Salvatore Giuliano (Analyse) Albert Fèche

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Salvatore Giuliano (Analyse) Albert Fèche Document généré le 26 sept. 2021 06:10 Séquences La revue de cinéma Salvatore Giuliano (analyse) Albert Fèche Cinéma et justice Numéro 42, octobre 1965 URI : https://id.erudit.org/iderudit/51794ac Aller au sommaire du numéro Éditeur(s) La revue Séquences Inc. ISSN 0037-2412 (imprimé) 1923-5100 (numérique) Découvrir la revue Citer cet article Fèche, A. (1965). Salvatore Giuliano (analyse). Séquences, (42), 29–35. Tous droits réservés © La revue Séquences Inc., 1965 Ce document est protégé par la loi sur le droit d’auteur. L’utilisation des services d’Érudit (y compris la reproduction) est assujettie à sa politique d’utilisation que vous pouvez consulter en ligne. https://apropos.erudit.org/fr/usagers/politique-dutilisation/ Cet article est diffusé et préservé par Érudit. Érudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif composé de l’Université de Montréal, l’Université Laval et l’Université du Québec à Montréal. Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche. https://www.erudit.org/fr/ SALVATORE GIULIANO -Ar. aLJocutnentati 1. Générique dent du tribunal), Federico Zardi (l'avo­ Italien 1961. — Real. : Francesco Rosi. cat de la défense), Fernando Cicero, Co­ — Sein. : Francesco Rosi, Susi Cecchi d'A­ simo Torino, Sennuccio Benelli, Bruno Ek- mico, Enzo Provenzale, Franco Solinas. — mar, Max Cartier, Giuseppe Teti. — Prod. : Phot. : Gianni di Venanzo. — Mut. : Pie­ Lux/Vides/Galatea. (Franco Cristaldi). ro Piccioni. — Int. : Pietro Commarata Prix de la mise en scène (Ours d'argent) (Salvatore Giuliano), Frank Wolff (Gas­ au festival de Berlin 1962. Ditt. : J. A. pare Pisciotta), Salvo Randone (le prési­ Lapointe Films Inc. — Durée : 125 min. OCTOBRE 1965 29 2. Résumé du scénario fusillé un pacifique rassemblement du Front populaire à Portella délia Gines- 5 juillet 1950; à Castelvetrano, en Si­ ira. La police poussa furieusement les cile, un cadavre gît dans une cour : c'est interrogatoires, sans succès décisifs. celui de Salvatore Giuliano. Le commis­ Maintenant, le principal artisan de saire de police fait établir le procès- cette fusillade n'est plus : une femme verbal. Puis, les journalistes sont admis. en deuil entoure sa tombe et vénère son Qui était Salvatore Giuliano? Un jeu­ image. Mais reste à trouver les com­ ne maquisard que les indépendantistes parses. Rome crée pour cela un corps siciliens avaient mis à leur tête, après spécial confié au général Luca. Après l'arrestation de leurs principaux leaders, onze mois de recherches, en 1951, la en 1945, à Palerme. Lui et ses amis a- bande rebelle est capturée, ainsi que le vaient été, des années durant, la terreur lieutenant : Gaspare Pisciotta. des carabiniers. Ce dernier fait un témoignage capi­ Le cadavre, déposé dans un cercueil, tal, au procès de Viterbe, près de Rome. est emmené discrètement de Castelve­ Il dit avoir tué Salvatore Giuliano, "of­ trano (lieu du meurtre) à Montelepre ficiellement" abattu par les carabiniers. (lieu de naissance), par une voiture fu­ Mais qui a tué les pacifiques manifes­ néraire officielle; les journalistes enquê­ tants du 1er mai? Là, tous les prévenus tent auprès des carabiniers et du com­ se dérobent, se taisent, nient ou rétrac­ missaire, puis auprès des gens du pays. tent leurs aveux antérieurs. Le tribunal Salvatore Giuliano était né dans ce prétend avoir une liste de coupables petit village de Montelepre. Les collines qu'il tiendrait de Giuliano. Le procès avoisinantes furent le repaire de ce chef traîne. Alors coup de théâtre : Gaspare de bande. Pour essayer de le réduire, un dévoile ses propres accointances avec la détachement de soldats dut occuper le police et les raisons du meurtre du chef. village, et de là, rayonner en expéditions D'après lui, la liste est fausse; la vraie d'ailleurs infructueuses. En mai 1946, liste a été remise au colonel des carabi­ une certaine autonomie administrative è- niers. La déposition du général Luca tait enfin reconnue à la Sicile. Du coup, confirme celle de Gaspare Pisciotta. Peu le mouvement séparatiste perdait de sa à peu, on devine de sournoises rivalités virulencce et beaucoup de jeunes hom­ entre les carabiniers, la police et l'armée, mes de maquis rentrèrent au logis. Avec d'étonnantes complicités entre poursui- quelques fidèles, Giuliano continua la veurs et poursuivis, de louches combi­ vie errante : crimes, vols, enlèvements naisons de la Maffia. lui furent imputés. Pour briser le mu­ tisme des gens du village, l'armée alla Celle-ci, par D'Annunzio, avait con­ jusqu'à déporter ceux qu'elle soupçon­ senti à livrer quelques hommes de Giu­ nait de connivence avec le célèbre bandit. liano, mais pas le chef. Un représentant de la même organisation avait poussé La mère, prévenue, attend au cimetiè­ Gaspare à s'arranger in extremis avec les re du village l'arrivée du cadavre de son carabiniers. Une certaine nuit de 1950, fils auquel elle fait un déchirant adieu. à Castelvetrano, une entrevue avait eu Ce Salvatore Giuliano avait été un in­ lieu entre le lieutenant et le chef, et ce domptable. En 1947, loin de se soumet­ dernier avait été tué. Mais les carabiniers tre, il recrutait de nouveaux partisans et avaient disposé son cadavre et tiré des agissait pour le compte de la Maffia. Le rafales pour faire croire qu'ils avaient premier mai de la même année, il avait abattu leur grand ennemi. 30 SÉQUENCES 42 La plaidoirie dénonce les honteuses puissants. La mentalité du peuple sici­ combinaisons, réclame qu'on fasse toute lien ne peut être comprise si l'on igno­ la lumière. Puis vient la sentence : con­ re l'importance de la vie sociale en vil­ damnation des uns, acquittement des au­ lage, l'étendue des relations de cousina­ tres. Gaspare Pisciotta enrage de voir ge, l'honneur sacré qui consiste à faire qu'on l'a joué. bloc contre les intrusions du pouvoir En épilogue : dans sa prison, Pis­ central italien; et finalement la puissan­ ciotta meurt, mystérieusement empoi­ ce de la Maffia, sorte de société secrète sonné. Un jour de foire, un autre ca­ qu'il n'est pas facile à un étranger de dé­ davre ponctue de sa masse noire le sol finir sans erreur. La société sicilienne desséché de cette terre brûlante : la est (était surtout) plus proche de la tri­ Sicile. bu ou du clan que de l'individualisme moderne. 3. La Sicile 4. Quelques dates et notations Historiquement, la Sicile a connu tou­ tes sortes d'influences. Phéniciens, Grecs, Septembre 1939 : début de la 2e Carthaginois, Romains, Vandales, Sar­ guerre mondiale — Juin 1940 : l'Ita­ razins, Normands, Espagnols s'y sont suc­ lie entre en guerre aux côtés de l'Alle­ cédé pour la gouverner. Quelque temps magne — Juillet 1943 : débarquement royaume presque autonome au 18e siè­ des troupes alliées en Sicile; 38 jours de cle, elle fut conquise par Garibaldi au combats; maquisards et indépendantistes 19e et rattachée à la couronne italienne, aident les alliés — 1945 : à Palerme, il y a cent ans seulement. arrestation de chefs indépendantistes — Géographiquement, sa position insu­ 1946 : amnistie pour les poursuivis po­ laire renforce ses caractères typiques. De litiques — 1947 : 1er mai, fusillade à plus cette terre volcanique souffre de­ Portella délia Ginestra — 1950 : mort puis longtemps d'une plaie grave pour de Salvatore Giuliano — Long procès un pays à vocation surtout agricole : à Palerme, puis à Viterbe. c'est (ou surtout c'était) le régime de la Les carabiniers sont chargés de faire grande propriété agricole, avec sa mi­ respecter la loi et de sanctionner les norité de propriétaires trop conserva­ manquements, au plan national. D'où les teurs de leurs privilèges et sa majorité accrochages avec les jeunes Siciliens qui de prolétaires, dépendant étroitement prenaient le maquis par intérêt person­ des possédants. D'immenses forêts ont nel, par conviction autonomiste ou pour disparu, par la dent des moutons et des trafic de marché noir. chèvres. En outre les éléments les plus dynamiques de la population émigrent, 5. Le réalisateur ce qui n'accélère pas la réforme des structures sociales. Francesco Rosi est né à Naples en Pendant la guerre, le peuple sicilien 1922. Après ses études, il fait du jour­ souffrit de la disette. Une des grandes nalisme radiophonique. En 1946, à Ro­ raisons de la popularité de Salvatore me, il est assistant de théâtre, puis de Giuliano, c'est qu'il prenait à ceux qui cinéma; il travaille avec différents met­ avaient beaucoup et donnait à ceux qui teurs en scène. A signaler qu'en 1948, avaient faim. En outre, grâce à lui, le il asiste Visconti pour La Terra tréma. peuple habituellement humilié vibra de II collabore à de nombreux scénarios, fierté : un des siens tenait tête aux fait du doublage, du montage, bref, ac- OCTOBRE 1965 31 quiert une expérience solide et diverse. Ce Napolitain est orienté nettement Son premier film, en 1952, Le Défi vers les problèmes économiques et so­ (La Sfida) est consacré aux Napolitains, ciaux du Sud italien, avec une grande mais déjà se mêlent procès et louches habileté à décrire les événements col­ combinaisons d'intérêts. En 1960, Les lectifs, un sens aigu des injustices, du Colporteurs (I Magliari). En 1962, Sal­ mensonge. Le sujet de la Sicile de guer­ vatore Giuliano. En 1963, Main basse re et d'après guerre, sous l'angle de Sal­ sur la ville (Le mani sulla citta). En vatore Giuliano, devait attirer cet hom­ 1965, à Cannes, il vient de se faire re­ me au regard pénétrant et courageux, marquer par un film sans concession sur qui renouvelle ce qu'il touche parce la vie d'un toréador espagnol, Le Mo­ qu'il ne cherche pas à plaire et à faire ment de vérité. joli au détriment de la vérité.
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