader Fanilo. Ce qui leur fait défaut est le pouvoir, c’est-à-dire qu’ils n’ont jamais pu élire un de leur membre comme président de la République. En général, seuls ces partis correspondent à la norme des partis politiques occidentaux étant donné qu’ils ont un certain programme ou projet de société, et de ce fait, ils ont certaines lignes directrices à défendre même si celles-ci ne sont pas immuables. Par exemple, le parti M.F.M a été au début un parti prosocialiste, devenu libéral par la suite. En général, ces partis sont plus ou moins stables par rapport à la première classification. Ces membres ont un certain sentiment d’appartenance à son parti et donc « fidèle » à ses principes. Force est de signaler que ces partis sont dépassés par l’opportunisme des autres partis. En plus, leur programme et/ou projet de société leur donne un caractère de partis d’une élite. Ce qui leur éloigne de la population habituée à des prosélytismes.

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c) Les petits partis politiques Le terme petit signifie que le parti n’a pas une envergure nationale. Ce qui fait que ses actions et ses interventions sont limitées sur le plan géographique. (Le Toamasina Tonga Saina de Rolland Ratsiraka devenu Malagasy Tonga Saina constitue un parfait exemple). Dans cette même ligne d’idée, ses adhérents, ses sympathisants et ses militants sont très faibles en nombre par rapport aux autres partis mentionnés dans les deux typologies.

Nous allons ranger dans cette catégorie de partis politiques le reste des partis non classifiés. Cela n’exclut pas cependant une sous-classification ou une autre typologie. Les petits partis sont en général des partis d’opportunistes. Ses fondateurs sont dans la majorité des cas des dissidents des deux premières typologies. Ici, son principal rôle est de conquérir un poste (ministre, député, sénateur). Le mécanisme se fait alors comme suit : le fondateur ou un membre éminent fait un acte d’allégeance au président ou critique le régime dans les médias, ensuite le pouvoir en place lui accorde une poste. En arrivant à ce poste, il/elle nomme les membres de son parti voire sa famille pour travailler avec lui.

H- Pouvoir judiciaire Inutile de mentionner ici ce que nous venons de dire dans la deuxième partie sur le déséquilibre entre le pouvoir exécutif et le pouvoir judiciaire. De ce fait, nous allons mettre un peu plus l’accent sur l’instrumentalisation de ce pouvoir et sur la H.C.C

a) L’instrumentalisation du pouvoir judiciaire On entend toujours la phrase suivante : « Il n’y a pas de la bonne gouvernance et l’Etat de droit sans l’indépendance de la justice ». Le problème réside alors selon cette affirmation, dans la dépendance de l’appareil judiciaire. Pourquoi y-a-t-il une ingérence de l’exécutif dans les affaires du pouvoir judiciaire ? Ce troisième pouvoir est censé faire appliquer la loi équitablement et cela sans discrimination. Ce qui implique qu’il est le garant de l’Etat de droit. Pour ce faire, l’Etat de droit veut que tout le monde sans exception, sans distinction, soit au-dessus de la loi. Or, dans le cas de Madagascar, le parti détenteur du pouvoir est au-dessus de la loi. Il profite de son statut pour anéantir ses adversaires politiques, voire économiques, par le biais de la justice. Maîtriser l’appareil judiciaire devient alors une nécessité pour le gouvernant afin de bien dominer, de bien contrôler, de bien contraindre par la peur et par la loi les dissidents. Par conséquent, la justice n’est pas impersonnelle et la loi est appliquée cas par cas. On comprend

77 mieux ainsi pourquoi un même acte (punissable selon la loi) entrepris par deux personnes différentes et d’origines politiques différentes est jugé différemment. La personne du côté des gouvernants sort indemne alors que la personne opposante au régime est incarcérée. Le verdict est donc fortement influencé par l’appartenance ou non au clan des dirigeants. A Madagascar donc, il y a deux sortes de justice : celle du côté des gouvernants et celle réservée pour les opposants. Avec cette justice inéquitable, le régime maintient une solidarité artificielle parce que, par peur d’être incarcéré, tout le monde fait semblant d’être en accord avec le pouvoir en place. Ainsi, la pensée unique règne dans la Grande Ile.

b) La H.C.C (Haute Cour Constitutionnelle) Ayant comme principale fonction de juger les différentes élections et les contentieux électoraux, en plus de la vérification de la conformité/compatibilité ou non des textes, décrets, lois, ordonnances, conventions et accords internationaux par rapport à la Constitution, la H.C.C a une lourde tâche.

En analysant les membres constituant cette institution, on remarque que la procédure de la nomination affecte énormément l’indépendance de la H .C.C. Pourtant, elle doit être totalement indépendante. Dans le cas contraire, les élections qu’elle est censée juger peuvent être la source de grands problèmes pour le pays. Le cas de l’élection présidentielle de Décembre 2001 illustre bien ce cas. Quant aux membres de la H.C.C en question il faut aussi signaler la permanence de la majorité des pensionnaires (18 ans, cf. Annexe XI). Ce qui entraîne une pérennisation des pratiques, vu que dix huit ans est amplement suffisant pour se socialiser avec les pratiques. En effet, ils cautionnent toujours les actes illégaux. L’ordonnance de passation de pouvoir du Directoire militaire avorté à Rajoelina le soir du 17 Mars 2009 est un cas de figure illustrant cette pratique similaire aux moutons de panurge.

I- Média La fermeture d’une station de télévision 102 appartenant au maire de la Commune Urbaine d’Antananarivo a été l’un des principaux éléments déclencheurs de la crise de 2009. On comprend alors le rôle primordial des médias à Madagascar surtout dans la sphère politique. L’affirmation de l’informateur de Didier Galibert confirme cela : « Je crois que l’un des

102 13 Décembre 2008. 78 fondements du pouvoir à Madagascar c’est le contrôle de l’information »103 C’est à cet égard que beaucoup des stations appartiennent à des politiciens et politicards. Ils s’en servent pour manipuler, pour influencer, pour orienter et pour maîtriser l’opinion publique. D’où les désinformations et la censure. Aussi, est-il étonnant de voir ces journalistes défendre la ligne éditoriale tracée par leurs patrons de presse.104 On comprend alors le rejet par la population de ces rapports d’enquêtes ou de sondages effectués par les médias, car ils sont rarement objectifs. Vingt-huit sur cinquante et un ne suivent pas l’évolution de la situation politique à Madagascar. Regroupée dans trois catégories de réponses 105 , la raison la plus citée est plus ou moins liée au média : celle-ci ne reflète pas la vérité, ou les nouvelles sont ennuyantes voire fatigantes. Ces enquêtes menées nous révèlent que les médias perdent leur crédibilité 106 envers la population mais aussi la confiance des gens en raison de leur partialité.

Il faut aussi noter que les médias favorisent d’une manière ou d’une autre l’affaiblissement des normes sociales par ces articles détaillant les crimes, par les images des évènements sensationnels ou encore par ces photos à caractère pornographique. A force d’habituer le Surmoi avec ces images, ils finissent par céder. En partie donc, les médias sont impliqués dans ces hausses de taux d’insécurité, de vol et de viol à Antananarivo. Disons alors qu’au lieu de jouer le rôle d’éducateur, les médias empoisonnent le Surmoi de toute une société.

103 Didier Galibert, Op.Cit, P.370. 104 « Fin Janvier 2010, deux journalistes du quotidien l’Express de Madagascar ont été licenciés par le Président de la Délégation Spéciale (P.D.S) de la commune urbaine d’Antananarivo, Edgard Razafindravahy, auquel appartient le journal. Les deux fautif venaient de publier des articles sur certains maux touchant la capitale, comme l’insécurité et l’inondation » in Madagascar. Suspensions, saccages et désinformation : Les médias au cœur de la crise, Op.Cit, P.9 105 Groupe de réponse n°1 : lié au média Groupe de réponse n°2 : lié à l’économie (occupé par le travail donc pas de temps pour écouter les nouvelles, etc.) Groupe de réponse n°3 : lié à la politique. 106 Oliver JÜtersonke, Moncef Kartas et al, Op.Cit, P.56 79

Chapitre II : Chevauchement du champ politique et du champ économique

De toutes les crises que l’île rouge a connues, celle de 2009 est la plus longue et la plus « fascinante », de telle manière qu’elle nous dévoile les faces cachées des politiciens et des politicards qui sont depuis longtemps masquées. Les masques tombés, il nous est plus facile de rapprocher les faits. Aussi, nous nous proposons d’examiner dans ce chapitre l’une des pratiques politiques Malagasy.

A- Rentes étatiques : objet de compétition Une rente désigne « un rendement sur actif qui excède le rendement que pourrait générer un autre placement de ce même actif ». 107

Rappelons ici que Ravalomanana était le premier homme d’affaire élu président de la République Malagasy. En tant que tel, il devient l’expression parfaite de la théorie de Marx. Celle-ci stipule que ce qui détient le pouvoir économique dominera les autres sphères (politiques, religieux, social, bref, la superstructure.) De ce fait, son statut de président de la République n’a fait que renforcer et consolider son empire à Madagascar d’abord et probablement à l’extérieur ensuite. Cette même théorie précise qu’en général le pouvoir politique émane du pouvoir économique. Avant Ravalomanana, les détenteurs de capitaux que ce soient nationaux ou étrangers influençaient dans l’ « ombre » la politique Malagasy. Retenons cet axiome : Ravalomanana était déjà riche avant d’accéder à une autre fonction et statut plus honorifique.

1- Les rentes étatiques internes Par rentes étatiques internes, nous devons entendre toutes richesses susceptibles d’apporter des surplus. Faisant partie de ces rentes les ressources naturelles renouvelables et non renouvelables, les entreprises d’Etat, etc. Puisque Madagascar regorge des richesses terrestres (mines, pierres précieuses, etc.), maritimes (pêche, rivières, fleuves, etc.), tout cela fait l’objet de convoitise et de compétition entre opérateurs économiques et politiques (nationaux et étrangers 108 ). En sachant que la décision sur l’exploitation et le permis d’exploitation revient à la politique 109 , la bourgeoisie

107 Douglass C. North, John Joseph Wallis et Bary R. Weingast, Op.Cit, P.43 108 Cf Annexe XIII 109 Voir théorie de Talcott Parsons dans la première partie. 80 s’accourt alors pour siéger dans le cercle politique. L’important c’est d’influencer en sa faveur les décisions que les politiciens et politicards vont prendre. Dans la transition Malagasy de 2009, un petit groupe d’individus conduit les importantes affaires de l’Etat et fait tout pour que la Transition s’allonge 110 . Il contrôle alors la quasi-totalité des décisions économiques pour s’enrichir. In Madagascar : Crisis Heating Up ? Africa Report n°166, 18 November 2010, l’auteur met en exergue comment fonctionne la prise de décision au sommet de l’Etat : « Since Andry Rajoelina took power in March 2009 and dissolved the assemblies, there are no democratic checks on government. Instead, a small group of individuals close to the presidency conduct affairs of state and short-circuit institutional decision-making mechanisms. Decisions are taken by a small number of people in a “Group” composed of official or informal advisers of the president and a few ministers. Several members of this group have very limited political experience and are neither technocrats nor elected politicians. Instead they have been part of the president’s inner circle for a long time. Others worked under previous regimes and have not hesitated to change their allegiance several times. The Group often priorities its own financial interests and its members do not hesitate to go beyond their remit. Some influential business people exercise a major influence over crucial decisions even though they have no official function. The H.A.T and the government are therefore regularly marginalised.” 111 P.7 Ce passage nous démontre à quel point la dimension économique et la dimension politique se superposent. Dans l’écriture parsonienne, ce phénomène est assez pour expliquer le développement d’une société. Plus les différents systèmes et/ou sous systèmes se détachent, plus la société est avancée. Le travail des trois Américains à savoir Douglass North, John

110 Madagascar: Crisis Heating Up ? Africa Report n°166, 18 November 2010, “For those close to the centres of power, the end of the transition would mean the end of their uncontrolled accumulation of wealth.” P.7 Traduction libre: Pour ces proches du centre du pouvoir, la fin de la transition signifierait la fin de leur accumulation de richesse incontrollée. 111 Traduction libre : Depuis qu’Andry Rajoelina a pris le pouvoir en Mars 2009 et depuis la dissolution de l’Assemblée, il n’y a aucun contrôle sur le gouvernement. Au lieu de cela, un petit groupe d’individu proche de la présidence conduit les affaires de l’Etat et court-circuite le mécanisme institutionnel de la prise de décision. Les décisions sont prises par des un nombre restreint de personnes au sein du « Groupe » composé de conseillers officiels ou officieux du président et quelques ministres. Plusieurs d’entre eux ont une expérience politique très limitée et ne sont ni des technocrates ni des politiciens élus. Ils font partie du cercle de proche du président depuis longtemps. D’autres ont travaillé avec les précédents régimes et n’ont pas hésité de changer d’allégeance à plusieurs fois. Le Groupe priorise souvent leurs propre intérêt financier et leur membre n’hésite pas à aller en dehors de leur compétence. Quelques opérateurs économiques exercent une majeure influence sur les décisions cruciales alors qu’ils n’ont pas des fonctions officielles. La H.A.T et le gouvernement sont régulièrement marginalisés » 81

Joseph Wallis et Bary Weingast confirme aussi cette thèse de Parsons. Pour eux, une société où le domaine économique et le domaine politique sont en relation symbiotique, est classée dans l’Etat Naturel par opposition aux ordres d’accès ouvert. Il nous est possible d’identifier ces ministres que l’auteur du Madagascar Crisis Heating Up ? n’a pas mentionné. En effet, avec le critère de longévité au sein du gouvernement, deux principaux ministres sortent du lot : Christine Razanamahasoa et Hajo Andrianainarivelo. Ces deux ministres ont « résisté » aux changementx du gouvernement depuis la rue jusqu’au gouvernement d’. Leur espérance de vie au sein du gouvernement est très significative.

Le soubassement de cette crise, et donc du coup d’Etat à Madagascar, aurait alors comme source la question économique. Il nous reste à diagnostiquer ces rentes faisant l’objet de compétition. A notre connaissance réaffirmée par une interview 112 , les exploitations minières telles qu’Ambatovy, Quit Mineral Madagascar et Soalala avec l’arrivée récemment sur le marché de Mainland Mining, sont les principaux gisements financiers des politiciens, des politicards et des opérateurs économiques Malagasy et étrangers. Inutile de rappeler que sur la Place du 13 Mai, Rajoelina voulait à tout prix réviser le contrat de ces sociétés. Manifestement, le but étant d’avoir une part de gâteau. A part ces ressources, il y a les futurs gisements de pétrole dans la partie Ouest de l’île. Avec une hausse de l’Investissement Direct Etranger, il y a beaucoup d’opportunités pour se servir dans le trésor public. Force est aussi de mentionner ces exploitations sauvages de bois de rose. Sur le plan économique, cela entraîne des manques à gagner pour l’Etat qui peuvent s’élever jusqu’à 300 millions de dollar. Question environnementale et sociale, les effets pervers sont et seront énormes et désastreux. La forêt Malagasy fait partie des poumons mondiaux et de ce fait, Madagascar bénéficie d’un montant non négligeable venant des pays occidentaux. Avec la déforestation massive, le montant diminuera et sera probablement annulé. Apparaît ainsi l’aspect égoïste des politicards et politiciens Malagasy qui ne tiennent pas en compte l’avenir à long terme du pays. Le virus « individualiste » se répand alors dans le cercle politique Malagasy.

112 Interview avec Maître Willy Razafinjatovo, le 17 Octobre 2011. 82

Avec toutes ces rentes, les politiciens auront tout pour nourrir et pour faire plaisir à sa famille pendant des générations. Certaines personnalités proches du régime de Rajoelina utilisent par exemple les comptes du dépôt au Trésor public pour des motifs personnels. In Madagascar. Crisis Heating Up ?, l’auteur avance des chiffres de 50 Millions de Dollars (100 Milliards d’Ariary). A part ce confort matériel, ils auront aussi l’honneur car l’argent et la richesse vont de pair. De ce fait, l’Etat Malagasy devient un facteur d’inégalité sociale. D’o ù la société de misère et la société de l’élite du pouvoir économique et du pouvoir politique. En général, la première société est vulnérable et toujours victime de la crise. Il arrive même que la politique divise la famille 113 . Elle entraîne de ce fait une « déliance »114 de la société Malagasy.

Un autre moyen de saisir la rente est les appels d’offres. Nombreux sont les appels d’offres non rendus publics mais réservés aux personnes proches du régime. Dans le cas où le marché est attribué à une autre personne ou autre société non proche du pouvoir, le régime remet en cause les contrats ou menace même la personne ou la société. Tel était le cas de la société luxembourgeoise S.R.D.I spécialisée dans la sécurité aéroportuaire en Août 2010. Celle-ci s’est vu octroyer le marché de la sécurité des huit aéroports internationaux de l’île au détriment de la société Brink’s appartenant à Akbarali. 115

L’exemple plus précis de cette captation de richesse de l’Etat est mentionné dans R.O.I du mois de Décembre 2010, n°320. Celle-ci révèle que le salaire des membres du Congrès de la transition et celui du Conseil Supérieur de la Transition s’élèvent à 1.140.625 Ariary avec une indemnité de logement de 100.000 Ariary, une indemnité de session forfaitaire de 740.000 Ariary, une indemnité de représentation de 150.000 Ariary. (Au minimum donc, ces membres consomment 2.130.625 Ariary, ce qui étonnant vu la situation dans laquelle se trouve Madagascar). Tout cela sans compter les crédits téléphoniques, les tickets de carburant, les frais de déplacement, d’hébergement et les notes de restauration lors des missions en provinces. La quasi-totalité des membres des institutions de la H.A.T entrent alors dans la logique de la captation des rentes étatiques et de ce fait, budgétivores.

113 Dans le cadre du mémoire de Licence, 30% des enquêtés affirment que la politique est la première raison entrainant la division de la famille. 45.714285% disent que le sujet politique provoque une dispute. In Bâtir une paix durable : Entre la violence et la non violence. Cas de quelques Quartiers du IIIème Arrondissement, Ralainony Stéphane, Année universitaire : 2010-2011. 114 Déliance signifie processus d’affaiblissement et de déstructuration des liens sociaux entrainant la destruction de la communauté. Jean Claude Ramandimbiarison, R.O.I, Op.Cit, P.26 115 Madagascar. Crisis heating Up ?, Op.Cit, P.10 83

Force nous est d’observer à cet égard l’évolution diachronique des partis politiques à Madagascar.

Tableau 21 : Evolution des partis politiques Malagasy Année 1958 1959 1960 1961 1962 1963 1964 1965 1966 Effectifs 1 0 0 0 0 0 0 0 0

Année 1967 1968 1969 1970 1971 1972 1973 1974 1975 Effectifs 0 0 0 0 0 0 0 0 0

Année 1976 1977 1978 1979 1980 1981 1982 1983 1984 Effectifs 0 0 1 3 0 1 0 0 0

Année 1985 1986 1987 1988 1989 1990 1991 1992 1993 Effectifs 0 0 2 0 0 22 13 49 17

Année 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 Effectifs 5 6 15 12 9 5 3 3 7

Année 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 Effectifs 5 3 2 2 5 0 18 64 60

Total 333 Source : Ministère de l’Intérieur, Février 2012.

84

Graphe n °2: Evolution diachronique des effectifs des partis politiques à Madagascar 70 60 50 40 30 Effectif 20 10 0 1958 1961 1964 1967 1970 1973 1976 1980 1983 1986 1989 1992 1995 1998 2001 2004 2007 2010

Visiblement, le nombre des partis politiques enregistrés demeure constant jusqu’au premier pic constaté en 1990. Un an après il y a une baisse suivie par une autre recrudescence, ensuite une autre diminution. Ce nombre chutera jusqu’en 1994 pour connaître après une légère augmentation. Brusquement, on observe un pic en 1996 suivi d’une autre diminution jusqu’en 2001. En 2002, il y a une petite hausse du nombre de partis politiques accompagnée d’une chute une année après, jusqu’en 2006. Une année après, il y a un petit pic suivi par une année sabbatique pour connaitre ensuite une brusque hausse pendant deux années successives. En 2011, le nombre des partis décroît un peu. L’intervalle de variation –c’est-à-dire, l’écart entre la plus petite et la plus grande valeur observée- est la suivante : 64-1= 63. Ce qui revient à dire qu’il y a une très forte variation. Dans cette optique, nous pouvons regrouper en deux l’effectif des partis politiques : il y a ceux qui sont enregistrés entre 1958 et 1989 et ceux dans l’intervalle de 1990 à 2011. Dans le premier intervalle de temps [1958-1989], l’effectif des partis politiques est très minime voire quasi-inexistant tandis que dans le second intervalle [1990-2011], on observe une forte création de parti. C’est à partir de 1990 qu’il y a une oscillation. L’explication plausible pour le premier intervalle paraît la mise en veille de la création des partis par le directoire militaire juste quelques temps après les évènements de 1972, et qui sera renforcée par le régime socialiste de Ratsiraka. Le second intervalle s’explique alors par la démocratisation de la sphère politique. C’est la forme visible de l’application du principe démocratique. En moyenne, il y a 12,481481 partis politiques créés chaque année à Madagascar. Ce qui veut dire environ un parti politique pour chaque mois. On comprend alors le besoin d’une fusion

85 des partis politiques évoquée par Ravalomanana le 17 Décembre 2008 suite au projet de texte présenté par Serge Radert et Serge Zafimahova. On observe des pics à chaque fois qu’il y a une crise ou durant la crise: 1990, 1992, 1996, 2002, 2007, 2009, 2010 et 2011. La crise peut être alors un élément fertilisant favorisant la création des partis. Dire aussi que la crise est une opportunité pour les partis n’est pas une aberration. En effet, en créant un parti, le fondateur a une chance de capter les rentes étatiques. Cela est possible par exemple, en faisant un éloge envers le régime ou en signant un accord international (Cas de la feuille de route) ou encore en faisant preuve de zèle. En tout, la crise et/ou les crises est et/ou sont une occasion pour entrer dans la course afin d’avoir une particule de rente. Le fait de siéger dans une institution de la Transition permet d’utiliser son statut pour faire un trafic d’influence dans un but personnel. La crise engendre alors une rente de situation, c’est-à-dire un « avantage donné par le seul fait d'occuper une situation privilégiée ou stratégique ». En se positionnant au centre comme à la périphérie du pouvoir, on peut contrôler ou avoir accès aux activités profitables.

Signalons aussi que dans un contexte de crise ou de problème, Madagascar devient le « champion de multiplication de structure ». 116 (Conseil Electoral Spécial, etc.) Cette prolifération de structure peut être vue comme une distribution à grande échelle des rentes étatiques. Plus les structures sont nombreuses, plus de personnels politiques ont accès aux rentes et plus le conflit est contrôlé. Douglas C. North, John Joseph Wallis et Bary R. Weingast ont bien démontré comment la paix s’établit dans un Etat Naturel. Dans Violence et Ordres Sociaux, Nouveaux Horizons, Editions Gallimard, Paris, ils disent que la « paix ne va pas de soi. Elle dépend de l’équilibre des intérêts générés par le processus de création des rentes ».

2- Les rentes étatiques externes Dans la pratique politique à Madagascar, il est très courant de profiter de son statut pour assouvir ses besoins matériels et psychologiques. Avec ce statut, on forme un réseau dans lequel les rentes sont distribuées. Ce réseau peut se constituer par la famille, le clan, les amis, l’église etc. En se servant de la rente étatique, on sert aussi tout ce beau monde. Un ministre durant la transition de 2009 a fait usage de son statut, par exemple pour envoyer ses neveux à

116 Interview avec Serge Zafimahova, le 18 Octobre 2011. 86 l’étranger pour étudier. Les bourses sont alors destinées à la famille des gouvernants. Et le népotisme est bel et bien en marche. Ces rentes sont essentiellement composées par l’aide internationale provenant d’un gouvernement étranger ou d’un organisme international.

Une autre rente juteuse est ces financements à partir des projets. Dev kar et Sarah Freitas dans Illicit financial flows from developing countries over the decade ending 2009, établissent le rapport entre le faible développement des pays en voie de développement, y compris Madagascar et les flux illicites des capitaux. En effet, ces fuites ou flux illicites des capitaux justifient à quel point les personnels politiques Malagasy sont avides de rente. Les financements venants des bailleurs de fonds ou des partenaires bilatéraux sont en partie détournés et deviennent une propriété privée. Dans Illicit Financial Flows from the Least Developed Countries: 1990–2008, l’auteur pointe du doigt l’instabilité politique comme l’une des sources favorisant les flux illicites des capitaux. Il est ainsi fort probable que pendant cette crise des millions et des millions d’argent public sont investis dans des secteurs privés par des opérateurs économiques et des politiciens proches du pouvoir.

Face à ces ressources faramineuses, l’unilatéralisme paraît donc comme un choix stratégique rationnel pour certains membres de la H.A.T., étant donné qu’en partageant le pouvoir, ils ne bénéficient plus l’effet du pouvoir. 117 Du coup, cette institution est tiraillée entre le partage du pouvoir –qui est une condition sine qua non de la reconnaissance internationale qui implique plus de rente financière à utiliser- et sa logique d’isolement et d’unilatéralisme. Faire partie de la H.A.T. devient alors un moyen pour « faciliter la façon de voler ». 118 D’où alors cette tergiversation dans l’application des différents accords signés. Rappelons que lorsqu’on a demandé aux enquêtés de juger la période de Ravalomanana et celle de Rajoelina, les enquêtés ont été plus favorables à Ravalomanana qu’à Rajoelina. En sachant probablement qu’elle n’aura pas de chance pour la prochaine élection –sauf en truquant-, la H.A.T décide de faire durer aussi longtemps que possible son espérance de vie. Plus les membres de la H.A.T persistent au pouvoir, plus ils accumulent des richesses.

117 Interview avec Fetison Rakoto Andrianirina, le 27 Octobre 2011. 118 Interview avec Maître Willy Razafinjatovo, le 17 Octobre 2011. 87

Le principe de consensus et d’inclusivité signifie indirectement partage de sièges et de rentes. C’est dans cette optique de distribution des rentes que le gouvernement Malagasy est composé de trente cinq (35) cabinets et son parlement de quatre cent soixante neuf (469) pensionnaires. Tout cela pour vingt millions d’habitants.

B- Politique : facteur d’ascension sociale Dans un Etat naturel comme Madagascar, faire de la politique ouvre une voie menant vers le succès matériel mais aussi social. Ce constat est très concret dans le cas de « spécialiste de la violence » ou les militaires. En se ralliant avec Rajoelina et après l’avoir porté au pouvoir, beaucoup de ces soldats mutins ont monté en grade et quelques uns ont même accédé à un poste clé comme à la tête de la F.I.S. par exemple ou dans l’administration du JI.RA.MA. Parmi eux, il y a les commandants Charles Andrianasoavina et Lylison devenus Lieutenants- colonels ou encore le Général Noel Rakotonandrasana. Charles Andrianasoavina est très particulier car à part le fait qu’il est nommé administrateur de la JI.RA.MA en septembre 2009, il a gravé l’échelle militaire tout en devenant chef d’un organe de sécurité. La récompense est énorme pour lui en faisant parler de son nom à l’Episcopat Antanimena le 17 Mars 2009. Le Premier Ministre de la H.A.T Camille Vital Albert a aussi bénéficié de l’effet du pouvoir : juste quelques jours après sa nomination, il est élevé au grade de général. Cette pratique a comme genèse l’accession de Ratsiraka au pouvoir. L’institutionnalisation de l’O.M.N.I.S (Office Militaire National pour l’Industrie Stratégique) en 1976 a permis au corps militaire d’accéder aux rentes. Cependant, une condition pour avoir son dû est de servir le régime en général, et son chef en particulier. L’avenir est alors dicté par leur comportement vis-à-vis du chef de la Nation. Dans tout cela la loyauté envers le président compte beaucoup. Force est de noter la forte présence des forces armées Malagasy à la tête des gouvernements qui se sont succédés à Madagascar. Sur les seize Premiers Ministres qui ont été à la charge de l’administration Malagasy, cinq 119 (soit 31.25%) sont issus de l’institution militaire. Nous pouvons donc considérer que l’appartenance au corps militaire est un autre moyen parmi d’autres pour faire carrière dans la politique.

On peut déduire à partir de ces faits alors que Rajoelina a relativement bien distribué une part des rentes aux hommes qui ont contribué à son « succès ». En faisant cela, il évite

119 Joël Rakotomalala, Désiré Rakotoarijaona, Victor Ramahatra, et Camille Vital. 88 toute violence interne au sein de sa coalition. Aussi, Douglass C. North et al, n’avaient-ils pas raison quand ils stipulaient que le « contrôle de la violence dépend de la structure et du maintien des relations entre puissants 120 ». Ravalomanana, comme nous l’avons déjà mentionné, n’avait pas tenu en compte cette variable « relation personnelle » 121 en se « débarrassant » des « tuteurs ». Il n’était entouré que par les Tiko Boys et les experts internationaux. Ce qui revient à dire que les « anciens » habitués aux arcanes de la politique sont sur la touche.

La politique fait partie des raccourcis les plus recourus pour monter dans la hiérarchie sociale. Cependant, l’ascension n’est pas effective sans les ressources économiques. D’où la pratique de captation des rentes. Mais pour y arriver, il faut se faire des amis hauts placés dans le centre du pouvoir ou encore s’introduire, ou se faire accepter dans le réseau clientéliste. Soulignons cette importance du réseau humain à Madagascar dans le cadre des divers activités (économique et politique surtout) parce que tout se fait et se transmet dans ce réseau. Tout individu hors réseau devient alors hors-circuit, donc, pas connecté. Force nous est de mentionner qu’à notre connaissance, ces réseaux sont plus ou moins restreints et d’autres sont jalousement gardés par les membres. Dans le souci d’éclaircir cette question, nous allons nous baser sur l’ouvrage de Serge Zafimahova qui propose une certaine piste. Il établit une liste incluant les « liens de parenté, les liens d’amitié familiale, les copains de promotion scolaire et universitaire, les copains de régiment, les clubs de service, les associations de laïcs issus des églises et des temples, la franc-maçonnerie, les partis politiques, les clubs de réflexion, les associations et groupements, les O. N.G, le quartier de résidence durant l’enfance et la jeunesse, l’appartenance ethnique, le lieu de caveau familial et l’interaction des amants. »122 Pour illustrer l’importance de cette relation et du réseau, nous évoquerons le marché du travail similaire à celui du Liban mais le pays de destination est la Jordanie. Profitant de la présence de Camille Vital à la tête du gouvernement, un de ces proches a exploité cette « filière » en se basant du document élaboré par les responsables de l’affaire Liban.

Quand ces politiciens et politicards avec les initiés en politique font de la course au pouvoir, ils attendent un effet à la fois sensoriel et psychologique. Le pouvoir leur procure un

120 Douglass C. North, John Joseph Wallis et Bary R. Weingast, Op.Cit, P.42 121 Dans un Etat Naturel, « les relations personnelles –qui est qui et qui connaît qui ? y forment le socle de l’organisation sociale et circonscrivent les interactions individuelles, en particulier les relations personnelles entre puissants. » in Violences et ordres sociaux, Op.Cit, P.18 122 Serge Zafimahova, Op.Cit, P.157 89 sentiment de supériorité. On voit alors à quel point le pouvoir interfère dans la relation humaine mais aussi dans la vie psychologique individuelle de tout individu.

C- Essai de proposition d’issue à la crise : En partant de la logique de ce travail que le soubassement de cette crise est les rentes, on se pose alors la question comment « régler » ce problème ? Deux options s’offrent aux élites : soit elles optent pour la voie pacifique, soit elles envisagent un recours à la force.

L’option pacifique permet de régulariser l’accès aux rentes par les institutions. Pour cela, il importe que les puissantes élites soient assujetties à la loi. Il faut qu’elles soient convaincues qu’il est dans leur intérêt de respecter la loi. Cependant, le problème réside dans le fait que si une élite transgresse la loi, tout le reste n’a aucun intérêt à la respecter. C’est là qu’on a besoin d’une institution forte et impersonnelle. L’impersonnalité assure la durabilité de l’institution car si cette dernière est à l’image de son fondateur, elle disparaitra quand celui-ci n’est plus là. La résolution pacifique est l’option adaptée au système Malagasy. Il évite tout conflit et tout affrontement. L’essentiel est d’avoir une bonne relation avec son voisin et être en accord avec son environnement. C’est à cet égard que la Réconciliation intervient. Elle est censée réparer les relations humaines. Pour ce faire, il faut procéder en trois étapes 123 :  Vérité. Dans cette étape, tous les acteurs impliqués dans la crise doivent faire face à la Vérité.  Pardon. Après qu’on élucide la réalité avec toute objectivité et que la Vérité soit révélée, le fautif doit demander pardon. Cela doit être fait en toute sincérité.  Compensation. Celui qui a commis l’erreur doit « payer ». Cela peut se faire soit en payant sa dette envers les victimes. Verser à titre symbolique par exemple, un somme importante ou passer un temps dans une prison afin que les victimes pensent réellement que la justice, la « vengeance » soit faites.

Grosso modo, la Réconciliation a une vertu thérapeutique dans le sens où elle rétablit la relation brisée. Cette relation se trouve à deux niveaux. D’abord au niveau horizontal. Les élites du pouvoir doivent se réconcilier entre eux, de même aussi pour la masse. Ensuite au

123 Interview avec Serge Zafimahova le 26 octobre 2011. 90 niveau vertical. Les gouvernants doivent demander pardon et réparer leurs fautes envers les gouvernés. L’objectif étant d’essayer de restaurer le vivre ensemble ou le fiaraha-monina.

La deuxième option est purement politique. Qui dit politique, dit rapport de force. Comme il y a un apparent équilibre entre les différents protagonistes, il faut que l’un d’eux arrive à briser ce rapport. Diverses manières peuvent être utilisées. Il y a la logique parétienne 124 qui veut qu’une élite livre la bataille et de cette façon, dominer ce qui est vaincu. Faire intervenir les forces armées ou une faction de force armée (une milice privée entre dans cette logique). Or, cela a un revers. Le recours à une quelconque force peut engendrer une guerre civile vu que chaque camp a ses « partisans » au sein du corps militaire. Il ne fait alors qu’aggraver la crise, voire même en créer une autre. Une autre manière de briser le rapport de force est le positionnement de la C.I. En effet, rappelons que la reconnaissance du pouvoir de Ravalomanana par les Etats Unis avait une grande influence dans la résolution de la crise de 2002. Dans la crise actuelle, le fait est que Rajoelina a peu d’appui diplomatique. L’Union Européenne en général, et les parlements Européens par le biais de Louis Michel en particulier, sont loin d’être satisfaits de la gestion de la Transition. La première puissance mondiale, de par leur geste et leur critique envers cette institution garde leur position. L’Afrique du Sud quant à lui est victime d’un chantage diplomatique de la part de la France. Il veut à la fois résoudre cette crise et même temps siéger au sein du membre non permanent du Conseil de sécurité de l’O.N.U. L’expérience nous montre aussi que la fabrication de martyrs accélère la chute d’un régime. Aussi, faire tourner cette machine est-elle profitable pour quel acteur. La sphère politique Malagasy est d’ailleurs en carence de leader 125 capable de mener à terme la transition.

Dans tous les cas, l’application de la division du travail social est primordiale. Tout un chacun a sa place : les militaires ne s’occupent que de la sécurité. Leurs actes doivent être soumis et examinés par un comité. La politique politicienne doit être exclue de leur champ. Aussi, ils ont amplement besoin d’une réforme consistant à les dépolitiser et à les centraliser

124 « Toute élite qui n’est pas prête à livrer bataille, pour défendre sa position, est en pleine décadence ; il ne lui reste qu’à laisser la place à une autre élite ayant les qualités viriles qui lui manquent »

125 D’après notre enquête personnelle, 45.098039% pensent que le nouvel homme doit avoir l’honnêteté. 21.568627% quant à eux veulent qu’il ait le sens de l’écoute. 91 sous le contrôle de l’Etat « dépersonnifié », c’est-à-dire dépourvu de l’identité personnelle du dirigeant. Il faut aussi bien définir la frontière entre le champ politique et champ économique afin d’éviter tout conflit d’intérêt.

L’explication de la complication de la mise en place d’une transition consensuelle voulue par la Communauté Internationale se trouve à deux niveaux. Le premier réside dans le manque de coordination et de coopération de la communauté internationale. Aussi, l’inclusivité tant voulue est-elle impossible, étant donné les divergences d’intérêts et les conflits d’intérêts des acteurs (divergences et/ou conflits d’intérêts entre les pays Anglo- saxons et les pays francophones, divergences et/ou conflits d’intérêts entre la mouvance Ravalomanana et celle de Rajoelina). Le problème est encore renforcé par l’implication de certains pays médiateurs au cœur même de la crise mais aussi par le manque de connaissance sur la réalité du pays. Le second niveau est purement de nature économique. L’accès au champ politique permet de fructifier son capital économique suivi du capital social. On comprend alors pourquoi la «politique est devenue un problème principal au lieu d’en être la solution idoine »126

126 L’Express de Madagascar, 6 Février 2012, N°5142. 92

Conclusion Générale

93

CONCLUSION GENERALE

Bref, toutes les crises successives qui ont tourmenté la vie économique et sociopolitique de Madagascar ont des éléments constants. A partir de ces éléments stables tels que l’épicentre des manifestations, les martyrs, la sacralisation du pouvoir, les acteurs nous avons basé notre analyse sur la crise de 2009.

Dans une vision holistique, le système et les sous systèmes Malagasy sont très fermés, voire codifiés, à tel point que toute tentative de modification des nombreuses structures a entraîné la chute de Ravalomanana. Aussi, comme la loi sur la dynamique du système veut qu’à chaque action il y a des réponses, les nombreuses actions que Ravalomanana avait alors entreprises ont provoqué beaucoup de réactions incontrôlées par Ravalomanana et le nouvel ordre hiérarchique composé d’experts de tout genre et de tout horizon. Sur le plan individualiste, les réformes que Ravalomanana a amorcées étaient un danger pour les habitués du cercle du pouvoir. L’ancien système leur est sécurisant et confortant. En modifiant le système et la structure, nombreux tuteurs perdent leur pouvoir. Toute maîtrise du système et éventuellement des structures étant source de pouvoir. D’où ces fixations des politiciens et politicards aux pratiques sécurisantes mais aussi leur résistance au changement. On peut alors déduire que psychologiquement, les anciens et les nouveaux personnels politiques sont en proie à une certaine Névrose Obsessionnelle Compulsive, la N.O.C. 127 Manifestement, ces personnes veulent à tout prix perpétuer leur façon de faire. L’ensemble de ces personnes pourrait constituer les gardiens du pouvoir à Madagascar mais aussi conservateur de la tradition, de la culture politique malagasy.

Frustrés par la politique de Ravalomanana et après plusieurs tentatives de déstabilisations non réussies, de nombreux politiciens et politicards ont considéré comme opportunité le changement de main à la tête de la capitale. Cette accession de Rajoelina à la mairie constitue un point clé au mouvement des anti-Ravalomanana. L’analyse du Mouvement Orange démontre que tous les objets sociaux ont été mobilisés. Ceux-ci expliquent en grande partie la réussite du Mouvement. Dans cette logique, les meneurs et les têtes pensantes du Mouvement n’ont qu’à faire ressurgir de l’inconscient

127 La N.O.C se manifeste par un attachement compulsif et anxieux au familier, une peur à tout ce qui est non familier, peur de l’inattendu, peur de tout ce qui est non maitrisable par soi. Pour plus de détail, cf. aux travaux des psychologues comme Alfred Adler et Abraham Maslow. 93 collectif à la conscience collective les souvenirs remontant du temps du royaume (question relative à la terre), du temps de la colonisation (patriotisme héroïque) et surtout du temps des crises successives. Force est aussi de mentionner que Rajoelina a bénéficié de la ressemblance et de similitude à l’histoire personnelle de Ravalomanana. La grande différence réside dans l’élection. Si Ravalomanana a été testé par les urnes, Rajoelina quant à lui n’est qu’un élu de la capitale. En examinant à fond la H.A.T, on remarque d’abord que les membres constitutifs de cette institution sont imbus de pouvoir. Certains d’entre eux le veulent même conserver le temps qu’ils deviennent assez suffisamment riches. En détenant aussi une parcelle de pouvoir, dont la part de certains acteurs est énorme, Rajoelina est dans l’obligation de se soumettre à la pression et au pouvoir de ceux-ci. Il est alors absorbé de l’intérieur par son entourage. Ensuite, les rentes faramineuses compliquent la résolution de la crise dans la mesure où ceux qui sont au pouvoir profitent des rentes et les gardent pour leurs réseaux. Ceux qui se trouvent hors du cercle du pouvoir par contre veulent aussi y accéder. Disons donc que l’exercice du pouvoir offre des tas de possibilités pour apprécier les avantages du statut. Parmi ces atouts, il y a l’impunité malgré les crimes effectuées. Aussi, faire de la politique est-elle une activité à la fois lucrative et sinécure. C’est dans cette optique que ce beau monde fait la course vers le (centre du) pouvoir. Il en résulte ainsi la déliquescence de l’Etat.

Du côté des acteurs internationaux, à savoir la communauté internationale, on observe un manque de coordination et de cohésion. Le principe de cohabitation et de consensus qui régit l’action de ces acteurs semble être impossible si on suit le jeu des politiciens et politicards Malagasy. Avec la divergence d’intérêts et le conflit d’intérêt, que ce soit entre la communauté internationale ou entre les acteurs Malagasy, mais aussi avec l’énorme rente qui fait l’objet de convoitise de toute part, la crise s’enlise. Il s’avère alors que la pratique politique malagasy est bel et bien perpétuée par des acteurs. Celle-ci est revivifiée dans chaque régime et à chaque crise d’où sa transfert de génération en génération. La reproduction sociale au sein du pouvoir ne fait que faciliter ce transfert.

94

Bibliographie

95

BIBLIOGRAPHIE

Ouvrages généraux

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19- JÜTERSONKE Olivier, KARTAS Moncef et al, Peace and Conflict Impact Assessment (PCIA) Madagascar , Centre on Conflict, Development and Peacebuilding (CCDP) Graduate Institute of International and Development Studies, Geneva, 2010

20- NORTH Douglas, WALLIS John Joseph, WEINGAST Bary, Violence et ordres sociaux , Nouveaux Horizons, Editions Gallimard, Paris, 2010

21- RAHARIZATOVO Gilbert, Madagascar 2002. Genèse et silence d’une crise , Editions Antanimena, Antananarivo, 2008

22- VOIGHT Lisa, RAKOTOMALALA Dominique, Guide facile. Intégration Régionale , Friedrich Ebert Stiftung, Antananarivo, 2008

23- ZAFIMAHOVA Serge, Jeu de Fanorona autour de la privatisation , Editions Orsa Plus, Antananarivo, 1998

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28- L’Hebdo de Madagascar, 24 au 30 Avril 2009, n°219

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30- Midi Madagascar, 5 Février 2001, n°5219

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32- R.O.I, Décembre 2010, n°320

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34- R.O.I, Juillet 2011, n°327

35- R.O.I, Aout 2011, n°328

36- Tsilo, Mars 2011, n°006 96

Rapports

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18 Mars 2010

38- Madagascar. Crisis Heating Up? Africa Report, n°166, I.C.G,

18 November 2010

Mémoire

39- RALAINONY Stéphane, Bâtir une paix durable: Entre la violence et la non violence. Cas de quelques Quartiers du III ème Arrondissement ,

Année Universitaire 2009-2010

Autres

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42- E.P.M 2010, I.N.STAT

43- RAKOTOMALALA Hery, The rosewood chronicles

44- Emission Reporters de France 24. Chronique de HERZ Virginie

Webographie

45- Wikipédia

46-http://l.wbx.me/l/?p=1&instId=8d69cb75-6cb7-4db0-bebb- 4250949f1b3d&token=05a6ceebff6b696ab1493c41c99cdf85a19765350000013568bf882d&u =http%3A%2F%2Fgabonenervant.blogspot.com%2F2012 47-http://www.madagascar-tribune.com/Juan-de-Nova-du-gaz-dans-l-eau,17287.html

97

TABLE DES MATIERES

Remerciements Sommaire Introduction générale ...... 1

Partie I: Les Républiques de Madagascar dans une crise cyclique ...... 6 Chapitre I : Les crises cyclique ...... 6 A- La crise de Mai 1972 ...... 6 B- La crise de 1991 ...... 10 C- La crise de 2002 ...... 13 D- Dénominateurs communs des crises Malagasy ...... 15 1) L’épicentre ...... 15 2) « Le sang qui mène au pouvoir » ...... 16 3) La sacralisation du pouvoir de la rue ...... 16 4) Les acteurs ...... 16 E- Les racines de ces instabilités chroniques ...... 17 1) Conception monarchique de l’Etat ...... 17 2) Auto-verrouillage du débat contradictoire ...... 18 3) Absence du contre pouvoir ...... 19 Chapitre II : Concepts et théorie générale de l’action ...... 20 A- Concepts ...... 20 1- Crise ...... 20 2- Pratique politique ...... 20 B- Théorie générale de l’action ...... 20 a- Talcott Parsons et les étapes de sa pensée ...... 20 b- Les pièces maitresses de la théorie générale de l’action ...... 21 c- Système d’action sociale ...... 22 d- Hiérarchie cybernétique ...... 25 e- Système d’échange ...... 26 f- Distinction de niveau ...... 26 g- Synthèse de la théorie parsonienne ...... 27

98

Partie II : La conquête du pouvoir par Andry Rajoelina ...... 28 Chapitre I : La pratique politique du président Ravalomanana ...... 28 A- Le prince Ravalomanana et sa pratique politique de 2002 à 2006 ...... 28 B- Ravalomanana : Trop indépendant et trop puissant (2006 à 2009) ...... 35 C- Perception et jugement de la période Ravalomanana par la microsociété ...... 38 Chapitre II : Les rites politiques pour s’accaparer du pouvoir ...... 47 A- La mobilisation des objets sociaux ...... 47 B- Les causes du Mouvement Orange ...... 54 C- Perception et jugement de la période Rajoelina par la microsociété ...... 57

Partie III : Le processus interminable de la mise en place de la Transition ...... 61 Chapitre I : Les actions sociales dans la transition ...... 61 A- Les principaux rivaux ...... 61 B- La Haute Autorité de la Transition ...... 63 C- Les forces armées ...... 68 D- Les Eglises ...... 68 E- La Communauté Internationale C.I ...... 70 F- La société civile ...... 75 G- Les partis politiques ...... 75 H- Le pouvoir judiciaire ...... 77 I- Les médias ...... 78 Chapitre II : Chevauchement du champ politique et du champ économique ...... 80 A- Rentes étatiques : objets de compétition ...... 80 B- Politique : facteur d’ascension sociale ...... 88 C- Essai de proposition d’issu à la crise ...... 90 Conclusion générale ...... 93 Bibliographie ...... 95 Tables des matières ...... 98 Acronyme Liste des tableaux Liste des graphes Annexes Résumé Abstract

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ACRONYME

A.G.I.L: A daptation Goal attainment Integration Latence A.G.O.A : African Growth Opportunity Act A.K.F.M : Antokon’ny Kongresin’ny Fahaleovan-tenan’i Madagasikara A.N.L : Action Non Logique A.R.E.M.A : Andry sy Rihana Enti-manarina an’i Ma dagasikara B.R.I.C.S : Brazil Russia India China South Africa C.A.P.S.A.T : Corps d’ Armée des Personnels et des Services Administratifs et Techniques C.M.D.N : Commission Militaire pour la Défense Nationale C.N.M.E : Commission Nationale Mixte d’ Enquête C.N.O.S.C : Coordination Nationale des Organisations de la Société Civile C.O.I : Commission de l’ Océan Indien D.S.R.P : Document de Stratégie de Réduction de la Pauvreté E.CA.R : Eglise Ca tholique Romaine E.D.B.M : Economic Development Board of Madagascar F.A.P : Fond d’ Appui du Président F.F.K.M : Fiombonan’ny Fiangonana Kristianina eto Madagasikara F.I.S : Force d’ Intervention Spéciale F.J.K.M : Fiangonan’i Jesoa Kristy eto Madagasikara Fmg : Franc Mala gasy F.N.D.R : Front National pour la Défense de la Révolution G.M.M.R : Groupement issus de la Mouvance Marc Ravalomanana H.A.T : Haute Autorité de la Transition H.C.C : Haute Cour Constitutionnelle JI.RA.MA : Ji ro sy Ra no Ma lagasy K.I.M: Komity Iombonan’ny Mpianatra M.A.P : Madagascar Action Plan M.C.A : Millenium Challenge Account M.D.R.M: Mouvement Démocratique pour la Rénovation de Madagascar M.F.M : Mpitolona ho an’ny Fampandrosoana an’i Madagasikara M.ONI.MA : Madagasikara Otronin’ny Malagasy N.O.C : Névrose Obsessionnelle Compulsive O.M.N.I.S : Office Militaire National pour l’ Industrie Stratégique O.N.U : Organisation des Nations Unies PA.DES.M : Pa rti des Dés hérité de Madagascar

100

P.D.S : Président de la Délégation Spéciale P.I.C : Pôle Intégré de Croissance P.S.D : Parti Social Démocrate S.A.D.C : Southern African Development Community S.A.D.C.C: Southern African Development Coordinating Conference S.A.M.V.A : S ervice Autonome de Maintenance de la Ville d’ Antananarivo S.G : Secrétaire Général S.I.D.A : S yndrome Immuno Déficitaire Acquise S.R.D.I : Safety-Related Display Instrumentation T.G.V : Tanora Mala gasy Vonona T.I.M : Tiako I Madagasikara U.A : Union Africaine U.N.D.D : Union Nationale pour la Défense de la Démocratie U.R.S.S : Union des Républiques Socialistes Soviétiques

101

LISTE DES TABLEAUX

Tableau 1 : Représentation de la population à étudier ...... 4

Tableau 2 : Observation sur terrain ...... 38

Tableau 3 : Observation sur terrain à partir d’une compression des données ...... 39

Tableau 4 : Tableau des effectifs théoriques ...... 39

Tableau 5 : Tableau des écarts ...... 40

Tableau 6 : Tableau des écarts pondérés ...... 40

Tableau 7 : Tableau croisant la variable Milieu (Urbain/rural) et satisfaction ou non ...... 41

Tableau 7.1 : Tableau des faits bruts observés ...... 41

Tableau 7.2 : Tableau compressé ...... 42

Tableau 8 : Tableau des effectifs théoriques ...... 42

Tableau 9 : Tableau des écarts ...... 42

Tableau 10 : Tableau des écarts pondérés ...... 43

Tableau 11 : Tableau croisant les variables Niveau d’étude et satisfaction ou non ...... 43

Tableau 12 : Combinaison des variables et test de Khi-deux ...... 45

Tableau 13 : Tableau des écarts pondérés ...... 45

Tableau 14 : Tableau des observations sur terrain sur le croisement de variable Age et jugement de la période Rajoelina ...... 57

Tableau 15 : Tableau de combinaison de variable et test de Khi-deux ...... 58

Tableau 16 : Tableau des écarts pondérés ...... 58

Tableau 17 : Tableau des observations sur terrain sur le croisement de variable Niveau d’étude et jugement de la période Rajoelina ...... 59

Tableau 18 : Tableau d’observation et combinaison de variable Milieu et jugement de la période Rajoelina ...... 59

Tableau 19 : Tableau des personnes ayant participé au Mouvement Orange ...... 65

Tableau 20 : Personne ayant participé aux manifestations contre Rajoelina ...... 65

Tableau 21 : Evolution des partis politiques Malagasy ...... 84

102

LISTE DES GRAPHES

Graphe n°1 : Représentation graphique de la population d’enquête ...... 5

Graphe n°2 : Evolution diachronique des effectifs des partis politiques à Madagascar ..... 85

103

ANNEXES

104

Guide d’entretien

Raisons des répétitions des crises.

Configuration du paysage politique Malagasy.

Enjeux du pouvoir.

Communauté internationale et médiation.

I

Age : Profession : Niveau d’étude : Sexe : Confession :

1-Suivez-vous l’évolution politique Malagasy ? Oui Non Si Oui, pourquoi ?

______

Si Non, pourquoi ?

______

2-Comment jugez-vous la pratique politique Malagasy en général?

Bonne Mauvaise

Si, Bonne , quelle(s) est/sont cette(es) bonne(s) pratique(s) politique(s) ?

______

______

Si, Mauvaise , quelle(s) est/sont cette(es) mauvaise(s) pratique(s) politiques ?

______

______

3-Comment jugez-vous la période Ravalomanana ?

Excellente Bonne Moyenne Insuffisante

4-Comment jugez-vous la période Rajoelina ?

Excellente Bonne Moyenne Insuffisante

5-Avez-vous participé à une manifestation Oui Non politique ?

6- A votre avis, a-t-on besoin d’une nouvelle génération d’homme Oui Non politique ?

7-Qu’attendez-vous des hommes politiques ?

Honnêteté Intelligence Capacité d’écoute Compétence Autres : Préciser

II

Chers peuple Malagasy,

Durant ces dernières semaines, à travers les journaux, la télévision et sur la place du 13 Mai, il a été fait allégation d’existence de MERCENAIRES à Madagascar. Ces rumeurs n’ont aucun fondement, ceux qui prétendent des journalistes -c’est-à-dire, se basant sur l’éthique journalistique et surtout sur la collecte d’informations objectives-se sont débrouillés pour créer un FANTOME qui n’existe donc pas – et l’ont appelé MERCENAIRES.

Je désire d’abord me présenter : JE ME NOMME NASSAR VICTOR, ET BEAUCOUP ONT PROPABLEMANT ENTENDU MON NOM RATTACHE AUX MERCENAIRES QUI ETAIENT EN ACTION SUR LA PLACE DU 13 MAI, LE 4 MARS 2009(La Gazette de la Grande Ile, l’Express, La Vérité du 05/03/09)

Si j’ai attendu longtemps, avant de répondre à ces allégations, je voulais tout simplement m’adresser au peuple Malagasy avec un esprit calme, mais non empli de colère.

Je ne suis nullement en colère contre vous, comme je connais et appris à connaitre des cultures et habitudes Malagasy, que la RUMEUR tient y une place, et peut conduire à plusieurs conséquences dans la vie quotidienne.

La réalité, la vérité sur ceux qui ont été accusés de MERCENAIRES, c’est qu’ils ont été utilisés comme un élément décisif dans ce conflit interne ; ils ont été utilisés dans le but d’effrayer le peuple Malagasy.

J’ai été à Madagascar, depuis au moins trois ans ; une première visite a changé ma façon de voir la voir la vie ici, et j’y ai reconnu la nécessité de combiner ensemble business et développement communautaire. C’était une étape qui m’a conduit ainsi que mes partenaires à voir les choses différemment, de réaliser combien nous les occidentaux sommes avantagés, de se décider à prendre part au développement eu pays, devenir des bâtisseurs d’une nation en faisant du business non seulement pour profit.

Nous avions été pratiquement dans le pays tous les mois, dans le but de suivre de près les projets, ainsi que leur développement. Nous avons sponsorisé des projets, qui ont été très remarqués à Madagascar, ainsi qu’une réforme que Madagascar est le premier pays africain à avoir appliquée, qui vaut d’être remarqué sur le plan mondial, et qui a montré l’intérêt du pays pour les valeurs humaines. Nous avons présenté une technologie d’infrastructure qui devrait rendre la vie dans les zones rurales plus valorisante et connecter les milieux ruraux avec cette infrastructure toute l’année.

Nous avons eu le plaisir d’investir dans une agriculture qui générait du travail pour ces zones rurales ; nous avons rendu fertile une zone impropre à la culture, par l’introduction du projet Jatropha.

Nous avons présenté Madagascar à l’occident pour les investissements et y avons fait la promotion dece pays. Des investissements de différents secteurs étaient venus à Madagascar, afin de voir les potentiels que vous possédez.

III

EST-CELA, ETRE MERCENAIRE ?

Participant à la présentation du Sommet de l’U.A, nous avions eu le privilège et le plaisir d’entrer dans certains aspects de cette préparation, comme la mise en place d’un système de sécurité, l’évaluation du niveau des Forces Armées, leur entraînement, le dressage de la liste des équipements requis pour ce système de sécurité.

Les récents développements des événements à Madagascar ont créé une nouvelle réalité ; le gouvernement a fait l’acquisition d’EQUIPEMENTS ANTI-EMEUTE. Ce n’est pas une honte, comme nous le Chef d’Etat Major d’alors l’avait mentionné, de demander de l’assistance pour apprendre à utiliser ces équipements, et entrainer les effectifs. Comme nous participons à la préparation du Sommet Africain, on a demandé notre assistance. Nous nous considérons plutôt comme accomplissant un devoir ; un devoir en vers vous, le peuple Malagasy ; pour enseigner aux forces de l’ordre comment utiliser ces équipements dans le but de ne pas les utiliser de mauvaise manière, qui provoquera des victimes et des morts.

Tous ceux qui possèdent une connaissance et une expérience(les attachés militaires des différents pays incluant La France) sur les équipements anti-émeute savent très bien qu’une très bien utilisation incorrecte de ces équipement peut être fatale. Aussi UN ENTRAINEMENT ETAIT IMPERATIF. Ces entrainements ont été faits pour apprendre aux forces de l’ordre comment faire face à une manifestation sans arme à feu. Tous les éléments de l’EMMO-NAT qui ont participé à cet entrainement peuvent témoigner de ce quoi ils ont été entrainés.

En tout, 400éléments ont été entrainés. Il leur a été expliqué qu’ILS NE FONT PAS FACE A DES ENNEMIS ; ils font face à des citoyens ; parmi ces citoyens peuvent se trouver des membres de leur famille.

Tous les Généraux, Colonels, et officiers qui étaient à ces entrainements peuvent témoigner qu’ils n’avaient jamais reçu d’ordre d’étrangers ; il n’y avait purement et simplement que la consultation et de l’entrainement.

A ceux qui parlent de MERCENAIRES, je vous prie de penser à un scénario dans lequel le gouvernement n’a pas choisi cette étape et n’a pas muni ses forces d’équipement anti-émeute. Quel aurait été encore le résultat, si les soldats avaient utilisé leurs armes, combien de victimes aurait-il encore eu ?

Nous n’avions pas vendu d’armes, et n’avions pas appris à tuer.

NOUS AVONS LA FIERTE DE PARLER ET DE NOUS TENIR DEVANT CE QUE NOUS AVONS FAIT, NOUS AVIONS PRETE ASSISTANCE, QUAND IL ETAIT PRIMORDIAL D’APPRENDRE A NE PAS TUER.

ET COMMENT SE COMPORTER DANS UNE NATION DEMOCRATIQUE.

IV

Pour ceux qui croient dur comme fer que des mercenaires étaient présents à la place du 13 Mai pour donner des ordres… Je vous prie d’adopter une vue plus réaliste. Un mercenaire est un professionnel ; il se serait fait discret, ne serait pas montré n’importe où.

Aussi, mes compagnons et amis, ne croyez pas aux RUMEURS, comme elles sont faites pour vous embrouiller, et vous effrayer. C’est même étonnant comment une partie de l’armée croit aussi à l’existence de mercenaires, et que ces derniers vont débarquer à Madagascar. Pourtant, nous avons tous bien vu que les récents événements n’ont pas vu quelconque intervention de mercenaires.

IL EST VRAIMENT TEMPS DE SE REVEILLER, de revenir aux réalités.

Nous ne craignons pas ces rumeurs, et nous les combattrons. Ceux qui les avaient créés devraient les justifier, si l’on se trouve dans une nation démocratique ; vous ne pouvez pas juste créer une brebis galeuse et l’utiliser dans votre intérêt. Ceux qui veulent m’accuser, je vous prie de le prouver en face de vos pairs, et que justice soit faite. Les médias qui ont « révélé » au public l’existence de ces mercenaires, sans même recouper leurs informations et les étayer, je leurs demande humblement de s’expliquer. Ce ne seront pas nous, qui jugeront, ce seront le système juridique de Madagascar et de l’Europe qui le feront.

Nous continuons d’apporter notre soutien à vous, Peuple Malagasy, et continuerons aussi notre investissement, pour que vous n’ayez pas à souffrir à cause de ceux qui ont abusé de nous, en nous utilisant comme élément dans ce conflit. Car, posez-vous tous simplement cette question : A QUI PROFITER CETTE RUMEUR D’ARRIVEE DE MERCENAIRE ? Pour augmenter le tirage ou l’audimat des « uns » ? Une autre manière non orthodoxe de réveiller l’esprit nationaliste des Malagasy, de rassembler les différentes souches du peuple autour des « autres » ?

QUE DIEU VOUS BENISSE.

MEILLEURS SALUTATIONS, VICTOR NASSAR

21.03.09

Signature

Victor NASSAR.

V

EXTRAIT DE LA GUIDE FACILE. INTEGRATION REGIONALE

« La S.A.D.C est née en 1992, d’une organisation qui l’avait précédée : la Conférence pour la Coordination du Développement de l’Afrique Australe (S.A.D.C.C) avait déjà été créée en 1980 par les Etats de l’Angola, du Botswana, du Lesotho, du Malawi, du Mozambique, de la Zambie, du Zimbabwe, du Swaziland et de la Tanzanie, avec pour but, la création d’un contrepoids contre le régime d’apartheid de l’Afrique du Sud. Le but principal de la Conférence pour la Coordination du développement de l’Afrique Australe était de réduire la dépendance économique des pays membres envers l’Afrique du Sud. Ce but devrait être pris en charge par une coordination des activités de politique extérieure et de la politique économique entre les « Etats frontaliers » de l’Afrique du Sud. Il fallait d’abord mettre en place et relier entre elles des infrastructures de liaison et de relais d’informations. Dans les années 90, c’est-à-dire, après la fin du conflit Est-Ouest et l’effondrement du régime apartheid en Afrique du Sud, la S.A.D.C.C s’est retrouvée dans un contexte et des conditions complètement nouveaux. En réaction à cette situation, les Etats membres de la S.A.D.C.C ont conclu, en 1992, le traité S.A.D.C. Ils prônaient une coopération plus engagée et plus responsable, ainsi qu’une intégration régionale plus poussée. Le but était de créer une communauté intégrée pour le Développement, c’est-à-dire, une communauté avec des objectifs de développement communs, en Afrique Australe. Ce but dépassait l’institution initiale de la S.A.D.C.C, pour laquelle il s’agissait « seulement » de coordonner les intérêts communs des Etats membres. » P. 31-32

VI

La S.A.D.C et l’Afrique francophone Anne Kappès-Grangé, de la B.B.C World Service, couvre l'Afrique et a publié un compte rendu détaillé de ce qui s'est passé en coulisse pendant l’élection pour le poste de président de la Commission de l'Union africaine. Ce blog (http://l.wbx.me/l/?p=1&instId=8d69cb75-6cb7- 4db0-bebb- 4250949f1b3d&token=05a6ceebff6b696ab1493c41c99cdf85a19765350000013568bf882d&u =http%3A%2F%2Fgabonenervant.blogspot.com%2F2012) a fait une synthèse de ce compte rendu et le livre ci-dessous.

1. Pretoria a bloqué la réélection de Jean Ping, car craignant que l'organisation soit plus affaiblie.

2. Le jour avant l'élection, le pays de Jean Ping – le Gabon - multipliant les réunions de dernière minute afin de le faire réélire. Ses partisans savaient que ce serait serré, mais «personne ne pensait que tout irait mal", avoue l'un d'eux.

3. Premier tour du vote, un scrutin secret derrière des portes verrouillées s'est terminée avec 28 voix en faveur de Ping et 25 pour l'africaine du Sud, Nkosazana Dlamini-Zuma. Aucun des deux n’était présent à la séance plénière comme le veut la réglementation. Aucun d'entre eux n’a obtenu la majorité requise des 36 voix (deux tiers).

4. L'ambiance dans la salle était tendue. Certaines voix demandèrent la suspension de la session. L’Afrique du Sud s'y est opposée. Boni Yayi, le Président nouvellement élu de l'UA, n'insista pas davantage. Au quatrième tour, Ping pourtant seul en lice ne reçoit que 31 ou 32 voix. Plus d'un tiers des Etats membres ont préféré ne pas le réélire et risquer un statu quo institutionnel. Un énorme revers en d'autres termes.

5. Unis derrière l'Afrique du Sud, les quinze états membres de la Communauté de Développement de l’Afrique Australe de Développement (S.A.D.C) constituèrent un bloc et réussir à obtenir le soutien d'une demi-douzaine de pays en dehors du bloc. En Afrique de l'Ouest, les regards sont dirigés vers la Gambie, dont tout le monde sait devoir une dette à Zuma pour avoir soutenu la candidature de Fatu Bensouda comme procureur général à la Cour pénale internationale (C.P.I). Mais les regards sont également tournés vers la Guinée- Bissau et le Cap-Vert, traditionnellement proches de l'Angola, qui soutient Pretoria. Et qu'en

VII est-il le vote mauritanien, dont le président a travaillé main dans la main avec Zuma sur le cas ivoirien? Les spéculations se propagent et Jean Ping dénonce un coup d'état.

6. Un peu plus loin, dans le grand hall de l'entrée de l’U.A, la délégation sud-africaine jubile de joie. Dlamini-Zuma et ses partisans esquissent des mouvements de danse et s'exclament que «c’est une victoire pour l'Afrique du Sud". «Même si nous n'avons pas été élus, nous avons réussi à bloquer la réélection de Ping ", se réjouit l'un d'eux. Maite Nkoana-Mashabane, ministre des Affaires étrangères, affirme aux journalistes que «le titulaire du poste de Président de la Commission n'a pas été réélu, ce qui prouve la soif des dirigeants africains pour le changement".

7. "Si la S.A.D.C le souhaite, Nkosazana Dlamini-Zuma sera à nouveau candidate à la prochaine élection", a dit le chef de la diplomatie sud-africaine. Qu'en est-il de Jean Ping? "La décision lui appartient», admet son entourage, « mais il ne veut pas le prendre personnellement. Si nous lui demandons de se présenter aux élections à nouveau, il le fera. Sinon, il tournera la page sans regret ». Du côté de son opposition, on souligne néanmoins qu’«il vaut mieux pour lui de s'abstenir", selon les mots d'un supporter de Dlamini-Zuma. "Le message est clair pour lui: les choses doivent changer. Il y a eu trop d’ingérence étrangère." L'hypothèse selon laquelle la France soutenait le candidat du Gabon est à peine secrète.

8. L’Afrique du Sud a mené une campagne agressive jusqu'à la fin. Quant à Jacob Zuma, il lui a été demandé, à plusieurs reprises, de retirer la candidature de Dlamini "au nom de l'unité africaine". Le Président béninois Boni Yayi, et le Congolais Denis Sassou Nguesso, l’ont rencontré le 28 Janvier, sans parvenir à lui faire changer d'avis. Les anciens chefs d'état du Burundi et du Nigeria - Pierre Buyoya et Olusegun Obasanjo, a eu la même « malchance ».

9. Un habitué des sommets de l'U.A a dit qu’"il y a quatre ans Bongo senior voulait faire élire son candidat et amena l'artillerie avec lui. Cette année, avec Ali Bongo, les choses ont été différentes. Non pas parce qu'il ne voulait pas de Ping, mais parce qu'il a commencé à faire campagne trop tard et il prenait la victoire pour acquise. Le résultat est que l'Afrique est divisée ".

10. Un ancien ministre francophone, s'exprimant sous le couvert de l'anonymat, se plaint que « Zuma savait très bien qu’il y ait une règle non écrite qu'aucun grand pays ne serait à la tête

VIII de la commission, mais il a refusé d'écouter. La revanche viendra le jour où Zuma aura besoin de notre soutien pour obtenir un siège permanent au Conseil de sécurité de l'O.N.U! »

11. Jean Ping a essentiellement perdu contre lui-même dans le dernier tour du scrutin. Son échec a déclenché le débat sur l'impérialisme en Afrique, en particulier l'influence de la France dans les pays francophones.

12. Ping n'a jamais vraiment été l'homme de mener la Commission de l'U.A dans la direction qu’elle était censée aller en 2008. Depuis sa prise de fonction, les faiblesses administratives dont on pouvait s’attendre de ce qui était une nouvelle organisation, n'ont fait que s'aggraver. Ping est l'ancien ministre des affaires étrangères du Gabon, petit pays riche en pétrole et ex- colonie française. Il a remporté le poste en 2008, avec 31 sur 46 suffrages exprimés. Depuis lors, le soutien de Ping est resté à 31. Il a reçu ce même nombre de votes à Addis-Abeba dernièrement, après 4 tours de scrutin. Par ailleurs, 31 est aussi le nombre de pays francophones, la cabale de pays de langue française et anciennes possessions de Paris. Alors que 31 était suffisant en 2008, lorsque 46 pays votaient ; ce n'était plus assez quand 53 ont voté.

IX

EXTRAIT DE QU’EST-CE QUE LA SOCIETE CIVILE ?

« La société civile : • S’inscrit dans un espace public au sein de la société • Se trouve entre l’Etat, le marché et la famille • Ne désigne NI un groupe homogène, NI une masse de citoyens isolés les uns des autres • Désigne des rassemblements de citoyens suivant leurs centres d’intérêts respectifs, visant une réciprocité des échanges et la poursuite d’objectifs communs.

Les organisations de la société civile : • Sont indépendantes de l’Etat et des organisations économiques • Ne travaillent pas dans un but lucratif • Essaient d’attirer l’attention sur leurs intérêts • Travaillent, selon la détermination des objectifs, au service de la « chose publique » Ne poursuivent pas des fonctions étatiques, mais s’intéressent uniquement à une participation politique indépendante. » P.9

X

LISTES DES MEMBRES DE LA JURIDICTION CONSTITUTIONNELLE DE MADAGASCAR

Période Dénomination Président Membres 1959-1960 Commission Jean Le Rabesandratana Polycarpe Constitutionnelle Marquand Rakotondrainibe Alexandre Ratsisalozafy Jules Ozoux

1961-1970 Conseil Rakotobe René Razafimahefa André Supérieur des Raharivelo Ramamonjy Institutions Andrianjanaka Jean de la Croix Toazara Razafimanantsoa Zafimahery Rakotondrainibe Alexandre

1971-1977 Conseil Toazara Randrianahinoro Sylvain Supérieur des Venance Modeste Institutions Rakotondrainibe Alexandre Razanamasy Yves Marcel Sambson Gilbert Rakotoniaina Justin

1978- Haute Cour Tilahy Robert Razanamasy Yvers Marcel Mars 1985 Constitutionnelle Rabemahefa Berthe Mahateza Herny Robert Randrianahinoro Sylvain N’Diaye Amadou Rakotomanana Honoré Boto Victor Amad Toahir Botralahy Michel

Avril 1985- Haute Cour Rakotomanana Razanamasy Yves Marcel 1992 Constitutionnelle Honoré Rabemahefa Berthe Mahateza Henry Robert N’Diaye Amadou Boto Victor Amad Toahir Botralahy Michel

1992-1996 Haute Cour Ratsirahonana Rakotondrabao Andriantsihafa Constitutionnelle Norbert Lala Dieudonné Rakivolaharivony Jeanine Hortense Imboty Raymond Rakotoarisoa Florent Rabemahefa Berthe Rajaonarivony Jean Michel Mananjara Indrianjafy Gearges Thomas

XI

1996-2001 Haute Cour Boto Victor Rakotondrabao Andriantsihafa Constitutionnelle Dieudonné Rakivolaharivony Jeanine Hortense Imboty Raymond Rakotoarisoa Florent Rabemahefa Berthe Rajaonarivony Jean Michel Mananjara Indrianjafy Gearges Thomas

2002-2012 Haute Cour Rajaonarivony Andriamanandraibe Rakotoharilala Constitutionnelle Jean Michel Auguste Imboty Raymond Razoarivelo Rachel Bakoly Rasoazanamanga Rahelitine Rabendrainy Ramanoelison Ramampy Marie Gisèle Rakotondrabao Andriantsihafa Dieudonné Rabehaja-Fils Edmond Source : H.C.C, Mars 2012.

N.B : les Secrétaires Généraux et Greffiers en chef ne sont pas mentionnés dans cette liste.

XII

1. S’il demeure, depuis le début de la crise malgache en 2009, une interrogation c’est bien celle-ci : quels sont les enjeux de la France pour qu’elle se soit impliquée avec autant d’acharnement et de constance dans cette crise. La question de Juan de Nova, cet îlot ide 5 km² au milieu de l’Océan Indien offre une réponse possible à cette question. 2. Les Îles Éparses, dont Juan de Nova, ont fait très tôt l’objet d’une volonté d’appropriation par la France. Ce chapelet d’îles ancrées à l’intérieur du Canal de Mozambique, sur « l’autoroute du pétrole », à mi-chemin entre l’Afrique et Madagascar présente un intérêt géostratégique certain. L’instauration en 1982 par la convention de Montego Bay du principe de Zone Économique Exclusive (Z.E.E) qui étendait à 200 milles de ses côtes la compétence d’un pays a en outre développé des enjeux économiques cruciaux. 3. Ces territoires, dépendances administratives de la Grande Ile rattachées en 1896 à la France qui déclarait colonie française « Madagascar et les îles qui en dépendent »,. auraient dû être restituées à Madagascar à la proclamation de son indépendance le 26 juin 1960. Bien au contraire, le décret du 1er Avril 1960, promulgué in extremis par l’État français détachait les éparses du territoire de la « République autonome de Madagascar » pour les placer sous l’autorité du ministre de la France d’outre-mer. 4. Cette annexion n’a été tardivement remise en cause par Madagascar qu’en 1973, date où Ratsiraka évoquera pour la première fois le problème de la souveraineté malgache sur les Éparses. 5. En 1979, des résolutions adoptées respectivement par l’O.U.A et le groupe des non-alignés, puis par l’organe plénier de l’O.N.U demandaient sous forme de recommandations à la France, mise là à l’index par la Communauté Internationale, de restituer à Madagascar ces îles séparées arbitrairement, ou tout au moins d’engager des négociations en vue de leur réintégration. 6. On ne reparlera de cette question de l’avenir des Îles éparses qu’en 1999 lors du sommet de la Commission de l’Océan indien qui décidait d’envisager la cogestion des îles de Tromelin et des Éparses par la France, Madagascar et Maurice. Cette proposition se conclut par un premier accord entre Maurice et la France en 2010. 7. L’intérêt des opérateurs pétroliers pour l’exploration et les ressources offshore de la zone s’éveille suite à la publication en 2003 d’un rapport de Rusk Bertagne Associates & TGS- nopec « Petroleum Geology and Geophysics of the Mozambique Channel », rapport qui s’appuie par ailleurs sur l’exploitation exclusive de données sismiques produites par des organismes de recherche français jusque là ignorées par les pétroliers. Cet intérêt s’éveille

XIII d’autant plus que les techniques de prospection et exploitation offshore en eaux profondes et très profondes sont désormais maîtrisées. 8. Juan de Nova s’avère se situer très exactement au milieu de cette zone du canal du Mozambique, qui intéresse tous les riverains parce qu’elle est envisagée comme une nouvelle « Mer du Nord ». Ses potentialités en termes de ressources pétrolières et gazières en eaux profondes seraient prouvées à l’Est par les champs de Bemolanga/Tsimiroro et Manambolo, à l’Ouest par la présence de champs de gaz naturels géants récemment découverts au large du Mozambique et de la Tanzanie et au Sud Ouest par les champs de gaz en exploitation de Pande & Temane au Mozambique. 9. Juan de Nova, une des Îles Éparses, possession française contestée par Madagascar, a fait l’objet en décembre 2008 de l’octroi par le gouvernement français de permis exclusifs d’exploration OffShore et de production sur deux blocs dénommés respectivement « Juan de Nova EST – J.D.N.E » et « Juan de Nova Maritime Profond – J.D.N.M.P ». 10. Un permis d’exploration sur un bloc « Belo Profond » qui jouxte très exactement le bloc J.D.N.M.P est accordé par l’O.M.N.I.S et le gouvernement malgache aux opérateurs pétroliers de J.D.N.M.P. 11. Une idée était communément admise : les programmes d’exploration de Juan de Nova étayaient l’hypothèse d’un intérêt majeur de la France pour les champs de pétrole de Bemolanga. Mais si Total, au bout de trois 3 ans d’exploration, décide d’abandonner aussi « facilement » le projet Bemolanga, l’enjeu de la France n’est-il pas plutôt Juan de Nova, territoire affirmé français, dont les potentialités en énergies fossiles peuvent faire de la France un futur membre de l’O.P.E.P ? 12. Le Décret N° 78-146 du 3 février 1978 portant création d’une zone économique au large des côtes des îles Tromelin, Glorieuses, Juan de Nova, Europa et Bassas da India énonçait : « la zone économique […] s’étend, au large des côtes des îles Tromelin, Glorieuses, Juan de Nova, Europa et Bassas da India depuis la limite des eaux territoriales jusqu’à 188 miles marins au-delà de cette limite , sous réserve d’accords de délimitation avec les États voisins. » 13. Madagascar créera sa propre Z.E.E de 200 miles en 1985. Le code pétrolier malgache de 1996 y fait ainsi référence : « Art.6- Au sens du présent Code, on entend par […] : « territoire de la République de Madagascar », le territoire terrestre, le plateau continental, la zone économique exclusive, les mers territoriales, tels qu’ils sont définis par la loi et les conventions internationales expressément ratifiées ».

XIV

14. À 150 kms des côtes malgaches, Juan de Nova devrait être naturellement intégré dans la ZEE des 200 miles de Madagascar. Les Z.E.E françaises et malgaches sont ainsi, dans le principe, en SUPERPOSITION TOTALE. Cette question de la délimitation des zones françaises et malgache est donc essentielle. 15. Si en 2005 un accord a été établi entre la France et Madagascar à propos de la Réunion et de la délimitation des Z.E.E respectives malgache et française, rien n’a été fait quant aux Îles Éparses. Faute de négociation et de délimitation des limites des Z.E.E respectives, ou à la rigueur en l’absence d’un accord de cogestion, personne n’est propriétaire de rien. 16. Faute de détermination des limites de compétences territoriales de la France et de Madagascar sur cette zone, on peut dès lors s’interroger sur la légalité et la légitimité des concessions et permis accordés aux opérateurs pétroliers opérant sur cette zone de litige. 17. Sans un accord et une négociation, entre les États français et malgache en particulier, ces énormes ressources en énergies fossiles, si elles existent, ne sont pas exploitables. Développement, cartes et références dans le document joint. Source : http://www.madagascar-tribune.com/Juan-de-Nova-du-gaz-dans-l-eau,17287.html

XV

Nom : RALAINONY Prénoms : Stéphane Richard Age : 23 ans Titre du mémoire : « Essai d’analyse de la crise de 2009-2011 à Madagascar », 94 pages Rubrique épistémologique : Croisement de la Sociologie politique et l’irénologie

RESUME Dans un Etat naturel comme Madagascar, il importe de maîtriser le système politique, vu que celui-ci est le centre de prise de décision. En arrivant à accéder au système politique, on peut contrôler la source d’énergie, qu’est le système économique. Il arrive alors que celui qui maîtrise et a une mainmise sur le système politique détient automatiquement le contrôle du système économique. Une question se pose alors : pourquoi le système politique est aussi important pour les politiciens ? Les rentes sont énormes c’est pour cette raison qu’il y a une bataille dans la sphère politique. Généralement, l’action des politiciens Malagasy est guidée par les intérêts générés par la politique. A partir du fait observé alors, nous pouvons déduire que le système politique est subordonné au système économique. Nous avons observé la confusion dans le terme occidental pour désigner l’Etat, et le terme Malagasy le traduit en Fanjakana . Avec ce concept, les Malagasy considèrent le président comme le Mpanjaka (roi). De plus, deux autres concepts à savoir Ray aman-dreny (Père et Mère) et Zanaka (Enfant) compliquent la situation. Ces concepts opérationnels manifestent la maladie congénitale de l’Etat Malagasy. C’est la principale raison de la monarchisation de la République. Le système culturel Malagasy crée donc, fertilise et autorise l’abus de pouvoir en fabriquant un président tout puissant. L’analyse nous révèle que l’Etat malagasy ne correspond pas à l’idéal-type de Weber sur l’Etat. Quand les gouvernements ont recours à la force –ce qui est leur droit- ils sont condamnés et blâmés parce que les ray aman-dreny ne tuent pas leurs enfants.

Mots-clés : Pratique politique, culture politique, crise, rentes étatiques, action sociale Directeur de mémoire : Dr. RASOLO André

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Surname : RALAINONY Names : Stéphane Richard Years : 23 Title of mémoire : « Essai d’analyse de la crise de 2009-2011 à Madagascar », 94 pages Epistemological heading : Intersection of Political sociology and Irenology

ABSTRACT Through this research we display that it is essential to master the political system in a Natural State like Madagascar. As a center of decision, each actor, mainly the businessman and the politicians, try to accede in the core of power. Hence, they can control another system: the economic system. As a result, both systems are between the hands of the minority. This observation arise a question: why the economic system is so important for the politicians? The income is so huge in Madagascar that’s why there is a hard struggle in the political sphere. Generally, the action of the Malagasy politicians is almost driven by this enormous interest. According the fact, the political system is subordinated to the basic system. We have observed the confusion between the modern conception of State and the traditional conception. When the Malagasy people used the term fanjakana that means State, they consider the president of the Republic as a Mpanjaka (King). This case is complicated by the use of the Ray aman-dreny (Father and Mother) to design the leaders and the term Zanaka (Children) that refers to the people. These operational concepts are the manifestation of the congenital sickness of the Malagasy State. It is the main reason of the monarchisation of the Republic. The Malagasy cultural system creates, fertilizes and authorizes the abuse of the power by fabricating a powerful president. The analysis has shown that the Malagasy State don’t correspond to the Weber’s ideal- type of State. When the governments used the force –that is their right- they are condemned and blamed. For the Ray aman-dreny don’t kill or bit their children.

Key- words: Political practice, political culture, crisis, state income (rent), social action. Director of research: Dr. RASOLO André

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PARCOURS ACADEMIQUE

2010 – 2011 : 4ème Année en Sociologie à la Faculté DEGS (Droit, Economie, Gestion et Sociologie) Université d’Antananarivo, Laboratoire III : Gouvernance, Politique et Développement

2009 – 2010 : Licence en Sociologie à la Faculté DEGS (Droit, Economie, Gestion et Sociologie) Université d’Antananarivo

2008 – 2009 : 2ème Année en Sociologie à la Faculté DEGS (Droit, Economie, Gestion et Sociologie) Université d’Antananarivo

2007 – 2008 : 1ère Année en Sociologie à la Faculté DEGS (Droit, Economie, Gestion et Sociologie) Université d’Antananarivo

2006 – 2007 : Baccalauréat , Lycée Jules Ferry

TRAVAUX DE RECHERCHE

Octobre 2011- Juillet 2012 : « Essai d’analyse de la crise de 2009-2011 à Madagascar »

Avril – Juillet 2010 : « Bâtir une paix durable : Entre la violence et la non violence. Cas de quelques Quartiers du IIIème Arrondissement »

Novembre 2008 – Mai 2009 : « L’efficacité des activités de développement en cascade dans le cadre du partenariat. Cas du CRS/Mg »

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