Ahmed CHENIKI RENCONTRES (PRESQUE) IMAGINAIRES AVEC DES ARTISTES ET DES INTELLECTUELS ALGERIENS Ahmed Cheniki
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Ahmed CHENIKI RENCONTRES (PRESQUE) IMAGINAIRES AVEC DES ARTISTES ET DES INTELLECTUELS ALGERIENS Ahmed Cheniki To cite this version: Ahmed Cheniki. Ahmed CHENIKI RENCONTRES (PRESQUE) IMAGINAIRES AVEC DES ARTISTES ET DES INTELLECTUELS ALGERIENS. 2019. hal-02380681 HAL Id: hal-02380681 https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-02380681 Preprint submitted on 26 Nov 2019 HAL is a multi-disciplinary open access L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est archive for the deposit and dissemination of sci- destinée au dépôt et à la diffusion de documents entific research documents, whether they are pub- scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, lished or not. The documents may come from émanant des établissements d’enseignement et de teaching and research institutions in France or recherche français ou étrangers, des laboratoires abroad, or from public or private research centers. publics ou privés. Ahmed CHENIKI RENCONTRES (PRESQUE) IMAGINAIRES AVEC DES ARTISTES ET DES INTELLECTUELS ALGERIENS 1 TABLE DES MATIERES 1-Mostefa Lacheraf………………………………………………………..7 2-Mohamed Arkoun………………………………………………………13 3-Josie et Frantz Fanon……………………………………………………18 4-Abdelkader Djeghloul………………………………………………….. 27 5-Ali el Kenz……………………………………………………………... 32 6-Kateb Yacine…………………………………………………………… 38 7-Mohamed Dib………………………………………………………….. 47 8-Rachid Boudjedra……………………………………………………… 54 9-Tahar Ouettar…………………………………………………………… 61 10-Rachid Mimouni………………………………………………………. 67 11-Tahar Djaout……………………………………………………………74 12-Yamina Mechakra………………………………………………………78 13-Maissa Bey…………………………………………………………….. 84 14- Mahiedine Bachetarzi………………………………………………… 89 15- Ould Abderrahmane Kaki…………………………………………….. 96 16- Abdelkader Alloula…………………………………………………… 104 17-Sid Ahmed Agoumi…………………………………………………… 109 18- Slimane Benaissa……………………………………………………... 116 19- Mohamed Boudia……………………………………………………... 124 20- Abdelmalek Bouguermouh…………………………………………… 132 21- Azzedine Medjoubi…………………………………………………… 138 22-Sonia…………………………………………………………………… 143 23- René Vautier…………………………………………………………... 148 24-Mohamed Lakhdar Hamina……………………………………………. 156 2 25- Amar Laskri……………………………………………………………. 162 26- Mohamed Bouamari…………………………………………………… 169 27-Bachir Rezzoug………………………………………………………….175 28-Mouny Berrah…………………………………………………………...181 Eléments épars………………………………………………………………185 En guise de conclusion………………………………………………………206 3 AVANT-PROPOS Ecrire sur des artistes, des intellectuels, des écrivains que j’ai rencontrés dans ma carrière de journaliste ou d’universitaire n’est pas évident. Je sais que c’est une discipline à risques où la dimension subjective est très importante. De nombreux amis m’ont conseillé de le faire, mais j’ai longuement résisté à ces invitations amicales, considérant que l’entreprise n’était nullement simple, ardue. En plus, je ne sais pas parler des gens, je préfère évoquer leurs productions. C’était, pour la plupart, des amis, parfois très proches. Que raconter ? Que dire ? Comment évoquer tel ou tel personnage tout en mettant en scène le contexte, l’espace culturel et la situation politique. Il s’agit de grands noms qui ont marqué l’histoire de ce pays, qui ont montré que souvent ils s’impliquaient dans les débats caractérisant la vie politique et sociale du pays. Ce sont de vrais intellectuels qui ont produit des savoirs, pris explicitement position sur des questions politiques, sociales et culturelles et marqué leur époque par des contributions culturelles majeures. Ils ont souvent, dans leurs écrits, réussi d’entreprendre de sérieuses analyses de la société, apporté des motions prémonitoires et donnant à lire des textes de grande facture littéraire et artistique. Comment ne pas être impressionné par la qualité et l’immensité de leur savoir, leur modestie légendaire et leur patriotisme. Tous ont apporté énormément à leur discipline. Je l’avoue, toutes ces rencontres m’ont grandement enrichi, m’ont apporté énormément de choses. Comment ne pas être emporté dans un monde de la simplicité en côtoyant Kateb Yacine, Mimouni, Djaout ou Alloula ? Ils étaient tellement généreux, ces écrivains, hommes du théâtre et du cinéma, intellectuels qu’ils apportent avec eux des lueurs de lumière. Ils parlaient de tout, de la littérature, du cinéma, de la philosophie, la sociologie, l’Histoire ou la politique. Ils évoquaient bellement les grandes productions intellectuelles, ils étaient tous passionnés par la grande littérature, Faulkner, Hikmet, Aragon, Ibn Khaldoun, Dib, Kateb ou Marquez. Ecouter Kateb parler de littérature, de théâtre ou de politique est d’une beauté extrême, voir Rachid Mimouni, engoncé dans son siège, évoquer le cinéma est d’une rare beauté, Tahar Djaout s’entretenant de la poésie, est vraiment émouvant, Rachid Boudjedra élevant la voix comme s’il dialoguait avec le ciel est sincèrement extraordinaire ou Lacheraf vous regardant comme quelqu’un qui avait perdu sa tête est une chose singulière, unique. Tous les personnages 4 assemblés dans cet ouvrage sont extraordinairement généreux et porteurs de véritables projets intellectuels. Il y a des sociologues, des philosophes, des cinéastes, des hommes de théâtre, des écrivains. Ces rencontre (presque) imaginaires avec ces grands intellectuels pourraient être l’expression de la vie culturelle. Elles exprimeraient peut-être certains pans de notre histoire culturelle. 5 REFLEXIONS CRITIQUES Mostefa Lacheraf Mohamed Arkoun Josie et Frantz Fanon Abdelkader Djeghloul Ali el Kenz 6 MOSTEFA LACHERAF Histoire d’un regard En guise de présentation, il m’avait d’emblée posé une question : « Connaissez- vous cette femme ?». Surpris et ne trouvant pas de mots justes, je m’étais tu. Mais il n’arrêta pas : « Voyons, ce n’est pas sérieux !» Il ne m’avait pas laissé le temps de prononcer un mot. Il était visiblement déçu. Je ne comprenais pas, d’autant plus qu’il ne m’avait pas donné le nom de la personne. La femme souriait, elle aussi, un peu gênée. Il daigna enfin me dire son nom : Denise Barrat*. Soulagé et croyant m’en tirer à bon compte, je sautais sur l’occasion pour donner le titre d’un des livres que l’on devait à la grande dame qui se trouvait là : Espoir et parole, recueil de textes algériens écrits entre 1955 et 1962. Mais, comme s’il ne dissociait pas l’œuvre de la personne, Mostefa Lacheraf ne pouvait admettre que je ne la connaisse pas au point de ne pouvoir la reconnaître. Et il se mit à raconter la contribution de Denise et de Robert Barrat à la révolution algérienne. Ses yeux changèrent subitement de couleur mais restaient immobiles, me fixant lourdement comme s’il cherchait à m’atteindre. Ils ne cillaient pas. Un regard droit et franc, comme ses idées tranchées qui reflétaient finalement les longues phrases, parfois alambiquées, de ses textes, à commencer par le légendaire ouvrage, Algérie, nation et société, qui a eu l’honneur d’être classé sur une liste noire de livres à interdire par Augusto Pinochet en 1973 après le coup d’Etat contre Salvador Allende. Ce regard exprimait à la fois une sorte de mélancolie intérieure, mais aussi une extraordinaire force. Mostefa Lacheraf n’était pas quelqu’un qui démissionnait sur le plan des idées. Il était tenace, mais ne pouvait, quand il voyait la cause perdue, continuer à faire du tintamarre. C’est ce qui l’avait incité à présenter sa démission de ministre de l’Education nationale quand il avait senti qu’il risquait l’encerclement. Pour la première fois depuis l’indépendance, la presse osait, sur ordres, attaquer un ministre. Il n’avait pas accepté cette réalité. Même Boumediene n’avait rien pu faire. Abdellah Cheriet avait violemment mené campagne contre Lacheraf après ses entretiens dans Le Monde de l’éducation, L’Unité et El Moudjahid où il défendait l’idée du bilinguisme et celle d’une réforme radicale de l’école. C’est vrai que, lors du remaniement, Boumediene réussit à nommer à côté de l’inusable Benyahia, trois ministres atypiques qui allaient vivre des moments difficiles, critiqués et dénigrés de toutes parts pour 7 avoir osé proposer une autre manière de construire le pays et de voir les questions- bateau d’identité et d’altérité : Mostefa Lacheraf, Redha Malek et Abdellatif Rahal. Ce dernier était moins marqué idéologiquement que les deux premiers catalogués, à gauche », donc dangereux pour les intérêts des intégristes baathistes qui voyaient exclusivement l’Algérie à travers l’ornière d’une identité statique et une langue caractérisée par les jeux de la conservation. Il savait, me disait-il, que ses idées étaient en porte-à-faux avec le discours dominant. D’ailleurs, ce grand ami de Kateb Yacine n’avait jamais voulu prendre de poste ministériel. Il avait fallu que Houari Boumediene insiste pour qu’il accepte en 1977 le portefeuille de l’Education nationale dans le dernier gouvernement qu’il dirigea. Le président, acceptant mal les nombreuses attaques contre son ministre, l’avait défendu, allant jusqu’à menacer les responsables qui menaient cette cabale. Mais la maladie qui l’affectait déjà, l’empêcha sans doute de le soutenir plus fortement. Lacheraf respira un coup, me posa un regard blessant, puis ses yeux fixèrent, je ne sais pourquoi, un objet contendant et s’était mis à expliquer pourquoi il avait accepté le poste de ministre : « J’en parle déjà dans mon ouvrage, Des noms et des lieux, Mémoires d’une Algérie oubliée. Ce texte est, pour moi, une sorte d’écrit testamentaire, une radioscopie d’une Algérie en mouvement. Ce qui s’est passé en 1977, ce sont de vaines tentatives d’arrêter le mouvement de l’Histoire. Mais connais-tu les conditions dans lesquelles j’avais accepté ce poste ? En avril 1977, ayant