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NJVERSITE FELIX HOUPHOUET BOIGNY

UFR des sciences de l'homme et dela société Institut d'Ethno-Sociologie Departement de Sociologie Année Universitaire 2012-2013

THESE DE DOCTORAT UNIQUE Pour l'obtention du grade de Docteur en sociologie Option : Sociologie de la santé

Sujet:

DETERMINANTS SOCIAUX DE LA FREQUENTATION DES CENTRES DE SANTE DANS LA SOUS-PREFECTURE DE TANDA (COTE D'IVOIRE)

Présenté par : ADJOUMANI Kobenan

Sous la direction de : Prof. Roch YAO GNABELI Professeur des Universités

Jury:

M. Paul ANOH KOUASSI, Professeur Titulaire, Président

M. Roch YAO GNABELI, Professeur Titulaire, Rapporteur

M. DEDY SERI, Maitre de Recherches, Examinateur

M. Constant SOKO, Maître de Conférences, Examinateur

M. Marcel YORO BLE, Maître de Conférences, Examinateur 2

SOMMAIRE

INTRODUCTION GENERALE ------10 Première partie : CONSTRUCTION DE L'OBJET ET METHODOLOGIE DE L'ETUDE------14 Chapitre I : Construction de l'objet .:_ 15

Chapitre II : i\!Iethodologie de l'étude------46 Deuxième partie : LES FACTEURS D'EMERGENCE DES CENTRES DE SANTE ------54 Chapitre I: Presentation du cadre de l'étude ------55 Chapitre II : Couverture sanitaire ------86 Troisième partie: ANALYSE DU FAIBLE RECOURS AUX CENTRES DE SANTE DANS LA SOUS-PREFECTURE DE TANDA------117 Chapitre I : Les formes legitimations ideologiques associees a la frequentation ou non des centres de sante dans la sous-prefecture de tanda ------118 Chapitre II : Les offres alternatives de soins qui detournent les populations de la frequentation des centres de sante------188 Chapitre III : Les systèmes de relations qui se diffusent a travers la non freguentation des centres de sante ------233

CONCLUSION GENERALE ------.--=----- 249 TABLEAU SYNOPTIQUE DE L'ETUDE

Constats Problèmes Questions Objectifs Résultats/réponses du terrain Implication des Dans la sous-préfecture de Tanda, les Comment le Etudier les formes de • représentations sociales de la populations dans la populations s'impliquent dans la construction populations légitimations maladie chez les populations construction des des centres de santé. Elles mobilisent des légitiment la non idéologiques • croyances associées à centres de santé et le ressources au-delà des ressources habituelles, fréquentation des associées à la l'étiologie de la maladie non recours à ceux• des ONG et même s'engagent dans une sorte centres de santé ? fréquentation ou non • perceptions des centres de c1. de compétition entre villages. Et pourtant, les des centres de santés santé par les populations projets de construction qui ont suscité dans la sous• • centres de santé comme un l'engouement des populations ne sont pas préfecture de Tan.da. élément de modernité fréquentés après leur réalisation. • centre de santé comme un élément distinctif entre les villages ccessibilité aux Dans la sous préfecture de Tanda, la distance Comment les Analyser les offres • recours aux pratiques de soins centres de santé d'un centre de santé à un village est 5 km. offres alternatives alternatives de soins locaux supérieure à la norme Pour un centre de santé, on a 4 à 6 000 de soins qui détournent les • recours à certaines nationale. habitants. les routes sont praticables et le coût détournent les populations de la confessions religieuses du transport entre villages est de 300 FCFA . populations de la fréquentation des • recours à l'auto-médication Cependant, les centres de santé ne sont pas fréquentation des centres de santé. recours aux centres de santé fréquentés. centres de santé ? • du Ghana La faible Les centres de santé dans la sous-préfecture Quels sont les Analyser les systèmes • le rapport à l'âge dans la fréquentation des de Tanda sont dotés en personnel médical et systèmes de de relations qui se relation patients et sages• centres de santé par en médicament. Cependant, leur taux de relations qui se diffusent à travers la femmes la population. fréquentation varie entre 4 et 8%. Ce taux est diffusent à travers non fréquentation des • la relation de soins inférieur à la norme au niveau national qui la non centres de santé. refus de la relation de dette varie de 50 à 60 %. fréquentation des • la relation d'accueil centres de santé ? • 4

DEDICACE

Je dédie d'abord cette thèse de doctorat unique à la grande famille Adjoumani en particulier à mon défunt père Kouadio Adjoumani et à ma mère Adjoumani Yaoua Dongui Madeleine qui m'ont couvert de toutes les bénédictions familiales pour la réalisation de la thèse. Cette thèse est la traduction intellectuelle et spirituelle de la puissance de leurs prières. En plaçant l'école au cœur de leurs préoccupations, ils ont construit mon avenir. Aussi voudrais-je associer à cette dédicace, le père Francesco Orsini, Curé de la Paroisse notre Dame du Mont Carmel de . Son soutien affectif et moral a été un atout majeur dans mon parcours universitaire jusqu'à la dignité doctorale. Enfin, à la grande famille Gandelli Luigi à Bergamo en Italie, j'exprime ma reconnaissance pour tout le soutien financier et affectif. Cette famille ne m'a jamais vu, mais elle a toujours cru en moi et en ma capacité de faire une thèse de doctorat unique. 5

REMERCIEMENTS

La réalisation d'un tel projet scientifique, n'aurait été possible sans le concours de plusieurs personnes auxquelles nous adressons nos profondes gratitudes. Car comme le disait Niangoran Bouah « nul n'est en mesure s1 robuste soit-il, de tendre une peau sur un tambour, c'est avec le concours de

1 l'haleine, que l'on parvient à réaliser ce travail délicat » . Au Professeur Roch YAO GNABELI, Professeur Titulaire de Sociologie, nous rendons un hommage mérité pour son appui scientifique qui nous a permis de mettre de l'ordre dans notre démarche. Au Professeur Dedi Seri Maitre de Recherches de sociologie à l'Université Felix Houphouet Boigny d'Abidjan-Cocody pour ses conseils avisés et son soutien moral et intellectuel. u Docteur Agbroffi Diamoi, Sociologue Enseignant-Chercheur à l'Université Alassane Ouattara de Bouaké, nous reconnaissons la justesse de son apport intellectuel à la consolidation de ce travail, et lui adressons, pour l'opportunité, un grand merci. Au Professeur Atta Koffi Maître de Conférences de Géographie pour ces conseils avisés et son soutien moral et intellectuel. u Père Francesco Orsini, Curé de la Paroisse Notre Dame du Mont Carmel de Bondoukou et à la famille Gandelli Luigi en Italie, justice est faite gue de saluer leur extrême apport moral et matériel. Leurs incessants encouragements ont été pour nous le leitmotiv de notre combat. ous entendons remercier les parents : les oncles Kouabenan Adingra Ignace Inspecteur d'Etat, Kouabenan Kouman Raphaël, Kouamé Appoh et Papa Adingra à Lamé, Kouamé J acgues à Aboisso, Yao Datté Jacques Professeur Titulaire de Physiologie animale à l'Université Félix Houphouët Boigny d'Abidjan-Cocody , ma mère Adjoumani Yaoua Dongui Madeleine, mon père

1 Nangoran Bouah, introduction à la clromologie, IES Abidjan, 1980, P.16. b

défunt Kouadio Adjoumani, mes frères Adjoumani Atta Yao Kouman, djoumani Atta Yao, Adjoumani Kouakou Adingra, Adjoumani Koffi, Adjoumani Yao Teya, Adjoumani Kouassi Datté François, Adjoumani J\man Datté Monique, Adjoumani Kouadio Antoine, Adjoumani Kouakou Etienne , djoumani kobena florentin, Grand frère Gerard ,Jacques commandant des douanes à Daloa, mon ami Coulibaly Gislain, Adjé, Djakalé, Grand-Père Kouadio Kouman et épouses à Mandoukoi, papa El Hadj Drissa et épouses, Datté Yao dit Ofa, mes défuntes sœurs Adjoumani Yaoua Dakrome, Adjoumani Kossia et Adjoumani Aman. Tantie Djinanbou dit Hadja, Maman Catherine, Datté Appoh, Kouadio Badou, Koffi Siméon, Tantie Emma, Maman Adjia dingra, Maman Aman Kra, Monsieur et Madame Adjoumani Nestor, Monsieur Marcel Legré sans oublier mon ami Kra Joseph du département de Géographie pour leur apport matériel, spirituel, moral et intellectuel. Aux docteurs Toh Alain, Bouaki Kouadio Baya, Droh, Jean Louis, pour leur disponibilité et leurs conseils avisés. ous disons également merci au Conseil général de Tanda avec à sa tête le Ministre Kouassi Kobenan Adjoumani et à la Mairie de nous avoir favorisé l'accès à certaines informations. Enfin nos remerciements vont à l'endroit de ceux qui de près ou de loin ont contribué à la réalisation de cette thèse ; qu'ils veuillent trouver ici l'expression de notre profonde reconnaissance. 7

LISTE DES SIGLES ET DES ABREVIATIONS

CSPC : Centre de Santé de Premier Contact FRAR: Fonds régionaux

No Pages des Titre des tableaux tableaux 1 Pluviométrie au cours des dix dernières années (hauteur de pluie en 111.111) 58 2 Données pluviométriques de 1992 à 2001 clans le département de Tanda 59 3 Répartition de la population départementale par sous-préfecture 63 4 Population de la région du ZANZAN selon le lieu de résidence 65 5 Statistiques de production en 2000 66 6 Statistiques des productions vivrières à L'échelle départementale de sanclegue en 68 2000 7 Production bovine 69 8 Production animale en 2000 70 9 Flux commercialisés en 1995 72 10 Flux commercialisés des produits vivriers en 2001 73 11 Coopératives zone ANADER de Tanda 74 12 Coopératives zone ANADER de Tanda 76 13 Statistiques de commercialisation des produits agricoles en 2000 77 14 Statistiques de commercialisation des produits agricoles en 2001 78 15 Part des coopératives dans la commercialisation des produits agricoles pour la 79 campagne 2000-2001 16 Répartition des 65 forages par sous-préfectureO. 82 17 Marché Magassouba n° 2000 02 00 06 83 18 Marché CGC-CI n° 2000 02 00 27 83 19 Couverture du système par département taux brut de scolarisation des primaires 84 années : 2006-2007 20 Localité électrifiée par sous-préfecture 85 21 Présentation du district 86 22 Les centres de santé du district 89 23 Les Ressources 1-1 umaines Du District sanitaire 91 24 Equipement et ressources humaines de l'hôpital général 2001 98 25 Les consultations à l'hôpital de Tanda 98 26 Etat du personnel dans le district sanitaire de Tanda 99 27 Situation du personnel médical clans la ville de Tanda par rapport à l'ensemble du 100 département en 2000 28 Les maladies les plus courantes 101 29 Des maladies traitées 101 30 Mortalité selon les statistiques de l'hôpital général de Tancla 102 31 Les cinq provinces 109 32 Taux de pauvretés des différentes régions des années 2002-2009 113 33 Culture perennes (données statistiques par spéculation, 2001) 114 34 Principales zones de productions végétales en 1970 115 35 Taux de pauvreté des différentes régions des années 2000 et 2009 222 LISTE DES SCHEMAS

No Pages des Titre des schemas schémas 1 Rapport d'inntercaction entre population rurale, technicien de developpement et 126 l'etat 2 Organisation politique et administrative du royaume abron 140 3 Symétrie de structure politique de la espace abron 150 4 Relations entre les hommes et les êtres surnaturels 183 1U

INTRODUCTION GENERALE Le rendement de l'acteur de développement est fonction de son état de

« bien être physique, mental et social >>2. De ce fait, le niveau de développement actuel atteint par les pays du nord, exprime la capacité de ses nations de veiller sur la santé de leurs populations. Ainsi, le besoin de développement exige la fonction de prévention et de prise en charge efficace des pathologies tant collectives qu'individuelles. Pour l'exercice de cette fonction en Afrique, la priorité est accordée à la médecine moderne conventionnelle d'origine occidentale. C'est ce que résume en ces termes le Directeur Général de l'Organisation Mondiale de la santé (OMS), expliquant le rôle que ledit organisme entend jouer pour mieux contrôler la santé des populations et garantir le développement harmonieux des nations : « l'OMS a un rôle important à jouer. Il lui faut œuvrer aux côtés des gouvernements et les convier instamment à mettre en place des systèmes de santé adéquats et à les adapter à l'évolution des besoins individuels et collectifs. Il lui faut épauler les efforts faits par les Etats membres pour concrétiser

leur volonté d'assurer des soins de santé primaires >>3. Ainsi, les pays en voie de développement ne sont pas en reste ; ils sont conviés à développer les structures de la médecine moderne que leurs populations fréquentent depuis la colonisation. En Côte d'Ivoire, comme dans de nombreuses autres nations d'Afrique subsaharienne, le gouvernement s'attelle à la définition et à l'application de politiques de santé allant dans le sens de

l'objectif global de « santé pour tous en l'an 2000 », fixé par l'OMS. Dans cette perspective, à la suite de l'objectif de la santé pour tous en l'an 2000, les dirigeants du monde entier, en septembre 2000, se sont réunis à l'occasion du sommet du millénaire des nations unies pour s'engager au nom de leur pays à accroître les effets en faveur de la paix, des droits de l'homme, de la démocratie, de la gouvernance, de la viabilité de l'environnement et de l'élimination de la pauvreté. A cet effet l'ONU déclare« nous reconnaissons que,

2 Définition santé, Oi\IS 3Santé, population et développement" in santé du monde, Oi\IS, Editorial, P3, 47 année, 11°3 Mai - Juin 1994 \/ 10 11

en plus des responsabilités propres que nous devons assumer à l'égard de nos sociétés respectives, nous sommes collectivement tenues d'étendre, au niveau mondial, les principes de la dignité humaine, de l'égalité. En tant que dirigeants, nous avons donc des devoirs à l'égard de tous les citoyens du monde en particulier les personnes les plus vulnérables, et tout spécialement dont l'avenir appartient »4 C'est ainsi qu'on fera avancer les principes de la dignité humaine, de l'égalité, et de la justice sociale. Dans la déclaration du millénaire qui en résulte, les 189 pays signataires s'engagent d'urgence à vaincre la pauvreté qui continue d'accabler la majorité des êtres humains. Les dirigeants de toute la planète n'ont pas entériné la reconduction des mesures prises jusque-là. Car ils savaient que cela ne suffirait pas. Ils se sont au contraire fixés des objectifs ambitieux et un calendrier bien défini. Lors du sommet de l'an 2000, l'Assemblée Générale des Nations Unies a également chargé le Secrétaire Général de l'ONU d'élaborer un plan de campagne qui permette de tenir les engagements pris dans la déclaration. C'est ainsi qu'ont été élaboré les Objectifs du Millénaire pour le Développement. Ensemble qui comprend 8 objectifs. Les OMD (Objectifs du millénaire pour le Développement) deviennent de nouveaux défis pour les Etats. Ceux - ci plus globalisants visent à réduire l'extrême pauvreté et la faim; assurer l'éducation pour tous et prennent en compte le domaine de l'environnement, de l'économie à travers les partenariats et le domaine de la santé. Concernant le domaine de la santé, il s'agit de réduire la mortalité infantile, Améliorer la santé maternelle, Combattre le VIH SIDA, le paludisme et autres maladies. Apparaît alors la nécessité d'une solidarité internationale renforcée, des questions de santé dans une politique plus large de développement, du renforcement du système public de santé, de l'augmentation de la proportion des fonds privés dans le financement de la santé publique et de la lutte contre les inégalités en matière de santé. Cette politique est la responsabilité première des gouvernements. Il faut donc une volonté politique, initiée et encouragée par la société civile. La réalisation des objectifs du millénaire pour le 12

développement nécessite donc la mise en place de politiques éducatives et anitaires équitables. La Côte d'Ivoire à l'instar des autres pays consent des efforts pour la réalisation des OMD. Ainsi, sa politique sanitaire adoptée traduit la nécessité de la maîtrise de l'ensemble des pathologies des populations à l'aide du système médical moderne. Au-delà de la biomédecine, la maladie étant un phénomène social total gui déborde le champ clinique, l'apport des sciences humaines et sociales telles que la géographie, la sociologie, l'anthropologie et la psychologie sociale, est nécessaire. La sociologie et l'anthropologie médicales par exemple ont pour avantage non seulement d'éclairer les comportements sociaux à partir de l'environnement socioculturel des populations, mais aussi de cerner les mécanismes de fonctionnement des structures de soins modernes pour en détecter les limites. Telle est l'implication de notre étude qui, en dégageant la construction des différents rapports sociaux qu'entretiennent les populations précisément celles de Tanda avec l'implantation de ses structures sanitaires, détermine les obstacles à la fréquentation des centres de santé et explique à la fois les logiques d'itinéraires thérapeutique, la représentation des strnctures sanitaires modernes chez ses populations, ainsi que les rapports qu'entretiennent les prestataires de soins et les patients. Cette présente thèse s'articulera autour de trois principaux axes. Il s'agit d'abord de la construction de l'objet et de la méthodologie de l'étude qui exposent la problématique, les objectifs ainsi gue les champs géographique et social, les instruments de collecte et de traitement des données de l'enquête. Ensuite nous aurons à présenter les facteurs d'émergence des centres de santé. Enfin nous analyserons le phénomène du faible recours aux centres de santé dans la sous-préfecture de Tanda. B

Première partie :

CONSTRUCTION DE L'OBJET ET METHODOLOGIE DE L'ETUDE 14

Chapitre I : Construction de l'objet

1-1 Problematique

La construction des centres de santé en Côte d'Ivoire était à la charge de l'Etat au lendemain de son indépendance. Cela répondait au souci des pouvoirs publics de rendre accessibles les soins de santé à toutes les couches sociales. En conséquence, les services publics de santé étaient restés "gratuits". Cette pratique résultait de l'organisation de l'assistance médicale mise en place par l'arrêté du 8 février 1905 du général Roume, qui consistait à "assurer gratuitement les soins en médicaments et en hospitalisation aux indigènes:". Cet arrêté a été complété par d'autres décrets tel que la délibération n° 21-57 AT de l'assemblée territoriale de la Côte-D'ivoire datant du 6 février 1958 en son article 12 qui stipule que les honoraires ou les examens et les soins aux malades externes seront perçus et que les formations sanitaires en assurent le recouvrement. En "1967 les tarifs d'hospitalisation redevance diverses seront fixés par arrêté conjoint du Ministre chargé des finances et du Ministre de la santé publique décret 11°67-311 du 11 juillet 1967 article 6, portant modification des règles de fonctionnement des établissements publics'". Ce décret précise que le recouvrement des sommes dues sera poursuivi par toutes les voies de droit article 8 de ce décret. Et que les recettes issues de ce recouvrement seront versées à l'Etat. Aucune cote part ne sera versée au personnel de santé article 17 de ce même décret.

Malgré "la publication des différentes législations dans le secteur de la santé, la situation sociale de la population à cette époque favorisait le maintien de la gratuité des soins. Cette prise en charge couvrait les actes médicaux, chirurgicaux, et des spécialités, les examens, analyse et traitement pratiqués à titre externe, l'hospitalisation dans les centres santé de première et deuxième catégorie, dans

4 Brou (P) : 3 è s de médecine coloniale française éd. Vigot 1931 P 188. 5 Décret portant modification des règles de fonctionnement des établissements sanitaires publics. J .0 1967 P 993. 15

les léproseries car la population était économiquement pauvre dans sa grande majorité et sans revenu monétaire réel'". La lutte contre les grandes endémies, l'éducation pour la santé, la vaccination et les soins proprement dits sont des tâches qui ne pouvaient être exécutées qu'avec l'implication de l'Etat qui dispose de fonds financés concurremment par les aides extérieures et les ressources nationales issues essentiellement de l'exportation de matières premières agricoles et minières. Cet état des faits s'est généralisé et a continué dans les Etats africains en général et en Côte-d'Ivoire en particulier. Ainsi, des équipes médicales mobiles, des actions de dépistage, de prévention, de prophylaxie et de thérapeutique seront entreprises dans tout le territoire national. Cependant, depuis la crise économique des années 1980, "la situation sanitaire en Côte-d'Ivoire connait une dégradation du fait de la chute des recettes d'exportation de l'Etat due à la détérioration des termes de l'échange, aux programmes d'ajustement structurel et à la dette extérieure'". Cette crise entraine une restriction du budget de la santé. Ce "budget qui était de 47 317 000 000 FCFA en 1987, passe à 41 721428000 FCFA en 1993, soit une

8 baisse de 11,82%" . Dès lors, la "gratuité" des soins limitait les ressources financières du ministère de la santé pour le développement du secteur de la santé. Les conséquences se font sentir par "la baisse des investissements pour l'équipement des établissements sanitaires, le rnanque de personnel et de médicament, la mauvaise répartition du budget de la santé au détriment des infrastructures sanitaires du niveau primaire, la vétusté des structures existantes et la dégradation progressive des services de santé particulièrement pour les 9 populations économiquement pauvres et vulnérables" .

6 Kouadio, KJ la carte sanitaire de la région sud de la Côte d'Ivoire dans le système de santé ivoirien. Université Paris 8; 12 Janvier 2000 sous la direction du Professeur Jean Marie Clément. Professeur de l'Université Paris 8. 7 Gabin (K) : Santé par le bas ou santé pour le bas : une étude de cas du centre de santé communautaire d'Abobo-Sagbé, Colloque international "Santé en capitales", Abidjan (Cl), 12-16 février 1996 8 Kouadio (K J), op cit, p. 70. 9 Kouadio (KJ), op cit, p. 70. Hi

L'intérêt accordé à la santé, amène l'Etat à encourager la construction des centres de santé dans toutes les régions de la Cote- d'ivoire à travers" les projets

10 FRAR" . Ces projets avaient pour objectif d'assurer la réalisation de petits équipements en milieu rural avec la participation financière des populations. Leur contribution a permis la réalisation d'infrastructures dans le domaine de la santé. La région du ZanZan dont fait partie la sous-préfecture de Tanda en a bénéficié. Les FRAR ont permis la construction du centre de santé de Tiédio. Ce projet a associé la participation de la population à hauteur de 41 %. A ces projets s'ajoutent les collectivités locales (mairies), certaines organisations non gouvernementales (ONG) internationales notamment italiennes et canadiennes ainsi que les mutuelles de développement des villages et les groupements à vocation coopérative (GVC). Seize centres de santé ont été construits et se repartissent de la façon suivante: Tiédio a bénéficié d'un centre de santé des FRAR. Le centre de santé d'Essikro est l'œuvre d'ONG internationale. Trois centres de santé (le centre de santé d'Abokouman, Tangamourou et celui de Téhui) ont été construits par la mairie de Tanda. Douze centres de santé ont été réalisés par les mutuelles et GVC sans l'apport de l'Etat. Ainsi, la région du ZanZan s'est-elle dotée d'infrastructures sanitaires. En 1998, on note« 50 centres de santé pour le département de Tanda, 41 centres de santé pour le département de Bondoukou, 16 centres de santé pour le

11 département de Bouna » . Concernant les établissements par direction régionale de la santé, de 2007 à 2008 la région du ZanZan détient 114 établissements sanitaires de premier contact (ESPC) derrière la région de la vallée du Bandama avec 117 (ESPC). Ce qui donne 44% pour le département de Tanda de l'ensemble des établissements sanitaires du ZanZan.

La sous-préfecture de Tanda avec une population de 63 055 habitants (RGPH 1998), regroupe 16 centres de santé soit 32% des centres de santé des six

111 Ministère de la sanré, développement des services en côte d'Ivoire, 1989, p.56. 11 Memel Fote Harris : la représentation de la santé et de la Maladie chez les ivoiriens, éd. l'harmattan, 1998. 17

sous-préfectures que compte le département de Tanda. L'exposé des ratios de couverture médicale nous renseigne que la sous préfecture de Tanda bénéficie d'une couverture médicale « satisfaisante». En effet, les normes internationale de l'OMS indiquent 1 Médecin pour 10000 habitants, linfirmier pour 5000 habitants et 1 sage femme pour 5000 femmes en âge de procréer.

u plan national, les statistiques fournies par le Ministère de la Santé Publique et du SIDA indiquent: 14 000 habitants par établissement sanitaire de premier contact, 1 médecin pour 9 739 habitants, 1 infirmier pour 2 374 habitants et 1 sage-femme pour 2 081 femmes en âge de procréer. A ces données la sous préfecture de Tanda affiche 1 médecin pour 14 025 habitants, 1 infirmier pour 2 191 habitants, 1 sage-femme pour 2 759 femmes en âge de procréer et un centre de santé pour 4 382 habitants selon le rapport du district sanitaire de Tanda de 2004.

Dès lors, la question de la couverture médicale de cette sous préfecture est relativement résolue eu égard d'une comparaison faite entre les normes OMS, la situation nationale et les données empiriques relatives à la sous - préfecture de Tanda qui précèdent.

u niveau de la région du Zanzan l'on a 8094 habitants par établissement sanitaire de premier contact. La région du Zanzan sur 19 régions que compte la Côte d'Ivoire est l'une les plus équipées au plan sanitaire après les régions du Denguélé-Bafing, du Fromager et du N'zi-Comoé. La sous-préfecture de Tanda constitue celle qui concentre le plus grand nombre d'infrastructures sanitaires dans la région du Zanzan. Au vu de ces données, c'est préciser que la région de Tanda est dotée d'infrastructures sanitaires de premier contact. Le ratio de 4382 habitants par centre de santé est largement inférieur à celui prescrit par le plan national de développement sanitaire (PNDS) concernant la logique de construction des centres de santé à savoir 10 000 habitants par centre de santé. Cependant les centres de santé sont caractérisés par un taux de fréquentation inferieur à la moyenne nationale. L'enquête exploratoire réalisée 18

dans la sous-préfecture de Tanda nous rapporte les données suivantes : 4% à Abokouman, 6% à Korobo, 6% à Essikro, 7% à Gondia, 6% à Tangamourou, 8% à Tiédio et une accessibilité moyenne de 62%. Dans la sous-préfecture de Tanda, les structures sanitaires ne sont pas fréquentées. Le taux annuel de fréquentation est 15,06 % selon le RASS 1999-2000. Ce taux demeure inférieur à la moyenne nationale estimée à 50 et 60 % par le ministère de la santé et de la lutte contre le SID.f\. par an. Et pourtant, des problèmes réels de santé tels que le paludisme 72,9%, la rougeole 1,8%, la diarrhée 26,8%, les infections sexuellement transmissibles (IST) 3,8% et la mortalité infantile demeurent (RASS 1999-2000). Loin d'être spécifique à la sous-préfecture de Tanda, le faible taux de fréquentation des structures de santé soulève une inquiétude. La plupart des centres de santé de la sous-préfecture de Tanda ont été construits par les populations elles-mêmes.

Des témoignages des enquêtés expliquent cette situation. « Nous avons construit notre centre de santé à partir de nos propres ressources. C'est nous gui avions décidé du plan. Par la suite, nous avons adressé une note au sous -préfet qui nous a aidé à obtenir le personnel et le matériel auprès du gouvernement» (Mr D. Ancien Président de la Mutuelle de Développement de Tiédio). A Abokouman, «en contrepartie des bois cédés à des exploitants forestiers, les villageois ont collectés des fonds qui leur ont permis de construire le centre de santé». (Mr K, Responsable de la corrununication à la mairie de Tanda). Autant de témoignages illustrent la construction des centres de santé par les populations dans la plupart des villages de la sous -préfecture de Tanda. La construction est d'abord faite par les populations. Après cette étape, elles vont consulter l'autorité administrative locale (le sous -préfet) gui sert d'interface entre celles-ci et le ministère afin de bénéficier du personnel qualifié et l'équipement nécessaire de fonctionnement. Les différents centres de santé sont équipés de médicaments et de matériels de travail par l'Etat. La pharmacie de la santé publique approvisionne 1<:J

régulièrement les officines de pharmacie des centres de santé. Les prestataires des centres de santé sont servis en médicament. L'hôpital général dispose d'un bloc opératoire, des unités de gynécologie, pédiatrie, maternité, médecine générale, laboratoire d'analyse et soins infirmés. Pourtant, les comportements des populations paraissent incomprehensibles quant à la fréquentation des centres de santé. «Ici, on finit souvent par se demander à quoi nous servons. Les populations fréquentent rarement le centre de santé. Nous pouvons passer une journée entière sans recevoir un seul patient. Pourtant, les enfants, les femmes et les hommes sont malades. Ils sont là et ne viennent pas. Nous leur faisons des propositions pour faciliter leur prise en charge mais les populations sont toujours réticentes. Je ne comprends franchement pas. Vivement que des interrogations soient élucidées. Voyez- vous, je conte un fait qui m'a choqué. Une femme est venue faire soigner sa fille qui souffrait de diarrhée. Les soins lui revenaient à 2000 f CF A. Elle a signifié qu'elle ne pouvait payer du fait de sa situation financière faible. Je lui ai proposé de me laisser le carnet de santé de l'enfant comme une gage et qu'elle revienne payer après. Elle a refusé et a préféré partir avec son enfant sans soins qui mourut par la suite au village.» (Discours de l'infirmier du village de Tiédio). Les populations qui sont les actrices au niveau local de la construction des centres de santé les rejettent après la réalisation de ces édifices sanitaires. Les données empiriques de terra.in nous permettent de confirmer cette position. Les prestataires de soins témoignent du faible taux de fréquentation des centres de santé qui les conduit souvent dans un état de laxisme du fait du non exercice régulier de leur art. Les taux de fréquentation des centres de santé de certains villages enquêtés varient entre 4% et 8% avec une accessibilité de 62 %. Le coût du transport moyen entre villages est de 300F CF A. Cela nous amène à poser la question suivante : comment expliquer que les populations de la sous-préfecture de Tanda ne fréquentent pas les centres de zu

santé qu'elles ont « volontairement» contribué à réaliser voire à multiplier? Il est généralement admis que contuire un centre de santé c'est avoir une conscience sanitaire. Dans ce cas, comment les populations de cette sous-préfecture légitiment-elles la non fréquentation des centres de santé? Les populations de Tanda ont certainement des cadres de reference en cas de la survenue d'une maladie gui pourraient les amener à une reticence quant à la fréquentation des centres de santé. Comment alors les offres alternatives de soins détournent les populations de la fréquentation des centres de santé qu'elles ont contribué à réaliser? Ce faisant, un colloque-singulier mal négocié à la première rencontre peut se révéler comme source de compréhension du phénomène de la non fréquentation des centres de santé dans la sous-préfecture de Tanda. Au demeurant, quelles sont les systèmes de relations gui émanent à travers la non fréquentation des centres de santé?

1-2- Revue de litterature

1-2-1- La non fréquentation des structures sanitaires comme un problème politique

Kouadio KG (2002) 12 a montré qu'en 1989 le budget de la santé occupait la cinquième place, en 1993 la troisième place derrière le ministère de l'éducation nationale et du ministère de la défense. La baisse de ce budget constaté depuis 1984 selon lui n'a pu se redresser qu'en 1986. Pour ce dernier en effet, en 1987 le budget de la santé gui était de 4 7 317 000 000 de FCFA, passe à 41 721 428 000 FCF A en 1993 soit une baisse de 11,82%. Cette restriction financière au détriment du secteur de la santé a été encouragée par l'Assemblée Nationale parce que le budget voté le 14 Décembre 1998 était consacré au financement des investissements publics dans les secteurs

12 Kouadio (K J) : la cane sanitaire de la région sud de la Côre d'Ivoire dans le système de santé ivoirien, thèse de doctorat en Economie de la santé, 12 janvier 2002, Paris 8. n

productifs. Cette année 88 marque le début de la restriction budgétaire du secteur de la santé. Les secteurs privilégiés pouvant bénéficier de ce budget sont les secteurs contribuant au développement rural pour la production vivrière dans le but d'une autosuffisance alimentaire, les infrastructures et le cadre de vie c'est-à-dire transport urbanisme. Cette décision de l'Assemblée Nationale n'est que l'application de la théorie de la croissance économique émise par certains auteurs tels que Rostow13 La priorité accordée aux secteurs politique est la conséquence du jugement porté sur le secteur de la santé. Celui-ci est considéré comme un domaine improductif et non rentable dans le contexte de l'analyse économique dans les pays en voie de développement. Catherine Georges Marthe (1970) 14: la santé est-elle au-dessus de nos moyens, affirme que les investissements dans le domaine de la santé sont considérés comme des dépenses improductives car le feed-back de ces investissements n'est pas perçu en terme monétaire mais en capital invisible au profit des autres secteurs productifs. De plus dans ces pays en voie de développement, le budget de la santé est en concurrence avec ceux des autres ministères. La priorité est alors accordée à ceux dont les actions et les activités sont jugés productifs tels que le secteur agricole et les infrastructures économiques ; puisque les investissements dans ces secteurs viennent de l'idée que le développement économique élèvera le niveau de vie gui entrainera à son tour le développement social et sanitaire. En investissant dans ce secteur la Côte d'Ivoire agit sur les éléments macro économiques intervenant à l'extérieur du secteur de la santé mais gui ont une influence sur la situation sanitaire du pays. Si l'on se refaire au cahier n° 69 de l'OMS (1979)15, certains administrateurs sanitaires jusque dans les années 1970 doutaient de la contribution de la santé à

13 Rostow : les étapes de la croissance économique, édition seuil 1970 PP. 13-32 14 Catherine Georges Marthe : la santé est-elle au-dessus de nos moyens Edition plomb, 1970, P. 81. 15 OMS : cahier de santé publique 11°69 : pauvreté, développement et politique de santé. Genève, 1979, P. 33 n

la production et l'accusait d'être à l'origine de la croissance démographique et du chômage. Ce doute venait de l'incertitude sur la santé que procuraient les infrastructures sanitaires mises en place; compte tenu des équipements de ces établissements et les activités de santé publique orientée vers la médecine curative et la médecine sociale dont bénéficiaient les populations. L'OMS lui• même confirme ce doute en précisant qu'il était difficile d'établir à défaut de statistique fiable, une relation entre les dépenses consacrées aux services de santé et l'amélioration de la santé. Selon ces administrateurs «l'augmentation de la population entraîne la consommation du surcroît de production et que cela aboutit à la baisse du revenu par habitant. Elle augmente les disponibilités de main-d'œuvre avant que les emplois aient été créés pour absorber ce surcroît de force de travail ce qui entraîne le chômage et le sous-emploi. Elle oblige l'Etat à dépenser pour l'éducation et d'autres services au détriment des activités et

16 services contribuant à la richesse de ces Etats » • On en conclut selon ces administrateurs sanitaires que le financement des services de santé est la cause du chômage et l'un des facteurs de la pauvreté de ces Etats en voie de développement. Les années 1980 ont été une décennie largement secouée par une crise économique internationale. Cette situation va largement contribuer à la réduction de l'aide publique accordée aux Etats par les institutions financières internationales. L'Ol'vIS qui est l'un des plus grands fournisseurs dans le secteur de la santé, va également ressentir le coût de cette crise. Cela va déboucher sur la conférence de Bamako en 1986 qui institue désormais la contribution des populations concernant la prise en charge médical. C'est le début d'une longue série d'innovations au sein du secteur de la santé ; la plupart des Etats étant financièrement dépendant des institutions internationales. Cette contribution financière des populations aux actes de santé, va considérablement bouleverser le rapport entre celles-ci (populations) et l'institution sanitaire d'une part et

16 OMS: OPCIT, I' 30. participer à l'émergence d'une image de distribution (sociale) ou origine sociale de ces populations d'autre part. Qu'en est-il des facteurs socioculturels ?

1-2-2-Les facteurs socioculturels comme obstacle à la fréquentation des centres de santé Vallet D (1986) 17 dans son ouvrage contribution à la mise en place des soins de santé primaire en Côte d'Ivoire, nous dit que dans la perspective de l'application des objectifs et des recommandations relatifs à la conférence d'Alma-Ata, l'accent à été mis sur l'organisation structurelle des soins de santé primaire sur le terrain sans penser aux habitudes socioculturelles des populations. Il en ressort que les populations sont moins impliquées dans les prograrrunes de santé et que l'approche multisectorielle dans le cadre des soins de santé primaire est quasiment ignorée. C'est pourquoi il propose de mettre l'accent sur la participation communautaire, la redistribution des ressources et la collaboration multisectorielle. C'est pratiquement le même son de cloche qu'Eric de la Moussaye, Marin Jean, et Tahi Ehouman qui ont focalisé leur analyse sur l'inadéquation du modèle sanitaire importé. Pour ces auteurs, c'est la reproduction des systèmes de santé très éloignés du vécu quotidien des populations africaines qui est à l'origine de la sous• utilisation des structures sanitaires. Etant donné que les populations africaines n'ont pas les mêmes problèmes de santé et de condition de vie que les européens, une politique sanitaire inspirée du contexte socio-économique et culturel de ces derniers est vouée à l'échec. Ils ajoutent à cet effet qu'il y a une différence dans les habitudes de vie et les besoins réels en matière de santé entre occidentaux et africains. Mais cette différence de facteur socioculturel ne constitue pas toujours une réticence à l'utilisation des structures sanitaires, car dans bien des cas on assiste à une fréquentation assez poussée des structures sanitaires modernes surtout dans les milieux urbains comme Abidjan.

17 Vallet (D): contribution à la mise en place des soins de santé primaire en Côte d'Ivoire mémoire INSP, 1986. 24

En plus, au-delà de l'aspect général qui est la différence observée entre les deux réalités, ces auteurs ne nous disent pas les sources de motivations des acteurs qui canalisent et orientent leurs actions et réactions vis-à-vis des centres de santé. En somme, l'itinéraire thérapeutique choisit par l'individu ou les populations est fonction de ses/leurs considérations idéologiques. C'est pourquoi en nous appuyant sur les populations de la sous-préfecture de Tanda, nous allons faire ressortir les configurations qu'elles ont de la maladie et des centres de santé et qui orientent leur itinéraire thérapeutique.

1-2-3- Les explications privilégiant le manque d'éthique Joseph Brunet-] ailly (1996) dans son ouvrage « Se soigner au Mali » is écrit que les professionnels locaux sont victimes de préjugés. Pour lui en effet, la population récuse le savoir médical de ceux-ci parce qu'elle pense que c'est le « toubab » gui a la réponse au mal. Certains patients refusent même de se rendre à l'hôpital à cause du comportement des professionnels dénués de toute norme sociale ou éthique. Trois faits constituent le résumé de sa position: premièrement, les politiques de santé dans les pays "pauvres" constituent un échec pour la profession médicale ; deuxième, ce qui a changé dans les politiques de soins depuis l'époque coloniale, ce sont les hommes et non les méthodes (sous la colonisation, moins de dialogue entre l'algorithme traditionnel et l'algorithme biomédical du colonisateur) ; troisièmement, tant que les sciences sociales ne sont pas associées pleinement à la conception et à la gestion du système de santé en Afrique, il sera difficile d'atteindre les résultats escomptés. Toute cette critique rend compte de l'échec de la politique sanitaire en Afrique illustré par la baisse de tous les indicateurs de santé sur le continent. Cette situation doit se comprendre avec le comportement du médecin occidental agissant selon un code déontologique ou éthique en rapport avec son environnement social ou culturel, les praticiens africains exercent leur métier sans aucune référence morale ou éthique conforme à leur système de valeur.

18 Rougernont Lv) et Brunet-Jailly 0), La santé en pays tropicaux : planifier, gérer, évaluer, Paris, 1996. L:i

Pendant des séances de consultations, nos constats révèlent qu'ils travaillent avec des Etats d'âme ou des humeurs entraînant quelquefois des frustrations au niveau des patients. Tous ces états d'âmes doivent être traduits dans un cadre moral grâce à une sensibilisation des professionnels à l'éthique médicale. La maîtrise de cette valeur permettra aux professionnels de connaître les besoins ou les objectifs de l'institution sanitaire qui se résume en une amélioration de la santé de la population. Cela voudrait dire implicitement que le praticien africain devra nécessairement adapter son comportement au modèle de travail de l'institution sanitaire moderne. Le thérapeute de l'institution sanitaire doit tenir compte du sacré ou de la réalité socioculturelle ou les systèmes de valeur dont est issu le patient, dans la pratique des soins. Car faut-il souligner qu'il y a un problème souvent au niveau de l'étiologie de la maladie entre l'individu malade et le professionnel de la santé. cet effet, nous relevons avec Claude Lévi-Strauss que « l'efficacité symbolique repose non seulement sur un contrat individuel mais surtout sur un

19 pacte social qui lie le malade et la société toute entière » . Somme toute la pratique des soins doit s'inscrire dans une logique cultuelle où l'accent est mis sur la considération effective des valeurs traditionnelles dans le souci constant de faciliter la collaboration entre les différents acteurs du système de santé en frique. Certes, il existe un réel problème d'éthique de la part de certains prestataires de soins. Mais dans notre étude, ce n'est pas toujours le cas. Dans cette localité les populations nouent des rapports de « fraternité» et d' «amitié» avec les prestataires de soins. Les populations leurs offrent des parcelles de terrain au cas où ces derniers désirent pratiquer certaines cultures vivrières telles l'igname, la banane et pourtant, bien que nouant des rapports d'affinité avec les prestataires de soins, les structures sanitaires continuent de désemplir. Or les structures sanitaires ne manquent pas de médicaments de première nécessité parce que chaque semaine tous les prestataires de soins vont à l'hôpital général

19 Claude Lévi-Strauss, « l'efficacité symbolique» in anthropologie structurelle, Paris, plomb, 1949. 2b

pour se ravitailler en médicament. Ceci nous permet de dire que le problème de sous-fréquentation des centres de santé se trouve certainement dans leurs représentations de ces centres de santé. Car de même qu'un individu qui chasse une mouche qui se pose sur son corps à conscience de sa santé, celui qui construit un centre de santé l'est également. C'est pourquoi la structure sanitaire au lieu d'être un élément vecteur de modernité doit plutôt être source d'épanouissement sanitaire. Mais au-delà de ces facteurs, le facteur économique n'est-il pas un élément inhérent à la sous fréquentation des centres de santé.

1-2-4-La non fréquentation des structures sanitaires comme un problème économique Annick Misket (1994) 20, à propos de la sous-fréquentation des services de santé constate qu'il faut établir un rapport entre d'une part les conséquences de la crise économique et le paiement des actes de santé. D'autre part elle évoque les stratégies de lutte contre les maladies au sein des populations comme l'une des raisons de cette sous-fréquentation. Puis, elle aboutit à la conclusion selon laquelle la crise économique semble avoir contribué à renforcer la tendance de l'auto médicament. Les usagers ont recours de moins en moins aux structures de la médecine conventionnelle dont les soins sont jugés coûteux et se tournent de plus en plus soit vers la médecine traditionnelle soit vers un système parallèle de soins. N'guessan Bi et Portal JL (1998)21 s'inscrivent dans la même optique que le précédent en mettant un accent particulier sur la dévaluation du franc CF~~- En effet, leur étude a porté sur les effets de la dévaluation du FCFA sur l'accessibilité aux soins et aux médicaments à Abidjan. En clair, ces auteurs ont mesuré les effets de la dévaluation du franc CF A sur la fréquentation des services publics de soins et sur l'accessibilité aux médicaments. Au terme de leur étude, ils concluent que les effets de la dévaluation du franc CFA sur l'accessibilité des soins et des médicaments ne sont pas liés au

20 Annick Misket in document et réflexion n° 4 UNICEF, 1994, P 11. 21 N'guessan Bi Gouzan (B) et Portal QL), effet de la dévaluation du Franc CFA sur l'accessibilité aux soins et aux médicaments à Abidjan (Côte d'Ivoire) Tome I, ORSTOM, Abidjan, Petit Bassam, 1998. 27

pouvoir d'achat du ménage. C'est pourquoi selon eux, depuis l'avènement de la dévaluation du franc CFA en Côte d'Ivoire et particulièrement à Abidjan, la population fréquente de moins en moins les services publics de soins. En sommes, les auteurs sus mentionnés ne prennent en compte que la dimension économique ou financière pour expliquer la non fréquentation des structures sanitaires. Cependant la santé étant un phénomène social global, pouvons-nous nous limiter uniquement à leur position et occulter les autres ramifications qu'à la maladie. C'est pour cette raison que dans le cas qui est le notre, nous analyserons la sous fréquentation en prenant en compte les représentations que les malades se font de la maladie et des structures de santé. Cela est d'autant plus important que ce sont les perceptions sociales que l'individu à d'une chose qui oriente son action. Par conséquent, voir les itinéraires thérapeutiques des personnes en quête de guérison est une piste pour comprendre les représentations qu'elles se font de la maladie et des centres de santé. Mais au-delà de la dimension financière corrune obstacle qu'en est- il de la dimension géographique.

1-2-5-Situation géographique comme obstacle à la fréquentation des Centres de santé. Agnès Guillaume et Sylvie Rey22 (1987) dans la conclusion du séminaire portant sur la mortalité et société en Afrique au Sud du Sahara montrent que le type de structure disponible conditionne le choix de recours. De plus, elles soulignent que la présence d'un dispensaire facilement accessible favoriserait sa fréquentation. Mais cette fréquentation, selon ces auteurs, dépendra également de l'accueil réservé aux malades, de la disponibilité et du coût des consultations. A partir de cette analyse, on pourrait dire que la fréquentation des structures sanitaires pourrait être liée à la proximité du lieu d'habitation des populations.

22 .t\gnès Guillaume et Sylvie Rey : Séminaire sur la mortalité et société en Afrique au sud du Sahara du 19 au 23 octobre 1987 Yaoundé (Cameroun), P 19 28

Myriam Roger (1993) abonde dans le même sens après avoir érudié « L'accès aux

23 soins des jeunes de Bobo-Dioulasso » . Dans son ouvrage, elle évalue l'impact de la distance entre la structure sanitaire et le domicile des enfants, sur le recours de ladite structure. En effet, après son enquête, elle à découvert que le nombre de consultation par consultant évolue en sens inverse de la distance entre le lieu de résidence des enfants et la structure sanitaire : plus la distance est longue moins la fréquentation est forte. Les auteurs ci-dessous mentionnés s'appesantissent sur le fait que la sous fréquentation des structures sanitaires est lié aux effets de distance qui sépare les centres de santé des ménages. Contrairement aux positions de ces auteurs, la sous préfecture de Tanda ne présente pas une réalité qui permet de les soutenir. La région regorge de nombreux centres de santé et le taux d'accessibilité est de 62%. La distance entre les villages et les centres de santé varie entre 3 Kilomètres et 5 Kilomètres. Dès lors, la distance ne peut-être une variable pertinente dans la mesure où le taux de fréquentation des centres de santé peut-être élevé si les populations comprennent suffisamment la nécessité de fréquenter ces centres. Il va s'en dire qu'à partir des expériences vécues aussi bien par elles-mêmes que par d'autres populations, elles se construisent une opinion des structures sanitaires qui conditionnent leur accès à ces structures. Cela démontre l'importance pour nous de montrer les considérations que ces populations se font de la qualité des soins.

1-2-6- Qualité des soins comme obstacle à la fréquentation des centres de santé L'étude d'Yves Morel (1973) sur le "rôle d'un dispensaire de quartier à Douala", met en évidence l'effet de la qualité des relations humaines sur le recours de la population aux soins de santé moderne; cet auteur constate que dans la zone d'étude, le dispensaire est plus fréquenté que les thérapeutes traditionnels. Puis, il fait ressortir qu'en réalité, cette prédominance de la

23 Rogers (M), la santé des jeunes enfants à travers deux de ses composantes : l'accès am: soins et à la nutrition, ORSTOM,Abidjan, 1993. 29

médecine moderne réside dans l'attirance de la population pour le caractère chaleureux, attentionné ou humain des religieux qui exerce dans ledit dispensaire .Koné Mariatou (2001) dans son rapport final sur « l'équité dans l'accès aux soins à Abidjan »24 montre que les pratiques de «Racket» de, «Corruption» excluent certaines couches sociales de la fréquentation des hôpitaux. Selon elle, si tu ne connais pas quelqu'un, si tu n'as pas d'argent, tu n'es pas reçu à l'hôpital. Ici avoir de l'argent, ce n'est pas seulement pour payer les soins mais pour être, admis. C'est pourquoi dit-elle « Les personnels des SU.Corn sont informés de tous les reproches mais n'en sont pas toujours conscients. Ils réfutent certaines remarques et pourtant justifient certains de leurs comportements par le fait que les salaires ne sont pas motivants ;et c'est pour cela qu'ils créent ou favorisent d'autres formes de rémunération ou de rétribution, en encourageant toute forme de« contexte», c'est-à-dire de « Racket», la corruption et toutes les pratiques illicites (« Gombo », les cadeaux, les faveurs ... ). Les soignants considèrent qu'ils sont payés pour être présents dans le service, et ce sont les usagers qui doivent payer les prestations qu'ils reçoivent». En mettant l'accent sur l'accès à la qualité des soins, Koné Mariatou nous démontre que la qualité des soins est prépondérante dans la fréquentation ou non des centres de santé par la population. Car plus le favoritisme et la corruption prennent le dessus (de l'ampleur), moins les populations pauvres fréquentent les centres de santé. Cependant cette étude bien que touchant l'aspect économique et la qualité des soins, ne nous renseigne pas suffisamment sur la perception que les populations elles-mêmes ont de la maladie et des centres de santé. C'est pourquoi nous y mettons l'accent afin de saisir les représentations, les motivations intérieures qui poussent les populations de Tanda vers d'autres itinéraires thérapeutiques, au détriment des centres de santé légalement reconnus.

24 Mariatou (k) : équité dans l'accès am, soins de santé à Abidjan. 30

Pour l'UNICEF (1992)25 dans son analyse sur la situation des femmes et des enfants en Côte d'Ivoire, montre que parmi les causes qui dissuadent les patients d'une fréquentation régulière des centres de santé ; il y a : « le mauvais accueil, le ton employé, le langage impérieux sans respect de rapport aînés, le blocage linguistique, les contraintes administratives, l'environnement psychologique et l'indiscrétion du personnel». L'UNICEF, dans son analyse de la sous fréquentation des centres de santé à mis l'accent sur les femmes et les enfants. En plus elle s'est appesantie sur la situation en Côte d'Ivoire de manière générale. Dans le cas qui est le notre, nous travaillons sur un milieu restreint c'est-à-dire la sous-préfecture de Tanda, avec sa population dans tous ses composants. Pour nous résumer, nous disons au terme de cette revue de littérature qu'il a été démontré que la sous-fréquentation des centres de santé par les populations relève du fait de l'Etat qui est passé de l'état providence au recouvrement des actes de soins de santé sous certaines pressions extérieures. Pour ces dernières en effet, le secteur de la santé est un secteur improductif et qu'il faille investir dans les activités économiques et dans l'agriculture .Car en investissant dans le secteur de la santé, cela augmente les disponibilités de main• d'œuvre avant que les emplois aient été créés ce qui entraîne indubitablement le chômage et le sous emploi. Cela a conduit l'Etat à la restriction du budget alloué au secteur de la santé. Nous pensons que pour produire il faut que les acteurs qui sont à la base des activités de production soient en bonne santé. De plus restreindre le budget de la santé dans le sens de la compression démographique n'est pas toujours une panacée au développement économique et social c'est ce qu'a vu juste Colin Klarc lorsqu'il disait que chaque être qui naît est une nouvelle tête de plus à penser et deux bras de plus pour travailler. Et puis face à la décision de l'Etat de restreindre son investissement dans le secteur de la santé, les populations de Tanda ont pris l'engagement sur elles-mêmes de construire leurs propres structures sanitaires. Seulement, une fois réalisées ces structures ne sont pas utilisées. Et nous disons que cette non fréquentation des sttuctures

25 UNICEF, analyse de la situation des femmes et des enfants en Côte d'Ivoire, 1992, P. 57. 31

sanitaires pourrait certainement trouver sa justification dans les représentations et expériences vécues par les populations des centres de santé. D'autres par contre mettent l'accent sur le fait gue la sous fréquentation des centres de santé par les populations relèverait du faible pouvoir d'achat gui est en baisse surtout à cause de la dévaluation du franc CF A. Et ceci dans la mesure où cette dévaluation a effrité le pouvoir d'achat des ménages à telle enseigne qu'il a rendu difficile l'accès de ces populations aux soins et aux médicaments. Cela se justifie par le fait gue celui gui n'a pas de moyens financiers se refuse même lorsqu'il est gravement atteint, de se rendre dans un centre de santé parce gu'il sait qu'on lui tendra une ordonnance gu'il ne pourra pas honorer. A ce contexte socioéconomique déjà difficile pour la fréquentation des centres de santé, certains des auteurs que nous avons parcourus pensent que la sous-fréquentation est liée à la situation géographique des populations par rapport aux centres de santé. Car pensent-ils, un centre de santé assez éloigné des populations ne favorise pas sa fréquentation par celles-ci. D'autres encore par contre ne pensent que la sous fréquentation a un lien avec la mauvaise qualité des soins dont les malades sont l'objet et à l'éthique. En effet l'accueil, les cas de manque de courtoisie sont de nature à consolider les populations dans leur position de non fréquentation des structures de santé .A cette revue, s'ajoutent aussi certains auteurs qui, eux, ont établi le rapport entre sous fréquentation et valeurs socioculturelles. Ainsi disent-ils les centres de santé en Afrique qui sont le prototype du modèle occidental n'ont pas tenu compte dans leur transposition des réalités propre aux africains. C'est pourquoi ceux-ci les fréquentent moins. Mais cette revue de littérature bien gue pertinente par l'importance des thèmes qu'elle aborde ne nous renseigne pas sur les représentations sociales que les populations elles-mêmes se font des centres de santé et mêmes de la maladie. Car mêmes si l'hôpital est assez distante des populations, il n'en demeure pas moins que ces populations fréquentent ces centres si elles ont suffisamment compris le bien fondé de cette fréquentation. C'est certainement parce qu'elles ne sont pas motivées à y aller ou parce qu'elles privilégient d'autres itinéraire dans la recherche de solution à leur maladie. Dans ces conditions, il est nécessaire de chercher à comprendre les logiques de reproduction des centres de santé dans la sous préfecture de Tanda. Car il y a certainement des logiques que sous-tendent leurs comportements dans leur persistance à ne pas fréquenter les centres de santé que ces populations elles-mêmes ont délibérément construites. Quels sont alors les objectifs que nous voulons atteindre ?

1-3-0bjectifs, thèse et hypothèse 1-3-1- Objectif général Cette étude vise à apprehender les logiques sociales de la non fréquentation des centres de santé que les populations ont «volontairement» contribué à réaliser voire à multiplier dans la sous-préfecture de Tanda. 1-3-2- Objectifs spécifiques Il s'agit spécifiquement de : Etudier les formes de légitimations associéés à la fréquentation ou non des centres de santé dans la sous-préfecture de Tanda. Anayser les offres alternatives de soins qui détournent les populations de la fréquentation des centres de santé qu'elles ont contribué à réaliser. Analyser les systèmes de relations qui émanent de la non fréquentation des centresde santé.

1-4- Thèse

Dans la sous-préfecture de Tanda, on note une certaine compétition entre villages voisins dans la construction des centres de santé. La réalisation ou construction d'un centre de santé par un village tiers est donc une «victoire» sur le voisin. Le centre de santé pour les populations de Tanda est donc un élément de positionnement social, d'autodétermination ou de légitimation sociale. Dès lors l'inadéquation entre l'idéologie et la fonction assignée aux centres de santé justifie le faible de taux de fréquentation de ceux-ci. 1- 5- Hypothèse La fréquentation des centres de santé par les populations de la sous• préfecture de Tanda est liée à leurs représentations sociales de la maladie et des centres de santé.

1-5-1-Définition des concepts

1-5-1-1-Notion de fréquentation sociale Pour Bourdieu et Alain Darmel", à propos des déterminants de la fréquentation des lieux, à travers l'analyse des profiles et comportements c'est-à• dire les caractéristiques sociodémographigues ont une forte emprunte sur les lieux de fréquentation. Cela suppose que des éléments comme le niveau d'étude, le niveau d'âge, l'origine sociale influencent largement les lieux de fréquentations. Bourdieu" va plus loin dans sa démarche quant à la vision selon laquelle la consommation culturelle relève d'un choix culturel ou d'un choix personnel ou d'un don naturel. Bourdieu au contraire montre que nos goûts et nos styles de vie sont déterminés par nos positions sociales. La fréquentation des musées, théâtre, opéras, est largement le fait des classes dominantes. Et si chacun peut pratiquer un sport, les statistiques font apparaître que tout le monde ne s'orient pas vers le même : le tennis est l'apanage des classes supérieures. Les classes moyennes s'orientent plutôt vers la natation, et les classes populaires vers le football.la distinction montre que l'on retrouve ce système de différences dans tous les domaines : habillement, alimentation, lecture. Les classes sociales se distinguent aussi par leur marinière d'être, de se comporter. Bourdieu explique ces régularités par le concept d'habitus. Produit de notre éducation (et donc variable selon les classes sociales), l'habitus est l'ensemble des principes incorporés par l'individu : manière d'être, de penser, d'agir gui guide de manière non consciente nos choix et font que toutes nos

26 Bourdieu (P.) er Alain Darmel ; l'amour de !'arr: les musées d'art européens et leur public, Paris, éd minuir, 1969. 27 Pierre BOURDTEU, 1979, la distinction rééd. i\[inuit, coll.« le sens commun», 1996. 34

pratiques ont « un air de famille», qu'elles forment justement un « style de vie». L'habitus est aussi ce qui fait que nous paivenons à lire les pratiques des autres comme des signes de leur position sociale. · En définitive, la notion de fréquentation est associée aux caractéristiques sociodémographiques lesquelles influencent largement notre manière de penser, d'être et d'agir. Au demeurant, elle entretient des liens très étroits avec la notion d'habitus sous l'angle de Bourdieu. Envisager de fréquenter une institution sanitaire, intègre un univers culturel, une vision du monde, une manière d'agir. Pour nous en effet, la fréquentation des structures sanitaires par les populations de la Sous-préfecture de Tanda est un processus par lequel l'individu se met en relation avec l'institution sanitaire.

1-5-1-2- Notion de représentation sociale de la maladie

28 Selon Mémel Foté Harris , la représentation est une construction sociale en tant que processus et résultats où se mêlent perception, sentiment, réflexion et signification. Elle appartient aux acteurs sociaux (l'ordre de l'émique; lorsqu'elle touche à tous les aspects de la vie humaine (personne, sacré, connaissance, valeurs, temps, mort), elle prend le nom de représentation populaire ou collective. Mais, on la nomme aussi vision du monde. Quand elle est religieuse, la vision peut être polythéiste ou en terme laxiste, animiste, monothéiste, chrétien ou islamique, soit syncrétique c'est-à-dire associant les éléments de l'une ou de l'autre religion. Jodelet (1991) met l'accent sur la dimension éminemment social de ce concept, lui reconnaissant une autonomie certaine qui n'est cependant pas distincte du champ social où il émerge. J odelet entend également « des systèmes d'interprétation, régissant notre relation au monde et aux autres, qui orientent et organisent les conduites et les communications sociales », « phénomènes cognitifs engagent l'appartenance sociale des individus par l'intériorisation de pratiques et d'expériences, modèles de conduite et de pensée» (1991 :36). Certes

28 Mémel Foté Harris: la représentation de la santé et de la maladie chez les ivoiriens, l'harmattan, Paris, 1998, P. 11. 35

· il s'agit d'une forme de connaissance, mais d'une forme distincte des connaissances scientifiques, désignée généralement, comme un « savoir de sens

commun », voire même « savoir naïf», qui se retrouve comme un élément actif en plein cœur des relations sociales, des processus sociaux rattachés tantôt au développement individuel, tantôt au développement collectif, dans la définition des identités personnelles et sociales. Les approches des representations sociales semblent surtout reposer sur la compréhension de deux processus, soit le processus cognitif et le processus social, c'est-à-dire le processus de production sociale des représentations. Le premier correspond à la psychologie sociale centrée sur la compréhension du phénomène cognitif alors que le second s'inscrit dans les perspectives d'analyse anthropologique et sociologique du phénomène social constitué par les représentations sociales à l'œuvre dans les divers processus qui structurent le système social. Plus concrètement, cette forme de connaissance comprend les éléments informatifs, cognitifs, idéologiques, normatifs, croyances, valeurs, attitudes, opinions, images, etc 0 odelet, 1991 :36) ; ceux-ci nourrissent la démarche d'investigation scientifique visant à cerner et à analyser les représentations sociales d'un objet. Ils forment dans leur interaction un savoir, un système d'interprétation qui module et oriente le rapport du sujet à Soi, à l'Autre, à la société ; un système d'interprétation qui 'inscrit, dans son tout comme en ces parties, dans un perspectif constructiviste dont Berger et Luckmann (1966) sont les figures connues ; ils les saisis comme un élément constitutif de ce processus de construction sociale de la réalité. Représentations sociales qui forgent à travers différentes significations gui les caractérisent l'objet qu'elle représente lui attribuant une spécificité certaine Godelet). D'autres, tel que Doise (1988), il importe de distinguer les stéréotypes, les attitudes et les opinions des représentations sociales parce que ces éléments n'ont pas les mêmes conditions de production. De son origine Durkheimienne, le concept de représentation sociale réapparait au cœur de l'analyse sociale sous l'impulsion des travaux de Moscovici (1969; 1976).Il soutient une position mixte 3b en cherchant à mettre en rapport les processus relevant tant d'une dynamique sociale que psychique. Loin de percer de part en part l'épaisseur du tissu social, cette approche centrée sur la compréhension de la dynamique psychique s'articule davantage autour des processus d'élaboration et d'intériorisation des representations sociales.Développée à l'interieur de bon nombre de recherche, cette perspective, met entre autres, en lumière certaines dimensions rattachées à l'identité personnelle( Lipinsky, 1990) ; un accent également fort prononcé est placé sur la dimension psychologique, mentales des représentations sociales en faisant ainsi "une construction", et "une expression du sujet "( Jodelet, 1991 : 43). Caractéristique qui met en avant-scène de l'étude des représentations sociales l'importance, selon Jodelet, « d'intégrer dans l'analyse de ce processus l'appartenance et la participation sociales ou culturelles du sujet" (1991 : 43). De fait, cet aspect relatif à l'appartenance ou à l'adhésion du sujet emprunte, à plus d'un égard, au processus qui caractérise les croyances ; les deux concepts supposent une certaine forme de partage social qui permet, en plus de qualifier socialement les représentations, de saisir un temps soit peu leurs impacts dans les relations sociales.

Comme le fait remarquer Jodelet, "l'approche sociale des représentations traite d'une matière concrète directement observable, même si l'organisation latente de ses éléments fait l'objet d'une reconstruction de la part des chercheurs" (1991 : 55). Sur ce point, la position défendue par Herzlich (1969) dans ses travaux à l'égard de la représentation de la maladie et de la santé qu'elle considère comme une réalité sui generis extérieure aux modèles médicaux participe aussi de la même orientation. Autrement dit, la réalité de la maladie et de la santé déborde largement le cadre des savoirs médicaux ; le biologique est également social. Autre particularité de la perspective développée par Herzlich, les représentations s'inscrivent dans un champ déjà défini et structuré par un ensemble de rapports sociaux par qui leur sont certes extrinsèques ; mais c'est sans oublier que les pratiques sociales et professionnelles génèrent aussi un ensemble d'éléments agissant en interaction avec l'objet et qui apparaissent 37

comme dimension constitutive des représentations. Outre celles mentionnées jusqu'à présent, d'autres caractéristiques clés émergent, en filigrane, des précédentes assertions ; les notions de champ et de pratique sont aussi prépondérantes dans l'étude des représentations sociales. Il n'est pas rare que l'on désigne, dans la littérature, les représentations sociales comme un savoir pratique. Or, cette dimension est déterminante dans la mesure où le processus de formation des représentations s'appuie précisément sur les pratiques sociales et professionnelles qui ont court dans un champ social donné. Les représentations, formes de connaissances pratiques qui se construisent à partir de la pratique en interaction constante avec l'objet et qui, dans ce processus, le construisent et le définissent, sont donc des interprétations de la réalité et des phénomènes le construisent et le dé.finissent, sont donc des interprétations de la réalité et des phénomènes complexes qui ont aussi un sens pour les acteurs ; elles sont ainsi davantage pour les acteurs sociaux que l'ensemble des actions matérielles qui permettent de les circonscrire (Zarca, 197 5 : 71). Elles forment en quelques mots le lien entre le sujet et l'objet (Iodelet, 1990 :191). La dimension de la pratique renvoie donc à une autre notion clé, soit celle de sens sous toutes ses formes, à on caractère symbolique et d'interprétation. Quant à celle de champ, elle n'est pas partagée par tous, laissant facilement au gré et aux aléas idéologiques des écoles de pensée tant sa fortune que sa misère. Au-delà des tergiversations académiques, elle demeure profondément ancrée dans toute perspective d'analyse sociale des représentations.

29 Pour Moscovici , en effet, la représentation sociale est un système de valeur qui permet aux individus de s'orienter dans leur environnement matériel et social et de communiquer leurs expériences en leur proposant un code pour la façon de les nommer et les classer. En effet les divers éléments de bases de savoirs populaires (connaissances, attitudes, symboles) peuvent être structurés en entité conceptuelle plus large que nous appelons ici représentation. Ces conceptions générales prennent la forme d'image mentale ou de vision globale

29 Moscovici, in Herzlich, 1970, p.1 O. véhiculée par la population sur les maladies. Exemple : conception ou représentation populaire du SIDA sur la santé. Ces ensembles plus ou moins structurés d'éléments culturels de bases sont généralement associés à un objet précis en particulier à certains de ces aspects. C'est ainsi, qu'on parlera de représentation sociale d'un médicament efficace ou d'un hôpital fiable. La représentation sociale est plus que la somme des images mentales individuelles en tant que « système cognitif qui a une logique et un langage particulier et une structure d'implication qui porte au tant sur les valeurs que sur des concepts». La représentation sociale est le produit d'un travail collectif d'interprétation et de là de construction de la réalité. En tant que système de croyances, de valeurs et de symboles qui officient de code, les représentations deviennent des langages qui permettent la communication entre les membres d'une même socioculture. Le concept de la maladie apparait comme une qualité inférieure de la vie qw s'apparente à la mort. Celui- ci renvoie également à la non-conformité de l'individu aux normes et aux valeurs en vigueur dans son environnement socioculturel. Elle est le dysfonctionnement de l'organisme qui se traduit par des signes visibles (vomissement, grippe, fièvre, rhume, incapacité de mouvements), lequel dysfonctionnement est lié à un agent pathogène (microbe). La maladie est aussi attribuée à tous les esprits du monde visible qui participent non seulement au maintien de la santé mais aussi à sa détérioration (génies, ancêtres). De façon spéciale l'homme concourt à sa maladie par ses actions : respect religieux des ordonnances qui lui assurent la bénédiction. La maladie est aussi une marginalisation sociale; quand l'individu n'est pas intégré dans son groupe social, dans sa communauté. De ce qui précède nous pouvons dire que se sont les représentations sociales du couple santé/ maladie qui déterminent les attitudes et les comportements des individus. En clair la fréquentation des structures sanitaires par les populations est fonction des représentations que les bénéficiaires se font de la maladie et même des centres de santé. 1-6-Modèle d'analyse Il englobe la présentation du cadre conceptuel, le modèle d'intégration des approches, la description des facteurs à utiliser et le mode d'intégration des données. Comme l'écrit Quivy et Campenahoudt (1995 :107) l'action ici est de: « Traduire dans un langage et sous des formes qui les rendent propres à guider le travail systématique de collecte et d'analyse des données d'observation ou

30 d'expérimentation qui doit suivre » .

1-6-1- Présentation du cadre conceptuel L'hypothèse met en relation la fréguentation des structures sanitaires et les représentations sociales que les populations se font de la maladie d'une part et d'autre part leur expérience des structures sanitaires qui constituent des éléments de base de fréquentation des centres de santé. S'agissant de la fréquentation des centres de santé, il faut noter gue l'ensemble des actions est fortement marqué par le volet politique. Du point de vue politique la convergence des actions est tributaire d'une longue concertation entre les différentes sphères du pouvoir local. Il s'agit des leaders d'opinions comme les chefs de clans, le chef de terre, les guides religieux mais aussi des cadres des différents villages dont la contribution est attendue dans la réalisation des différents projets. En d'autres termes toute action communautaire (construction d'écoles , de marchés, d'églises, de mosguées, de centres de santé ... ) doit faire l'objet d'un large consensus entre chefs et cadres du village concerné afin de lui éviter à postériori des conséquences dont les effets seront dévastateurs pour le reste de la communauté. Rappelons tout de même gue l'ensemble de ces actions se déroulent dans le cadre des mutuelles de développement instauré depuis quelques temps dans les villages sous l'injonction de l'Etat. Concernant la sous-fréquentation, elle est également marquée par la situation géographique.

30 Quivy, R, & Campenoudr (L., V.) (1995) manuel de recherche en sciences sociales. Paris :Dunod, 2,·mc édition P. 107. 40

Il y a des obstacles naturels (rivières, cours d'eau, marigots ... ) qw constituent une des raisons sociales de cette sous-fréquentation des centres de santé. Cela est perceptible lorsque l'on franchit le portail d'entrée des centres de santé. Il y règne très souvent ce qu'il est convenu d'appeler un calme de cimetière à travers les lits presqu'inoccupés, les salles d'attente et de consultations quasi vides. Quand on met tout de même la sous-fréquentation en rapport avec l'institution sanitaire, il ressort qu'elle est beaucoup influencée par un certain nombre d'indicateurs entre autres ; la surévaluation du coût de traitement pour tout malade ce qui irrite une partie de la population. En dehors de ce fait le manque d'engagement, de dévouement, de ponctualité chez les praticiens trouve un écho chez les populations qui ne voient pas d'intérêt à fréquenter les centres de santé. Le tout est ponctué de façon constante à l'imposition d'une forme de racket lors du colloque -singulier, « pourboire » souvent réclamé à la suite d'une consultation de façon déguisée ou insidieuse. Le fonctionnement de l'institution sanitaire dans ses rapports avec la population constitue un des éléments de l'évitement couronné par le manque de visite à domicile des prestataires aux populations alors gue nous sommes dans des villages.

Du point de vue historique, la plupart de ces populations, malgré la présence de la médecine moderne, est encore attachée à la médecine d'origine africaine. La survenue d'une maladie est un coup dur non seulement pour le malade, mais aussi pour son entourage. La maladie immobilise le malade ce gui handicape l'entourage car le fait qu'un maillon de la chaîne soit interrompu, affecte l'ensemble de cette chaîne. La maladie est ainsi vécue comme une sanction, une «parjure» contre celui qui en est atteint. La communauté étant rattachée au rapport avec le surnaturel et des dieux en qui elle voue un culte. Pour le rétablissement de la guérison, il faut interroger le passé récent ou lointain du malade, à travers ces différents agissements (débauche de tout genre, adultère, infidélité, vol, manque aux rituels communautaires, non respect des aînés ... ). Ainsi c'est suite à une série d'actions ou de rites que finalement ce dernier 41

recouvrera la santé ou mourra si la faute est jugée trop grave par les intermédiaires de l'autorité surnaturelle (devin, guérisseur). Tout ceci participe de l'histoire de la communauté et de son dynamisme. Les autres éléments qui accompagnent cette mise en relation des termes clés de notre hypothèse seront présentés sociologiquement de la façon suivante: La fréquentation implique trois dimensions (relationnelle, symbolique et idéologique)

• Au plan structurel C'est la relation soignant-soigné.

• Au plan idéologique Ce sont les systèmes de représentation, mythe, légende, les perceptions des populations des centres de santé.

• Au plan symbolique C'est le fait de venir dans un centre de santé pour se faire soigner ou suivre les pratiques, les traitements.

Quant à la représentation sociale, elle implique aussi trois dimensions (structurelle, idéologique, symbolique). • Au plan structurel Ce sont les relations et interaction qu'implique la fréquentation : relation entre médecin et malade, relation entre médecine africaine et médecine moderne. • Au plan idéologique Ce sont les représentations sociales, les croyances, mythes pour justifier la fréquentation ou la non fréquentation des centres de santé. • Au plan symbolique C'est le fait de fréquenter le centre de santé.

1-6-2- Mode d'intégration des approches L'analyse des perceptions des populations des infrastructures sanitaires nécessite l'intervention de plusieurs disciplines entre autre, la sociologie, l'anthropologie, la psychanalyse, la biologie, la psychiatrie, l'ethnopsychiatrie. 42

Mais cette étude s'inscrit dans la sociologie de la santé. Elle a pour avantage non seulement d'éclairer les comportements sociaux à partir de l'environnement socioculturel des populations, mais aussi de cerner les mécanismes de fonctionnement des structures de soins pour en détecter les limites. Telle est l'implication de notre étude qui en dégageant la construction des différents rapports sociaux qu'entretiennent les populations précisément celle de Tanda avec l'implantation de ces structures sanitaires déterminent les obstacles à la fréguentation des centres de santé et expliquent à la fois les logiques d'itinéraires thérapeutiques , la représentation des structures sanitaires modernes chez ces populations, ainsi que les rapports qu'entretiennent les prestataires de soins et les patients . Après le mode d'intégration des approches, il serait intéressant de décrire les facteurs à utiliser.

1-6-3- Description des facteurs à utiliser Pour rendre opératoire notre hypothèse, nous avons utilisé des facteurs tels que:

- La représentation de la maladie et de la santé chez les populations ; - Les itinéraires thérapeutiques des malades puisque ces itinéraires sont enveloppés dans leurs représentations; - Les logiques de construction de centres de santé modernes car elles dégagent les idéologies qui sous-tendent leur réalisation ; - Les obstacles à la fréquentation des centres de santé moderne malgré une prolifération de ceux-ci dans la région de Tanda. Cet ensemble de facteurs est à observer, analyser et interpréter dans l'espace géographique de la sous-préfecture.

1-6-4- Mode d'interprétation des données

Le schéma d'analyse se réfère principalement ici à la méthode qualitative dont l'analyse stratégique de Michel Crozier et Freiberg. 43

Chapitre II : Methodologie de l'étude

Le champ de l'étude se présente à deux niveaux: Le champ géographique et le champ social. C'est le lieu de préciser et de donner les raisons du choix de la zone d'enquête d'une part et les populations données d'autre part

11-1- Champ géographique Situé dans la région du Zanzan au Nord -Est de la Côte d'Ivoire, le département de Tanda compte 228 000 habitants et est reparti en six sous• préfectures que sont: Assuéfry, Koumassi-Datékro, Koun-fao, , Tankessé et Tanda. Localisé à l'interférence de la forêt et de la savane ce département s'étend sur une superficie de 6292 km2 soit environ 16,51 % du territoire régional et 1,95% du territoire nationale. Composé principalement des groupes ethnoculturels Koulango, Agni, Abron, il est délimité au sud par les départements de Daoukro et Agnibilékro à l'Ouest par les départements de M'Bahiakro, au Nord par le département de Bondoukou et à l'Est par le Ghana. Créée le 3 septembre 1971, la sous préfecture de Tanda compte aujourd'hui une population de 70 126 Habitants (RGPH 1998) réparti en75 localités (y compris le chef lieu). Devenue commune depuis 1985, elle compte 23 824 habitants en 1998 et s'étend sur une superficie de 159 km", soit une densité de 84 habitants au km''.

11-2-Champ social

Nous nous proposons d'étudier les problèmes liés à la fréquentation des centres de santé dans la sous-préfecture de Tanda. Dans cette optique, nous avons interrogé les populations locales qui se sont rendues dans les formations sanitaires pour se faire soigner. L'intérêt de ce critère réside dans le fait que nous attendons de ces malades le feed-back thérapeutique de la nature de la relation soignant-soigné. Pour des malades mineurs nous avons interrogé leur accompagnant. Quand il est majeur et peut s'exprimer le guide d'entretien s'adresse directement à lui. S'il s'agit d'un malade adulte qw ne peut pas 44

s'exprimer, le guide s'adresse directement à son accompagnant. Ainsi donc pour une meilleure compréhension des données que nous avons tenté de recueillir sur le terrain, notre population cible se définit comme suit : Les populations parce que l'étude porte sur eux pour savoir leurs décisions de fréquenter les sttuctures hospitalières.

ux agents de l'administration; car ils sont impliqués dans l'accueil, dans l'organisation et la mise en œuvre du circuit du malade des procédures administratives associées aux consultations médicales et participent de ce fait avec le personnel médical à la construction des rapports entre le malade et l'hôpital.

Aux tradi-praticiens parce que beaucoup visités par la population ; par conséquent ils nous permettront de vérifier certaines informations concernant les malades qui empruntent cet itinéraire thérapeutique. Aux chefs de quartiers et présidents d'association ou mutuelles de développement car ils sont censés apporter certaines informations sur leurs différents membres. Au président du COGES de santé par son implication à la gestion des centres de santé, peut nous fournir des informations les concernant. ux collectivités locales (mairie, conseil général) parce qu' en tant qu'acteur et « soucieux» du développement de la localité peuvent nous apporter des informations afférant à leur logique de développement. Aussi avons-nous visité certains centres de santé Ghanéenne. De par sa proximité avec le Ghana, les populations de notre localité d'étude désertent les centres de santé ivoirienne pour s'y rendre. D'où le constat d'un exode sanitaire. Dès lors la visite des centres de santé de Drobo, Kwamseikrum et Gonsua proches de la région de Tanda, nous permet de recueillir les logiques qui fondent le déplacement des populations vers ces centres. Il faut souligner que la localité de Tanda sous-préfecture comporte 16 structures sanitaires dont un hôpital général. Les quinze (15) autres centres se trouvent en zone rurale. Et donc pour une « meilleure » appréciation de nos 45

données, nous avons retenu treize (13) centres de santé sur les quinze (15) situés au périphérique de Tanda, Nous avons retenu treize (13) centres de santé car au moment où nous menions l'enquête, trois (03) centres de santé n'étaient pas fonctionnels. Les treize centres de santé ont été sélectionnés suivant des critères que nous avons définis. La première catégorie concerne ceux dont la fréquentation est forte, la seconde concerne le niveau intermédiaire c'est-à-dire les centres de santé gui ont une fréquentation moyenne. La dernière catégorie est relative à ceux dont la fréquentation est faible. Cependant parmi ces treize (13) localités choisies, il ya trois (03) localités en dehors de celles gui en possèdent .S'agissant des malades, pour la période allant du 1 l octobre 2006 au 30 mars 2007, nous avons interrogés trente (30) malades clans tous les centres de santé des treize (13) localités. Le choix de cette période se justifie par le fait gue selon les prestataires de soin moderne, c'est à cette période que les populations tombent beaucoup malades.Sur les trente (30) malades interrogés, Huit (08) malades ont été retenus à l'hôpital général de Tanda. Les autres malades interrogés sont des malades hospitalisés ou non hospitalisés. Soit en ville, soit dans les villages. Ils sont au nombre de vingt cieux (22). Neuf (09) autres personnes enquêtées sont des représentants des communautés de gestion et de certains dignitaires des différents villages. Quant aux tradi-praticiens ceux que nous avons retenus sont aux nombres de trois (03). Ceux-ci ont été retenus en fonction de leur popularité et leur proximité du centre ville. Il convient de noter qu'à Tanda les tradi-praticiens sont dispersés et il n'existe pas une lisibilité statistique de ceux-ci. C'est pourquoi nous avons porté notre choix sur les critères définis ci-dessus. A ceux là s'ajoute le personnel soignant ou administratif des centres de santé. Ils sont au nombre de neuf (09).Quant aux personnels soignant et administrative y cornpns les traclipraticiens, ils sont au nombre de douze(12). En somme la population gui compose les malades, les non malades, les tradipraticiens et les leaders d'opinion s'estiment à cinquante et un (51) 4b

personnes. Ces personnes ont été sélectionnées selon un échantillon en boule de neige ou par réseau qui consiste à choisir un noyau d'individu (des personnes) considéré comme influents par exemple. Bien entendu noyau auquel on ajoute tous ceux qui sont en relation avec eux et ainsi de suite. ous considérons cet échantillon comme code au départ pour notre enquête.

11-3-Pré-enquête Elle a été un passage qui a couvert notre localité d'étude. ussi a-t-elle permis d'abord d'observer directement les activités de la médecine moderne et de la médecine traditionnelle présentes dans la localité, de nous familiariser à notre sujet et de mieux comprendre le phénomène. Afin de rendre opérationnel notre hypothèse centrale un guide d'entretien destiné aux leaders d'opinion, aux populations, aux tradipraticiens, aux prestataires de soins et aux malades a été conçu. Il s'agissait pour nous d'avoir la perception des acteurs impliqués non seulement dans la construction des édifices publics mais aussi de leur organisation et des problèmes gui pourraient submergés entre prestataires de soins et usagers.

11-4-Techniques de collectes des données Les enquêtes ont été menées essentiellement à partir de méthodes qualitatives : entretiens observations, étude de cas. En effet, l'étude des recours aux soins exige une fine analyse des trajectoires thérapeutiques, de la représentation de la maladie, de la santé, des rapports de forces noués et vécus aussi bien dans la famille du malade que dans son entourage extra, des relations entre patients et thérapeutes ; l'identification des types de recours et surtout leur caractérisation exige des descriptions gui ont été faites à partir d'entretiens et observations. En plus, la compréhension des enjeux sociaux liés à la recherche de la guérison requiert de cerner l'ensemble des éléments gui définissent la situation globale du malade dans ses rapports avec les personnes susceptibles d'orienter ce choix. Seul un recueil d'informations qualitatives prenant en compte des dynamiques sociales relatives à la situation du malade peut aboutir 47 aux résultats escomptés.

11-4-1- Entretiens Les acteurs concernés de façon générale sont les malades et présidents d'associations, le personnel médical et administratif, les tradi-praticiens. Au niveau des malades et présidents d'associations l'entretien vise à cerner leurs représentations de la maladie, leurs rapports avec le personnel soignant, leurs stratégies thérapeutiques et leurs perceptions des institutions sanitaires modernes. Le second entretien avec le personnel soignant et administratif nous a permis de recueillir des données statistiques et démographiques concernant le taux de fréquentation, la distribution spatiale des institutions sanitaires dans la localité, leurs rapports avec les malades ainsi que les différentes stratégies élaborées pour favoriser la fréquentation des institutions sanitaires. Quant aux tradi-praticiens pour avoir des informations pour lesquelles les populations ont recours à eux : les maladies pour lesquelles ils sont sollicités, leurs rapports avec les malades, leurs perceptions de la médecine moderne et les différentes actions élaborées par ceux-ci dans le cadre de leur maintien. En vue de comparer ce gui a été dit et le non dit, nous avons eu recours à l'observation.

11-4-2- Observation

L'observation est l'une des techniques de collecte des données par excellence en sciences sociales. Elle aide à la collecte des informations et des données que la simple perception de l'environnement physique et social permet de constater et contribue à combler le déficit des informations de l'enquête. Elle a consisté la première démarche de notre étude. Une visite exploratoire effectuée à travers quelques localités de la sous-préfecture de Tanda nous a permis d'apprécier l'ampleur du phénomène et de situer les jours et les heures les mieux indiquées pour l'enquête.

La seconde phase de l'observation a lieu au fur et à mesure du déroulement de l'enquête. L'observation comprend : l'observation directe qui amène à attacher une attention particulière 48

aux gestes, comportements, discours et aux cadres de vie des enquêtés;

l'observation participante qui nous amène à nous fondre à la population bénéficiaire des centres de santé pour vivre et déceler les réalités sociales, culturelles, idéologiques et mêmes économiques liées au phénomène de la non fréquentation des centres de santé dans ladite sous-préfecture. L'observation nous a été d'un grand apport pour la collecte des informations et des données de notre thèse.

11-4-3- Recherche documentaire Elle comprend la documentation écrite et la documentation orale. La première renvoie à des sources d'information déjà existantes. Il s'agit des données relatives aux différents facteurs permettant d'expliquer le phénomène étudié et qui sont consignés dans les documents d'enquête ou d'études déjà menées, des documents d'archives ou des statistiques administratives, des publications. A ce niveau, le recueil s'est fait dans les ministères, les centres de documentation, les bibliothèques et sur internet. Nous avons consulté les documents suivants :

au plan biomédical, nous avons consulté des documents des structures médicales nouvelles (santé communautaire) et anciennes (pharmacies) relatifs à la remise en cause de la manière d'envisager les problèmes sanitaires ;

au plan anthropologique, la lecture a porté sur les représentations de la maladie, de la santé en milieu traditionnel africain de manière générale et chez les ivoiriens en particulier ;

au plan psychologique, nous sommes essentiellement orientés vers la « théorie de l'action». Il a été question d'appréhender les stimuli généralement favorables aux comportements collectifs de laisser aller au gré des évènements et les comportements de décisions fondamentales. La 49

seconde qu'est l'oralité nous a été d'un apport « précieux» dans la mesure où nous allons travailler dans un milieu traditionnel. Pour ce faire, nous avons utilisé la méthode semi directive. Pour réussir ces actions, il faut que nous participions régulièrement à la vie quotidienne des activités villageoises afin de mieux nous imprégner de leurs réalités. Au cours de cette phase de notre étude, allons-nous faire usage de la photographie, afin de mieux illustrer nos propos. Nous utiliserons le magnétophone afin d recueillir l'ensemble des informations qui nous servirons dans la phase de la rédaction. Qu'en est-il des techniques de collecte des données ?

11-5-Méthodes d'analyse La technique des entretiens semi-directifs nous impose un dépouillement manuel et une analyse de contenu des informations recueillies. Ici l'analyse de contenu choisi est l'analyse thématique. Cette analyse met en arrière plan la cohérence singulière de l'entretien, cherche une cohérence thématique inter• entretiens. La manipulation thématique consiste alors à mettre ensemble les éléments signifiants qui détruisent par ricochet l'architecture cogrut:1.ve et affective des personnes singulières. Pour notre part, elle a consisté à regrouper les informations selon les thèmes des guides d'entretien. D'abord, nous avons cherché à transcrire exactement les informations collectées. Ensuite, nous sommes passés à la compréhension logique du texte en relevant les mots qui y apparaissent fréquernment. Enfin, nous avons procédé à une classification des informations en fonction des problèmes abordés. De ce dépouillement des informations colletées sur le terrain, il ressort des conclusions que la troisième partie de notre étude se propose de les présenter.

Pour rendre compte de notre objet d'étude, une théorie a été mobilisée notamment l'analyse stratégique de Michel Crozier et de Freiberg. su

11-6- Perspective theorique

Pour rendre compte de nos données, nous avons convoquez l'analyse stratégique. Cette analyse de Michel Crozier et Freiberg (1991] , 1992)1 met l'accent sur la compréhension des relations entre acteurs interdépendants. Mais cela d'après eux se situe à trois niveaux. D'abord le système d'action concret qui est un ensemble de jeux structurés entre des acteurs interdépendants, dont les intérêts peuvent être divergents voir contradictoires.

Ensuite les règles constituent autant de contraintes que des zones d'incertitudes où les individus tirent leur marge de manœuvre.

Enfin, l'étude des relations de pouvoir d'après eux permet de dégager des stratégies d'acteurs relativement stables. La stratégie des acteurs représente leur position, leur parti dans le jeu. Les stratégies des acteurs sont fonction de leurs intérêts mais aussi de leurs ressources. De façon concrète cette théorie nous permettra de voir les relations entre les populations et les institutions traditionnelles. Et comment par l'avènement d'institutions modernes (centres de santé) a déstructuré les rapports socio-historiques des populations en question .Aussi nous permettra-t-elle de voir les stratégies que les différents acteurs sociaux mettent en place soit pour se posinonner ou se repositionner en cherchant à reproduire les rapports socio historiques. Mais cela passe par la mobilisation de certaines ressources telles les infrastructures sanitaires gui va matérialiser une autonomie dans l'accès aux centres de santé ou aux soins médicaux. 51

Deuxième partie :

LES FACTEURS D'EMERGENCE DES CENTRES DE SANTE 52

Chapitre I: Présentation du cadre de l'étude

La région de Tanda par rapport aux autres localités du Zanzan, a w1 réseau hydraulique plus ou moins dense dominé par la Comoé et ses affluents ainsi gue la volta noire. La végétation s'insère dans la zone forestière. Depuis l'introduction des cultures d'exportation dans notre pays du fait de la colonisation, cette zone semi forestière était productrice du binôme café-cacao. Selon certaines sources orales, la région de Tanda a été la première boucle du café-cacao de Côte d'Ivoire des années 1963 à 1970. Durant cette période les populations avec un pouvoir d'achat relativement élevé ont fait des réalisations notamment la construction d'écoles primaires publiques, de maisons de type moderne et surtout la construction de centres de santé.

1-1-Les caractéristiques physiques, sociodémographiques et économiques de la région 1-1-1-Caractéristiques physiques 1-1-1-1-Le cadre physique Située dans la région de Zanzan, au Nord-est de la Côte d'Ivoire, la ville de Tanda est le chef du département du même nom, ceci depuis le 17J anvier 1985. Cette région composée de trois départements (Tanda-Bondoukou-Bouna) est comprise entre les départements d'Agnibilekro (région Est), Daoukro et M'Bahiakro (région Centre-Est), Dabakala et Ferkessédougou(région Nord). Elle est limitée par le Burkina-Faso au Nord et par le Ghana à l'Est. Localisée à l'interface de la forêt et la savane, cette région s'étend sur 38098 km2, soit environ 11,82% du territoire national. Le département de Tanda, avec ses 228820 habitants compte six sous• préfectures (Assuefry, Kouassi-Datekro, Koun-Fao, Transua, Tankesse et Tanda). Composé principalement des groupes ethnoculturels Koulango, Agni et Abron, il est délimité au Sud par les départements de Daoukro et Agnibilekro, à l'Ouest par le département de M'Bahiakro, au Nord par le département de Bondoukou et à l'Est par le Ghana. 53

Le département de Tanda s'étend sur une superficie de 6292km2, soit environ 16,51 % du territoire régional et 1,95% du territoire national. Créé le 03 Septembre 1961, la Sous-préfecture de Tanda, notre localité d'étude compte aujourd'hui une population de 63055 habitants (RGPH 1998) répartie en 75

localités (y compris le chef lieu). Cette Sous-préfecture s'étend sur 1625km2, soit 0,5% du territoire national avant l'érection de Tiédio et en chef-lieu de sous-préfecture. Elle est limitée : au Nord par les sous-préfectures d'Amanvi, de Gouméré et de . Au Sud, elle fait frontière avec la sous-préfecture de Koun-fao. A l'Est par les sous-préfectures de Transua et d'Assuéfry. A l'Ouest se trouvent les sous-préfectures de Kouassi-Datekro et de Tiédio. Il est à noter que Tanda se trouve à 370 km d'Abidjan, la capitale économique, sur l'axe bitumé Abidjan-Bouna et à 50 km de Bondoukou, son chef-lieu de région.

1-1-1-2- Le relief Comme la majeure partie du pays, le relief du Nord-Est est constitué de plateau aux pentes douces. A L'échelle régionale, les altitudes varient entre 200 et 600m. Au niveau départemental, ce relief de type collinaire avec des plaines alluviales et de plateau latéritiques varie entre 300 et 600m. Ces collines forment avec les vallées étroites et peu profondes un paysage contrasté. A l'Est de la sous-préfecture d'Assuefry, le relief est accidenté et présente d'importantes érosions.

1-1-1-3- La végétation Elle s'insère dans la zone forestière de la région Nord-Est en dessous de la ligne Denguélé-Bondoukou. C'est la zone la plus peuplée de la région. Le peuplement se caractérise par de gros villages comme Gouméré, Tankéssé, Koria, Kokornian, Tiédio etc. Elle présente deux paysages : A l'extrême Sud, on a un paysage de forêt secondaire fortement dégradé par les activités agricoles et les feux de brousses. Les activités humaines et la sécheresse entrainent une savanisation de la zone. Quoi qu'il en soit, c'est le domaine de l'arboriculture cacaoyère et caféière. 54

La partie ord est une zone de transition foret-savane associant cultures pérennes dans les forêts et cultures annuelles (taro, igname, manioc) sur les plateaux. Ici aussi, comme ailleurs, le paysage connaît une modification avec les feux de brousse et la sécheresse. La savane arborée se transforme en savane plus ou moins herbeuse. C'est dans ce dernier paysage cité que s'inscrit Tanda. L'exploitation du bois touche l'ensemble de cette zone forestière. C'est l'une des raisons ou non des moindres de la délégation du couvert forestier. dire vrai, c'est une dizaine d'entreprises qui exploitent de façon abusive le patrimoine forestier. Malheureusement, le reboisement du périmètre exploité n'est pas effectué, les exploitants ne respectant pas toujours leurs promesses. A l'évidence, le bois se raréfie. Le volume de billes de bois exploité en 2000(80924,952 m3) est en baisse de 14,4% par rapport à celui de 1999(93396,917 m3).

1-1-1-4-Le climat

Situé dans la zone Soudano-Guinéenne, le département de Tanda a un climat chaud et sec comportant quatre saisons : - une grande saison de pluie de Mars à Juin;

- un ralentissement des précipitations de Juillet à 1\out; - une petite saison des pluies de Septembre à Octobre, plus régulière que la première;

- et une saison sèche marquée de Novembre à Février avec une période d'harmattan. Les températures élevées toute l'année ont une moyenne annuelle de 26°C. Elles peuvent atteindre 37°C en saison sèche. Le département est relativement peu arrosé. Il a enregistré seulement 734,7 mm de pluie en 46 jours en 2000, contre 1210,3 mm en 70 jours l'année précédente soit une différence de 475,6 mm de pluie. Cette irrégularité des précipitations est encore plus marquée entre les années: 1994(666,4 mm de pluie) et 1995 (1239,5 mm) soit une différente de 573,31 mm de pluie. 55

Tableau n° 1 : Pluviométrie au cours des dix dernières années (hauteur de pluie enmm)

1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 s ~ Janvier - 3,4 - 2,3 - 22,2 - - 5,5(1 )* 26,9 (2) Février 77,8 55,3 34,1 19,3 43,3 27,9 - 15,5 54,2 (3) - Mars 77,0 20,2 112,0 84,2 90,7 40,5 - 6,5 102,6 (5) 56,4 (5) Avril 102,3 189,7 90,6 116,4 260,7 106,5 81,0 75,5 125,7 (6) 108,8 (8) Mai 203,6 81,3 143,6 84,0 246,5 239,5 164,1 130,6 129,6 (5) 77,6 (7) Juin 70,4 97,3 117,9 67,3 60,0 195,4 182,2 260,2 234,0 (11) 159,3 (6) Juillet 160,2 60,2 29,3 - 77,6 98,2 128,0 23,2 115,6 (10) 52,3 (1) Août 93,1 5,7 85,8 45,1 56,7 200,8 99,2 178,7 94,3 (6) 79,1 (6) Septembre 91,5 120,7 192,9 89,1 212,9 71,8 53,7 86,8 135,3 (7) 107,9 (6) Octobre 60,0 97,3 133,5 133,4 142,5 162,5 120,5 129,9 156,1 (12) 66,4 (5) Novembre - 56,6 53,5 25,3 35,9 - 11,4 33,9 57,3 (3) -

Décembre - - - - 12,7 - - 7,2 - - Cumul 945,8 890,6 992,9 666,4 1239,5 1165,4 840,1 948,0 1210,3 (70) 734,7(46) annuel

Source : Préfecture de Tanda

Tableau n°2 : Données pluviométriques de 1992 à 2001 dans le département de Tanda

Années 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 Hauteur moyenne de 890,6 992,9 666,4 1239,5 1165,4 840,1 948,0 1210,3 734,7 867,5 pluie (mm)

Source: Direction départementale de l'agriculture de Tanda Sb

Les années 199 5 etl 996 ont enregistré une meilleure pluviométrie car les hauteurs moyennes de pluie cadrent bien avec la moyenne normale qui se situe autour de 1100-1200 mm de pluie: cette pluviométrie a permis aux paysans d'améliorer leurs productions agricoles. Par contre les autres années sont en deçà de la moyenne normale. A la fin de l'an 2000 (Novembre et Décembre) et au début de l'année 2001 0 anvier et Février), aucune goutte de pluie n'a été enregistrée. Devant cette fluctuation ou instabilité des précipitations, la maitrise de l'eau, par des aménagements hydro agricoles, est nécessaire.

1-1-1-5- L'hydrographie La région du Zanzan est comprise entre les fleuves Comoé à l'ouest et la Volta Noire à l'est. Le territoire est donc un interfluve avec des plaines alluviales. De nombreux affluents de ces deux grands fleuves parcourent la région, lui donnant ainsi l'aspect d'un pays innervé de manière satisfaisante par le réseau hydrographique. Parmi les affluents de la Volta Noire, on a du sud au nord la rivière Tain, dont le nom évoque la défaite et la disparition du roi Kwadio dingra Kouman, qui prend sa source entre Bondoukou et Sampa ; le Kohodio, grossi du Zola, qui draine les confins septentrionaux du pays. Quant aux affluents du Comoé, on peut citer le Ba qui prend sa source dans l'actuel Ghana au nord-est de J apekrom, reçoit sur sa gauche l'Ifou et sur sa droite le Bayakokore, elle-même accrue de la Baya. Le Ba arrose donc, d'est en ouest, le sud du pays pour se jeter dans le Comoé presqu'à la croisée des départements de Tanda, d'Agnibilékrou et de Daoukro. Le Dioré formé par la fusion d'une autre Baya (Bayablé) qui traverse la région de , et le Nenguéré, limite nord• ouest du peuplement abron. Entre les deux bassins, la ligne de partage des eaux est marquée par la colline de Siago, les monts Zanzan et les plateaux de Sapli et de Kiendi. Le régime de ces cours d'eau varie avec les saisons ; tandis qu'ils sont réduits à un mince ruissellement pendant la saison sèche, leur débit augmente considérablement sitôt qu'arrivent les pluies. Ces fluctuations sont encore plus accusées dans le cas des innombrables marigots qui complètent le réseau orographique de la contrée. Tanda conserve le même réseau hydrographique --- 57

régional. Le réseau hydrographique de Tanda est dans l'ensemble satisfaisant, avec de nombreux affluents de la Comoé et de la volta. Trois importants affluents de la moyenne Comoé (la baya, le bah et le n'djoré) arrosent le département de Tanda. Aussi est-il traversé par de petites rivières qui tarissent généralement en saison sèche.

1-1-1-6- Les sols Les sols de valeurs agronomiques du Nord-Est ne couvrent guère qu'un quart de la superficie totale régionale. Ce sont les sols ferralitiques moyennement dénaturés, peu profonds ou peu gravillonnaires et les sols ferrugineux gravillonnaires qu'on rencontre dans les zones de Nassian, Sandégué et Tanda. Ce sont souvent des associations de sols ferralitiques remaniés sur granites et des sols bruns eutrophies tropicaux. Ces sols ont de bonnes propriétés physiques. Dans le détail, les sols sont généralement gravillonnaires dans la partie Sud forestière du département à la limite de Koun-fao et Transua. De cette limite au territoire sous-préfectoral de Kouassi-Datékro, ils sont indurés et peu profonds. Par contre, les sous-préfectures d'assuefry dans sa partie Ouest et de Tanda présentent des sols profonds et/ ou peu gravillonnaires sur les plateaux. Ces sols sont généralement ferralitiques à texture légère (sableuse et peu sable-argileuse) avec un faible pouvoir de rétention en eau. Lessivés, ils sont acides. La culture même des plantes à cycle court est aléatoire. Dans les bas-fonds, les sols présentent une meilleure fertilité avec un minimum de drainage et une texture plus argileuse. Du point de vue pédologique, Tanda présente les meilleurs sols de la région. Il est attesté, la présence de grès, de schiste, d'argile ainsi que les roches basiques et granitoïdes. 58

1-2-Aspects socio-historiques 1-2-1-Tanda: Chef-lieu de département La circonscription de Tanda faisait partie pendant plusieurs années, de l'administration de l'ancienne subdivision centrale de l'ancien cercle de Bondoukou créé le 31 Juillet 1899.

En 1958, cette circonscription administrative a été érigée en subdivision, avec Tanda comme chef-lieu par l'arrêté n°289 /INT /CC du 8 Mars 1958. Il s'agissait pour l'administration coloniale d'exercer un contrôle sur les Chefs Abron.

Avec l'accession de la Côte d'Ivoire à l'indépendance, cette subdivision prend le nom de Sous-préfecture du département de Bondoukou par le décret

11°61-16 du 03 Janvier 1961 avec une superficie de 2610 Km2. Le décret 11°67-234 du 02 Juin 1967 modifie le ressort territorial de cette circonscription adrninistrative et crée les Sous-préfectures de Koun-Fao et du

Yakassé-Bini (gui devient Kouassi-Datékro), par décret 11°70-612 du 14 Octobre 1970.

La loi 11°65-1086 du 17 Octobre 1985 crée le département, par scission avec Bondoukou, avec Chef-lieu Tanda. Le décret 11°86-1021 du 24 Septembre morcelle la circonscription de Tanda gui donne naissance à deux nouvelles Sous• préfectures : Assuéfry et Transua. Aussi la circonscription sera-t-elle encore morcelée avec la création de la Sous-préfecture de Tankessé par décret 11°97-18 du 15Janvier 1997.

Tanda, Chef-lieu du département compte aujourd'hui six (6) Sous•

2 préfectures sur une superficie de 6292 Km . Avec la création de plusieurs Sous• préfectures, le ressort territorial de la Sous-préfecture de Tanda s'est considérablement réduit. Le problème majeur ici est la mise en concurrence des Sous-préfectures créées, ce gui prive Tanda (premier Chef-lieu de Sous• préfecture de l'actuel département) d'assiette géographigue, démographigue et économique capable de lui donner un poids important. 5~

1-2-2-Tanda : du Chef-lieu de département à une collectivité décentralisée Le mouvement de communalisation entrepris depuis 1980 par l'Etat dans le cadre de la décentralisation a atteint la localité de Tanda cinq ans plus tard. La commune de Tanda est donc créée avec une administration décentralisée par la loi 11°85-1085 du 17 Octobre 1985. Actuellement onze villages sont rattachés au périmètre communal. Ainsi, la commune comprend-t-elle douze localités dont

Tanda. Le territoire communal couvre une superficie de 159 Km2 pour une

population de 23.507 habitants soit une densité d'environ 148 habitants au Km2. De nouveaux acteurs sont apparus dans le développement de Tanda. Ce sont la municipalité (le Maire et ses Adjoints) et les Conseillers Municipaux. Ces acteurs ont la compétence juridique en matière de gestion quotidienne de la ville.

L'évolution administrative de la localité de Tanda a été rapide en raison du souci du pouvoir central de rapprocher l'administration des administrés. Cette évolution est marquée en 1985 par la création de deux administrations : l'une déconcentrée (la Préfecture), et l'autre décentralisée Oe Maire). Ces différentes administrations permettent à Tanda de renforcer son pouvoir de commandement sur son environnement rural. Tanda gravi presque tous les échelons en matière administrative. Cette fonction administrative gue joue Tanda, est un puissant facteur d'urbanisation car son statut lui donne l'avantage d'abriter certains équipements urbains.

1-3- Les caractéristiques sociodémographiques de la région 1-3-1-Au niveau démographique Le Nord-est avec 701005 sur un espace régional les plus vastes (38300

2 Km ) représente 4,5% de la population nationale. Cette région est l'une des moins peuplées. En effet, sa densité moyenne est de 18,30 habitants au Km2. Cette densité varie selon le lieu ou le département.

Ainsi, le département de Bouna à raison de 8,12 habitants au km2 est véritable vide humain. Quant au département de Tanda, dans la zone forestière, il connaît bU

une densité qui, quand bien même loin de la moyenne nationale, est importante

2 (36,37 habitants au km ). Dans le département de Tanda, la sous-préfecture de Kouassi-Datékro avec 18,8habitants au km2 est à la traîne.

Tableau 11°3 : Répartition de la population départementale par Sous- préfecture

Sous-préfecture Superficie Nombre d'habitants Densité Nombre

(km") 2 Hommes Femmes Total (hab/km ) de villages Tanda 1625 30717 32338 63055 38,8 72 Koun-Fao 967 14024 14033 28057 29 29 Tankessé 1300 23759 24185 47944 36,8 42 Kouassi-Datékro 1510 13554 14887 28441 18,8 35 Assuéfry 469 11994 13036 25030 53,3 27 Transua 551 18044 18044 36293 65,5 45 Total 6422 112092 116728 228820 35,6 250 départemental

Source : Préfecture de Tanda (RGPH 1998)

D'une manière générale, le sous-peuplement du Nord-Est est essentiellement dû aux conditions du milieu physique qui limitent les possibilités agricoles. La pauvreté qui en découle favorise l'émigration des populations surtout jeunes vers les régions du Sud-ouest et dans les villes mieux loties du pays. Ainsi, c'est 20% des hommes entre 15 et 40 ans du département de Bouna qui émigrent. Dans les départements de Bondoukou et de Tanda, ce sont 40% des hommes. Ce mouvement migratoire n'épargne pas les jeunes filles qui ne se font employer comme filles de ménage dans les villes. C'est dans ce contexte peu reluisant que se déroule l'urbanisation de Tanda.

1-3-2- Au niveau de l'urbanisation La population du Zanzan est à majorité rurale. En effet, 86,48% de la population vivent des les villages et campements. Cette région a donc un taux d'urbanisation des plus faibles (13,52%) car la moyenne nationale est de 47%. bl

Ces taux n'atteignent guère 20% dans aucun des trois départements de la région. 15,11 % ; 13,15% et 11,78% respectivement pour Bondoukou, Bouna et Tanda. Le département de Tanda s'illustre par son taux d'urbanisation le plus bas alors qu'il a la densité de la population la plus élevée. En effet, le département de Tanda se caractérise par des centres semi-urbains et de très gros villages. Dans ce département 62 localités ont plus de 1000 habitants. Si l'on considère le critère strictement démographique, seule Tanda mérite l'appellation de ville. Les autres sous-préfectures ne possèdent en fait qu'une population dite rurale. Le milieu urbain est entièrement électrifié et bénéficie d'adduction d'eau potable. Mais le mouvement d'urbanisation demeure quelque peu bloqué par l'absence de nouveaux lotissements dû à la conjoncture socio-économique actuelle.

Tableau 11°4: Population de la région du Zanzan selon le lieu de résidence

Départements Lieu de résidence Taux d'urbanisation (%) Urbain Rural Ensemble Total 94803 606202 701005 13,52 Tanda 26985 201855 228820 11,78 Bondoukou 44335 249081 293416 15,11 Bouna 23503 155266 178769 13,15

Source : RGPH 1998, résultats définitifs

1-4- Les activités économiques 1-4-1- L'agriculture L'agriculture est de loin la principale activité économique régionale. Ce sont plus de 90% de la population qui tire ses ressources de la production agricole. C'est une agriculture qui se caractérise par sa diversité du fait de son appartenance aux deux zones écologiques forêt-savane. Mais les rendements sont aléatoires parce que limités par les conditions naturelles et un faible 62

encadrement de la population paysanne. Faiblement peuplé, enclavé (malgré le bitume qui a atteint Bouna en 1995) et sous-équipé à tous les niveaux, le Nord• est accuse un retard qui en fait la région la plus marginalisée du pays du point de vue économique.

La mission d'aménager le Nord-Estile dernier projet de développement intégré en date) a été confiée à la Compagnie Ivoirienne des Textiles (CIDT).Jusqu'ici, c'est la seule région du pays qui n'avaient pas encore été touchée par les programmes majeurs de développement agricole depuis l'indépendance. Par ailleurs, le premier bilan de l'opération commencée en 1984 a révélé que les vivriers (igname, riz et mais) arrivaient en tête des produits encadrés, le produit exporté (coton) n'écrasant pas les vivriers. Mais ce projet intégré, en dehors de la promotion d'activités agricoles, des actions en faveur du désenclavement et de l'organisation des paysans en groupement à vocation coopérative à eu une orientation purement agricole. Pour ce faire, ni l'habitat, ni l'industrie, ni l'artisanat n'ont été pris en compte. Les techniques culturales restent dans L'ensemble traditionnel. On y pratique une agriculture extensive et itinérante.

1-4-1-1- Les cultures d'exportation Les cultures d'exportation ont nettement régressé et ne peuvent plus assurer aux pays des revenus consistants. Les productions de café et de cacao sont infimes et les plantations vieilles. La cacaoyère régionale représente 4% des superficies nationales et 2,5% de la production nationale tandis que la caféière, elle, 8% des superficies et 1,3% de la production. L'anacarde et le roucou sont sans nul doute les produits d'exportation et de reconversion. b3

Tableau n°5 : Statistiques de production en 2000 Spéculations CAFE CACAO ANACARDE SUP Product. Sous- CE CE SUP Product. SUP Product. (ha) CE Préfectures (I) (ha) (I) (ha) (I) Tanda 1135 2557 767 319 566 170 2382 2734 547 Transua 1365 2441 723 1688 5097 1529 244 402 81 Assuéfry 354 159 48 3196 566 170 381 690 138 Koun-Fao 185 167 50 Tankessé 1046 436 131 239 136 28 Kouassi-Datékro 159 142 43 79 115 35 1525 1437 286 Sandégué 61 112 34 .") 3 1 2181 7000 1400 Total 3259 5548 1665 3454 6783 2036 6952 12399 2480

Source: Préfecture, Tanda

N.B. : CE= Chef d'exploitation La culture de l'anacarde intéresse de plus en plus les paysans. C'est une culture adaptée aux conditions climatiques actuelles. De ce fait, les nouvelles créations de superficies d'anacarde prennent le pas sur celles des cultures traditionnelles (café-cacao). Ainsi, ce sont 1532 hectares créés en 2001 contre 169,25 hectares pour le cacao dans le département de Tanda. Cet engouement pour l'anacarde est d'autant plus important que les superficies soient passées de 5399 hectares en 2000 à 7301,75 hectares en 2001 soit une hausse de 35,24%.

1-4-1-2- Les cultures vivrières et maraichères Les cultures vivrières sont calquées sur le milieu naturel. La région du ord-est s'identifie comme la plus grande productrice d'igname surtout dans sa partie savanicole. Cette production d'igname est réputée pour sa bonne qualité. On cultive le maïs, le manioc, le mil et aussi le taro et la banane dans le Sud forestier.

Les cultures maraichères se frayent un chemin. Mais beaucoup reste à faire à ce ruveau. certaines périodes de l'année les marchés du département de Tanda sont approvisionnés par celui d'Agnibilékro. La pratique des cultures maraichères se heurte au problème de la maitrise de l'eau. Tableau n°6 : Statistiques des productions vivrières à l'échelle départementale plus Sandégué en 2000

Spéculations Igname Maïs Manioc Banane Arachide Sous- SUP Produ SUP Produ SUP Produ SUP Produ SUP Produ CE CE CE CE Préfectures (ha) (I) CE (ha) (I) (ha) (I) (ha) (I) (ha) (I) Tanda 3991 2223 22330 2836 1653 1488 2595 1249 18000 369 289 289 1724 535 535 Transua 2663 2114 21140 1669 1366 1230 1140 1001 15015 1262 11760 11760 58 19 19 Assuéfry 892 457 4570 728 451 406 443 200 3000 343 1450 1450 117 61 61 Koun-Fao 2992 2202 22020 1900 1190 1071 Tankessé 1973 893 13395 543 2780 2780 - - -

Kouassi-Datékro 2730 2103 21030 1631 890 801 1158 716 10740 47 230 230 1055 347 347 Sandégué 1980 2488 24880 823 779 701 697 392 5880 13 120 120 - - - Total 15248 11597 115904 9587 6329 5697 8006 4451 66030 2577 19230 19230 2954 962 962 Source : Préfecture, Tanda N.B: CE= Chef d'exploitation 65

1-4-1-3- L'élevage L'élevage devrait aider à augmenter les revenus des agriculteurs, les conditions naturelles étant favorables à cette activité. Mais, ici encore, le cheptel est maigre et les bovins, caprins et volailles souffrent de maladies. L'ANADER (l'Agence Nationale d'Appui au Développement Rural) et le service vétérinaire de la direction départementale de l'agriculture et de la production animale (un seul vétérinaire à Tanda) assurent autant que faire se peut l'encadrement du cheptel. Le département de Tanda comptait en 1997 un effectif total de 7189 têtes reparties entre 2607 bovins encadrés contre 4582 bovins non encadrés.

Tableau n°7: Production bovine

Bovins non Localités Bovins encadrés Total encadrés Tanda 1289 1598 2887 Koun-Fao 1034 978 2012 Kouassi-Datékro - 1481 1481 Assuéfry 179 244 483 Transua 105 281 386 Total 2607 4582 7189

Source: Direction Départementale de !'Agriculture de Tanda ------

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Tableau n° 8: Productions animales en 2000

Spéculation Volaille Bovin Ovin Caprin Porcin traditionnelle Sous- CE EFF CE EFF CE EFF CE EFF CE EFF Préfecture

Tanda 32 948 950 2598 1084 3276 29 616 1957 5628

Transua 30 316 917 2862 57 3549 - - 1097 5847 Assuéfry 23 99 281 897 233 557 1 50 574 2880 Koun-Fao 31 1839 1433 2085 600 1405 2 27 1776 5333 Tankessé Kouassi- 185 454 755 2714 2117 2249 - - 873 3477 Datékro

Sandégué 255 939 254 902 294 1620 - - 394 3388 Total 556 4587 4587 12058 5285 12656 32 693 6671 26552

Source: Préfecture - Tanda

1-4-1-4- L'industrie L'industrie est le parent pauvre de l'économie du Nord-Est. Les unités qui existent sont liées à l'exploitation forestière. A ce titre, il existe deux scieries : une à Bondoukou et l'autre à Tankessé. L'avenir industriel repose sur le développement de la production agricole et animale.

1-4-1-5- Le tourisme et l'artisanat L'artisanat occupe une frange marginale de la population (moins de 3%). Cette activité regroupe essentiellement un milieu urbain les métiers de l'habillement (couturiers) et les réparateurs (mécaniciens, maintenanciers). En milieu rural, du fait de l'utilisation des articles industriels, l'artisanat traditionnel connaît un déclin. Quelques tisserands, potiers, forgerons, sculpteurs, vanniers s'attèlent à offrir à la population des produits nostalgiques. Quelques sites touristiques existent, mais ne sont pas attractifs. A elle seule, la réserve de Bouna peut drainer beaucoup de visiteurs pourvus qu'on 67

fasse une promotion de cette destination. Véritable espace de Safari, cette réserve, la plus grande d'Afrique de l'Ouest préserve la biodiversité. Ce sont aussi les singes sacrés de Soko, les poissons sacrés de Sapia, les "mille" mosquées et surtout la mosquée de Samory Touré à Bondoukou. Tanda, on peut citer les poissons sacrés de la rivière Mafilé ( qui sépare Tanda et Bokoré) et la chapelle construite sur le mont Kologni pour le tourisme religieux.

Le tourisme a besoin de promotion car à regarder de près le pays Abron offre des atouts touristiques. Partout, les fêtes rituelles comme la fête des ignames (surtout à Guiendé) et le "Adayé" (fête du roi) donnent l'occasion de vivre et de voir quelques aspects de la splendeur passée de ce pays. Même les funérailles suscitent des curiosités. En outre, la vie sociale en pays Abron est toute marquée par son caractère ostentatoire, ce qui a développé ipso facto un artisanat particulièrement riche. Ce sont les tabourets et tambours sculptés, les bijoux et figurines diverses en or (emblèmes, totems, poids à peser l'or ... ), les tombeaux pour ne citer que des exemples.

1-4-1-6- Le commerce On distingue le commerce traditionnel et le commerce moderne.

1-4-1-7- Le commerce traditionnel Le commerce traditionnel est tenu par les populations féminines Malinké et Koulango de la région. Ces femmes sillonnent les marchés des villages pour acheter céréales, tubercules, fruits et légumes qu'elles revendent sur les marchés urbains et surtout Abidjan ou elles espèrent réaliser plus de bénéfices. Dans la zone de savane, le Karité participe aux transactions de l'igname précoce est le principal produit. Ce commerce est malheureusement individuel et ne peut concerner dans un tel cas de petites quantités. 68

Tableau n°9: Flux commercialisés en 1995

Produits Tonnage Ignames précoces 8720,1 Ignames tardives 439,8 Manioc 215,5 Mil 273,3 Noix de cajou 1124,8 Noix de karité 20,8 Beurre de karité 17,1 Mangue fibreuse 9,8 Sorgho 73,5 Gombo 136,3 Maïs 32,6 Tomate Sodefel 317,1 Total 11380,1

Source: Antenne régionale OCPV du Nord-Est

La culture de l'igname précoce occupe une place de choix dans les activités agricoles des populations de Tanda. A cette culture, s'ajoutent de la noix de cajou et les cultures de tomate, du mil, du manioc et d'autres produits. Les cultures sont diversifiées dans cette région. La diversification des cultures est liée à la diversification des climats et à l'hydrographie de la région. 69

Tableau n°10 : Flux commercialisés des produits vivriers en 2001

Janvier Février Mars Avril Mai Juin Juillet Août s Septembre Octobre Novembre Décembre Total ~ Igname SOT 31,25T 4T 123,25 T Roucou 72T 16 T 20T 30T 9,5 T 92T 167,5 T Noix d'acajou 491 T 573 T 41 T 24T 35 T 31 T 2231 T Tomate 5,4T 1,4T 5,85 T 49,72 T Apki 0,76 T 0,2T 0,25 T 0,15 T 1,36 T Mil 3T 3T Poivre 0,85 T 0,75T 1,55 T Balai 0,15 T 0,15 T Orange ST 0,29 T 72T ST 85 T Miel 0,29 T 0,29 T Lanniguet 0,3T 0,35 T 0,2 T 0,2 T 1,05 T Banane 2T 2T Maïs 16 T 8,25 T 17 T 33,82 T Manioc 1,15 T 45,5 T 9T 55,65 T Piment 0,1 T 0,48 T 0,5 T 0,32 T 1,6 T Total 94T 3,85 T 1T 491,76T 573,65T 153,77T 85,35T 137,17T 22,67 T 182 T 39,1 T 2756,88 T Source : OCPV, Tanda 70

A l'échelle départementale, Tanda dispose de quatre coopératives agréées. La zone ANADER de Tanda intègre Sandégué gui est une Sous-préfecture du département de Bondoukou. Ce sont des coopératives encore embryonnaires liées à leur date de création. Tableau n°11 : Coopératives zone ANADER de Tanda

Nombre Nombre Date de Numéro No Dénomination Siège de de Activités création d'agrément membres sections Commerce, 43/R2/PBKOU/D1 1 Kassoutri Tanda 25/02/00 1241 15 café, cacao, du 16/08/00 anacarde

07 /R2/PDB/D2 Commerce, 2 Brégnékoi Transua 17/09/99 1294 12 du 26/01/00 café, cacao Commerce, Koun- 44/2/PBKOU /D1 3 Bradé 10/11/99 1800 15 café, cacao, Fao Du 16/08/00 anacarde

Commerce, 09/R2/PDB/D2 4 Kanwori Sandégué 08/11/99 1035 6 ana carde, Du 26/01/00 igname

Source: ANADER, Tanda 71

Ces difficultés sont d'ordre général et spécifique. Les difficultés d'ordre général sont entre autres : -L'insuffisance de financement. Par exemple, la coopérative Bradé de Koun-Fao n'a pas mené d'activités au cours de l'exercice 2000 par défaut de financement. La même année la coopérative Brégnékoi de Transua a fonctionné sur fonds propres. - L'anarchie dans l'achat des produits bord-champs. - La concurrence déloyale des acheteurs privés de produits (surtout les Libanais).

- Le nombre important d'acheteurs privés des autres régions dans le circuit d'achat du département. - L'intervention intempestive des exportateurs dans l'achat des produits bord-champs. Quant aux problèmes spécifiques, ils concernent : - L'absence de gérant de la coopérative Bradé de Koun-Fao au cours de l'exerce 2001 ;

- La démission en pleine campagne du gérant de la coopérative Bradé de Koun-Fao en 2001. -Le détournement de d'un montant de 5.622.670 F.CFA observé dans la coopérative Brégnékoi de Transua par son secrétaire. 72

Tableau n°12: Coopératives zone ANADER de Tanda

Montant Date ou Montant a' Reste a' Coopérative Créanciers Observations reçu année rembourser rembourser

COFIPA 14535860 2000 11.662.360 2.873.500 (Investissement Bank Bradê % rembours 83,61 C.K) 3.000.000 2001 3.000.000 0 ELIE DOUDOU:NIET 10.000.000 2000 0 10.000.000 URES COS-CI Kossoutri % remboursé 0 3.000.000 2001 0 3.000.000 CMECTANDA 12.000.000 2001 12.000.000 0 SIFCA-COOP Brégnékoi 20.000.000 2001 10.800.000 920.000 ADM-SIFCA % remboursé 66,57% 60.000.000 2001 25.000.000 3.500.000 COOPEC

Total 68.535.860 - 39.962.360 28.573.500 -- % remboursé 58,30

Source: Direction départementale de l'agriculture de Tanda. 73

Tableau n°13 : Statistiques de commercialisation des produits agricoles en 2000

SOUS- PRODUITS ACHETES NOM ET PRENOMS PREFECTURE CAFE CACAO CAFE CACAO Tonnage Valeur Tonnage Valeur Tonnage Valeur Tonnage Valeur CHEHADE SAI'D 118 41381 92 29267 515 219036 0 0 KODOMBO SAGA 20 6500 100 30000 150 45000 100 6500 CHOUMAN SALAH Tr\NDA 183 55024 100 31097 178 57980 0 0 RODWA N HISEIN 120 4200 42 12600 95 42750 0 0 ,\FRECO 0 0 0 0 350 131250 17 3118 KASSOUTRI 0 0 0 0 159 58775 0 0 SOUS-TOTAL 441 144905 334 102964 1447 554791 117 9618 CHEHADE SAI'D 74 25981 210 66187 0 0 0 0 KODOi\1130 S.e\Gr\ 10 3250 50 15000 40 12000 150 9750 CHOUMANSALAH KOUN-FAO 88 28642 121 37784 0 0 0 0 RODWA N HISEIN 95 33250 115 34500 0 0 0 0 KOUr\DIO KRABAWA 0 0 0 0 0 0 0 0 COOP « BRAD RE» 0 0 0 0 0 0 0 0 SOUS-TOTAL 267 91123 496 153471 40 12000 150 9750 CHEHADE SAI'D 27 9501 170 53782 0 0 0 0 KODŒvIBO SAGA TRA.NSUr\ 5 1750 8 2400 0 0 0 0 CHOUMAN SALAH 20 6500 25 7500 45 13500 35 2275 COOP « BREGNEKOI » 128 45696 201 67525 0 0 0 0 SOUS-TOTAL 180 63447 404 131207 45 13500 35 2275 KOUASSI- GVC KOUAKOU KR.AKRO 0 0 0 0 0 0 0 0 DATEKRO KODOi\1130 SAGA 10 3250 10 3000 40 12000 35 2275 SOUS-TOTAL 10 3250 10 3000 40 12000 35 2275 ASSUEFRY KODOi\ŒO SAGA 5 1625 15 4500 25 7500 30 TOTr\LZONE 1950 903 304350 1259 395142 1597 599791 367 25868 Source: ADER-Tanda

_li : Valeur en millier

VALEUR GLOBALE DES PRODUITS VENDUS: 1325151 000 F CFA 74

Tableau n°14: Statistiques de commercialisation de produits agricoles en 2001

Sous- Acheteurs ou OPA préfectures Café Cacao Anacarde Roucou CHEAD SAÏD 173 120 530 301 KODOMBO SAG,-\ - 89,62 400 609,993 CHOUMAN SALAH 4,195 28,375 137,821 31 RODWA N HISSEIN 8,9 16,3 153 -

KOUi\!IN VINCENT - - 80 - Tanda ALIOUATTARA - - 196,853 -

Coop. KASSOUTRI 74,257 - 109,588 - AFRECO - - 30 278,467 ,-\URES - - 7 - S/TOTAUX 260,352 254,295 1550,902 1232,46 CHECHAD SAÏD 179,934 59,98 7,818 136,674 RODWAN HISSEIN 71,56 97,22 40 5,489 OUEDRAGOM. 50 108,295 60,245 146,252 GUINA SEYDOU 6,98 2,561 0,597 20,184 Koun-Fao MELEDJE 16,8 - 17,603 35,115 Tankessé Coop. BRADRE - 93,489 - - KOUAKOU VRE1v1IEN - 70,085 - - ZONGO SOULEY - - - - S / TOTAUX 325,274 430,63 136,402 371,022 CHEJ\1.ADE SAÏD 8,067 0,509 1,947 0,482 ZONGO OUSMANE 6,9 - - - YAOY. - - - 207 Assuéfry N'DIA ALLEPO - - - 20,09 AFRECO - - - 270 S/ TOTAUX 14,967 0,509 1,947 563,472 DATTE HERVE - - 364 - KOBENANKRA - - - 5

Kouassi- CHOUMAN SALAH 10,75 - - - Datékro GPM « OUROUTTARA » 25 1 - -

GPM « K. KRAKRO » 5 9,47 - - S / TOTAUX 40,75 10,47 364 5 Transua Coop. BREGNEKOI 27,283 152,062 - 121,99 TOTAUX 668,626 847,966 2053,251 2293,944

Source: Direction départementale de l'agriculture de Tanda. 75

Tableau 11°15 : Part des coopératives dans la commercialisation des produits agricoles pour la campagne 2000-2001

Part des coopératives Produits Quantité totale En pourcentage agricoles commercialisée Quantité vendue (%) café 668,626 101,54 15,2 Cacao 847,966 245,551 29 Anacarde 2053,251 109,588 5,3 Roucou 2293,944 121,99 5,3

Source: Direction départementale de l'agriculture de Tanda

L'analyse des différents tableaux précédents nous permet de soutenir que l'agriculture est la principale activité des populations de Tanda et particulièrement en zone rurale. Elle constitue la seule source de revenus des populations par sa diversification. Toutefois, c'est elle qui permet aux populations de faire face à leurs charges dans le domaine de la santé, de l'éducation ... C'est en ce sens qu'il apparaît important de préciser ces données statistiques qui pourraient constituer des bases de données pour nos analyses et des études ultérieures dans cette région.

1-4-1-8- Le commerce moderne Le commerce moderne quant à lui est dominé par les boutiques de proximité détenues par les mauritaniens. Les supers marchés sont quasi absents sur cet espace régional. La modernisation des transports met directement les consommateurs en contact avec Abidjan. Les magasins d'alimentation et les quincailleries sont aux mains des Libanais. Certains cinémas ont fermé et substitué par des vidéos-clubs. En outre, les stations services et les boulangeries subsistent tant bien que mal. 76

1-4-1-9-Un projet de développement rural à la traine D'un cout global de 5415,52 millions de F.CFA avant la dévaluation du F.CFA, le projet est financé par la Banque Ouest Africaine de Développement (BOAD) à hauteur de 4000 millions de F.CFA, le gouvernement ivoirien 932,53 millions de F.CFA etles bénéficiaires 482,89 millions de F.CF~~. Le projet vise essentiellement l'amélioration des revenus et des conditions de vie de la population par un développement économique basé sur la promotion de la production agricole, des organisations paysannes et le renforcement des infrastructures. Depuis 1993, le projet a effectivement démarré mais compte tenu des problèmes institutionnels, l'exécution des différentes composantes n'a pas donné les résultats escomptés. Au cours de l'année 2001, les résultats suivants ont été obtenus.

1-4-1-10-Production rizicole et maraichère Les travaux d'aménagement des bas-fonds de Tiédio, et Deimba n'ont pas encore démarré. -L'entreprise ANI pour les bas-fonds de Tiédio et Kokomian a enregistré le marché et déposé sa caution. Il ne reste que la signature de la convention UCP /BNETD pour le démarrage des travaux. -Par contre, l'UCP a démarré et obtenu la réalisation du contrat de l'entreprise G.I.E pour les bas-fonds de Deimba. On attend l'arrêté de résiliation pour un autre marché à consultation restreinte. Un projet de convention UCP /BNETD pour la réalisation de trois (3) micros barrages avec le reliquat disponible sur ce volet a été élaboré par l'UCP /PDRZ. En somme cette région anciennement intégrée à la boucle du cacao, subit les aléas climatiques de la grande sécheresse de l'année 1983 avec pour conséquence le départ en fumée de plusieurs plantations de cacao. Les habitants gui manifestement sont attachés aux cultures de rente café- cacao, se reconvertissent 77

dans la culture de l'anacarde et de certaines cultures vivrières. Malheureusement les bénéfices liés à l'exploitation de ces cultures sont très faibles et mettent la plupart des populations dans une situation d'indigence financière et alimentaire permanente. Une des conséquences d'un tel désastre est le choix qu'effectuent les usagers lorsque la maladie survient, c'est le recours à l'automédication ou à la médecine d'origine traditionnelle. Cela se constate d'ailleurs dans le vide de plus en plus visible à travers centres de santé de la région du fait du faible pouvoir d'achat des populations reconverties en majorité dans la production de l'anacarde dont les termes de l'échange sont beaucoup influencés par les multinationales internationales.

1-5- Les infrastructures et organisation sociopolitique des Abron 1-5-1-Les infrastructures 1-5-1-1- L'hydraulique villageoise Un protocole d'accord entre l'UCP /PDRZ et la direction de l'hydraulique pour la réalisation de 65 forages a été élaboré. Ce protocole d'un montant de 45.260.000 FCFA a été soumis au non objection de la BOAD qui a donné son accord. La direction de l'hydraulique villageoise a réalisé les activités suivantes : - Identification des localités devant bénéficier des forages. - Réalisation des études techniques. - Préparation des appels d'offre des forages et des pompes. - Construction et formation des comités de gestion, des nouveaux points d'eau. - Formation des artisans-réparateurs. - Suivi et contrôle de la réalisation des forages, de la pose des pompes et des superstructures. L'UCP /PDRZ a élaboré deux dossiers d'appels d'offres marchés à savoir la création de 65 forages et 1 fournisseur de 70 pompes. 78

Tableau n°16: répartition des 65 forages par sous-préfecture

Sous- Assuéfry Kouassi Koun-Fao Tanda Transua Total préfecture Datékro Tankessé Nombre 10 10 21 12 12 65 de forage

Source : Direction départementale de l'agriculture de Tanda

Ce projet qui est la bienvenue pour redynamiser l'économie rurale de Tanda et améliorer le cadre de vie des populations rurales, a malheureusement un taux de réalisation très faible.

1-5-1-2- Les routes

Les études techniques détaillées de 310,5 Km de pistes à réhabiliter ont été réalisées dans le département. Les itinéraires ont été classés par lots dont 245,lK.rn en réhabilitation et 65,4 Km en reprofilage lourd. Une partie des travaux a été effectivement réalisée sur le terrain et a fait l'objet d'une réception provisoire (voir tableaux 1 7 etl 8)

Tableau n°17: Marche Magassouba N° 2000 02 00 06

Lots Itinéraires Distance (Km) Bossognamienkro - Petit Abengourou 13,7 Bretelle - Koffibadoukro - Ifou 1 Kroupikro - Kouadio Kissikro - Assuakro Dacliassé - Essikouakro 13 Allou Kouassué - Essikouakro - Tien Kouakro 11,3 Iguela - Pala - Kouamé Bonikro - Ouatté 25 3 Tangamourou -Ahibango 4,1 - Adjouamanibango 5 Total général 72,1

Source: Direction départementale de l'agriculture de Tanda.

79

Tableau n°18: marché CGC-CI N° 2000 02 00 27

Itinéraires Distance (Km) Yakassé Bini - Kinibo - Amapo Kouassikro 28,3 Nagbo Dongo - Djorodjoro 16,1 Total 44,4

Source: Direction départementale de l'agriculture de Tanda

1-5-1-3- Les écoles La Sous-préfecture de Tanda regorge des infrastructures éducatives. En effet, la ville de Tanda Chef-lieu de Sous-préfecture compte huit groupes scolaires, quatre établissements secondaires et un établissement de formation professionnel. Aussi presque tous les villages de la Sous-préfecture possèdent un groupe scolaire du primaire, ce qui est encourageant. L'on remarque une bonne distribution spatiale des écoles à travers l'espace urbain et Sous-préfectoral. Cela permet aux parents d'inscrire leurs enfants dans l'établissement le plus proche. Chaque quartier de la ville dispose d'au moins une école. A ces structures scolaires et secondaires s'ajoute l'institut de formation et d'éducation féminine, et l'école franco-Arabe localisée au quartier Dioulabougou.

Tableau n°19 : couverture globale du système par département taux brut de scolarisation du primaire année 2006/2007

Départements garçons Filles Total filles + garçons Bondoukou 73,96% 63,86 % 68,04% Bouna 95,13% 74,17% 84,90% Tanda 103,68% 93,13% 98,64% Région du Zanzan 68,64% 60,19% 64,52%

Source: DREN, Bondoukou 80

Longtemps, le taux de scolarisation dans le Zanzan est resté faible. En 1995, le Zanzao était la seconde région la moins scolarisée du pays. Le taux de scolarisation s'élève à 35% contre 60% dans le sud de la Côte d'Ivoire. Dans cette région vaste, le pays Abron apparaissait déjà mieux loti. En effet quand en 1988, le taux moyen national de scolarisation était estimé à 78,6% dans la sous• préfecture de Tanda par exemple le taux de scolarisation avoisinait 85%. Aujourd'hui des zones qui accusaient du retard ont vu leur situation s'améliorée, ce faisant le taux de scolarisation va au delà de 80%.

1-5-1-4- Electrification Tableau n°20: Localités électrifiées par sous-préfecture Sous préfecture Nombre de localités Total Pourcentage électrifiées localités Bondoukou 11 44 25% Gouméré 6 25 24% Sandégué 8 35 22,86% Sapli 4 44 09,09% 1 29 03,45% Tabagne 2 20 0,10% Taoudi 4 21 19,01 % Département Bondoukou 36 218 16,51 % Nassian 9 44 21,43% Département Nassian 9 21,43% Assuéfry 7 27 25,92% Kouassi -Datékro 11 35 31,43% Koun-fao 7 28 25% Tanda 16 73 21,92% Tankessé 15 41 36,58% Transua 5 45 11,11% Département Tanda 61 249 24,50% ~nsemble pays Abron 97 509 19,05%

Source: Direction Départementales des Infrastructures Economiques, 2007. 81

Chapitre II: Couverture sanitaire 11-1- Le district sanitaire 11-1-1- Localisation et découpage administratif Créé le 05 Avril 2010, le district sanitaire de Tanda a connu plusieurs modifications en raison des différents découpages subis par le département de Tanda d'alors. Le district sanitaire actuel de Tanda, après la restauration de celui de Koun-Fao, est situé dans la partie Sud de la région du Zanzan, au Nord-Est de la Côte d' Ivoire et à 380 kilomètres d'Abidjan. Il est limité au Nord par le district sanitaire de Bondoukou, au Sud par le district sanitaire de Koun-Fao, à l'Ouest par les districts sanitaires de Koun-Fao et de Bondoukou et à l'Est par la République sœur du Ghana. Il s'étend sur une superficie de 2645 kilomètres

2 carrés (km ) et comprend 02 Préfectures, 05 Sous-préfectures et plus de 144 villages. Tableau n°21 : Présentation du district

2 Préfecture Sous-préfecture Superficie 0{m ) Tanda Tanda Amanvi 1625 Tiédio Assuéfry 469 Transua Transua 551 Total 2645 Source: District sanitaire de Tand

11-1-2- Données géophysiques Le relief est essentiellement constitué de plateaux et des plaines alluviales. La végétation est représentée par celle d'une transition entre la forêt dense et la savane, offrant beaucoup de clairières. Le climat est généralement chaud et sec avec quatre saisons dont une grande saison de pluie de Mars à Juin et une petite saison de pluie de Septembre à mi-novembre. En 82

dehors de ces deux saisons, on note également la présence une grande saison sèche de Novembre à Février et d'une petite saison sèche de Juillet à Août. L'hydrographie confère au district une couverture moyenne en cours d'eau, dont les plus importants sont le N'djoré et la Baya, tous deux affluents du fleuve Comoé. Ces deux cours d'eau rallient plusieurs villages et constituent des sources potentielles de contamination et d'entretien du ver de Guinée et de l'onchocercose dans le district.

11-1-3- Accessibilité géographique L'accessibilité est supérieure à la moyenne. Avec un taux de 62% de la population vivant dans un rayon de 5 km. Cette accessibilité est plus ou moins inférieure à la moyenne soit 33,21 % pour une population vivant dans un rayon de 5 à 15 km des formations sanitaires. Au-delà de 15 km cette accessibilité est presque nulle avec un taux de 4,97 %. De ce constat, on note la présence d'une formation sanitaire dans un rayon de 5 km à grande échelle.

11-1-4- Distance des formations sanitaires au district Le district comprend 25 formations sanitaires, dont 01 est non fonctionnel pour absence de personnel. Il comprend 01 Hôpital Général, 02 Centres de santé Urbain, 08 Centres de santé Ruraux et 14 Dispensaires Ruraux [dont 01 (Mérékou) est non fonctionnel]. Quant au réseau routier, il faut noter dans l'ensemble l'état défectueux de la voirie. Ce réseau routier constitue à cet effet un obstacle majeur (surtout en période pluvieuse) pour l'écoulement des produits agricoles, tout comme pour certaines activités des services de santé. S'agissant de la population, selon les données de 2010 effectuées par l'Institut national de la Statistique (INS), elle est estimée à 177997 habitants soit une densité moyenne d'environ 67 habitants au km". Cette population est à grande majorité hétéroclite. Le peuplement est 83 essentiellement fait de deux grands groupes autochtones à savoir le groupe voltaïque avec les Koulango et le groupe Akan avec les Bron, les Agni Bona. Outre ces populations, il y a les autochtones (Lobi, autres Akan, Malinké, Krou etc.) ainsi que les ressortissants d'autres pays, notamment africains (Ghana, Burkina Faso, Mali, Sénégal, Niger, Liban etc.) La vie de ces populations est en général sédentaire, mais fortement influencée par les pratiques traditionnelles et religieuses. Les religions et croyances sont dominées par le Christianisme, l'Islam et !'Animisme. Il y a de nombreux tradi-praticiens et l'automédication y est très répandue. L'hygiène est précaire. Les ordures et les dépotoirs sont à ciel ouvert et l'eau potable n'est pas accessible à toutes les populations, d'où consommation abondante des eaux de surface et des puits non tous conventionnels. L'économie est basée sur la production de cultures de l'anacarde, mats aussi sur quelques cultures vivrières (ignames, maïs et maraichers). Le cacao y est cultivé, mais il est d'importance moyenne. 84

Tableau n°22: les centres de sante du district

No Ville Type de Distance du Année Observation /Villages F. Sanitaire district ouverture centre (aller) S/Préfecture de Tanda 1 Tanda Hôpital 00 1982 Général 2 Abokouman DR 12 2003 3 Diamba CSR 21 1970 Pas de sage-femme 4 Guiende CSR 10 1978 5 Iguela DR 12 2002 IDE retiré à la Base District 6 Korobo CSR 20 2001 Pas de sage-femme 7 Pala DR 22 1991 Maternité construite 8 Tangamourou DR 10 1992 9 Tehui DR 15 2003 IDE admis au concours S/Préfecture d'Amanvi 10 Amanvi CSR 54 1997 Logement S-F en construction 11 Fissa DR 55 1991 Maternité construite S/Préfecture de Tiédio 12 Siasso DR 5 2003 13 Tiédio CSR 18 1983 14 Essikro CSR 20 1980 Pas de sage femme 15 Gondia DR 27 1997 S/Préfecture d'Assuéfry 16 Assuéfrv csu 25 17 Dadiassé CRS 32 18 Mérékou DR 12 Pas d'infirmier S/Préfecture de Transua 19 Transua csu 44 Besoin d'un infirmier 20 Ahuitiesso DR 45 21 Diédou DR 42 pambasso 22 Kouahinikro DR 67 23 Kouassia- CSR 80 Nianzuini 24 Priti 1 DR 48 25 Yao-Nango DR 58 2010 Fonctionnel Source: District sanitaire de Tanda 85

Le district sanitaire de Tanda a été crée en 201 O. Il comprend un hôpital général, quatorze dispensaires ruraux (DR), neuf centres de santé ruraux (CSR), et deux centres de santé urbains (CSU). S'agissant de la fourniture en personnel soignant, on note que sur l'ensemble des centres (25) seulement 10 font état d'un déficit de personnel soignant avec un taux de 40 %. C'est une situation qui va nécessairement avoir des répercussions sur les actes de santé au profit des populations ; même s'il est à noter une relative présence de formation sanitaire dans toute la région. 86

11-1-5- Les ressources disponibles 11-1-5-1- Les ressources humaines (voir tableau ci-dessous) Tableau n°23 : Les ressources humaines du District sanitaire type de Admin Médecin Chirur. pharmacien IDE IDE SFD PGP Asst Tech Aide soigt chauffeur Contractuels formations l Dentiste Spécia E Social labo sanitaires Tra tif lisé 1 Base district 01 1 01 0 01 03 0 0 01 0 0 0 01 02 Hôpital 03 05 01 01 10 03 05 01 01 02 06 01 16 Général csu 0 02 0 0 03 0 02 0 0 0 0 0 06 ,1 CSU + DR 0 02 0 0 21 0 04 0 0 0 0 0 26 TOTAL 04 10 01 02 37 03 11 02 01 02 06 02 50 Source: District sanitaire de.Tanda 1

On note pour le district sanitaire de Tanda 131 personnes comme effective en terme de prestations de soins et de service pour les actes de santé. L'ensemble des médecins impliqués dans la recherche de santé des populations est estimé à 10 pour une population de 177997 habitants, soit un ratio de lmédecin pour 17799 habitants. Ce tableau met également en relief un nombre d'infirmiers (40) pour l'ensemble du district sanitaire. Soit un ratio de 01 infirmier pour environ 4450 habitants. Au bout du compte, seul un assistant social est affecté dans cette région. Ce qui pourrait constituer une faille dans le dispositif de prise en charge psychosocial car sa présence au sein d'une formation sanitaire est plus que bénéfique pour les populations dont l'éducation sanitaire est une exigence professionnelle. 87

11-1-5-2- Les ressources matérielles Les ressources matérielles comprennent tout l'équipement de la base du district, des centres de santé et de l'Hôpital Général. Mais nous présenterons essentiellement le matériel roulant, la chaine de froid et l'équipement du Laboratoire de l'Hôpital. S'agissant du matériel roulant il se compose d'un parc auto et moto. Le parc auto est constitué d'une Mitsubishi Pajero qui est vétuste et présentant de grosses pannes, des ambulances de l'Hôpital Général qui sont en mauvais état du fait de leur vétusté, mais surtout à cause du mauvais état des routes. Quant aux motos, elles sont attribuées par KFW pour le PEV. Ces motos sont pour la plupart à réformer. Elles sont en général concédées aux Infirmiers sans document officiel. Trois nouvelles motos sont acquises grâce à l'ONG « Terre des Horrunes / Italie». La chaîne de froid est constituée de réfrigérateurs. Ces réfrigérateurs sont généralement en panne et attendent d'être réparés. Plus de 14 d'entre eux sont mixtes et fonctionnent au gaz, faute d'électricité. Cependant la chaîne de froid vient d'être renforcée par 2 nouveaux réfrigérateurs, même s'il s'avère insuffisant. Nous avons 08 glacières (toutes en bon état) et 68 portes vaccins.

11-2-Hôpital général, une structure sanitaire du district La sous-préfecture de Tanda est dotée d'un hôpital général. L'histoire des actions sanitaires dans le département commence avec les missionnaires catholiques. Ce fut le prêtre Jacobi originaire de l'Alsace et Loraine en France, gui fut le premier à ouvrir un dispensaire. Les soins dispensés s'adressaient aux enfants qui allaient dans les établissements confessionnels. Plus tard ce dispensaire s'est agrandi pour devenir un centre de santé gérer ou diriger par les sœurs ou religieuses catholiques. Celles-ci assurent la gestion du centre jusqu'en 1982.Après le décès du prêtre Jacobi en 1970 en France, les actions de ces missionnaires et religieuses dans la région de Tanda est un appui à la colonisation en milieu sanitaire. Ces actions ne s'arrêteront pas avec la colonisation. Elles sont 88

maintenues dans le cadre de l'assistance des populations malgré la gestion et l'implication des cadres et administrateurs locaux dans le milieu sanitaire. Devenu un hôpital général en 1982, il a une superficie de 8,5 ha. Les activités de cet hôpital s'étendent sur les six sous-préfectures du département soit 6292 km2. ussi cet hôpital abrite-t-il les bureaux du district sanitaire ?

11-2-1- Services internes de l'hôpital L'hôpital général de par son statut a sous sa responsabilité la gestion des centres de santé intégrant sa sphère géographique. Ce statut l'autorise dans son organisation et son fonctionnement la présence d'un certain nombre de services dont la qualité en tout point de vue ne doit faire l'objet de controverses. Au niveau de l'hôpital général de Tanda, nous notons la présence de six services qui participent à l'efficience du système de soins dans cette partie de la Côte d'Ivoire. Parmi ces services, on peut citer le service de médecine générale qw constitue le premier niveau de contact entre la population et l'institution sanitaire. Il comprend un médecin généraliste, deux infirmiers et trois aides soignantes. Ce service se présente comme le miroir de l'hôpital car de la nature de la rencontre avec un usager dépendra en grande partie de l'image, de prestige ou dégradante que la population conservera de ce dernier. Que peut-on dire du service de la pédiatrie ?

11-2-1-1- Le service de pédiatrie

Ce service à intégrer l'ensemble des services qui animent la vie de cette institution sanitaire juste après l'érection de l'ancien dispensaire de Tanda en l'hôpital général en 1982. Son implantation constitue un bouffée d'oxygène pour la population locale compte tenu du fait que la grande partie des usagers était obligée de faire un long chemin pour accéder au centre hospitalier régional (CHR) de Bondoukou. Même pour les maladies jugées bénignes pour la santé des enfants. Depuis lors son implantation à Tanda, a fortement contribué à la réduction du syndrome du nouveau-né et donc à la réduction de la mortalité et 89

de la morbidité infantile. Que retenir de la présence d'un chirurgien au sein de ce personnel de santé ?

11-2-1-2-Le service de la chirurgie La pratique de la chiturgie au sein d'un hôpital comme celui de Tanda, a d'abord suscité une réaction mitigée de la part de la population qu'elle soit rurale, périurbaine ou urbaine. Elle a toujours considéré dans son imagination populaire l'intervention chirurgicale comme l'ultime recours pour les cas désespérés. La référence à un chirurgien suppose donc l'implantation à un niveau jugé grave de la maladie et cela peut dans certaines mesures bouleversées la sphère sociale du malade. Il a fallu donc du temps aux prestataires de soins pour expliquer le sens de certaines interventions chirurgicales. Depuis lors, le mur de méfiance qui s'était dressé entre le service de chirurgie et une partie des usagers s'est petit à petit effondré. Cela a permis à l'équipe de chirurgie essentiellement composée de (deux chirurgiens, deux infirmiers, un aide-soignant) de remplir sa mission en ayant à cœur la santé du malade même s'il est à noter quelques dérapages qui prennent souvent la forme du racket, du clientélisme ou toute forme de corruption de part et d'autre. En dehors de ce service hautement important qui fait la fierté de cette partie de la Côte d'Ivoire, on y rencontre également un autre service pratiquement de la même importance voire supérieure du point de vue de sa dénomination : le service de maternité-gynécologie.

11-2-1-3-Le service de maternité-gynécologie Ce service est géré par trois sages-femmes pour assister les parturientes pour le compte de la maternité. Cette action ne se limite pas seulement au suivi de la grossesse mais il s'agit aussi du suivi des jeunes filles en âge de procréer. Ce service bénéficie également de la collaboration étroite d'un médecin gynécologue dont le concours en certaines circonstances (hémorragie abondante suite à une naissance, contrôle de l'évolution et de la position du fœtus tout au long de la grossesse, problème de stérilité du couple ... ) est nécessaire dans 90 l'accomplissement de ces actions à visée humanitaire. On note donc des rapports professionnels très enracinés entre sages-femmes et gynécologues dont l'intervention est jugée nécessaire pour la maîtrise de la natalité et son entretien. Qu'en est-il de la pharmacie?

11-2-1-4-Le service de la pharmacie Un hôpital dans son fonctionnement qui ne prévoit pas un stock en médicament ou dépourvu de pharmacie ressemblerait à un élève ne disposant pas de supports pédagogiques une fois les cours pris oralement. Cet enfant de par cette situation risque fort de compromettre sa réussite aux examens tout au long de son cursus. En d'autres termes, un hôpital avec une équipe de professionnels, malgré tout l'enthousiasme, toute l'énergie ou le dévouement qu'elle mettrait dans l'exercice de la tâche qui est la sienne, le malade peut être confronté à une situation de guérison s'il ne dispose en retour de médicaments pour soigner son mal. C'est dire quelle importance recouvre la présence d'une pharmacie dans un hôpital lorsqu'il est remis à un malade une ordonnance de médicaments à la suite d'un colloque -singulier. Autant dire que le service de pharmacie joue un rôle essentiel entre le praticien et l'usager dans le recouvrement de la santé. C'est pourquoi il est constamment fourni en stock de médicaments par la pharmacie de la santé publique (PSP) qui est consciente de la présence de médicaments au sein des officines publiques. Et cela à la grande joie du premier responsable de ce service qu'est le pharmacien qui ne manque pas à l'occasion de mettre en relief tout l'effort que le ministère de tutelle déploie dans la fourniture de stock en médicaments. Le seul regret qu'il note cependant, c'est que la pharmacie n'est pas beaucoup fréquentée par la population prétextant le coût élevé des médicaments et qui se tourne vers l'automédication ou la médecine d'origine traditionnelle africaine; ce qui pourrait avoir des liens de plus en plus constatés avec la sous-fréquentation des centres de santé. 91

11-2-2-Equipements internes Le rapport d'activités de l'exercice 2000 fait état de 93 lits repartis dans les différents services. Avec 93 lits pour une population urbaine de 16151 habitants. Le ratio de couverture est de 1 lit pour 17 4 habitants. Le parc automobile de l'hôpital comprend trois véhicules dont deux ambulances ( dont un véhicule 4 x 4 non fonctionnel) et un véhicule de liaison. L'hôpital dispose également d'un bloc opératoire et d'une morgue. La construction et l'équipement de ses deux structures ont permis de renforcer l'efficacité de l'hôpital. Les travaux d'un coût global de 187 306 000 F.CFA ont été financés conjointement par la mairie et le projet d'appui à la conduite des opérations municipales (P ACOM). Le bloc opératoire a mobilisé une somme de 120 000 000 F. CFA et la morgue a couté 26 285 000 F.CFA. Des travaux annexes ont été réalisés. La pharmacie dispose de médicaments de premières nécessités. Les ressources humaines au service de l'hôpital sont au nombre de 42 agents dont 3 médecins (deux généralistes et un chirurgien), 12 infirmiers et 3

sages-femmes (voir tableau 11° 23). Les ratios de couverture de la population en personnel médical sont les suivants :

- 1 médecin pour 5384 habitants, alors que la moyenne nationale était de 1 médecin pour 8860 habitants en 1991, - 1 infirmier pour 1154 habitants, la moyenne nationale étant de l'infirmier pour 1260 habitants en milieu urbain en 1991 ? 1 sage-femme pour 1708 femmes en âge de procréer. Mais que peut-on dire de ces chiffres qui manifestement mettre à nu la politique sectorielle et de financement de notre système de santé ? S'agissant de ces différents chiffres certains suscitent de notre part un regard rétrospectif du système de financement du secteur de la santé et l'ensemble de son organisation. En matière de financement de la santé la Côte d'Ivoire est largement tributaire des dons, des aides et tout prêt qu'elle obtient 92

auprès des orgarusations comme le fond monétaire international (FMI), la banque mondiale (BNI), la société financière internationale (SFI), la banque africaine de développement (BAD) , la banque centrale européenne (BCE) ... Nous notons au vue du nombre de médecins ou d'infirmiers par habitant au plan local comme au plan national gu'il y a encore des efforts à fournir en termes de renforcement de personnel soignant pour une meilleure rentabilité de la profession. Nialheureusement le pays semble pris entre la volonté d'augmenter le nombre du personnel soignant et la réalité du recouvrement financier du point de vue de son traitement (salarial). Alors que les organisations internationales sus-citées lui demandent des efforts supplémentaires quant à la politique de santé pour tous et donc l'accessibilité des médicaments pour n'importe quelle catégorie de la population. Elles lui demandent également de ne pas déborder une certaine masse salariale de la fonction publique. Une situation gui manifestement limite les choix stratégiques de l'Etat en matière de politique de santé car largement dépendant de l'extérieur.

Tableau n° 24: Equipements et ressources humaines de l'hôpital en 2001

Personnel Effectif Administra tifs 3 Médecins 3 Infirmiers 12 Soignant Infirmiers spécialisés en anesthésie 2 Sages-femmes 3 Aides-soignantes 1 Techniciens biologistes de laboratoire 2 Gestionnaires en pharmacies 1 Filles de salles 6 Ambulanciers 1 Agents occasionnels 8 Total 42

Source : Service administratif, hôpital de Tanda 93

11-2-2-1- Activités curatives Les consultations malgré la diversité des services gu' offre l'hôpital, le taux de fréquentation reste faible.

Tableau 11° 25 : les consultations à l'hôpital de Tanda

Mois Janv. Fév. Mars Avril Mai Juin Juill. Aôut Sept Oct Nov Déc tot

Consultants 291 410 467 286 423 355 266 272 291 264 335 387 402

Consultations 298 664 622 381 524 447 355 364 373 353 443 517 534

Source: Hôpital général de Tanda, rapport d'activités 2000

Dans l'ensemble, le personnel médical du département de Tanda est insuffisant. Cette insuffisance est d'autant plus grave que le personnel muté n'est pas toujours remplacé. Dans cette situation inconfortable, la ville de Tanda est mieux lotie avec plus du tiers de ce personnel en raison du statut de la formation sanitaire (hôpital général) et de la présence du bureau du district dans ladite ville

(Voir tableau 11° 27). Dans le détail ce sont:

- 44,44 % des médecins qui exercent à Tanda contre 55,56 % dans le reste du département en 2000,

- 31,58 % des infirmiers contre 68,42 % pour le reste du département 2000; 94

Iableau n°26 : Etat du personnel dans le District sanitaire de Tanda

Catégorie de personnel Formation Gest. Sanitaire Personnel Tech. Médecin IDE SFDE En Chauffeur Administ. Labo G /SFS TOTAL pharm, Bureau du 1 4 district 1 6 HG 1 3 14 Tanda 3 1 2 1 6 33 csu 3 Assuéfry 1 1 1 4 CSU- 1 1 Datékro 1 1 3 8 csu 1 Koun-fao 4 2 1 1 9 HR 1 Tankessé 2 1 1 5 csu 1 Transua 1 2 CSR/DR 29 9 2 40 Total 9 4 57 16 3 3 2 13 107

Source: Service administratif, District Sanitaire de Tanda

Un médecin pour Tankessé afin d'ériger le HR en CSU.

Tableau 11° 27 : Situation du personnel médical de la ville de Tanda par rapport à l'ensemble du département en 2000

Catégorie Effectif de Ville de Tanda (hôpital Ensemble du de personnel l'ensemble du et bureau du district département sans département Tanda-ville

Médecins 9 4 (44,44 %) 5 (55,56 %) Personnel administratif 4 3 (75 %) 1 (25 %) IDE 57 18 (31,58 %) 39 (68,42 %) SFDE 16 3 (18,75 %) 13 (81,25 %) Gestionnaires en pharmacie 3 2 (66,67 %) 1 (33,33 %) Techniciens en labo 3 2 (66,67 %) 1 (33,33 %) Chauffeurs 2 1 (50 %) 1 (50 %) Garçons et filles de salles 13 6 (46,15 %) 7 (53,85 %) Total 107 39 (36,45 %) 68 (63,55 %) Source: Service administratif, district sanitaire de Tanda 95

Les hospitalisations

Le nombre de patients hospitalisés en l'an 2000 à l'hôpital de Tanda est de 1036 soit un taux d'occupation de 17 % ;

Les services médico- techniques Il faut noter que le district sanitaire de Tanda ne dispose d'aucun service de radiologie. Cependant, il existe trois laboratoires dont un à l'hôpital général de Tanda. Quatre mille deux (4002) examens ont été réalisés dans l'ensemble du district sanitaire en l'an 2000 dont trois mille six cent dix-sept (3617) à l'hôpital général de Tanda soit 90, 37 %. Les examens les plus pratiqués et les examens de selles.

Morbidité et mortalité • Morbidité La morbidité est le rapport du nombre de malades au nombre de personnes saines dans une population donnée pendant un temps déterminé. La morbidité est dominée par le paludisme qui représente 37 % des motifs de consultations et une incidence de 88,3 %.

Tableau 11° 28 : Les maladies les plus courantes Maladies Nombre de cas Incidence (en%) Paludisme 20563 88,3 IRA 7500 3,23 Diarrhée 2125 0,9 Malnutrition 500 0,2 Total 30688 13,23 Source : Rapport 2000, district sanitaire 96

Ces maladies rencontrées dans le district sanitaire sont les plus répandues dans la ville de Tanda. Comme l'ensemble du district, le paludisme est la maladie qui affecte le plus la population urbaine. Le tableau ci-après nous donne des détails sur les maladies dans la ville.

Tableau n° 29 : Des maladies traitées

Paludisme Broncho- Appareil Uro-génitale Peau Parasitose s pulmonaire digestif ~ Médecine 852 268 227 112 69 générale 485

Pédiatrie 1358 469 208 13 228 962 Total 2210 737 435 125 297 1447 Source: Hôpital général de Tanda -1996 • Mortalité Au cours de l'année 2000, l'hôpital de Tanda a enregistré 91 décès soit un taux de mortalité de 56, 3 % alors qu'en 1999, il en a enregistré 80 soit 49,5 %. Tableau n° 30 : Mortalité selon les statistiques de l'hôpital général de Tanda

Mois Janv. Fév. Mars J\ vril Mai Jui..t1 Juill. Août Sept. Oct. Nov. Déc. Total

Nbre de

décès 9 6 9 8 7 9 2 8 7 0 5 10 80

Source : Hôpital de Tanda Ce tableau révèle qu'il y a eu en moyenne 7 décès par mois en 1999.

11-2-2-2-Ressources financières

Le budget général de fonctionnement de l'hôpital est de 11 390 250 F. CFA en l'an 2000. Les ressources propres de l'hôpital s'élèvent pour la même année à 7 634 900 F. CFA . 97

Par ailleurs, l'hôpital est autonome et reçoit directement des médicaments de la pharmacie de santé publique (PSP). Pour l'année 2000, la commande de médicaments de la PSP s'élève à 35162281 F. CFA et la valeur stock théorique à 5 270 308 F.CFA pour la même année. En dehors de l'hôpital général, la ville dispose d'une infirmerie privée sommaire depuis décembre 1997 au quartier Koulango. Les services offerts sont les injections (en moyenne une dizaine par jour). Un infirmier qualifié assure les soins. Aussi, la ville dispose-t-elle d'une pharmacie privée située en face du marché central. Que peut-on retenir de l'ensemble de ces chiffres qui, à y regarder de près, peuvent susciter des commentaires de tout genre. Nous notons que l'ensemble du flux financier qui permet à l'hôpital de fonctionner s'élève à 19 025 150 FCF A y compris les ressources

propres. Cependant en termes de fournitures de stock de médicaments, le prix de revient est estimé selon les chiffres de la pharmacie de la santé publique à 35 162 281 FCFA dont 5 270 308 FCFA au seul hôpital général de Tanda. Le montant de stock de médicaments affecté aux autres centres de santé au nombre de seize (16) est estimé après soustraction à 29 891 973 FCF A. Cela suppose après division Euclidienne qu'il revient à chaque centre de santé un stock de médicaments dont le montant est estimé à 1 868 248,3125 FCFA. On constate à l'analyse que l'hôpital général qui fait office de centre de référence dispose d'un stock de médicaments en termes de coût de revient plus important que celui des centres de santé exerçant sous sa responsabilité administrative. Cela est d'ailleurs perceptible également dans l'implantation des officines privées comme la clinique privée présente dans la ville. Par cette disposition architecturale ou immobilière, la ville prouve par cette implantation qu'elle demeure le centre de prise de décision et de politique sectorielle. Cela se constate à travers l'équipement et le personnel. D'ailleurs, c'est seul l'hôpital qui possède en 98

son sein un médecin chirurgien; les autres centres de santé n'en possèdent pas.

11-3- Milieu Humain 11-3-1- Contexte sociohistorique du peuplement de la Sous-préfecture La Sous-préfecture de Tanda est située dans la province Angobia du royaume Abron. a population est à majorité composée des Abron-Koulango à 96,6%. Retracer le contexte sociohistorique de son peuplement nous renvoi à étudier le peuplement Koulango et le peuplement .Abron. 11-3-2- Le peuplement Koulango Les Lorhon, plus connus sous le nom de Koulango se sont formés comme un peuple sur le territoire actuel de la Côte d'Ivoire, probablement à la même période que les Sénoufo". Les premiers Lorhon seraient partis de l'Ouest, de la région de Korhogo sous la direction d'un certain Kouodo. Selon d'autres traditions, les Lorhon viendraient du village de Saye, sur la route de Kong ou leurs ancêtres seraient descendus du ciel. Progressivement donc, les Lorhon vont s'installer dans la savane du Nord jusqu'à Diebougou et dans la forêt au Sud jusqu'à Bondoukou et Tanda. Les Lorhon rebaptisés Koulango par les Dagomba, les nouveaux conquérants furent intégrés à un Etat centralisé, bâti sur le modèle Dagomba, mais remarquablement adapté au milieu. Organisés en clan matrilinéaire sans Etat, les Koulango durent s'adapter aux coutumes patrilinéaires et à la conception de l'Etat des nouveaux venus qw assimilèrent en revanche la langue et la culture matérielle Koulango. Les Koulango étaient des cultivateurs, éleveurs contrôlant l'agriculture, activité

31 Terray (E) une histoire du royaume abron du Gyaman : des origines à la conquête coloniale, karthala, Paris 1995. 99 prédominante du royaume malgré l'importance indéniable du commerce qui avait pour capitale Bouna. C'est le peuple Koulango qui dut faire face au XVIIe siècle à de nouveaux envahisseurs d'origine Akan, les bron. Il fut désormais soumis par les Abron avec gui, ils vivent, s'entre pénétrant culturellement et politiquement.

11-3-3-Le peuplement Abron Les Abron fondèrent le royaume de Doma sous la direction du roi ADOU Bini. Mais c'est l'avènement de TAN Date septième roi du Doma qui dirigea l'exode vers l'Ouest. En effet la menace Ashanti et des querelles internes opposant les deux branches de la famille royale du Doma amenèrent les Abron à émigrer. Ils sont accueillis par le roi Akowni gui gouvernait les Nafana. Ils s'installèrent dans la région de Goutougo (Bondoukou) ou ils créent le village de Zanzan, une des résidences du clan royal. Très vite les Abron entreprennent une série de guerres de conquêtes contre les Nafana et surtout les Koulango pacifique agriculteurs dont les villages couvraient tout le pays. Les Koulango vaincus par les Abron n'ont pu se réorganiser. L'inertie des Koulango tient à plusieurs raisons. L'une des raisons évoquée est d'ordre matériel. Pour prévenir à toute velléité d'insurrection, les Ashanti s'opposaient aux importations d'armes en direction du gyaman ; les Abron appliquent la même politique à leurs sujets Koulango. A cet effet, Maclaud dit ceci: « à vrai dire les Pakhalla (Kulango) n'ont pas d'armes ; à peine trouvait-on deux ou trois mauvais fusils dans un village de quatre cents habitants. Ils n'ont même pas l'inoffensive lance gui fait partie de l'accoutrement du Dioula voyageur, ni l'arc grossier des sienere ou des gourounga. Ce n'est pas qu'ils ignorent l'usage des armes à feu : ils les désignent sous le nom tui, mot qu'ils ont emprunté aux Agni et qui n'est évidemment que la corruption du mot fusil. Mais il semble que les 100

chefs ton (Abron) aient interdit toute arme offensive pour rendre encore plus facile les razzias qu'ils opèrent sous les prétextes les plus futiles chez les malheureux vassaux »32 Mais à vrai dire des causes plus profondes, d'ordre social et en quelque sorte culturel, sont à l'origine de l'inertie des koulango. La relative légèreté des prélèvements qui leur sont infligés ont de surcroit le caractère d'un tribut, ce qui aide à l'atténuation des antagonismes en effet, les autorités Abron ne s'immiscent pas dans les activités productives des communautés paysannes qui peuvent organiser comme elles l'entendent leur temps et leur travail; les occasions de conflits ne surgissent donc que de loin en loin, lors de la remise des redevances. D'une façon plus générale, il faut rappeler ici l'autonomie dont jouit le village : s'il satisfait aux obligations qui lui sont imposées, il est libre de s'administrer à la guise; à la seule exception des cas de sorcellerie, dont la justice Abron se

saisit dès elle en a connaissance, les « anciens » de l'agglomération peuvent régler eux-mêmes les problèmes et les querelles qui éclatent en son sein, à charge aux parties mécontentes de faire appel si elles le souhaitent. Un village paisible n'a donc que peu de contacts avec les agents du pouvoir. Bref la domination Abron prend la forme, plutôt d'une série discontinue de vexations ponctuelles que d'une oppression quotidienne qui broierait sans relâche ses victimes comme dans un étau. D'autres éléments interviennent, soit pour réduire la tension, soit pour faire obstacle aux efforts des kulango en vue de s'unir et de s'organiser. D'abord des mariages ont été contractés entre Abron et Kulango, et comme Jack Goody l'a marqué, de tels liens entre des conjoints appartenant à des groupes de statut inégal ont toujours pour effet d'estomper la différence des conditions ou au moins d'en limiter les manifestations et les conséquences. Il est vrai qu'au Gyaman ces unions

3211aclaud Charles, 1896 note sur les Pakhalla, l'Anthropologie, tome VII, P. 18-34 101

«mixtes» semblent être demeurées l'exception avant la période coloniale. Les modalités selon lesquelles Abron et Kulango coexistent sur toute l'étendue du royaume jouent certainement un pôle plus important d'un côté, ils habitent en règle générale des localités distinctes, ce qui restreint les possibilités de friction ; de l'autre ces localités sont étroitement enchevêtrées les unes aux autres, en sorte qu'aucune des deux communautés ne possède la base territoriale homogène qui lui permettrait d'envisager une sécession. Enfin, au moment de la conquête, les Abron ont littéralement décapité le système politique Kulango : toutes les autorités dont le pouvoir s'exerçait à un niveau supérieur à celui du village ont été éliminées. Or la genèse et la croissance de semblables autorités ne sont jamais des phénomènes spontanées : elles résultent d'un long et patient travail que la société ou une fraction de sens membres accomplit sur elle• même. Les Kulango, privés de leurs chefs et de leurs institutions, n'ont jamais pu les ressusciter; gagné par l'émiettement, le peuple n'a pas pu refaire son unité et se donner les moyens d'une action collective concertée. Si l'on place en regard l'incomparable prestige des Abron, de leurs armes, de leurs fastes et de leurs savoir-faire, on comprend pourquoi les Kulango n'ont jamais accepté le risque d'un affrontement ouvert. Les Abron par les conquêtes prennent ainsi possession d'un vaste domaine couvrant les pays occupant la route de Bouna à Bondoukou et Agnibilékro. Ces conquêtes furent l'œuvre des rois Tan Date, premier souverain du nouvel Etat Abron, Adingra Pangnini deuxième roi régnant, et Kohossonou cinquième roi qui étendit la puissance Abron jusqu'au fleuve Comoé. Les pays conquis par les Abron sont organisés en un Etat centralisé sur le modèle Akan à partir de 1690. Ce royawne est connu sous le nom de Guyaman « pays des émigrés» que lui donnèrent les Ashanti. 102

Les Abron formaient une sorte d'aristocratie guerrière qui assumait le pouvoir politique tandis que les Koulango dont les conquérants adoptèrent la langue formaient l'assise terrienne. Le Guyaman divisé aujourd'hui entre la Cote d'Ivoire et le Ghana a conservé ses structures traditionnelles et une identité culturelle qui fait encore l'unité et la fierté des Abron. En somme, la population autochtone de Tanda est à l'image de cette organisation culturelle et politique des Abron Guyaman regroupant simultanément sur les mêmes aires géographiques Abron et Koulango. Voilà pourquoi j'appelle les populations de cette zone les Abron-Koulango.

11-3-4-L'organisation sociale des Abron L'organisation sociale des peuples de la Sous-préfecture de Tanda est à l'image de celle d'Abron. Nous retenons le système de parenté et le système politique.

11-3-4-1- Le système de parenté L'organisation de la famille et de la société Abron relève du système à la fois matrilinéaire. Chez les Abron la femme mariée continue de vivre avec ses enfants non pas chez son mari, mais chez ses parents, et le système matrilinéaire aidant, l'héritage ne se transmet point de père à fils mais plutôt d'oncle à neveu. Dans ce système il était possible à un Abron d'épouser une fille Koulango, mais une fille Abron ne pouvait épouser un homme Koulango. Au niveau des villages, tout le monde est parent. Soit qu'il ait le même ancêtre ou par filiation. Aussi des termes comme père, grand-père, cousin croisé, neveux, demi-frère se retrouvent dans cette société dont la diversité et les brassages ethniques et culturels sont les principaux fondements de son unité. Le tout est ainsi coloré par la culture Abron dont l'impact semble se maintenir malgré l'évolution politique actuelle. 103

La domination politique des Abron se traduit par le choix des responsables. En effet les souverains sont choisis au sein d'un matrilignage royal conformément à une règle d'alternance entre les segments Yakassé et Zanzan. Les autres unités régionales sont confiées à des chefs d'origines diverses.

11-3-4-2- Le système politique des Abron près la conquête du territoire qu'ils occupent, les Abron ont mis sur pieds des structures en vue de maitriser le pouvoir. Ces structures ressemblent en tous points à la structure politique des Ashanti. la tête du royaume il y a un roi suprême. Directement sous ses ordres il y a cinq grands chefs qui détiennent chacun le pouvoir sur une province du royaume (voir tableau ci-dessous). Tableau 11°31 : Les cinq provinces Abron et leur rôle

Noms Chef-lieu r: Roi Roi actuel Rôle Province dirigée Ah.inifié Hérébo Tan Daté Koffi Yéboa par le Roi des Abron Tan Kokobo füs Constitue la force Angobia Tiédio amé de Adingra Y ao Agyeman de réserve du Pagnin.i royau1ne Dua Pagnin.i Prince Statuts particulier Foumassa Sapli qui a aidé le Roi Kouadio de relative Kossonou a Boatini autonomie regagner Zanzan Aclou tiré petit fils Chef de guerre et Pinango Wolotchéi de Kossonou Atta Koffi de l'armée Ambin Abron, forme l'avant-garde de l'armée en cas de conflit Koffi N'ketia neveu Province dirigée Akidom Kouassi Nawa du roi Kossonou Koffi Kossonou par des princes Ambin du clan Zanzan forme l'arrière garde de l'armée en cas de conflits

Source: Thèse de Doctorat 3c Cycle, Bini Kouakou 104

Ces provinces ne sont pas uniquement liées à des aires géographiques déterminées. Un village de la province Angobia peut se trouver dans la province proche de Wolotchei capitale de la province Pinango. Chaque province est à son tour divisée en cantons. Les chefs de villages sont sous la dépendance des chefs de canton.

Dans les provinces ou il n'y a pas de canton, les villages dépendent directement du chef de province. Au niveau des villages, il y a deux pouvoirs bien distincts : celui de chef de terre (Dougoutigui) et le chef politique. Ces deux fonctions sont partagées dans la plupart des cas. Le chef de terre est le titre qui appartient aux autochtones et celui de chef politique conquérant(Abron). Il faut remarquer que cette structure politique répond à une stratégie militaire. Le pays Abron est composé de cinq provinces qui sont : La provmce Pinango à Wolotchei, la province Foumassa à Sapli, la province Ahinifie à Sokouadou, la province Akidome à K.ouassi-N'Dawa et la province Angobia à Tiédio. La sous-préfecture de Tanda se situe donc dans la province Angobia ou Siendji dont Tiédio est le chef-lieu. La région de Tanda par rapport aux autres localités du Zanzan est une localité aux potentialités agricoles importantes. La tradition agricole y est bien établie. Ainsi, les cultures vivrières (ignames, bananes, manioc ... ) complètent les cultures d'exportation (café, cacao, anacarde ... ). Le réseau hydrographique plus ou moins dense est dominé par la comoé et ses affluents ainsi que la volta. Une végétation de forêt dégradée couvre aujourd'hui la région de Tanda. Et ce d'autant plus que depuis l'introduction des cultures d'exportation dans notre pays du fait de la colonisation, cette zone semi• forestière était productrice du binôme café cacao comme culture de rente. 105

On racontait même qu'elle était la première boucle de café -cacao. Ces produits ont marqué l'espace et le temps de la société Abron. Les cultures d'exportation traditionnelles du pays abron sont le café et le cacao. La véritable histoire de ces deux cultures a commencé respectivement dans les années 1880 et 1888 sur les bords de la lagune Aby au sud d'Aboisso par Verdier et Bretigniere; ce sont à ces deux dates que ces deux pionniers créent les premières plantations. Dans son expansion accélérée activée par le colonisateur (programme économique du gouverneur Reste, 1931-1935,), ces cultures apparaissent dans le paysage agricole du pays abron jusqu'au 8ème parallèle, limite de la zone propice. Avant 1945, le cacao est déjà introduit en pays abron. Le rapport politique le 13 novembre 1914 de l'administrateur adjoint Baumard, commandant le cercle de Bondoukou écrit à ce propos : «la culture de cacaoyer doit être développée intensément dans la région méridionale sylvestre du cercle. Un cahier de recensement des pépinières et des plantations est tenu au poste et indique par canton et par village l'état de cette culture». Ce cahier indiquait 20 000 pieds en pépinière et 6 500 pieds dans les plantations.

Ces deux cultures, plus que le caoutchouc, entament l'économie traditionnelle et amorcent le développement économique de la région de Bondoukou bouleversant aussi bien les structures éconorniques que les structures sociales et foncières. De nouveaux paysages et sttuctures agraires se sont mis en place ; la suprématie sociale auparavant basée sur l'or a automatiquement changé pour se fonder sur les avoirs numéraires, l'argent. En somme l'agriculture de subsistance a fait place à l'agriculture d'exportation.

Le café et le cacao sont produits localement selon les modes traditionnel et semi-intensif (boutures sélectionnées et technique d'éclaircissage régulier), sans équipements modernes importants. Les rendements actuels n'excèdent guère 0,5 tonne à l'hectare. Dès les 106 premières années, on leur associe des cultures vivrières telles que le maïs, le taro et quelques pieds de banane.

ous l'effet conjugué de la rudesse notable de la sécheresse (due à la diminution progressive des précipitations annuelles, à la déforestation et aux feux de brousse), de la détérioration des termes de l'échange, de la raréfaction de la main d'œuvre (exode rural, émigration vers la basse côte) et du vieillissement des vergers, les plantations du binôme café-cacao font place à de nouvelles cultures, notamment à l'anacarde et au roucou. En 1998, les planteurs de cacao du département de Bondoukou représentaient 25% des 4 300 exploitations du Zanzan ; pour la même année les superficies exploitées en cacao dans ce département étaient de 2 187 hectares. On note un glissement de la production de café et de cacao vers le sud de la région, principalement dans le département de Tanda où d'ailleurs les superficies régressent régulièrement. En effet, le déplacement du front forestier vers Tanda réduit les surfaces favorables à la culture de ces plantes dans le département de Bondoukou. La preuve ce sont dans les sous-préfectures du sud du département que l'on «s'entête» à produire du café et du cacao. La production cumulée de cacao et de café de Tabagne représente, pour étayer nos propos, 54% de la production totale du département de Bondoukou. On comptait en 2000 à Sandégué 61 exploitants de café contre 3 pour le cacao pour des productions respectives de 34 tonnes sur 112 hectares et 1 tonne sur 3 hectares.

Comme on peut le remarquer, les actions des territoires sur les groupes ethno-culturels se résument en contraintes physiques, et en inerties et rigidités hérités du passé ( conversion mal aisée des zones de production de café et de cacao). 107

Tableau n°32: Statistiques montrant la baisse des productions du café et du cacao à Tanda, principale zone productrice du pays abron

Campagne Café (T) Cacao (T) Cumul (T) 1990-1991 7 660 8 290 15 950

1991-1992 6 880 10 390 17 270 1992-1993 1479 7 031 8 510 1993-1994 670 6 482 7102

1994-1995 3 220 4 510 7 738

1999-2000 1 631 2 035 3 666

Source: Direction départementale de l'agriculture de Tanda, 2007

Graphique n°1 : Evolution des productions de café et de cacao à Tanda

20000 ~------~= 1 .. ni------14000 12000 10000 a Café (T) 8000 • Cacao (T) 6000 4000 •Cumul (T) 2000 0

Source : Direction départementale de l'agriculture de T anda, 2007

*L'anacarde: culture de reconversion Les premières plantations d'anacarde ont été créées en 1959-1960 dans le but de replanter des périmètres dégradés ou de moindre valeur agricole, principalement dans la partie nord savanicole du territoire 108

national; visiblement l'anacardier visait le reboisement. C'est pourquoi de 1960 à 1970 plus de 5 000 hectares crées ont été confiés à la SODEFOR (Société de Développement des Forêts). En 1972, ces plantations forestières de l'Etat furent transformées en plantations fruitières destinées à la production de noix de cajou grâce à l'éclaircissage et au recépage, et les parcelles furent ensuite remises aux communautés villageoises. La remontée des cours qui s'en est suivie a entraîné une augmentation de la production due à l'intensification des travaux d'entretien et surtout de la cueillette des nOL'<:, ainsi que la création de nouvelles plantations. Associé aux vivriers (ig11an1e, maïs, manioc, etc.) les premières années et supportant les caprices du climat, l'anacarde a en fait rencontré l'adhésion des populations agricoles. Aujourd'hui, l'anacarde de la région est reconnu sur le marché international pour sa compétitivité sur le plan de la qualité. Tableau n°33 : Culture pérennes (données statistiques par spéculation, 2001)

Spéculation Paramètre Répm-tition bar département Total Bondoukou Tanda pays abron

Café Nombre d'exploitants 2 907 4 923 7 830

Superficie en (ha) 4 361 7 071,5 11 432,5 Production en (t) 1 526 2 553,2 4 079,2

Cacao Nombre d'exploitants 1 759 3 527 5 286

Superficie en (ha) 2 107 6 673,75 8 780,75 Production en (t) 1 053 7 960,55 9 013,55 anacarde Nombre d'exploitants 16 532 7 605 24137 Superficie en (ha) 43 723 7 301,75 51 024,75 Production en (t) 17 489 35 396,85 52 885,85 Source : Direction Départementale de !'Agriculture de Tanda, 2001 / ANADER Zone de Bondoukou, 2007

*Le roucou : une nouvelle culture de rente et déjà un avenir incertain 109

Au nombre des cultures de rente nouvelles, il y a le roucou. Il est introduit dans les années 1970-1980. Plante de forêt, elle aussi, on la rencontre dans le sud du département de Bondoukou, surtout à Tabagne. Tabagne se distingue tant en nombre d'exploitations gue par l'étendue des plantations. En 1998, cette zone comptait les deux tiers des producteurs de roucou du département de Bondoukou avec 126 hectares de superficie totale exploitée. Le département de Tanda est néanmoins le plus gros producteur régional : 2 286 tonnes en 1998 soit 93% de la production du Zanzan. La remontée fulgurante et avantageuse des cours, 1000 FCFA le kilogramme bord champ, avait engendré un engouement particulier des exploitants à tel enseigne gue certaines plantations de cacao furent remplacées par des plantations de roucou. Aussitôt, cette remontée des cours a été suivie d'une chute catastrophique entraînant l'abandon systématique de cette culture au profit toujours de l'anacarde. Ainsi, le développement de cette culture est désormais compromis par le mangue de débouchés et par la faiblesse des prix pratiqués.

Tableau 11°34 : Principales zones de productions végétales en 1970

Sous-préfecture Cultures Cultures vivrières Caractères des d'exploitation exploitations Riz (démarrage ignames), maïs, légumes, ignatne, Bondoukou Café, cacao (au Sud), anacarde taro, banane Exploitations familiales Koun-Fao Café, cacao Igname, taro, banane Exploitations familiales

Kouassi-Datekro Café, cacao, Igname, taro, banane Exploitations familiales coton allen Nassian Café, cacao Igna1ne, maïs, riz Exploitations familiales

Sandégué Café, cacao Igname, maïs, riz Exploitations familiales

Tanda Café, cacao, Igname, taro, banane Exploitations familiales anacarde Source : Ministère de l'Information, Côte d'Ivoire an XI 110

Les cultures d'exportation telles que le café et le cacao qw constituaient les principales sources de revenu des habitants de la région, ont considérablement chutées en termes de productivité. Les cultures de sauvetage ou de substitution devant combler ce déficit n'arrivent pas à atteindre les résultats escomptés. Cette situation participe au péril financier auquel est exposée cette population de plus en plus touchée par la paupérisation. Cela affecte ou agit directement sur les choix qu'elle effectue, que ce soit dans le domaine de la santé ou tout autre secteur de la vie. Ces choix effectués par ces dernières en matière de prise de décision quant aux actes médicaux, indiquent clairement (mettent en lumière) les sources d'évitement des formations sanitaires. Ce sont des populations de plus en plus touchées par la pauvreté gui doivent opérer des choix entre survivre et se prendre en charge dans une formation sanitaire. 111

Troisième partie:

ANALYSE DU FAIBLE RECOURS AUX CENTRES DE SANTE DANS LA SOUS-PREFECTURE DE TANDA 112

Chapitre! : Les formes de legimations associees a la fréquentation ou non des centres de santé

1-1- Les représentations sociales de la maladie 'est la réflexion ou l'ensemble de connaissances qu'une population donnée a ou se fait d'une maladie. Ayant brièvement rappelé la compréhension de cette notion, tentons de comprendre quel est le niveau de connaissance de la maladie des populations de la sous préfecture de Tanda. Avant de répondre à cette question, il est à noter que la maladie et la santé sont deux concepts intimement liés; parce que contraires ou du moins deux entités différentes d'un même système. La définition de l'un permet de comprendre la définition de l'autre. Des spécialistes de la santé tels que Y annick J affre, Harris-Memel F otè se sont posé la question de savoir ce que signifient la maladie et la santé. Selon ces spécialistes, la santé c'est le silence des organes ; et la maladie toute cause qui rompt les équilibres biologiques dont l'ensemble des anomalies provoquées d'une part par l'agression et d'autre part par la résistance de l'organisme à l'agression. L'OMS va plus loin dans sa définition de la santé en insistant sur les variables morales, psychologiques et sociales.

1-1-1 Conception de la maladie par la population Tout groupe social a sa manière spécifique de percevoir et d'expliquer les notions de santé, de maladie et de mort, qui dépendent étroitement de sa représentation du monde. Cette conception de la maladie entre généralement en relation avec son système de croyance et de valeurs, son apport à l'environnement. De ce fait, comment les populations appréhendent-elles la santé, la maladie, la mort et quelles en sont les imputations étiologiques. A la question, qu'est-ce que la maladie, la majorité des interrogés définissent la maladie comme une défaillance physique immobilisant l'homme soit chez lui à domicile, soit dans un centre social de soin, l'empêchant de réaliser un désir important de sa vie ; travailler et se nourrir. Cette défaillance physique qui entraine une incapacité 113

à travailler est désignée chez les populations de Tanda « pra sè ». Cette immobilisation impose à la famille ou aux parents une obligation morale d'assistance à l'égard du malade. La maladie «grave» disqualifie le malade. Quand il est grand, il redevient un enfant puisqu'il est à la charge des autres, il est obligé d'attendre des autres, aides, secours, guide et soins thérapeutiques. Dans le contexte du « pra sè », la maladie ne prend en compte que l'aspect purement physique lui occultant son aspect psychologique ou moral. Ils lient le concept de la maladie à « didio », qui est insecte, microbe. En effet, selon les enquêtés, il n'existe pas une distinction nette entre les microbes, les insectes, les parasites. Toutes ces différentes espèces animales qui peuvent provoquer la maladie sont caractérisées par la bête : « didio », qui peut provoquer la maladie ; partant une incapacité à travailler. Chez les enquêtés, l'insalubrité, ce qui n'est pas propre. Elle est donc désignée par la pourriture : fonra. Fonra provient des aliments décomposés d'où un rapport de la maladie avec l'alimentation. « Gnango » est également lié à l'environnement malsain et également à la malpropreté du corps à travers l'expression « fonra ». Par ailleurs, la maladie, dans la localité de notre étude, l'anorexie: incapacité de se nourrir, le manque d'appétit. Le malade perd l'appétit, il n'arrive pas à manger ou se nourrir. Les enquêtés désignent cette absence de santé qu'est la maladie par le terme « pradigo ». Et en quoi la mobilisation au sol d'un tiers ou de plusieurs personnes au sein de leur société peut avoir une incidence sérieuse dans l'activité quotidienne de la société et donc des conséquences sociales de la maladie. Aussi la maladie a-t-elle un rapport avec la mort. La mort « picô ». Ainsi lutter contre la maladie c'est lutter aussi contre la mort. C'est pourquoi la maladie mobilise des ressources. Ces ressources ont différentes dimensions : sociales thérapeutiques et symboliques. Au niveau thérapeutique la lutte contre la maladie et la mort implique « lôcê » ou guérisseur. Le niveau symbolique concerne les rituels, les offrandes d'animaux, les sacrifices aux ancêtres, aux dieux, l'adoration 114 des marigots. Les féticheurs interviennent-ils dans les soins. Ils apportent leur concours à travers leur connaissance et leur expérience. Par ailleurs la maladie est définie comme un manque d'argent. Pour cette catégorie de populations, le pouvoir d'achat est un élément déterminant et valorisant les relations interpersonnelles. Son faible niveau est considéré comme un cas de maladie car une personne qui n'a pas un pouvoir d'achat conséquent voit dès lors son image sociale dévalorisée ; ce qui équivaut à un état social de la maladie. Pour nous conforter davantage dans notre situation, retenons l'exemple de cet interrogé qui soutient être « exclu des activités sociales depuis la mésaventure qui a vu aller en fumée toute sa plantation d'anacarde ». Dès lors, il n'arrive plus à participer aux activités sociales et à prendre part aux cotisations. En réalité, il n'y a pas de doute de l'utilité de l'argent tant il permet de se nourrir, de se loger, de s'occuper des enfants, des vieux, de se distraire, de créer des œuvres d'art. C'est ce que Bernard Perret a appelé « l'économie de rez de chaussée». L'argent du fait qu'il apparait d'après Perret comme la seule médiation possible dans un nombre toujours croissant de situation comporte de redoutables effets petvers. En effet, en devenant la mesure de toute chose, il réduit la diversité et la richesse des formes d'échanges (engagement politique, associatif, .. ) ou des critères de valorisation sociale, culturelle, éthique et il nous rend myope sur notre bien - être collectif. Il oblige les grandes entreprises à renoncer à leur responsabilité «institutionnelles» (sociales ou nationales) pour se plier à la logique des marchés financiers. En faisant reculer la « citoyenneté sociale», il menace la nation elle - même. En un mot, l'argent devient le moteur de tout échange et de toute valeur. Partant donc de ce constat, qui revèle bien évidemment qu'aucun échange n'est possible sans argent, il est important de savoir comment les échanges se faisaient dans nos sociétés traditionnelles ivoiriennes avant la monétarisation. 115

Dans nos sociétés, l'univers économique traditionnel se caractérisait par l'existence sur le plan de la motivation de palliers d'orientations précis, sur le plan de la substance de niveaux d'activités différenciées sur le plan de forme d'une organisation de la production. Cette technique d'échange consistait chez certains peuples à exprimer les prix en tête de bétail donnant à celle-ci la signification d'une monnaie de compte avant la lettre. L'existence de cette monnaie de compte est sous-jacente à la notion d'échange alors que ces échanges se faisaient sous la forme primitive du troc. Le comportement de l'agent économique traditionnel était d'une manière schématique traduit par la nécessité de satisfaire trois types de besoins à finalité distante que sont: l'économie, le social, le domestique. Le système économique traditionnel permettait à la société de satisfaire ses besoins alimentaires quotidiens puis des exigences de l'organisation sociale en matière matrimoniale notamment. Ainsi, comment l'homme riche, le volume de richesse, la nature et la fonction de la richesse étaient -ils representés dans nos sociétés traditionnelles ? Chez les Gouro par exemple, chaque lignage conserve le souvenir d'un ou plusieurs Ancêtres qui se distinguèrent par l'importance de leur patrimoine. On les appelle les « migone » en forêt, « fua » en savane. Le migone dit-on à Suefla (village gouro) avait de bœufs, de moutons, de chèvres, des esclaves, des vahudago, des ivoires, des bro. Ailleurs, ils possédaient aussi des fusils, des objets rehaussés d'or ou d'autres variétés de pagnes. Si un homme est riche dit-on à Dogbafla, il devait avoir beaucoup de bœufs dans le village et tous savaient qu'il était riche. Mais à Zraluho, on dit qu'un fua était un homme qui avait beaucoup de kola. Le migone ou le fua jouait un rôle politique éminent dans la collectivité villageoise. Selon les traditionnalistes gouro, la richesse est un accomplissement social car seuls les vieux disent-ils sont migone et quand on est migone, c'est pour la vie. Ils opposent cet aspect de la richesse aux formes modernes du profit puisque celui qui est riche aujourd'hui peut-être pauvre demain. La richesse se décompose en biens d'origine domestiques (pagnes, ivoires), biens à la fois 116 domestique (gros bétails et esclaves) et biens importés (fer ou forme de bro ou sompê, fusils de traite). La proportion de ces biens variait d'un cas à un autre. Elle variait aussi entre les fua du Nord et le migone du Sud. En effet, l'économie prit une autre dimension après l'événement de la colonisation de par l'introduction des cultures commerciales telles que le café, le cacao, l'hévéa. Cette nouvelle forme d'économie qui donne naissance à la monnaie, instrument d'échange et de réserve qui désormais reproduira les rapports de la société. Ces échanges passaient de la formule du troc à celle du commerce. Cette notion d'échange aura pour caractéristique l'utilisation de l'argent avec la recherche du profit. « L'accroissement général des revenus et la capacité des ménages rvomens conjugués à la forte poussée démographiques que connaît la Côte d'Ivoire a entraîné des changements importants dans la structure de la population et dans son comportement social». Celle-ci est perceptible à travers la désintégration massive de la famille. L'autorité parentale s'effrite au fur et à mesure que les valeurs liées à l'argent l'emportent sur celles de l'ethos traditionnel. En clair, on assiste à la déstructuration de la famille si l'on considère que c'est au foyer dès le plus jeune âge à se forger les valeurs d'un individu, personne ne pourrait donc expliquer la trop grande absence des parents dans l'éducation de leurs enfants. Trop occupés à gagner de quoi faire vivre leur famille ou trop absorbés par la poursuite de leurs objectifs personnels, l'éducation des enfants est laissée pour compte. Parfois, le ménage se trouve menacé par cette course effrénée à l'argent; faute de communication, la moitié des mariages s'achève par un divorce. La famille qui était le meilleur cadre de socialisation des enfants, se trouve aujourd'hui disloquée, obligeant les enfants à errer dans les rues, à s'adonner à la drogue, l'alcool parce que le monde capitaliste dans lequel nous vivons oblige des femmes à se retrouver sur le marché du travail, des hommes à passer des journées entières à la recherche de l'argent. 117

Le couple argent-marché étend sa domination dans le domaine sanitaire. Des professionnels de santé se montrent très intéressés par l'argent que par la santé de leurs patients. De ce fait, l'on assiste à la vente parallèle des médicaments au sein des centres de santé. Tous ces constats parlent d'eux-mêmes. Et l'idée qui en ressort est de voir le pouvoir qu'exerce l'argent sur l'être humain. Aujourd'hui, l'argent n'est pas un pur instrument d'échanges, un signe de circulation de biens. Il se convertit en un instrument de puissance gui reproduit les rapports de la société dans ces divisions politiques économiques, sociales, culturelles. En effet, l'argent permet à certains de se rendre maître des goûts et des penchants pour pouvoir les diriger et les déterminer dans le sens de leurs propres fins. ussi l'on ne pourrait ignorer la survenue des événements qw se sont produits dans la nuit du 18 au 19 septembre 2006 en Côte d'Ivoire précisément dans le district d'Abidjan et ses alentours. Des déchets toxiques ont été déversés le long des côtes lagunaires, dans les différentes décharges provoquant ainsi des problèmes de santé chez les populations voire des décès déclarés. Ces incidents criminels ont été possibles parce que certains ivoiriens ont prêté le flan en acceptant de l'argent au prix des vies humaines alors qu'ils savaient les dangers que cela représentaient. Et les problèmes graves auxquels les populations sont exposées. près avoir présenté la maladie, quelles sont les origines de sa survenue.

1-1-1-2 Causes de la maladie Généralement considérée comme un dysfonctionnement de l'organisme, la maladie présente plusieurs causes. A la question quelles sont les causes de la maladie ? Les réponses de nos enquêtes divergent et se résument essentiellement en deux grands groupes : les causes naturelles ou biomédicales et les causes surnaturelles. 118

1-1-1-2-1 Causes naturelles

A l'issue des interrogations, nous constatons que la population de Tanda n'ignore pas les origines biomédicales de la maladie. Elle reconnait les piqures des moustiques, les microbes, l'insalubrité, la malnutrition, la fatigue et les accidents comme ongrnes de la survenue d'un dysfonctionnement de l'organisme. Autant un moustique ou la fatigue peut provoquer le paludisme, elle sait que la malnutrition ou un accident peut entrainer l'incapacité d'un individu à vaguer à ses occupations quotidiennes et partant se nourrir lui-même ou sa famille. L'exemple de cet enquêté, qui très tôt le matin ingurgite de la purée d'igname non chauffée et qui par la suite se retrouve à l'hôpital pour indigestion achève de nous convaincre sur le caractère biomédical de la maladie. La reconnaissance des causes naturelles est également liée aux consignes qu'elle a reçues lors du contact avec les spécialistes de centres de santé de ladite localité ou au cours des campagnes de sensibilisation. A ces causes s'ajoutent celles qui font partie de l'invisible qu'on pourrait dénommer les causes surnaturelles.

1-1-1-2-2 Causes surnaturelles ou sociales L'adultère, les injures publiques, les mauvais sorts, la sorcellerie et les cas d'infidélité sont considérées comme les causes invisibles de la survenue de la maladie. Pour cette population, la maladie est également liée au non respect de certaines normes, us et coutumes de la société. n effet, à Tanda, précisément à Bokoré, un de nos enquêtés est allé pêcher dans la rivière sacrée (Manfilé). Malgré les appels à l'ordre de la part des sages et autres notables du village, le garçon refuse d'obtempérer. Pire, il a invectivé contre ceux-ci. Par la suite, il en est tombé malade. Cette vision de la maladie par la population de Tanda intègre la définition que Harris Mernel Fotê donne de la santé. Selon cet anthropologue, la santé en tant que force, c'est d'abord le bien être des individus « sous le rapport social (rapport avec les membres de lignage, du groupe d'âge et les autorités politiques) ; c'est aussi le bien être de la société dans ses rapports avec la nature, avec les autres sociétés 119 contemporaines ( ... ). Fécondité des géniteurs, fertilité des eaux et du bétail, absence de calamité (épidémies, épizooties), longévité, paix, fête, voilà les manifestations de la santé, de la force». Ainsi pour éviter d'être malade, tout habitant doit-il se soumettre aux règles et aux normes de la société dans laquelle il vit et précisément ce, de la localité de Tanda. Les systèmes traditionnels intégrés aux soins jouent en puissance sur le comportement, des populations dans la recherche de la guérison. La maladie n'étant pas seulement naturelle, elle est également surnaturelle et donc pour ces populations, pour bénéficier d'une « bonne »santé, il faut être en symbiose avec le surnaturel comme le vécu. La santé est une situation de rapport harmonieux entre l'individu et les membres vivant ou morts de sa famille en particulier les ancêtres dont ils détiennent la vie. Les manifestations de la vie et les perturbations qui en résultent sont perçues en milieu Abron souvent comme l'œuvre des esprits. En effet, chez les Abron de Tanda, la maladie n'est pas seulement considérée comme un fait physiologique, mais aussi et surtout comme un fait social. De sorte que, lorsqu'elle survient, ils s'interrogent sur les causes et les conditions sociales de son apparition. Les maladies signifient ou expriment des conflits au sein de la société entière, ou dans les relations familiales, des mauvais sorts jetés par de mauvais esprits, par des sorciers, le mécontentement des ancêtres, la transgression d'un interdit social ou religieux etc. leur comportement sanitaire est donc fonction de leur conception de la santé et de la maladie et le recours au fétiche et guérisseurs traditionnels est toujours la règle malgré la présence des agents de santé dans le village. Mais alors comment les croyances associées à l'étiologie de certaines maladies disqualifient-elles les populations des centres de santé moderne ? 120

1-1-2- Certaines croyances associées à l'étiologie de la maladie D'une manière générale, l'appartenance à une société ayant une culture particulière détermine l'organisation de cette société sur le plan économique, politique, social et culturel. Partant de là, l'individu ou le groupe social adopte une attitude particulière face à la maladie et les antécédents socioculturels peuvent être des facteurs entravant la fréquentation des centres de santé. Ainsi, dans cette étude, la peur des injections apparait- elle comme un obstacle à la fréquentation des centres de santé.

1-1-2-1- La peur des injections comme obstacle à la fréquentation des centres de santé

Les injections constituent des obstacles à la fréquentation des centres de santé. Le cas de cet enquêté de Toundian.i qui affirme avoir passé plusieurs années sans venir se faire soigner à l'hôpital à cause des injections qui, pour lui constituent un facteur de désacralisation de l'organisme. Aussi est-il de plus en plus répandu dans notre localité d'enquête (sous-préfecture de Tanda) que certaines maladies comme les furoncles n'admettent pas les injections. Selon les différentes versions enregistrées auprès de la population, des parents malades porteurs de furoncles seraient morts après les injections faites dans des formations sanitaires.Cette vision des choses trouve aussi echo chez 1essouma(l 992), qui, dans le cadre du programme élargie de vaccination (PEV), a montré que « des vaccins ont été inoculés aux enfants d'un petit village de la sous-préfecture de Karakoro. Cette action devait être renouvelée par des rappels dans intervalles de temps précis afin de conférer l'immunité désirée. Mais à la date prévue pour le rappel, quelle ne fut pas la surprise du personnel de santé qui s'est déplacé pour effectuer cette séance de vaccination? Le village était désert; toutes les mères sont allées au champ avec leurs enfants. A l'interrogatoire, le chef de village révèle que les enfants ont tous été déjà vaccinés. Aussi le vaccin 121

ayant provoqué des fièvres aux enfants, les mères ont jugé inutile ce second passage c'est-à-dire le rappel». En effet, la phobie des injections provient de l'éducation du malade. De son enfance, le malade conserve deux catégories d'informations concernant le médecin. Tout d'abord, le médecin est l'homme qui soigne et qui fait des piqûres. Mais cette peur du médecin, n'est pas un phénomène simple. L'enfant ne se souvient pas seulement des petites douleurs infligées par injections, des vaccinations ou plutôt, s'il s'en souvient c'est principalement parce que les parents le lui rappelaient, voire le menaçaient du médecin. Ce qui est maintenu dans le souvenir, sans être forcement reconnu, c'est la propre crainte éprouvée par les parents devant le médecin et ce qu'il représentait pour eux, crainte répercutée sur l'enfant, sous forme de menace. L'aspect le plus tolérable pour l'enfant est celui du médecin revêtu d'autorité, en imposant aux parents tout en les conseillant et les rassurant. Comment la population de la sous-préfecture se répresentent-elle les centres de santé ?

1-2- Perception des centres de santé par les populations Cette étude nous a permis de retenir que la plupart des centres de santé de la sous-préfecture de Tanda ont été construits par les populations. Ces centres de santé sont l'œuvre des mutuelles ou / et des associations des cadres ou élites du village. Concrètement, en dehors de l'hôpital général de Tanda, qui, à l'origine a été l'œuvre d'une congrégation religieuse, treize (13) des seize (16) centres de santé que compte la sous préfecture ont été construits et équipés par les populations. C'est après sa réalisation que la mutuelle ou l'association fait une demande à l'Etat pour obtenir le personnel médical ou paramédical. Mais en fait, quelles sont les logiques qui expliquent la construction des centres de santé par la population elle-même dans la sous préfecture de Tanda ?

1-2-1- Le centre de santé comme un élément distinctif entre les villages En milieu rural, le centre de santé apparait comme un instrument de causerie populaire ou de boutade. Il est fréquent d'entendre entre des hommes ou des femmes au cours de leur causerie : « tu me dois de respect parce que tu 122 sais d'où je viens. Tu connais mon village et le tien. Nous ne som.mes pas comparables. Chez moi il existe un « dacouta »pour désigner le centre de santé». C'est pour préciser gue le village gui ne dispose pas de centre de santé est inférieur à celui gui en dispose. Ces formes de plaisanteries traduisent la volonté de positionnement ou de moquerie entre les villageois. Ces formes de frustration qu'engendrent ces boutades participent d'une prise de conscience collective au niveau des villages gui n'en possèdent pas. Cette situation suscite et favorise l'adhésion des membres des villages frustrés au projet gue l'on réalise dans le village. C'est ici gue l'idéologie prend tout son sens; qu'il s'agisse du renforcement de la cohésion d'une institution, de légitimation des conduites et des engagements ou bien encore de la démonstration du bien fondé de certaines aspirations. C'est également une reconstruction et une réinterprétation collective de la réalité sociale d'un groupe par les membres de ce groupe destinée à légitimer l'action ou à mobiliser des membres d'un groupe en faveur de ce gui est définit comme un intérêt collectif du groupe. Autrement dit l'idéologie est un système de signification, de représentation et de valeur propre à un groupe social concernant l'organisation et les normes, les légitimant ou les contestant et participant à la régulation des attitudes et des comportements. Sur ce rapport on peut identifier les propriétés suivantes de l'idéologie : les idéologies sont un système de signification c'est-à-dire un système symbolique. Aussi servent-elles à mobiliser les membres d'un groupe social en faveur d'un intérêt collectif tel gue la construction d'un centre de santé. En outre elles servent à légitimer les actions sociales donc elles constituent un élément de structuration des rapports sociaux. L'organisation sociale du peuple Abron démontre la légitimation des fonctions de la structure sociale gui fonde l'ossature de ce peuple. Enfin les idéologies constituent une reconstruction de la réalité visant à masquer la nature réelle des rapports sociaux. Cette réalité s'observe dans les sociétés dites capitalistes. A travers le concept d'Etat nation gui met en relief les différentes catégories sociales (prolétaires et bourgeoises). Concept utilisé pour «atténuer» ou mettre 123

sur le même pied d'égalité les individus dans la distribution ou la répartition des biens. Dans le cadre de notre étude cette marque de l'idéologie est visible à travers la dépendance d'un village vis-à-vis d'une province ou d'un autre village. Cette forme de structuration de la société Abron met en jeu des rapports de ourrussion et de reconnaissance ; lesquels rapports deviennent souvent conflictuels eu égard des enjeux au niveau de la construction des centres de santé. C'est en ce sens que l'objet centre de santé devient un instrument de positionnement sociale et de légitimation. Aucun village ne veut aujourd'hui être sous la coupole d'un autre.

1-2-2- Le centre de santé comme instrument de domination

1-2-2-1- Au niveau des populations La construction des centres de santé par les populations est la marque de leur hégémonie, leur volonté de domination sur les villages environnants. Elle traduit une volonté manifeste de progrès et d'émancipation par rapport aux autres villages. De ce qui précède, il faut ajouter que la construction des centres de santé par les villageois est voilée par une idée ou volonté très importante. En effet, l'espace contrôlé par le centre de santé devient un espace politique. C'est cette idée que la plaisanterie ou la boutade voilent à travers l'expression : respecte-moi. Chez moi il existe un centre de santé. En clair loin d'une simple boutade, la réalité sociologique nous emmène à comprendre que le centre de santé apparait après l'hydraulique villageoise, l'école, le lotissement et l'électrification comme le dernier équipement pour bénéficier de l'érection du village en chef lieu de commune et de sous préfecture. En ce sens la construction de centre de santé se détourne de son objectif initial : celui de venir en aide aux populations face à la maladie, pour devenir un objet de progrès. Cet enjeu politique met en exergue la non fréquentation des centres de santé puisse que la mutuelle ou l'association ne sensibilise pas la population après avoir atteint ses objectifs. 124

1-2-2-2- Au niveau des collectivités La décentralisation est une notion du droit administratif. ce titre, il convient de se référer à la définition qui lui est consacrée par cette matière. Selon

Martine Lombard, dans son ouvrage intitulé Cours du droit administratif, il y a décentralisation lorsque : " ... des pouvoirs propres de décision appartiennent à des organes normalement élus qui agissent au nom et pour le compte d'une collectivité personnalisée qu'il s'agisse d'une collectivité locale-décentralisation géographique ou d'un établissement public-décentralisation par service" La décentralisation suppose donc l'existence de personnes publiques indépendantes de l'Etat ou en tout cas, autres que l'Etat. Tout en étant d'accord avec cette assertion, il importe toutefois de nous référer à celle proposée par le Professeur René Degni-Ségui selon laquelle:" la décentralisation est le procédé technique qui consiste à conférer des pouvoirs de décision à des organes locaux, autonomes, distincts de ceux de l'Etat. Ces organes locaux, appelés autorités décentralisées, règlent les problèmes d'intérêt local, tandis que l'autorité centrale prend en charge ceux présentant un intérêt naturel national. Ainsi, les problèmes intéressant la commune ou le département sont réglés par leurs propres représentants respectivement le Maire ou le Président du Conseil Général. La décentralisation appelle l'idée d'autonomie ( ... ) Cette autonomie se matérialise dans la personnalité juridique reconnue à la collectivité décentralisée et qui implique un transfert de pouvoir à une personnalité publique, autre que l'Etat et inférieur à celui-ci.

La construction d'un centre de santé par les collectivités locales à savoir la mairie et le conseil général répond à des soucis politiques et sociaux. Dans ce cas les collectivités locales viennent d'abord en aide aux populations car les centres de santé leur permettent de se soigner et d'éviter de se déplacer sur des kilomètres pour recouvrir la santé. Cependant, au delà de cet aspect social, il s'agit pour ces collectivités d'obtenir l'adhésion des localités à leur programme de développement et partant se positionner comme des leaders politiques aux 125

futures élections. Le centre de santé devient donc un instrument d'attraction de la faveur des localités. Il est l'« appât», l'équipement politique de référence car il touche la vie quotidienne des populations rurales. A ce niveau le choix de la localité à équiper obéit à une intention stratégique qui ne correspond pas souvent à la réalité. C'est le cas de la construction du centre de santé dans certains villages qui ne fait pas l'unanimité des usagers. Les raisons avancées sont diverses : la localité qui bénéficie du centre de santé est petite du point de vue géographique par rapport à une localité plus dense. Le choix de la localité bénéficiaire peut dépendre de l'influence de certaines autorités. Ainsi la mairie se bat- elle pour faire accepter la construction du centre de santé par le conseil municipal. Il existe une réelle inadéquation entre l'idéologie qui sous-tend la construction des centres de santé et les besoins des populations. La construction des centres de santé par les collectivités locales ne tient pas compte des aspirations des populations rurales. Le centre de santé pour ces collectivités est un élément d'épanouissement politique. Cette situation se justifie par le désintéressement total qu'ils accordent aux infrastructures de santé après leur inauguration. L'inauguration mobilise plus les populations et aucune action de santé n'est menée après, quant à sa fréquentation.

1-2-3- Structure sanitaire comme un élément de modernité Réagir face aux agressions du co1ps à travers les maladies est une difficulté pour les populations rurales. La santé constitue chez celles- ci une difficulté majeure dans la mesure où en dépit des difficultés économiques, il n'est pas toujours aisé d'avoir un centre de santé dans son village ou proche de son village. C'est dans ce sens que la construction d'un centre de santé dans un village est accueillie par les populations comme un élément de progrès. En effet le progrès se définit d'une façon générale d'après le dictionnaire Larousse comme le développement .Il s'assimile donc au développement. Pour Jean Pierre Olivier de Sardan, le développement, c'est d'abord une réalité. Il ya développement dès lors qu'il ya des développeurs Occidentaux ou nationaux, 126

institutionnels ou ONG, dès lors que des interventions volontaires d'origines extérieures à un milieu cible, visent à transformer en partie ce milieu-cible, en général par l'introduction de technologies nouvelles et/ ou la transformation de certains comportements économiques (et au moins indirectement non économiques). Que le développement "marche" ou ne "marche pas", qu'il soit positif ou négatif, intéressé ou désintéressé, il existe car existe tout un ensemble

33 de pratiques sociales qui désigne ce mot · Mais il ya plus : "le développement fait intervenir les multiples acteurs sociaux du coté des groupes-cibles comme du coté des institutions de développement. Leurs statuts professionnels, leurs normes d'action, leurs compétences, leurs stratégies diffèrent considérablement. Leurs enjeux respectifs ne sont pas les mêmes. Voir schéma ci-dessous.

Idéologie utilitariste (bénévolat) Technicien du Idéologie de modernisation développement Populations Ex : les experts : ONG, BM rurales Mobilisation de population pour les insérer dans les rapports spécifiques

compétition disqualifie l'Etat

Diffuse Une idéologie Pour légitimer actions ONG Manque d'investissement

Etat

Schéma 1 : Rapport d'interaction entre population rurale, technicien de développement et l'état Le développement "sur le terrain", c'est la résultante de ces multiples interactions, qu'aucun modèle économique en laboratoire ne peut décrire à priori, mais dont la sociologie et l'ethnologie peuvent tenter de découvrir les modalités in situ ... A cet égard le développement est bien un lieu d'affrontement

33 Jean Pierre O. de sardan , .APAD, 11° 6, décembre 1993, Marseille, P.12. 127

politique" certes les opérations de développement donne toujours lieu à des confrontations de stratégies sur le terrain entre plusieurs acteurs aux intérêts plus ou moins compatibles, dans le but de s'en approprier. D'une façon opératoire dans le cadre de notre étude le progrès désigne: aller de l'avant, réduire la souffrance des populations. Sur le plan médical ou sanitaire, il s'exprime par le raccourcissement de la distance à parcourir pour se rendre dans un centre de santé. D'où la proximité de celui-ci. Dès lors le centre de santé se déplace pour venir rejoindre le malade chez lui. C'est en ce sens qu'il apparait comme un élément nouveau bouleversant ainsi l'ordre et les comportements des populations. C'est ainsi que l'inauguration du centre de santé donne lieu à une fête populaire ou les populations rurales chantent et dansent pour exprimer leur gratitude au Ministre de la santé, au Maire, au Président du conseil général. Cet événement qui mobilise les villages environnants participe d'une certaine recomposition des rapports entre ce village et les villages situés dans le petit district sanitaire. La participation des villages environnants à cette manifestation de l'inauguration du centre, est une sorte de reconnaissance du progrès de celui• ci à travers cette œuvre dont ils seront bénéficiaires eux aussi. En revanche leur présence à l'inauguration de cette œuvre sociale suscite en eux un sentiment de compétition. Ainsi repartent-ils avec l'idée selon laquelle eux aussi doivent bénéficier de cette œuvre à travers la mobilisation de ressources. Cette analyse tient du fait que le centre de santé apparait d'un point de vue sociologique comme un élément de domination d'un village sur un autre. La mobilisation de chaque village vers le progrès engage une compétition entre ceux-ci. Cette compétition s'exprime à travers la réalisation de nombreuses infrastructures dans les villages. C'est dans cette perspective que le Directeur du district sanitaire de la localité de Tanda affirme: « dans la région de Tanda, il me semble qu'aucun village ne veut dépendre d'un autre». La multiplication des infrastructures anitaires dans les villages, limite leur fréquentation dans la mesure où chaque village dispose d'un centre de santé. Cette situation relève des paradoxes. Alors 128

que la sous direction de la carte sanitaire nous informe que pour avoir un centre de santé il faut une population de dix mille habitants, la prolifération des centres de santé dans notre localité ne nous permet pas d'observer cette réalité. Dans les localités visitées, la population varie de 2000 à 6000 habitants. Et pourtant ces localités bénéficient d'un centre de santé. Cette situation se justifie par le dépérissement de l'Etat suite à la crise économique des années 1980 à faire face à la construction des infrastructures sanitaires et surtout à la politique de participation des populations à l'effort de développement lancé par le gouvernement lui-même lors du quatrième congrès du PDCI - RDA de 1965. ce congrès en effet, le Président de la République son excellence feu Félix Houphouët Boigny, précisait dans son discours qu'il était du devoir des cadres de faire profiter à leur région la chance qu'ils avaient eue d'acquérir à l'école le savoir indispensable de nos jours au développement de tout pays, la construction de son village, de sa région, la petite pierre de son savoir. Les populations "soucieuses " de leur santé vont prendre la relève à travers les associations ou mutuelles de développement des villages c'est à juste titre que cet enquêté affirme : « chaque village doit se lever se prospérer avec une dimension nationale d'abord soutenue bien sûr par les cadres». Elles construisent alors les centres de santé et les logements des prestataires auxquels l'Etat affecte le personnel soignant. Cette prolifération des centres de santé à un impact sur le développement en ce sens qu'elle mobilise les populations elles-mêmes à la recherche des ressources pour se prendre en charge. Elle va redynamiser l'implication des cadres au développement de leurs villages à travers leurs implications aux activités des mutuelles. La théorie de l'utilitarisme de Boudon nous permet de mieux appréhender cette réalité. Pour cet auteur en effet chaque être humain a des propriétés spécifiques qu'il faut exploiter. En clair une mutuelle de développement d'un village, pour une extension électrique, pourrait mobiliser un de ses membres exerçant comme cadre à la Compagnie Ivoirienne d'Electricité (CIE). 129

ussi pourrait-elle être un frein au développement dans la mesure où la prolifération des centres de santé entraine leur sous fréquentation. Certaines localités visitées donnent les taux de fréquentation annuelle suivante : Tiédio 8,25 %, Abokouman 4%, Iguela 8%, Tanganmourou 6%, Korobo 6%, Essikro 6%, Gondia 7 %. Cette situation fait perdre l'expérience au niveau des prestataires affectés par l'Etat et les rend oisifs. A cet effet un prestataire affirme: « je ne suis pas venu ici pour dormir à la maison ou aller au champ. J'ai été affecté par l'Etat pour faire mon travail. Mais vos parents ne viennent pas à l'hôpital. Or, nous, on gagne en expérience quand on est en face de plusieurs malades». Ce problème pousse les prestataires de soins à nourrir des idées de quitter la région de Tanda pour une localité où le taux de fréquentation est dense. Pour cet enquêté en effet « je voudrais partir vers le sud mais quand on parle de la région du Zanzan, aucun infirmier ne veut venir car les populations n'aiment pas fréquenter les centres de santé dans cette région ». Le refus de l'un ou l'autre des prestataires soit de partir ou de venir est socialement construit dans la mesure où un prestataire de soins qui reçoit plusieurs cas de maladie gagne en expérience. Mais au-delà de l'expérience qu'il acquiert ce sont« des facilités d'entrée d'argent» ou des « ristournes ». Le prestataire de soins ne se préoccupe plus d'exercer correctement selon le paquet minimum d'activité mais se préoccupe à« comment vais -je faire pour avoir de l'argent». Cette situation est celle des pays sous-développés. Mais qu'est-ce qu'un pays sous-développé? On parle de sous-développement d'un pays lorsque la situation sanitaire et économique y est très mauvaise. Le terme de pays sous-développés n'est plus beaucoup employé, on préfère le terme plus politiquement correct de pays en voie de développement. Les pays les plus pauvres sont les pays les moins avancés. Le concept naît au lendemain de la seconde guerre mondiale": Il émerge à ce moment car après la guerre, l'occident se rend compte de l'immense misère de plus de deux tiers de l'humanité. Les pays riches rêvent ou du moins

34 Géographie du sous développement, y Lacoste 1965. 130

affichent l'ambition de faire sortir les pays sous-développés de cette misère. ussi l'influence des pays du nord est extrêmement sur les pays ex-colonisés. La notion de sous-développement a longtemps fait partie de la politique étrangère des états -unis, qui vont faire accepter l'aide occidentale aux pays du sud pour contrer l'influence que la solution communiste pourrait avoir dans ces pays. Les pays sous-développés qui appliquent les bonnes méthodes de développement économique (bonne gouvernance, libéralisme économique (par exemple respect du droit à la propriété), etc, améliore leur situation et peuvent devenir des pays émergents (cas des pays d'Asie), puis des pays développés (cas de la Corée du Sud passé du stade de sous-développé à un stade de pays très avancé). Le programme de Nations Unies pour le développement (PNUD) sous l'égide de l'ONU coordonne des efforts en faveur du développement économique des pays sous-développés. Le PNUD a lancé les objectifs du

35 millénaire pour le développement, ratifiés par l'ensemble des Etats membres . Cette vision a évolué chez les acteurs de terrain vers la nation de mal développement, qui s'abstrait des velléités d'influence politique et de la vision purement économique pour essayer de comprendre les origines de décalage entre les pays du nord et ceux du sud. Encore que les appellations géographiques peu précises, souvent utilisées par les altermondialistes, aient une connotation pouvant paraitre raciste. Pour ces pays sous-développés en effet avec la crise économique, les Etats ne peuvent faire face à certaines exigences sociales telles l'augmentation des salaires, certains employés de l'Etat ou fonctionnaires inventent des stratégies telle la «corruption», « des facilités d'entrée d'argent» pour pouvoir joindre les « deux bouts». La liberté accordée par l'Etat aux populations dans la réalisation des infrastructures tels les centres de santé va très tôt gagner l'adhésion des populations. C'est ainsi que dans ma localité d'étude on assiste à la réalisation d'une multiplicité d'infrastructures sanitaires. Lesquelles réalisations n'observant

35 Actualités de la poursuite des objectifs du millénaire pom le développement (Archives). 131

pas le fil conducteur mis en place par les experts du développement. C'est l'illustration de cet enquêté pour qui « il y a beaucoup de centres de santé dans la sous-préfecture de Tanda. Aujourd'hui avec un peu plus de rigueur de la part du Ministère de la santé et de l'hygiène publique, on fermera plusieurs centres de santé. Mais on ne peut pas accepter que l'Etat envoie un prestataire de soins dans une localité qu'il paie chaque fin de mois alors que ce dernier ne travaille pas. Pour construire un centre de santé il y a des études qui sont faites par le Ministère du plan et du développement. Les hommes viennent explorer le terrain pour savoir si on doit ou non construire un centre de santé dans telle ou telle localité. La politique aidant avec son corolaire la démocratie fait que personne ne respecte plus personne ». Les différents villages pour construire leur rapport spécifique par rapport aux autres villages environnants vont fonctionner autour des idées émises par les cadres de leur localité; principaux animateurs de leur développement. C'est ce qui fait dire à Guy Rocher36 que les idées ont un impact social dans la mesure où elles activent et guident la motivation des acteurs sociaux. La société est avant tout action d'une pluralité d'acteurs, elle est le produit de cette action sociale. Et l'action sociale est motivée et orientée par des buts, des connaissances, des intentions des projets que formulent et qu'entretiennent les acteurs et les groupes d'acteurs, les poussant ou les invitant à agir dans un sens donné, à rejeter d'autres choix possibles. Les idées exercent donc une influence sur le changement social en autant qu'elles deviennent des valeurs capables de susciter une assez forte motivation, ou encore dans la mesure où elles s'intègrent dans un système idéologique proposé comme explication et comme projet à l'ensemble d'une collectivité.

1-2-4-Action des organisations non gouvernementales comme éléments de progrès ? L'usage à propos des opportunités offertes par un projet, que font les acteurs visibles comme les acteurs invisibles de leurs capacités respectives

36 Guy Rocher: introduction à la sociologie générale tome 3 changement social, édition Hi\11-I, Lrée, 1968, P.69. 132

(actives ou passives, d'action ou de nuisance, cachées ou publiques), c'est la même qui dessine une micro-politique du développement. Si l'on peut parler de «politique», c'est qu'il s'agit bien d'une confrontation et d'une lutte d'influence entre l'ensemble des acteurs sociaux impliqués (du coté des opérateurs de développement comme du coté des populations cibles.), autour des avantages et inconvénients relatifs (directs et indirects) que toute action de développement procure ».37 Les interventions de développement constituent donc un cadre d'expression politique dont l'intérêt n'échappe 1ù aux développeurs ni aux développés. Peut-on en conclure que les ONG qui multiplient les interventions de développement rural puissent être considérées comme les vecteurs d'une nouvelle forme de coopération ou d'aide à la coopération internationale?

1-2-4-1-Les organisations non gouvernementales et la réalisation des centres de santé dans la région de Tanda L'aide au développement emprunte plusieurs voies : d'Etat à Etat, de plusieurs Etats à un ou plusieurs Etats. Des entreprises commerciales et industrielles investissent dans un pays au nom de l'aide au développement. Mais il existe sur le terrain dans les villes et villages des organismes qui ne dépendent pas de l'Etat et qui ne sont pas non plus des entreprises industrielles ou commerciales. Ils ne cherchent pas de bénéfice. Mais on voit leurs agents parcourir la brousse pour former les hommes dans presque tous les domaines, pour aider à créer les centres de santé, de caisse de pharmacie, des groupements de production et de commercialisation : on les appelle(ONG).Mais qu'est-ce qu'une ONG? Les ONG sont des associations de personnes ou des groupes de personnes gui travaillent dans un esprit de solidarité humaine à la promotion du développement et l'épanouissement humaine des populations les plus défavorisées dans tous pays du monde et en particulier dans le tiers monde. Les ONG ne cherchent pas de bénéfice, c'est

J? Jean Pierre O. de sardan, APAD, N° 6 Décembre, 1993, Marseille, P. 13. 133

pourquoi on dit qu'elles sont sans but lucratif. Leur origine remonte loin dans le passé. Elle est liée à la tradition de l'humanisme chrétien. De nos jours on assiste à la naissance de nombreuses ONG laïques s'inspirant des valeurs de solidarité humaine tout court à côté des ONG d'inspiration chrétienne. Ces organisations doivent leur appellation d'ONG des nations unies qui ont forgé ce concept pour distinguer celles-ci des organisations internationales de droit public, comme l'OMS l' ESCO, l'OIT, etc. A l'origine des ONG ont été d'abord caritatives ' parce qu'elles assistent ceux qui ont besoin d'aide matérielle et morale. Si elles continuent de jouer ce rôle, elles ont évolué pour la plupart vers le financement des projets de développement qui s'attaquent aux causes de la misère. Ce dernier volet de leur action est récent et s'inscrit dans la prise de conscience des pays développés du nord de la misère du tiers monde. Cette prise de conscience qui est matérialisée par l'appel du Pape Jean ~x-- .ill, qui proclama que la paix a pour nouveau nom le développement, à donner naissance aux ONG de développement distinctes des ONG caritatives.

1-2-5-Le cas d'Essikro et de Guiendé Les ONG semblent se disputer dans le but de s'approprier l'espace rural au point d'en constituer un véritable enjeu socio-économique et politique régional: leur membre ne cesse de croître et leurs domaines d'intervention se diversifient ce qui leur accorde une importance institutionnelle grandissante. Leurs stratégies et techniques d'action de proximité sur le terrain ont fortement marqué leurs rapports aux populations locales « particulièrement les couches sociales-cibles, façonnant de la sorte ou modifiant dans tous les cas, le mode de représentations et des valeurs sociales, économiques et culturelles. Dans la région de Tanda des ONG ont été sollicitées par des villages soit pour la construction d'un centre de santé comme c'est le cas du village d'Essikro, soit pour avoir des prestataires de soins « blancs ». Ce dernier concerne le village de Guiendé. Cependant les idées qui soutiennent la sollicitation des ONG ne sont pas en conformité avec les besoins exacts des populations en matière de 134

santé. Dans le village de Guiendé, le souci de soigner les populations ou de les secourir a été occulté au profit d'une représentation sociale gu'ils avaient des religieuses. Il s'agissait simplement d'avoir un centre de santé où exercent des

religieuses « blanches »ou des « sœurs »à l'image de l'hôpital de Tanda. Mais concrètement pourquoi le village de Guiendé manifeste t-il sa volonté d'avoir des prestataires blancs ? Qu'est ce qui légitimait leurs actions au point où des villages les réclament? Selon cet enquêté « tous les villages environnants de Tanda y venaient pour leur soins de santé. A cette épogue les prestataires étaient des religieuses catholiques d'origine européenne. Ces religieuses ou sœurs avaient le sens du bon accueil, un charisme de gentillesse qui mettait le patient en confiance. A cette époque on ne payait rien pratiquement. Tous les médicaments nous étaient donnés gratuitement». Cette perception des religieuses dans les centres de soin est en rapport avec la présence et les soins de qualité qu'offraient les premiers missionnaires et religieux dans la région de Tanda. Ces sœurs blanches qui soignent sont perçues comme une référence de qualité de

soins. La présence de ces religieuses constituait donc une sorte de « fierté» et d'assimilation de leur centre de santé à l'image de celui de Tanda qui avait une

« bonne » réputation pendant la présence des « sœurs ». L'intention inavouée ici est de se positionner ou de construire son rapport spécifique par rapport aux autres localités de Tanda. Quant à Essikro, il sollicite une ONG Canadienne pour la construction de leur centre de santé. En réalité c'est une forme de démarcation du village centre qui est Tiédio. Il refuse de contribuer ou de participer à la construction du centre de santé de Tiédio. Ainsi affirme t-il leur légitimité et leur autonomie à travers la construction de leur centre de santé par le biais de cette ONG. Outre ces différents facteurs, l'organisation sociale et politique des Abron a-t-elle une influence sur leur comportement vis à vis des centres de santé? Les rapports sociopolitiques entre les villages ont-ils un rapport dans l'analyse du phénomène? 135

1-2-6-0rganisation sociopolitique des Abron Le choix de la monarchie absolue de droit divin comme forme de gouvernement concentre tous les pouvoirs judiciaire, économique, religieux et militaire entre les mains du roi. Ces différents pouvoirs peuvent s'avérer difficiles à assurer. Ce qui va nécessiter une réorganisation politique et administrative et militaire des Abron .Mais à quel besoin répondait cette réorganisation ? C'est qu'après leur offensive contre les Koulango, les Abron contrôlent désormais un territoire beaucoup plus vaste et des populations beaucoup plus nombreuses que

composite que par le passé. Le « vieux gyaman » comme un quadrilatère de cent kilomètres de long sur quarante kilomètres de large, .inférieurs numériquement à leurs alliés et à leurs sujets :Nafana, gbin, anyi du bona .Mais aussi l'incorporation au royaume koulango, des Huvela, des D.iyula de Bondoukou et Boribo, n'a pu qu'aggraver le déséquilibre à leur détriment. Ils représentent plus qu'une petite minorité des habitants du nouveau Guyaman. Dans ces conditions les tâches gouvernementales et administratives dont ils se réservent l'accomplissement changent de nature et d'ampleur, et cette mutation impose à son tour une profonde réorganisation de l'Etat. Encore trop proches de leur origine lignagère, les institutions du royaume telles qu'elles fonctionnaient à leur veille de l'invasion Ashanti n'auraient sans doute pas permis aux nouveaux gui se posent à eux. En tout état de cause, elles volent en éclats sous les coups d'Opoku Waré. Une reconstruction est donc inéluctable, mais Kofi .Agyeman et Kofi Sono ne se contentent pas de rebâtir l'édifice ancien; ils profitent des circonstances pour le rénover entièrement et l'adapter aux fonctions variées qu'il doit dorénavant remplir. Quel est donc dans ce contexte la nouvelle organisation du royaume?

1-2-6-1-Les provinces et leur rôle Le royaume compte six. 136

1-2-6-1-1-La province Penango Selon certaines sources écrites, la fondation du siège de Penango est la première qui intervient dans des circonstances suivantes. son retour de Kong, kofi Sono l'on s'en souvient, a vaincu le roi de Sansian ; puis il a soumis les koulango de Barabo et les a placés sous les ordres des Massa dyula de yerebodi et de Sangei; enfin il a obtenu l'allégeance des Anyi du Bini et dyula de kuruza . Il délègue alors à l'un des plus fidèles compagnons, nommé Adu Tile, la tache de surveiller en son nom ses communautés. Les chefs locaux qu'ils soient d'extraction ancienne, comme à Nassian ou au Bini, ou renouvellement installés, comme au Barabo assurent la gestion des affaires courantes, mais au-dessus d'eux, Adu Tilé est responsable devant le souverain de la paix et de la sécurité des territoires concernés. Les habitants de ceux• ci combattent sous son commandement en temps de guerre ; par ailleurs ils peuvent en appeler auprès de lui des verdicts rendus par leur dirigeants, et lui seul peut prononcer à leur encontre la sentence capitale. C'est par son intermédiaire exclusif que le Gyamanhene exerce désormais son autorité. Comme il est de règle, Adu Tile reçoit en même temps que sa charge un iège qui est pour ainsi dire le symbole matériel, et qui prend le nom de Penango. n somme Penango serait la déformation de l'expression Pinin do qui signifie « recule, cède le passage »

1-2-6-1-2-L'Ak:yidom Le cas de Penango n'est pas seul de son espèce. K.ofi Sono adopte les mêmes dispositions lorsque, seconde décision capitale il crée le siège d'Akyidom en faveur de Kofi N'guetia, fils de son défunt frère ainé Bini Yao. On se rappelle qu'à la veille de la guerre de 1740, le Guyamanhene Abo Miri avait fait assassiner un immigrant afin de s'emparer de son or, pour détourner du Guyaman la vengeance Assante, Bini Yao, héritier présomptif du trône, s'était alors porté garant de l'innocence du roi ; il savait que ce faux serment lui couterait la vie, mais il avait accepté de se sacrifier pour le salut son peuple. Son geste avait 137

d'ailleurs été vain, et Guyaman avait quand même été envahi. Devenu Guyamanhene à la place de son frère, Kofi Sono veut cependant lui manifester sa reconnaissance et rendu honneur à sa mémoire. Il fonde donc le siège d'Akyidom et le remet à Kofi N'guetia, fils ainé du disparu. Le siège d'Akyidom tient son nom des fonctions militaires qui lui sont liées. Le Kyidomhene c'est le combattant de l'arrière garde (de Kyi, arrière et Dom, armée). Kofi N'guetia réside tout d'abord à Pinda au cœur du « vieux Gyaman » et le souverain prélève quelques villages sur son domaine propre afin de lui constituer un apanage : c'est ainsi que Boroko et Dwonem sont placés sous ses ordres. Ici encore, au-delà de Kofi N'guetia, c'est un patrilignage que le siège et la charge sont conférés : Kofi N'guetia aura pour successeur ses frères cadets, puis les fils de Kofi Sono; par la suite, les Kyidomhene seront choisis parmi les descendants agnatiques des uns et des autres.

1-2-6-1-3-La province Angobia (siengi) Le terme Angobia, forme contractée en langue Tchui de "an ko babi a" qui signifie "je n'irai nulle part" est le discours tenu par un fils à l'égard de son père. En effet, au début de la conquête, le roi Tan Daté avait placé son fils Tan Kokobou au milieu des Koulango à Tangamourou pour assurer la permanence de sa domination sur les Koulango mécontents de la conquête de leur territoire. D'un simple détachement, le pouvoir politique de ce fils s'étendra sur plusieurs communautés et prendra la forme d'une véritable province avec le roi Kofi Aguyaman sous le règne de son fils Kwamé Apo. Le nom du premier détenteur de cette charge s'est alors effacé au profit d'Apo et le siège est appelé siège d'Apo tout comme le siège royal porte les noms de Kohosonon et d 'Aguyaman.

C'est Apo qui, de Tanganmourou, ira créer le village de Tiédio avec le don de captifs que son père lui remettait après les campagnes militaires. 138

Le choix de Tanganmourou, village Koulango puis de Tiédio comme capitale de la province Angobia répond à une volonté des Abron de mieux contrôler les rebelles Agni-Bona pour éviter toute attaque surprise. Les provinces détenteurs de ce siège sont considérées comme des provinces guerrières alertes et vigilantes. En guerre, ils sont chargés de détecter les points faibles du front d'où leur devise "la guerre arrive avec son cortège de misères".

Les points faibles en guerre détectés, le chef de la province Angobia dont les troupes constituent l'armée de réserve a pour mission de dépêcher des hommes frais pour les renforcer. Ses troupes comprennent les guerriers du lieutenant de guerre de Lamoli, Kanton, Koun-Abronso. Le rôle de cette province a toujours été déterminant et l'on cite en exemple le chef Kwasi Daté, père adultérin du onzième roi Abron Kwakou Aguyaman d'Arnanvi.

1-2-6-1-4-La province du Mérèzon La province du Mérèzon est créée par le 7 è roi du Guyaman Binan Kombi Kouman pour recompenser son fils Aclou Konodji. Dans son intention le roi, voulait créer pour son fils une province à l'instar de la province Akyidom créée par le roi Kohosonon pour ses fils et ceux de frère Bini Yao. A défaut, il créa une petite province qui regroupe douze villages à cheval sur les territoires ivoirien et ghanéen. La mission assignée à ce fils était de rester au bord de la forêt pour surveiller les Ashanti, éternels ennemis des Abron. Les chefs lieu de cette province Mérèkou, Pambasso, Siedja sont situés à la limite de la forêt et de la savane. Le choix du fils princier pour contrôler la frontière répond à l'importance de la mission, qui ne peut qu'être assurée par un homme digne de confiance.

1-2-6-1-5-La province Foumassa Elle est crée par les alliés des Abron originaires du Juaben. La capitale politigue de cette province est Sapli. Les Foumassa défient ici en permanence 139

tout individu qui se mesurait à eux. L'on dit même que se sont eux sans motif qui se ruent sur de paisibles citoyens, d'où leur nom Foumassa. En fait les Foumassa sont un peuple passionné de guerre. Les foumassa, peuple guerrier sur un ton conflictuel estiment qu'ils ont été mal récompensés par le matrilignage royal qui les assimilent à un peuple soumis et les traite comme de simples sujets. Et pourtant, racontent-ils, sans eux la branche des Doma, leurs alliés n'auraient pas pu atteindre ce pays abron-gyaman et le conquérir eu égard aux difficultés rencontrées. Plusieurs villages sont sous le commandement du Foumassahene ou chef du Foumassa. Notamment les villages de Koboko, Kanguelé, Dimgbi, Amata, Savangneré , Kroko, Mangan qui assurent respectivement les fonctions de siège de neveu, de porte- parole, intendant, division militaire, porteurs de sabre, chef atipiri et tambourinaire.

1-2-6-1-6-La province Ahinifié La province Ahininfié est la cour du roi. C'est celle de la cour de son

grand-père. C'est la « grande cour». De ce fait chaque individu gui accède au pouvoir, s'installe dans la cour de son grand-père pour exercer son pouvoir ou pour gouverner. Les Abron, à l'image des Agni de l'indenié n'ont pas une cour royale fixe. Et ce, à cause de l'effervescence des frontières. Cette position qu'occupe cette province dans l'organisation sociopolitique des Abron lui confère d'être au-dessus des autres provinces. Ainsi donc toutes les provinces et tous les villages associés à ces provinces sont sous la coupole de l'Ahininfié. Ceci est tout autant valable pour le camp Yakassé comme pour le Zanzan. Cette organisation sociopolitique et administrative se schématise de la façon suivante: 140

Province du Foumassa Province AHININFIE ...•.. Chef lieu : Sapli Chef lieu: ....•. ••• Zanzan Tangamourou

Yakassé Tabagne ..-.•. Nassan Amanvi

Assuéfry Diassernpa

Hérébo Dabilayo

Province Akyidorn Province du Pinango Province d'r\ngobia Province du Mèrèzon

Chef lieu : Kouassi N'dawa ~ Chef lieu : Ouélékéi Chef lieu : Tiédio Chef lieu : Pambasso

••• ' '"' î Chef de village Chef de village Chef de village Chef de village 1 1 1 1

Schéma n°2: Organisation politique et administrative du royaume abron

De l'analyse de l'organisation sociopolitique, il découle que les villages sont sous la tutelle des provinces. De ce fait l'ordre établi était respecté de sorte que chaque village avait un indicateur. Dans cette organisation, le royaume dirigé par le roi était l'organe suprême de cette hiérarchie. C'est ainsi que province et village étaient à la fois sous l'autorité du roi. La rigueur étant de mise et le respect des institutions ne permettaient aucun détachement ou isolement volontiers d'un village. Cependant cette réalité que nous présente l'organisation politique et administrative est-elle valable dans la société moderne? La prolifération des centres de santé obéissent-elles à la soumission aux décisions de la province ou du roi? Existent-t-ils des éléments nouveaux qui viennent bouleverser cette organisation de la société Abron ? 141

Au regard de la modernité, quelle est la place qu'occupe cette organisation sociale et politique ? Quelles sont les réponses des populations et des villages vis à vis de cette organisation ?

1-2-7-0bservation et constat Le contact de l'Afrique et de l'occident impose un nouveau découpage du territoire ivoirien. C'est le contact entre deux cultures différentes qui nous révèlent le constat de l'acculturation. L'acculturation se définit comme un ensemble de phénomènes qui résultent d'un contact continu et direct entre des groupes d'individus de cultures différentes et qui entraine des modifications dans les modèles culturels initiaux de l'un ou des deux groupes. Ainsi la délimitation des nouveaux territoires ivoiriens va se faire à l'image de l'occident. L'on parlera alors désormais de sous-préfecture, de préfecture, de chefs lieux de département etc. Ce sont ces nouveaux éléments tirés de l'image occidentale qui vont gouverner ou diriger les populations au vue de l'administration publique rvoinenne. Dès lors les politiques de développement socioéconomique et particulièrement celle de développement du milieu sanitaire seront orientées vers ces nouveaux concepts territoriaux et non vers les provinces ou tribus. Cependant cette vision occidentaliste va se confronter aux comportements des populations. En ce sens qu'il se développe la contre acculturation. La contre acculturation est le fait de groupes plus solides qui de façon plus ou moins violente manifestent un sentiment de rejet voire d'hostilité envers la culture qui cherche à les dominer. C'est dans cette perspective que la société Abron résiste avec son organisation sociale et culturelle. Cette organisation même si elle résiste, nous laisse percevoir aujourd'hui qu'elle est en butte avec la modernité au regard des comportements et des attitudes des populations vis-à-vis des détenteurs du pouvoir traditionnel. L'école viendra être un élément déterminant dans l'analyse de cette réalité. L'urbanisation des « anciennes » cités villageoises renforceront l'élan de la scolarisation. L'école par les cadres qu'elle donne, par les élites qu'elle forme aura une influence considérable sur la société Abron à travers les enjeux 142

politiques et le jeu du positionnement de chaque élu comme nouvelle voix à entendre. Mais en fait, comment les populations réagissent concrètement vis-à• vis de l'organisation sociale et administrative des Abrons ? Comment les Abron par l'influence de l'école et de l'urbanisation vont-il modifier leur comportement ou rapport à l'égard de l'organisation sociopolitique et administrative préétablie dans la quête du positionnement de chaque village ?

1-2-8-Les organisations traditionnelles et l'Abron moderne: de la dynamique de développement au bouleversement de l'ordre ancien établi

« La modernité avec son corollaire la politique fait qu'on ne contrôle plus nen. C'est à cause de vous les cadres. Sinon avant les gens de Djamba ne pouvaient pas refuser d'être dans la sous préfecture de Tiédio. Mais aujourd'hui avec vous les cadres, cela fait que si tu vois un petit campement, il veut avoir tout au détriment de son village mère. On a dit aux gens de Gondia de venir payer la dernière fois une cotisation. Mais ils ont refusé alors que c'est eux gui doivent travailler dans mon champ. On leur a dit de payer vingt mille (20 000 F CFA ) et eux veulent payer cinq mille (5000 FCFA ). Mais tout cela c'est à cause de la modernité. C'est de Tanganmourou qu'on est venu créer Tiédio. Mais Tanganmourou nous supporte. Lors d'une cérémonie, si un individu de Tiédio parle, c'est fini. C'est moi qui règle les conflits de Tanganmourou. Même guand leur roi meurt, c'est moi qui vais faire les funérailles. Mais aujourd'hui, vous les cadres, vous foutez tout en l'air.» Les discours de cet enquêté nous permettent de relever la position de la royauté dans l'histoire et d'élucider les rapports entre les détenteurs de pouvoir et ses sujets.

Dans les relations entre le royaume abron proprement dit et les territoires vassaux, l'influence du premier cité est souple voire ténue. Par voie de conséquence les seconds sont désignés par le terme de "marche" (Mérenne• Schoumaker, 2002). A la vérité, depuis la seconde moitié du X\71Ic siècle, le 143

Gyaman est entouré de territoires qui sont soumis à l'autorité des Abron sans pour autant faire partie du royaume proprement dit en témoigne la domination assez lâche. Quatre de ces marches (Nassian, le Baribo, le Korozan et le Gbini) obéissent au Pinangohinnin, Le royaume de Nassian conquis et assujetti par kofi Sonon tente de se libérer de la tutelle abron à l'issue de la guerre de 1818, mais Kofi Fofié le ramène sous le joug. Le « Nassian-ise » (roi de Nassian) est choisit par les grands électeurs qui ne sont autre que les chefs des villages d'Anveyo, Bourouhila, Sidikibango et Parhadi. C'est le chef de Parhadi qui, une fois la désignation acquise, va présenter l'heureux élu à son suzerain, le Pinangohinnin. Le Nassian-ise est avertit de l'élection des chefs de village, et on peut en appeler auprès de lui des sentences qu'ils rendent ; il arbitre les conflits qui les opposent ; il se fait remettre l'une des défenses de tout éléphant abattu sur son territoire et une part du gros gibier ; ses sujets lui doivent divers redevances en travail et en nature. Enfin les princes peuvent s'emparer des filles koulango qui leur plaisent sans que la famille de celles-ci soit en mesure d'y faire obstacle.

La conquête et le peuplement du Baribo sont également l'œuvre de Kofi Sonon. Il est peuplé de Koulango arrivés du nord et de Dioula venus de l'ouest. Les personnages les plus importants du Baribo quant à l'influence au poids politique sont sans doute l'imam et les lettrés musulmans.

A l'ouest du Baribo se trouve la petite chefferie dioula de Korozan. Son importance provient de sa situation au débouché du seul gué qui permet de franchir le Komoé entre Sérébou et Nabae-Timikou; au cours du XIXe siècle, ce passage est d'autant plus fréquenté que les relations entre le Gyaman et l'Ano sont interrompues. Au sud, de part et d'autre de la rivière Dioré, s'étend le Gbini peuplé par les Agni. La capitale est Yakasse et les chefs sont choisis au sein d'un matrilignage royal.

Avec les Agni du Bona, nous entrons dans la juridiction de l'Angobiahinnin. Les pouvoirs de « famiein » (chef) du Bona sont similaires à 144

ceux de leurs homologues. Ils rendent la justice et accomplissent les rites et cérémonies qui exigent le bien-être du pays. Ils bénéficient de la part de leurs sujets de prestations en travail et en nature, notamment à l'occasion de la fête de l'igname.

L'Assikasso, lui aussi, entre dans la sphère d'influence abron au milieu du XVIIr siècle sous le règne de Kofi Sonon. La richesse de ses mines d'or lui fait jouer le rôle commercial de premier plan à partir de 1875, lorsque les Ashanti lèvent les obstacles qu'ils opposent aux relations d'échanges entre le Gyaman et la côte. Il faut attendre l'avènement des hommes du chef Agni Bilé vers 1880 pour que sa capitale soit transférée à Agnibilekrou. Ici, l'influence abron est plus ténue et la raison est connue. Dans le domaine politique, l'Assikasso est placé sous un régime assez particulier : le Gyaman et l'Etat Aowin de Suaman qui a pour capitale Dadieso, exerce sur lui une sorte de condominium, dont l'origine remonte aux circonstances mêmes dans lesquelles la chefferie a été fondée. Les premiers habitants de l'Assikasso ont reçu leur territoire du Gyamanhinnin; en conséquence, ils lui doivent allégeance et de ce point de vue, ils appartiennent incontestablement à l'ensemble abron, et placé sous l'autorité directe du roi dans l'Ahinninfié. Mais ils restent soumis à l'autorité de leur premier maître de Dadieso qui s'implique dans le choix de leur chef. C'est cette situation qui permet à l'Assikasso de prendre son indépendance après l'arrivée des colons français.

Bien qu'à l'origine les habitants des marches aient entretenu avec les Abron des rapports variés (les Koulango de Nassian et les Agni du Bona sont d'anciens ennemis vaincus, les Dioula du Baribo des alliés), ils sont soumis au milieu du XIXe siècle à un régime semblable. Tout d'abord, on ne trouve pas entre leur territoire et celui des Abron cette bande inhabitée gui, sur le terrain, marque d'ordinaire le passage des frontières. En fait une telle bande entre les royaumes sciemment est laissée vide d'hommes pour éviter toute attaque par surprise. Sur le plan économique, ils ne versent en tant que tels aucuns tributs. Les prestations 145

sont fonction des particularités de l'environnement et des ressources disponibles. Ainsi certains villages du Gbini et du Bona sont tenus de remettre aux hommes du souverain des charges de gibier, de poisson de rivière ou d'escargots séchés. Des obligations similaires sont imposées à des localités du Gyaman proprement dit. En revanche, les ressortissants des marches sont tenus d'apporter aux Abron une assistance militaire. Quand la guerre éclate, ils prennent part aux opérations dans les rangs de l'armée abron. Ils n'y forment pas de co1ps particulier, et combattent sous les ordres du détenteur de commandement dont ils relèvent. En matière de justice, les chefs vassaux n'ont pratiquement pas le droit de prononcer la peine capitale, à moins que les gouvernants abron ne leur en ait donné l'autorisation expresse, symbolisée par l'octroie d'un sabre royal. Les Dioula du Baribo, nous le savons, jouissent des immunités et le droit d'intercession. Dans le domaine religieux, les communautés soumises célèbrent leur propre fête de l'igname, mais ce après la célébration par les Abron. Il leur est interdit en fait de le faire après qu'elle ait eu lieu à la cour du Gyamanhinnin. Lors de celle-ci, leurs représentants viennent déposer les fagots aux pieds du souverain ou du détenteur de commandement intéressé, en signe d'obéissance.

Du point de vue politique, la subordination des chefs vassaux se traduit d'abord sur le plan du protocole. Certains d'entre eux arborent les emblèmes de la souveraineté, l'apakan (hamac) et le grand tambour par exemple, mais c'est alors qu'ils les ont reçus de leurs protecteurs abron, même en ce cas, ils doivent se garder de toute ostentation, de toute forfanterie, sous peine de se voir rappeler promptement et durement leur condition de sujet. Mais au-delà de ces exigences protocolaires, les autorités abron n'exercent sur les activités politiques effectives des chefs assujettis qu'un contrôle extrêmement léger. Les Massa de Sanguei et de du Baribo ainsi que le roi de Nassian se présentent au Pinangohinnin après leur intronisation, mais c'est de leur part un geste de déférence, non la recherche d'une confirmation. Dans le Bona, c'est le chef dengasso de Dokanou qui accomplit ces démarches auprès de l'Angobiahinnin, 146

ce qui permet aux famien des Abradi et des Assuadie de se prétendre dégagés de toute obligation. En revanche, les Abron s'abstiennent au moins officiellement de toute intervention dans l'élection de ces chefs vassaux, bien qu'à l'occasion ils ne s'interdisent pas d'agir de façon sourdine en faveur de tel ou tel candidat réputé plus docile. Au total, toutefois, la domination abron paraît extrêmement légère, surtout si on la compare à celle que les Ashanti font à la même époque peser sur leurs dépendants. L'appellation de "marches" utilisées à l'endroit des terroirs vassaux se justifie dès lors.

Comment les Abron arrivent-ils à une telle structure ? D'emblée, voici donc une structure politique dont la genèse, entièrement intérieure au royaume, s'étend sur une période d'environ trois quarts de siècle. Dans cette genèse, on distingue deux procès correspondants à l'apparition de deux éléments de la structure: le premier conduit à l'adoption de la règle de l'alternance, le second à la création de quatre grands commandements, et à leur répartition de part et d'autre de la ligne de clivage qui sépare les deux lignées dynastiques.

Or, au moins pendant la période initiale, celle qui précède la guerre de 17 40, ces deux procès apparaissent comme complètement indépendants l'un de l'autre. Le premier gui s'accomplit exclusivement au sein du matrilignage royal et y introduit une disposition (l'alternance) dont l'objet est de prévenir les conflits de succession concerne les affaires intérieures du royaume. Le second relève au contraire des affaires étrangères puisqu'il répond aux problèmes posés par l'agrandissement du royaume: les fils de Tan Datè et de Brafo Adingra se voient confier les Bona; ainsi sont posées les premières fondations de ce qui deviendra ensuite le siège d'Angobia. C'est seulement sous les règnes de Kofi Sonon et Kofi Agyeman que les deux séquences, jusqu'alors séparées, se rejoignent. Tandis que l'alternance devient la loi fondamentale de l'Etat, les commandements créés à la suite de la conquête du pays koulango se rattachent désormais, en fonction de leur origine, à l'un ou à l'autre des deux segments dynastiques en présence. 147

Chacun des deux procès comprend plusieurs étapes. Dans la règle de l'alternance, on peut en distinguer trois : la séparation physique des deux lignées Yakassé et Zanzan à l'époque de Tan Datè et Brafo Aclingra, le fonctionnement d'une sorte d'alternance de fait sous les règnes de Bini Kombi Pagnini et d'Abo Kofi, et la transformation de cette alternance de fait en institution au temps de Kofi Senon et Kofi Agyeman. De même dans le procès qui engendre les commandements, on peut cliscerner au moins deux stades. Avant 1740, les fils du Gyamanhinnin régnant sont placés à la tête des Bona, après cette date apparaissent les sièges de Pinango, d'Akydom et d'Angobia. Or, dans un cas comme dans l'autre, ces étapes sont elles aussi largement indépendantes les unes des autres. Chacune d'elles est franchie sous l'impulsion d'une cause spécifique rendant possible l'étape suivante mais sans pour autant la déterminer à l'avance.

En considérant de ce point de vue, la genèse de l'alternance, on a à l'origine de la séparation des lignées la recherche de l'or et le refus d'Adingra Pagnini de rejoindre la résidence de son prédécesseur. Ensuite, apparait l'alternance, mais d'abord comme une solution ponctuelle à un problème particulier. Il faut que ce problème se pose à nouveau pour qu'elle prenne valeur de norme générale, cela procède donc d'une conjoncture à caractère récurrent. Quant aux commandements, leur naissance est essentiellement liée aux conquêtes entreprises par le royaume entre 1700 environ et 1780. Or les conquêtes sont le résultat de guerres qui ont chacune leur cause propre (vers 1715, Abron et Bona rivalisent pour la domination de la même région; en 1748 ou 1749, revenant de Kong au Gyaman, Kofi Sonon affronte et assujettit les peuples gui se trouvent sur son chemin, et dont certains ont tenté de lui barrer le passage ... ). Aucune de ces campagnes n'a été décidée en vue de permettre la fondation d'un nouveau commandement; dans tous les cas, cette fondation est un effet de la guerre ; mais elle n'en est pas la finalité.

La genèse de la structure politique du royaume ne saurait en aucun cas être regardée comme la réalisation progressive d'un plan préétabli dont au surplus on 148

serait bien en peine d'identifier l'auteur. Dans la réalité des évènements - tel conflit interne, telle guerre - ont lieu gui ont appelé des réponses et produit des effets. Pendant un premier temps, de même gue les faits gui leur ont donné naissance, ces effets sont restés isolés et indépendants les uns des autres. Puis à un moment donné, ils se sont assemblés, mieux articulés les uns sur les autres, et c'est alors gue la structure a pris forme. Autrement dit, les procès gui engendrent les divers éléments de la structure se constituent avec les éléments gui sont déjà là, et gui n'ont pas été faits pour elle. De façon analogue, les procès où se forment les éléments de la structure, hétérogènes entre eux, sont également hétérogènes par rapport au procès où se forme la structure. Les premiers précèdent nécessairement le second, et il n'existe entre ceux-là et celui-ci aucune relation intelligible.

Mais si l'on peut effectivement concéder gue la formation des éléments de la structure n'est l'exécution d'un plan, celle de la structure elle-même, à partir des matériaux gui lui sont fournis, ne suppose-t-elle pas en revanche l'intervention d'un sujet organisateur? Dans le cas du royaume abron, ce rôle aurait été joué par les rois Kofi Senon et Kofi J\gyeman. Dans les faits, Kofi Sonon devient roi à l'issue d'une crise gui met en péril l'existence même de l'Etat. Après avoir entamé la conquête du pays koulango, il remet l'administration des zones soumises à l'un de ses proches. Par ailleurs, il élève à des responsabilités nouvelles l'aîné de «ses fils» (en réalité, le fils de son frère). En outre, il autorise les bénéficiaires de ses faveurs à transmettre leur charge aux membres de leur patrilignage. Du même coup, son successeur Kofi Agyeman est tout naturellement amené à rétablir l'équilibre en fondant le siège d'Angobia, et c'est ainsi gue la structure parvient à son état final. Les deux souverains, en fait, ne se proposent pas de réaliser un modèle préconçu, ils œuvrent pour la défense de leurs intérêts dynastiques, et l'organisation politique du royaume est le résultat de leur action sans avoir été la fin. Bref, on ne saurait les assimiler à un architecte 149

gw conçoit un programme global et travaille ensuite à son exécution méthodique.

A la vérité, ce qui incite à rechercher à l'origine de la structure politique du royaume abron l'activité d'un sujet organisateur, c'est le caractère apparemment achevé de cette structure, la régularité des symétries qu'elle présente, la perfection des éguilibres qu'elle réalise: deux segments du matrilignage royal alternant au pouvoir, l'un et l'autre liés à un siège de «fils» et à un siège de safohinnin; au sein des deux camps, le même réseau de rapports, de droits et d'obligations (figure 11°8). Cette impression d'achèvement trouve son semblant de confirmation dans le fait qu'effectivement, à partir de la fin du xvnrc siècle, la structure ne sera plus modifiée de façon significative, et se conservera semblable à elle-même.

Si la structure s'est en quelque sorte figée dans l'état qu'elle a atteint au cours des dernières décennies du XVIII\ ce n'est pas en raison de ses qualités propres, mais à cause d'un évènement, la fin des acquisitions territoriales, qui par rapport à elle apparaît comme tout à fait contingent. C'est en fait l'arrêt de l'expansion territoriale du royaume qui a donné à la structure son caractère définitif, qui a empêché tout développement ultérieur et tout remaniement. La formation de nouveaux commandements aurait en effet supposé de nouvelles conquêtes. Or, à partir du moment où l'ensemble de la région comprise entre la Volta et le Komoé lui est soumise, vers 1780, le Gyaman ne peut plus s'étendre. Il se heurte désormais dans toutes les directions à des Etats solidement enracinés. Enfermés dès lors dans les frontières immuables, les successeurs de Kofi Sonon et de Kofi Agyeman ne peuvent créer des sièges supplémentaires comparables à ceux de Pinango, d'Akydom, de Foumassa et d'Angobia. Pourtant vu ce système politique clos et intangible certains d'entre les rois qui suivront vont essayer. Les rois Binan Kombi Kouman et Kwassi Yeboa, tous deux de la lignée zanzan, ont tenté sans succès l'un et l'autre de créer les commandements de Mèrèzon et de Tabagne. 150

Schéma n°3 : Symétrie de la structure politique de l'espace abron

AHINNINF

ZANZAN YAKASSE

1

1

Siège des « fils »

AKYDOM 1 41 • ANGOBIA

Siège des Safolùnnin

• 1

PINANGO - 1 • FOUMASA

ource : Brenoum Kouakou, 2007

1-2-8-1-Le roi dans l'histoire u cœur du système politique abron, on trouve bien sûr le personnage du roi. Héritier et interlocuteur privilégié des ancêtres fondateurs de l'Etat, intermédiaire entre son peuple et les puissances surnaturelles, maître de la vie et de la mort de ses sujets, incarnation de la communauté face aux nations étrangères, le roi occupe une position unique dont la singularité est fortement marquée sur le plan du protocole, que dans la vie publique en général. Dans les circonstances (audiences du tribunal royal, réceptions) c'est par l'intermédiaire de son porte-parole qu'on s'adresse à lui, même les entretiens plus familiers se déroulent dans une atmosphère mêlée de simplicité et de respect. Le Gyamanlùnnin ne peut être élu au sein d'un couple de jumeaux en raison de la 151

querelle de succession qui a marqué et déclenché le commencement même de l'aventure abron.

La dignité royale s'exprime aussi à travers la possession de divers objets. Les cannes et les sandales ouvragées, le hamac (apakan), le parasol, le sabre d'apparat (akofran), les sièges noircis, les tambours sont les attributs ordinaires du pouvoir en pays akan ; chaque chef en dispose, et ceux qui sont la propriété du souverain se distinguent avant tout par la richesse de leur matière et la splendeur de leur décoration. Il dispose à sa cour de tambour, mémoire de

l'histoire du royaume. Ce sont tout d'abord «Bento », le plus ancien d'entre eux, c'est à ses parois que sont accrochés les crânes des rois défaits par les Abron, ensuite le couple formé par « Kantamanko » et « Mpebi ». Utilisés lors des grandes cérémonies qui scandent la vie politique du royaume-fête de l'igname, Adaye (fête du roi), funérailles du souverain et intronisation de son successeur• ils font retentir la devise du roi, l'éloge de ses hauts faits et l'exaltation des grandeurs du passé. Parmi les regalia, on trouve aussi les queues d'éléphant, sorte de cachets du souverain, par lesquelles les messagers de celui-ci se font reconnaître et respecter sur toute l'étendu du territoire du royaume.

Enfin, le roi exerce diverses prérogatives qui traduisent clairement la singularité de sa condition et l'idée que s'en font les Abron. Tout d'abord, il est l'héritier des monarques guerriers qui se sont emparés du pays en triomphant de ses habitants ; par droit de conquête, il est donc libre, dans un certain nombre de villages koulango, de prendre les femmes qui lui plaisent et les emmener chez lui sans autre forme de procès. Ce privilège a été ressenti comme profondément humiliant et vexatoire par les communautés qui en ont fait les frais, et il est à coup sûr l'une des causes majeures de la rancœur persistante que les Koulango nourrissent à l'encontre des Abron. De même le roi détient des droits sur le gros gibier abattu à l'intérieur de son domaine : une défense, la queue et divers quartiers de l'éléphant, la peau des lions et des panthères doivent lui être remis ; 152

mais il n'y a là que la reconnaissance de la position éminente qu'il occupe au sommet de la hiérarchie politique et sociale.

D'autres privilèges traduisent en revanche le caractère unique de sa personne et les pouvoirs extraordinaires dont elle est investie : placé à la frontière du monde visible et du règne des esprits, divins ou ancestraux, le souverain possède une force vitale particulière; elle lui permet d'affronter des situations et d'accomplir des actes qui, pour le commun des hommes, entraîneraient infailliblement la mort. En outre, le roi peut prononcer la peine capitale et répandre le sang sans mettre sa propre vie en danger, il peut conserver dans son trésor ses êtres fabuleux et maléfiques que sont les pépites d'or. Bien entendu, le souverain doit ses qualités exceptionnelles, non pas à l'individu qu'il est, mais à la position qu'il occupe.

En somme, à travers les interdits ou les règles qui façonnent son comportement, à travers les emblèmes qu'il arbore et les prérogatives qu'il exerce, le roi est en quelque sorte l'Etat mis en scène. Il incarne ou figure, au sens le plus concret du terme, l'histoire passée du royaume ainsi que son unité et sa vitalité présentes ; chacun de ses gestes, chacune de ses démarches renvoient à cet horizon et ne peuvent s'interpréter que par rapport à lui, en sorte qu'à regarder vivre le monarque, on pourrait reconstituer tout le système dont il est le pivot. Cette fonction de représentation, il ne la remplit pas seulement lors des fêtes qui scandent la vie publique du Gyaman; il est lui-même permanemment spectacle. C'est là l'un des obstacles qui s'opposent de la façon la plus efficace à sa liberté de mouvement ou à son arbitraire : le métier de roi est un rôle fixé dans une très large mesure à l'avance, où la part de l'improvisation ou d'initiative est réduite au minimum. S'il veut aussi développer une action proprement politique et mettre en œuvre dans ce domaine un projet original, il ne peut le faire que dans le respect du texte qui lui a été imposé, et qu'il ne saurait modifier sans ébranler l'édifice tout entier. Il est donc loin d'être un tyran. En toute évidence, la capitale politique du royaume qui est en même temps celle de la province 153

Ahinninifié est le centre décisionnel majeur. Ce centre est depuis 1994 la localité d'Amanvi dans le département de Tanda.

Comme on le voit, par le passé, le roi était le chef exclusif. Toute la population ou la province lui devait un respect. Les sujets étaient donc à sa disposition. Sujets à qui il donnait des ordres et était entendu. Les populations par respect et soumission s'adonnent à certaines corvées (les redevances) pour celui-ci. Il avait également le pouvoir de rétablir d'autres autorités à sa province et aussi de régler les conflits entre les populations. Dans un tel contexte, comment se présente alors la justice Abron ?

1-2-8-2-Le rôle de la justice traditionnelle Abron dans la régulation des pratiques sociales Régler les litiges participe de la régulation de la société abron et par voie de conséquence à l'organisation et au fonctionnement de l'espace. Rendre la justice, châtier les crimes et délits, arbitrer les délits, apaiser les conflits, bref maintenir l'ordre et la paix entre les hommes et par delà entre les hommes et la nature est la tâche essentielle des détenteurs du pouvoir. De l'aînée de cour ou du lignage qui tranche les querelles domestiques au monarque, en passant par les chefs de village et de provinces, tous ont leur tribunal. Bien entendu, la rigueur de la procédure et l'importance du cérémonial s'accroissent à mesure que l'on s'élève vers le sommet de la pyramide sociale. A la base, les séances sont occasionnelles et informelles. L'on siège lorsqu'un évènement l'exige, et la discussion n'est soumise à aucune règle déterminée, sinon celle que dicte la bienséance. Selon les cas et l'autorité personnelle du maître de la maison, elle tient soit du conseil de famille, soit de la scène de ménage. Au niveau du quartier ou du village, les arrangements pris sont moins souples. Il y a le plus souvent un jour fixe pour tenir audience, choisi en fonction des considérations religieuses sur le caractère faste ou néfaste des jours du calendrier, ce gui n'exclu pas la possibilité de sessions extraordinaires en cas de besoin, mais celles-ci doivent être organisées à l'avance pour que les accesseurs puissent être présents. Il en est de même pour la 154

justice royale. C'est qu'ici interviennent en plus des conseillers du roi, ses porte• paroles (tchanmin) et les auxiliaires (les sen) chargés de maintenir l'ordre et le silence lors des débats.

L'homme investi du pouvoir de juger ne peut le faire tout seul. Il doit siéger au sein d'un aréopage formé par les anciens, «pagnini» et les notables, «birempo» de la communauté concernée :

- aînés de la cour autour du maître de celle-ci;

- aînés de lignage ou de chefs de quartier autour du chef de village ; - dignitaires ou détenteurs de commandement autour du souverain, au besoin.

Le juge est tenu de recueillir les avis de ceux qui l'entourent, ceux-ci doivent pouvoir tous s'exprimer pour que la vérité éclate. Le juge se prononce véritablement lorsqu'une solution juste qu'il a d'ailleurs par ses interventions sporadiques aidés à découvrir, fait l'unanimité. Dans tous les cas de figures, il est le dernier à prendre la parole et sa position est nécessairement la dernière. Chaque session du tribunal est une preuve au cours de laquelle le juge doit démontrer son talent (tact, habileté, diplomatie, perspicacité).

La tâche principale des détenteurs du pouvoir est de rendre la justice. C'est un indice sûr du degré d'autonomie auquel ils sont parvenus. Cependant, ce qui caractérise la position subordonnée d'un chef de rang quelconque, son statut de subalterne, c'est le fait, d'une part que certaines catégories d'affaires sont exclues de sa compétence, et d'autres part que ses verdicts sont susceptibles d'appels auprès de personnage plus haut placé dans la hiérarchie. Ainsi, les chefs de village ne sont pas autorisés à se prononcer sur les crimes de sang ; en pareil cas le souverain ou les titulaires de commandement doivent être directement saisis. C'est que de tels crimes portent d'abord une grave atteinte à l'ordre social, et, par le risque de vengeance qu'ils impliquent, mettent en péril la paix civile. Ensuite, le roi est en quelque sorte maître et propriétaire de ses sujets, et comme 155

tel il est personnellement lésé par les blessures qu'ils subissent. Enfin, le sang versé est une offense à la terre et aux dieux, et il appartient au souverain et à ses lieutenants de réparer cet outrage.

En second lieu, les sentences du chef de village sont précaires par ce que le mécontent peut toujours porter sa cause devant le roi ou le détenteur de commandement dont il dépend. Il peut même outrepasser le chef de village, et aller directement devant eux.

Inversement, la possibilité de juger sans appel apparaît comme une prérogative constitutive de la souveraineté. Il en est de même du droit de prononcer la peine capitale, symbolisé par le grand sabre d'apparat (akofran). Seul un monarque (indépendant) et ceux de ses lieutenants auxquels il a expressément délégué ce pouvoir, sont habilités à rendre des verdicts de mort, en vertu des mêmes raisons qui font que les «affaires de sang» leur sont réservées.

Par ailleurs, le roi peut lui-même fixer des bornes à sa souveraineté en entrant dans des alliances ou des pactes qui restreignent sa liberté d'action, et le plus souvent les accords ainsi conclus comprennent alors tout naturellement des clauses limitant l'exercice de la justice royale. Ces clauses concèdent aux personnes et aux collectivités concernées, d'une part une immunité plus ou moins étendue face aux actions engagées par le tribunal du roi, d'autre part d'un droit d'asile et d'intercession en faveur des criminels qu'il poursuit. Généralement ces deux types de privilèges vont de pair. Chemin faisant, les bénéficiaires ont été évoqués :

- les groupes qui ont accueilli les Abron à leur arrivée dans le pays : Nafana de Bondoukou, de Welekei et de Tomorosié, Gbin de Bondoukou, Koulango de Djom, Ananfo de Waté;

- ceux que les Abron ont attirés au sein de leur communauté ou associés à leur destin en vue d'accroître leurs effectifs et leur puissance : immigrants akan 156

de Suma, de Toundiani, de Kérébio, de Kwatwoma, Dioula de Bondoukou, du Baribo et de Korozan, Ligbi de Bondo, Degha de Boromba ; - la descendance des hommes qui ont aidé le roi dans une circonstance à une epoque ou à une autre de l'histoire du Gyaman : le safohinnin de Soulemani, par exemple ;

- les collectivités dont le concours est à un titre ou à un autre indispensable à la bonne marche des affaires du royaume : forgerons de Goli, détenteurs de fonctions rituelles ou protocolaires Oe nseniehinnin, chef des courriers royaux de Kiendi, les asokwafo, tambourinaires de Yao Kokoroko, desservants des sanctuaires de Tano divinité tutélaire du Gyaman) ; - enfin tout simplement les personnages qui sont assurés d'une quelconque façon la faveur du souverain. Un tel inventaire renseigne lui aussi sur l'histoire et les institutions de l'Etat abron, il fait en effet le rappel de toutes les dettes contractées par les bron au cours de leur aventure.

En ce qui concerne les procédures suivies, il n'existe pas au Gyaman de code pour lier à l'avance le pouvoir d'appréciation des juges ; seule la tradition, dont les accesseurs sont les porte- paroles, est susceptible de peser sur la décision. Quant aux peines infligées, on peut les repartir sur trois rubriques. La peine capitale frappe, en principe, d'une part les crimes qui sont regardées comme des outrages aux puissances spirituelles garantes de l'ordre naturel (homicide, inceste, sorcellerie) et d'autre part les actes qui attendent à l'honneur, à l'intérêt ou à la sécurité du souverain (lèse-majesté, haute trahison, adultère avec une épouse du roi). Dans ces cas précis, la peine peut être aussi le bannissement. La mise en gage ou la réduction à l'état d'esclave, et la vente à l'extérieur du royaume sanctionnent des agissements moins graves (indocilité, turbulence). L'amande, payable en poudre d'or (aujourd'hui en argent) plus des animaux, compte tenu de leur volume et leur fréquence les amandes apparaissent comme un tribut déguisé. La seconde fonction du pouvoir est la représentation 157

de la communauté au dehors et la conduite de ses relations extérieures. Aussi convient-il de noter que les populations s'adonnent à certaines corvées qui sont la preuve de leur reconnaissance et de leur soumission à certains dignitaires du royaume. Ces obligations se présentent comme suit :

1-2-8-3-Les obligations des provinces vis-à-vis du roi dans l'histoire Les obligations des provinces vis-à-vis du roi sont contenues dans les redevances de celles-ci. Elles constituent un facteur de reconnaissance du pouvoir.

1-2-8-3-1-Les redevances comme facteur de reconnaissance du pouvoir La plupart des redevances et notamment la livraison des peaux de lion et de panthère et la contribution lors de la fête de l'igname ont visiblement une fonction symbolique; leur objet est de manifester de façon publique et tangible l'assujettissement des communautés paysannes et la suprématie de l'aristocratie bron.

Considérés sous cet angle les prélèvements n'atteignent pas que le peuple. Les notables Abron sont également touchés par un double biais. Tout d'abord taulier évoque les ponctions qui sont opérées au profit du roi et des détenteurs de commandement sur l'héritage des safohene et des chefs décédés, et semble penser qu'il s'agit d'un véritable impôt sur la succession. En fait, le résultat est identique, l'intention est différente: si le roi (ou son lieutenant) honore les funérailles de l'un de ses subordonnés de la présence d'un envoyé et de remise d'un don, il doit en être remercié par un contre don d'une valeur supérieure, en règle générale le triple selon nos informateurs. Les détenteurs de commandement n'échappent pas à cette obligation vis-à-vis du monarque. Ici encore, la somme versée n'est pas très importante, mais en l'acquittant les notables Abron reconnaissent aux yeux de tous la prééminence des dépositaires du pouvoir 158

uprême ; pour la même raison, ils leur apportent des fagots de bois à bruler lors de la fête des ignames.

1-2-8-3-2-Les autres destinataires des redevances Les bénéficiaires de ces "corvées" sont le roi, les détenteurs de commandement, les abakoahene (héritiers présomptifs) de Tanganmourou et de Hérébo, l'occupant du siège d'Apia froma à Adania (Sakoadu, les adontenhene chefs de l'avant-garde) de Drobo, Guyendé et Songoré, le sannahene (trésorier) et le Guyasehene (chefs des serviteurs). Chaque année les communautés villageoises sont convoquées à tour de rôle pour passer une journée sur les champs du souverain ou du dignitaire dont elles relèvent; lorsqu'elles dépendent en outre du safohene, elles peuvent également, semble t-il, être tenues de lui consacrer également une journée. Sur l'ordre de leur supérieur, elles assurent par ailleurs l'entretien des pistes.

Aussi les paysans Abron et K.oulango fournissent-ils aux grands personnages du royaume des prestations en travail lors des périodes ou l'activité agricole est la plus intense, et en particulier au moment du buttage des ignames. De plus K.oulango et Abron remettent au roi ou au détenteur de commandement dont ils relèvent une défense, la queue et les gigots de l'éléphant abattu, ainsi que les peaux de lions et de panthères. Toutes les pépites d'or extraites du sol doivent être remises au roi et aux détenteurs de commandement, qui peuvent par ailleurs faire rechercher l'or sur toute l'étendue de leurs territoires respectifs sans avoir à verser aux maîtres du sol K.oulango la redevance prévue en pareil cas. Par ailleurs, lorsque les places sont exploitées par les prospecteurs étrangers à la région, qu'ils viennent d'un autre commandement ou d'une contrée voisine, ceux-ci doivent remettre au roi ou au chef Abron intéressé une portion déterminée, en règle générale le tiers de leur collecte, sans préjudice du montant destiné au chef du village. Au moment de la fête des ignames qui ne concerne que les seuls Abron, les villages K.oulango, et, semble t-il, eux seuls, apportent au roi, aux détenteurs 159

de commandement ou aux dignitaires auxquels ils sont rattachés des prestations en nature (ignames, poulets, moutons, gibiers), d'ailleurs assez légères : de six à cent ignames et de un à douze moutons par village. Enfin, lorsqu'une région bénéficie de ressources naturelles particulières, ses habitants doivent en faire profiter au souverain et ses quatre lieutenants : ainsi les riverains du Comoé leur apportent du poisson et les Anyi du Bona des escargots. En revanche, les ressortissants des marches conquises par les Abron : Barabo, Nasian, Bini, Bona, Asikaso ne sont soumis en tant que tels à aucun tribut spécial.

Tous ces prélèvements frappent avant tout, les communautés paysannes Abron et surtout Koulango, mais il est clair qu'ils ne sont pas très lourds : une journée de travail par an, quelques dizaines d'ignames et quelques moutons pour un village Koulango moyen ; par ailleurs, réserve faite de petites, Abron et Koulango peuvent se livrer librement à la recherche de l'or au moins sur le territoire de leur commandement d'origine; enfin les vassaux ne sont abstraits à aucune redevance particulière. Certes, des contributions exceptionnelles sont toujours possibles : le roi et les grands peuvent faire appel à l'assistance de leur subordonnés pour payer les amendes ou indemnités qui leur sont infligées ou « mais pour la période qui précède l'ère coloniale, nos interlocuteurs sont catégoriques : contrairement aux indications de Binger, le Guyaman ignore «l'impôt», si l'on entend par le prélèvement régulier et « tarifiés ». Le versement de ces redevances aux Abron les maintient dans une position de domination si bien que les peuples voisins (Koulango, Anyi etc.) sont contraints de refuser une insurrection armée de peur de subir les assauts sans scrupules de leurs maitres.

Mais comment le roi acquiert-il son autorité? Qu'est-ce gui donne le droit de commander? C'est la question de la légitimité politique ou celle de la légitimation du pouvoir. Tout pouvoir politique est une relation dont le 160

présupposé de base implique un rapport dichotomique entre commandement et obéissance. Cela va dire que dans tout système politique, il ya toujours des gouvernants et gouvernés. Mais en vertu de quoi il ya des gens qui commandent et des gens qui obéissent? Qu'elle est la source du pouvoir ou la source de l'autorité politique? Qu'est-ce qui confère le droit de commander à certaines personnes sur d'autres personnes ? C'est là l'une des questions essentielles de la sociologie politique. Dans son ouvrage intitulé le savant et le politique, Max Weber, on distingue trois :

1-2-8-4-L'autorité de type charismatique Ce type repose sur la foi en un chef auquel on attribue une grande valeur personnelle. Que cette valeur soit d'origine divine comme c'est le cas par exemple des chefs religieux dans les théocraties charismatiques ou alors qu'elle découle simplement de la manifestation de talent extraordinaire. C'est le cas par exemple du chef de guerre victorieux ou du leader d'un parti de masse est celui• là qui par ces capacités oratoires envoûte les foules ou encore le grand démagogue, le héros, l'homme plébiscité par le peuple tout entier dont il devient une sorte de père (le père de la nation). En effet l'autorité charismatique est détenue par des hommes qui se font remarquer par des faits héroïques, faits qui leurs confèrent une grâce personnelle, un charisme. La troisième conséquence c'est que le problème de succession constitue un problème crucial de la légitimation de type charismatique. Le charisme ne se lègue pas ni ne s'improvise. La continuité de l'autorité charismatique a toujours posé problème. Cependant, elle débouche tôt ou tard sur un pouvoir de type traditionnel, ou alors sur un pouvoir de type institutionnel, rationnel ou légal.

1-2-8-5-L'autorité légale et rationnelle ou institutionnelle Le troisième principe de légitimation du pouvoir définit par JVIax Weber est l'autorité de type légal et rationnel ou encore l'autorité de type institutionnel. Comme son nom l'indique ce type est fondé sur la loi, le droit, sur les institutions obéissant à une constitution, a une sorte de contrat social comme le 161

dirait Rousseau. L'autorité légale et rationnelle a pour fondement la croyance à la validité de la légalité et en la légitimité des chefs désignés conformément à a loi, à a constitution ou à toute autre loi fondamentale. L'autorité légale et rationnelle dérive d'un système cohérent et rationnel de règlement et loi valables par l'ensemble de la société politigue c'est-à-dire valable pour les gouvernants gue pour es gouvernés y compris le chef de l'Etat sont tous tenus de respecter les textes constitutionnels et les règles établies et d'orienter en conséguences leurs activités politigues tout comme les simples gouvernés. Les individus, les membres de la société civile et les citoyens n'obéissent qu'au droit, à la constitution et non à des personnes. Ce sont des citoyens et non des sujets comme il en est de la plupart des régimes de type traditionnel. La justification du pouvoir, le droit au commandement de tel ou tel individu, de tel ou tel groupe se trouve dans la tradition, la coutume, dans le culte des ancêtres pour ainsi dire : c'est l'autorité de type traditionnel.

1-2-8-6-Autorité de type traditionnel Ceux gui sont appelés au pouvoir selon ce principe de légitimité deviennent par cette raison les gardiens suprêmes de la tradition, les dépositaires des enseignements des ancêtres. Ces lois et coutumes étant hérités des ancêtres, il n'est pas question de les changer; c'est la loi de l'eternel comme disait Max Weber .En un mot ceux gui sont au pouvoir justifient leur légitimité par référence à ces lois et traditions coutumières. La transmission du pouvoir se fait le plus souvent de façon héréditaire. Dans ce type de légitimité nous avons les chefferies traditionnelles, les royaumes anciens et les sociétés monarchigues.

C'est le cas du roi Darré de Tiedio dans la sous préfecture de Tanda. Selon le chef du village de Tiedio, son pouvoir proviendrait de Dieu.

« Certains disent gue le roi Darré est le fils d'Appoh mais cela est faux car Datte est le petit fils d'appoh. Le grand-père gui a crée le village de Tiédio. Le roi Datté a été crée par Dieu. C'est de Dieu qu'il doit sa grandeur» (Propos du chef du 162

village de Tiédio). Quand ses grand-frères partirent en basse côte, il resta avec le vieux Appoh refusa. A cette époque on aimait faire la guerre. Le roi Datté voulut rejoindre ses grand-frères ce que le vieux Appoh refusa. Car il lui fallait quelqu'un pour faire ses commissions. Mais le roi Datté ne voyait pas les choses de cette façon. Une nuit, il fuit pour rejoindre ses frères. A cette époque, on se déplaçait à pied. En revenant on lui fait charger un carton de poudre à canon. Mais ce qu'il faut savoir c'est que le vieux Appoh l'avait cherché partout mais en vain. Et c'est après qu'il s'est rendu compte que ce dernier a suivi ses grand• frères. Quand, ils sont revenus. Le vieux Appoh disait à Datté, pourquoi es-tu parti, ne t'avais-je pas dit de ne pas partir car tu es petit. Mais ce n'est pas grave. Mais tu es venu avec quoi. Le petit Datté, lui répondit avec de la poudre à canon. C'est ainsi qu'à leur retour lorsqu'on défaisait les bagages de ce dernier, on découvrit que c'était de l'or. Le roi alors demanda de le mettre de côté. Quand il s'agissait de repartir pour une seconde fois. Il demanda la permission à son père appoh de partir avec ses frères de nouveau qui la lui accorda. Ce que ses frères lui refusèrent. Pour eux en effet, Ce qu'il a amené au premier voyage était suffisant. Il s'entêta et repartit avec eux. De nouveau on lui acheta de la poudre à canon. A leur retour, lorsqu'on défaisait les bagages du petit Datté, et on se rendit compte que c'était de l'or. C'est alors que son or a servi à faire un siège».

Les propos de cet enquêté présente l'origine divine du pouvoir du roi Datté. La poudre d'or retrouvé chez lui démontre sa distinction d'avec ses frères. Il acquit une grande autorité et fut un brave roi qui conquit de nombreuses provinces.C' est de cette manière que les Abron sont parvenus à s'imposer dans le Gyaman. Leurs forces ainsi restaurées, les Abron se lancent à l'assaut des contrées qui s'étendent entre le « Vieux Gyaman » et le fleuve Komoé, et ils s'en assurent le contrôle au terme d'une série ininterrompu d'expéditions victorieuses. /fais ces opérations de conquête n'entrainent pas seulement l'assujettissement des communautés vaincues; elles s'accompagnent d'une véritable entreprise de colonisation : débordant les limites du territoire exigu dans lequel ils s'étaient 163

d'abord cantonnés, les Abron se répandent vers l'ouest jusqu'à la rivière yingene ; dans les interstices laissés par une première occupation demeurée relativement tenue, ils fondent un grand nombre d'établissements neufs : ainsi surgit une structuré de peuplement originale, dans laquelle les divers groupes «ethniques» sont étroitement enchevêtrés : la séparation entre eux s'effectue au niveau du village, ou même, pour les localités les plus importantes, au niveau du quartier. Un tel brassage provoque, sur les plans linguistique et culturel, des transfotmations de grande envergure, dont nous essaierons de prendre la mesure. Par ailleurs, à l'issue du processus, le pouvoir des Abron s'exerce sur des superficies et sur des effectifs beaucoup plus considérables que par le passé ; en outre, les collectivités qui lui sont soumises forment désormais un ensemble extraordinairement composite : ces changements vont imposer un vaste remaniement des institutions politiques du royaume. De ce point de vue, comment sont organisées les populations installées dans le pays dont le Gyaman va prendre possession ? A la veille de la conquête Abron, elles sont réparties entre un certain nombre de « chefferies » ; la plupart de celles-ci rassemblent des éléments Koulango venus du nord : il en est ainsi notamment à Brakodi, Teko, Djom, Kpana, Yezimala, Yerekaye, Torosangei, Bondo et surtout à Wolobidi et à Kano-nagari, pour ne citer que les principaux cas. Mais nous trouvons aussi un groupement nafana à Tambi, et un groupement de Sorovangne, de « Dioula rouges», autrement dit de Hwela, à Sorobo.

Vers le milieu du XVIIIème siècle, les chefferies Koulango comptent une dizaine de villages chacune. De nos jours, nanan Kobenan N'guettia chef de Wolobidi prétend commander quinze localités. La plupart d'entre elles en fait, n'ont été placés sous ses ordres par l'administration coloniale en sa faveur le canton « Akiton-Koulango ». A l'instigation semble-t-il, du prince Abron Kouamé Adingra; Kobenan N'guettia aurait, en effet, figurer parmi les partisans politiques du prince et celui-ci n'aurait pas hésité à exiger le démembrement du canton Akyidom dont les villages cités faisaient partie. Afin 164

de procurer une circonscription territoriale à son ami. A la mort de ce chef, les hommes de Wolobidi se rendent à Kouafo, Siekouaye, Sogola, Bokori-\'"v'alogo, Bozanye et Kiendi ; à leur arrivée, ils s'emparent du premier cabri qu'ils rencontrent pour le ramener chez eux et le remettre aux descendants du défunt.

Dans chaque chefferie, le détenteur du pouvoir est désigné au sein d'un matrilignage «princier» par plusieurs chefs de cour qui jouent le rôle de grands électeurs : ainsi le chef de Wolobidi est choisi par les anciens du village et ceux des localités voisines de Bozanye et Sogola. Il peut être à la fois chef politique (ise) et maître du sol (sakotese) ; il en est ainsi à Wolobidi, mais ailleurs les deux fonctions peuvent être remplies par des individus distincts ; c'est l'ordre d'arrivée des lignages constituant l'agglomération qui décide en la matière. Les prérogatives du chef sont essentiellement d'ordre judiciaire : en même temps qu'il rend la justice dans son propre village, il est instance d'appel par rapport aux sentences rendues par les chefs des villages qui dépendent de lui, et les affaires les plus graves, en particulier les horrùcides, sont portées directement devant lui. Mais il exerce ses pouvoirs dans le sens de la réconciliation et de l'apaisement: les amendes infligées sont légères -un bœuf et un sac de sel d'une valeur d'un pefla de poudre d'or (52,7 gr) - et leur produit est destiné à « adorer la terre», c'est-à-dire à calmer son courroux. Par ailleurs, le chef ne dispose pour accomplir sa tache d'aucun personnel spécialisé - ce sont « ses fils et ses petits-fils » gui le servent -et il ne peut mobiliser à son profit qu'une main-d'œuvre réduite : seuls les hommes de son propre village viennent cultiver ses champs deux jours par an, lors du nettoyage des parcelles et lors de l'érection des buttes ; à cette occasion il les récompense en leur offrant un repas plantureux. Les défenses des éléphants et la peau des panthères et des lions abattus lui sont remises . .t'.,n outre, si l'on en croit Folquet, il « a droit sur la succession à un des captifs du défunt ou à un de ses enfants qu'il élève jusqu'au mariage»; enfin à l'occasion, de la fête des feux de brousse, chaque chef de cour lui fait don de deux ignames et 165

d'une cuisse des poulets qui ont été sacrifiés, mais c'est en tant que maître du sol qu'il bénéficie de ces prestations.

Pour échapper à l'emprise de l'Etat fondé par Boukani et ses descendants que les Koulango vont immigrer vers le Sud ; par la suite ils sont donc restés réfractaires à tout regroupement de forme étatique. Mais la contrepartie de ce choix, c'est qu'ils vont être incapables de s'unir face à l'agression Abron. D'autre part, si l'Etat est au sein d'une société l'un des instruments privilégiés de la domination, au dehors il en sert d'abord à faire la guerre : en s'interdisant de bâtir un Etat, les Koulango se refusent du même coup les moyens d'opposer leur violence à celle de leurs voisins. Autrement dit, il existe à coup sûr un rapport entre l'hostilité que les Koulango que les Koulango témoignent aux structures étatiques et la vocation pacifique dont aujourd'hui encore ils se réclament: « Avant l'arrivée des Abron, nous les Koulango nous ne faisions pas la guerre» nous a déclaré nanan Kobenan N'guettia. De fait la victoire des Abron ne rient pas principalement à la supériorité de leur armement : certes à la différence de leurs adversaires, ils disposent de fusils, mais ils n'en possèdent sans doute qu'une quantité très limité, et dans la forêt ou la savane boisée qui recouvrent la plus grande partie de la superficie du Gyaman, l'avantage que ceux• ci leur assurent est avant tout d'ordre psychologique. En réalité, les Abron doivent leur succès à leur détermination et à leur cohésion : au service d'un projet politique clairement conçu, ils ont su rassembler toutes leurs forces, aussi bien celles du noyau initial formé par les immigrants venus de Domaa que celles des associés regroupés par la suite, que ceux-ci aient été recrutés avant ou après le désastre de 1740. Ainsi les Nafana de Bondoulwu joueront, sernble-il-, un rôle particulièrement important au cours de la conquête, et nous avons évoqué au chapitre précédent la contribution de Drobo, Kwarworna et Suma et celle des Diouma de Bondoukou et du Barabo. Coalition hétérogène à l'origine, assurément; mais les Abron sauront la cimenter en s'engageant à partager avec leurs partenaires les bénéfices retirés de l'entreprise et le pouvoir exercé sur les 166

populations soumises. Dans un tel contexte, quelles seront alors les relations entre le Gyaman et Bouna?

Les relations entre Bouna et le Gyaman sont celles du mauvais voisinage. Et ce n'est pas sans raison qui tienne : Bouna est allié à l'Ashanti donc ennemi du Gyaman. Les rapports entre le Gyaman et Bouna se résument en ces phrases du sixième roi abron, Ko.fi Agyeman transcrites par Bini Kouakou (1992): « Moi Agyeman Badou ! Je ne peux pas avoir peur des Ashanti Et avoir peur des Koulango. Jamais, au grand jamais! Je le dis et je le dirai toujours»

L'histoire abron a retenu trois guerres contre Bouna sans toutefois arriver à le conquérir, sans doute en raison de son alliance avec !'Ashanti. La première guerre se situe selon Terray en 1740 quand Ko.fi Sonon le nouveau du Gyaman rentre dans son pays après sept ans passé à Kong où il a d'ailleurs été intronisé. Il est allé chercher à Bouna Dagba Koroko, le chef djamala gui lui barre la voie d'accès à Bondoukou. Lorsque Ko.fi Senon s'en prend à Bouna, il tire indirectement vengeance du désastre que les Ashanti ont infligé à son prédécesseur Abo Ko.fi. Par ailleurs, les caravanes de commerce qui relient les cités du Niger à la zone forestière peuvent dès cette époque passer, soit par Bondoukou, soit par Bouna, et entre les deux villes, la concurrence est donc sans doute sévère; par suite, attaquer la seconde, c'est inévitablement favoriser le développement de la première. Or, Kofi Sonon attache beaucoup de prix à l'amitié des Dioula de Bondoukou: on peut dès lors imaginer qu'il n'a pas négligé cette occasion de servir leurs intérêts. La deuxième guerre est en 1805. Paradoxalement le roi Kwadjo Adingra Kouman attaque Bouna avec l'appui de !'Ashanti. C'est que Bouna prend le parti d'Osei Kwame, jugé trop favorable à l'islam, lorsque l'infortuné monarque est déposé contre le nouveau roi Osei Bonzu. Quoi qu'il en soit un vieil 167

antagonisme politique et commercial oppose les Abron et leurs voisins de Bouna et toutes les occasions sont bonnes pour régler ce compte. Peu après l'avènement de Kwasi Yeboa, le Gyaman se lance pour la troisième fois en moins d'un siècle à l'assaut du royaume de Bouna. Cette attaque sans doute délibérée est liée au fait que le belliqueux roi du Gyaman veut se voir servir par Bouna. Pourquoi cette attaque alors que Bouna est située à plus de deux cents kilomètres de Hérébo, chef-lieu du Gyaman? Les dirigeants abron sont soucieux de combler les vides gue l'invasion ashanti a creusés dans les rangs de la population. Pour tout dire la recherche de captifs est l'un des buts de l'entreprise et peut être le principal. C'est à la suite de la victoire sur Bouna gue le roi Kwasi Yeboa crée Tabagne avec une forte communauté koulango faite captive, Tabagne devient par la même occasion la capitale du royaume. Tabagne la communauté koulango faite captive forme le quartier kolio, et ils ont notamment pour tâche de porter le roi lors de ses déplacements. Les conflits territoriaux en suspend sont tranchés à l'avantage des vainqueurs abron puisque Gbanhui et Petei versent désormais tribut au Gyamanhinnin et à l'adontenhinnin de Songori. En revanche, le no man's land qui sépare les terres de Bouna de celles de Nassian est agrandi au détriment de ces dernières pour des raisons de sécurité. L'autorité de type traditionnel tel que définit ci-dessus est-elle influencée de nos jours par la modernité ?

1-2-8-7-Modernité et autorité du roi La modernité se définit en termes de sociologie et selon Michel Freitag comme « un mode de reproduction de la société basée sur la dimension politique et institutionnelle de ses mécanismes de régulation par opposition à la tradition dont le mode de reproduction d'ensemble et le sens des actions gui y sont accomplies est régulé par des dimensions culturelles et symboliques particulières. La modernité est un changement ontologique du mode de régulation de la reproduction sociale, basée sur la transformation du sens temporel de la légitimité. L'avenir de la modernité remplace le passé et rationnalise le jugement 168

de l'action associée aux hommes. La modernité est la possibilité politique réflexive de changer les règles du jeu de la vie sociale. Elle est aussi l'ensemble des conditions historiques matérielles qui permettent de penser l'émancipation vis-à-vis des traditions, des doctrines ou des idéologies données et non problématisée par une culture traditionnelle». Elle vient en opposition à l'ordre social préétabli. Le pouvoir traditionnel va donc rencontrer en face de lui l'autorité politique moderne. C'est le constat des effets de la colonisation et les institutions dites traditionnelles. C'est la confrontation entre les institutions qui créent des conflits et des contradictions qui incombent aux sociologues ou aux anthropologues d'analyser. Elle n'est pas observable uniquement au niveau des institutions politiques. Elle prend en compte tous les éléments de la société. Cette réalité est observable au niveau des pratiques médicales, économiques et culturelles. Elle est une réalité propre aux nombreux pays africains et particulièrement à la Côte d'Ivoire. Les paradigmes de lecture imposés à la culture africaine et les comportements de l'homme africain moderne tendent à discréditer ou «fourrer» dans un tiroir tout ce qui n'est pas de type occidental européen. Les conséquences de ce cliché qu'attribue l'occident à nos sociétés seront adoptées par les africains eux-mêmes. C'est ainsi que dans le royaume Abron, le pouvoir du roi sera mis en difficulté par les sujets. Dès lors, l'on assiste à un refus de soumission aux chefs traditionnels. La société moderne ne contraint plus l'individu à subir les conséquences d'une telle insubordination. En effet, le cadre d'exercice du pouvoir traditionnel se réduit où est réduit. L'autorité du pouvoir traditionnel est confinée dans celui de l'autorité Etatique. En fait l'Etat contrôle ainsi l'autorité du roi. A telle enseigne qu'un conflit mal réglé par le roi ou le règlement d'un conflit non satisfaisant d'un tiers peut connaitre d'autres rebondissements auprès des autorités administratives, policières et judiciaires. Les comportements des individus dans le royaume Abron se justifient par cette alternative que leur offre le pouvoir étatique et l'emprunt que celui-ci a sur le pouvoir traditionnel. Il en va de même au niveau de la construction des

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centres de santé. Le pouvoir traditionnel ne contrôle pas le pouvoir économique des mutuelles. Dès lors chaque mutuelle peut mener librement des actions en faveur de la construction du centre de santé de son village. C'est là que se dégagent les rapports de légitimité de chaque village et son pouvoir à se prendre en charge au niveau sanitaire sans se mettre sous la coupole d'un village voisin où d'une province. La conséquence d'une telle situation fonde l'observation sociologique qui nous a conduit à appréhender dans cette étude les logiques de prolifération des centres de santé dans la sous-préfecture de Tanda.

1-2-9-La modernité et les conflits sous-jacents entre les villages ous entendons par conflits sous-jacents entre des villages donnés, des conflits non ouverts entre des villages dans la mobilisation de certaines ressources pour construire leur rapport spécifique par rapport aux autres villages environnants. L'exemple de cet enquêté est édifiant. Pour lui en effet« l'Etat prend souvent des décisions concernant une localité donnée sans consulter les populations de cette localité. Je le dis parce gue le village d'Abokouman devrait être érigé en village centre. Ce village est un village de « chute». C'est-à-dire là où se reposaient ceux qui portaient les bagages des colons. Dans la localité de Tanda, ce sont ces villages gui sont érigés en villages centres ou sous-préfecture. A un moment donné, nous avons demandé à Korobo c'est-à-dire l'autre village d'à côté de nous aider à être érigé en village centre. A notre grande surprise se village refuse et par la suite, c'est lui qui obtient le centre comme ils ont une pléthore de cadres. Quelques temps après ce village obtient la commune rurale. Ils nous ont demandé d'être avec eux. Ce que nous avons refusé. Nous, on préfère aller à Tanda pour nos soins. Maintenant même grâce à notre mutuelle, on a notre centre de santé. On ne peut pas se laisser se dominer. Nous, on se connaît ici. Je prends un autre exemple. Lors de l'audience foraine le préfet de Tanda nous a invités à Koroko 1. Il ya Koroko Foumassa, Abokouakou, Amata et Krabeigné. Mais les anciens villages qu'on connait là-bas sont Amata et 170

Krabeigné. bokouakou, Koroko 1 et koroko2 sont des campements de Krabeigné qui sont devenus des villages. Les populations ont refusé d'aller à Korokol. Même si c'est toi, tu n'irais pas. Pour le préfet Korokol est au centre et ça permettrait à chaque village de limiter la distance à parcourir». Comme on le voit aux acteurs traditionnels dont les pouvoirs ont été dilués par la présence des autorités politiques et administratives (Préfet, sous• préfet) s'ajoutent de nouveaux acteurs notamment les cadres ou élites locales qui prennent en main le destin du développement des villages. Ainsi dans la compétition pour le progrès, les villages se modernisent plus par le développement. Plus un village à des cadres plus ce village, se modernise. Ainsi les cadres tiennent compte de l'avantage historique ou du retard que l'histoire soit pour le village un atout ou une contrainte, les cadres travaillent à la modernisation de leur village.

Le découpage administratif moderne qui se fait sans consulter la base mais fondé sur certains critères dont l'Etat en est le détenteur exclusif, rencontre sur le terrain des difficultés avec celui dit traditionnel. Si les populations de Krabeigné ainsi que les autres villages environnants refusent d'aller à Korokol, voire même à Korobo, pour l'audience foraine, cela participe d'une certaine construction sociale. Dans la mesure où pour les populations en effet, est village centre celui d'où l'on est parti créer les autres villages. C'est en quelques sortes le « village mère » ou le plus ancien des villages. Cela confère à Krabeigné une certaine notoriété. Si la cérémonie se déroulait à Krabeigné cela susciterait l'adhésion des villages environnants. Le refus des populations de se rendre à Koroko 1 se justifie par le fait que Koroko 1 est un campement de Krabeigné. La distance à parcourir est donc négligeable pour vu que la rencontre se tienne au village mère c'est-à-dire Krabeigné. Le Front Populaire Ivoirien (FPI) a fait de la décentralisation un des piliers de son programme de gouvernement. On est passé sous ce régime de 195 communes avant l'arrivée du Président Gbagbo 1100 171

communes. Cette décentralisation pour le Président Gbagbo est de sortir la Côte d'Ivoire de son

Sous -équipement. Ainsi, la solution trouvée est le découpage du pays en communes et en départements ( conseils généraux) avec à la tête des fils de différentes localités élus par les populations, annonçait avec fierté la Première dame Simone Gbagbo au cours d'une tournée politique dans le département d'Agbovile. Le chef de l'Etat qui n'entend pas s'arrêter sur sa lancée, continue, comme la loi l'y autorise, de signer les décrets portant sur de nouveaux découpages administratifs. Ainsi dix nouveaux départements, 55 nouvelles sous• préfectures et 520 nouvelles communes ont vu le jour lors du Conseil des ministres qui s'est réuni le 5 mars dernier. La cause est noble. L'objectif qui est de rapprocher l'administration de l'administré pour avoir accès à des infrastructures modernes (administration de proximité) : cours et tribunaux, écoles, centres de santé, hôpitaux installations sportives, infrastructures culturelles, facilités de télécommunications, moyens de transports et d'information, ... reste indiscutable tant les attentes des populations en matière de développement sont fortes. Mais là où le bât blesse, c'est dans la procédure ou les choix opérés en certains endroits. Du coup, le découpage administratif tel que mené par le Président Gbagbo devient une source de frustrations. C'est ce qui expliquer les réticences de certaines localités à faire parti des communes ou départements nouvellement crées. Les exemples de potentiels foyers de tensions foisonnent. Car comme l'expliquait à propos l'ancien Directeur du CIRE] (Centre ivoirien de recherches et d'études juridiques), Hubert Oulaye ancien ministre de la Fonction publique et de l'emploi, « la procédure de création et d'extension des communes actuellement en vigueur (Ndlr, étude faite sous le régime Bédié) ne laisse pas de place à l'initiative locale. La toute puissance de l'Etat central à ce niveau constitue un important facteur de limitation de l'expression démocratique des populations locales et une cause constante de frustrations politiques ». Sous la refondation, la procédure de création et son lot 172

de frustrations se poursuivent. Une telle démarche gui foule au pied les critères légaux (critère démographique et critère économique) ne va pas sans conséquences.

C'est le cas, dans le Nord de la Côte d'Ivoire, de Samatiguila, nouvellement érigé en département. S'estimant laissés en rade dans le nouveau découpage administratif, les ressortissants du canton Massala avec comme sous• préfecture Kirnirila Sud sont montés au créneau pour dénoncer le décret les rattachant au nouveau département. « Les ressortissants de Samatiguila ont entrepris les démarches sans nous associer. A notre grande surprise, nous constatons qu'il y a un projet de loi qui inclut la commune de Kimirila Sud dans le nouveau département. Nous ne sommes pas d'accord. On aurait dû nous associer parce que nous formons une entité», a dénoncé un cadre du canton Massala pour gui le département est un cadre de vie collective, un creuset de valeurs partagées, une entité soudée par un minimum de vouloir-vivre ensemble. En réaction et en accord avec les onze chefs de villages qui composent le canton Massala, des cadres ont initié une pétition pour signifier leur rejet du nouveau découpage. L'histoire va-t-elle se répéter dans le Kimirila Sud ? En 197 4, le Président Houphouët Boigny avait voulu rattacher le canton Massala à la sous préfecture de Samangon. La population s'était dressée contre le découpage. Ce gui a contraint le Président Houphouët et l'administration à faire marche arrière. « Personne ne s'oppose à la politique de décentralisation. Mais c'est la manière dont le découpage est fait que nous condamnons. Sans consulter les populations, elle risque, plutôt que d'être source de développement, d'être source de palabres » a mis en garde notre source. La situation reste également explosive dans l'Est ivoirien. En effet, dans le département de Bondoukou, après les affrontements sanglants, les autorités ont décidé de regrouper les localités de Sapli et de Sépingo en une seule entité pour former la sous-préfecture de Sapli• Sépingo. Cet attelage est loin de vider le contentieux. 173

Les populations de Sépingo préfèrent parcourir plus de 35 km pour se rendre à Bondoulcou pour se faire établir un document administratif plutôt que d'aller à Sapli, située à 500 mètres de leur localité. Les ressortissants de la nouvelle commune de Yézimala ont, eux, destitué le chez Henri Kouamé Kouman pour « haute trahison». Pour se mettre à l'abri de toute surprise désagréable, le sous-préfet a préféré résider à Bondoukou. Dans le département de Tanda, le feu couve depuis l'érection de Transua comme chef-lieu de département. Deux jours après l'annonce, des voix s'étaient élevées du côté d'Assuéfry pour contester le choix qui s'est porté sur la sous-préfecture de Transua. Une lettre de protestation a même été déposée auprès du sous-préfet d'Assuéfry par des cadres. C'est cette vision des choses qui a échappé à l'autorité administrative (préfet). Ce comportement des populations se dépeint sur leur rapport aux centres de santé. Dans le cadre des mésures d'urgence présidentielle un centre de santé un centre de santé a été construit entre Sapli et Sepingo, deux localités distantes de cinq cents mètres (500 M) pour permettre aux populations

Or, une innovation pour répondre aux aspirations et aux besoins d'une population peut relativement modifier la vie et même l'organisation sociale de cette population. L'adoption d'une innovation en revanche passe par sa gestion et son usage afin qu'elle affecte les différentes structures sociales de la communauté et participe ainsi à son développement. C'est donc un indicateur plus ou moins important dans le développement local. A Sapli et Sepingo, la structure sanitaire offerte par le programme d'urgence présidentielle est l'introduction d'une innovation. Mais cette innovation semble-t'il, a été mal appréciée par les populations. En clair, l'innovation (centre de santé), contrairement à son objectif initial, qui est de satisfaire les besoins sanitaires de la 174

population, est aujourd'hui la cause des rapports de force et de divisions entre les populations. La gestion ou l'usage de la structure sanitaire qui devrait profiter aux populations, n'a pas atteint le résultat escornpté.Cer etat des faits nous replonge dans les rivalités mieux dans le positionnement de chaque village quant à la mobilisation de certaines ressources tels les centres de santé.

L'histoire politique et économique de la région du Zanzan, d'une manière générale et de la région de Tanda paticulièrement, avec le processus de création des mutuelles de développement par les cadres des villages, semble avoir mis en place une ambiance et un climat particuliers d'émulation. On constate ainsi, un peu partout dans le Zanzan de façon générale tout comme dans la région de Tanda en particulier, des rivalités inter-villageoises voire intercantonnales. Ces rivalités conduisent généralement les differentes localités et leurs populations au « phénomène d'imitation». Ainsi, il suffit qu'une localité «A» bénéficie d'une intervention étatique ou quelconque, pour qu'une localité « B » sollicite ou réalise les mêmes investissements. La conséquence de cette situation est que généralement, l'on ne tient pas compte des véritables besoins et aspirations des localités ainsi que des populations.

En claire l'on ne tient pas compte de tous les aspects socioculturels des populations et des localités. Tel semble être le cas d'après l'enquête des populations d'Abokouman. Alors qu'Abokouman se situe à 3 km de Korobo, les populations d'Abokouman refusent d'aller à Korobo pour des soins de santé. Pire elles viennent à Tanda localité située à plus de 9 km pour leurs soins de santé alors que ce village ne possédait pas encore de centre de santé. Le problème que pose ce village est que deux rivières les séparent du centre de santé de Korobo. Certes le problème que pose ce village est un problème réel, mais l'idée est plus la nécessité de se positionner; car les deux villages c'est-à-dire Abokouman et Korobo selon certaines sources orales ces deux villages avaient à un moment donné, lutté pour l'érection en village centre. Contre toute attente c'est le village de Korobo qu'on érige en village centre. Cette situation provoque 175 le mécontentement des populations d'Abokouman à cause de leur position sociohistorique dans la localité. Cet état des faits à participer à une recomposition des rapports entre ces deux villages. Mais cette situation n'occulte guère le problème de la route qui est un problème réel entre ces deux villages. Ce qui nous permet de présenter la route comme un facteur essentiel pour le bon fonctionnement du système sanitaire.

1-2-10- La route comme facteur d'une prise en charge réelle de la santé de la population

Pour cet enquêté en effet« nos routes sont mauvaises. En période de pluies elles le sont encore plus. Si vous avez un malade sous la main qu'on doit amener à Tanda, c'est tout un problème. Il risque même de mourir. Y a pas aussi voiture » Comme on le voit le politique sanitaire doit prendre en compte la politique des routes dans la mesure où le centre de santé se trouve au "cœur" d'un réseau de villages. Pour favoriser l'accessibilité et l'évacuation des patients. Ce n'est donc pas la distance entre les villages uniquement qui justifie l'accessibilité géographique des centres de soins. L'état de la route apparait ici comme un élément qui vient enrichir le contenu du concept accessibilité géographique des centres de santé. Un centre de santé peut être à 5 km et accessible en 30 mn en raison de l'état de la route alors qu'un autre centre peut se situer à 20 km et accessible en 40 mn. De cet exemple la vitesse moyenne de la distance la plus longue à savoir 20 km est relativement acceptable par rapport à la distance la moins longue. Cet exemple illustre cette situation. Le centre de santé de Korobo est situé à 3 kilomètres du village d'Abokouman. Cependant les populations préfèrent se rendre à l'hôpital de Tanda qui est situé à 9 kilomètres du fait du mauvais état de la voie Korobo -Abokouman. Deux rivières ont rendu cette voie impraticable. En somme la question d'inaccessibilité géographique des centres de santé doit prendre en compte non seulement leur proximité mais également leur état. C'est en cela qu'elle implique les autorités administratives du développement telles que 176

les conseils généraux, les municipalités, le ministère des infrastructures. En clair la santé est l'occasion de mobilisation d'un réseau collectif et administratif.

1-2-11- Modernité et construction identitaire

La non fréquentation des centres de santé dans la sous-préfecture de Tanda se justifie par une quête d'identité. Le concept d'identité recouvre des réalités disciplinaires tout à fait multiples. Très en vogue dans les sciences humaines aujourd'hui, l'identité apparait dans un contexte social ou économique où les peuples voyagent et étendent leurs univers de référence, à d'autres cultures, les ethnies se fragmentent au profit du tout mondial et en même temps, où les minorités se recherchent, les replis communautaires se multiplient. L'exemple du village de Broukro nous permet de soutenir une telle argumentation. Broukro est un village dans la sous-préfecture de Tanda. Il ne dispose pas de centre de santé. Le centre de santé le plus proche de Broukro est celui de Iguela situé à cinq kilomètres de Broukro. Géographiquement le village Iguela est accessible pour les soins médicaux de cette population. Cependant la réalité du terrain nous laisse observer que les populations de Broukro préfèrent se rendre à Koun-fao ; localité située à plus de vingt kilomètres de Broukro. Pourquoi se rendent -ils à une localité distante de leur lieu d'habitation alors qu'à cinq kilomètres d'eux existe un centre de santé? Historiquement les populations de Broukro sont des agni sous la coupole des Abron. De nos jours, du fait des découpages territoriaux les populations de Broukro ressentent le « désir» de se retrouver dans la communauté agni de Koun-fao. C'est une des raisons fondamentales pour laquelle ils se déplacent sur de longues distances pour obtenir des soins. Dès lors c'est la quête de l'identité qui prime et non l'accessibilité géographique des centres de soins. Dans la logique de l'intégration, l'acteur se définit par des appartenances qu'il vise à maintenir ou renforcer au sein d'une société vue comme un tout organisé en fonction de normes et de rapports sociaux gui déterminent le rôle et la place de chacun. La socialisation 177

attribue une identité à l'individu. Celui-ci est alors définit par« une appartenance, par un rôle et par une identité culturelle dont il hérite, non seulement à la

naissance, mais au cours des diverses étapes ou situations de son existences » (Dubet et Martucceli, 1996, p 62). Chacun vise l'intégration au système social qui lui fournit son identité de façon à permettre la continuité de la personnalité. C'est notamment par le maintien d'une frontière entre le nous et le eux que cela est rendu possible. La reconnaissance de la différence ( et souvent le conflit) contribue à maintenir le sentiment d'appartenance, l'identité. C'est donc une volonté de se détacher du royaume Abron et retrouver des Agni Bona gui est le lieu de l'affirmation de son appartenance linguistique. En plus cette volonté de retrouver son appartenance linguistique est sous-tendue par le rapport des enjeux politiques. De façon souterraine ce gu'ils ne disent pas est dévoilé par la nouvelle configuration de la société au regard du découpage administratif. Aujourd'hui Koun-fao est érigée en chef lieu de préfecture. Politiquement cette population d'obédience linguistique Agni recherche son intégration dans le grand groupe agni bona dont Koun-fao est le département. A ce niveau ce n'est plus l'influence des mutuelles à vouloir manifester leur hégémonie mais c'est plutôt la quête de l'identité. Cette position des populations s'observe à travers les longues distances de leur déplacement vers Koun-Fao. Bien gue dotée d'une mutuelle, celle-ci observe ou est complice de ces longs déplacements. Ainsi pouvons-nous dire que dans le cas précis de Broukro, la mutuelle ne cherche pas à effacer les boutades ni à positionner l'hôpital comme un élément de domination mais son silence à l'égard de ce phénomène vient fonder à son tour sa quête d'identité. De façon indirecte celle d'appartenir à la préfecture de Tanda. 'il est vrai qu'à une épogue donnée, les populations de la localité de Tanda ont réalisé certaines infrastructures telles les dispensaires, maternités, écoles grâce au revenu agricole, la réalité aujourd'hui semble être tout autre. Aujourd'hui apparaît de nouvelles sources de financement animées par les collectivités et les cadres ou élites locales des associations ou mutuelles de 178 développement des villages. L'implication de ces principaux acteurs dans le développement engendre une compétition entre les différents villages et favorise l'éclosion ou la prolifération des centres de santé. Mais leur action dans la réalisation des centres de santé est aussi et surtout motivée par l'idée de positionnement de chague village par rapport aux autres villages environnants. Ainsi donc cette compétition dans la mobilisation des ressources joue en puissance sur l'organisation traditionnelle des Abron. L'infrastructure étant prise ici comme un élément de bouleversement de l'ordre social traditionnel plutôt qu'un élément d'épanouissement sanitaire. Les populations continuant de se référer à leur cadre de références habituelles en cas de la survenue de la maladie. Et ce, en fonction de leur système d'interprétation de la maladie. 179

Chapitre 2- Les offres alternatives de soins qui détournent les populations à la fréquentation des centres de santé qu'elles ont contribué à réaliser

Plusieurs pratiques de soins constituent des obstacles à la fréquentation des centres de santé dans la sous préfecture de Tanda. Cette étude de terrain nous a permis de les déceler et de les présenter dans ce présent chapitre.

2-1- Les itinéraires thérapeutiques et les facteurs socioculturels 2-1-1- Les itinéraires thérapeutiques L'organisation des soins est un des maillons essentiels pour le rétablissement de la santé. Ainsi pour rétablir la santé les populations de Tanda suivent-elles plusieurs itinéraires thérapeutiques dont la guérison chez les tradipraticiens, dans les centres de santé, même à travers l'automédication.

2-1-1-1-Recours aux tradipraticiens Le recours aux tradipraticiens est apprécié par la majorité de la population. Cela pourrait se justifier de plusieurs raisons.

2-1-1-2- Compétences des tradipraticiens La compétence du thérapeute et la confiance en ce dernier justifient la première raison fondamentale de la ruée des populations vers la médecine traditionnelle. Dans la sous préfecture de Tanda, il existe plusieurs tradipraticiens dont trois sont très reconnus. Il s'agit de Kouadio Kouman de Broffo-Appoh, Koffi Kpalissè de Tanganmourou, Issouf Kaboré de Tanda. Ils sont reconnus dans le traitement des maladies à base de plantes et aussi spécialisés dans le traitement des envoûtements, de mauvais sorts et autres maladies incurables. Ils bénéficient d'une sorte de compétence qui fait d'eux des références au vu des expériences. La population se rue vers eux pour traiter et guérir leurs maux. Dès lors, il existe une confiance entière entre les populations et ceux-ci. Leur compétence dépasse les frontières où les limites de la sous préfecture de Tanda, 180

en ce sens qu'ils reçoivent des malades qui leur viennent de toutes les régions de la Côte d'Ivoire et même dans les pays limitrophes. Certains malades quittent souvent Abidjan ou il existe presque toutes les structures médicales spécialisées pour se rendre chez l'un d'entre eux après de longs détours souvent dans les hôpitaux ou cliniques. Ils sont souvent sollicités pour venir intervenir à Abidjan ou autres régions du pays, pour apporter secours et traitements à des malades dans des cas spécifiques. Mais en fait comment ces tradipraticiens ont-ils acquis ces savoirs ? Nos entretiens auprès de ceux-ci nous permettent de dégager que les modes d'acquisition du savoir médical chez les tradipraticiens tirent leur origine à travers l'hérédité et le don de certains esprits. Les cas de Kouadio Kouman et de Koffi Kpalissè attestent que l'acquisition de leur pouvoir ou de leur savoir provient de leur héritage familial. Kouadio Kouman explique : « Mon père était un grand tradipraticien. J'ai vécu à ses côtés jusqu'à l'âge de seize ans. Quand j'étais petit, il m'envoyait souvent chercher des plantes en brousse. Je n'avais jamais su les maladies que ces plantes guérissaient. A cet âge c'était une simple obéissance à mon père. Je l'ai quitté à dix-sept ans où je suis parti chez mon oncle. C'est là-bas que j'ai grandi et j'ai même hérité de la plantation de cacao de ce dernier. Jusque là je n'avais jamais imaginé que je deviendrais un tradipraticien. Tout a commencé après la mort de mon père. Un jour, une femme passait avec son bébé malade. Pris de pitié, je demandai à la femme de m'attendre. Je me dirigeai en brousse et revenu quelques heures plus tard avec des feuilles que j'ai mises dans un canari. Je l'ai remis à la femme pour laver le bébé. Deux jours plus tard elle est revenue me remercier du fait que mon médicament a soulagé son enfant. C'est ainsi que après elle plusieurs cas ont suivi mais ils ont tous eu satisfaction. Pour moi c'est un héritage de mon père». Quant à Koffi Kpalissè : « Mon père était un grand guérisseur. Il soignait à base de plantes. Je pense que c'est lui qui m'a donné cette façon de soigner.» Au-delà de ces deux tradipraticiens, Issouf Kaboré a acquis son savoir médical par un don de Dieu : « J'ai reçu mon savoir de Dieu». La population de Tanda a recours 181

aux tradipraticiens du fait que ceux-ci sont très proches d'eux et arrivent à traiter des cas de maladie qu'ils considèrent comme hors de compétence du domaine de la médecine moderne. En effet, si un parent a trouvé le soulagement à son envoûtement hors de l'hôpital, bien gue le mal soit physique et que certaines radiographies identifient la maladie, cette situation renforce leur confiance à l'égard de la médecine africaine. La confiance en cette médecine a un rapport avec l'origine, les causes et les manifestations de la maladie. Une migraine ou une plaie qui résiste face à des comprimés ou des injections d'antibiotiques, dans la réalité des populations trouvent ses soins chez la médecine africaine. C'est dire que les centres de santé sont ainsi disqualifiés et la médecine africaine est légitimée. Ce comportement des populations quant il s'agit de recouvrer leur santé, ouvrent une lumière sur l'anthropologie ou la sociologie de la santé. La maladie ne réside pas que dans le corps physique de l'homme. Elle a d'autres dimensions à savoir social et psychologique. La guérison du malade dépend de la confiance qu'il place au thérapeute, aux soins qu'il reçoit. Il ne s'agit donc pas pour le malade d'avaler des plaquettes de paracétamol par exemple. Le malade et ses parents cherchent à résoudre une interrogation que traduit leur attitude : quel est le thérapeute qui est à mesure de soigner la maladie? Ce n'est donc pas la proximité du centre de santé dans ce cas gui détermine son itinéraire thérapeutique dans la localité de Tanda. Mais c'est la compétence et la confiance du thérapeute traditionnel qui prime. Ceux-ci sont proches de la population et répondent plus à leurs réalités socioculturelles. Comment les contingences culturelles traditionnelles favorisent-elles les recours aux tradipraticiens ?

2-1-1-3- Le recours à certaines confessions religieuses (Catholicisme, Protestantisme et Islamisme) Du moyen âge à la renaissance, l'Eglise catholique va exercer une influence sur la conception de la santé et de la maladie. L'homme est doté d'une âme et son corps n'est que chair. La maladie, la famine, les épidémies sont crées par Dieu pour punir et châtier des hommes. A chaque péché correspondent des 182

pathologies. Exemple : l'homme orgueilleux est puni par les tumeurs et des inflammations de la peau). La maladie et la souffrance permettent de purifier l'âme. C'est ainsi qu'au« moyen âge une crise d'épilepsie était considérée comme une possession du démon et au lieu de faire venir un médecin, on faisait appel au prêtre pour exorciser le malade». Les prêtres vont traiter les malades par exorcisme, privation pour chasser les démons. Saint Thomas d'Aquin rejette le dualisme et réhabilite une conception unitaire de l'horrune. A la fin du moyen• âge, on assiste à une laïcisation de la médecine. Quant à la l'Eglise Protestante en effet, le corps appartient à Dieu et l'homme doit en prendre soin, le respecter, le soigner afin qu'il soit pur et propre. La maladie signale la faiblesse et la négligence. Honorer Dieu c'est aussi mener une vie saine et sans excès (alimentaire, sexuels). La médecine arabo-musulmane, née dans les villes et les écoles du Moyen• Orient, répandue en Afrique médiévale par les centres politiques et les voies de commerce à longue distance, en exercice dans la Côte d'Ivoire précoloniale du 1.'V. IIème siècle, peut-être dite également populaire. Elle a, en effet, suivi la décadence de l'empire du Mali, la dispersion et la ruralisation de l'aristocratie, et sinon la réislamisation effective, du moins une baisse du niveau des connaissances accumulées par la science arabo-musulmane. Sauf la cité de Kong ,au Nord-est du pays, Èbre au XVIIIème siècle en Afrique de l'ouest pour son Université, ses lettrés (Karamoko) et ses industries, les villes secondaires dans le ord-Ouest Odienné, Séguéla, Mankono et Touba) ne connaissent en général que des écoles coraniques où l'on apprend à lire et à réciter le Coran, et à la rigueur des "medersa" où l'on enseigne l'arabe. Cette médecine gui n'exclue pas le recours aux ancêtres et aux génies est aussi globale et intégrée. Le personnage principal qui l'exerce se nomme ici le marabout (Marybucke d'un texte du XVIIème siècle) ; peut suppléer le \X,"/aliyu, tout pieux fidèle détenteur du don de guérison. Ce rôle peut-être joué aussi bien par un duyla ou marchand, par un imam ou prêtre, que par un agriculteur et un lettré (Iobson, 1623 :66-109. Terray, 183

1995: 71).

Dans notre localité d'étude, certains enquêtés affirment avoir eu recours à l'Eglise ou à l'Islam pour recouvrer la santé. Ce recours aux confessions religieuses s'observe dans la plupart des cas suite à des maladies incurables. Ces maladies n'ont pu trouver des remèdes chez la médecine moderne ou chez les tradipraticiens. Dès lors la persistance du mal amène l'entourage du malade à l'orienter vers les centres de prières, les marabouts. Ce recours établit dès lors un rapport entre le malade et Dieu. C'est l'occasion de leur démarcation avec les croyances, les représentations pour chercher la guérison en un être suprême. Les méthodes utilisées par ces centres de prière sont généralement des séances de délivrance, des jeûnes pour se mettre "propre" vis-à-vis du créateur Dieu. C'est à Dieu donc que revient la guérison. La prière est donc l'élément de communication entre Dieu et le malade. Quant aux marabouts, ils ont le pouvoir de désigner ou lire à travers leur pratique la maladie par des procédés divinatoires, ils proposent des traitements aux malades. Dans le cadre de cette étude nous avons rencontré des patients gui ont eu recours aux confessions religieuses. Ce sont le renouveau charismatique de l'Eglise catholique, les prières de délivrance des Assemblées de Dieu. Ils disent avoir recours à la religion parce que la médecine africaine et la médecine moderne n'ont pas apporté une solution à leur mal. La majorité des malades rencontrés souffrent de migraine chronique et d'amaigrissement. Au cours de notre enquête nous avons rencontré des personnes qui ont consulté des marabouts. Ils disent souffrir des plaies incurables. Tous ces malades ont été rencontrés à Tanda. Mais au delà du recours à certaines confessions religieuses comme méthode thérapeutique à certaines maladies, la non fréquentation des centres de santé dans la sous-préfecture de Tanda montre également un recours concomitant à la médecine moderne et à la médecine traditionnelle. 184

2-1-1-4- Recours concomitant à la médecine moderne et à la médecine traditionnelle Dans la sous-préfecture de Tanda, les patients qui utilisent à la fois les deux médecines sont minoritaires. Cela se produit lorsque le patient n'a pas été satisfait dans l'une des médecines et donc se dirige alors vers l'autre médecine pour recouvrer la santé. Leur minorité est le reflet d'une population hybride qui culturellement se trouve au carrefour de la modernité et de la tradition africaine. Etant entendu que dans les deux cas il faut dégager les moyens financiers, Ils rejoignent ainsi le principe sacro-saint la santé n'a pas de prix. L'exemple de cette enquêtée, épouse d'un colonel de douane, qui après plusieurs années de migraine et autant d'années passées à travers les hôpitaux (privés et publics) recouvre finalement la santé dans le village de Mantoukoua. Son cas est l'exemple type des patients qui, non satisfaits d'une médecine se dirigent vers l'autre pour en expérimenter la pratique et la thérapie. Diverses quant à leur organisation sociale et leurs structures politiques, différentiellement traversées par les mouvements de l'histoire, les sociétés africaines précoloniales offrent tout aussi naturellement une gamme

38 étendue de compétences et d'institutions thérapeutiques . Par ailleurs, la présence séculaire de l'islam (dont on sait qu'il revendique des compétences thérapeutiques) et surtout la colonisation ont singulièrement compliqué le tableau. Pour ne considérer que cette dernière, on retiendra deux choses : d'une part que la biomédecine introduite par les européens s'est davantage ajoutée aux divers recours thérapeutiques traditionnels qu'elle ne leur a fait véritablement concurrence; d'autre part que les religions chrétiennes importées ont généré en maintes régions d'Afrique des mouvements syncrétiques et néo-traditionnels ayant notamment pour spécificité d'assortir leur travail religieux de fonctions

38 E. M'bokolo, « Histoire et maladie: l'Afrique» in Le Sens du mal anthropologie, histoire, sociologie de la maladie. Paris, archives contemporains. 185

thérapeutiques, ce gui eut et a de plus en plus pour effet d'augmenter la gamme des recours possibles. Au regard de cette diversité, des vicissitudes de l'histoire, de l'impact des religions, la notion de médecine traditionnelle parait bien peu opératoire. Nous retenons à ce niveau gu'il y a plusieurs itinéraires thérapeutiques qu'emprunte la population pour le rétablissement de la santé. Ce nombre important d'itinéraires thérapeutiques met en relief la difficulté du malade ou du patient face à une médecine plurielle partagée entre la médecine moderne et la médecine dite traditionnelle. Les procédures de cumul de recours thérapeutiques développées par un malade mettent donc chaque fois en présence de solutions différentes : hôpital, guérisseurs. La double sollicitation de guérisseurs traduit une volonté d'additionner les atouts de chague recours et suggere de déplacer l'interprétation en termes d'opposition (hôpital vs guérisseurs) ou de parallèle (médecine «moderne», médecine «traditionnelle») vers une analyse prenant en compte chacun des trois choix du malade (hôpital, guérisseurs, infirmier) (Vidal, 1996, p.59-60). Deux spécificités caractérisent ces formes de la complexité. D'une part, en même temps que de pratiques, celle-ci est faite de croyances en l'efficacité des soignants et en des représentations ou connaissances de la maladie. D'autre part, cette complexité des recours thérapeutiques est révélatrice de deux dynamiques essentielles à l'histoire de la maladie et de la santé. Une personnalité individuelle ne cesse de prendre des initiatives pour construire et comprendre sa maladie et pour trouver des voies sinon de guérison, du moins de soulagernent ; elle y construit, affirme et éprouve son autonomie en fonction de l'évolution de son état de santé (Vidal, 1995, p. 225-235; 1996, p.67-102, p. 189-208). Mais comme cette personnalité ne peut se prendre en charge en dehors de l'alliance ou de la confrontation avec son milieu, cette évolution révèle en même temps la dynamique du milieu (les contradiction internes, les changements positifs ou négatifs qui interviennent dans l'économie, dans la cohésion et dans l'identité du groupe social, en fonction de l'évolution de la maladie d'un de ses membres). Il faut tout de même souligner gue le 186

comportement du soignant et certains facteurs socioculturels constituent des entraves sérieuses à la réussite de la prise en charge. A ces éléments ci-dessus qu'elle est l'influence de l'automédication sur l'itinéraire thérapeutique de la population de Tanda ?

2-1-1-5- Recours a l'automédication Pour les populations de Tanda, s'auto-soigner tire ses fondements dans les variables suivantes: la difficulté financière et les contingences culturelles. Comme souligné plus haut les populations de cette localité ont aujourd'hui. un pouvoir d'achat relativement faible compte tenu du fait qu'elles ne font plus partie de la boucle de cacao et qui faisait la fierté de cette région et de ses populations. En effet, les populations de Tanda, étant une population essentiellement agricole a vu son pouvoir d'achat gravement entravé par le transfère de la boucle du cacao dans la région du sud-ouest. Dès lors, le produit de substitution qui est l'anacarde n'a pas répondu aux attentes autant que le cacao. Certains enquêtés affirment même que l'argent de vente de leur anacarde de l'année 2006 ne leur a pas encore été versé au moment où nous menions cette enquête. Aujourd'hui ce n'est qu'un simple souvenir. Et paradoxalement les médicaments sont devenus de plus en plus chers dans les centres de santé et les différentes pharmacies. L'usage rationnel du médicament est en branle sur le continent africain. L'Afrique est toutefois à la traine dans la création de ses propres laboratoires pharmaceutiques. Malgré les nombreuses maladies endogènes au continent africain, la majorité des médicaments continuent à être fabriqués dans le nord pour le sud. Face à cette situation, de nombreux Etats tentent de réagir. Par exemple le Burkina Faso a adopté une politique nationale pharmaceutique visant à « mettre à la disposition des populations des médicaments essentiels, sûrs, efficaces, de qualités, disponibles sur l'ensemble du territoire et à moindre coût». Malgré ce volontarisme apparent; l'Afrique reste la première destination des médicaments illicites. Les médicaments se vendent dans les rues au même titre 187

que les cacahuètes, posant un véritable danger de santé publique. Mais comment en est-on arriver là? Le circuit légal du médicament suit un processus à trois niveaux de transactions : entre industriels- grossistes, grossiste-officine et officine-clients. Toute commercialisation pharmaceutique sortant de ce cadre relève d'un circuit illicite. L'importation du médicament dans la plupart des pays africains nécessite plusieurs certifications fournies par les structures compétentes dont la DGPML au Burkina Faso (Direction Général de la Pharmacie du Médicament et des Laboratoires). L'authenticité du médicament est garantie à la frontière par les différentes certifications et attestée par les services douaniers. Cependant, des failles dans ce système de contrôle existent, qui favorisent un flux considérable de médicaments illicites sur les marchés africains. L'implication directe de certains douaniers et de certaines autorités dans ce commerce est indéniable, comme le témoigne l'organisation internationale des douanes« en trois jours, 82 millions de médicaments illicites furent saisis dans 16 villes portuaires d'Afrique pour une valeur de 40 millions de dollar. Si ce marché illégal est aussi dynamique, c'est aussi parce qu'il a su se trouver sa clientèle. Les raisons avancées par cette clientèle sont entre autre liées au coût exorbitant des médicaments dans les pharmacies, inaccessibles pour une majorité de la population. De ce fait les consommateurs se rabattent vers les marchés où les pnx des médicaments, vendus au détail, leur sont plus accessibles. L'inaccessibilité géographique des pharmacies, surtout en zone rurale, comparée à la proximité des vendeurs ambulants est un élément à prendre en compte pour expliquer le succès de ce commerce illicite et dangereux. De plus l'acquisition de médicaments en pharmacie nécessite un processus long et coûteux, Il faut d'abord consulter un médecin, avec les frais que cela exige, avant de pouvoir aller à la pharmacie qui occasionnera des dépenses supplémentaires. Pour toutes ces raisons, les consommateurs se rabattent vers « les pharmacies de la rue». Ce choix comporte toutefois plusieurs risques. Outre les répercussions économiques dues à la fraude et à la concurrence 188

déloyale pour la profession des pharmaciens, le véritable danger demeure le nsque que ces médicaments font peser sur la santé publique. Le principal danger à court terme est l'intoxication. La méconnaissance des prescriptions d'utilisation des médicaments par les usagers peut conduire à des overdoses entrainant vomissements, douleurs abdominales, coma, ou même la mort dans le pire des cas. A long terme, l'usage intempestif de médicaments de la rue, facilement accessibles entraine une accumulation lente d'effets toxiques sur l'organisme humain. Pour cet infirmier en effet du centre de santé du village de Tiédio « c'est ce qui arrive aux consommateurs réguliers de l'ibuprofène pour les douleurs musculaires. L'usage répété de cet anti-inflammatoire occasionne des lésions digestives qui peuvent conduire à de l'ulcère gastrique ». Comme on le voit les médicaments de la rue, vendus sans prescription médicale, alors même que les usagers ignorent les traitements adaptés à leur mal, ou encore se laissent prescrire par « les pharmaciens de la rue» conduisent régulièrement à des échecs thérapeutiques. L'utilisation d'un médicament peut exposer à des dangers éventuels plus ou moins prévisibles. Ces dangers encourus sont divers et varient d'un médicament à l'autre. Le risque porte sur les effets indésirables et/ ou toxiques du médicament. Ces effets résultent selon ce médecin de l'hôpital général de Tanda « de l'interaction moléculaire entre la substance chimique à propriétés physico-chimiques et l'organisme vivant qui développe des réactions biochimiques pour son fonctionnement biologique ».Un médicament contient donc un ou plusieurs principes actifs qui renferment des substances chimiques. Chaque substance possède ses supports de risque potentiel. Ainsi donc pour ce spécialiste de la santé ses supports de risques potentiels peuvent se structurer de la façon suivante : sa structure chimique, un support fonctionnel pharmacologie, ses propriétés pharmacoch.imiques. La réaction de l'organisme à l'introduction de chacune varie d'une substance à une autre mais aussi selon des associations avec d'autres produits. De même l'effet d'une substance peut être influencé par la présence d'une autre 189

quand elles se retrouvent ensemble dans le même organisme (médicaments, aliments, boissons). Quand une substance est introduite dans l'organisme, ce dernier utilise tous ses moyens endogènes disponibles afin d'assurer son élimination du corps. Il s'agit de la transformation qui rend les molécules hydrosolubles pour excrétion (rôle du foie, du rein, du poumon et du cœur). Ces biotransformations peuvent aboutir à la formation de nouvelles substances qui peuvent de nouveau exposer l'utilisateur à des dangers parfois graves que ceux de la substance initiale. L'activité de ces métabolites peut être similaire ou différente à la molécule initiale et participe à la toxité. C'est pourquoi les conditions de pratique et de fabrication sont imposées par l'OMS pour garantir la sécurité de l'utilisateur. Malgré tout, les conditions de fabrication, conservation, le changement d'excipient en cas de médicament générique et le mode d'utilisation peuvent amener une substance à devenir un danger pour l'homme.

Dans « le marché parallèle de médicaments» à Tanda les médicaments font l'objet de manipulation qui peut d'une manière ou d'une autre exposer l'utilisateur à de graves dangers. Parmi les mauvaises manipulations on peut citer: les mauvaises conditions de stockages (les produits sont en vrac et stockés dans les sacs) à cela s'ajoute les mauvaises conditions de transports (les médicaments sont exposés au soleil). Aussi convient-il de relever les conditions de conservation des médicaments, leurs conditions de vente ainsi que leurs conditions d'utilisation qui du reste laisse à désirer. Les « pharmaciens de rue » mélangent les médicaments. Ces derniers (médicaments) sont vendus à qui le veut sans le respect d'une quelconque norme médicale. Les consommateurs utilisent les médicaments à volonté. Le danger potentiel existe quand l'origine du médicament et les compétences du vendeur sont douteuses. On y ajoute la conduite du consommateur au cours de l'utilisation de ces produits. Dans son rapport à la santé 2002, l'OMS définit le risque de la santé comme : « probabilité d'une issue sanitaire défavorable, ou facteur qui augmente cette probabilité ». 190

Ainsi, tu ne recevras de soins pour ta guérison qu'en fonction de ta bourse. Et pourtant, en Afrique, l'idéologie demande en retour, après guenson, une reconnaissance morale voire un objet en gage. Quand nous savons que le système traditionnel en termes de santé met l'accent sur une rétribution qui valorise plus l'être que l'avoir (reconnaissance, respect ... ). Les prestations de soins doivent 'valoriser la nécessité de satisfaction, de guérison de l'individu plutôt que de proposer l'aspect rémunération pour la pratique des soins. Ainsi, les programmes de soin du système sanitaire moderne sont élaborés en occultant les revenus économiques et le niveau de vie des populations. Ce qui d'ailleurs est l'une des causes primordiales de la non fréquentation des centres de santé dans la sous-préfecture de Tanda. Une situation qui contraint malheureusement cette population démunie à procéder à une automédication soit en achetant des médicaments de rue à moindre coût, soit en procédant à l'utilisation de la thérapie traditionnelle liée aux us et coutumes et qui ne demandent pas de grands moyens pour rétablir la santé. Qu'en est-il du recours aux structures de soins modernes?

2-1-1-6- Le recours aux centres de santé ghanéens Pour les populations du Nord-est, il est de plus en plus établi qu'au Ghana les patients sont mieux traités. Ce bon traitement se situe à deux niveaux. D'une part le traitement est d'ordre psychoaffectif. Notamment le «bon accueil» et d'autre part les soins administrés témoignent de l'«expertise», de la compétence du personnel médical. C'est une lutte entre les compétences sanitaires, l'encadrement sanitaire des pays francophones et ceux des pays anglophones. Les systèmes socio-sanitaires s'affrontent. Il est clair qu'on n'a jamais vu des Ghanéens quitter le Ghana pour venir à Tanda ou à Bondoukou pour se faire soigner. Mais le contraire est très fréquent. Ce comportement, mieux cette migration sanitaire est un legs de génération en génération, depuis le début des indépendances. Aux deux aspects déjà cités plus haut s'ajoute le coût moins élevé des traitements et des produits pharmaceutiques. Les populations préfèrent 191

évacuer les malades vers le Ghana qu'à Abidjan. L'emprise psychologique de la «performance» du système sanitaire Ghanéen sur le Zanzan est depuis des décennies une réalité difficile à extraire des mentalités de cette population physiquement, historiquement, et sociologiquement proche du Ghana. Cette donne a des implications politiques et économiques.

2-1-1-6-1- Le rôle des facteurs géographiques, politiques et historiques dans les migrations sanitaires

I 2-1-1-6-1-1- L'histoire de l'exode des Abron Selon certaines sources orales et écrites, les Abron viennent d'Akwamou situé à l'Est du Ghana à la frontière entre le Togo et le Ghana. Les principaux lignages qui gouvernent les Etats Abron et Domaa ne peuvent guère faire de doute; avant même l'avènement définitif de la colonisation européenne , elle est portée à la connaissance des Blancs par les intéressés eux-mêmes : ainsi le 8 avril 1896, le Gyamanhene Kwaku Agyeman dicte au lettré Fante E.A. Denis une lettre qu'il destine au capitaine Britannique Davidson-Houston et dans laquelle il

39 affirme: « Nos ancêtres sont venus d'Akwamu jusqu'ici » , quelques mois plus tard, Yao Appia, porte-parole (Kyeame) du Domaahene Pong Yao, fait une déclaration identique au fonctionnaire Anglais Vroom: « A l'origine , Doma est

0 venu d'Akwamu et s'est installé à Suntresso près de Bantama »..( . Cette même thèse sera maintenue pendant toute la période coloniale, et aujourd'hui elle est universellement répandue parmi les Abron : les membres des différents segments de la dynastie royale, ceux des lignées qui lui sont rattachées par voie de filiation patrilinéaire, la plupart des grands dignitaires et les souverains apparentés - en particulier le Sumahene - tous déclarent qu'à l'origine leurs aïeux étaient des kwamu et qu'ils sont partis de l'arrière-pays d'Akra pour gagner la contrée occupée à présent par les Abron. C'est sans doute dans le même sens qu'abonde

09 Kwakou :\gyeman to Davidson -Houston, le 8 avril 1896, encl F in report of Vroorn, 19 august 1897, nag. :\DM. 411 Statement on Yao Apia, "linguist ro the king of Dornrna", in rapport of V room , 19 .-\ugust 1897, nag-ADM. 192

Bini (K.) lorsqu'il disait dans sa thèse sur les Abron - Gyaman à travers leurs instruments de musique que le texte contenu dans la biographie de tous les rois Abron fait référence à la ville de Doma où Dormaa-Ahenkro située dans la région Brong en territoire Ghanéen de nos jours. Pour ce dernier en effet, le tambour pour justifier l'origine des Abron dit ceci : « Dernier monarque de Doma Il fait jour Iajesté, Faites parler de vous» (T.N°45) Pour le tambour, Doma est la ville mère des Abron mais la mémoire collective retient qu'ils viennent d'un peu plus loin de l'Akwamou et c'est à la suite de la domination que voulait leur imposer les Ashanti qu'ils se déplacèrent de ce lieu à Anwanwinisou puis respectivement à Suntresu, Bechem N'gwanta, Doman Hwidim, Doman. Le tambour ne retient rien de ce périple considéré comme la période sombre de l'histoire des Abron à ne pas retenir. C'est à Doma que les Abron rejoints par des ressortissants Denkyria défaits par les Ashanti où ils vécurent, qu'ensemble ils vont bâtir une grande ville de plusieurs artères et créer leur siège royal. Doma qui a vu naître la dynastie des bron est considéré par eux comme leur ville d'origine et c'est pourquoi tous les rois portent le titre de « Roi de Doma »qui, en fait, n'était qu'une étape sur le chemin de l'exode vers le royaume de Bondoukou. Le chef de Doma est de nos jours considéré comme le neveu du roi des Abron. Cette référence à la ville de Doma comme origine des Abron est perçu par l'historien Jean Noel Loucou qui écrit :"Les Abron résultent de la fusion de deux sous-groupes akan: les Brong et les Akwamou" s'installa dans le Doma (région de Wam, Sunyani dans l'actuel Ghana) où se fit la fusion avec l'élément Brong pour donner le peuple Abren"?'.

près Doma, ils s 'installèrent a' bessim, Djunim, Danaresou

41 Jean-Noël Loucou, Histoire de la Côte d'Ivoire, Abidjan, ceda, 1984, P. 154. 193

(Bondoukou) puis au Zanzan. \ la suite de la colonisation, les frontières républicaines vont être tracées. La conséquence est que le peuple Abron ne va plus vivre sur le même territoire. Il sera alors divisé. Une partie au Ghana, une partie en Côte d'Ivoire. Mais si cette séparation est géographique. Elle n'est pas pour autant sociologique parce que dans la gestion du pouvoir le peuple Abron en Côte d'Ivoire comme au Ghana continue d'être en relation. Cette réalité est vécue aussi autour de la maladie. Quand, il s'agit de recouvrer la santé, les populations retournent encore au Ghana.

2-1-1-6-1- 2-L'unité linguistique comme facteur d'accès aux soins ous désignons par unité linguistique un élément de construction des rapports entre des groupes sociaux partageant des territoires différents. Cette étude nous révèle que les Abron de Côte d'Ivoire parlent la même langue que ceux du Ghana à savoir le Bron. Cette unité linguistique est la conséquence de leur mouvement migratoire. En effet les Abron de Côte d'Ivoire ont conservé leur langue d'origine. Il est évident que l'interaction sociale entre individus exige un système de communication partagée. Bien qu'elle ne soit pas le seul, la langue constitue la plus fondamentale de ces systèmes, dans un sens évolutionniste aussi bien que psychologique, et contribue ainsi à l'intégration sociale. En outre, la langue fonctionne aussi comme un système de représentation véhiculant une conception du monde partagé par le corps social. En exprimant cette conception donc du monde, la langue joue donc un rôle déterminant dans la constitution d'une conscience du groupe et la symbolisation d'une identité collective. Cette unité linguistique joue un rôle important dans leur prise en charge médical au Ghana. La visite des centres de santé Ghanéens fréquentés par les malades de la région de Tanda, nous fait constater que les malades qui s'expriment en Bron bénéficient des 194

privilèges et avantages du système sanitaire Ghanéen. La langue qui est parlée dans ces centres de santé par le personnel médical est le Bron. Pour le malade qui parle correctement le Bron, même s'il est Ivoirien, il lui suffit de dire au personnel de santé qu'il vient du village de Kwamseikrom, premier village frontalier au Ghana situé sur l'axe Assuéfty Drobo, pour être traité comme un Ghanéen. Ce camouflage des malades leur est profitable parce que le personnel médical ne réclame pas des pièces justificatives d'identité dans la mesure où le malade parle à priori le Bron. L'avantage dont bénéficient les malades sur la base de l'unité linguistique est le suivant : - l'inscription ou la souscription à Health Assurance Authority qui est l'assurance maladie des Ghanéens. Le droit d'adhésion à cette assurance est fixé en fonction des tranches d'âge. Les individus dont l'âge varie de 18 à 65 ans et plus paient cent quarante mille (140 000 cedis) soit quatre mille (4 800 F CFA). Tandis que les enfants dont l'âge varie de O à 17 ans paient trois cent (300 F CFA) soit one thousand cedis. Les droits d'adhésion à cette assurance maladie pour les différents groupes d'âge ont une durée d'un an. Cette assurance couvre toutes les maladies exceptées les soins ophtalmologiques. Cette réalité de l'assurance maladie au Ghana constitue une source de motivation pour les malades à fréquenter les centres de santé Ghanéen. « Il suffit que je paie cinq mille (5000 F CF A) pour être pris en charge quelque soit mon mal et toute une année au Ghana. Alors qu'ici en Côte d'Ivoire, pour une simple visite au dispensaire nous dépensons plus de dix mille (10 000 F CFA). En plus, tu es mieux traité au Ghana. Le corps médical s'occupe bien de toi » affirme un enquêté. L'avantage de l'unité linguistique, même si les malades reconnaissent gu'ils ne sont pas de Kwamseikrom leur permet de bénéficier d'une prise en charge totale à partir de leur faible moyen financier. La réalité de l'unité linguistique nous permet de dégager que l'absence d'assurance maladie en Côte d'Ivoire est constatée. A la différence du Ghana où celle-ci existe. L'unité linguistique permet également aux malades qui se rendent au Ghana de se 195

soigner à moindre coût à partir de l'assurance maladie. Si l'unicité linguistique est un avantage pour les malades de la région de Tanda qui vont se soigner au Ghana, qu'en est-il de leurs perceptions des frontières héritées de la colonisation ?

2-1-1-6-1-3- La perception des frontières héritées de la colonisation Les frontières républicaines ou artificielles sont un legs de la colonisation. Les populations de notre localité d'étude n'ignorent pas l'existence de ces frontières qui participent de leur lien avec l'arrière-pays. Ces populations du ord-est entretiennent des liens séculaires avec leurs frères restés au Ghana.

Selon Bini(K) « l'armée Abron repose fondamentalement sur trois régions militaires : ce sont les régions de Songori, Guiendé, et Drobo. Songori et Guiendé sont des villages dans le département de Bondoukou alors que la

42 troisième région militaire Drobo est située au Ghana » . Pour Bini en effet « l'ordre de création des sièges des chefs militaires de l'avant-garde n'est pas partagé par l'ex-porte-parole du royaume Abron Nanan Kwabenan Gboko et le roi Koffi Yeboa. Pour le premier cité l'ordre serait: siège de Drobo (Sarkyi kon). Pour le roi, il retient l'ordre suivant; Guiendé, Songori, Almamy de Bondoukou et Drobo. Il introduit ici un quatrième siège qui est de création récente. Le chef militaire de Drobo (Ghana) dit-il en substance dépend au plan

43 religieux et militaire du siège de Guiendé » . De ce fait les frontières héritées de la colonisation n'existent que dans la forme, dans la conscience de notre population d'étude. u plan sanitaire, les comportements des malades de la région de Tanda démontrent que vivre et naître en Côte d'Ivoire n'oblige pas le malade à se

2 ~ Bini (K) les Abron-Gyaman à travers leurs instruments de musique, Doctorat de 3ème cycle, Abidjan, IES, 1992.

H Bi.ni (K), Op cit, p. 30. 196

barricader dans cette contrée. Au même titre gue fonctionne le pouv01r traditionnel, dans le cas de la santé, le Ghana apparait toujours comme l'arrière pays. Les frontières sont donc ignorées et le malade se rend au Ghana où il semble être "mieux" chez lui. L'unité linguistigue fait de lui un Ghanéen au Ghana; et non un ivoirien au Ghana. Cette situation est étayée par la langue d'accueil au Ghana: le Bron. Le Bron ivoirien est accueilli comme le Ghanéen au Ghana. Dès lors la prise en charge est totale. Et le rapprochement à son environnement de vie est établi. En revanche la construction des centres de santé par les populations de Tanda ne les oblige pas à les fréquenter quand ils sont malades. Ils abandonnent les centres de santé dont ils ont été la cheville ouvrière de sa construction pour se rendre au Ghana. Cette situation révèle l'idéologie qui sous-tend la construction des centres de santé dans la région de Tanda. A l'analyse la construction des centres de santé par les populations elle• même est voilée par l'idée de son positionnement social vis à vis des autres villages. Le centre de santé confère donc aux populations une légitimité, une certaine "force" dans sa localité. Au-delà de l'unité linguistique qu'en est-il de la proximité géographique du Ghana ?

2-1-1-6-1-4-La proximité géographique du Ghana comme facteur d'accès aux soins Notre localité d'étude se situe à quarante trois kilomètres du Ghana. Selon certaines sources orales, avant l'érection des sous-préfectures de Transua et d'Assuéfri, Tanda érigé en sous-préfecture en 1961 s'étendait jusqu'à la frontière Ghanéenne. Cette sous-préfecture de Tanda qui était destinée au départ à Tiédio selon certaines sources orales, lui a été exproprié au profit de Tanda car l'on voulait rapprocher les localités d'Assuéfri et de Transua de Tanda. Mais surtout cela a été possible grâce au prêtre Catholique français Jaccobi. Ce prêtre était originaire de l'Alsace et Loraine à l'Ouest de la France. Ce prêtre avait selon des sources orales, les attributs d'un sous-préfet. On lui doit la création du premier 197

centre de santé dans la sous-préfecture de Tanda. Ce centre de santé était destiné aux enfants qui allaient à l'école. C'est à ce prête que l'on doit l'ouverture de certaines infrastructures routières dont celle reliant Tanda à la localité de Tiédio. La réalisation de ces infrastructures a fait fuir des populations de cette localité vers le Ghana voisin. La mise en place de l'administration française coloniale se fait avec plus de rigidité. Cette situation conduit les populations de Tanda proche du Ghana, à fuir. L' « indirect rule » au Ghana parait plus souple aux yeux des populations. En Côte d'Ivoire la loi des finances de 1900 a posé le principe de l'autonomie financière des colonies, c'est-à-dire celles-ci devront payer leurs propres dépenses. Après la guerre de 1914, Albert Sarraut proposa un plan « la mise en valeur des colonies françaises », à exécuter par des emprunts des colonies garanties par la métropole. Le plan ne fut que partiellement réalisé, mais les emprunts permirent aux colonies de développer leur infrastructure. En même temps qu'elle s'installe, la France met progressivement en place un système efficace d'administration qui couvre tout le territoire. Il est centralisé. Il vise l'exercice effectif de l'autorité française sur les populations ivoiriennes et son renforcement.

H 11 effet la réalisation des infrastructures devrait mobiliser la population Jeune. Celle-ci qui devait être une source de revenue pour la jeunesse, représentait une sorte d'exploitation. Les autorités politiques utilisaient la jeunesse dans la réalisation de ces projets sans lui déverser les salaires ou des « perdiem » en retour. Donc ces populations travaillaient ou contribuaient à la réalisation de ces projets gratuitement. Elles étaient contraintes à ce travail en dehors des personnes âgées qui en étaient épargnées. Ces infrastructures bien qu'elles favoriseraient le développement de la région étaient aux yeux de la jeunesse une sorte d'exploitation ; la participation étant gratuite, obligatoire et sans rémunération. Cette situation favorise alors l'exode de la population jeune vers le Ghana voisin à la recherche d'un emploi ou à la recherche d'une quiétude: celle de se mettre à l'abri de cette exploitation. Parmi ceux qui ont 198

émigré au Ghana, ceux gui sont revenus au pays "encensent" les centres de santé Ghanéen. Pour eux en effet les centres de santé ivoiriens ne peuvent pas se comparer aux centres de santé Ghanéen. Ce discours est un legs de génération en génération. Pour des maladies dont la prise en charge nécessite d'importants moyens financiers en Côte d'Ivoire, ces cas sont conduits au Ghana voisin par les concernés eux-mêmes où la prise en charge est moins coûteuse. La proxirnité géographique justifie le déplacement des malades de la localité de Tanda vers le Ghana. Ainsi abandonnent-elles les centres de santé construit par elles-mêmes et fournies en personnel pour se rendre au Ghana. Cet exode des malades s'effectue par voie terrestre et avec des moyens de transport moins coûteux. Dès lors qu'elles sont les perceptions des populations de Tanda vis-à-vis du système sanitaire ghanéen?

2-1-1-6-1-5-La perception du système sanitaire ghanéen Selon Joël De Rosnay dans son ouvrage « l'homme symbiotique», un système est un ensemble d'éléments en interaction dynamique organisés en fonction d'une finalité. Le système de santé selon l'OMS de son rapport de 2000 comprend toutes les organisations, institutions et ressources qui ont pour but de réaliser des actions de santé. Une action de santé est définie comme tout effort que ce soit au niveau des soins personnels de santé, des services publics de santé ou encore par des initiatives intersectorielles dont le but premier est d'augmenter la santé. Les populations de la sous préfecture de Tanda présente le système de santé ghanéen comme un modèle d'efficacité et de «performance». Ces éléments ci-dessous à savoir la qualité du personnel le circuit du malade, l'accueil, le contrôle régulier des soins, structure et logement intégré des prestataires de soins et la propreté des locaux illustrent cela.

2-1-1-6-1-5-1-La qualité du personnel de santé et des soms La qualité des soins dispensée dans une structure sanitaire peut apparaître 199

d'emblé comme un facteur déterminant gui motive le choix de cette structure par les usagers. Dès lors quel lien peut-on donc établir entre la qualité des soins des centres de santé au Ghana et la promptitude de la population de notre localité d'étude à opter pour les centres de santé ghanéenne ?

2-1-1-6-1-5-2-Circuit du malade et des maladies traitées Le circuit du malade et les modes de traitement de la maladie nous permettent d'aborder un autre angle de la perception du système sanitaire ghanéen par les populations de Tanda victimes de cet exode médical ou sanitaire. Saint Mary's Hospital of Drobo, un hôpital général du Ghana nous permet d'observer le circuit de soins du malade. En effet, le circuit du soin du malade clans cet hôpital ghanéen se présente de la façon suivante. La première étape du malade est celle de l'enregistrement désignée par le terme « record ». «Records» est l'affaire des statisticiens. Ceux-ci reçoivent le malade et l'enregistre à travers des éléments tels gue le nom, le prénom. Records est une forme de ticket gui permet au malade d'avoir un carnet. Et qui constitue la deuxième étape du circuit. « Patient folcler » conserve les informations concernant l'âge et le nom du malade. C'est également clans le « patient folcler » que sont inscrits la température du malade, des examens de sang ... Et autre élément en rapport avec la maladie relevé par les i.nfirrniers. Ces informations sur l'état de santé du malade sont conduites chez le médecin gui décide d'interner le malade ou non. Dans les cieux cas le malade doit passer obligatoirement au service de la comptabilité (cash point) pour payer la consultation ou les frais afférents à la prise en charge de son hospitalisation quant celui-ci n'est pas adhéré à health assurance authoriry, Si on interne le malade, ce n'est ni le malade ni ses proches accompagnateurs gui vont à la pharmacie pour acheter les médicaments. C'est l'affaire des infirmières puisque le malade a déjà honoré ses engagements vis-à-vis de la caisse. L'observation du circuit du malade clans un centre de santé ghanéen révèle qu'il existe une divergence entre le système de soins ghanéen et celui de la Côte d'Ivoire. Alors qu'en Côte d'Ivoire l'assurance maladie universelle (AMU) est 200

encore au stade d'un simple projet, health assurance authority permet aux malades au Ghana de se soigner à moindre coût dans les établissements de soins publics. En Côte d'Ivoire, l'assurance est opérationnelle uniquement dans les établissements de soins privés. Le recouvrement des coûts à savoir le paiement de la consultation avant la prise en charge du malade fonctionne autrement au Ghana. Le malade ne paie les frais de consultation qu'après être traité ou consulté par le médecin ou l'infirmier. En plus le malade interné ne reçoit pas d'ordonnance pour aller l'acheter à la pharmacie. Pourtant en Côte d'Ivoire, il est courant de voir le malade ou son accompagnant tenir une ordonnance, parcourir les pharmacies à la recherche des médicaments prescrits puisque le coût de la prise en charge et celui des frais d'hospitalisation sont détachés. Une autre réalité au Ghana qui diffère de celle de la Côte d'Ivoire se situe au niveau du « reliquat» des frais de prise en charge versés aux malades après leur guérison. A cette analyse, il convient de préciser que chaque système sanitaire a sa particularité. Cependant l'appréhension de l'exode sanitaire ou médical des populations de Tanda vers le Ghana, se justifie par leur accueil et le moindre coût des médicaments au Ghana que se soit dans un hôpital général tel que Saint Mary's hospital ou les dispensaires à savoir « outpatient's departement » de Kwaseikrum ou de Gonsua.

2-1-1-6-1-5-3-L'accueil La particularité de l'accueil dans les centres de santé Ghanéen prend sa source dans les valeurs socioculturelles du Ghana. Au Ghana, il est de plus en plus admis que celui qui reçoit un étranger à la maison est« béni de Dieu». Cela confère aux Ghanéens une attitude de respectabilité et un sentiment d' « amour» vis-à-vis d'autrui. La transposition ou l'intégration de ces valeurs sociohistorigues dans le système sanitaire ghanéen se traduit par la capacité des prestataires de soins à se mettre à l'écoute du patient et leur disponibilité à s'occuper de lui. Le discours recueilli auprès de cette infirmière de l'hôpital général de Drobo continue de nous conforter davantage. Nous nous sommes adressés en Anglais 201

de la façon suivante : « dear Madam I want to know how you treat yours patients here? ». Pour l'infirmière, en effet, « we corne to the OPG and receive your patient. Let the patient introduce himself by asking him: may I know your name? And he or she may say the name. Y ou put the patient in the way he or she feels at home. He may be psychologically ill. Then you ask him or her politely. \X' /hat's wrong with you? Knowinjr that you are the sister, the brother, the father or the mother of the patient. By doing so you relieve the patient and he may take a paracetamol, even if he or she didn't expect. It is up to the doctor or nurse to show her capacity of receiving and treating patients. If you are kind and hospitable your patient will feel ok. Then the patients may corne with a relative. In this case, you make the relative feel at home again. Do not rush questions to them. Everything you ask should be polite and smoth. If you do not so, then the relative will wonder whether his patient is going to die. Then he is

going mad and confused ». La traduction en Français donne ceci: « voulez-vous savoir comment nous traitons et recevons nos malades ici? Nous venons dans la salle de réception. Laissons le malade se présenter, en lui posant la question : quel est votre nom ? Prendre le soin de laisser le malade se sentir comme chez lui. Attention : votre malade peut souffrir ou est victime d'une dépression nerveuse, donc soyez très poli ou souple en lui demandant. De quoi souffres-tu? Tout en vous mettant à la place d'une de ces proches (papa, maman, sœur ou frère). En vous comportant ainsi, vous soulagez votre malade et vous l'amener à accepter de prendre un comprimé de paracétamol même s'il n'en voulait pas. En clair, il appartient donc à l'infirmière de montrer sa capacité et son expérience à recevoir et traiter ses malades. Si vous êtes accueillants votre malade se sentira bien.

u cas où le malade est accompagné par un de ses proches ici encore vous devez bien accueillir l'accompagnateur en le rassurant que son malade sera rétabli. Eviter de le presser ou de le forcer par des questions ou mots. La douceur et la politesse doivent être au rendez-vous. Si ce n'est pas le cas 202

l'accompagnateur peut être désemparé et même troublé et se poser des guestions du genre : _est-ce que mon malade va-t-il se rétablir? Eh ! Dieu gui va nous venir en aide ? ttc. ». contrario en Côte d'Ivoire, et surtout dans notre localité d'étude, les enquêtés affirment être mal reçus. Leurs rapports avec les prestataires de soins est souvent conflictuels. Les malades accusent les prestataires de soins dans la pratique de leur art de mettre l'accent sur le pouvoir d'achat du malade et occulter la dimension humaine de ce dernier. Cette situation pose un problème d'éthique. Pour les malades, dans la localité de Tanda, ils sont bien traités quand ils ont del'« argent» ou ont une connaissance particulière au sein de l'équipe de soins. Pour eux de prime à bord, la guestion qui ressort est la suivante : as-tu de l'argent pour assurer tes soins ? Ou celui de ton parent ? Ces questions au Ghana viennent en second lieu. Ce qui prime au niveau de l'accueil c'est de savoir de quoi souffre mon malade, qu'est-il possible de lui apporter comme soins? Cette conception d'autrui comme une partie de soi-même par les prestataires de soins au Ghana s'assimile à celles des praticiens de la médecine africaine dans la localité de Tanda: Soigner d'abord et non savoir qui est en face de moi avant de lui octroyer des soins. Ces comportements des prestataires de soins dans la localité de Tanda qui créent un rapport conflictuel entre ceux-ci et les malades nous amène à questionner le serment d'Hippocrate. Alors qu'il est marqué dans ce serment « En présence des maitres de cette école et de mes chers condisciples, je promets et je jure au nom de l'être suprême d'être fidèle aux lois de l'honneur et de la probité dans l'exercice de la médecine. Je donnerai mes soins gratuits à l'indigent et je n'exigerai jamais de salaire au dessus de mon travail. Admis à l'intérieur des maisons, mes yeux ne verront pas ce qui s'y passe, ma langue taira les secrets qui me seront confiés et mon état ne servira pas à corrompre les mœurs ni à favoriser les crimes. Respectueux et reconnaissant envers mes maîtres, je rendrai à leurs enfants l'instruction que j'ai reçue de leur part. Que les hommes m'accordent leur estime si je suis resté fidèle à mes promesses, que je sois couvert d'opprobre et méprisé de mes confrères si 203

. ' J y manque» . La réalité sur le terrain est différente. Cette réalité en elle-même aussi nous conduit à une inquiétude qui mérite d'être élucidée. Pourquoi l'éthique et la dimension humaine dans le système de soins ont-ils cédé la place à une quête effrénée du gain financier? La crise économique que la Côte d'Ivoire a connu à partir des années 1980 a eu des conséquences diverses et diversement appréciées. Ces conséquences sont à la fois économiques, sociales et politiques. Elle a eu des effets considérables sur le niveau de vie des populations. En effet, les mesures économiques d'austérité ont affecté aussi bien la politique sociale volontariste de l'Etat que le niveau de vie des populations. Par rapport à ce qui pouvait tenir de politique sociale, l'on peut distinguer, de façon approximative, deux phases : la prerni.ère va de l'indépendance 1960 jusqu'à l'année 1980, c'est la. période des investissements tous azimuts et de la quasi-gratuité de l'accès aux établissements publics de soins de santé et d'éducation; mais, au début des années 1980, date d'entrée dans la seconde phase, c'est la courbe de la croissance inverse, entraînant une nette progression de la pauvreté avec des effets variables sur l'emploi, les revenus et la consommation alimentaire par exemple. Dans le domaine médical cette situation a eu des conséquences. En termes d'équité, les pratiques de racket, de corruption et de « connaissance» exclu d'emblée certaines couches sociales : « si tu ne connais pas quelqu'un, si tu n'as pas d'argent tu n'es pas reçu à l'hôpital» déclare une patiente. Ici, avoir l'argent, ce n'est pas seulement pour payer les soins mais pour être reçu, admis. On peut payer pour connaître quelqu'un. Les pauvres favorisent donc par ordre de priorité les enfants, les femmes et enfin les adultes masculins. Les indigents choisissent généralement les centres de santé seulement quand ils estiment que la maladie est grave. La gravité perçue de la maladie influence véritablement le recours des soins et les itinéraires thérapeutiques. Les personnels des centres de santé ont informés de tous les reproches mais n'en sont pas toujours conscients, ils réfutent certaines remarques et pourtant justifient certains de leurs 204 comportements par le fait que les salaires ne sont pas motivants ; et c'est pour cela qu'ils créent ou favorisent d'autres formes de rémunération ou de rétribution, en encourageant toute forme de « contexte», c'est-à-dire le « racket», la corruption et toutes les pratiques illicites (« gombos », les cadeaux, les faveurs, etc.). Les soignants considèrent qu'ils sont payés pour être présents dans le service et ce sont les usagers qui doivent payer les prestations qu'ils reçoivent. Ils déplorent le fait que leur patient attende le pire avant d'arriver dans les centres de santé. Ils constatent néanmoins une fréquentation en baisse des centres de santé modernes depuis l'instauration du paiement des droits de consultations (politique de recouvrement des coûts) dans les années 1990 mais aussi et surtout la dévaluation du franc Cfa en 1994. La dévaluation constitue pour eux un repère en raison de la montée des prix des produits pharmaceutiques : les malades ne viennent plus parce qu'ils savent à l'avance qu'on va leur tendre une ordonnance qu'ils ne pourront peut être pas honorés». Les patients sont informés de ce fait gue de toute la vie de formation sans y être allés ou parfois en y ayant été que très peu de fois. C'est à travers les rumeurs qui font écho, les « ont dit», les « il paraît gue », mais aussi à partir d'expérience vécue que l'on se construit une opinion des structures sanitaires ; opinion qui conditionne l'accès à ces structures. Ainsi donc l'accueil dans les structures sanitaires au Ghana tout comme l'unicité linguistique et le moins coût des soins représentent un facteur qui favorise l'exode sanitaire au Ghana et gui crée en partie la non fréquentation des centres de santé dans la région de Tanda.

2-1-1-6-1-5-4- Le contrôle régulier des soins Le contrôle régulier des soins est un système de contrôle effectué dans les structures hospitalières pour permettre aux différents prestataires de soins de mener à bien leurs différentes tâches. Dans les structures de soins ghanéens tout comme celle de la Côte d'Ivoire, il existe un comité de surveillance et de contrôle. En Côte d'Ivoire, et particulièrement dans ma localité d'étude, le 205 surveillant général est un infirmier ou une sage-femme détaché à ce service. Son rôle est de faire le pointage c'est-à-dire noter les présences des prestataires de soins et de rédiger les différents rapports d'activité qu'il transmet au Directeur de l'Hôpital général avant qu'ils ne parviennent au Directeur du District. Au niveau du Ghana le comité de surveillance est composé de civils et des prestataires de soins . Ainsi passent-ils régulièrement dans les différents services de soins. Ils effectuent des visites surprises de contrôle dans tous les centres de santé pour s'imprégner de l'atmosphère ou environnement de travail à savoir comment fonctionne l'hôpital général ou le dispensaire ; les prestataires sont-ils à leurs postes ?, s'occupent-ils correctement des malades ?, quels sont les besoins des centres de soins ?, et quels sont les obstacles auxquels sont confrontés les prestataires de soins ?, le responsable de centre de santé n'est pas informé d'avance de cette visite. Dès lors ce ne sont pas des visites inopportunes ou surprises comme au Ghana mais ce sont des visites guidées auxquelles s'attendent l'infirmière ou le médecin. La conséquence d'un tel fonctionnement du comité de contrôle peut être le travail mal fait ou la collecte d'une réalité pas forcément exacte en vu de rassurer le comité de contrôle d'un travail bien fait et occulter certaines réalités ou difficultés rencontrées dans l'environnement du travail. Cette situation est généralement à la base des fossés qui existent entre la réalité c'est-à-dire les besoins exacts de la population en matière des soins de anté et ceux exprimés par les développeurs ou institutions étatiques en matière de santé. En effet l'existence de cette structure au Ghana et son mode de fonctionnement amène les prestataires de soins à avoir une conscience professionnelle. L'absence de ce comité de contrôle équivaut à sa présence. Car bien que ces comités de contrôle soient absents, le simple fait de se rappeler leur présence amène les différents prestataires des différents services à s'appliquer.

Cette structure de contrôle de soins fonctionne au sens Durkheinùen comme une coercition en ce sens qu'il exerce une contrainte pas physique mais qui est de l'ordre psychologique et de la conscience. 206

2-1-1-6-1-5-5-Structure sanitaire-logements du personnel u Ghana, structures des soins et logements des prestataires sont intégrés. C'est-à-dire dans l'enceinte de l'hôpital, on a les logements des prestataires des soins. Cette forme d'intégration des structures sanitaires et les logements des prestataires s'observent dans tous le centres de santé ghanéenne à la différence de ceux de la sous préfecture d Tanda. La proximité des logements des prestataires de soins des centres de santé répond à un besoin de fonctionnement efficace de l'hôpital. En effet celle-ci permet de mettre à disponibilité les prestataires de soins pour soulager les maux des malades dans le temps. En réalité, s'il n'est pas de garde, sa proximité l'oblige à intervenir quelque soit l'heure au vu de la souffrance du malade. Cette réalité se confirme par les propos du human ressource manager de l'hôpital général de Drobo. Pour lui, en effet: « on doit être toujours prêt de l'hôpital. On a deux médecins. Chaque fois l'un des deux doit être toujours prêt. Les deux s'arrangent pour qu'un soit là toujours. C'est pourquoi ils dorment à l'hôpital ici». En fait cette forme d'organisation est une politique mise en place de l'Etat ghanéen pour une prise en charge effective des malades. A contrario le système sanitaire ghanéen privilégie la proximité des logements des centres de soins voire même son intégration. Cette disposition des résidences (milieu de vie et milieu professionnel) est le legs du modèle colonial. Alors que la Côte d'Ivoire, héritière d'une civilisation occidentale française n'a pas mis en place des études approfondies allant dans le sens de la prise en charge réelle de la santé de la population. Elle s'est fondée sur les programmes conçus par les occidentaux. Ces programmes sont le reflet de la société occidentale. Or en matière de santé, il n'existe pas de modèle théorique adaptable à tous les milieux socioculturels. C'est une médecine qui a été imposée aux populations ivoiriennes en particulier et aux populations africaines en général qui sont incapables d'en payer le prix parce que faute de sécurité sociale ou de toute autre disposition analogue. Par ailleurs, à l'hôpital général de Drobo, un centre de 207

santé confessionnel, l'occupation de ses résidences intégrées dans les centres de soins correspond à une réalité. Dans le système de santé ghanéen, il existe l' « allowance ». L'allowance est une prime d'intéressement versée aux prestataires exerçant dans les centres de santé confessionnel. Elle est une prime qui n'est pas tiré du salaire du prestataire de soins. Cette prime permet d'honorer les logements des prestataires. Généralement l'allowance est gérée par le bishop ou prêtre catholique résident à Brekoum une ville ghanéenne. En plus, cette proximité des prestataires de soins permet de repartir les horaires de travail de la façon suivante : la première équipe commence le travail de sept heures à treize heures. Elle est relayée par la seconde à treize heures et la dernière équipe de vingt heures à sept heures le lendemain matin. La particularité des centres de santé nous permet d'affirmer que la présence des prestataires de soins est toujours effective. Cette organisation est une politique qui marque la présence des prestataires. Le malade ne peut donc justifier son non fréquentation des centres de santé par l'absence de personnel médical. Contrairement aux centres de santé en milieu rural dans la région de Tanda où le prestataire de soins est souvent obligé de se rendre chez lui à domicile ou dans sa plantation parce que oisif du fait de sa seule présence aux centres de santé et de l'absence de malades. Les prestataires de centre de santé du milieu rural de Tanda se plaignent souvent du non fréquentation des centres de santé de cette localité. Pour ces prestataires, en effet, le centre de santé représente pour les populations un élément de modernité c'est pourquoi cette sage femme de l'hôpital général de Tanda affirme : « il parait que pour vos parents le centre de santé est un élément de développement». Le centre de santé n'a pas la même appréciation ou la même considération chez les prestataires de soins. Pour ceux-ci c'est leur lieu de travail. Ainsi son non fréquentation les disqualifie à l'expérience professionnelle. Dès lors leur présence dans ces villages n'est pas liée aux travaux champêtres ou d'autres formes d'activité. D'où l'objet de leur plainte ou mécontentement régulier. Cependant l'analyse sociologique nous révèle qu'au-delà de ce ------

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dépaysement des prestataires de soins liée à la non fréquentation des centres de soins, recouvre des zones d'ombre. En effet, il y a un manque à gagner financier. Plus les populations fréquentent les centres de santé, plus le prestataire arrive à faire des bénéfices au niveau de la vente des médicaments pharmaceutiques.

2-1-1-6-1-5-6-La propreté des locaux

L'urbanisation rapide el sauvage des pays d'Afrique a causé la détérioration de l'environnement. L'une de ces conséquences les plus inquiétantes dans le monde en développement, et particulièrement en Afrique, réside d'ailleurs dans les problèmes de gestion des déchets solides, liquides et toxiques. Des incidents qui ont eu lieu récemment dans les grands centres urbains d'Afrique montrent que le problème de la gestion des déchets à atteint des proportions telles que les mesures prises par les différents niveaux d'administration et les spécialistes se sont révélées infructueuses. Il suffit de traverser n'importe quelle ville africaine pour constater les manifestations de ce problème : amoncellement de déchets, détritus le long des routes, ruisseaux bloqués, sites d'enfouissement menaçant la santé dans les secteurs résidentiels, et élimination inadéquate des déchets toxiques. Le taux élevé d'urbanisation dans les pays africain entraîne une accumulation rapide de déchets. Les changements sociaux et économiques qu'ont subis la plupart des pays africains depuis des années 60 ont également entraîné une hausse de la production des déchets par personne. Par exemple, la igérian Environnement Study / Action Team estime que le Nigeria produit 20 kilogrammes de déchets solides par personnes par an (NEST ,1991). Avec une population estimée à plus de 100 millions d'habitants, cela donne 2,2 millions de tonnes par an. Dans certaines villes nigérianes, on relève une hausse en flèche de la production des déchets. A Lagos, celle-ci s'établissait à environ 625000 tonnes en 1982. Ce chiffre, selon le ministère Fédéral du logement et de l'Environnement, devrait passer à 998000 tonnes d'ici à l'an 2000. A Kaduna, 209

la production de déchets devrait passer à 258000 à 431000 tonnes au cours de la même période. Ces données témoignent de l'urgence d'assurer des services de gestion adéquats, que généralement l'on ne trouve dans les villes africaines. Ce n'est pas la quanti té de déchets qui pose problème, mais plutôt l'incapacité des gouvernements et des sociétés d'élimination des déchets de s'en débarrasser. La situation qui prévaut à Nairobi en témoigne. Malgré une hausse annuelle d'au moins 6% de la population entre 1977et 1983, la quantité de déchets enlevés a chuté, passant de 202 229 tonnes en 1977 à 159 97 4 en 1983, une baisse de 21 %sur 6ans. Ainsi, à la fin des années 70 et au début des années 80, l'organisme municipal responsable de l'enlèvement des ordures a enlevé en moyenne près de 10% d'ordures de moins par personne par an (Stren et White,1989). On a observé une situation pareille à Malindi (une agglomération secondaire du Kenya), où la croissance de la population représente une importante contrainte. En 1991, environ 36000 tonnes de déchets solides y on été produits, mais le service municipal d'enlèvement n'en a pas transporté plus de 7300 tonnes vers les décharges. Le service d'enlèvement des déchets assuré par le conseil municipal de Dar es-Saam éprouve des difficultés semblables (Stren et Wh.ite,1989). Dans cette ville, pas plus de 24% des déchets produits tous les jours sont enlevés. A Kinshasa, l'enlèvement des déchets ménagers n'est assuré que dans quelques zones résidentielles. Dans le reste de la ville, les déchets sont déposés sur la route ou dans des sites illégaux, ou déversés dans des égouts ou enterrés dans des décharges à ciel ouvert (Hardoy et Satterwaite, 1992).

Contrairement à ces pays, l'observation des règles d'hygiène, de salubrité est rigoureuse au Ghana. Chaque individu est tenu de veiller à la propreté de son environnement immédiat. Cette «culture» est transposée dans les hôpitaux. Cette étude nous petmet d'observer une particularité dans les centres de santé visités au Ghana; celle de leur propreté. En effet un service d'entretien s'occupe 210

régulièrement des locaux. L'environnement sanitaire est le reflet de la société. C'est une transposition des valeurs culturelles de l'éducation à l'hygiène et à la propreté au sein des structures sanitaires. L'hôpital est le reflet de la société ghanéenne elle-même au niveau de l'hygiène. La propreté est une rigueur et une éducation gui sont apprises depuis le cadre familial. Il est difficile d'apercevoir des ordures traînées dans les rues ou dans le cadre de vie des ménages. La gestion des ordures ménagères est une affaire de conscience collective. Ainsi donc l'hôpital gui est un lieu de soins de santé mérite cette même rigueur; la propreté de ses locaux. Pour ce faire, il existe une structure administrative (zoomlion) qui s'occupe du contrôle et de l'entretien des locaux. D'une façon générale, elle ne se focalise pas uniquement sur l'hôpital mais ses actions vont au-delà de l'hôpital. C'est-à-dire les collectivités. A la différence du Ghana les structures de santé dans la région de Tanda sont dans la majorité dans un état de délabrement. Des murs non peints, des pancartes illisibles etc. Cette situation se justifie par un manque de volonté politique en Côte-d'Ivoire en matière de salubrité d'une façon générale. A l'image de l'ensemble du pays l'insalubrité touche plus d'un ménage. Et la question de la gestion des ordures ménagères est une préoccupation majeure en Côte-d'Ivoire. A ce propos la Ministre en charge de la salubrité faisant le point de six mois de travail concernant l'hygiène publique de la Côte d'Ivoire constate gue : « le comportement des ivoiriens n'est

44 pas en phase avec les efforts que nous fournissons » · Désormais, estime-t-elle des sanctions seront prises contre ceux qui rendront coupables d'actes de pollution publique de l'hygiène publique et ce, à travers la mise en place de comité de salubrité.

2-1-1-6-1-6-Facteurs économiques 2-1-1-6-1-6-1-La pauvreté Dans le Zanzan, les populations ont le choix entre deux systèmes de

44 Nord-Sud quotidien « opération pays propre» mardi 17 janvier 2012 N°1956. 211

santé : celui de la Côte d'Ivoire donc francophone et celui du Ghana anglophone. Mais cette alternance au niveau du choix des structures sanitaires est motivée par le coût élevé des prestations sanitaires en Côte d'Ivoire. L'exemple de cet enquêté illustre cette réalité. Pour lui en effet : « je suis malade. J'ai une tumeur au crâne. Pour faire l'opération à la PISJ\M, on me dit de payer deux millions cinq cent mille francs CFA (2 500 000 F CF A) or au Ghana on me demande de payer cinq cent mille Francs CFA (500 000 F CFA) . C'est pourquoi, aujourd'hui, je me prépare pour aller me faire opérer au Ghana». A l'analyse, le choix des structures de soins ghanéens pose le problème de pauvreté en Côte d'Ivoire.

Cette pauvreté est liée à la crise économique que traverse le pays depuis les années 1980 suite à la fluctuation des prix du binôme café - cacao sur le marché international qui a été précédée des crises pétrolières de 197 4 et 1979- 1980. La fluctuation des prix du Café-Cacao (principaux produits d'exportation) aura des conséquences très lourdes. Le pays connaitra des problèmes d'ordre budgétaire et entre ainsi dans un marasme économique de sorte qu'il sera obligé de faire appel à partir de 1981 aux institutions de Brettons \X/oods gui imposent des plans d'ajustement structurel (P .AS). Face à cette nouvelle donne, les dirigeants politiques vont essayer d'adapter de nouvelles stratégies de développement. C'est donc dans ce sens que l'idée de varier les cultures agricoles pour atteindre l'autosuffisance alimentaire naitra, et ce pour ne plus dépendre singulièrement du binôme café-cacao. Malgré cet état, la situation économique du pays sera désastreuse à partir des années 1985, de sorte que l'Etat va proclamer l'état de la conjoncture générale du pays, et s'aperçoit de la pauvreté des populations. C'est désormais cette nouvelle situation que les gouvernants s'attèleront à combattre car la pauvreté est ennemie du développement économique et social. Depuis donc les années 1990 l'attention accordée à la lutte contre la pauvreté s'est particulièrement intensifiée tant au niveau de l'appréhension globale des 212 enjeux au plan international gu'en cc gui concerne les stratégies et les progranunes nationaux de développement. En Côte d'Ivoire, la pauvreté humaine existe partout. Elle n'est plus un phénomène nouveau à présenter et elle se propage de manière vertigineuse car elle gagne toujours du terrain au lieu de reculer. Cette pauvreté va s'accentuer avec la crise sociopolitique de 2002. Celle-ci engendre à son tour au niveau des ménages la réduction du pouvoir d'achat freinant ainsi l'accessibilité aux soins de santé jugés coûteux. La faible augmentacion du revenu (10 à 20 %) suite à la dévaluation n'ayant pu permettre de suivre le rythme de l'inflation, on peut en déduire la détérioration des conditions alimentaires surtout chez les économiquement pauvres. Lorsque l'on descend dans l'échelle des revenus, une autre stratégie consiste à modifier la structure des dépenses par une réduction de la part du budget affecté aux autres postes de dépense, la différence économisée étant réinjecter dans l'alimentation. Les actions sur le pouvoir d'achat incluent la pluriactivité gui consiste en une diversification des sources de revenus par l'exercice d'activités parallèles ainsi gue par la mise au travail des enfants. La crise favorise également le développement de la petite corruption dans les administracions publiques. La constitution de groupes d'achat de produits alimentaires et le fractionnement de l'approvisionnement autrefois mensuel ou bimensuel en achats quotidiens compte parmi les stratégies déployées. Sous la forme d'ajustements des habitudes, les réponses des ménages sont deux ordres : ils rationnalisenr l'accès à l'alimentation des membres de la famille et jouent sur la qualité des repas et les dépenses alimentaires. Face à cela certaines mesures ont été prises de la part de l'Etat pour améliorer les conditions de vie des populations en milieu rural. La création de certaines collectivités territoriales telles que les conseils généraux est probant. Mais bien que ces structures existent, sur le terrain la situation de pauvreté reste encore regrettable. Selon le taux de pauvreté des ménages par région, notre localité d'étude reste encore parmi les localités de Côte d'Ivoire où le taux de pauvreté est élevé. Le tableau ci-dessous 213 illustre bien nos propos.

Tableau n°35 : Taux de pauvreté des différentes régions des années 2002 et 2009 Pôle de développement Chef lieu 2002 2008 Evolution

Ville d'Abidjan Abidjan 14,9 21 6,1 Centre-Nord Bouaké 32 57 25 Centre-Ouest Daloa 50,3 62,9 12,6 Nord-Est Bondoukou 56,5 54,7 - 1 9 ' Nord Korhogo 40,3 77,3 37 Ouest Man 64,4 63,2 - 1,2 Sud Abidjan 30,3 44,6 14,3 Sud-Ouest San pédro 41,3 45,5 4,2 Centre Yamoussoukro 41,4 56 14,6 Centre -Est Abengourou 44,9 53,7 8,8 Nord-Ouest Odienné 51,9 57,9 6 Ensemble CI - 38,4 48,9 10,5

Source: ENV-2008 bordant la pauvreté, nous sommes tentés de poser la question suivante : que recouvre ce concept ? Mieux comment pouvons-nous la définir ? En effet, la pauvreté est un mot polysémique. Etymologiquement le mot pauvreté vient de l'adjectif« pauper » en latin, qui se rapporte à toute situation vulnérable, fragile. La pauvreté a été proposée par Oscar Lewis" pour designer les formes de sous cultures des groupes les plus favorisés. Le 22 Juillet 1995, le conseil de la Communauté Economique Européenne

45 Oscar (L): Les enfancs de Sanchez, Edition gallirnard, Collection du Monde Entier, Paris 1961. 214

(CEE) définissait la pauvreté en ces termes : « personnes pauvres : individus ou familles dont les ressources sont faibles qu'ils sont exclus des modes de vie nominaux acceptables dans l'Etat membre dans lequel ils vivent» Pour Eliane Mosse46 la pauvreté se définit comme la situation de personne ou groupe de personnes marquées par l'insuffisance des ressources disponibles, la précarité du statut social et l'exclusion d'un mode de vie "matériel ou culturel" dominant. Le programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD) (dans son rapport mondial sur le développement humain 1999, définit la pauvreté comme le fait d'être priver des moyens matériels qui permettent d'améliorer ses conditions de vie, notamment les conditions alimentaires, de santé, d'éducation, de sécurité et aussi et surtout le non accès au crédit et à la terre. Pour Dedy Séti. et Tapé Gozé,47 la pauvreté est appréhendée comme une situation de déficit physique, matériel, moral et intellectuel subi par des individus ou groupes d'individus et en rapport avec leur naissance ou leur statut social actuel, situation qui ne leur permet pas guère de s'épanouir ni de contribuer pleinement à la vie sociopolitique de leur société d'appartenance. La pauvreté est de ce fait selon eux, infériorité, dépendance et humiliation toute chose qui constitue un obstacle à la créativité individuelle et collective. u niveau économique, l'Institut National de la Statistique (INS) en 1995 définissait les familles pauvres comme ceux dont la consommation moyenne par habitant au cours de cette même année était inférieure à 144800F CFA , et les ménages les plus pauvres ceux dont la consommation moyenne par habitant est inférieure à 94600 F CFA. Cette réalité est observable chez la plupart de nos enquêtés en milieu rural et précisément dans la localité de Tanda. Ce gui justifie en partie le rapprochement des populations de notre localité d'étude des centres de santé de Ghana. Car le malade est ici face à une situation

4r, Eliane (M) : Les riches et les pauvres : être pauvre dans les pays riches, Edition du seuil, Paris, 1983. 4 ï Dedy (S) et Tape (G) : Famille et Education en CI, Edition des lagunes, .-\bicljan 1995, P 48. 215

problématique: où aller donc soulager son mal avec son faible revenu ? C'est pour préciser que le faible revenu des ménages est un facteur qui favorise la non fréquentation des centres de santé dans la région de Tanda. Face à la situation de crise, les revenus des ménages « s'amaigrissent» de plus en plus. La priorité des ménages est celle de pouvoir subvenir aux dépenses liées à l'alimentation. Se soigner devient donc un véritable «casse-tête» quand survient la maladie. Dès lors le coût élevé de la prise en charge dans les centres de santé ivoiriens freinent ceux-ci quant à leurs fréquentations. Le coût élevé des soins vient donc positionner la médecine africaine et les centres de santé ghanéens comme accessibles financièrement. Mais qu'en est-il des frontières monétaires ?

2-1-1-6-1-7-Les frontières monétaires ous désignons par frontière monétaire les différentes parités au niveau de la monnaie. En Côte d'Ivoire, la monnaie utilisée est le Francs CFA selon la maison de change de la billetterie du Plateau 1998, 1 F CFA équivaut à 395 CEDIS. Cette faiblesse au niveau de la monnaie ghanéenne par rapport à celle de la Côte d'Ivoire constitue une panacée pour les populations de la localité de Tanda à choisir les centres de santé ghanéens. Pour les populations en effet« on n'est bien reçu au Ghana et le coût de la prise en charge nous revient moins cher». Le recours aux soins de santé ghanéenne est donc motivé par le fait qu'avec peu de moyens financiers, le malade de notre localité d'étude arrive à honorer les prescriptions ou ordonnance des prestataires de soins. Aussi faut-il noter qu'au delà de certaines facilités qu'offrent le système de santé ghanéen notamment le coût moins élevé des médicaments, il convient de souligner avec Akindes (F) (2001) l'affaiblissement des solidarités traditionnelles. Pour lui en effet les solidarités traditionnelles qui fonctionnaient comme des filets de sécurité sociale sont affaiblies à cause de la crise économique, qui a engendré l'éclatement des structures communautaires et l'incapacité de l'Etat à assurer le maintien de l'accès aux besoins et services sociaux de base. Et que ceux-ci ont contraint à un mode de vie individuel amputé de ses bases collectives. Les 216 indicateurs de cette individualisation marginalisante sont d'après lui: la remise en cause des possibilités de scolarisation prolongée, la difficulté d'intervention d'un parent pour avoir accès à un travail rémunéré, la. multiplication des ménages à direction féminine à raison du report de la nuptialité et des risques accrus de chômage qui frappent surtout la population masculine. La montée de la délinquance et de la criminalité dans les villes constituent également l'un des effets de cette recomposition sociale. Mais qu'en est-il des facteurs effets culturels comme éléments qui orientent le recours thérapeutique.

2-2- Facteurs culturels

Que faut-il entendre par facteurs culturels ? Le mot culture recouvre plusieurs significations selon différents auteurs qui y ont consacré d'abondantes définitions. Pour E. B. Taylor dont la traduction française est la suivante : « La culture est un tout complexe qui comprend les connaissances, les croyances, l'art, la morale, le droit, la coutume et toute autre capacité et habitude acquise par un

48 homme en tant que membre d'une société » . Avec une définition aussi large, la «culture» devient synonyme de « civilisation». Elle englobe tout ce gui n'est pas naturel; elle reste entièrement une création humaine. Le professeur rwandais Kagame fournit une des acceptions les plus récentes. Pour lui, la civilisation

( culture) est « l'adaptation d'un groupe humain se servant de la nature humaine totale (intelligence, volonté, sensibilités et activités corporelles pour domestiquer et embellir le milieu physique où il doit vivre (climat et saisons minéraux, hydrograplùe, faune et flore) , se garder des causes internes de désagrégations se défendre contre les groupes similaires gui tenteraient de l'absorber, et pour

49 transmettre à sa descendance l'expérience globale reçue de ses initiateurs » .. Cette définition nous parait plus complexe car elle tient compte des données et des valeurs de notre patrimoine africain. Enfin la culture est le caractère intime

~8 E.B. Tyler, Primitive Culture, London, John Murray, 1871, P. 1.

~9 .-\. Kagame, La philosophie bantu comparée, Edition Présence Africaine, Paris, 1976, P. 49 217 d'un peuple, sa pensée intime, sa perception des choses et sa façon de les considérer. Dans cette étude, l'une des raisons qui est à l'origine du recours aux soins traditionnels est liée aux facteurs culturels. Les habitants de cette région où de cette localité n'ont pas abandonné le système de soins traditionnels gui existait avant la colonisation En effet, comme le souligne Abe N'doumy Noel pour les populations africaines dans leur imaginaire la médecine moderne est venue simplement se surajoutée à la médecine traditionnelle. En revanche la médecine moderne n'est pas entièrement suivie à travers les comportements et les attitudes des malades. La médecine africaine constitue encore pour eux une ossature importante de leur existence. Pour les populations de Tanda, la maladie est la conséquence de la rupture de la communication entre le naturel et l'au-delà ou les esprits. Le rétablissement de la santé suppose le rétablissement de la communication entre ces deux entités. Et éviter désormais d'enfreindre aux règles gui régissent la société et son fonctionnement. A ce niveau entrent en jeu les représentations des malades où des populations vis-à-vis des médecines et de la maladie. C'est à juste titre que Y oro (2002) écrivait : « La catégorisation des maladies en maladies curables ou non curables par telle ou telle médecine participe aux choix thérapeutiques, et se justifie dans la plupart des cas par les expériences passées ou présentes des uns et des autres. Dans cette catégorisation, la dimension magico-religieuse occupe une place importante et justifie le recours aux devins guérisseurs ». En fait la maladie se présente ici comme un phénomène social total. Elle met en rapport le malade et sa famille, les institutions de soins modernes, les thérapeutes traditionnels. La maladie fait appel aux êtres surnaturels à savoir les ancêtres, les génies, les dieux des eaux, des montagnes, les conflits sociaux entre parents. Cette réalité tire son fondement de la vision pluraliste du monde selon la culture akan. Annan (1984) écrit à ce sujet : « la vision du monde proprement dite pluraliste aussi. En effet, trois éléments importants constituent l'univers : 218

- Le ciel où habite le Tout-puissant, - Le monde en tant que tel, c'est-à-dire le monde terrestre où se trouvent les êtres humains, certains esprits, les animaux, les végétaux, les minéraux, les cours d'eau ... etc., - Le monde de l'au-delà qui est le domaine des ancêtres et des êtres

50 supranaturels. Ce dernier se situerait entre le ciel et la terre » . Cette position de l'auteur se schématise de la façon suivante.

DIEU

'4 I \ / / \ 't I / \ \ \ / / \ \ / I \ \ / I \ \ I / \ I I \ \ \ / / \ \ I I \ I I \ / \ I • I Terre L Hommes / dieux Montagnes I Génies I ~------Ancêtres

Schéma n° 4 : Relations entre les hommes et les êtres surnaturels

Le panthéon Akan est riche, structuré et bien hiérarchisé, contrairement à l'opinion de certains anthropologues de l'époque coloniale. En parlant d'un prêtre ashanti, Lévy-Bruhl dit ceci: « il n'a pas l'idée d'une subordination des divinités secondaires et des esprits au Dieu suprême ». Cette idée erronée déforme la réalité, car en effet, toute l'ethnie reconnait l'existence d'un Dieu suprême, transcendant et tout puissant nommé "Nyamien" en Agni-Baoulé et "Nyamé" en Ashanti. "Nyamien" est le créateur et le roi du

511 Yao (A): Médecine moderne et traditionnelle, K.-\SA BYA KAS,-\ I.E.S Université d'Abidjan, décembre 1975, P15. 219 monde. C'est le générateur, le dispensateur et le conservateur de la force vitale. C'est lui qui a crée les autres divinités, (dieux), les hommes, les animaux et toutes les choses qui existent dans l'univers. Même la terre qui est une très grande divinité doit se mettre à Dieu, ("Nyamien"). Etant au dessus de tous, Dieu habite au ciel, par delà les nuages d'où il agit par l'intermédiaire des autres divinités y compris les ancêtres. Les hommes ne l'adorent pas directement. Il est puissant. Ils passent donc par l'intermédiaire des ancêtres pour l'adorer et pour lui présenter leurs doléances. Ce Dieu suprême symbolise la bonté et la pureté. Il bénit le travail des gens humbles et maudit celui des malhonnêtes. Il punit les malfaiteurs et récompense les bienfaiteurs. Toutes les divinités adorent Dieu et par la voix de leurs prêtres elles lui chantent des louanges de subordination. Les autres divinités se composent d'ancêtres (esprits des défunts), d'êtres surnaturels (génies) et de plusieurs esprits gui prennent la forme d'un animal, d'un végétal où même d'un minéral pour apparaitre aux hommes. En retour ceux-ci ont le devoir de leur adresser régulièrement des prières et de leur présenter des offrandes. La libation de vin de palme ou de raphia ne manque jamais à ces occasions. On immole aussi des animaux allant du poulet au bœuf selon l'importance de la cérémonie. Ce culte qui a pour ministre le chef de famille, demeure très vivant chez tous. Il assure la prospérité du groupe, car à travers ce culte, les vivants bénéficient de la protection des morts. Enfin ce culte maintient l'harmonie nécessaire entre la communauté des morts et celle des vivants, car les ancêtres sont des "vivants" passés seulement de ce monde dans un autre. Dans le monde de l'au-delà, ils sont devenus invisibles et intangibles ce gui leur donne la valeur des divinités. En plus, le trait le plus saillant de ces ancêtres est qu'ils inspirent la crainte. Pour cela, les vivants évitent par tous les moyens de les offenser. Pour s'assurer de leur bonne volonté, les vivants ont recours à des opérations propitiatoires à des dates précises. Ce culte est indispensable à la famille parce que celui gui néglige de satisfaire les ancêtres les offense, ce qui peut apporter 220

malheur (maladie, famine ... etc.) aux vivants. Les êtres surnaturels (djirans) ou génie et les autres esprits agissent sur les vivants qui ne peuvent point négliger leur existence. Les djirans ou génie guident les humains et les protègent lorsque ceux-ci portent des amulettes. Les esprits habitent un peu partout dans les forêts, les montagnes, les rivières ... etc. Ces génies font l'objet d'un culte particulier. Ils servent parfois d'intermédiaire entre Dieu et les hommes. Les génies résident dans les choses bien déterminées comme les montagnes, les fleuves, les rivières, les arbres ... etc. Ces génies font l'objet d'un culte particulier, surtout des habitants qui l'entourent. C'est ainsi qu'on a le culte de la divinité (de l'arbre abriwa) pratiqué par les Abron de Mantoukoi de la sous-préfecture de Tanda lors de la fête des ignames. Ainsi que celui du culte de la divinité man filé ( du culte de la rivière manfilé) pratiqué par les habitants de Bokoré village de ladite sous• préfecture en sont une illustration éloquente. D'ailleurs, pendant la migration récente des Abron du Ghana vers la Côte-d'Ivoire, on a pu observer un important culte des divinités portant le nom de fleuve, rivière, montagne, arbre où elles résident selon les croyances. Chaque fois que le groupe social se trouvait en danger, ils imploraient la faveur de ces divinités.

Dans le groupe Akan se sont les vivants qui font face aux problèmes réels de la vie. Pour résoudre leurs problèmes, ils se servent des esprits ou des divinités. La manipulation des esprits est donc la préoccupation principale de la société. La zone rurale ou le milieu traditionnel est constitué par un environnement qui baigne dans l'animisme. Cela explique l'importance de la sorcellerie dans la recherche du mal et du bien. La perte d'un bien, les ennuis de maison ou domestiques, la maladie, la mort, bref, le mal en général, sont suscités par des puissances maléfiques. Pour ce faire il faut que la victime elle-même ou w1 de ses proches ait commis une faute grave. Dans la société Abron de la sous• préfecture de Tanda, l'accident n'existe pas. On doit trouver une explication à tout. Les pouvoirs occultes et la sorcellerie en particulier, sont donc des croyances au surnaturel, exercées par quelqu'un qui « veut se servir de pouvoirs 221

maléfiques à l'aide d'instruments et de processus appropriés de façon à causer un

51 dommage à un ennemi ou à un rival » .

En pratiquant la sorcellerie, le sorcier ( ou la sorcière) ne fait jamais du bien. En effet il est habité par un pouvoir maléfique gui le pousse à faire le mal, voire à tuer. Quant à la magie, on n'en distingue deux sortes : la magie blanche et la magie noire. La première se propose de protéger ce gui est bon et naturel contre tout ce gui provoquerait un bouleversement social, car l'homme est toujours à la recherche d'un équilibre social. La seconde dite magie noire se met au service de la sorcellerie et du mal. D'ailleurs à causes de la désintégration des structures et des systèmes traditionnels, les craintes magiques et la pratique de la sorcellerie ont augmenté, et n'ont pas disparu comme on aurait pu le croire. Lorsque les malheurs surviennent dans une famille, on est en présence de rupture de l'ordre établi.

Pour ce groupe social gui est matrilinéaire, les disputes entre les membres d'une même famille se règle chez le chef de fanùlle. Cependant les haines gui naissent souvent de ces disputent familiales peuvent relever du domaine de la sorcellerie. A l'instar, des autres ethnies, les Abron appartenant au groupe Akan, disent très souvent que pour être victime de la sorcellerie, il faut y être « amené » par un membre de sa propre famille. C'est en effet pour les populations de notre localité, par l'envoûtement que l'on atteint sa victime. C'est-à-dire gue le sorcier sur un substitut de la personne visée (ongles, cheveux, vêtements ... ) des blessures gui sont censées l'atteindre elle-même. L'ensorcellement se fait par des rites magiques qui affectent la santé physique de la victime. Celui qui est victime de la sorcellerie a souvent recours au devin pour connaître les causes de son mal. Le devin consulte son oracle qui lui permet de découvrir les raisons profondes et il parvient à faire des prédications. Le plus souvent, le devin est un praticien

51 Basile davidson, les africains, Editions seuil, paris, 1971, p .118 222

qualifié qui a subi un long apprentissage et gui vit grâce à un don reçu d'un ancêtre. Comme nous l'avons dit précédemment, la magie se met soit du côté du bien soit du côté du mal. Le magicien a ainsi un pouvoir qui lui permette de soumettre à sa volonté les forces de la nature. Par des incantations aux esprits, il peut provoquer la pluie. De même, il fabrique des fétiches ou des amulettes auxquels il attribue une force occulte de protection et de bienfaisance ou au contraire, une force occulte d'agression et malfaisance. Ainsi une bague, un collier, ou une ficelle autour des reins contribuent tous à la protection du porteur ou lui confère un pouvoir d'agression contre les autres. L'importance de ces croyances et la légitimation des esprits surnaturels font des tradipraticiens le recours approprié pour se soigner et guérir. Ces croyances qui tirent leur fondement du fonctionnement de la société. Les facteurs culturels et les représentations liées à la maladie et à la médecine élisent le thérapeute traditionnel dans le rétablissement de la santé. Les populations sont donc au carrefour de la médecine occidentale et africaine qui s'offre à eux quand ils sont malades. Dans cette position les représentations influencent leur recours aux thérapeutes traditionnel. Alors que les centres de santé sont de moins en moins fréquentés. C'est dans cette perspective que Harris Memel Fôté affirme : « une opposition globale, qui divise les deux médecines, est de type culturel : elle aurait sa racine dans la tradition , et dans la croyance dogmatique en la toute puissance de cette dernière; telle serait l'attitude des Lobi (ethnie du Nord -Est, à cheval sur la Côte d'Ivoire, le Burkina Faso, et le Ghana), qui n'ont pas confiance dans la médecine moderne, ne fréquentent presque pas l'hôpital, et s'adressent aux tildare où devin guérisseur de lignage) »52

52 Harris Memel Fotê la modernisation de la médecine en Côte d'Ivoire in revue internationale de sciences sociales septembre 1999, Pp 379-393. 223

Chapitre 3 Les sysèmes de relations qui se diffusent à travers la non• fréquentation des centres de santé

3-1- Le rapport à l'âge dans la relation patients et sages• femmes La majorité des femmes enquêtées dans les différents villages déplorent la jeunesse des sages- femmes. C'est le cas de la sage -femme du village de Tiédio, qui au départ était boudée par les femmes du village à cause de sa jeunesse.

Pour la sage femme en effet: « vos mamans pensent que je suis jeune que Je ne peux pas bien les assister». Dans les différents villages en effet l'accouchement est l'affaire des matrones. Ce sont les matrones qui assistent les parturientes. Il y a donc cette dimension psychologique qui fait qu'en celles-là qui ont fait plusieurs enfants, la jeune femme en travail trouve une forme de recours adéquat. D'autre part on estime que dans la valeur culturelle traditionnelle Abron, il n'est pas conseillé ou ce n'est pas bien perçu de voir la nudité de la personne la plus âgée. Or aller accoucher à l'hôpital, c'est exposer toute sa nudité. Quand la femme estime que ses enfants sont de fois plus âgées que la jeune sage- femme gui vient l'assister, elle n'accepte pas au plan de sa valeur culturelle d'aller exposer sa nudité en la sage- femme. Selon une enquêtée : « je refuse. Elle est trop jeune pour que moi j'aille m'exposer en elle». Le refus d'exposer sa nudité devant la jeune sage femme amène la femme en milieu rural à accoucher à la maison avant d'aller à l'hôpital pour recevoir des soins. Cette dimension demande une forme de sensibilisation pour qu'on ne voie pas en la sage femme « une petite fille», mais une femme pétrie de connaissance et de science. La femme de notre localité d'étude refuse de se mettre nu devant des jeunes sages- femmes. Elles, au contraire sont prêtes à déshabiller ses jeunes femmes (sages- femmes) parce qu'elles estiment que de par leurs âges, elles ont accumulé une somme d'expérience pour qu'elles 224 viennent se mettre nu devant la jeune sage femme. L'accouchement est représenté comme le passage d'une vie à un nouveau don de vie. C'est donc un moment crucial dans la vie d'une femme. Il est aussi l'occasion d'une mobilisation sociale, familiale, et communautaire. En milieu rural, tout le monde n'assiste pas à un accouchement. L'information de la femme qui est en travail est exclusivement réservé aux personnes d'un certain âge voire des personnes âgées ou ayant une expérience en la matière. L'accouchement est également l'occasion de mobilisation culturelle. Il fait appel aux adorations de Dieu, aux exorcismes, pour chasser certains mauvais esprits contre la venue d'un nouveau né au monde. Il interpelle les ancêtres, suscite des interrogations sur des comportements tels que l'adultère l'accouchement est donc le lieu d'une interaction contre différents éléments du système social. C'est cette représentation qui amène les femmes en milieu rural à ne pas fréquenter les maternités compte tenu de la jeunesse des sages- femmes. Là, se pose le problème et la confiance entre les sages -femmes jugées trop jeunes et les femmes d'un certain âge en grossesse. La construction sociale autour de la grossesse et de l'accouchement, jour de délivrance de la femme, et les valeurs socioculturelles gui les sous-tendent rendent compte de la difficulté des femmes à fréquenter des centres de santé. La réalité du phénomène nous présente le problème de la confiance et la peur de l'isolation de son milieu social. En réalité, au-delà du refus d'exposer sa nudité, les femmes se sentent isolées de leur environnement socioculturel. Accoucher à la maison, c'est différent de le faire à la maternité. Les deux milieux n'offrent pas la même sécurité. A la maternité, tu n'as à faire à des dames qui ne te connaissent pas, ne tiennent pas compte de tes réalités sociales. A la maison, tu es entouré de tes parents, de tes mamans gui s'impliquent à te sauver la vie. C'est une réalité psychosociologique qu'il faut prendre en compte pour fournir des manières de communiquer avec les ruraux (parents) pour qu'on accepte et qu'on adopte les sages femmes. La césure entre deux savoirs maintenus hermétiquement cloisonnés par l'institution médicale est 225

probablement en partie à l'origine des difficultés de communication entre soignants et soignés. Le personnel des services du tiers monde semble comme écartelé entre deux identités contradictoires, d'une sociale, l'autre professionnelle. Leur identité sociale de base s'appuie sur des pratigues et savoirs traditionnels transmis par leur milieu social dès l'enfance. Or lors de la formation professionnelle, cette identité sociale n'est pratiguement jamais prise en compte si ce n'est pour présenter les savoirs traditionnels comme des « Superstitions » résidus honteux du passé. Leur identité professionnelle prétend être basée sur des savoirs objectifs et neutres, et porte en elle l'illusion de la science pure. Devant la difficulté d'intégrer ces deux démarches pourtant complémentaires, bon nombre de professionnels de santé excluent l'une des deux, selon le contexte : face à un patient, ils privilégieront souvent les attitudes de détachement acquises lors de leurs études, quitte à dénigrer les pratiques traditionnelles, alors gue par ailleurs ils ont éventuellement recours pour eux• mêmes ou leur famille lorsqu'ils sortent de leur rôle professionnel. Ce conflit d'identité contribue probablement en grande partie aux dysfonctionnements dans la communication entre prestataires de soins et patients. Ainsi, les sages• femmes ayant bénéficié d'une formation moderne sont-elles souvent plus jeunes gue les parturientes, ce gui dans certaines sociétés est contraire aux usages sociaux. C'est le cas au Niger, où une étude a mis en évidence que les jeunes sages-femmes, pour pouvoir appliquer leur savoir technique, mettent temporairement entre parenthèses leur identité sociale de jeune femme et les règles sociales relatives à la pudeur entre femmes d'âges différents, incompatibles avec leur rôle professionnel. Mais le corollaire en est la négation de la relation humaine normale, avec pour effet contreproductif une « mauvaise réputation » tant des sages femmes que de la maternité auprès de la population G affré et Prual, 1993). Un tel conflit d'identité n'est pas insurmontable. Toutefois cela suppose non seulement de reconnaitre l'existence des savoirs populaires, mais également de les considérer comme des ressources 226 plutôt gue des obstacles. Dans une telle optique, le service de santé vient en complément de ce gue la population peut réaliser ellc-mèmc, et fournit une assistance pour renforcer l'efficacité des initiatives de la population. Au début des années soixante déjà, peu avant l'indépendance, un slogan circulait au Zaïre : « une erreur technique est moins grave qu'une erreur gui nuit à la confiance en soi des gens». C'est ainsi gue s'annonçait un renversement de conceptions gui s'est étendu et accentué par la suite : c'est la population elle• même et non l'expertise technique prise isolement, qui constitue la principale ressource du développement clans les différents domaines de la vie sociale (Aké, 1993). Dans le domaine de la santé, c'est dans le courant des années soixante et soixante-dix qu'à émerger la prise de conscience du fait gue les experts seuls ne viendraient pas à bout des problèmes , même en déployant sans limites les ressources technologiques, et gue les pratiques spontanées des gens constituaient un point de départ valable et incontournable pour l'organisation du service. A contre courant des idées dominantes selon lesquelles il fallait aider les populations à vaincre les « obstacles culturels» qui empêchaient d'adopter des comportements jugés plus adéquats par les experts, des chercheurs et praticiens ont inversé la démarche pour s'intéresser au potentiel contenu clans les savoirs populaires et les pratiques spontanées. Le travail du National Institute of Tuberculosis à Bangalore illustre cette démarche. Alors gue jusque-là on imputait les échecs des programmes de tuberculose aux malades eux-mêmes - parce qu'ils ne percevaient pas les symptômes ne participaient pas aux programmes de dépistage, ne suivaient pas leur traitement une recherche portant sur des malades tuberculeux non traités a mis en évidence gue 95 % d'entre eux étaient conscients de cieux symptômes, que près de 75 % exprimaient spontanément de l'inquiétude, et gue la moitié des malades interrogés avaient consulté un service de santé qui, presque invariablement , leur avait prescrit un sirop antitussif (Banerji et Andersen, 1963). Bien sûr ces malades non traités ne savaient pas qu'ils étaient atteints de tuberculose, mais le fait même de consulter un service de 227

santé exprimait qu'ils savaient que le problème pouvait être grave. C'est le service gui s'avérait déficient en ne mettant pas à profit la demande de soins spontanée pour identifier et traiter les tuberculeux : le programme préconisait en effet une stratégie de dépistage de masse pour identifier les malades tuberculeux. Les implications d'un tel renversement de perspective étaient énormes : plutôt que de considérer les gens comme des obstacles à leur propre santé, il fallait au contraire réhabiliter les perceptions subjectives et les savoirs populaires, que ceux-ci s'expriment par des paroles ou des comportements, et « go to the people to learn from them » Banerji, 1986). Il ya plusieurs itinéraires thérapeutiques qu'empruntent la population pour le rétablissement de la santé. Ce nombre important d'itinéraire thérapeutique met en relief la difficulté du malade ou du patient face à une médecine plurielle partagée entre la médecine moderne et la médecine dite traditionnelle. Il faut tout de même souligner que le comportement des prestataires de soins constitue une entrave sérieuse à la réussite de la prise en charge des patients.

3-2- La relation de soins 3-2-1- La relation d'acueil La majorité de nos enquêtés dénoncent soit l'insolence, soit la corruption des soignants. La crise économique que traverse la Côte d'Ivoire depuis plusieurs décennies a contribué largement au relâchement des mœurs. Cette situation s'est vue aggraver par la crise sociopolitique qui a engendré l'inflation économique. La fragile situation économique des prestataires de soins, les amène à utiliser d'autres moyens pour les entrées financières entre autre l'augmentation des tarifs, le soutirage d'argent aux patients en un mot la corruption. Le directeur de l'hôpital général de Tanda, soutient même qu'à son arrivée, « l'hôpital fonctionnait comme une véritable clinique ». II fallait absolument payer avant d'être reçu, payer avant d'être soigné. 228

Cette attitude des prestataires de soins leur donne une image négative au niveau des populations car, pour ces dernières, la blouse du médecin doit équivaloir à la soutane du Prête c'est-à-dire, exempte de tout reproche. A ses comportements, peuvent s'ajouter les représentations que se font les populations des soins reçus. En effet, certains d'entre eux ne conviennent pas de la réception de soins sous forme de comprimés alors qu'ils auront préférés des injections. Selon ces derniers, les comprimés sont moins efficaces que les injections. Cette situation se rencontre à Tangamourou où les populations désertent les hôpitaux parce que ceux-ci sont trop enclins à administrer les soins sous forme de comprimés. Pour ces dernières, les comprimés sont des moyens thérapeutiques pour enfants. Dans le village de Gondia, le comité de gestion de 1 'Hôpital majore les pnx des prestations pour faire face au coût de certaines charges, entre autre l'entretien, l'électricité ... Les populations payent donc les consultations et les médicaments un peu plus cher que celles des autres villages. Les prix majorés sont généralement inaccessibles aux populations; en témoigne cette enquêtée pour qw, les médicaments sont chers aux prix normaux. Alors pourquoi les majorer? Aussi, quand on prend ces médicaments à crédit, le comité de gestion exerce une pression sur le débiteur afin qu'il rembourse sa dette. Mais ce problème n'est pas spécifique seulement à Gondia. En RDC, ex-Zaïre en effet, pour obtenir un centre de santé la population locale devait s'engager à construire le bâtiment, conçu sur un plan simple, à le meubler en style local et à l'entretenir. Cette forme de collaboration constituait le premier pas vers la réalisation d'un comité de santé, impliqués ultérieurement dans le fonctionnement des centres de santé. Ce comité de santé se réunissait mensuellement avec le personnel de centre de santé, abordant des sujets tels que les heures d'ouverture du centre ou l'organisation des activités préventives (Van Balen, 1994). Une participation financière était demandée aux utilisateurs sous forme de paiement à l'épisode, une somme forfaitaire couvrant tous les soins et médicaments liés à un épisode 229 de maladie, il y comprit l'éventuelle hospitalisation. Si le principe de paiement à l'épisode était au départ une exigence du service, le montant en était déterminé par le comité de santé, en concertation avec le service : il s'agissait de concilier la double exigence d'accessibilité financière pour les patients et, pour le centre de santé, de recette suffisante pour offrir un service acceptable en dépit de la faiblesse des autres ressources. Les recettes étaient prioritairement affectées aux frais récurrents du centre de santé, qui assuraient les conditions minimales de fonctionnement de base du centre de santé; ces conditions n'étaient pas négociables. Le comité de santé était informé de l'affectation de ces ressources, gui était chaque fois expliquée et justifiée. Ce n'est qu'une fois ces frais couverts que l'utilisation du surplus était négociée au cas par cas avec les représentants de la communauté : bicyclette pour faciliter le déplacement de l'infirmier dans les villages, aménagement d'un puits d'eau potable ou d'un système d'adduction d'eau, construction et équipement d'une salle d'accouchement, constitution d'une caisse de solidarité permettant d'exempter certaines catégories de personnes du paiement, paiement du prime aux infirmiers lorsqu'ils apparaissaient que les salaires gouvernementaux devenaient de plus en plus insuffisants. Ce processus a mis en évidence le caractère conflictuel de la participation. Il était fréquent que des désaccords surgissent entre populations de villages différents desservis par le même centre de santé. Aussi des conflits d'intérêts entre personnel du centre de santé et représentants de la population ont-ils à maintes reprises amenées la direction de la zone à intervenir dans les négociations. Ces situations de frustration et de lassitude au niveau de Gondia, village de notre lieu d'étude concourent à la désertion des centres de santé modernes par la population de cette localité. L'ensemble de ces situations favorise donc la non fréquentation des centres de santé par les populations.

La population de notre localité d'étude va de moins en moins dans les structures de soins modernes. La majorité des enquêtés soutiennent avoir 230 recours à la médecine africaine ou à l'automédication avant de fréquenter les centres de santé. Cette situation peut s'expliquer d'une part par l'importance des moyens financiers qu'il faut engager pour recouvrer la santé. Et d'autre part la relation que le patient entretien avec les prestataires de soins. La majorité des malades interrogés soulignent en effet que non seulement la prise en charge dans les structures modernes leur revient excessivement chers d'une part et d'autre part le comportement du soignant gui met en avant-garde la transaction financière que la vie humaine, Le cas de cet enquêté arrivé à l'hôpital général de Tanda avec sa femme malade qui devait subir une opération chirurgicale, à hauteur de 145 000 FCF A. Ce dernier, n'ayant pu réunir cette somme dans les délais prescrits, il lui a été demandé de repartir avec son malade. Cette dernière décédera guelgues jours après, suite à sa maladie à Toundiani son village. Comme on le voit la faible fréquentation des centres de santé à Tanda pourrait se justifier par la situation socio-économique des populations de Tanda. Pour cet enquêté en effet « ici, on n'a pas d'argent pour aller à l'hôpital». En se fondant sur les propos de cet enquêté, la situation socioéconomique des populations de cette localité est aussi à la base de certaines stratégies itinéraires thérapeutiques particulières. La situation de précarité dans laquelle se trouve le monde rural, d'une manière générale, dans nos pays africains et la dégradation croissante de l'économie agricole nationale, provoque ou amplifie les situations où les malades, en milieu rural trainent, avant de se rendre à l'hôpital. Selon les témoignages de l'infirmier de Tangamourou « beaucoup ne vont pas à l'hôpital faute d'argent. On n'y va que lorsque ça chauffe, c'est-à-dire lorsque le cas devient préoccupant». Le dysfonctionnement actuel du système de soins en Côte• d'Ivoire et l'inégalité devant l'accès aux soins nous semblent être le résultat d'une contradiction entre l'offre de soins et la politique de prise en charge des frais de santé. l'origine, la politique menée était cohérente : le système de santé publique dispensait des soins gratuitement et était entièrement financé sur le budget de l'Etat. 231

La crise économique et les orientations politiques ont rendu les prestations payantes, mais parallèlement aucune couverture collective n'a été mise en place. On a donc abouti à une dissociation entre la logique de l'offre (devenu payante) et celle de la prise en charge (qui pèse sur chaque ménage). La population qui, au départ, se soignait gratuitement, se voit désormais obliger de supporter de nouvelles charges. Avec cette nouvelle politique de recouvrement les usagers sont devenus de plus en plus exigeants et réclament l'amélioration de la qualité des prestations qui leur sont offertes. Cela est l'un des problèmes qui mine le système sanitaire ivoirien dans les zones rurales quant à la non fréquentation des centres de santé modernes par les populations. La sous• préfecture de Tanda n'échappe pas à cette règle. Bien que suffisamment doté en centres de santé (16 structures sanitaires) dont les populations ont contribué financièrement à leur réalisation, la question de la fréquentation de ces structures se pose avec acuité. Comment les populations qui ont elles-mêmes construit les structures sanitaires arrivent-elles à les boucler? A la question avez-vous peur d'aller rencontrer le personnel soignant, la majorité de nos enquêtés explique leur réticence des hôpitaux par l'importance des moyens financiers que l'on y dépense (les populations ayant généralement un pouvoir d'achat faible). Aussi, certains enquêtés expliquent-ils leur réticence des hôpitaux par l'insolence des prestataires de soins et le non respect des patients. Ces différentes raisons évoquées par les populations peuvent se scinder en deux grandes parties: d'une part celles liées au comportement des prestataires de soins et d'autre part à la faiblesse de leur pouvoir d'achat.

Cette nouvelle situation ne bouleversera-t-elle pas le comportement du « client» à l'égard du professionnel de santé ? La place occupée jusqu'ici par l'Etat dans le système de soins a eu une conséquence sur la perception que les gens se font de la maladie et de sa prise en charge. ,---- -

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Selon la Banque Mondiale ", la politique de gratuité des soins a sans doute nus la population dans une situation de passivité à l'égard de la fourniture des prestations sanitaires. Cette situation de pauvreté semble être de l'avis de certains

sociologues dont Dedi Seri. Il appréhende la pauvreté comme « une situation de déficit physique, matériel, moral et intellectuel, subie par des individus, ou des groupes d'individus et en rapport avec leur naissance ou leur statut social actuel. Situation qui ne leur permet guère de s'épanouir, ni de contribuer pleinement à la

54 vie socio-économique de leur société d'appartenance » . Pour chercher à cerner les causes heuristiques des relations entre patients et professionnels de santé, les sociologues et anthropologues ont proposé une approche holistigue de la santé. A cet effet, Harris Memel Fote définit la santé comme « plénitude heureuse d'être, d'activité : plénitude heureuse de relation du corps et de l'esprit, de l'individu avec la société, de la société avec une autre société, de la société

55 avec le monde de l'homme, avec le monde des ancêtres et de Dieu » . De cette conception de la santé, se dégage l'idée d'un état d'équilibre, d'harmonie et de relation entre le monde matériel et immatériel. Cet équilibre exige qu'au delà des aspects purement biophysiques de la santé, il faudra prendre en compte d'autres éléments dont les aspects économiques. En d'autres termes, la médecine moderne ne doit pas se réduire à l'acte médical dans son sens strict, c'est-à-dire scientifique et technique, mais doit aussi prendre en compte l'être humain dans ses dimensions psychosociologiques, temporelles et spatiales, etc. Déjà en 1973, l'Organisation Mondiale de la Santé faisait le constat suivant : « pour diverses raisons, des services de santé, semblent susciter un large mécontentement. Ce mécontentement apparaît aussi bien dans les pays

53 Bam1uc i\londialc, Santé: politique sectorielle, 200-l

54 Dl•:DY Séri crT,\l'I( Gozé, Farnill« cr éducarion en Côrc d'Ivoire, 1991, 1'16

55 Memel j.'()'l'li l larris, Attitude d~, africain, dcvanr les problèmes de population, Communication faire lors du colloque sur la

population en ,\ friquc Francophone Centrale cr occidentale, Abidjan les 27-29 juin, l 973, I' 5-l 233

56 développés que dans les pays du tiers monde » . Ce cri d'alarme fut le détonateur d'une prise de conscience chez certains décideurs, planificateurs et responsables de santé des pays en développement tandis que dans d'autres ce constat n'a pas eu d'écho favorable. n effet, avec le recul et le bilan des actions passées, on s'est rendu compte que les prestations des services de santé étaient entachées d'une divergence d'appréciation. L'Etat, soutenu par l'organisme d'aide et de coopération pensait que les services offerts, dans la majorité des cas l'étaient de façon la plus commode et répondaient bien aux besoins de la population. Or de la vie des bénéficiaires, les structures sanitaires telles qu'elles existent et fonctionnent ne satisfont gu'imparfaitement leurs besoins, d'où leur mécontentement.

Cet état de fait constitue pour la population une entrave sérieuse à une prise en charge effective du malade pour le rétablissement de sa santé. Cette situation participe à grande échelle à la défection des patients d'aller dans les hôpitaux. Ceux-ci se sentent plus à l'aise vers les tradipraticiens qu'ils trouvent beaucoup plus accueillants et disponibles avec gui, ils partagent leurs problèmes. Cette situation met également en exergue, l'absence de la solidarité pour soutenir les malades démunis dans la localité de Tanda. Dans ce cas aucune mobilisation communautaire ne s'est fait observer autour de la maladie. Est-ce l'absence de cette vertu sociale : la solidarité dans la société Abron? La mobilisation sociale à l'occasion d'une maladie se présente sous plusieurs aspects. lors que (Gnabéli, 1991) démontre que dans la société Bété, la mobilisation communautaire et sociale fonctionne comme une assurance maladie, les cas observés sur notre terrain d'étude atteste le contraire. Chez les Abron, malgré la situation financière dégradante des usagers des structures sanitaires, la mort mobilise plus de ressources pour l'organisation des funérailles. Dans les cas de maladie, la mobilité ne s'observe strictement que dans le cadre familial. La

56 Martin jean l'action éducarivc dans les soins de sauré de base, in courrier n° 3 \/01. XXIII, 1977, I'. 221 234 guérison du malade dépendra du pouvoir d'achat des membres de sa famille. En revanche les populations de Tanda, membre de mutuelles de développement de village, bénéficient du soutien financier de celles-ci quand ils sont malades. Quant à la mort, elle est un événement qui concerne et mobilise tout le village. Par ailleurs la mobilité sociale est aussi fonction de la gravité de la maladie retenue par l'entourage du malade. C'est à juste titre que Yoro affirme « Si ce critère est en rapport avec l'intensité de la douleur ou le caractère fonctionnel (handicape physique) de la maladie, cela n'a pas d'influence négative majeure sur l'aspect collectif de la prise en charge du malade. En revanche lorsque c'est le critère de contagiosité de la maladie gui est retenue, le malade est en quelque sorte abandonné dans la recherche de ses soins. On l'a vu, même des membres de la famille discriminent le malade par sa mise en quarantaine. »57. L'analyse du phénomène du non fréquentation des centres de santé dans la sous-préfecture de Tanda révèle également un refus de la relation de dette.

3-2-2- Le refus de la relation de dette L'un des aspects marquant au cours de notre passage dans les centres de santé, fut la mise en relief de «l'empathie» que l'ensemble du coq)s médical observe vis-à-vis des usagers. En effet une fois malade et admis dans un centre de santé, avec en pnme un mangue de moyens financiers, le prestataire de soins prend sur lui la responsabilité de traiter la maladie du patient en attendant qu'il vienne régler les « numéraires » une fois guéri. La seule garantie du prestataire de soins reste la prise du carnet du malade qu'il lui remettra après avoir vidé le contentieux financier né à sa prise en charge médicale. Ce comportement des prestataires de soins met en relief une certaine « empathie» de leur part vis-à-vis des usagers quand on sait que ce milieu fait souvent l'objet de critiques « acerbes » sur

57 YORO (Bl\1) : Pluralisme thérapeutique et recours aux soins en milieu rural ivoirien thèse de doctorat d'état en sociologie, université de Paris 1 Panrhéon Sorbonne 2002. 235 l'attitude de soins vis-à-vis des patients. De toute évidence, cette situation présente quelques dangers pour les prestataires de soins. Il arrive souvent que des malades après avoir reçu des soins et guéri « s'évadent» dans la nature sans faire face aux obligations que nécessitaient leurs états de santé. «Ici, on finit souvent par se demander à quoi nous servons. Les populations fréquentent rarement le centre de santé. Nous pouvons passer une journée entière sans recevoir un seul patient. Pourtant, les enfants, les femmes et les hommes sont malades. Ils sont là et ne viennent pas. Nous leur faisons des propositions pour faciliter leur prise en charge mais les populations sont toujours réticentes. Je ne comprends franchement pas. Vivement que des interrogations soient élucidées. Voyez- vous, je conte un fait qui m'a choqué. Une femme est venue faire soigner sa fille qui souffrait de diarrhée. Les soins lui revenaient à 2000f CF A. Elle a signifié qu'elle ne pouvait payer du fait de sa situation financière faible. Je lui ai proposé de me laisser le carnet de santé de l'enfant comme une gage et qu'elle revienne payer après. Elle a refusé et a préféré partir avec son enfant sans soins qui mourut par la suite au village.» (Discours de l'infirmier du village de Tiédio) Dans ces conditions, les prestataires de soins responsables de la prise en charge sont tenus sur fonds propres de régler les « numéraires» liés à l'acte à la pharmacie de santé publique (PSP). Cette tendance à l'évasion des patients une fois traités et l'obligation des prestataires de tout mettre à l'œuvre pour tenir ferme les caisses de centres de santé, crée désormais chez certains d'entre eux de la méfiance ; ce qui fait que le nombre de patients soignés gratuitement est de plus en plus reduit. Cette situation s'explique pour une grande part, par leur pouvoir d'achat faible. En effet, la région de Tanda était jadis considérée comme l'ancienne boucle de café et de cacao. Cette activité agricole (la culture du café - cacao), produits agricoles d'exportation permettait aux populations de subvenir à leurs besoins suite à la vente de leur produit. Aujourd'hui la situation a changé. Les feux de brousse de 1982 et la zrande sécheresse de 1984 ont détruit les 236

différentes plantations. La conséquence de cette situation est l'appauvrissement des populations. Les plantations ont maintenant un faible rendement. La production agricole de cette région est faible. De nos jours les populations se sont reconverties à la production d'anacarde. A ce niveau l'instabilité des prix d'achat de l'anacarde et son faible prix d'achat

« bord champ» n'ont pas changé la situation financière et le pouvoir d'achat des populations de Tanda. Et la pauvreté continue de « mener» cette population. La conséquence de leur faible pouvoir d'achat lié à une absence de moyens financiers important se traduit dans tous les secteurs de la société et particulièrement dans le domaine de la santé. Il y a également le comportement des prestataires de soins comme obstacle à la fréquentation des structures sanitaires dans la région de Tanda. Cela nous amène à jeter un regard sur l'action sanitaire en Côte d'Ivoire depuis la colonisation. En clair, quelle était le fondement de l'introduction de la médecine occidentale en Côte d'Ivoire? Comment les soins étaient organisés et administrés aux populations ? Existe- t-il une dichotomie entre les valeurs de base (qualité de soins) au départ et les prestations sanitaires de nos jours.

3-3- Période coloniale et santé en Côte d'Ivoire La création du service de santé de la Côte d'Ivoire remonte au 10 mars 1895, mais celui-ci n'a véritablement fonctionné qu'à partir du décret du 4 novembre 1903 portant organisation des services de Santé coloniaux. Ce dernier décret fut complété par la mise en place en A.O.F. le 8 février 1905 d'un service d'Assistance médicale indigène (A.NI.I.). Les premiers services de santé coloniaux furent surtout destinés aux troupes coloniales et aux colons, mais il s'avéra très tôt nécessaire d'étendre leur action à la masse de la population indigène, pour des raisons humanitaires, mais aussi économiques. La politique suivie en matière sanitaire ne manqua jamais, de mettre l'accent sur ce côté pratique. C'est ainsi gue le Dr Primet la définissait « comme un devoir de l'Etat et un acte de bonne économie politique et 237

sociale ».Dans une série d'instructions aux médecins, l'inspecteur général du

service de Santé des colonies, le Dr Dermogant, précisait: « c'est une question vitale tant pour les Européens que pour les Indigènes, ces auxiliaires indispensables à toute entreprise de colonisation et sans le concours desquels elle sera frappée d'avance de stérilité ». En d'autres termes, la politique sanitaire visait à une amélioration et à une augmentation de la population pour une meilleure colonisation. La pratique parfois un peu brutale et toujours systématique de la médecine coloniale entre les deux guerres n'est pas sans apporter, particulièrement sous sa variante paternaliste missionnaire, une certaine sécurité susceptible de rassurer les malades gui se sentent « encadrés», c'est-à-dire pris en charge. C'est ainsi que les protestations des patients d'aujourd'hui s'expliquent, de même que cette image positive de la médecine de l'entre-deux-guerres « où il y avait des médicaments» (Hours, 1986). On peut penser qu'à cette époque, au lieu de s'exclure, deux systèmes de sécurité fonctionnaient, permettant mieux qu'aujourd'hui, face à des systèmes de santé nationaux défaillants, de se prémunir avec des modalités complémentaires de traitement. On ne saurait trop souligner que l'approche dualiste des systèmes médicaux, en termes d'alternatives concurrentielles ou conflictuelles, est erronée. Les moyens thérapeutiques, comme les recours, s'ajoutent toujours dans des articulations cumulatives et non exclusives. La démarche des patients montre une volonté agrégative de puiser dans l'arsenal thérapeutique disponible : lorsqu'on est malade, on ne refuse pas un traitement.

1ise en œuvre par « des Blancs », la médecine coloniale a toujours été perçue comme une médecine « de Blancs »dont il faut tirer profit. Même si elle ne soigne pas « les maladies africaines », selon le vocable employé au Cameroun, elle constitue un recours en plus, un moyen de défense supplémentaire dont les prophètes thérapeutes montrent qu'il peut être « gérable » dans une approche globale, seule susceptible d'être opératoire.

-< n fournissant prévention et assistance gratuite, la médecine coloniale a 238

réalisé une action sanitaire décentralisée, dont les populations se souviennent lorsqu'elles sont confrontées aux graves difficultés de fonctionnement des systèmes de santé présents dans le tiers monde. La principale faiblesse de la médecine coloniale est apparne avec le départ de ses principaux acteurs : ses succès bien identifiés semblent épouser une conjoncture historique précise. En termes de santé publique, la médecine coloniale a donc marqué un pas décisif en permettant de traduire, par des progrès notables mais réversibles, les instruments médicaux mis au point. Précisément au niveau de Tanda comment cela se présente? ,-

239

CONCLUSION GENERALE

La santé étant une préoccupation pour toute société, elle a toujours occupé une place de choix dans l'équilibre social. Chaque individu a conscience de sa santé et développe des manières de faire pour la conserver et pour la rétablir. Seulement, la quête de la santé n'est pas toujours aisée notamment dans certaines zones rurales de la Côte d'Ivoire. Aussi, dans ces zones, deux types de médecines se trouvent-ils soit en contradiction, soit en complémentarité. Cette thèse se veut une appréhension des logiques sociales qui sous-tendent la non fréquentation des centres de santé "volontairement" construits par les populations dans cette localité. Elle visait à donner une explication de la non freqentation des centres de santé otre objectif général était d'apprehender les logiques sociales de la non frequentation des centres de santé que les populations ont "volontairement" contribué à realiser dans la sous-préfecture de Tanda. Les variables des représentations que les populations se font de la maladie et des centres de santé constituaient notre hypothèse. L'analyse strategique de Crozier et Friedberg a été mobilisée comme cadre théorique pour rendre compte des resultats. Les résultats de cette étude montrent que la sous-préfecture de Tanda se trouve dans le district sanitaire de Tanda. Les aspects géomorphologiques de la région nous permet de soutenir que cette région par rapport aux autres localités du Zanzan possède les « meilleurs »sols et une hydrographie « satisfaisante» à l'image de la région avec de nombreux affluents de la Comoé et de la volta. Concernant le district sanitaire l'accessibilité moyenne est de 62 % de la population vivant dans un rayon de 5 kilomètres des formations sanitaires. De façon pratique le district sanitaire qui est chargé de coordonner les activités des différents centres de santé est confronté à des difficultés. Il s'agit de l'absence et de l'insuffisance de matériel roulant (logistique). Le district sanitaire dispose d'importantes structures sanitaires dont seize pour la sous-préfecture de Tanda. 240

Cette multiplication des centres de santé dans cette localité se justifie par divers mobiles. Différents facteurs rendent compte de la fréquentation des centres de santé dans la région de Tanda. Ce sont les perceptions des centres de santé des populations, leurs représentations sociales de la maladie, leurs pratiques locales de soins et les relations qu'elles entretiennent avec les prestataires de soins. Les systèmes traditionnels intégrés aux soins jouent sur le comportement des populations dans la recherche de guérison. Ces populations ont en général gardé des liens très étroits avec le surnaturel ( dévotion aux dieux représentée par les marigots, arbres, rivières, pierres) ; ces divinités auxquelles elles vouent un culte à des périodes de l'année. L'attachement à ces valeurs traditionnelles, constitue un pan essentiel de compréhension de leurs attitudes vis-à-vis du phénomène de maladie. La maladie est alors assimilée à une sanction, une sentence pour n'avoir pas respecté les règles, la loi entre l'autorité divine et le patient. La recherche de la guérison ne se trouve pas à l'hôpital mais par le rétablissement des liens entre la divinité et la victime. Cette situation confirme l'hypothèse que nous avons émise: la fréquentation des centres de santé est liée aux représentations sociales que les populations se font de la maladie et des centres de santé. Aussi, le comportement des prestataires de soins constitue t-il une entrave sérieuse à la réussite de la prise en charge du malade. Des facteurs tels que le mauvais accueil du malade, le rapport à l'âge dans la relation patients et sages-femmes, le refus de la relation de dette, sont explicatifs du phénomène de la non fréquentation des centres de santé dans la sous préfecture de Tanda. La majorité des enquêtés attribue aux prestataires de soins, l'absence de courtoisie lors de l'accueil. Pour les femmes, les sages femmes sont très jeunes pour être des accoucheuses. De façon pratique, l'enquête fait ressortir que, la majorité des personnes interrogées fréquente en cas de maladie les centres de santé ghanéens et les tradipraticiens .Une minorité des enquêtés fréquente simultanément les centres de santé et les tradipraticiens. Cela montre clairement la tendance des 241

populations rurales de Tanda à la fréquentation des tradipraticiens et des centres de santé ghanéenne plutôt que les centres de santé dont ils ont eux-mêmes contribué à la réalisation. Cette situation s'explique par le fait que les soins dans les centres de santé ghanéen sont moins coûteux. L'accueil des prestataires de

soins ghanéens selon les enquêtés est jugé « chaleureux » et « humain». De fait la pauvreté des populations les conduit vers les centres de prise en charge ghanéen. En plus par l'unicité linguistique, les centres de santé ghanéens sont accessibles aux populations de Tanda. Tous ces éléments gui précèdent et gui justifient le phénomène du non recours aux soins de santé dans la sous préfecture de Tanda, nous amène à aborder les recommandations et perspectives suivantes. Après cette étude il est important qu'il soit mis en place des équipes mobiles du district sanitaire pour apprendre aux populations les symptômes des maladies récurrentes telles que le paludisme, le choléra, la tuberculose ... Mieux elles seront informées plus vite elles se rendront à l'hôpital pour des soins médicaux. Et ce travail devra être un travail continu et vulgarisé à travers toute la sous préfecture de Tanda.

En ce gui concerne la représentation sur la maladie , que l'Etat à travers ses structures décentralisées telle que la direction sanitaire départementale, devra créer un cadre de rencontre entre les autorités coutumières présentes et les représentants de l'Etat pour faciliter le système d'information et de communication, afin d'éviter dans l'esprit de certaines populations, que se rendre à l'hôpital ou dans un centre de santé, c'est vouloir sa mort. Ce cadre permanent de rencontre, devra permettre d'éviter d'avoir des préjugés sur certains éléments de la médecine moderne et comment les deux médecines doivent collaborer pour le bien être de la population.

En ce gui concerne l'itinéraire thérapeutique, nous avons fait le constat que la majorité de la population allait plus chez les tradipraticiens et les centres de santé ghanéenne que dans les centres de soins modernes ou les hôpitaux de la sous-préfecture e Tanda. Elle justifie ce comportement par le fait qu'elle ne 242

bénéficie pas d'un meilleur accueil dans les centres de santé moderne de ladite sous-préfecture. A cela s'ajoute la cherté des médicaments. Face à une telle situation, il est important que les autorités compétentes procèdent à un recyclage au moins une fois par an du personnel soignant afin de réserver un accueil chaleureux aux patients qui ne devront pas ressentir de la frustration une fois à l'hôpital. L'autre élément et pas des moindres, c'est qu'il faut une politique nouvelle du médicament pour qu'il soit accessible à toutes les couches de la population même les plus démunies. S'agissant de la ruée des populations vers les tradipraticiens, cela devra interpeller les pouvoirs publics pour participer à une meilleure organisation de ce corps de métier, chez qui bon nombre de malades trouvent la guérison. Pourquoi alors ne pas ouvrir une politique d'intégration ou tradipraticiens et médecins doivent travailler de concert pour l'épanouissement des populations. L'infrastructure sanitaire comme élément de positionnement de chaque village engendre la multiplication des centres de santé. Ainsi donc chaque village a son centre de santé auquel l'Etat affecte le personnel soignant. Cela entraine leur non fréquentation. Ce qui entraine à son tour l'oisiveté des prestataires du fait de manque de patients. Pour résoudre ce problème, il serait nécessaire que le ministère de la santé publique et de l'hygiène définisse des normes de construction des structures sanitaires afin de freiner cette réalisation «anarchique». Il est important de mobiliser toute la communauté elle-même. Le centre de santé ne doit pas être un élément de boutade ou de causerie populaire ou même de progrès. Il doit être fréquenté pour des soins ; Sinon les différents prestataires de soins ne gagneraient pas en expérience. La fréquentation des centres de santé ghanéenne doit pouvoir connaître un frein. Pour ce faire la population mérite d'être sensibilisée. Cette sensibilisation passe par la mobilisation de toutes les ressources. Elle implique les prestataires de soins à travers leur comportement, les collectivités locales, les mutuelles qui sont les principaux acteurs des centres de santé. 243 244

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TABLE DES MATIERES

SOMMAIRE DEDICACE REMERCIEMENTS 260

LISTE DES SIGLES ET DES ABREVIATIONS LISTE DES TABLEAUX INTRODUCTION GENERALE 10 Première partie : CONSTRUCTION DE L'OBJET ET METHODOLOGIE DE L'ETUDE 14 Chapitre I : Construction de l'objet 15 I-1 Problematigue 15 I-2- Revue de littérature 22 I-2-1- La non fréquentation des structures sanitaires comme un problème politique 22 I-2-2-Les facteurs socioculturels comme obstacle à la fréquentation des centres de santé 24 I-2-3- Les explications privilégiant le mangue d'éthique 26 I-2-4-La non fréquentation des structures sanitaires comme un problème économique 28 I-2-5-Situation géographique comme obstacle à la fréquentation des Centres de santé 29 I-2-6- Qualité des soins comme obstacle à la fréquentation des centres de santé 30 I-3-0bjectifs, thèse et hypothèse 34 I-3-1- Objectif général 34 I-3-2- Objectifs spécifiques 34 I-4- Thèse 34 I- 5- Hypothèse 35 I-5-1-Définition des concepts 35 I-5-1-1-Notion de fréquentation sociale 35 I-5-1-2- Notion de représentation sociale de la maladie 36 I-6-Modèle d'analyse 41 I-6-1- Présentation du cadre conceptuel.. .41 I-6-2- Mode d'intégration des approches .44 261

I-6-3- Description des facteurs à utiliser .45 I-6-4- Mode d'interprétation des données .45 hapitre II : IVIethodologie de l'étude .46 II-1- Champ géographigue 46 II-2-Champ social 46 II-3-Méthodes d'analyse 49 II-3-1- L'analyse stratégique de Michel Crozier et de Freiberg .49 II-4-Pré-enquête 50 II-5- Recherche documentaire 50 II-6-Techniques de collectes des données 51 II-6-1- Entretiens 52 II-6-2- Observation 52 II-7-Exploitation des données 53

Deuxième partie: LES FACTEURS D'EMERGENCE DES CENTRES DE SANTE 54 Chapitre I: presentation du cadre de l'étude 55 I-1-Les caractéristiques physiques, sociodémographiques et économiques de la région 55 I-1-1-Caractéristiques physiques 55 I-1-1-1-Le cadre physique 55 I-1-1-2- Le relief 56 I-1-1-3- La végétation 56 I-1-1-4-Le climat 57 I-1-1-5- L'hydrographie 59 I-1-1-6- Les sols 60 I-2-Aspects socio-historiques 61 I-2-1-Tanda: Chef-lieu de département.. 61 I-2-2-Tanda: du Chef-lieu de département à une collectivité décentralisée 62 262

I-3- Les caractéristigues sociodémographigues de la région 63 I-3-1- Au niveau démographigue 63 I-3-2- Au niveau de l'urbanisation 64 I-4- Les activités économiques 65 I-4-1- L'agriculture 65 I-4-1-1- Les cultures d'exportation 66 I-4-1-2- Les cultures vivrières et maraichères 67 I-4-1-3- L'élevage 69 I-4-1-4- L'industrie 70 I-4-1-5- Le tourisme et l'artisanat 70 I-4-1-6- Le commerce 71 I-4-1- 7- Le commerce traditionnel 71 I-4-1-8- Le commerce moderne 79 I-4-1-9-Un projet de développement rural à la traine 80 I-4-1-10-Production rizicole et maraichère 80 I-5- Les infrastructures et organisation sociopolitique des Abron 81 I-5-1-Les infrastructures 81 I-5-1-1- L'hydraulique villageoise 81 I-5-1-2- Les routes 82 I-5-1-3- Les écoles 83 I-5-1-4- Electrification 85 Chapitre II : Couverture sanitaire 86 II-1- Le district sanitaire 86 II-1-1- Localisation et découpage administratif 86 II-1-2- Données géophysiques 86 II-1-3- Accessibilité géographique 87 II-1-4- Distance des formations sanitaires au district. 87 II-1-5- Les ressources disponibles 91 II-1-5-1- Les ressources humaines (voir tableau ci-dessous) 91 263

II-1-5-2- Les ressources matérielles 92 II-2-I-Iôpital général, une structure sanitaire du district... 92 II-2-1- Services internes de l'hôpital 93 II-2-1-1- Le service de pédiatrie 93 II-2-1-2-Lc service de la chirurgie...... 94 II-2-1-3-Le service de maternité-gynécologie ...... 94 II-2-1-4-Le service de la pharmacie ...... 95 II-2-2-Equipernents internes ...... 96 II-2-2-1- Activités curatives ...... 98 II-2-2-2-Ressources financières ...... 102 II-3- Milieu Humain ...... 103 II-3-1- Contexte sociohistorique du peuplement de la Sous-préfecture 103 II-3-2- Le peuplement Koulango...... 104 II-3-3-Le peuplement Abron . 105 II-3-4-L'organisation sociale des Abron . 108 II-3-4-1- Le système de parenté 108 II-3-4-2- Le système politique des Abron 109

Troisième partie: ANALYSE DU FAIBLE RECOURS AUX CENTRES DE SANTE DANS LA SOUS-PREFECTURE DE TANDA 117 Chapitrel : Les formes de legirnations associees a la frequentation ou non des centres de santé . . 118 1-1-Les représentations sociales de la maladie ...... 118

1-1-1 Conception de la maladie par la population 118 1-1-1-2 Causes de la rnaladie 125 1-1-1-2-1 Causes naturelles 125 1-1-1-2-2 Causes surnaturelles ou sociales 125 1-1-2- Certaines croyances associées à l'étiologie de la maladie 127 264

1-1-2-1- La peur des injections comme obstacle à la fréquentation des centres de santé 127 1-2- Perception des centres de santé par les populations 128 1-2-1- Le centre de santé comme un élément distinctif entre les villages 129 1-2-2- Le centre de santé comme instrument de domination 130 1-2-2-1- Au niveau des populations 130 1-2-2-2- Au niveau des collectivités 131 1-2-3- Structure sanitaire comme un élément de modernité 132 1-2-4-Action des organisations non gouvernementales comme éléments de progrès ? 139 1-2-4-1-Les organisations non gouvernementales et la réalisation des centres de santé dans la région de Tanda 140 1-2-5-Le cas d'Essikro et de Guiendé 141 1-2-6-0rgaiùsation sociopolitique des Abron 143 1-2-6-1-Les provinces et leur rôle 144 1-2-6-1-1-La province Penango 144 1-2-6-1-2-J...,' Akyidom 144 1-2-6-1-3-La province Angobia (siengi) 145 1-2-6-1-4-La province du Mérèzon 146 1-2-6-1-5-La province Foumassa 147 1-2-6-1-6-La province Ahinifié 147 1-2-7-0bservation et constat 149 1-2-8-Les organisations traditionnelles et l'Abron moderne: de la dynamique de développement au bouleversement de l'ordre ancien établi 150 1-2-8-1-Le roi dans l'histoire 158 1-2-8-2-Le rôle de la justice traditionnelle Abron dans la régulation des pratiques sociales 161 1-2-8-3-Les obligations des provinces vis-à-vis du roi dans l'histoire 165 265

1-2-8-3-1-Les redevances comme facteur de reconnaissance du pouvoir 165 1-2-8-3-2-Les autres destinataires des redevances 166 1-2-8-4-L'autorité de type charismatique 168 1-2-8-5-L'autorité légale et rationnelle ou institutionnelle 168 1-2-8-6-Autorité de type traditionnel.. 170 1-2-8-7-Iviodernité et autorité du roi 176 1-2-9-La modernité et les conflits sous-jacents entre les villages 178 1-2-10- La route comme facteur d'une prise en charge réelle de la santé de la population 184 1-2-11- Modernité et construction identitaire 185 Chapitre 2- Les offres alternatives de soins gui détournent les populations à la fréquentation des centres de santé qu'elles ont contribué à réaliser 188 2-1- Les itinéraires thérapeutiques etles facteurs socioculturels 188 2-1-1- Les itinéraires thérapeutigues 188 2-1-1-1-Recours aux tradipraticiens 188 2-1-1-2- Compétences des tradipraticiens 188 2-1-1-3- Le recours à certaines confessions religieuses (Catholicisme, Protestantisme et Islamisme) 190 2-1-1-4- Recours concomitant à la médecine moderne et à la médecine traditionnelle 193 2-1-1-5- Recours a l'automédication 195 2-1-1-6- Le recours aux centres de santé ghanéens 199 2-1-1-6-1- Le rôle des facteurs géographiques, politiques et historiques dans les migrations sanitaires 200 2-1-1-6-1-1- L'histoire de l'exode des Abron 200 2-1-1-6-1- 2-L'unité linguistique comme facteur d'accès aux soins 202 2-1-1-6-1-3- La perception des frontières héritées de la colonisation 204 2-1-1-6-1-4-La proximité géographique du Ghana comme facteur d'accès aux soins 205 266

2-1-1-6-1-5-La perception du système sanitaire ghanéen 207 2-1-1-6-1-5-1-La qualité du personnel de santé et des soins 208 2-1-1-6-1-5-2-Circuit du malade et des maladies traitées 208 2-1-1-6-1-5-3-L'accueil 209 2-1-1-6-1-5-4- Le contrôle régulier des soins 214 2-1-1-6-1-5-5-Structure sanitaire-logements du personnel 215 2-1-1-6-1-5-6-La propreté des locaux 217 2-1-1-6-1-6-Facteurs économiques 220 2-1-1-6-1-6-1-La pauvreté 220 2-1-1-6-1- 7 - Les fron tières monétaires 224 2-2- Facteurs culturels 225 Chapitre 3 : Les sysèmes de relations qui se diffusent à travers la non- fréquentation des centres de santé 233 3-1- Le rapport à l'âge dans la relation patients et sages-femmes 233 3-2- La relation de soins 237 3-2-1- La relation d'acueil 237 3-2-2- Le refus de la relation de dette 244 3-3- Période coloniale et santé en Côte d'Ivoire 246 CONCLUSION GENERALE 249 REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES 254 TABLE DES MATIERES 270 ANNEXES 277 267

ANNEXES TAUX DE FREQUENTATION DES ETABLISSEMENTS SANITAIRES EN 2008

;,

TiOUf:

0 4D 801(

N Limite d'Etat N trrrute de région sarutane / L1mile de d:slnc! samlaue

To1u.1 de -fréqul!fltation ~s ttabliSse~nts sanitaire~{%) !o! a 1;r, èl'! 10à z.:,,:-, do :?O à 30'!, de 30.è~C,t/:• s~p a4J'%1 269

N " CENTRES DE SANTE DE NIVEAUX PRIMAIRE A

1,1A L 1

BURKHl"'-F,~SO

..

50 -oo '~ Tableau 3: Répartition des investissements= de 1994 à 1997 par région sanitaire ( en milliards de FCFA).

1 Infrastructures Equipements Total Denguélé 493 714 1207 Nord-Ouest - Worodougou 711 662 1373 Lagunes 3448 3204 6652 Sud l X Sud-Comoé 640 580 1120 Agnéby 743 452 1195 Sud II Sud-Bandama 481 582 1063 Est Moyen Comoé 715 1143 1 B53 Sud-Ouest Bas-Sassandra 1219 1146 Haut Sassandra 1672 1184 1 Centre-Ouest "j Marahoué 266 t 292 pt,' Lacs 1890 1106 Centre 996 -1 N'zi-Comoé l 75 ! 1417 168 , Centre-Nord Vallé du Bandama 956 1521 2477 Nord · Savanes 846 959 1805 Nord-Est Zanzan 519 906 1425 Ouest Montagnes 2762 2337 5099 .. Total 19112 18207 37317 Source: Ministère de la santé Publique (2002). (•): M'Bahiakro n'est pas de la région sanitaire Centre mais plutôt du Centre-Nord en plus de la vallée du Bandarna. ,, i,1 Â 2 / L'évolution du budget du MSP de I995 ft 2002 fi:. '[hbleau : Evolution du budget du MSP avec les appuis extérieurs :,tJf, (en milliards de f. cfa ) ;,1

~ 1 1 995 1 _1996 1 19Q7 1998 _[_999 ~ 2000 __ .200 1 ! 20112

~-~~~E.!:_~nt / _ _7017 11734 / 10967 __ 12407 . ~_1__~274 __ _i_.!__Q_7 / 11272 1 1

1 i,,, 1 ') 1

1Üi~~~O 1 7- J 393 7 28966122641 1 - 23 72 5 _(_!_ 4 S') 1 }_D247_ trés~ 1 ..B.ili?lic 55676 3 l629 40735 54882 66050 44519 4}_Z[J_I ! .. ~2_(Jil_:: j 0dget. .

~ !·~· .~ al 6269.J 65566 69701 77523 66050 1 6824~ •.... 2.~.~~!J !:$~~~ / ~~~"M, 1 .. sgurce : MEMSP/ DAF / sous-direction des appuis extérieurs 1· . Corn : D~ 1995 à 2002 le budget du MSP a augmenté de 15,J(J % ; 111:1is une évolution en dents de scie.

H-1 t·r~' 13,,/ La structure des dépenses de santé

Tableau : Répartition du budget du MSP par poste de dépenses ;i. ( en mi Il iards de F cfa ) ,,, . 1995 1 1996 1 1997 , _ _1998 p999 • .?QQ2_ _ jii~1-T·-xo~J~' Salaire y l __ ~nn~ les ~T .339! l 34848 3492_? 35338 Jj_277 .16919 . 30~0_ _ / __ }0_84? _ ·: F~,ryct1onnemcnt I i !hQf;_sal,;,·, . / !2148 l.J3_l_7_[__1771 I 198~5 20709 1 224~1~ 18.Q.3_4_ . ..?.iJ?Q ... 1 Médicaments et / ~ v.iccins_· __ 3000 2430 1949 ~036 '_J.146 _J...!_QO .!_000 __ 1 __ ~9~~--- Investissement 13634 1 15117 J_5113 19324 .§1..67 5807 42]:~_ ___/_12._0_'.!J / .,_TOTAL __ 62693 65566 69701 77523 6605Q ~~J_?_52~~_L ~f_Jt"O 8~ . r: Source : Direction des politiques et synthèse budgétaires. Î Mémoire de DESS en économie de là santé présenté par serge GOL! ',';w l J11ivcrsi1..: ~- de Cocody, Avril 2004. P 33 i' 1. AT : Agents temporaires [/; g 3 / LE FINANCEIVŒNT DU SYSTEME DE ~ANTE !'Al< L'ETAT :1:;,

'L1 L'Etat ivoirien, par le biais du Ministère de li! Sèllll1..; publ iqu«. li111i11..· se:.; 1:: interventions au bénéfice des infrastructures sanitain.:.c, publiqu. ..' ::,, clés ~' établissements de santé communautaires et à ccnains domaines rauachés :·1 l.1 · santé ( la protection de l'enviro1:,ne111ent et l,1 recherche méctic.rlo :: Il subventionne les établissements de santé et prend en charge. l:1 construction /::! des nouveaux établissements .publics. Il intervient fina11cièrcrnc11t dans l:1 pris1..' 1 •1 .:. en charge des1 frais du personnel, du matériel et cl'cxploit,11io11 de l'l's •\~·: établissements, sauf dans les centres de santé communautaires où les frais de

,'; certains personnels sont assurés par la communauté el le-même. .:· L'Etat ivoirien, ces dernières années, par le biais des trnnskns subv1:'.nlio1111e ;: certaines ONG, certains hôpitaux confessionnels dont les activitL;s o:.:11tr1..'n\ cl:111s ;,1· · le cadre de la santé publique. !·-'

!/:·:.A / La composition du budget du MSP sans les russo urccx l'.Xl1·;1-l>11dJ.!L'(;1ir1·s r

;!(!1 A I / l'évolution du budget du MSP de 1981 à 1993

:;: · Tableau : L'évolution du budget de la santé par rappor: au bu(lg1..·1 de I '1\t;it

~,; : (en milliards de francs CFA) ( ,l ,.·. ,"' ., Année Population !j:, ·------~----- 1:, (Pop) B Il S/Pop 1,i B"dg;k~~lf"' / ""''"":~;, '""'' s;~.; '" 1 f -···----. ··------,il 1981 !\j 8.288.0QO - G ,-- . (·,.------·-·· 647.'100 .>8.11!., .,,) 1:, 1982 8.586.000 ,) 602 721.600 . 4 1.462 -·- -- 5.8______------·-- 1983 8.895.000 67S.900 ~ 1 .595 Ci.:>. ·---·U·, -i7.- -')- ----·~-· 1984 •I (>7(, 9.215.000 670,700 38.690 Î 5.8 ------·-- 1985 9,547,000 •1. !99 . 506.100 __ :1651-.2.._ ____ -1r .-..-. ____- }/-~------· ------· 1986 9,891.000 433.600 40.907 9,-1 1987 r0.247.o"oo .j /.l(, 481.000 1 ·---·-·~ 17.J J 7 0,'.! ______. ------·- 10.626.000 637.100 ·1. 6 I ~ ~8 46.353 7,:; 89 - - .•.....•.. -··------__ -1.:.1c,2 _ 1990 4l.'15J,153 - 648,926 -----. 1991 40.202,7 1 6, 1 H - - - - 1992 .. 38.975,6 . 561.744 1993 40.402,6 J 1. 700.000 584.507 ---~__l_.72 l, •l') .", )·I. • Doc, ministère de l'économie et des finances, B11dger gci:·~rnl de îonc1io1111c11H;,;: de C'ùiL' d'Ivoire, Gestion 1989 à 1993

.,. ; h Vu !a coristitut io n ; Vu k décret n°2003-65 ou : 3 mars 2003 ponant ;10,:1i;1a1i,m des membres du gouvernement, le! que mcdiûé e: C,)tnDk.!é pc:1 les déc;·e1s 11"2002-3'16 du 12 septembre 2003 et n°20G3-349 dt, J 5 septembre 2G0:3 ; Yu le décret =1°"2.()();.-:(;2 du :?.4 avrit 2003 po.tan: attt·ib1. . itions des membres dv

Gouvernement d~ Rèconciliatioi- ~LHionalc, ,el 01;e modifié par Je décret n~'.2003-.198 ri11 ?,1 octobre 2003 ; . Vu le.décret 11°2003- l 94 du 3 juil lei 2003 portant organisation du ministère ci' Etat, Ministère .. d~ l<'- santé et de Ia Pop:,,,H:0:1 ; Vu ie décret 11°97-J •; du l-5 janvier l 99ï portant ch~,ngcme:ll de dèno,1,;;;3!;011 L-~s Circonscrip,ions Aàmin:s1:,lli-_•es Régionales ; Vu 1<;:. J:':crel 11° 4981h-1S !'.\.- . :.-\.!:; du l ï i;ep.tcrnbrc l ')'06 ûx ant :e:; ,ll tribu, ions, î organisa: ion ci !e fonctionnement des [\i,Tr:~io:!s I)i!p3:#t,:!rnenta!c::, de ir. s~11:u:. Publique . Yu le décret 11° 2005-21~2 du 2juillet 2005 ponant création du départcrnent de Blolcquin Vu le décret 11°2005-25 i du ï juillet 2005 portant création des départerncm , dAkoupé , de N:1ssia11, de Sikc11.,i,rlc Zo1!:111-Ho1111ien ,dl! Ko uib lv , de Prik ro. de Ma d i n a n i .d c i\fo1iglla11 cr de Didiévi Vu 1·arré1è n~ 00,1 !iV!SFiCAB du 04 ja1wicr 2002 fix:1111 les ressorts ter,!lori.iux des Du eciions Dèp,1:,c..:;1;e,·,1:1ks de 1:, S:1ri1::: 1'::i.J!iq~.~ ,c-! que ,11

Vu )')r,·ë1é li 2(i2 ;,'-.;i:.',·1·~!'/C/. . !~ du (JJ :i1:IJiCil'tHe ~:(,(!.~ j)Ort;:;;;t ;1,,.;difi,:.1!1r:n riu !·:~!'~'-"' ~(:rïi;1:i,j,iJ dt?s Gir.~clÎü=i~ i)êp:tnër::entaics ou.l)is;r!i:ls S:;::it.Jir~:; ''u !c~ i1écc;;::,i:Cs d~. s .. ~r··:Ï•~c,

< ,-, )") T7'J'[ :-\.1 \; '.. . J~ :. "l"Jï(, F ''l'l~,\·IIFJ' ... ------.. c1i:q:;l: ë;;p'., :-~, .. ;1·:-,::·,: -,.,~; ; ::.:,·;,,,;:··: 1 .!;:! ;,)!'.:,! ::·,; ,;ri_;/· ,:1, i);\;!; ict :S ;11'.:l:,:r·:. ~:\li,· ir.:r; DCpnncn1en:s ~u: 'Jt1:~: ~ i-i\bidj:11? q~,: ~:J~ con·,p;·;:;r:'.] ,1:.·u( 1.'9): 2--J3i:1u;iJ,~ (tti t'n c:c,:np!·...:~:~ri r:-oi.\ r.·-i.,.

~i-Bo11dnt1k0:)t; (]l,i (:I' ru:11;n::1(j ·'.!Cil:i,_(Z) 4-Dnlon qui en crw·,per'.<:: rlcux (.?.), 5-Divo qui e.:; ,~,:;~1prt:i~~ dc:·ux (2';., 6-(~:!~~!1(;;1 q:j: ,:;1 ':ù:':;;1··:·::.: o cu. c·:), 7-Ji·f q~1i C!! (Oiïiï1!··~!ï:·j \Î{)UX (:)'.

J O-T;1ncl:1 <~i1i Cïi CiJ111;):·c1;d dl::::J?.). du Iai: de ieu:· i:opL:!?~:·n.·:.

!,.,;! i)ivisic,n Terri1~1:i:!η:. ...' :·.: :•·.;;;;!·~il ~-··1:!·::11t.: s~:!t .\1NISTERE DE LA SANTE PUBLIQUE DIRECTION REGIONALE DU ZANZAN REPUBLIQUE DE COTE DïVOTR.E UNION - DISCIPLINE· TRA VAJL DIRECTION DEPARTEMENT ALE DE T Al\l)A

RATIO STRUCTUR.ES ET PERSONNELS DU DISTRICT SANITAIRE DE TANDA ANNEE 2004

i Localités / Populati~~s I Structures Médecins 1 Infirmiers 1 Sage -Femmcs ! Sous-Préfectues JNombre Ratio Nombre Ratio -·· Nombre Ratio j Nombre ! Ratio f Tanda 1 1/ 4 382 . 70 126 16 1 5 / 1114 025 1/2191 i 32 1 6 1112 759 r Assuéfry l 29 089 1 3 119 696 1129 089 1 4 11/ 7 272 1 2 1/ 3 433 tKouassi-Datékro 1 33 488 / 6 1/ 5 581 l/ 33 488 1 7 1/ 4 784 1 4 1/ 1 976 Koun-Fao 31 897 j_J) 11/ 3 544 1131 897 ! 11 1/ 2 899 i 1/ 1 882 1 4· 1 Tankéssé i --' 53 360 ! 10 1/ 5 336 11/53 360 11 11/5 336 ·1 . 1/ 1 799 i 1 i 7 1 Transua -·' 39 460 - / 6 f 1/ 6 576 1 i 1/ 39 460 1 7 11/ 4 932 i 2 11/ 4 65~ TOTAL -·, 257 420 ! 50 i 1/ 5 148 1 10 1112s 742 : 72 113575 i 25 / 112 431 /DISTRICT - _[_ _ _J j 1 1 i 1 .

Fait à Tanda, le 27 Juillet 2004 I!,<: / La répartition des dépenses d'investissement p a r nÎ\'(';1-11

, Tableuu 1 : Répartition des dépenses dinvesussemcnr par niveaux (en 111i!!1(q;:- ,lv J·i T:\) ·- Nivcn ux .,R -·---- -· ":-~ 6 R79 16 637 13 Cornmeruaire : ,I'; dt: 1992 fil 994 = I'administration sanitaire a plus bénéficier cl'i11':l·:.:i· · .·;,,, 111. r5e: ! 995 à 1997 = le tertiaire di'1 1993 1 = primaire suivi du tertiaire l:n 1999 == tertiaire suivi du primaire 1 n 2()0[) ::: tertiaire suive du primaire ! ,~ 200 l = primaire

( \ . ui.. .1 . ( \ ' •.lv, 1 ~ (.• 011 remarque que de J.995 à 200 J, seuls les secteurs pri.nair« vl : .•• «.'-Pt~,,,-11-,.; piinng..::nl Je I3SIE au détriment du niveau secondaire. Cc ln v:1 d,1:1:; k .·.,:: 1k i ..

rk1. llitique de la valorisation et programmation des ressources IH1111;1i:,~ ,·: ,!·.- 1.,i,,, 0( J'lle du rééquilibrage des différents niveaux de soins dans Je. but d,: ,k:. structures de base des établissements de premier coniac: d'(·,;11n ,i;11:, i•· .~ystl;'.111e de soins. Cette politique permet de filtrer ks p:11i,.ï1L .. : 1··,'!1t..:1 d11 :_;:,Ï:,tèrne de soins; donc lès équiper pour les adapter aux besoin-. ,.,., , ,: ·,, Tableau 1: Nombre d'établissements sanitJlres par direction régionale de la santé en 2007 et 2008

ANNEE 2007 ANNEE 2008 REGIONS Nombre Nombre Nombre Nombre Nombre Nombre Nombre Nombre ESPC HG CHR CHU ESPC HG CHR CHU AGNEBY 55 2 l 0 56 2 1 0 BAS-SASSANDRA 84 4 1 0 88 4 1 0 DENGUELE-BAFING 62 0 2 0 62 0 2 0 FROMAGER 95 1 1 0 95 1 1 0 HAUT SASSANDRA 68 2 1 0 71 2 1 0 LACS 62 4 1 0 64 4 1 0 LAGUNES 1 75 6 0 1 77 5 0 1 LAGUNES 2 103 8 0 2 104 9 0 2 MARAHOUE 48 2 l 0 49 2 1 0 MONTAGNES 84 3 l 0 88 3 1 0 MOYEN-CAVALL Y 34 3 1 0 43 3 1 0 MOYEN-COMOE 46 1 1 0 58 1 1 0 N'ZI-COMOE 105 5 1 0 96 5 1 0 SAVANES 113 3 1 0 102 3 1 0 SUD-BANDAMA 82 1 1 0 83 1 1 0 SUD-COMOE 50 2 1 0 76 4 1 0 VALLÉE DU BANDAMA 117 5 0 1 118 5 0 1 WORODOUGOU 24 1 1 0 24 1 l 0 ZANZAN 114 2 1 0 113 2 l 0 TOTAL Cl 1421 55 17 4 1467 57 17 4 Source: DIPE