Parcours De Territoire : La Géographie À L'épreuve Des
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Aix-Marseille Université Ecole doctorale 355 « Espaces, Cultures, Sociétés » Section CNU 23 – Géographie Physique, Humaine, Economique et Régionales Habilitation à Diriger des Recherches PARCOURS DE TERRITOIRE La géographie à l’épreuve des Andes Hubert Mazurek Marseille, 18 juin 2012 Page 2 Aix-Marseille Université Ecole Doctorale 355 « Espaces, Cultures, Sociétés » Section CNU 23 – Géographie Physique, Humaine, Economique et Régionales Mémoire d’Habilitation à Diriger des Recherches Arrêté Ministériel du 23 novembre 1988 Modifié le 13 février 1992 PARCOURS DE TERRITOIRE La géographie à l’épreuve des Andes Présenté et soutenu publiquement par : Hubert Mazurek Chargé de Recherches IRD UMR151 – Université de Provence, Laboratoire « Population, Environnement, Développement » Aix en Provence, le 18 juin 2012 Devant les membres du jury : Bernard Debarbieux Professeur, Université de Genève, Suisse (Président) Elisabeth Dorier Professeur, Aix Marseille Université (Tuteur) Jean Paul Ferrier Professeur émérite, Aix Marseille Université (Rapporteur) Denis Retaillé Professeur, Université de Bordeaux III (Rapporteur) Geneviève Cortés Maître de Conférence–HDR, Université de Montpellier III (Rapporteur) Jean Baptiste Meyer Directeur de Recherche HDR, IRD Raúl Prada Professeur, Université Mayor de San Andrés, La Paz, Bolivie Jean-Marie Guillon Professeur, Aix Marseille Université (Pré rapporteur, hors jury) Page 3 Page 4 Remerciements Voilà une tâche bien compliquée. Cela remonte à loin. A mes parents bien sûr, qui n’ont jamais trop bien compris ce que je faisais. Au CEPE (Centre d’Ecologie et de Phytosociologie, à l’époque Louis Emberger, aujourd’hui CEFE), contexte dans lequel j’ai fait ma thèse, sous la direction de Michel Godron, qui m’a fait comprendre de nombreuses choses même si les relations étaient plus que tendues. Et bien sûr toute l’équipe de l’époque, François Romane, Daniel Schvester, José, Jean-Louis, Serge, Bernard, Geneviève, Nicole, Jacques, Paul, Max, etc., je ne peux pas tous les citer, mais ils se reconnaîtront. Le Parc National des Ecrins, où j’ai pris mes premières armes de chercheur, Olivier Dollfus, Jean Pierre Dalmas, Claude Torossian et encore beaucoup d’autres. A ce bouillon de culture de la MGM (Maison de la Géographie de Montpellier), dont les germes ont éclatés aux quatre coins du monde ; avec une salutation particulière à Roger Brunet, qui avait la spécialité d’irradier, au sens propre comme figuré ; et un hommage spécial à Jean Luc Bonnefoy, compagnon de travail et des nuits montpelliéraines. Thérèse aussi ; Mounir bien sûr (et la petite !), Marie Thérèse, Christian, Alain, Joëlle, Nicole, Monique, j’arrête, j’en oublierai forcément. Pierre Gondard et ma découverte des Andes ; beaucoup de l’ORSTOM, le trop regretté Marc Gastellu, Jean, René, Evelyne, Thierry, etc. et les collègues et amis péruviens, colombiens, équatoriens, chiliens, boliviens, vénézuéliens, …… la liste serait trop longue. Le CIAT et la fougue de sa jeunesse ; Jacqueline, Nathalie, Grégoire, Rogelio, Jaime, Ovidio, Vicente, Carlos, etc. et les nombreux colombiens de Manizales, Cali, ou Bogotá. Toute la Bolivie, pour son accueil, au CODEPO qui fut notre collaborateur principal (René Pereira, Jaime Montaño et Sandra Garfias), avec une spéciale attention au personnel de la mairie de Calamarca, de Potosi, aux campesinos de Pojo (et à Juan Cuentas), du Pando, de la préfecture de Santa Cruz, Patricia, Carlos, Oscar, etc., des ministères (Mauricio Steverlynck et bien d’autres), aux nombreux universitaires qui sont devenus des amis, Yvonne Farah, Mario Baudoin, Manuel de la Fuente, et tant d’autres qu’il est impossible de les nommer toutes et tous, sauf l’inséparable et l’inestimable Ismael Gonzales. Godofredo Sandoval du PIEB qui fut à l’origine d’un livre qui a fait le tour des Amériques. Mes nombreux étudiants qui ont été mes cobayes dans ce travail, qui ont souffert de territoire, et m’ont fait souffrir aussi d’occidentalisme, Jaime, Clemente et Virginia en particulier. Le LPED, d’hier et d’aujourd’hui, pêle-mêle, tous, chercheurs, enseignants, secrétaires, stagiaires, avec une mention spéciale à Hervé Domenach, pour sa confiance, Richard Lalou pour avoir multiplié cette confiance, Louis Arreghini le compagnon de toujours, Elisabeth Dorier pour son dynamisme, ses nombreuses critiques toujours constructives et son soutien inestimable dans ce travail ; et toutes et tous, là aussi plusieurs pages… Merci aux membres du jury pour s’intéresser à ce travail et m’avoir, au travers de leurs travaux donner un cadre de références et d’inestimables critiques. Une mention spéciale à Raúl Prada, pour avoir crû au montage du premier Master en Géographie de Bolivie, un « croyant » du territoire, même si les confusions et les utopies persistent,… Mes familles, enfants, neveux, nièces, aujourd’hui dispersés de Tahiti à Río, Pordenone et Nœux les Mines Le bouquet final pour Debra, mon épouse, andine, quechua, sociologue et toujours jeune communiste, … Page 5 Page 6 "…On connaît le triste sort des nations dites sans territoire. Mais celles-ci sont-elles pour autant dépourvues de frontières ? La juxtaposition sans osmose de sociétés enracinées dans leur territoire et de sociétés éparpillées ne souligne-t-elle pas que le monde sédentaire impose aux voisins de passage des frontières sociales, économiques, anthropologiques, culturelles ? D’autres diront que les gens du voyage emportent dans leurs maigres bagages leurs frontières communautaires qui délimitent, à chaque étape, d’éphémères territoires…" Henri Dorion, géographe Page 7 Page 8 Préambule En 2006, j’animais un séminaire de Master pour des étudiants du PIEB1 de Bolivie dans lequel je présentais les concepts fondamentaux de la géographie : l’Espace et le Territoire. Les références, évidemment, comme nous le verrons dans la suite du texte, furent explicites à la pensée occidentale, en particulier à de grands géographes comme Milton Santon, Roger Brunet, Paul Claval, Guy Di Méo, etc. Dans la salle, je voyais des mouvements d’impatience. Il est vrai qu’expliquer ce qu’est un territoire à de jeunes Aymara2 en pleines revendications pour la défense de leurs droits était un défi personnel et aussi celui des organisateurs. Se lève alors Simon Yampara, aujourd’hui un des dirigeants du mouvement Katariste en Bolivie, qui me dit à peu près ceci: «ce que vous nous racontez là, professeur, est très intéressant mais c’est une vision totalement occidentale du Territoire ; vous, les Occidentaux, venez avec vos théories et votre rationalisme que vous essayez de nous imposer alors que notre cosmovision est totalement différente. Terre – Territoire est, pour l’Aymara, une vision intégrale de la vie, qui comprend les quatre directions, les quatre éléments, l’espace, le ciel, le sol et le sous-sol, la vie physique, spirituelle et sociale, en harmonie avec la Pachamama, c'est-à-dire en harmonie avec la nature. La science occidentale est incapable de traduire cela. » Cette réflexion, dont nous avons ensuite débattu, soulevait plusieurs questions fondamentales sur la nature de la science, la nature de la transmission de notre savoir, et surtout, comme géographe, sur la validité universelle de nos concepts, cette validité nécessaire à la construction d’une discipline et d’une théorie. Le PIEB me demanda alors d’écrire un petit livre sur ces concepts3 ; je relus alors Georges, Santos, Brunet, Bonnemaison, Claval, di Méo, Lévy, Bailly, Ferrier, Berque, Benko, Sautter, Ibn Khaldun, et beaucoup d’autres et je commençais à chercher ce qui faisait l’unité du concept d’Espace et de Territoire. Puis ce livre fit le tour des Amériques ; en est sortie ensuite une seconde édition… Alors, je me suis penché sur les philosophes, sur mes travaux de terrain auprès des populations indigènes, sur les Mapuche, les Aymara, Quechua, Guarani, Guayaro, et d’autres peuplades qui amarrent leur mode de vie à une certaine conception du territoire ; sur les processus - mobilité, vulnérabilité, gouvernance, etc.- qui fondent les dynamiques des territoires. Je me suis par conséquent attaché à répondre aux questions qui m’étaient posées lors de ce séminaire, et c’est l’objet de ce document, sorte de synthèse de 14 ans de cours, travaux de terrains, entrevues, prises de notes et lectures, comme un défi pour prouver l’universalité de concepts qui, selon moi, fondent la théorie géographique du social. L’idée n’est donc pas de faire une géographie des Andes mais plutôt un travail de réflexion sur la confrontation entre certains concepts de la géographie et mon expérience dans les Andes, d’où le titre : une certaine mise à l’épreuve de ma discipline face à un terrain. 1 PIEB : Programme de Recherches Stratégiques de Bolivie: http://www.pieb.org 2 Aymara : ethnie originaire du pourtour du lac Titicaca, dont la distribution géographique couvre la Bolivie, le Chili et le Pérou. 3 Espacio y Territorio. Instrumentos metodológicos de investigación social. 2006, 2011, La Paz: PIEB, IRD. 206 p. Page 9 Pour entamer cette réflexion, il est nécessaire de comprendre le parcours qui m’a mené à la géographie, aux Andes, et aux expériences qui m’ont confronté à d’autres visions de ma discipline. J’ai effectué mon doctorat en écologie à une période de mutation des conceptions de cette discipline. Nous passions de l’ère du descriptif, la phytosociologie, à l’ère du quantitatif et du fonctionnel ; les concepts changeaient et la modélisation devenait possible grâce à l’apparition des ordinateurs. Cette mutation des années 19704 s’est opérée dans presque toutes les disciplines ; on la retrouvera en géographie avec l’essor de la géographie quantitative de l’école anglo-saxonne, mais aussi avec l’apparition de concepts plus affirmés dans les sciences sociales comme espace, territoire ou acteur (voir les analyses de Claval, 1984; Harvey, 1984). En écologie, nous sortions d’une grande période de déterminisme bioclimatique, qui essayait d’expliquer le stade du climax5, pour entrer dans des explications fonctionnelles de l’écosystème, de la niche écologique et de la biodiversité. De ce glissement surgit une troisième composante qui fut l’écologie évolutive, ou la biologie et la génétique vont prendre une place importante (voir Margalef, 1979; Barbault et al., 1980).