Faire Corps Christophe Jaccoud, Temps, Lieux Et Gens Laurent Tissot (Dir.) Laurent Tissot Christophe Jaccoud Monica Aceti Faire Corps Temps, Lieuxet Gens (Dir.)
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) , R. I ETI, (D AC Quels rapports entre des hommes et des femmes qui chantent dans une chorale, les tableaux SOT CA JACCOUD de Ferdinand Hodler et d’Auguste Baud-Bovy, des personnes qui font l’expérience d’une TIS grave maladie ou encore des ouvriers confrontés à la discipline du travail ? C’est le corps T et la manière dont il est utilisé, fabriqué, entretenu, montré, réparé et mobilisé. Cet ouvrage HE MONI collectif propose une série d’éclairages propres à tracer les contours d’un faire corps – EN soit la manière dont les individus et la société tentent d’intervenir sur le corps – dans des STOP situations et des contextes variés. Sont mis en lumière le rôle joué par les pensionnats dans I LAUR l’adoption des pratiques sportives, des femmes migrantes engagées dans des activités de HR soin auprès de personnes âgées, des personnages de romans d’Alice Rivaz, des footballeurs C de la Nati, des pratiquantes de pole dance, l’intérêt porté par les médecins aux xvııe et xvıııe siècles à la notion de Heimweh, le témoignage d’une himalayiste ou encore des stratégies de conservation corporelle développées par un homme ordinaire au cours d’une vie sportive. Des correspondances entre des temps, des lieux et des gens sont proposées à travers quatorze contributions issues de l’histoire de l’éducation, de l’art et du sport, de l’anthro- pologie médicale, de la sociologie, de la littérature, de la géographie ou encore à partir de la restitution autobiographique. Tous les articles qui constituent ce volume ont pour ancrage la Suisse sur une période qui court de la fin du xvııe siècle à aujourd’hui. Monica Aceti est docteure en socio-anthropologie, maître-assistante à l’Institut de recherche sociologique (IRS) de l’Université de Genève et chargée de cours à l’Unité des sciences du mouvement et du sport de l’Université de Fribourg. Ses domaines de recherche s’appliquent aux carrières sportives, aux questions de santé en lien avec l’activité physique et sportive et aux inégalités sociales de santé. Actuellement, elle participe à un projet de recherche par forums citoyens autour de l’oncologie de précision (IRS, HUG, Fondation Leenaards). MONICA ACETI Christophe Jaccoud est professeur associé de sociologie du sport à l’Université de Neuchâtel et collaborateur scientifique au Centre international d’étude du sport (CIES) de cette même CHRISTOPHE JACCOUD institution. Ses travaux récents s’appliquent au sport féminin et aux formes d’émancipation LAURENT TISSOT (DIR.) qui sont attachées à des engagements associatifs juvéniles. Laurent Tissot est professeur émérite à l’Université de Neuchâtel. Il travaille depuis plusieurs années sur l’histoire des loisirs, des sports, des transports et du tourisme à laquelle il a consacré de nombreuses études. Il est membre du bureau exécutif du Conseil international de philosophie et des sciences humaines. FAIRE CORPS TEMPS, LIEUX ET GENS FAIRE CORPS TEMPS, LIEUX ET GENS ISBN 978-2-88930-212-3 9 782889 302123 Faire corps Temps, lieux et gens Monica Aceti, Christophe Jaccoud, Laurent Tissot (dir.) Faire corps Temps, lieux et gens Éditions Alphil-Presses universitaires suisses © Éditions Alphil-Presses universitaires suisses, 2018 Case Postale 5 2002 Neuchâtel 2 Suisse www.alphil.ch Alphil Distribution [email protected] ISBN papier 978-2-88930-211-6 ISBN pdf 978-2-88930-212-3 ISBN epub 978-2-88930-213-0 Cet ouvrage a été publié avec le soutien de la Faculté des lettres et sciences humaines de l’Université de Neuchâtel. Publié avec le soutien du Fonds national suisse de la recherche scientifique. Les Éditions Alphil bénéficient d’un soutien structurel de l’Office fédéral de la culture pour les années 2016-2020. Image de couverture : Stasis, mine de charbon sur papier, 2008 © Artwork by Leah Yerpe. Ce livre est sous licence : Ce texte est sous licence Creative Commons : elle vous oblige, si vous utilisez cet écrit, à en citer l’auteur, la source et l’éditeur original, sans modifications du texte ou de l’extrait et sans utilisation commerciale. Responsable d’édition : François Lapeyronie Introduction : Mais comment parler du corps ? Monica Aceti, Christophe Jaccoud, Laurent Tissot Risquons-nous à un diagnostic d’époque : le corps est a été décrit par Bryan Turner (1996). Ce dernier en a partout. Une présence, pour ne pas dire une ubiquité, identifié la devise : une société somatique est une société qui donne autant raison à l’historien Georges Vigarello dans laquelle le corps est devenu le point de conver- (Vigarello, 2017a) qu’à l’anthropologue David le Breton gence et le champ d’attraction des dynamiques sociales, (Le Breton, 2017), récemment réunis au sommaire politiques, culturelles et économiques. Il en a cerné les d’une publication française. Pour le premier, il importe conséquences : une société somatique est une société où de ne pas perdre de vue que le corps a longtemps été les attentions envers le mieux-être se radicalisent et où perçu comme un lieu dangereux, source d’égarement l’instance corporelle devient le lieu sur lequel s’exercent et tenu pour méprisable face à l’âme. Pour le second, il des choix délibérés. Turner a pointé aussi les tendances faut savoir estimer le chemin parcouru, pour convenir lourdes qui accompagnent la montée en puissance du e alors que le corps est devenu « l’obsession du xxi siècle ». « Tout-Corps ». Dans un ordre qu’il est difficile d’établir Corps glorieux, corps travaillé, corps entretenu et adulé, tant les interférences sont nombreuses : l’expansion d’une support de grandes promesses proposées par la médecine société de consommation et des loisirs au principe de la 1 régénératrice , ou alors réalité obsolète selon les tenants libération d’une « vague corporéiste » (Le Pogam, 1997), des approches transhumanistes, mais aussi corps stig- la montée du féminisme et la « crise masculine », les possi- matisé et rejeté, corps dégradé, soumis, indigne, corps bilités conjointes de maîtrise de la procréation ou d’aide abusé… Ou, pour le dire autrement, quête de santé, à la fertilité, mais aussi la médicalisation des épreuves maladie, activité physique et alimentation, apparence, de la vie (ménopause, andropause, dysfonction érectile, plaisir, vieillissement, voile islamique, migrants et « affaire 2 deuil), à laquelle s’ajoute l’augmentation de l’espérance Weinstein » . On ne saurait nier que les sociétés occiden- de vie des populations qui érige la question de la gestion tales sont résolument installées, depuis une cinquantaine des corps vieillissant au rang de problème public. Enfin, d’années, dans cette somatic society dont l’avènement les nouvelles tendances des sciences médicales (neuros- ciences et génomique notamment) qui ont amené des attentes relatives à l’affranchissement des limites anato- 1 Nous renvoyons à l’exemple de l’analyse critique de Céline Lafontaine (2015) sur la « double promesse de la médecine régénératrice » permettant de miques et physiologiques de la machine corporelle, avec réduire les coûts de la santé tout en combattant la dégénérescence des corps. pour horizon annoncé l’acquisition d’une santé parfaite 2 Du nom d’un célèbre producteur de cinéma américain dont les agressions sexuelles commises sur des actrices ont conduit, à partir de l’été 2017, à (Sfez, 1995) et, pour partie, post-humaine. une mobilisation planétaire des femmes sur les réseaux sociaux (#balance- tonporc, #metoo) dénonçant la multiplicité des manifestations de coerci- On peut souligner que le constat opéré par Turner, tions sexistes. rapidement cristallisé en paradigme dominant, a été 7 Faire corps. Temps, lieux et gens régulièrement appuyé, que ce soit par des sociologues depuis quelques décennies, le statut d’un thème large- opérant dans le domaine du corps et de la santé ou par ment balisé, en son cœur comme en ses marges. des sociologues plus généralistes. On pense ici, entre Le corps est donc l’objet et l’enjeu d’un important autres, à Anthony Giddens (1991 ; 1992) et à ses travaux renouvellement de la connaissance scientifique4, dont on sur la « modernité réflexive », dans lesquels le sociologue peut dire qu’il s’est employé à l’arracher à sa naturalité, anglais a dégagé la force du repli sur l’intimité et les et cela selon des perspectives diverses mais néanmoins diverses formes de reconquête du corps comme gages complémentaires. Du point de vue de la filière de l’his- d’une recherche de sécurité ontologique, à l’heure où toire, et en rappelant l’impact exercé sur la communauté s’érode la foi dans les institutions de l’universalité et des intellectuels, des chercheurs et des artistes par les que se lève le scepticisme à l’égard des grandes political images sidérantes, réalisées par les opérateurs soviétiques narratives. et américains à leur entrée dans les camps de concen- On pourrait sans doute citer bien d’autres noms – et, tration nazis, des cadavres entassés ou des corps avilis au premier chef, celui de Norbert Elias (1973 ; 1975), par les effets d’un programme de cruauté organisée explorateur précoce et inspiré de l’idée selon laquelle le (Nahoum Grappe, 2002 ; Wieviorka, 2015)5, retenons corps peut être considéré comme l’opérateur tangible un certain nombre de régimes de curiosité. La théorie d’un processus de pacification des sociétés – issus des biopolitique, c’est-à-dire l’identification des techniques principales disciplines des sciences de l’homme, tant la et des dispositifs par lesquels les pouvoirs impriment production est abondante et tant la place du corps dans leur magistère sur et dans les corps des sujets (Foucault, la société interroge durablement le monde savant. Et cela 1975) ; l’étude des attitudes et des sensibilités collectives avec une règle de transversalité qui fait système : porter vis-à-vis de l’amour, de la famille, de la mort (Vovelle, au jour les dynamiques qui ont conduit, grosso modo 1974 ; Ariès, 1960, 1977 ; Ariès, Duby, 1985-1987) ; depuis les Lumières, à faire de cette enveloppe, si long- l’analyse des représentations et des résonances imagi- temps et si mal considérée par les philosophes antiques naires du corps en divers moments de l’histoire (Corbin, et par les trois grands monothéismes en particulier, l’en- Courtine, Vigarello, 2005-2006).