ALL’IMPROVVISO Ciaccone, Bergamasche... & un po’ di Follie

Les chants de la terre Alpha 512 Le joueur de luth [...] doit jouer le luth avec noblesse, grande inventivité et variété et non pas comme ceux qui, ayant une bonne technique de la main, ne font rien d’autre qu’accélérer ou faire des diminutions discor- dantes du début jusqu’à la fin, en particulier quand ils sont en compagnie d’autres instruments, qui font de même, avec ce résultat qu’on n’entend plus qu’un grand vacarme et une grande confusion, ce qui est déplaisant et dés- agréable pour l’auditoire. Il faut en revanche combiner les voix entre elles, parfois en touchant fort, parfois en tou- chant plus doucement, parfois dans un passage lent, et parfois rapide, sur des doubles cordes avec accompagnement à la basse, dans des nobles joutes faites d’artifices subtils, en réitérant et en jouant les mêmes figures sur différentes cordes, à différents endroits, avec de longs gruppettos et des trilles, avec les bons accents aux bons moments. Ceci donnera de la beauté au concert et du goût et du plaisir à l’auditoire, car on fera attention à ne pas se contrarier les uns les autres, en intervenant chacun en son temps, surtout lorsqu’il s’agit d’instruments semblables.

Le violon exige des beaux passages, bien identifiables et longs, des jolies figures et des échos, et des imitations avec réplique en plusieurs endroits, des accents pleins de passion, des coups d’archet muets, des gruppettos et des trilles. Le théorbe ensuite, avec ses consonances douces et pleines, renforce bien la mélodie, en jouant gracieu- sement de ses bourdons (cordes graves ndt), qui sont particulièrement excellents sur cet instrument, avec des trilles et des accents muets, exécutés de la main gauche.

La harpe double, instrument qui est bon pour tout, autant dans la tessiture de soprano que pour la basse, doit être jouée partout avec un pincement doux, des échos sur les deux mains et des trilles.

Mais de tout il faut user avec mesure, car si un instrument est tout seul en concert, il doit tout faire tout en rendant le concert délectable. S’il s’agit d’un ensemble d’instruments, ils doivent avoir des égards les uns pour les autres, en se laissant de l’espace, sans se battre entre eux. S’ils sont nombreux, chacun doit attendre son moment. Ils ne doivent pas se conduire comme une volée de moineaux, jouant en même temps à celui qui crie le plus fort.

Agostino Agazzari, Siena 1607 He who plays the must play it nobly, with much invention and variety, not as it is done by those who, because they have a quick hand, do nothing but play runs and make divisions from the beginning to the end, especially when playing with other instruments which do the same, in all of which nothing is heard but babel and confusion, displeasing a disagreeable to the listener. Sometimes slow passages, sometimes rapided ones, sometimes played on the base strings, sometimes beautiful vyings and conceits, repeating and bringing out these figures at different pitches and in different places. He must weave the notes together with long groups, trills and accents, each in its turn, that he gives grace to the ensemble and enjoyment and delight to the listeners, judiciously preventing these emballishments from conflicting with one another, especially when there are similar instruments in the ensemble.

The violin requires beautiful passages, distinct and long, with playful figures, little echos and imitations repeated in several places, passionate accents, mute strokes of the bow, groups and trills etc.

The with its full and gentle consonances, reinforces the melody greatly, restriking and lightly passing over the bass strings, its special excellence, adding trills and mute acccents with the left hand.

The arpa doppia, which is very useful as well in the soprano as in the bass, explores its entire range with gently plucked notes, echoes of two hands, trills etc.

But all this must be done prudently. If the instruments are alone in an ensemble, they must lead it and do eve- rything. If they play in company, each must regard the other, giving it room and not conflicting with each other. If they are many, they must each await their turn and not chirping all at once like sparrows, try to shout another down.

Agostino Agazzari, Siena 1607

All’Improvviso Ciaccone, Bergamasche... & un po’ di Follie

1. Voglio una casa 3’03 9. Chiacona 4’52 Lucilla Galeazzi/improvisation Antonio Bertali/Pluhar

2. Folia 1’47 10. Se l’aura spira (Folia) 3’26 Improvisation Girolamo Frescobaldi/improvisation

3. Ciaccona 3’52 11. Toccata 2’23 Maurizio Cazzati/Storace/Pluhar Francesco Lambardi

4. Romanesca 2’27 12. Kapsberger ? 1’43 Santiago de Murcia/Pluhar Girolamo Kapsberger/improvisation

5. Turlurù (Bergamasca) 4’13 13. Folias 3’46 Pluhar/Trovesi/Beasley/improvisation Andrea Falconiero

6. Folia passeggiata sopra D 2’40 14. Españoletas 4’28 /improvisation Lucas Ruiz de Ribayaz/improvisation

7. Ciaccona 1’24 15. Cantata Sopra il Passacaglio. Diatonica 9’15 Improvisation Luigi Pozzi/improvisation

8. Ninna Nanna sopra la Romanesca 2’44 Pluhar/Galeazzi L’ARPEGGIATA

Christina PLUHAR, harpe baroque, théorbe, direction Marcello VITALE, chitarra battente, guitare baroque Charles Edouard FANTIN, luth, guitare baroque, théorbe Edin KARAMAZOV, colascione, archiluth Eduardo EGUEZ, guitare baroque Elisabeth SEITZ Magrit ÜBELLACKER, psaltérion Bruno COCSET, violoncelle Atsushi SAKAI, viole Paulina VAN LAARHOVEN, lirone Veronika SKUPLIK, violon Doron SHERWIN, cornet à bouquin Gebhard DAVID, cornet à bouquin Richard MYRON, contrebasse Michèle CLAUDE, percussions

featuring :

Gianluigi TROVESI, clarinette Marco BEASLEY, chant Lucilla GALEAZZi, chant Les instruments :

Christina Pluhar : harpe baroque - Rainer Thurau, Wiesbaden 1993 (1, 4, 8, solo 11, 14) - théorbe - Klaus T. Jacobsen, 2003 (3, 5, 7, 9, 10, 13, 15) Marcello Vitale : chitarra battente - Vincenzo de Bonis 1992 (3, 5, 8, 15) - guitare baroque - Pasquale Scale, Praiano 2002 (1, 2, 5, solo 6, 7, 9, solo 10, 13, 14) Charles Edouard Fantin : luth renaissance - Paul Thomson, 2002 (4, solo 5) - guitare baroque - Charles Besnainou, 1993 (1, 2, 3, 5, 7, 9, 10, 13, 14, 15) - théorbe - Klaus T. Jacobsen, London 2003 (8) Edin Karamazov : archiluth - Cezar Mateus, New Jersey 1995 (9, 15) - colascione - Pasquale Scala, Praiano 1999 (3, 5, 7) Eduardo Eguez : guitare baroque - Peter Biffin, 1994 (2, 10, solo 15) Elisabeth Seitz : psaltérion – Alfred Pichlmaier 1997 (1, 2, solo 4, 13, 14) Margit Übellacker : psaltérion - Alfred Pichlmaier 1997 (solo 3, 5, solo 9, 15) Bruno Cocset : violoncelle piccolo - Charles Riché 2003 d'après Amati (solo 5, 9) - basse de violon "a la bastarda" - Charles Riché, 2002 d'après Amati (solo 3) Atsushi Sakai : viole - Pierre Thouvenot, Dieppe 1998 (3, 5, 9, 15) Paulina van Laarhoven : lirone - Roger Rose, Vestdean 1991 (1, 8,13) Veronika Skuplik : violon baroque - frères Cahusac, London 1787 (3, 5, 9, 13) Doron Sherwin : cornet à bouquin - Serge Delmas, Paris 1998 (3, 5) Gebhard David : cornet à bouquin - Serge Delmas, Paris 1999 (13) Richard Myron : contrebasse - D. Busan, Venise 1743 (1, 2, 3, 4, 5, 7, 8, 9, 10, 12, 13, 14, 15) Gianluigi Trovesi : clarinette piccolo – Noblet 1978 (1, 2, 5, 10, 15) - clarinette alto – Selmer 1992 (7, 8, 12, 14)

www.arpeggiata.com

Enregistré en novembre 2003 et janvier 2004 à Paris Chapelle de l’hôpital Notre-Dame de Bon Secours Enregistrement & montage numérique : Hugues Deschaux Montage musical : Christina Pluhar Photographies : Robin Davies Sources, arrangements et improvisations1 Voglio una casa : Texte et mélodie de Lucilla Galeazzi, arrangements de Christina Pluhar, improvisation de Gianluigi Trovesi Folia : Improvisation de Gianluigi Trovesi Ciaccona : Variations pour cornet à bouquin et violon de Maurizio Cazzati (1620-1677), arrangements pour psaltérion, violon- celle et viole de gambe de Christina Pluhar inspiré des variations pour clavecin de Bernardo Storace (Selva di varie Compositioni, Venezia 1664) Romanesca : Variations pour psaltérion de Christina Pluhar inspirées de Santagio de Murcia (Saldívar Codex no 4, Mexico 1732) et Martin y Coll (Flores de Musica, Madrid 1709) Turlurù : Développement mélodique de Gianluigi Trovesi, adaptation du texte à partir d’une idée de Marco Beasley, impro- visations de Doron Sherwin et Bruno Cocset, arrangements et variations pour cornet à bouquin, violoncelle et viole de gambe de Christina Pluhar Folia passeggiata sopra D : Improvisation de Marcello Vitale Ciaccona : Improvisation de Gianluigi Trovesi Ninna Nanna sopra la Romanesca : Mélodie improvisée et adaptation de Lucilla Galeazzi, arrangements de Christina Pluhar Chiacona : Antonio Bertali (1605-1669), arrangements de Christina Pluhar à partir de différentes versions de manuscrits, im- provisation d’Atsushi Sakai Se l’aura spira : Girolamo Frescobaldi (1583-1643), Arie Musicali per cantarsi nel Gravicimbalo e Tiorba (Firenze 1630), arrangement de Christina Pluhar, élaboration du texte par Marco Beasley et improvisation de Gianluigi Trovesi Toccata : Francesco Lambardi (1587-1642), Manuscrit (GB-Lbm Add. 30491), recueilli par Luigi Rossi Kapsberger : Girolamo Kapsberger (1580-1651), Libro Quarto d’Intavolatura di Chitarrone (Roma, 1640), improvisation de Gian- luigi Trovesi Folias : Andrea Falconiero (1585-1656), Il Primo Libro di Canzone, Sinfonie, Fantasie (Napoli 1650) Españoletas : Lucas Ruiz de Ribayaz, Luz y Norte Musical (Madrid 1677), improvisation de Gianluigi Trovesi Cantata Sopra il Passacaglio. Diatonica : Luigi Pozzi, L’innocenza dei Cicopli, overo Concenti diatonici, cromatici ed henarmonici (Venezia 1656), arran- gement de Christina Pluhar, élaboration du texte par Marco Beasley, improvisation de Gianluigi Trovesi, Eduardo Eguez, Atsushi Sakai

1 Cette liste ne mentionne que les improvisations mélodiques aux voix supérieures. Il serait trop complexe de men- tionner séparément les improvisations à la basse continue, présentes dans chaque pièce, de Charles Edouard Fan- tin, Marcello Vitale, Eduardo Eguez, Edin Karamazov, Elisabeth Seitz, Margit Übellacker, Bruno Cocset, Atsushi Sakai, Paulina van Laarhoven, Richard Myron et Michèle Claude, de même que les improvisations ornementales de Doron Sherwin, Veronika Skuplik et Gebhard David. Je souhaiterais néanmoins remercier ces merveilleux musiciens pour leur profonde sensibilité et leur grande richesse d’idées, sans lesquelles ce travail n’aurait pu aboutir.

Marco Beasley a pu participer à cet enregistrement grâce à l’aimable autorisation de Accordone

Chaconnes, Bergamasques...

Depuis toujours, les basses obstinées fascinent. C’est sur elles que reposent, aujourd’hui comme hier, les musiques traditionnelles espagnole, italienne, portugaise et sud-américaine. Après avoir gagné la musique de toutes les cours d’Europe, où elles étaient particulièrement en vogue du XVIe au XVIIIe siè- cle, elles sont redécouvertes par les romantiques et les compositeurs contemporains, ou encore utilisées dans le jazz. Possédant cette qualité universelle d’offrir un espace de liberté à l’improvisation instrumen- tale et vocale au sein des cultures et des langages musicaux les plus divers, elles permettent au com- positeur comme à l’interprète, quel que soit son idiome musical, d’exprimer toute sa créativité, son imagination et sa virtuosité.

Leur naissance est en réalité antérieure aux premières évocations écrites qui témoignent de leur origine. La plupart des basses obstinées en usage au XVIIe siècle en Italie sont des chants traditionnels dan- sés, importés d’Amérique du Sud et du bassin méditerranéen, sur le modèle harmonique desquels on chantait au départ différents textes en improvisant.

Ciaccona (chaconne) Danse chantée issue de la tradition sud-américaine, dont il est fait pour la première fois mention au Pérou, au XVIe siècle. Introduite en Espagne au début du XVIIe siècle, elle gagne l’Italie en passant par . En Espagne, où elle est accompagnée à la guitare, aux castagnettes et au tambourin, on l’emploie pour des scènes comiques, voire obscènes. C’est en Italie que l’on développe la basse mélodique syncopée, très appréciée des compositeurs du XVIIe siècle, lesquels superposent à ce schéma des ornements instrumentaux et vocaux virtuoses. Plus tard, la chaconne baroque se transforme sur le plan harmonique et se confond avec la passacaille. Bergamasca (bergamasque) Danse et chant traditionnels de Bergame. Deux chansons de Filippo Azzaiolo (1569), en dialecte bergamasque, en constituent l’une des premières traces écrites. Rien ne permet de savoir s’il s’agit là de poèmes en dialecte ou de chants traditionnels. Comme pour la chaconne, il existe au XVIIe siècle bon nombre de compositions virtuoses sur ce thème, resté vivant aujourd’hui dans la musique traditionnelle italienne.

Folia (folie) Ce mot signifie « folle » ou bien « écervelée ». Selon l’explication donnée en 1611 par l’Espagnol Covarrubias Horozco, cette danse doit son nom au fait qu’elle est si vive et si folle que les danseurs semblent avoir perdu la raison. Les sources que l’on possède ne permettent pas d’établir si la folia est d’origine européenne ou sud-américaine. Citée pour la première fois au XVe siècle au Portugal, où elle est présentée comme une danse chantée, elle se répand bientôt en Espagne. Mais il se peut également que la folia soit l’une des pre- mières pièces importées du Nouveau Monde au Portugal. On en trouve les premiers textes portugais chez Gil Vincente (1503-1529), et des textes espagnols chez Diego Sanchez de Badajoz (1554). Au XVIIe siècle, en Espagne, guitares et sonajas (petits disques métalliques fixés à un anneau de bois) accompagnent la folia chantée et dansée. En Italie, au début de ce même siècle, nombreuses sont les folias dont la partie de guitare est notée en alfabeto, le guitariste devant se livrer à une improvisation rythmique. Au XVIIIe siècle, la folia instrumentale se transforme en un thème noble, courtois, dont la mer- veilleuse harmonie intemporelle sert de base à de virtuoses compositions sous la plume des compositeurs italiens et français.

Passacaglia (passacaille) Formé de pasar (« passer ») et de calle (« rue »), ce nom désignerait à l’origine un chant que l’on chantait dans la rue comme pour une procession. Selon les premières sources retrouvées en Espagne, il est d’abord question de ritornello-passacaglia, à savoir d’improvisation instrumentale entre des strophes chantées. Le modèle harmonique (I-IV-V-I), souple, peut être en mineur comme en majeur, suivant une mesure à trois comme à quatre temps. En Italie se développe au XVIIe siècle le fameux tétracorde mineur descendant qui constitue la basse de lamento caractérisant sous le nom de passacaille des compositions vocales et instrumentales. Mais sous ce même nom, on rencontre également d’autres modèles harmoniques : variantes chroma- tiques du tétracorde descendant, tétracorde majeur descendant (qui se confond plus tard avec la chaconne), schéma I-IV-V-I de la ritornello-passacaglia (comme dans la pièce anonyme intitulée Passa- caglia della Vita, dont le modèle harmonique répond à la définition de la basse de tarentelle donnée en 1641 par Athanasius Kircher). De nos jours, la ritornello-passacaglia est encore en usage dans la musique traditionnelle d’Amérique du Sud, sous le nom de passacalle ou de paseo.

Romanesca On rencontre au XVIe siècle, sous différents noms, la romanesca antica présente sur cet en- registrement. C’est en 1530 que sa merveilleuse harmonie est notée pour la première fois. Si Mudarra, en 1546, nomme cette composition Romanesca : o Guàrdame las vacas, elle apparaît également sous le titre Favorita ou Fantinella. En Italie naît au début du XVIIe siècle une toute nouvelle basse qui, sans avoir rien de commun avec la romanesca antica, porte néanmoins le nom de romanesca. Chez Santiago de Murcia (Mexique, début du XVIIIe siècle), on découvre deux exemples de romanesca antica qui diffèrent l’un de l’autre sur le plan rythmique : Bacas (3/2) et Los Impossibles (6/4). La romanesca antica existe toujours dans la musique traditionnelle du Mexique.

Españoletas (ou spagnoletta) À en juger par son nom, cette composition serait d’origine espagnole, mais on en trouve la pre- mière version imprimée en Italie (Caroso, Il Ballerino, 1581). Suivent jusqu’à la fin du XVIIe siècle de nombreuses versions de Negri, Bentivoglio, Frescobaldi, Storace, Zanetti, Giamberti, Caresena, Giramo, Coferati, Briceno, Sanz ou encore Gerau. Dans un manuscrit florentin figurent plusieurs textes chantés (Parole sopra la spagnoletta), et Coferati adapte sur la mélodie un texte sacré (Corona di sacre canzoni, 1689). Dans cette basse tripartite, on remarquera que l’harmonie et le rythme de la première section sont semblables à la tarantella napoletana décrite par Kircher.

Kapsberger Cette basse au charme étonnamment moderne est une « invention » du compositeur Giro- lamo Kapsberger, datée de 1641, à qui elle doit son nom. Cette basse est par son originalité et sa modernité unique en son genre au XVIIe siècle. L’ambiguïté métrique entre un 6/8 suggéré, un 3/4 ou un 4/4 (syn- copé) confère à cette basse son actualité surprenante. Composer de nouvelles basses obstinées n’est pas exceptionnel. Les basses empruntées à la musique traditionnelle suscitent un tel engouement que l’on voit naître un grand nombre de nouvelles mélodies de basse chez les compositeurs italiens tels que Monteverdi (Laetatus sum), Cazzati (Capric- cio sopra sette note), Merula (Ninna, Nanna), Sances et Cavalli, parmi tant d’autres, de même que les nombreux « grounds » anglais de Byrd, Purcell et Simpson, ou plus tard, en Allemagne et en Autriche, les basses de Schmelzer, Biber, Buxtehude, Bach et Haendel.

Alfabeto per la chitarra spagnola La notation alfabeto pour guitare baroque, qui permet de sténographier l’harmonie et de don- ner le rythme de base, décrit ainsi la structure harmonique et rythmique de l’œuvre. Inventée au début du XVIIe siècle, cette forme de notation laisse le guitariste libre d’improviser sur le plan rythmique et mé- lodique, de construire la pièce à sa guise et d’en fixer lui-même la durée. Comme dans l’improvisation flamenco dont nous sommes aujourd’hui familiers, il peut faire valoir son art à travers le rasgueado (tech- nique percussive virtuose) ou le punteado (ornementation mélodique).

Le catalyseur qui permet l’immense propagation de ces modèles harmoniques dans la musique ins- trumentale italienne au XVIIe siècle est la « chitarra spagnola », la guitare baroque à 5 chœurs, importée d’Es- pagne en passant par Naples, qui atteint vite à une très grand popularité dans la péninsule. L’un des premiers documents imprimés en Italie où figurent quantité de basses obstinées est un recueil pour guitare baroque, noté en alfabeto (Nuova inventione d’intavolatura per sonare li balletti sopra la chitarra spagnuola, senza numeri e note, Naples, 1606). De très nombreuses publications lui succéderont dans le pays entier jusqu’aux environs de 1640. C’est la notation alfabeto qui conserve au mieux le caractère improvisé des basses obstinées. Peu après les premières publications pour guitare baroque, presque tous les compositeurs italiens du XVIIe siècle utilisent des basses obstinées dans leurs pièces aussi bien profanes que sacrées. Le caractère improvisé de ce répertoire persiste jusqu’à la fin du siècle, dans la musique instrumentale surtout. On peut classifier de la manière suivante les variations sur des basses obstinées pour instruments harmoniques tels que clavecin, théorbe, luth, guitare ou harpe, ou pour ensemble d’instruments mé- lodiques :

1) Publications imprimées où les variations successives, bâties chacune selon une structure bien claire, sont d’une écriture créative et virtuose. 2) Manuscrits et imprimés où sont notées certaines idées d’improvisation n’esquissant que quelques variations. Si bon nombre de ces exemples sont trop brefs pour constituer des pièces com- plètes, ils restent de précieux témoignages d’époque sur le langage musical et le mode d’improvisation. 3) Forme mixte regroupant les deux précédentes, donnant lieu à un certain nombre de varia- tions composées (ou « diferenzias ») que l’on peut modifier, prolonger ou abréger en improvisant. Dans la musique vocale du XVIIe siècle sur des basses obstinées, on distingue deux approches tout à fait différentes : Il existe de nombreuses allusions à une mise en place très libre des paroles, à une liberté improvisatrice du chanteur. Bien des manuscrits et des éditions imprimées ne donnent que les textes chantés, qui peuvent être en italien, en espagnol, ou dans divers dialectes italiens. Ces sources ne comportent ni mélodie écrite, ni indication claire quant au rythme ; l’harmonie est notée en alfabeto au-dessus du texte. La mélodie doit donc être improvisée. Faute d’indications dans le texte, il est tout à fait impossible de reconstituer ces pièces de nos jours. Nous avons cependant intégré dans notre enre- gistrement deux pièces qui préservent l’esprit de ce style. Nous avons cherché, à travers les improvisations vocales sur les harmonies de la Bergamasca et de la Romanesca ainsi que par le choix des textes en dialecte (qui correspondent aux régions dont proviennent les lignes de basse), à souligner l’aspect im- provisateur d’un style qui à notre sens devait impérativement figurer dans notre programme.

Mais une grande partie des pages vocales italiennes sont des pièces entièrement écrites, où le compositeur donne du texte une peinture musicale très expressive. Ce type de pièce laisse donc une li- berté improvisatrice uniquement à l’accompagnement et aux intermèdes instrumentaux de la basse conti- nue. Reflétée par le raffinement des diminutions vocales, la charge émotive et expressive du texte se voit ainsi soutenue par les improvisations des instruments accompagnateurs. En Italie, ce sont les premières com- positions vocales sur une basse de passacaille qui font de celle-ci une « basse de lamento », caractère que l’on retrouvera par la suite dans la musique instrumentale. Cette définition n’est cependant pas exclusive. On rencontrera aussi bien des textes de « lamento » sur des chaconnes (Voglio di vita uscir de Ferrari) que des textes passionnés sur des passacailles (Usurpator Tiranno de Sances), ce qui permet de conclure encore une fois que le tempo des basses obstinées s’adapte effectivement au caractère des paroles.

L’histoire des basses obstinées commence en Italie vers 1600, au moment où l’histoire de la mu- sique connaît son plus profond bouleversement avec la naissance d’une nouvelle vision du monde, de nouveaux instruments et d’un nouveau langage musical. Elle est contradictoire, complexe et surtout en perpétuelle évolution, exprimant des musiciens l’incommensurable soif de liberté artistique et la constante recherche de nouveauté, en même temps que la fidélité à une tradition profondément ancrée dans leur âme comme dans leur culture. ... et un peu de folie

« L’antica musica ridotta alla moderna prattica » (Nicola Vicentino, Roma 1555)

Ce sont les mêmes questions qui reviennent éternellement se poser au musicien : faut-il déve- lopper ou conserver, interpréter ou créer ? Quelle est la part de nouveauté que l’on peut ou doit apporter ? Où se situent les limites ? Quand et surtout comment doit-on ou peut-on les franchir ?

La naissance d’un nouveau style résulte toujours du perfectionnement d’un style précédent. De nouvelles idées plongent toujours de profondes racines dans d’anciennes pensées. De tout temps, on a cherché à toucher aux frontières pour aller au-delà, que ce soit à travers la complexité rythmique de l’ars subtilior du XIVe siècle, la polyphonie à cinquante-quatre voix de la fin de la Renaissance, la monodie et la seconda prattica du début du baroque, l’ornementation sophistiquée du haut baroque, sans oublier le romantisme tardif, qui exploite jusqu’au bout notre système tonal que la musique dodécaphonique finit par faire éclater.

Mais l’histoire musicale du XXe siècle a ceci de particulier qu’elle juxtapose tous ces styles, établissant en outre une division entre musiques « légère » et « sérieuse », ou encore classique, ancienne et contemporaine. Autre particularité : la musique « légère » connaît une évolution créative rapide, du jazz classique au free jazz, de la beat et de la pop au rock, au jazz rock et au hard rock, au heavy metal, à la techno, au rap et au crossover. Tandis que cette musique contemporaine « légère » parle à la majeure par- tie du public d’aujourd’hui, la musique contemporaine « sérieuse » s’éloigne de plus en plus du cœur des auditeurs. D’autre part, c’est la musique « classique » qu’il faudrait désormais qualifier d’ « ancienne » : on y joue un répertoire constitué depuis longtemps, selon des possibilités d’interprétation trop bien définies pour que chaque génération de musiciens puisse réellement découvrir du nouveau. Et c’est la musique dite « ancienne » qui est porteuse de nouveauté dans le domaine « classique » : elle nous mène à redécouvrir l’harmonie, la vaste palette des instruments anciens, la beauté indescriptible des divers styles, mais surtout la liberté d’interprétation et d’improvisation des musiciens – à condition que ceux-ci maî- trisent les règles à observer. Redécouvrir et intégrer les règles d’une culture disparue depuis longtemps, maîtriser avec toute la virtuosité nécessaire les instruments d’un passé révolu et la musique d’une tradi- tion interrompue, telle est la tâche inépuisable et passionnée de plusieurs générations qui ont ouvert devant elles un nouveau champ d’action. Au XXIe siècle, il semble que l’on soit parvenu à un stade où l’espace et le temps se confon- dent, ce qui jette un pont entre les divers modes d’expression. Après avoir exploré pendant des siècles toutes les possibilités harmoniques et rythmiques de notre système tonal, nous aspirons à un langage har- monique universel susceptible de traduire l’essence même de la musique, d’accorder une certaine li- berté au musicien et de toucher l’auditeur. Les frontières disparaissent, tandis qu’au gré des rencontres, les différents langages musicaux forment entre eux de nouvelles images kaléidoscopiques. Improviser en faisant le grand écart entre deux styles soulève naturellement un certain nom- bre de questions : a-t-on le droit de faire cela ? Qu’a-t-on exactement le droit de faire ? Comment s’appelle le style qui en résulte ? Mais les questions intéressantes demeurent celles-ci : où se situent nos points de contact ? Quelle est l’essence même de l’improvisation ? Que pouvons-nous apprendre les uns des autres ?

Pour un musicien, de quelque horizon qu’il vienne, l’improvisation est la forme la plus directe de communication avec l’auditeur. Dans l’histoire de l’humanité, elle a toujours été pour chaque civili- sation la toute première forme de musique. Elle fait entendre notre voix intérieure influencée par notre édu- cation musicale. Nous avons aujourd’hui la liberté de choisir, et la voie que nous avons choisie est l’expression de notre être le plus profond. La musique à travers laquelle nous souhaitons communiquer nos émotions est le reflet de notre âme.

Christina Pluhar, Paris, 14. 04. 04 Traduction : Virginie Bauzou

Vox Humana

Si la musique existe, c’est aussi et surtout parce que la parole existe. Le besoin de communiquer est l’ex- pression naturelle de l’homme dans toutes les cultures du monde et la voix est son instrument principal. Connaî- tre une langue signifie connaître ses nuances, ses intonations, ses accents, ses couleurs. Ces caractéristiques fondamentales du langage donnent à la musique de la fin de la Renaissance et de l’aube du Baroque en Italie son charme si particulier. L’expression vocale ne se cantonne pas uniquement au son. L’exigence de raconter, de transmettre une émotion, que ce soit un sourire ou une plainte, un cri d’amour ou le désespoir d’un murmure, l’idée d’exprimer un sentiment ne peuvent convaincre que si l’on abandonne la « forme » du mot pour se consacrer au contenu, à sa signification profonde, à « l’essence » de la parole prononcée ou chantée. C’est ce qui se passe dans la littérature musicale de cette époque.

Sur ces bases, parfois évidentes mais parfois non respectées, naît l’expérience de cette collaboration nouvelle : la voix en tant qu’instrument, le désir de dialoguer avec d’autres instruments – ceux-ci visibles et concrets – dans un langage qui est vraiment universel et qui devient immédiatement compréhensible grâce aux qualités humaines de ceux par qui ces mêmes instruments parviennent à chanter.

Marco Beasley Vox Humana

If music exists, it is also and above all because speech exists. The natural need to communicate, with the voice as the principal instrument of expression, is common to all cultures of the world. To know a language means to un- derstand its subtleties, its intonations, its accents, its colours. These basic features of language are what gives music of the late Renaissance and early Baroque in its very specific charm. Vocal expression is not only sound, the need to relate, to convey an emotion, be it a smile, a lament, a cry of love or a sigh of despair, the expression of fee- ling can only be convincing if we concentrate not on the ‘form’ of speech but on its content, its deeper meaning, the ‘substance’ of the word, spoken or sung. And this is what happens in musical literature of that period.

On these premises, which may seem evident, but which are not always respected, is based the experience of this new collaboration: the voice as an instrument, the desire to interact with other instruments – which are both visible and tangible – using a language that is truly universal and which is made immediately intelligibility by the human qualities of those who make these instruments sing.

Marco Beasley

1. Voglio una casa1 Je veux une maison1

Voglio una casa, la voglio bella Je veux une maison, je la veux jolie, Piena di luce come una stella remplie de lumière comme une étoile, Piena di sole e di fortuna remplie de soleil et de chance E sopra il tetto spunti la luna et que sur son toit se lève la lune, Piena di riso, piena di pianto remplie de rires, remplie de pleurs. Casa ti sogno, ti sogno tanto Ô ma maison, je rêve de toi, je rêve tellement de toi. Dididindi, Dididindi... Dididindi, Dididindi... Voglio una casa, per tanta gente Je veux une maison pour beaucoup de monde. La voglio solida ed accogliente, Je la veux solide et accueillante, Robusta e calda, semplice e vera forte et chaude, simple et vraie, Per farci musica matina e sera pour y faire de la musique du matin au soir E la poesia abbia il suo letto et où la poésie aurait son lit. Voglio abitare sotto a quel tetto. Je veux habiter sous ce toit. Dididindi, Dididindi... Dididindi, Dididindi... Voglio ogni casa, che sia abitata Je veux une maison qui soit habitée E più nessuno dorma per strada et que plus personne ne dorme dans la rue Come un cane a mendicare comme un chien, en mendiant Perchè non ha più dove andare n’ayant plus nulle part où aller, Come una bestia trattato a sputi se faisant cracher dessus, comme une bête E mai nessuno, nessuno lo aiuti. sans que pas un, pas une, ne l’aide. Dididindi, Dididindi... Dididindi, Dididindi... Voglio una casa per i ragazzi, Je veux une maison pour les jeunes, che non sanno mai dove incontrarsi qui ne savent jamais où se rencontrer e per i vecchi, case capienti et aussi pour les vieux, des grandes maisons che possano vivere con i parenti pour qu’ils puissent vivre avec leurs proches : case non care, per le famiglie des maisons pas chères, pour les familles e che ci nascano figli e figlie. où naîtront des fils et des filles. Dididindi, Dididindi... Dididindi, Dididindi... I want a house1

I want a house, I want it to be beautiful, Filled with brightness like a star, Filled with sunshine and good fortune, And for the moon to rise above the roof, Filled with laughter, filled with tears. House, I dream of you, how I dream of you! Dididindi, dididindi...

I want a house, for lots of people, I want it to be strong and welcoming, Firm and warm, simple and real, For making music morn and eve, And where poetry would have its bed; I want to live under that roof. Dididindi, dididindi...

I want a house that is lived in And for no one to sleep in the street Any more, begging like a dog Because there is nowhere to go, Treated like an animal and spat upon, And with no one, no one who helps. Dididindi, dididindi...

I want a house that is lived in And for no one to sleep in the street Any more, begging like a dog Because there is nowhere to go, Treated like an animal and spat upon, And with no one, no one who helps. Dididindi, dididindi... 1 © Lucilla Galeazzi

La mélodie de cette composition s’inspire d’une vieille chanson populaire de Sardaigne que l’on chante sur une basse obstinée ty- piquement sarde, avec d’intéressantes variations rythmiques. Semblable aux tarentelles d’Italie du Sud, cette basse obstinée tra- ditionnelle, encore en usage de nos jours, rappelle celles du XVIIe siècle.

The tune to this piece was inspired by an old Sardinian folk song using a typically Sardinian ostinato bass, with interesting changes of rhythm. As in the tarantellas of southern Italy, this traditional ostinato bass (still in use to this day) calls to mind the ostinato basses of the seventeenth century.

5. Turlurù Turlurù (attr. Paolo Scoto, 15e siecle)

Turlurù la capra è moza, Turlurù, non capisco più nulla; Tu me pass no de bebé, non mi farai passare per scemo, Pò fa' quest Domedè, questo può farlo solo Dio, Che de mi not curi goza. che di me non ha più bisogno. T'ho amada za tant agn, Ti ho amata per tanti anni E servida fidelmet, e fedelmente ti ho servita, Ma comprendi chiaramet, ma comprendo con chiarezza Ch'o spis el tep e rot i pagn. che ho perso tempo e stracciato i miei panni. Snot fasti cont di fat me, Hai fatto sempre i conti con i fatti miei Che nol disivi al prim trat, anche se non lo ammettevi mai; Crit perzò che sia u' mat, perciò credi che sia io il matto... E so' pur, ché so el ma fè. Credilo pure: io seguo il mio destino.

Turlurù Turlurù (attr. à Paolo Scoto, 15e siècle) (attr. Paolo Scoto, 15th century)

Turlurù, la tête est vide. Turlurù, my head’s empty; Tu ne me feras pas passer pour un idiot, You won’t get people to take me for an idiot, ça, Dieu seul peut le faire, The only one who can do that is God, qui ne se soucie plus de moi. Who doesn’t care about me. J’aurais pensé que même un âne I would have thought that even an ass se tournerait à mes prières, Would have heeded my prayers, comme aussi les serpents ou les bêtes féroces... And also snakes and ferocious beasts, Mais tu as autant d’oreille qu’une bassine. But you have the ears of a bucket! Je t’ai aimée de si longues années durant I have loved you for so many years et t’ai servie fidèlement, And faithfully I have served you, mais je comprends clairement But I see clearly that I have wasted que j’ai perdu mon temps et usé mes vêtements. My time and worn out my clothes. Tu as toujours cherché ton compte avec mes affaires You have always done well out of me, même si tu ne voulais pas l’admettre ; Even though you wouldn’t admit it; pour cela tu crois que le fou c’est moi... That’s why you think I’m the fool... Crois-le, si tu veux : je vais suivre ma destinée. Believe it if you like: I’ll follow my destiny. Adaptation du texte à la Bergamasque instrumentale à partir d’une idée de Marco Beasley. Remarque : Le texte du Turlurù se trouve dans une frottola homonyme sur une musique attribuée elle aussi à Paolo Scoto. Elle contient le texte d’une chanson populaire dont nous avons perdu toute trace, mais qui est citée par Teofilo Folengo (1491-1544) dans la Maccheronea XXIII, publication posthume en 1552 : Tur lu cantemus, tur lu capra mozza sonemus.* (Tur lu chantons, tur lu jouons la tête vide ndt) La version mise en musique par Paolo Scoto est sans doute proche de celle citée par Folengo et s’articule sur un lexique dialectal de la plaine du Pô, si ce n’est sur un patois plus précisément typique de la région de Bergame. Ceci nous a donné l’idée de rap- procher ce texte de la « basse de bergamasque », presque dans un dialogue idéal avec l’instrument solo.

Marco Beasley originated the idea of combining this text with the instrumental bergamasca. Note: The text of Turlurù is found in a frottola of the same name, to music that is also attributed to Paolo Scoto. It includes the text of a popular song, all trace of which has now been lost, but Teofilo Folengo (1491-1544) quotes in his Maccheronea XXIII, published posthumously in 1552: Tur lu cantemus, tur lu capra mozza sonemus.* (Let’s sing tur lu, let’s play tur lu capra mozza) The version set by Paolo Scoto is clearly close to the one quoted by Folengo and is based on a dialectal vocabulary from the area of the Po valley, if not directly from around Bergamo. This gave us the idea of combining this text with the ‘bergamasca bass’, thus creating an almost ideal dialogue with the solo instrument.

« l’essence »

* CF. Francesco Luisi, La Musica vocale nel Rinascimento, Torino, 1977 8. Ninna nanna sopra la Romanesca Berceuse sur la Romanesca Lullaby on the Romanesca (Tradizione del Lazio) (Tradition du Latium) (Traditional, Lazio)

Nanna-o nanna-o Nanna-o nanna-o Lulla lullaby, Questo fijo a chi lo dò? A qui donnerai-je cet enfant? Who shall I give this child to? Lo daró alla befana Je le donnerai à la Fée Carabosse : I’ll give him to old Witch: Che se lo tene ‘na settimana. elle le gardera toute la semaine. She’ll keep him for a week! Dormi dormi fijo bello Nanna-o nanna-o Lullaby, lullaby, Se nno vene Farfarello A qui donnerai-je cet enfant? Who shall I give this child to? Dormi dormi fijo mio Je le donnerai au Croquemitaine : I’ll give him to the Bogeyman: Se nno te ridò a Dio. il le gardera toute une année. He’ll keep him for a whole year! Fai la ninna, fai la nanna Dors dors, mon petit chéri Sleep, sleep, my lovely little darling Dormi bello della mamma sinon viendra le Lutin Or else the Goblin will come! Dormi bello de papà Dors, dors mon petit Sleep, sleep, my little darling Che mo smetto de canta’. sinon je te rendrai à Dieu. Or else I’ll give you back to God! Dors, dors, dors, Slumber, slumber, chéri de ta maman, Sleep, mummy’s little darling, dors, chéri de ton papa, Sleep, daddy’s little darling, car maintenant j’arrête de chanter. For now my song is over. Remarque : Les berceuses sont fortement enracinées dans la culture et la psychologie : témoignages du passage de la parole au chant (très im- portantes pour l’étude de la communication populaire), elles ne devaient pas uniquement calmer l’enfant et l’aider à s’endormir, mais étaient aussi pour la femme l’occasion d’une révolte verbale, révolte impossible autrement au cœur de la société paysanne. C’est ce qui explique l’utilisation dans les berceuses de textes qui ne sont pas toujours joyeux et sereins, mais où apparaissent des éléments dramatiques ou effrayants. Très souvent la musique qui accompagne ces textes est une lamentation à proprement par- ler. Le texte chanté ici est répandu partout en Italie : dans ce cas nous avons choisi la rédaction en patois de la région de Rome.

Note: Lullabies involve a strong cultural and psychological element: testimony to the transition from speech to song (of fundamental im- portance in the study of popular communication), not only did they soothe the child to sleep, but they also gave women an op- portunity to verbally vent their rebellion – a rebellion that was otherwise impossible in peasant society. This explains why the texts used for lullabies are not always joyful and serene, but sometimes contain dramatic elements or frightening images. Very often the music accompanying the texts is close to a lament. The words of this lullaby are found throughout Italy. We have chosen to per- form a version in the dialect that is spoken in Lazio, the capital of which is Rome.

Cf. Roberto Leydi, Canti popolari italiani, Milan, 1973.

10. Se l’aura spira* Si la brise soupire* If the breeze sighs* (Autore ignoto?) (Auteur inconnu ?) (Author unknown?)

Se l’aura spira tutta vezzosa Si la brise soupire, gracieuse, If the breeze sighs so charmingly la fresca rosa ridente sta la rose fraîche sourit, The fresh rose smiles la siepe ombrosa di bei smeraldi la haie ombragée et verdoyante The shady hedge of fine emerald green d’estivi caldi timor non ha. ne craint pas la chaleur de l’été. Fears not the summer’s heat. A’ balli, a’ balli liete venite Venez joyeuses danser, danser encore, To dance, to dance, come gladly, ninfe gradite, fior di beltà; jolies nymphes, fleurs de beauté ; Charming nymphs, flowers of beauty; or che si chiaro il vago fonte maintenant que l’eau claire de la belle source Now that the delightful spring so clear dall’alto monte al mar s’en va. descend de la haute montagne à la mer. Descends from the high mountain to the sea. Suoi dolci versi spiega l’augello L’oiseau chante doucement The bird presents its sweet poetry e l’arboscello fiorito sta, et l’arbrisseau est fleuri ; And the sapling is abloom; un volto bello all’ombra accanto un beau visage dans l’ombre A fair face in the shadow nearby sol si dia vanto d’aver beltà. ne doit être fier que de sa beauté. Must boast only of its beauty. Quest’aura spira e dona freschezza Cette brise soupire et apporte fraîcheur This breeze sighs and brings coolness e una carezza a un bel viso da: en caressant le beau visage : And caresses a beautiful face: negli occhi belli una lagrima accorta de si beaux yeux une larme attentive In those lovely eyes, a furtive tear, d’amore scorta, sul bel seno và. compagne de l’amour, descend sur la gorge Love’s escort, falls to a fair breast. Di chiare nubi è l’aria serena charmante. The sky is cloudless and clear, Di gioia piena il giorno sarà; L’air est serein et sans nuages : The day will be full of joy; di luce ardente si tinge la sera la journée sera pleine de joie ; The evening takes on a glowing tinge e la natura nel sonno cadrà. le soir se pare de lumière ardente And nature is about to fall asleep. Al canto, al canto, ninfe ridenti et la nature va tomber dans le sommeil. Sing, sing, joyful nymphs, scacciate i venti di crudeltà Par vos chants, par vos chants, ô nymphes joyeuses, Drive away the cruel winds! al canto al canto ninfe ridenti repoussez les vents de la cruauté. Sing, sing, joyful nymphs, scacciate i venti di crudeltà. Par vos chants, par vos chants, ô nymphes joyeuses, Drive away the cruel winds! repoussez les vents de la cruauté.

* I versi della IV e V strofa sono stati redatti da Marco Beasley les vers de la IVe et Ve strophe sont de Marco Beasley Strophes IV and V by Marco Beasley 15. Cantata sopra il Passacaglio. Diatonico (Autore ignoto) Rielaborazione non letteraria del testo

Così dal lungo sangue sparso per gli occhi fuor, Così, attraverso i miei occhi grondanti sangue in lagrimoso umor son fatto esangue. le forze mi abbandonano. E’ ’l mio tormento sì grave: hor sento che teme l’alma mia Il mio è un tormento infinito: mi sento l’anima in preda al timore ch’il mio primo suspir, l’ultimo sia. che il mio prossimo sospiro sia anche l’ultimo. Pietà dunque, confesso quell’amoroso ardor Chiedo, dunque, pietà: confesso quell’ardore amoroso che commise il mio cor, ah! troppo spesso! che il mio cuore troppe volte ha provato. Prima peccai perché adorai un’idolo d’orgoglio Il mio primo peccato fu di adorare una falsa dea d’orgoglio, una donna non già, ma un crudo scoglio. una donna più dura e crudele di uno scoglio di pietra. Confesso che ostinato nutrii nel sen l’ardore Confesso che ostinatamente nutrii nel cuore l’ardore per lei e ‘l suo infernal dolore chiamai beato. e chiamai beatitudine il dolore infernale del suo rifiuto. E à un dolce volto, solo rivolto dietro sue false scorte, E rivolsi a un viso a me dolce, ma nascosto sotto i suoi falsi sguardi di mio proprio voler corsi alla morte. i miei pensieri; e di mia propria volontà mi volsi alla morte. Confesso che la vita io presi à sdegno ancor Confesso che presi a sdegno la vita e fui geloso ed invidioso e invidiai tal hor chi la compita. di chi la sa vivere giorno dopo giorno. Con gli occhi ardenti e troppo intenti ladro accorto furai I miei occhi troppo ardenti ed accecati rubavano l’oro d’un crin e d’un bel volto i rai. l’oro dei suoi capelli ed i raggi di quel bel volto. Credei che fusse in viso qual serpente trà fior il Paradiso. Credetti che il suo viso di serpente fosse come i fiori del Paradiso. Bramai sovente e ingordamente d’un sen le forme intatte Desiderai spesso ed ingordamente il suo corpo, d’un petto i pomi e di una mano il latte. i seni pieni ed intatti e le mani bianche come latte. Hor ti prego à pietate, che preghi con fervor le luci amate: Hor ti prego pietosamente (Amore), che possa tu parlare ai suoi occhi: che s’una volta ella t’ascolta, già purgato ne’ pianti, perché se per una volta lei ti ascoltasse, potrei uscire dal purgatorio mi leva al ciel de’ più beati amanti. del mio pianto ed innalzarmi al cielo dei più beati amanti.

Nota: Mi sono preso la libertà di accostare questa “rilettura” del testo alla composizione poetica vera e propria, per avvicinare il lettore non italiano ad un testo forse più vicino all’uso comune della nostra lingua. Tale rilettura è solo una personale interpretazione del testo cantato e non ha nessuna pretesa di sostituirsi alla perfezione stilistica dell’originale.

15. Cantate sur le Passacaglio1 (Auteur inconnu ?)

C’est ainsi que par le sang ruisselant de mes yeux, je me languis. Mon tourment est si lourd : je sens maintenant que mon âme redoute que mon premier soupir ne soit le dernier. J’implore pitié, j’avoue cet amour brûlant que mon cœur a, hélas, trop souvent ressenti ! J’ai d’abord péché en adorant une idole orgueilleuse : ce n’était pas une femme, mais un rocher cruel. J’avoue avoir nourri obstinément cette flamme et avoir appelé béatitude la douleur infernale de son refus. Et, tourné vers un visage certes doux, mais suivant des regards mensongers, c’est de ma propre volonté que j’ai couru à la mort. J’avoue que j’ai pris en grippe la vie et que j’ai envié celui qui la vit au jour le jour. Avec mes yeux ardents et fascinés j’ai volé des cheveux d’or et les regards lumineux de ce beau visage. J’ai cru que son visage de serpent était comme les fleurs du Paradis. J’ai souvent et avidement cherché les formes de son corps, ses seins intacts et ses mains blanches comme du lait. Maintenant, je te prie (Amour), pour que tu implores ses yeux bien-aimés : car si elle t’écoutait une fois, sortant du purgatoire de mes pleurs, je monterais au ciel des amants bienheureux.

1 J’ai pris la liberté d’associer cette “relecture” du texte à la composition poétique à proprement parler, pour rapprocher le lecteur non- italien d’un texte peut-être moins éloigné des tournures habituelles de notre langage d’aujourd’hui. Cette relecture est une in- terprétation personnelle du texte chanté et ne prétend pas remplacer la perfection stylistique du texte original.

Song on the Passacaglia* (Author unknown?)

Thus, with blood streaming from my eyes, my strength abandons me. Mine is infinite suffering: I feel in the terror of my soul that my first sigh will also be the last. So I beg for mercy, I confess to the amorous ardour that my heart, alas, has felt too often. My first sin was to worship a proud idol, not a woman, but a hard, cruel stone. I confess that persistently I fed that flame and called the terrible suffering of its unrequitedness bliss. And I turned to a face that was indeed sweet, but I hid my thoughts beneath false glances, and of my own free will I turned to death. I confess that I took to despising life and envied him who lived from day to day. My eyes, ardent and too intent, stole the gold of her hair and the brightness of that fair countenance. I thought her serpent’s face was like the flowers of Paradise. Often fervently I desired her body, her unsullied breasts, her hands as white as milk. Now, (Love,) I beg you piteously, that you may plead with her beloved eyes: for if she listened to you once, I could leave the purgatory of my tears, and rise to the heaven of the most blissful lovers.

* I took the liberty of associating this “re-reading” of the text to, strictly speaking, a poetic composition, to bring a non-Italian reader closer to a text can be less distant to the normal turn of our language today. This re-reading is a personal interpretation of the sung text and does not look to replace the stylistic perfection of the original text.

Traduction française : Maria Laura Bardinet Broso Translation: Mary Pardoe

Ciaccone, Bergamasche...

Ostinato basses have always exerted a great fascination. They formed, and still form, the basis of Spanish, Italian, Portuguese and South American traditional music; they found their way into the music of every court in Europe, reaching their highest popularity between the sixteenth and eighteenth centuries; they were rediscovered by the Romantics, then by composers of the present day, and they were also adopted by jazz musicians. In every case, whatever the musical idiom or culture, they allow scope and freedom for instrumental and vocal improvisation and enable composers and interpreters alike to demonstrate their creativity, imagination and virtuosity.

The existence of ostinato basses in fact predates the earliest written sources. Most of the ones that were in use in seventeenth-century Italy were traditional dance-songs imported from South America and the Mediterranean, and on the harmonic schemes of these various song texts were improvised.

Ciaccona The ciaccona, or chaconne, a dance-song of traditional South American origin, was first mentioned in Peru in the sixteenth century. The dance found its way to Spain in the early seventeenth century, before reaching Italy via Naples. In Spain, where it was accompanied by guitars, castanets and a tambourine, it was used for comic (and often bawdy) sequences. In Italy the melodic, syncopated bass was developed. This was very popular with seventeenth-century composers, who added virtuoso instrumental and vocal embellishments to the harmonic schemes. The later Baroque ciaccona was transformed harmonically until it became very similar to the passacaglia.

Bergamasca The bergamasca is a traditional song and dance from the district of Bergamo. Among the earliest pieces that bear the name are two texted examples, songs in Bergamascan dialect by Filippo Azzaiolo (1569). It is impossible to say whether the texts were originally dialectal poems or traditional songs. In the seventeenth century many virtuoso compositions were based on this theme, which is still found to this day in traditional Italian music.

Folia In 1611 Covarrubias Horozco explained that the name folia, meaning ‘mad’ or ‘empty-headed’, was appropriate because the dance was so fast and noisy that the dancers seemed out of their minds. The sources that have come down to us do not enable us to determine whether the folia is of Eu- ropean or South American origin. The name first appeared in Portugal in the fifteenth century in connec- tion with singing and dancing, and it soon spread to Spain. But the folia may have been one of the first dances imported into Portugal from the New World. Portuguese folia texts appear in the works of Gil Vin- cente (written between c1503 and c1529), and Spanish texts in the Recopilación en metro by Diego San- chez de Badajoz (published posthumously in 1554). In the seventeenth century the folia was popular in Spain as a sung dance, accompanied by the five-course guitar and sonajas (metal discs attached to a wooden ring). In early seventeenth-century Italy many folias were written in alfabeto notation for the guitar; these pieces call for rhythmic improvisation from the guitarist. In the eighteenth century the instrumental folia became a noble, courtly theme. Its extraordinary, timeless harmony served as a basis for virtuoso compositions in Italy and France.

Passacaglia The name comes from pasar, to walk, and calle, street: the passacaglia was probably originally a song that was sung walking along the street, i.e. in procession. The term became attached in Spain to the instrumental ritornellos that were performed between the verses of the song (ritornello-passacaglia). The music of such pieces follows the harmonic sequence I–IV–V–I and may be in major or minor mode, triple or quadruple metre.

Seventeenth-century Italy gave rise to the famous descending tetrachord in the minor, which as the bass scheme of the lamento characterises vocal and instrumental compositions bearing the name pas- sacaglia. But under this same name one also comes across other harmonic schemes: chromatic variants of the descending tetrachord, descending tetrachord in the major (which later merged with the ciac- cona), the I–IV–V–I sequence of the ritornello-passacaglia (as in the anonymous piece entitled Passa- caglia della Vita, in which the harmonic scheme corresponds to Athanasius Kircher’s 1641 definition of the tarantella bass). Nowadays the ritornello-passacaglia is still found in the traditional music of South America under the name of passacalle or paseo.

Romanesca The romanesca antica presented on this recording appeared under different names in the six- teenth century. Its fine harmony was first written down in 1530, and in 1546 Alonso Mudarra presented a piece entitled Romanesca: o Guàrdame las vacas. Such pieces also appeared under the title Favorita or Fantinella. In Italy in the early seventeenth century a new bass came into being which had nothing in common with the romanesca antica but was nevertheless known as romanesca. In the works of Santiago de Mur- cia (Mexico, early eighteenth century) we find two examples of the romanesca antica, each with a dif- ferent rhythm: Bacas (3/2) and Los Impossibles (6/4). The romanesca antica is still found in traditional Mexican music.

Españoleta (or spagnoletta) From its name one would expect the españoleta to be of Spanish origin. However, the music first occurs in Italy, in Caroso’s Il Ballerino of 1581. Many versions were composed after that and until the end of the seventeenth century: Negri, Bentivoglio, Frescobaldi, Storace, Zanetti, Giamberti, Caresena, Gi- ramo, Coferati, Briceno, Sanz, Guerau. The instruction ‘Parole sopra la spagnoletta’ accompanies a text in a Florentine manuscript, and Matteo Coferati gave the discant melody with a sacred text in his Corona di sacre canzoni of 1689. In this tripartite bass, it is interesting to note that the first section is similar in harmony and rhythm to the tarantella napoletana described by Athanasius Kircher.

Kapsberger This charming and amazingly modern bass was ‘invented’ by the composer Girolamo (or Hie- ronymus) Kapsberger in 1641, whence its name. It is the metrical ambiguity (between a suggested 6/8, a 3/4 or a syncopated 4/4) that gives this bass its surprisingly up-to-date sound.

The composition of new ostinato basses was not exceptional. The ostinatos borrowed from traditional music were so popular that many new bass melodies came into being through Italian composers such as Monteverdi (Laetatus sum), Cazzati (Capriccio supra sette note), Merula (Ninna, Nanna), Sances, Cavalli and many others. Likewise, countless grounds were composed by Byrd, Purcell and Simpson in England, then by Schmelzer, Biber, Buxtehude, Bach and Handel in Germany and Austria.

Alfabeto per la chitarra spagnola Alfabeto was a chord notation system for the Baroque guitar, in which five-note chords for the left hand are represented in shorthand by a simple symbol (letters of the alphabet). This type of notation, which appeared in the seventeenth century, leaves the guitarist completely free to improvise rhythm and melody, to construct the piece as he thinks fit and decide on its duration. As in flamenco, he may use the rasgueado (strumming) or punteado (plucking) techniques.

Responsible for the immense propagation of the ostinato basses in seventeenth-century Italian instrumental music was the chitarra spagnola, the newly invented five-course Baroque guitar imported from Spain via Naples, which soon became extremely popular in Italy. Girolamo Montesardo’s Nuova inventione d’intavolatura per sonare li balletti sopra la chitarra spagnuola, senza numeri e note (Na- ples, 1606), a collection of pieces for Baroque guitar using the alfabeto system, was one of the first published works containing a large number of ostinato basses. And many more such publications followed throughout Italy until about 1640. The alfabeto system testifies strongly to the improvisational character of these pieces.

Soon after the first publications for Baroque guitar appeared in the seventeenth century, almost all Italian composers were using ostinatos in their pieces, whether secular or sacred. Until the end of the century the improvisational character of such pieces was retained above all in instrumental music. Variations over ostinato basses for harmonic instruments, such as the harpsichord, theorbo, lute, guitar and harp, or for an ensemble of melodic instruments, may be classified as follows: 1) Published works, in which the successive variations, clear in structure, are characterised by compositional creativity and virtuosity. 2) Manuscripts and published works in which some of the improvisational ideas have been set down, but in which only a few of the variations have been briefly outlined. Many of these examples are too sketchy to be used as complete pieces, but they nevertheless provide valuable information about musical idiom and improvisational practice. 3) A combination of the above two categories, providing a number of composed variations (or di- ferenzias) that may be altered, lengthened or shortened through extemporisation.

In seventeenth-century vocal music over ostinato basses, two quite different approaches can be distinguished: There are numerous references to very free settings of the words, to the singers’ freedom to ex- temporise. A large number of manuscripts and prints provide only the vocal texts in either Italian, Spa- nish or various Italian dialects; they contain no written melody and give no clear indication of rhythm; the harmony is represented in alfabeto above the text; the melody can be improvised. The lack of indi- cations in the notation means that these pieces are quite impossible to reconstruct nowadays, but we have nevertheless included two pieces in our recording: Turlurù and Ninna, nanna, which convey the spirit of that style. The vocal improvisations over the harmonies of the Bergamasca and the Romanesca, as well as the choice of dialectal texts (corresponding to the regions where the bass lines originated), aim to underline the improvisational aspect of a style that we felt must be represented in our programme. However, most Italian vocal compositions are through-composed pieces in which the composer renders the meaning of the words most expressively. In this case, improvisational scope is limited to the accompaniment and to the instrumental intermezzos performed by the continuo. The emotional qualities and expressiveness of the text are again reflected in the refinement of the vocal diminutions and are supported by the improvisations of the accompanying instruments. The passacaglia bass was defined only as a ‘lamento bass’ by the first vocal compositions in Italy, and thus it also took on that character in instrumental music. Interestingly, however, that established definition did not remain consistent. One finds lamento texts over ciacconas (Ferrari’s Voglio di vita uscir) and passionate texts over passacaglias (Usurpator Tiranno by Sances) – which leads us to conclude once again that the tempo of the ostinato basses was flexibly adapted to suit the character of the text. The history of ostinato basses in Italy began around 1600, at the time of the greatest upheaval in musical history, when a new perception of the world, new musical instruments and a new musical language emerged. It is contradictory, complex and above all subject to constant change, expressing on the one hand the musicians’ immeasurable thirst for artistic freedom and perpetual quest for new ideas, and on the other their adherence to a tradition that is deeply rooted in their souls and in their culture.

...e un po’ di Follie

‘L’antica musica ridotta alla moderna prattica’ (Nicola Vicentino, Rome, 1555)

All musicians find themselves faced with the same questions. Should we elaborate or preserve, interpret or create? How far can or must we go in terms of innovation? Where are the limits? And when

– and above all how – can or must we overstep those limits?

The emergence of a new style is always the result of the consummation of a previous style; new ideas always have roots that delve deeply into earlier conceptions. Whether in the rhythmic complexity of the ars subtilior of the late Middle Ages, the fifty-four-part polyphony of the end of the Renaissance, the monody and the seconda prattica of early Baroque, the complex ornamentation of high Baroque, the exploration of our tonal system during the late Romantic period and the explosion thereof in dodecaphony, man has always sought out the limits with the aim of overstepping them.

But unique in musical history is the twentieth-century juxtaposition of all those styles, the break- down into ‘light’ and ‘serious’ music and the division into ancient, classical and contemporary music. Unique too is the rapid creative development of so-called ‘light’ music, from trad jazz to free jazz, from beat and pop to rock, jazz-rock and hard rock, heavy metal, techno, rap and crossover. This contemporary ‘light’ music appeals to much of today’s music-loving public, while ‘serious’ contemporary music gra- dually becomes more and more remote from the listener’s tastes. Moreover, it is ‘classical’ music, with its unchanging repertoire and its strictly defined interpretative rules, leaving no room for innovation, that should really be described as ‘ancient’. And it is so-called ‘ancient’ music that is in fact the provider of new ideas, leading us to rediscover harmony, the vast range of colours provided by its instruments, the inef- fable beauty of its various styles and, above all, the interpretative and improvisational freedom that is available to its musicians, once they have grasped the necessary rules. For several generations now, musicians have set themselves the task of rediscovering and assimilating the rules of a culture that disappeared long ago, of mastering, with all the necessary virtuosity, the instruments and the music of a long-cea- sed tradition. Their passion and devotion have opened up a whole new province of musical possibilities.

In the twenty-first century, we appear to have reached a point at which space and time merge, crea- ting a bridge between various modes of expression. After exploring all the harmonic and rhythmic possibilities of our tonal system for hundreds of years, we now aspire to a universal harmonic language that is capable of conveying the essence of music, allowing the musician a certain freedom, and touching the listener. The limits disappear, while the combination of different musical idioms forms kaleidosco- pic images as musicians from different backgrounds get together.

Improvising, while trying to bridge the gap between two styles of music, naturally raises a number of questions. Have we the right to do this? What exactly are we allowed to do? What is the name of the resulting style? But the most interesting questions are these: What do we have in common? What is the basic pith of improvisation? What can we learn from one another?

For a musician, whatever his background, improvisation is the most direct form of communication with the listener. In every age and culture, improvisation came before all other forms of music. It exposes our true, inner voice, which has been affected by our musical training. Today we are free to choose, and our chosen path is an expression of our innermost being. The music we use to express our emotions is the mirror of our soul.

Christina Pluhar, Paris, April 2004

Translation: Mary Pardoe