UNIVERSITÉ DE VIII - VINCENNES-SAINT-DENIS École doctorale Cognition, Langage, Interaction Laboratoire Paragraphe

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THÈSE

Pour obtenir le grade de DOCTEUR DE L'UNIVERSITÉ PARIS VIII Discipline : Sciences de l'information et de la communication

Présentée et soutenue publiquement par Magali MACELI le 20 juin 2008

Titre : LA « SOCIÉTÉ DE L’INFORMATION » : DU MIRAGE COLLECTIF AU PROJET PARTAGÉ ?

ÉLÉMENTS POUR UNE CULTURE INFORMATIONNELLE COMMUNE

Directeur de recherche : Claude BALTZ, Professeur à l’Université Paris VIII

Jury : Bruno HENOCQUE, Maître de conférence à l’Université du Havre Jean-Luc MICHEL, Professeur à l’Université de Saint-Etienne Patricio TUPPER, Professeur à l’Université Paris VIII

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REMERCIEMENTS

REMERCIEMENTS

Je tiens tout d’abord à adresser mes remerciements à Monsieur Claude BALTZ, mon directeur de thèse, pour m’avoir conseillée tout au long de ce travail et pour la confiance qu’il m’a témoignée dans ce cadre. Il a su me laisser la liberté nécessaire à l'accomplissement de mes travaux, tout en y gardant un œil critique et avisé.

Un doctorat est un travail de longue haleine qui demande efforts et discipline mais dont la réussite repose, pour beaucoup, sur l’entourage. J'aimerais remercier, dans les quelques lignes qui suivent, celles et ceux qui m'ont offert le soutien nécessaire pour mener à terme cette aventure. Je souhaite également par ces remerciements exprimer le caractère hautement collectif de ce parcours, qui par sa durée, ses exigences, son importance dans la vie quotidienne, a constitué autant de temps « volé » aux proches et leur a souvent demandé une infinie patience.

Je tiens donc à remercier toute l’équipe qui a contribué, à différents degrés, à l’aboutissement de ce projet qui me tenait à cœur. En premier lieu, je souhaite ici remercier Rosette et Jeannot Tama dont la contribution précieuse aura permis que ce mémoire ne soit pas truffé de coquilles, « fotes d’ortograf » et autres accords imparfaits. (« Mé-Heu ! Maîtresse ! Y’avait des fautes d’étourderie aussi !!! »). Merci donc pour leur relecture avisée, attentive et bienveillante.

Je me dois pour poursuivre, de souligner la compréhension et la patience de mes amis, ceux qui restent après ces années de délaissement. Les vrais, les fidèles, ceux avec qui on a l’impression de s’être vu la veille même après plusieurs mois...

Cela va de soi, je remercie évidemment ma famille pour son irremplaçable et inconditionnel soutien. Ils ont été présents autant dans les hauts que dans les bas qui ont jalonné mon doctorat, toujours confiants que j'y arriverai.

Enfin, mes remerciements vont tout naturellement à mon conjoint et à mon fils qui, depuis plusieurs années, accompagnent et « supportent » avec beaucoup de générosité une démarche forcément solitaire par moment. Sans eux, je ne serais pas allée jusque là, c’est une certitude.

Je remercie donc tout particulièrement, mon fils Antoine d'avoir patienté, maintes fois, jusqu’à la fin d'une phrase ou d'un paragraphe avant que je ne puisse jouer ou papoter avec lui. Merci d'avoir attendu que Maman « sorte de derrière son ordinateur », d’avoir voulu m’aider à « terminer mes devoirs pour la fac ». Et merci, d’avoir compris que c’était important pour moi, sans réellement savoir pourquoi et à quoi ça servait, mais toujours en me soutenant et en respectant mes besoins de m’isoler pour travailler. « Et après t’auras un nouveau travail ? Tu gagneras plus d’argent ? » « A quoi, ça sert alors ? ».

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Enfin, j'ai plusieurs fois hésité avant de terminer cette thèse. Je n'ai pas de mots pour remercier celui qui a été présent pour écarter les doutes, soigner les blessures et partager les joies. Comment remercier décemment celui qui a supporté mes agacements à répétition (matin, midi, soir et même au milieu de la nuit). Celui qui m'a entourée et apporté aide et soutien tout au long de ces pages, relisant et corrigeant, me motivant dans les instants de doutes, me freinant lors des engouements rapides. Celui qui m'a donné une foule de raisons personnelles et professionnelles pour achever ce travail. Que ces pages, Alexandre, rendent sereinement hommage à ta tendresse constructive et à ta constance indéfectible. Merci d’avoir été là tout au long de cette épopée, d’avoir su maintenir la stabilité et d’avoir en même temps fait avancer d’autres projets propices à notre solidité commune, à nos envies de jardinage et à nos rêves de potager.

Antoine et Alexandre, cette thèse est un peu la vôtre aussi...

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REMERCIEMENTS

Á la mémoire de mes Grands-parents, Antoine et Éléonore Maceli

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SOMMAIRE

SOMMAIRE REMERCIEMENTS ...... 3 SOMMAIRE...... 3

INTRODUCTION GÉNÉRALE...... 3

1ère PARTIE : L’INFORMATION PAR LES MEDIAS : QUELS ENJEUX ET DISCOURS MÉDIATIQUES ? QUE DIT LA TÉLÉVISION ? ...... 3

INTRODUCTION ...... 3 I/ CADRE DE RÉFÉRENCE : MÉCANISMES, ACTEURS ET ENJEUX DE LA MÉDIATISATION...... 3 A/ L’ INFORMATION PAR LES MEDIAS : QUI , QUOI , COMMENT , POURQUOI ?...... 3 B/ LES MÉCANISMES DE LA TÉLÉVISION ...... 3 C/ DU PAIN ET DES JEUX : ENCORE ET TOUJOURS … ...... 3 II/ CONTEXTE ET MÉTHODOLOGIE DE L’ÉTUDE...... 3 A/ CHOIX DU MÉDIA : TÉLÉVISION OU RADIO ? ...... 3 B/ SOURCES ET OUTILS UTILISÉS DANS LE CADRE DE LA RECHERCHE ...... 3 C/ MODALITÉS DE RECHERCHES ET CONSTITUTION DU CORPUS AUDIOVISUEL ...... 3 III/ RÉTROSPECTIVE TÉLÉVISUELLE - SOCIÉTÉ DE L’INFORMATION : QU’EN DIT LA TÉLÉVISION ?...... 3 A/ 1961-1977 : DE LA CYBERNÉTIQUE À L’ORDINATEUR DOMESTIQUE ...... 3 B/ 1978-1990 : DE LA TÉLÉMATIQUE AUX APPLICATIONS « GRAND -PUBLIC » ...... 3 C/ DÉBUT DES ANNÉES 90 – DÉBUT 2000 : INTERNET , AUTOROUTES ET SOCIÉTÉ DE L’INFORMATION ...... 3 CONCLUSION...... 3

2ème PARTIE : L’INFORMATION PUBLIQUE À L’ÉPREUVE DU TERRAIN 3

INTRODUCTION ...... 3 I / LA SOCIÉTÉ DE L’INFORMATION : QUELS DISCOURS POLITIQUES CES DERNIÈRES ANNÉES ?...... 3 II/ L’INFORMATION DES CITOYENS PAR (DANS) LES ADMINISTRATIONS....3 A/ L’ ADMINISTRATION ÉLECTRONIQUE : DISCOURS , PROJETS ET INTENTIONS ...... 3 B/ UNE MISE EN ŒUVRE COMPLEXE ...... 3 C/ TIC , INTERNET ET INÉGALITÉS : DES PROBLÉMATIQUES QUI DEMEURENT ...... 3 III/ INFORMATION : DE L’ACCÈS À LA PARTICIPATION ...... 3

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A/ RETOUR SUR LES NOTIONS DE CITOYENNETÉ ET D’ENGAGEMENT EN ..... 3 B/ QUELLE RELATION ENTRE INFORMATION ET ENGAGEMENT ? : RETOUR D’EXPÉRIENCE DE FEMMES DU VAL D ’OISE ...... 3 C/ LA RELATION INFORMATION / ENGAGEMENT CHEZ LES DOCTORANTS ...... 3 CONCLUSION ...... 3

3ème partie : DE L’INTÉGRATION DES DISCOURS AU « MIRAGE COLLECTIF » ...... 3

INTRODUCTION...... 3 I/ COMMENT EN SOMMES NOUS ARRIVÉS À UN « MIRAGE COLLECTIF » ? 3 A/ LA CAVERNE DE PLATON ...... 3 B/ REPRÉSENTATIONS SOCIALES DE LA SOCIÉTÉ DE L ’INFORMATION – TENTATIVE DE SYNTHÈSE DES IDÉES VÉHICULÉES ...... 3 II/ CONSOMMATION DE LA SOCIÉTÉ DE L’INFORMATION OU INFORMATION DANS LA SOCIÉTÉ DE CONSOMMATION ? ...... 3 A/ DE LA CONSOMMATION D ’INFORMATION ...... 3 B/ LES RISQUES DE L ’INCOMPÉTENCE INFORMATIONNELLE ...... 3 III/ L’INFORMATION ET LA COMMUNICATION NE SONT PAS DES MIRACLES !...... 3 A/ QUAND METTRE À DISPOSITION DE L ’INFORMATION NE SUFFIT PAS À INFORMER : L’INFORMATION , DES FANTASMES AUX RÉALITÉS ...... 3 B/ LES PRÉ -REQUIS , UNE PROBLÉMATIQUE QUI DEMEURE : DES COMPÉTENCES À DÉVELOPPER , UNE ATTITUDE A ADOPTER ...... 3 CONCLUSION ...... 3

4ème partie : LES ATTENTES FACE AUX IMPOSSIBLES DE L’INFORMATION, DE SES TECHNOLOGIES ET DE SES PROFESSIONNELS ...... 3

INTRODUCTION...... 3 I/ DES PRÉALABLES A L’INFORMATION ET A LA COMMUNICATION...... 3 A/ LA COMMUNICATION UN PROCESSUS COMPLEXE ...... 3 B/ DES BESOINS HUMAINS AUX BESOINS D ’INFORMATION ...... 3 II/ LES BESOINS D’INFORMATION FONDAMENTAUX : VIVRE- INFORMATIONNEL ET BESOIN D’ÉMISSION ...... 3 A/ LE BESOIN FONDAMENTAL D ’ÊTRE INFORMÉ : LE BESOIN DE VIVRE - INFORMATIONNEL ...... 3 B/ LE BESOIN D ’INFORMER , UN BESOIN D ’ÉMISSION DES ÉMETTEURS ...... 3

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SOMMAIRE

II/ POSTURE ET POSITIONNEMENT DES PROFESSIONNELS : QUELQUES PISTES...... 3 A/ LA CLARIFICATION DES BESOINS , UNE ÉTAPE INDISPENSABLE , MAIS COMMENT FAIRE ?...... 3 B/ UNE ATTITUDE GÉNÉRALE FACE À L ’INFORMATION , DES (IR-)RESPONSABILITÉS PARTAGÉES ...... 3 CONCLUSION...... 3

CONCLUSION GÉNÉRALE...... 3

ANNEXES...... 3

BIBLIOGRAPHIE & SOURCES ...... 3

Documents mentionnés dans le mémoire par ordre alphabétiques d’auteurs3 Documents vidéo mentionnés dans le mémoire par ordre chronologique .....3 Liste des tableaux...... 3 Table des illustrations ...... 3 Liste des sites internet mentionnés ...... 3

INDEX & TABLE DES MATIÈRES...... 3

INDEX DES NOMS PAR ORDRE ALPHABÉTIQUE...... 3 TABLE DES MATIÈRES ...... 3

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INTRODUCTION GÉNÉRALE

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INTRODUCTION GÉNÉRALE

Ces dernières décennies, nous avons été témoins d'un développement important des technologies de l'information et de la communication (TIC) sur le plan mondial. Ce phénomène d’informatisation de notre société est si massif que l’on parle désormais de Société de l’information . D’autres expressions telles que « Société de savoir », « Société de la connaissance », « Société de la communication », « Société de l’information globale », sont parfois employées. De même que le terme « société » peut être remplacé par « ère » ou encore « autoroute ». Mais même si quelques nuances résident dans ces différentes expressions, nous n’entrerons pas, malgré les débats existants par ailleurs, dans la distinction de ces différentes appellations que nous tiendrons à peu de chose près comme vocabulaire désignant une même idée. Celle d’une société au sein de laquelle les médias et l’informatisation sont censés favoriser et permettre l’accès à une information de qualité, à la connaissance, au savoir, à la communication pour tous. Nous avons choisi parmi ces différentes nominations celle de « Société de l’information » qui est la plus fréquemment utilisée dans les rapports et les textes d’orientations politiques sur « l’entrée de la France [et de l’Europe] dans la Société de l’information » des plans d’action gouvernementaux que nous évoquerons par la suite .Nous la reprendrons donc à notre compte pour les besoins de notre recherche.

Cependant, si nous avons pu développer une connaissance en la matière dans le cadre de notre premier travail de recherche 1 et donc lire et

1 Magali MACELI, La Société de l’information entre intentions, potentiels et inerties : Dépasser la logique techniciste pour promouvoir une approche sociale et culturelle .- Sous la dir. de Claude BALTZ, DEA « Enjeux sociaux des NTIC », Université Paris 8, Saint- Denis, 2002.

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étudier un grand nombre d’ouvrages et de rapports sur le sujet, un constat s’est rapidement imposé à nous : la majorité des personnes de notre entourage, hormis nos quelques interlocuteurs universitaires, n’avait qu’une perception floue et morcelée du concept de Société de l’information. Pourquoi ? Cette problématique soulève pourtant de nombreux enjeux et réflexions de fond et fait l’objet de politiques et financements publics. Donc au commencement de cette recherche, notre interrogation initiale fut la suivante : Comment la société civile est-elle informée au sujet de la Société de l’information ? Mais par quel biais étudier l’information de la société ? Nous avons procédé par élimination : un non-spécialiste des sciences de l’information et de la communication, ne lit pas, ou très exceptionnellement, les rapports ou ouvrages spécialisés, pas plus qu’il ne consulte les sites dédiés à ce sujet via Internet. Avouons d’ailleurs pour en avoir lu et parcouru un certain nombre, que leur lecture n’est pas toujours aisée. Les développements éclairés d’initiés, de savants, de techniciens ou autres politiques restent parfois obscurs. La conclusion s’est évidemment rapidement imposée à nous et nous nous sommes tout naturellement tournés vers les médias et les jeux d’acteurs en puissance dans le milieu journalistique (« informeurs », informateurs…). Nous souhaitions par là savoir comment s’était installé le paysage discursif médiatique actuel et quelle avait été l’information de la société sur ce que l’on appelle aujourd’hui la Société de l’information mais qui n’a pas toujours porté ce qualificatif.

Notre recherche porte donc dans un premier temps sur l’étude des discours télévisuels et politiques des cinquante dernières années. Nous allons ainsi pouvoir appréhender la couverture informationnelle de l’actualité technologique au gré des évolutions techniques et des politiques afférentes, des premières médiatisations concernant la cybernétique (d’une actualité troublante) jusqu’au début des années 2000. Nous effectuerons donc une sorte de plongée dans le temps, dans les technologies et dans le discours,

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parfois visionnaires, de ces dernières décennies.

Dans cette recherche il va donc être question de discours et des cadres de pensée qu'ils nécessitent, supposent et laissent transparaître. Ces discours, nous tenterons de les faire parler, de les remettre en question et de les interroger. Pour ce faire, il s’agira également de faire le point sur les concepts théoriques et sur des problématiques concrètes qui entrent dans le champ des sciences de l'information et de la communication. Sans prétendre à l'exhaustivité, notre intention au cours de ce mémoire sera d'inventorier, de passer en revue et de présenter de façon synthétique les principales approches développées en matière d’information et de communication. Nous mettront également l'accent sur les questions en débat en traçant les pistes et positionnements qui nous paraissent intéressants en la matière.

Les différents discours analysés ne nous apprendront que peu de choses et peuvent finalement se résumer en seulement quelques idées. Nous présenterons donc dans la suite de notre raisonnement une synthèse de ce qui à notre sens constitue le cœur des idées qui alimentent les représentations sociales de la Société de l’information. Nous avons souhaité mettre en perspective ce phénomène, sans que notre intention soit de nier les évolutions techniques auxquelles nous assistons. Précisons d’ailleurs que nous faisons bel et bien partie des utilisateurs intensifs, gourmands et assidus des technologies de l’information et de la communication, tant dans notre vie professionnelle que privée. Nous ne comptons donc pas parmi les personnes réfractaires ou hostiles à celles-ci, mais le constat d’une addition de « refrains », de « rengaines » en la matière s’impose depuis au moins 50 ans. C’est pourquoi, après avoir procédé dans un premier temps à un inventaire des diverses manières d’évoquer les différents thèmes et enjeux qui nous intéressent, notre seconde lecture consistera en l’analyse critique des termes même dans lesquels les questions sont posées et abordées.

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Nous étudierons, par la suite, les enjeux de l’information sociale. Nous tenterons surtout, en abordant cette problématique, d’envisager sous différents angles les modalités d’information mis à disposition des citoyens par les administrations et nous les interrogerons. Nous aborderons donc dans un premier temps les discours politiques de ces dernières années concernant la Société de l’information et l’e-administration. Puis nous nous intéresserons dans un second temps aux modalités de mise en œuvre de ceux-ci et des questions telles que les risques d’inégalités qui persistent. Nous revisiterons par la suite la relation entre information et engagement. Nous mettrons en parallèle la théorie et la pratique, en partant de microphénomènes, de (dys-)fonctionnements que nous avons repéré, et de mécanismes que nous avons étudiés. Ainsi, nous présenterons les observations et le travail que nous avons pu réaliser dans le cadre de nos terrains d’études qui nous ont conduit à envisager de nouvelles questions, idées, réflexions ou expériences et verrons quels ont été leurs apports pour notre recherche.

Nous avons donc tout au long de notre parcours de recherche, c'est-à- dire sur une période de six ans, observé des acteurs s’informant ou informant les autres, des besoins et des usages d’information… Ces observations ont été effectuées à deux niveaux : celui des usagers d’information et celui des professionnels de l’information. Nous avons, par exemple, pu vérifier le phénomène engendré par la multiplication des outils de communication et la multitude d’informations en circulation, qui, quel que soit le nom qu’on lui donne - surcharge informationnelle, info-pollution – confirme la nécessité de nouvelles compétences (et ce en premier lieu chez les professionnels de l’information). En effet, l’information et la communication nécessitent un certain nombre de préalables – un besoin d’être informé ou d’informer par exemple – et des pré-requis de plus en plus nombreux – des compétences et une culture informationnelles par exemple- tant chez les « usagers » que chez les professionnels. Or, les préalables et les pré-requis que requièrent

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l’information et la communication sont encore trop souvent négligés ou ignorés.

On constate effectivement que se développent deux types de discours en parallèle. D’un côté les discours enthousiastes voire utopiques sur le développement des TIC et d’une Société de l’information parfaite où l’information serait le remède miracle à tous les maux de la société. De l’autre, on alerte sur les risques – pour la santé parfois – que génèrent les TIC ou encore la difficulté que peut représenter le traitement de l’information.

Ces questions sont complexes car multi-facettes et seule la prise en considération de cette complexité, la compréhension des phénomènes dans leur globalité, nous permettra de dégager quelques pistes et leviers d’action simples pour tenter de faire avancer la problématique de l’information et sa communication des uns (émetteurs, professionnels de l’information) vers les autres (usagers, récepteurs…).

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1ère PARTIE : L’INFORMATION PAR LES MEDIAS : QUELS ENJEUX ET DISCOURS MÉDIATIQUES ? QUE DIT LA TÉLÉVISION ?

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INTRODUCTION

INTRODUCTION

Dans la première partie de ce mémoire, nous chercherons à savoir de quelle manière sont informés les citoyens au sujet de ce que l’on qualifie aujourd’hui de Société de l’information. Une nouvelle société serait en train de voir le jour. Elle suscite discours, effets d’annonces et réactions contrastées. Ce phénomène, balançant entre euphories et réticences, n’est pourtant l’apanage ni de la Société de l’information, ni des TIC, ni d’Internet. Il s’agira donc pour nous, dans cette première partie, de balayer le contexte médiatique actuel en matière de Société de l’information afin de comprendre, comment elle est envisagée, imaginée et appréhendée. Car les non-experts, les non-savants, les exclus de la recherche en sciences de l’information et de la communication ou du milieu informatique : le grand public - la composante principale de cette Société de l’information - perçoit comme nous le rappellerons majoritairement celle-ci soit comme une société ultra-médiatisée (presse, radios, chaînes de télévision, câble, bouquets satellites), soit à travers l’accumulation de technologies (ordinateurs, câble, satellite, connexions Internet, etc.). Alors pourquoi et comment nous informe-t-on sur la Société de l’information et plus largement sur les technologies de l’information et de la communication ? Qui en dit quoi ? Les citoyens de cette Société de l’information sont-ils suffisamment bien informés pour pouvoir se construire une image et une représentation averties ? Par qui et comment sont-ils informés ? Voici quelques unes des questions que nous soulèverons dans cette première partie.

Nous allons donc, pour répondre à ces diverses interrogations, étudier et analyser les discours télévisuels des cinquante dernières années. Mais avant d’interroger ces discours, nous nous intéresserons dans les premiers chapitres aux mécanismes et jeux d’acteurs liés à l’information des citoyens. Les médias et les journalistes occupent évidemment une place

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prépondérante en matière de diffusion d’informations. Nous reviendrons donc ici, dans un premier temps, sur le positionnement des journalistes dans les médias et sur les médias eux-mêmes dans la société. Nous reviendrons par la suite plus particulièrement sur la télévision et les mécanismes qui lui sont propres. Ceux-ci étant parfois à l’origine ou ayant largement contribué à développer de nouveaux modes de communication. C’est ce que nous allons vérifier tout au long de cette première partie.

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I/ CADRE DE RÉFÉRENCE : MÉCANISMES, ACTEURS ET ENJEUX DE LA MÉDIATISATION

I/ CADRE DE RÉFÉRENCE : MÉCANISMES, ACTEURS ET ENJEUX DE LA MÉDIATISATION

Pour Ignacio RAMONET 1, « S’informer fatigue !! ». Et même s’il rappelle, dans son ouvrage intitulé La tyrannie de la communication que l’accès à Internet n’est pas le même pour tous et qu’il y a bien un « risque qu’une nouvelle forme grave d’inégalité entre les êtres humains demeure, celle d’un monde divisé en info-riches et info-pauvres. »2, selon lui, « on ne peut pas, s’informer exclusivement grâce au journal télévisé qui, par sa structure fictionnelle, demeure avant tout conçu pour distraire et divertir »3. Il lui apparaît donc indispensable de sensibiliser sur l’information, afin que chacun puisse conserver une certaine vigilance et un esprit critique quant aux informations. Tous les facteurs, les lois et les travers propres au monde du journalisme devraient d’après lui, être expliqués au plus grand nombre afin de pouvoir sortir d’une vision consumériste de l’information.

Information, distraction, politique, marketing, propagande, etc…? Comment faire la distinction ? C’est une des questions à laquelle nous tenterons d’apporter quelques éléments de réponses au cours des prochains chapitres. Savons-nous toujours dans quel registre nous nous situons par rapports aux informations que nous recevons ? Nous n’apporterons pas de réponse miracle et unique à cette question qui, à elle seule, pourrait constituer un sujet de recherche et de longs développements. Nous mettrons cependant en lumière différents messages ou modalités de transmission par les médias afin d’en repérer les mécanismes et de les requestionner.

1 Ignacio RAMONET.- « S’informer fatigue », Le Monde diplomatique , 1996. 2 Ignacio RAMONET.- La tyrannie de la communication, Ed. Gallimard, 2001, p.141. 3 Ibid.

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A/ L’INFORMATION PAR LES MEDIAS : QUI , QUOI ,

COMMENT , POURQUOI ?

Nous allons dans ce chapitre tenter d’apporter quelques éléments de réponse à l’aide d’illustrations concrètes aux questions que se posait déjà Harold Dwight LASSWELL avec sa désormais célèbre formule des 5W : «Who says What in Which channel to Whom with What effect ? » 1, en français « Qui dit quoi, par quel canal, à qui et avec quels effets ? »2. Nous reviendrons donc sur les interrogations suivantes : Qui informe qui ? Par quel biais ? Comment ? Et dans quel contexte ? Mais nous nous demanderons également « Pourquoi ? »

1/ L E POSITIONNEMENT DES JOURNALISTES

Le métier de journaliste renvoie aux espoirs ayant toujours existé avec les développements des moyens de communication. Ainsi, ici, nous abordons une certitude encore largement répandue, selon laquelle l’information et le fait d’informer pourraient contribuer à faire tomber les secrets, les actions commises dans l’ombre qui seuls permettent les injustices, méfaits, abus (de confiance et de pouvoir) et autres barbaries. Comme nous le verrons, cette croyance est relayée aussi bien par le biais des médias et des journalistes que par nombre d’individus. Elle renvoie d’ailleurs aux enjeux démocratiques – nous en traiterons par la suite - d’une libre circulation de l’information dans un pays, dans une démocratie. Or, le

1 Reprenant les propos émis vingt siècles plus tôt par le rhéteur romain QUINTILIEN : « Quis, quid, ubi, quibus auxiliis, cur, quomodo, quando ? » - Trad. : Qui ? Quoi ? Avec quels moyens ? Pourquoi ? Comment ? Quand ? 2 Harold Dwight. LASSWELL., « Structure et fonction de la communication dans la société », Sociologie de l’information : textes fondamentaux , rassemblés par Francis BALLE et Jean- Gustave PADIOLEAU Larousse, 1973, pp.31-41.

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I/ CADRE DE RÉFÉRENCE : MÉCANISMES, ACTEURS ET ENJEUX DE LA MÉDIATISATION A/ L’information par les medias : qui, quoi, comment, pourquoi ?

paradoxe est que cette idée parfaitement intégrée cohabite en permanence avec son contraire. En effet, à l’heure de la multiplication des possibilités et des sources d’information (médias, techniques et technologies de communication), chacun sait que la Une d’un journal dénonçant telle malversation ou telle autre manigance ne changera rien au cours des événements. Au contraire, comme le soulignent Florence AUBENAS et Miguel BENASAYAG 1 : « Un pouvoir qui agit ouvertement, même dans l’injustice, sera crédité d’au moins une valeur : la transparence. […] Un homme ou un État “transparent” ne peut être tout à fait mauvais, pense-t- on. » La notion de transparence vivrait d’ailleurs une heure de gloire tout comme celle de transversalité.

Malgré cela, on apprend sur le site Internet de Reporters sans frontières 2 que nombre de journalistes accomplissent aujourd’hui encore la mission dont ils se sentent investis au péril de leur vie.

1 Florence AUBENAS, Miguel BENASAYAG, La fabrique de l’information : Les journalistes et l’idéologie de la communication .- Ed. La Découverte, coll. : Sur le vif, 1999, pp.8-9. 2 Reporters sans frontières : http://www.rfs.org – Bilan 2006 téléchargeable sur le site.

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Cet engagement reposait et repose toujours sur la croyance qu’une dénonciation publique va forcément changer les choses »1.

Mais pour revenir à notre propos, nous pouvons également constater le passage qui s’opère vers un autre mode de pensée. Nous entrons alors dans le registre de la suspicion qui se développe à l’égard des médias. Les journalistes et les médias deviennent alors des vecteurs de propagande, de manipulation ou sont considérés comme des paravents à questions embarrassantes.

En effet, comme nous le verrons, nombreux sont ceux qui dénoncent la marchandisation de l’information, la dictature de l’audimat et les connivences entre journalistes, hommes politiques ou d’influence. Pourtant on avait coutume de dire que le journalisme était le « 4ème pouvoir » parce qu’il constituait un recours au service du citoyen contre les dérives et les abus des trois pouvoirs existants (exécutif, législatif et judiciaire). Dévoiler, dénoncer, faire savoir, était pour les journalistes un devoir et relevait d’une éthique personnelle. Or, face à l'État et aux groupes de pression en tous genres, les journalistes semblent disposer d'une marge de manœuvre étroite et les exemples dénoncés sont nombreux 2. De plus, nombreux sont ceux qui constatent que les journaux sont rachetés pour la plupart par de grands groupes industriels devenus eux-mêmes des acteurs centraux de la vie publique. Ce qui peut également jeter un doute sur l’impartialité des informations diffusées. Ainsi, peut-on lire en 4 ème de couverture de l’ouvrage de Serge HALIMI 3 que les « médias français se proclament contre-pouvoir

1 Florence AUBENAS, Miguel BENASAYAG, La fabrique de l’information : Les journalistes et l’idéologie de la communication .- Ed. La Découverte, coll. : Sur le vif, 1999, p.7. 2 Cf. les différentes références bibliographiques fournies à la fin de ce mémoire. On pourra également consulter : Serge BAUMAN, Alain ÉCOUVES, L’information manipulée , Ed. de la Revue politique et parlementaire, 1981. 3 Serge HALIMI, Les nouveaux chiens de garde .- Ed. Liber, coll. : Raison d’agir, 1997.

- 26 - La « société de l’information » : du mirage collectif au projet partagé ? Magali MACELI, Thèse de Doctorat, Université Paris 8, Saint-Denis, 2008 1ère PARTIE : L’INFORMATION PAR LES MEDIAS : QUELS ENJEUX ET DISCOURS MÉDIATIQUES ? QUE DIT LA TÉLÉVISION ?

I/ CADRE DE RÉFÉRENCE : MÉCANISMES, ACTEURS ET ENJEUX DE LA MÉDIATISATION A/ L’information par les medias : qui, quoi, comment, pourquoi ?

mais la presse écrite et audiovisuelle est dominée par un journalisme de révérence, par des groupes industriels et financiers, par une pensée de marché, par des réseaux de connivence ». Très véhément, il déplore les « informations oubliées, les intervenants permanents, les affrontements factices et les services réciproques ». Par ailleurs, dans son documentaire intitulé « Pas vu, pas pris », Pierre CARLES montre les relations et les tractations entre politiques et journalistes qui ont cours dans les coulisses du petit écran. C’est également ce que dénoncent Noam CHOMSKY et Edward HERMAN qui ont publié un ouvrage à ce sujet. Cette critique des médias, s’intitule : Manufacturing Consent : Political economy of the mass media (La fabrication du consentement : L’économie politique des médias de masse )1. Les auteurs y argumentent que les entreprises médiatiques, loin d’éclairer la réalité du monde social, véhiculent une image de ce monde conforme aux intérêts des pouvoirs établis (économiques et politiques).

Les journalistes apparaissent donc comme pris entre leurs difficultés à préserver leur indépendance et leur volonté d’éviter les suspicions qui pèsent régulièrement sur eux. Pourtant, d’après Rémy RIEFFEL 2, « On a pu montrer, par ailleurs, que l'identité sociale de l'élite des journalistes reposait sur quatre perceptions de rôle : le professionnel est décrit comme un médiateur (courroie de transmission), un ordonnateur (sélectionneur de l'information), un pédagogue (traducteur de la réalité) et un commentateur (fournisseur d'un point de vue). » Ce qui va à l’encontre de la description du journaliste assujetti à une organisation, à une entreprise de presse, et revendiquant dans le même temps une totale liberté d’opinion et d'expression. Nous reviendrons plus loin sur le processus de

1 Noam CHOMSKY et Edward S. HERMAN, Manufacturing Consent : The Political Economy of the Mass Media , Panthéon Books, (1998) 2002 - Traduit en français sous le titre de La Fabrique de l’opinion publique. La politique économique des médias américains .- Ed. Le Serpent à plumes, 2003. 2 Rémy RIEFFEL, L’élite des journalistes , Presses Universitaires de France (P.U.F), 1984, p.128.

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marchandisation de l’information et ses répercussions sur sa qualité et sa fiabilité.

Notons toutefois, concernant l’objectivité et l’impartialité des journalistes, en matière d’information, qu’elles doivent statutairement s’arrêter là où elles commencent à être gênantes pour leur employeur.

Ainsi, l’article 3b de la convention collective nationale des journalistes restreint leur liberté d’expression publique en stipulant qu’ils ne devront « en aucun cas porter atteinte aux intérêts de l'entreprise de presse dans laquelle ils travaillent. »

Tableau 1 - Extraits de la Convention collective nationale de travail des journalistes

Convention collective nationale de travail des journalistes du 1er novembre 1976 (Refondue le 27 octobre 1987)

Art.3-b : les organisations contractantes rappellent le droit pour les journalistes d'avoir leur liberté d'opinion, l'expression publique de cette opinion ne devant en aucun cas porter atteinte aux intérêts de l'entreprise de presse dans laquelle ils travaillent. Les litiges provoqués par l'application de ce paragraphe seront soumis à la commission paritaire amiable prévue à l'article 47.

Art.47 : les parties sont d'accord pour recommander, avant le recours à la procédure prévue par les articles L.761-4 et L.761-5 du code du travail, de soumettre les conflits individuels à une commission paritaire amiable, ayant uniquement mission conciliatrice, composée de deux représentants des employeurs et de deux représentants des journalistes désignés par les organisations patronales et de salariés en cause. (...).

Nous venons d’évoquer les jeux d’acteurs en puissance dans le milieu journalistique (« informeurs », informateurs…). Nous allons maintenant aborder l’information, ses modalités de traitement et de diffusion par les médias, par la télévision notamment. Dans le chapitre suivant, nous nous interrogerons donc sur les mécanismes du traitement de l’information télévisuelle et sur leurs répercussions.

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I/ CADRE DE RÉFÉRENCE : MÉCANISMES, ACTEURS ET ENJEUX DE LA MÉDIATISATION A/ L’information par les medias : qui, quoi, comment, pourquoi ?

2/ L E TRAITEMENT DE L ’ INFORMATION TÉLÉVISUELLE ET

SES RÉPERCUSSIONS : L A MARCHANDISATION DE

L’ INFORMATION

Comme nous l’avons évoqué, l’univers des journalistes et des médias est très concurrentiel. En effet, l’audimat, c’est à dire la mesure de l'audience des programmes qui devait initialement être une indication pour définir les programmes et apprécier les goûts du public, détermine aujourd’hui nombre d’investissements publicitaires. Cécile MÉADEL 1 nous apprend d’ailleurs à ce sujet qu’« à l’inverse de la radio, la télévision utilise dès ses premières années les enquêtes d’opinion pour connaître son public. À ces sondages, elle demande comment faire de cet être brut lâché dans la nature qu’est l’acheteur de télévision un “audiviseur” 2 et de cet ensemble hétérogène de professionnels, des producteurs de télévision. […] Tout l’arsenal d’instruments statistiques est donc mis en place au début des années cinquante. »

L’audience semble considérée comme une référence déterminante dans l’évaluation de la qualité d'un programme, du moins pour les publicitaires. Ainsi, si les audiences d’un programme sont bonnes, alors les annonceurs souhaiteront insérer leurs publicités autour ou pendant ledit programme. L’audimat est donc aussi et surtout une donnée considérée comme indispensable à la gestion des chaînes de radio et de télévision, dont une partie importante du financement provient justement de la publicité. Dès lors, les choix en matière de programmation peuvent être dictés par l’audimat ou plus largement par des intérêts économico-commerciaux. De ce fait, les

1 Cécile MÉADEL, sous la dir. de Bruno LATOUR.- « De la formation des comportements et des goûts : Une histoire des sondages à la télévision dans les années cinquante », Ces réseaux que la raison ignore , Harmattan (L’), 1992, p. 169. 2 « Pour reprendre le néologisme que les rapports sur l’audience tentèrent vainement de faire adopter pendant plus de dix ans. ».

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produits journalistiques télévisuels ont tendance à s’uniformiser en abordant régulièrement les mêmes sujets, en accordant de l’importance aux mêmes faits (divers) et événements, etc… Ce phénomène se retrouve d’ailleurs également dans la presse écrite et l’information radiophonique.

Auparavant, la valeur de l’information était associée à divers paramètres, en particuliers celui de la vérité. Aujourd’hui, le prix d’une information dépend de la demande, de l’intérêt qu’elle suscite. Ce qui prime est la vente. Une information sera jugée sans valeur si elle n’est pas en mesure d’intéresser un large public. La découverte de l’aspect mercantile de l’information a déclenché l’afflux de grands capitaux vers les médias. Ainsi, depuis qu’elle est considérée comme une marchandise, l’information est régie, comme n’importe quel produit, par les lois du marché. C’est une évolution significative qui a affecté la crédibilité de l’information, des médias et des journalistes. D’autant qu’en parallèle de ce phénomène, les connivences entre journalistes et hommes politiques ou d’influence, ont comme nous l’avons vu été largement mises en exergue.

C’est ce que Pierre BOURDIEU dénonce et qualifie de circulation circulaire de l’information . Dans son ouvrage Sur la télévision 1, il dénonce la logique de concurrence et les journalistes qui se battent pour être parmi les premiers à couvrir le scoop. Il met également l’accent sur les contraintes qui pèsent sur les journalistes de télévision : la pression de l’urgence, la bataille pour les parts de marché, la surveillance anxieuse des concurrents, qui font partie de leur quotidien. De même, les effets pervers qui résultent de ces contraintes sont bien connus, et depuis longtemps dénoncés : l’importance du fait divers, la recherche du sensationnel et de l’exclusivité, qui poussent les journalistes à divulguer des informations mal (ou pas) vérifiées. Ainsi, dans de telles conditions, ils n’ont plus le temps d’avoir le recul nécessaire et ne pensent que par idées reçues, qui parce que banales et communes, n’ont

1 Pierre BOURDIEU, Sur la télévision .- Ed. Liber, coll. : Agir, 2001.

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pas besoin d’être démontrées. La télévision n’est plus dès lors le lieu de la pensée, mais du « fast thinking ». De plus, en voulant toucher un large public, les journaux télévisés fournissent une information uniformisée, une « information omnibus ».

Le principal bouleversement serait donc que l’information devient une marchandise dont la vente et la diffusion peuvent rapporter d’importants profits. Mais peut-on véritablement soutenir l’hypothèse de l’information équivalant à un produit de consommation ? Nous reviendrons, par la suite, sur l’attitude des téléspectateurs face à l’information en élargissant le propos à l’ensemble des citoyens. On peut d’ores et déjà interroger les relations qui peuvent exister entre les mécanismes de consommation et ceux d’information, c’est ce que nous ferons dans un chapitre entièrement consacré à ce sujet 1.

Pour poursuivre, nous allons aborder dans la partie suivante, l’information via un média qui aujourd’hui encore fait l’objet de discussions contradictoires : La télévision. Elle fait partie aujourd’hui de notre vie courante, a un rayonnement médiatique considérable, loin devant les autres médias. Nous avons choisi de l’observer car certains parallèles peuvent être tissés entre la télévision et Internet. La télévision en son temps a suscité nombre de réactions. Même si elle fait toujours parler d’elle, on se questionne maintenant plus sur les programmes qui y sont diffusés que sur l’objet « téléviseur ». Dans la partie suivante, nous avons donc voulu savoir comment la télévision informait sur la Société de l’information.

1 Cf. Chapitre intitulé : «De la consommation d’information » en page 3.

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B/ LES MÉCANISMES DE LA TÉLÉVISION

Comme nous l’avons déjà évoqué plus haut, la télévision occupe aujourd’hui une place majeure dans les foyers. Ceux-ci sont dans la plupart des pays industrialisés équipés de téléviseurs à plus de 90%, et chaque individu passe en moyenne deux à trois heures par jour devant cet appareil distribuant des sons et des images. Le téléviseur a donc, depuis sa création, pris une place considérable dans la vie des citoyens de tous âges. Les effets du petit écran sur la société, les transformations qu'il peut exercer sur elle sont d'ordres multiples. Nous en observerons quelques uns, car ceux-ci entretiennent des similitudes et relations étroites avec d’autres moyens de diffusion de l’information et de communication tel Internet.

Nous reprenons ici à titre d’illustration quelques extraits d’un texte de Jackie BERROYER 1 sur la télévision et ses programmes, qui évoque également l’attitude des téléspectateurs et l’évolution des pratiques sociales autour de l’objet téléviseur :

« […] La télévision. Au début, dans les quartiers prolos, il n’y avait que le commerçant du coin qui pouvait s’en payer une. S’il n’était pas chien, il invitait. On allait regarder les variétés en groupe. […] On faisait des commentaires. Parfois après le bulletin d’informations, on n’avait pas vraiment envie d’aller se coucher. […] Alors, on sortait les jeux de cartes. On vivait les derniers moments de rigolade. On ne se rendait pas compte, on enviait le proprio de la télé. […] Chacun pensait “Vivement

1 Jackie BERROYER, préf. : Contestations [Enregistrement sonore : coffret de 9 disques 33t].- Interprètes : Georges MOUSTAKI, Joan Pau VERDIER, Catherine RIBEIRO, Patrick MOULLET, Gilles SERVAT... [et al], Dial, 1978

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qu’on ait la nôtre”. On savait que ça allait diminuer, ils l’avaient dit au journal : “En telle année, ce serait comme la radio, tout le monde aurait la sienne.” […] Petit à petit, c’est venu, chacun est resté chez soi. Il n’y avait qu’une chaîne. Au boulot on disait : “T’as regardé hier ? ” Bien sûr qu’il avait regardé. “C’était pas terrible, hein ?” […] Ensuite, il y a eu deux chaînes. Au boulot on s’est dit : “De toute façon t’as rien perdu, j’ai regardé la deuxième, c’était pas terrible non- plus.” Maintenant y’en a trois. C’est drôlement culturel, la télé. Ils en savent des choses les gens. […] Seulement, plus que jamais leur savoir est égal, sans nuances, aligné. Culture télé, les gens ne savent pas. La télé sait. […] Pour Monsieur Durand le journal est incontestable. “C’est vrai, puisque c’est dans le journal. Seulement le journal faut faire l’effort de le lire. Avec la télé, il n’y a qu’à s’asseoir et avaler. L’image est même plus probante. […] »

Cet extrait, sans prétentions scientifiques, nous semble cependant refléter et synthétiser l’ensemble des critiques émises aujourd’hui encore à l’encontre de la télévision et des comportements sociaux lui étant attribués.

Ces critiques parfois véhémentes ont débuté très tôt dans les années cinquante - c’est à dire quasiment dès l’apparition de la télévision. C’est notamment sous l’impulsion de l’Institut de recherches sociales (Institute für Sozialforschung) qui deviendra l’École de Francfort par la suite que ce

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mouvement de défiance a débuté et n’a presque pas cessé depuis. Ainsi, devant l’essor des médias de masse, Theodor ADORNO et Max HORKHEIMER 1 développaient dès 1947 le concept d' « industrie culturelle »2 dénonçant la production massive et la marchandisation de biens culturels. Ils consacraient d’ailleurs, un chapitre entier à « La production industrielle de biens culturels : raison et mystification des masses ». Cette étude des effets présumés de la culture de masse voyait dans le développement des industries culturelles le danger d’une standardisation et d’une soumission plus grande aux stéréotypes sociaux dominants, du côté des émetteurs et des produits diffusés, et à un abêtissement – et même une aliénation - généralisés, du côté des récepteurs.

Bien entendu, lorsque Theodor ADORNO et Max HORKHEIMER écrivent leur ouvrage, la télévision n'en est qu'à ses débuts, c'est pourquoi leurs critiques portent à l’époque essentiellement sur le cinéma et la radio. Cependant, comme le synthétise Jean-Louis MISSIKA :

« Les sociologues critiques de l’École de Francfort (Theodor ADORNO, Max HORKHEIMER, Herbert MARCUSE) théorisent l’idée que les médias (ou “industries culturelles”) sont l’instrument de diffusion de l’idéologie dominante. Leur influence consiste dans une uniformisation des cadres de pensée et de comportements dans le sens de l’acceptation du système capitaliste. » 3

1 Theodor ADORNO, Marx HORKHEIMER.- Dialektik der Aufklärung , 1947 – Traduit en français sous le titre : La dialectique de la raison , Gallimard, 1974. 2 « Kulturindustrie » 3 Jean-Louis MISSIKA, coord. par Philippe CABIN .- « L’impact des médias : les modèles théoriques », La communication : État des savoirs , Sciences Humaines, 1999, p. 293.

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De façon plus globale, nombre d’intellectuels ont accusé la télévision, et plus largement les médias, de diffuser une « culture de masse ». Notons, sans pouvoir ici aller très loin que la notion même de «masse» est ambivalente. Pierre BOURDIEU et Jean-Claude PASSERON soulèveront d’ailleurs la question en 1963 : « Qu'entend-t-on par la notion de "masse" [...] — par une expression comme "moyens de communication de masse", veut-on nommer des moyens de diffusion dont le caractère essentiel est de toucher le plus grand nombre ? [...] S'agit-il de toucher massivement et continûment la "grande masse" ? [...] Ce qu'on fait surgir, ce n'est plus seulement la portée exceptionnelle de la diffusion [...] c'est la nature même de la "culture" véhiculée : le moyen de communication est dit "de masse" parce qu'il communique massivement une "culture de masse" »1

La notion de masse reste d’ailleurs, aujourd’hui encore, ambiguë et idéologique, et se prête à plusieurs critiques ; d'une part, elle ne tient pas compte de la diversité des publics et de la diversité de la réception, et d'autre part elle semble toujours se définir par rapport à une culture qui lui serait supérieure.

Joffre DUMAZEDIER 2 affirmera à ce sujet qu’il faut se méfier du point de vue de la « haute culture » : « il est utile par l’exigence dont il témoigne. Il est contestable par le système de valeurs qu’il suppose ; il reste extérieur aux conditions mêmes dans lesquelles s’élabore la culture populaire ». Joffre DUMAZEDIER appartient au mouvement des sociologues du loisir qui voyait

1 BOURDIEU Pierre, Jean-Claude PASSERON.- « Sociologues des mythologies et mythologies des sociologues », Les temps modernes , no 211, 1963, p. 1005 2 Joffre DUMAZEDIER.- Vers une civilisation du loisir , Seuil, 1962, pp.153-154

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en la télévision un formidable outil de diffusion de la culture.

Abraham MOLES 1, quant à lui, établit une distinction entre « culture cartésienne ou humaniste», constituée d’éléments de connaissances structurés et organisés qui émanent de l'école ou de l'université , et la « culture mosaïque », décousue et débitée par bribes, qui selon lui est propre à la radio et à la télévision. « Nous distinguerons – reprenant un terme que nous avions proposé en 1956 - : la culture mosaïque où l’accumulation d’éléments disparates par l’esprit se fait sans ordre notable, ou par les jeux d’association “proche” entre les éléments assemblés au hasard. C’est celle que nous fournit en particulier l’exposition aux mass media. »

Internet et la télévision sont à ce sujet souvent traité sur pied d’égalité. Dans un chapitre intitulé « Les médias et les intellectuels », André GUIGOT 2 présente les choses de la manière suivante : « Dans tous les domaines (l’information, l’éducation, la culture, l’économie), Internet a transformé les règles de production et d’échange. Le travail intellectuel a changé puisque tout circule en temps réel entre les individus. Pourtant le rôle des intellectuels 3 devrait être plus important pour prendre du recul dans cette effervescence d’images et de paroles. “Penser” exige du temps, un effort de questionnement, de

1 Abraham MOLES, Théorie structurale de la communication et société .- CNET/ENST, Masson, 1986, p.188. 2 André GUIGOT.- L’engagement des intellectuels au XXème siècle , Milan, 2003, p. 55. 3 Définition donnée par André GUIGOT ( Ibid. ).- Intellectuel : Depuis l’affaire Dreyfus, le terme désigne les personnes qui, occupant des postes importants dans la culture et dans la science, mettent le savoir au service de grandes causes. La critique des injustices, l’engagement politique et la réflexion sur la société constituent alors le travail des « intellectuels ».

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conceptualisation et de création incompatible avec l’agitation creuse où la communication se suffit à elle-même et avec l’immédiateté de réaction demandée par le média télévision […] ».

1 Hugues LE PAIGE va également dans ce sens en dénonçant ce mouvement qui va selon lui à l’encontre d’un temps nécessaire de maturation des idées.

« La transparence est devenue une valeur absolue inséparable de l’immédiateté et de l’obsolescence de toute chose. “Tout dire, tout de suite à tout le monde” est la règle d’un monde où le projecteur est si fort qu’il aveugle, où l’on oublie que la vérité a besoin de clair-obscur pour voir le jour et que le réel ne se dévoile que dans la confrontation de l’ombre et la lumière. »

Alors pourquoi persister en ce sens ? Cette injonction de rapidité, de réactivité est-elle indispensable et nécessaire ? Nous avons déjà abordé les enjeux commerciaux de « tenir » et « dévoiler » un scoop et faisions d’ailleurs référence dans le chapitre consacré à l’observation du phénomène de marchandisation de l’information et de ses répercussions 2. Mais une autre explication, plus confidentielle – et pour cause – peut nous éclairer. En effet, Philippe MAAREK 3 traite de la « vitesse d’assimilation du récepteur » et de la « la force obligatoire du mouvement ».

1 Hugues LE PAIGE.- « Privé et public, spectacle et politique : contre le formatage médiatique », Politique : revue de débats , n°43, Février 2006 – Article consultable sur le Site Internet de la revue Politique : http://www.politique.eu.org 2Cf. « Le traitement de l’information télévisuelle et ses répercussions : La marchandisation de l’information » en page 3. 3 Philippe MAAREK.- Médias et malentendus : cinéma et communications politiques , Editions EDILIG, 1986.

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« La force obligatoire du mouvement, c’est à dire la capacité du récepteur de l’information à contrôler ou non la vitesse de réception et donc la qualité de son assimilation- compréhension du message reçu. Plus la force obligatoire est élevée, plus la passivité du récepteur est grande, plus sa subordination à l’émetteur et aux média est forte. »

Les émetteurs auraient donc tout intérêt à entretenir et à impulser ce tempo. Cette cadence peut certes porter atteinte à la qualité des messages, mais semble en parallèle amoindrir l’exigence des récepteurs. Il apparait donc plus aisé et plus commode d’accélérer le débit - d’ailleurs les moyens techniques le permettent de mieux en mieux - que de retravailler le fond. La nécessité de l’immédiateté de traitement, voire sa contribution à la surinformation , à l’ Info-pollution dont nous traiterons par la suite 1, posent d’ailleurs forcément les questions de la qualité de l'information. Mais selon Françoise TRISTANI-POTTEAUX 2, celles-ci s'effacent « derrière le vedettariat des informateurs ». D’après elle, le phénomène de vedettisation des présentateurs de journaux eux-mêmes occulte l’importance des sujets dont ils traitent.

La télévision, plus que tout autre média, semble en effet pouvoir consacrer une célébrité ou même la fabriquer. Ainsi, par exemple, les jeunes chanteurs issus d’émissions dite de « téléréalité » qui bien que parfaitement inconnus, deviennent en quelques mois des célébrités. D’après Gilles SEGRÉ 3 : « L’une des fonctions majeures de ces programmes de télévision,

1 Cf. « L’incompétence informationnelle : des risques pathologiques » en page 3 2 Françoise TRISTANI-POTTEAUX, L'information malade de ses stars , ALESIA, 1983 3 Gilles SEGRÉ, « La fabrication télévisuelle de la star : loft story sous le regard du sociologue », Réseaux , n°137, Lavoisier, 2006, pp. 207-240

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qui se multiplient aujourd’hui, est bien de créer, ex nihilo, des stars, de construire des idoles, de fabriquer des célébrités. L’analyse de l’émission Loft Story permet de rendre compte des moyens et des procédés mis en œuvre pour parvenir à cette transformation de l’anonyme à la star. »

De la même manière, certains médecins, écrivains ou autres scientifiques participent plus que d'autres à des émissions. Cette récurrence des interventions, parce qu'ils sont télégéniques ou parce qu'ils sont des amis des présentateurs, les accrédite d’une forme de légitimité dont le fondement n’est plus dès lors leur spécialité dans leur domaine. On retrouve également ce phénomène dit de « personnalisation », de « vedettisation » ou encore de « peopolisation » concernant les personnalités politiques. On rencontre d’ailleurs fréquemment les expressions de « politique spectacle » ou encore de « marketing politique »1 qui sont employées pour décrire les nouvelles méthodes de communication des élus. C’est ainsi que l’on qualifie le fait de présenter dans l’actualité les personnages politiques en les présentant comme les vedettes du show-business : description de la personnalité, importance du physique, voire dévoilement de la vie privée. Selon Hugues LE PAIGE 2, la télévision « a “spectularisé” toute activité humaine, privée ou publique, individuelle ou collective jusqu’à y compris la politique. […] Mais c’est sans doute la combinaison de cette double dérive, confusion privé/public et politique/spectacle que la télévision de marché (chaînes privées et souvent publiques) a largement favorisée. L’évolution concerne l’ensemble des médias même si c’est bien la télévision qui a imposé sa grammaire. »

Nous pouvons donc constater que la télévision, bien que faisant aujourd’hui partie du quotidien d’un grand nombre de personne, fait toujours l’objet de

1 François-Bernard HUYGHE a mis en ligne une série d'articles sur le marketing politique. Site Internet : http://www.huyghe.fr 2 Hugues LE PAIGE, op. cit.

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discussions parfois contradictoires, en tous cas engagées.

« Un de leurs avantages [aux médias de masse] par rapport aux rassemblements in situ : ils libèrent des phénomènes pathologiques de masses, de l’hystérie collective et de la perte du libre arbitre individuel […].Les meetings posent au départ la décision volontaire d’y assister, d’y prendre part. Par contre la télévision, et surtout la radio, où il n’est même pas besoin de regarder, sont comme un inconnu qui sans y être invité s’introduirait à son gré chez nous […] pour nous parler interminablement de ce qui lui plait, de la façon qui lui plait. »1

Tout comme pour Internet, on peut donc relever différents positionnements qui s'affrontent, et qui tendent à faire de la télévision un instrument de progrès social ou, au contraire, une cause principale de décadence. Entre ces extrêmes, les études 2 réalisées depuis plusieurs années conduisent à des conclusions généralement plus tempérées. En revanche, certains des écueils redoutés et dénoncés tels que la problématique « Du pain et des jeux » pour occuper les foules persistent et sont accrus par les moyens de diffusion qu’offre la télévision par exemple. Nous allons donc y revenir car là encore les mécanismes à l’œuvre méritent d’être observés (et réactualisés).

1 José L. ARANGUREN.- Sociologie de l’information , Hachette, 1967, p.120. 2 Cf. Bibliographie en page 3.

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I/ CADRE DE RÉFÉRENCE : MÉCANISMES, ACTEURS ET ENJEUX DE LA MÉDIATISATION C/ Du pain et des jeux : encore et toujours …

C/ DU PAIN ET DES JEUX : ENCORE ET TOUJOURS …

Des romanciers, comme Pierre BOULLE dans Les Jeux de l'esprit 1 avaient déjà décrit, au début des années 70, un monde totalitaire dans lequel des jeux violents servaient d'exutoire à une population dans l'ennui. Il a imaginé un gouvernement mondial constitué d’éminents scientifiques sélectionnés par concours. Leur ambition est d’instaurer la paix universelle et l’accès à la connaissance pour tous. Ils

fournissent du pain et du travail à chacun et Illustration 1 – Les jeux de l'esprit réussissent si bien que le peuple finit par... (Couverture) - Pierre BOULLE s’ennuyer. Une vague de suicide importante va les obliger à revoir leur rôle, ils commencent donc à essayer de distraire les hommes par des jeux qui vont devenir de plus en plus sanglants... Pierre BOULLE imagine que ce gouvernement de sages invente une forme de téléréalité, avec ces jeux effrayants de cruauté. Ainsi, à l’image des combats de gladiateurs à Rome, on occupe le peuple qui pendant qu’il assiste au spectacle ne s’ennuie plus et surtout ne se préoccupe de rien d’autre. On peut d’ailleurs lire sur un des sites Internet consacré à l’Histoire de la gladiature 2 :

« Il serait trompeur de réduire les combats de gladiateurs dans la Rome antique à de simples épreuves sportives, indépendamment de leur aspect

sanguinaire indiscutable. Car quand les

1 Pierre BOULLE, Les jeux de l’esprit .- J’ai Lu, 1971. 2 Site consacré à l’Histoire de la Gladiature : http://dupainetdesjeux.ifrance.com/

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dignitaires romains offrent au peuple les spectacles de l'arène, ils font étalage de leur puissance et de leur richesse. Ils s'assurent aussi une certaine paix sociale, en maintenant la plèbe hors du jeu politique. […] Tout comme aujourd'hui, il y avait les stars, les entraîneurs, les produits dérivés... et tout comme aujourd'hui, le peuple, tenu à l'écart des débats publics, contemplait déjà, dans ces jeux de la mort, toute la puissance de l'Empire... »

C’est à cette époque que la célèbre formule " Du pain et des jeux " (Panem et circenses ) a vu le jour sous la plume du poète satirique latin JUVÉNAL :

« ... [populus Romanus] qui dabat olim imperium, fasces, legiones, omnia, nunc se continet atque duas tantum res anxius optat, PANEM ET CIRCENSES. » (Juvénal, Satires , 10, 78-81)

Traduction : « ... [Le peuple romain] qui distribuait autrefois pleins pouvoirs, faisceaux, légions, tout, maintenant se replie sur lui-même et ne s’inquiète plus que pour les deux choses qu’il souhaite : du pain et des jeux. »

C’est ainsi qu’il évoquait les besoins fondamentaux du peuple de Rome qui vivait alors dans la misère. Pour éviter les émeutes et les révoltes, les consuls et les empereurs ont organisé d’une part, des distributions de farine gratuite, avec l'aide des boulangers qui étaient à l’époque des fonctionnaires d'État, et d’autre part les jeux que nous avons évoqués.

Pour compléter la liste des similitudes entres les jeux de la Rome Antique et ceux de la télévision d’aujourd’hui, nous pouvons également mentionner la participation du public à ceux-ci. En effet, dans les arènes de Rome, lorsqu'un combattant était mis en infériorité, il levait la main pour s'en

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I/ CADRE DE RÉFÉRENCE : MÉCANISMES, ACTEURS ET ENJEUX DE LA MÉDIATISATION C/ Du pain et des jeux : encore et toujours …

remettre au jugement du public. C'est à ce moment que la foule décidait soit de renverser le pouce pour demander la mort de l'homme, soit de lever le pouce pour qu'il soit épargné. Ce qui conférait à la foule une forme de pouvoir ou du moins l’illusion de l’avoir. Il en va de même pour les jeux de téléréalité actuels au cours desquels on demande, ou plutôt on incite comme nous l’avons déjà indiqué à « voter » pour son favori et ainsi l’épargner de l’élimination. Nous noterons cependant qu’aujourd’hui cette participation est payante (coût de l’appel téléphonique ou de l’envoi du message + surfacturation de participation). C’est donc sous couvert de conférer un pouvoir de décision, que l’on dégage d’importants gains financiers.

La problématique du Pain et des jeux pour le peuple n’est donc pas neuve et pose nombre de questions sur les intentions qui animent les uns et les autres. Elle rejoint d’ailleurs nos questions relatives à la confusion entretenue plus ou moins intentionnellement et qui se vérifie dans d’autres registres que celui de la distraction. Pierre BOURDIEU, par exemple, dénonce des stratégies délibérées du monde journalistique et médiatique pour hypnotiser les masses téléspectatrices. Pour lui, la prédominance du fait divers dans l’information permet de « cacher en montrant », de remplir du temps précieux avec du vide et d’« écarter les informations pertinentes que devrait posséder le citoyen pour exercer ses droits démocratiques ».

José ARANGUREN 1 va plus loin. Pour lui :

« A travers les communications informatives et publicitaires […] on cherche à distraire le lecteur ou l’auditeur des problèmes réels en lui offrant des reportages portant sur les mariages royaux, la vie des grandes vedettes, les succès

1 José L. ARANGUREN.- Sociologie de l’information , Hachette, 1967, pp.196-197.

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sensationnels, les amours célèbres ou les crimes passionnels [...] On produit ainsi une atonie, une apathie ou une indifférence politiques aboutissant à la “dépolitisation” qui est, qu’on en soit conscient ou non, une acceptation conformiste du régime établi »

La question se pose effectivement, lorsque nous sommes dans le cadre de l’information par les médias, de savoir où nous nous situons. Sommes-nous dans le registre de la diffusion d’information ? Dans celui de la propagation d’idées ? Ou encore dans celui de la propagande ? Cette vaste question, sera posée sous plusieurs de ses facettes au cours de ce travail, mais ne sera pas tranchée.

Pour conclure ce chapitre, nous citerons Jean-Claude GUILLEBAUD 1 : « Radio et télévision sont accessibles à un nombre encore plus grand de citoyens. Qu’ils soient ou non alphabétisés. […] Mais les destinataires de cette information-là ne disposent pas tous, loin s’en faut, des moyens de résistances intellectuelle et de l’esprit critique minimal qui les rendraient moins vulnérables. Destinés à des foules énormes, possédant des capacités de propagande et de manipulation sans précédents, les moyens audiovisuels modernes sont donc devenus des enjeux de pouvoir (politique ou financier) sans comparaison avec ce qu’ils étaient hier» .

Nous l’aurons vu, la télévision, dans la place qu’elle occupe dans le domaine de la circulation de idées, est aujourd’hui un vecteur d’une portée

1 Jean-Claude GUILLEBAUD.- « Les Médias contre la démocratie », Esprit , Mars/Avril 1993, pp.86-101.

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I/ CADRE DE RÉFÉRENCE : MÉCANISMES, ACTEURS ET ENJEUX DE LA MÉDIATISATION C/ Du pain et des jeux : encore et toujours …

considérable et sans précédent. Après avoir brossé le cadre de référence dans lequel nous nous situons en matière d’information par les médias, nous allons maintenant revenir à nos interrogations initiales : quels est le discours télévisuel en matière de Société de l’information ? Quelles connaissances sont véhiculées ? Comment sont présentés les outils et les enjeux d’une Société de l’information depuis les débuts de l’informatique grand public ? Quelles représentations et quelle perception par les citoyens ? C’est ce que nous allons étudier dans les prochains chapitres.

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II/ CONTEXTE ET MÉTHODOLOGIE DE L’ÉTUDE A/ choix du média : télévision ou radio ?

II/ CONTEXTE ET MÉTHODOLOGIE DE L’ÉTUDE

Dans ce chapitre, nous mettrons en lumière, en nous appuyant sur les archives audiovisuelles de l’Institut National de l’Audiovisuel (INA), que les discours relatifs à une nouvelle société basée sur les progrès techniques ont toujours fait l’objet de relais médiatiques puissants. Nous nous restreindrons ici à la couverture médiatique télévisuelle. Nous présenterons ici le contexte méthodologique, le choix des supports, les sources et outils utilisés dans la constitution de notre corpus audiovisuel et nos modalités de recherche en matière de documentation télévisuelle.

A/ CHOIX DU MÉDIA : TÉLÉVISION OU RADIO ?

Notre démarche initiale, dans le cadre de cette recherche, a été de nous interroger sur l’information des citoyens. Comment la société -civile- est-elle informée au sujet de la Société de l’information ?

Pour connaitre de manière approfondie les discours, les idées véhiculées sur les sujets et enjeux qui nous intéressent, ainsi que la perception et les représentations qui en découlent, nous nous sommes donc tout naturellement tournés vers les médias audiovisuels. Plus précisément, nous avons décidé d’étudier un des média les plus populaires : la télévision. En effet, près de 95% des foyers français disposent d’au moins un poste de télévision (cf. Tableau 2 ci-dessous), nous avons choisi d’observer ce média qui à ce jour reste un des acteurs majeurs de la circulation de l’information dans la société.

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Tableau 2 - Équipement des ménages en multimédia par catégorie socioprofessionnelle (en %)

Micro- Catégorie TV Tél. Tél. ordinateur Magnétoscope Minitel Internet socioprofessionnelle coul. fixe port. (portable ou non) Agriculteurs exploitants 96,0 75,4 28,1 97,5 73,1 59,7 47,8

Artisans, commerçants, 94,5 77,1 19,3 90,0 80,8 58,2 37,7 chefs d'entreprise Cadres et professions 92,1 79,3 22,5 94,4 86,3 80,4 66,9 intellectuelles supérieures Professions 91,4 78,1 16,0 87,5 86,3 68,9 50,5 intermédiaires Employés 93,7 74,1 7,7 77,5 81,8 49,8 31,1 Ouvriers (y,c, ouvriers 96,6 78,2 4,3 75,9 78,2 41,4 21,6 agricoles) Retraités 97,6 59,1 13,3 95,8 42,6 18,4 11,4 Autres inactifs 79,5 38,0 0,0 38,1 86,4 52,1 26,7

Ensemble 94,8 70,6 12,5 86,5 69,6 45,0 30,3 Champ : France métropolitaine, ensemble des ménages. Source : Insee, enquête permanente sur les conditions de vie 2004.

La radio n’est, bien évidemment, pas en reste en termes d’équipement des foyers français. Selon une enquête menée en 2006 par Médiamétrie 1 :

« La quasi-totalité (98,3%) des personnes âgées de 13 ans et plus possède dans leur foyer, y compris la voiture, au moins un appareil permettant d’écouter la radio. Ces personnes vivent dans des foyers équipés de près de 6 appareils en moyenne (5,8) leur permettant d’écouter la radio. Ce niveau d’équipement très élevé prend en compte à la fois les équipements classiques de réception de la radio et aussi les nouveaux équipements. »

1 Médiamétrie : Enquête équipement radio, 2006

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II/ CONTEXTE ET MÉTHODOLOGIE DE L’ÉTUDE A/ choix du média : télévision ou radio ?

Tableau 3 - Équipement radiophonique des ménages – Enquête Médiamétrie, 2006

Notre choix concernant la télévision est donc comme tous les choix partiellement arbitraire et ne se fonde pas sur un raisonnement quantitatif relatif à l’équipement. Cependant, sans entrer ici dans une enquête ou un débat sur les pratiques culturelles des français – enquête déjà menée par ailleurs 1 - et plus spécifiquement encore sur leurs pratiques informationnelles, selon l’INA le « journal télévisé est l’un des plus anciens genres de la télévision, des plus populaires - près de 20 millions de téléspectateurs chaque soir sur l’une des 6 chaînes nationales. » Nous avons donc tranché pour la télévision et ses chaînes hertziennes. Celles-ci étaient jusqu’à encore relativement récemment en nombre restreint.

1 Olivier DONNAT, Les Pratiques culturelles des Français : Enquête 1997 .- Documentation français (La), 1998

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Nous nous sommes principalement concentré sur les chaînes historiques : ORTF, TF1, Antenne 2 (devenue ) et FR3 (devenue France 3). Bien sûr, nous verrons que l’expression « Société de l’information » n’est en vigueur que depuis peu. En revanche, nous avons pu constater que les discours, les questions, les enthousiasmes et les réticences sont les mêmes depuis des décennies quasiment mot pour mot. Pour comprendre comment avaient été traités ces phénomènes, nous avons consulté chronologiquement les journaux et autres émissions télévisés traitant des différents sujets évoqués plus haut. Même s’il n’est pas aisé de restituer à l’écrit l’intégralité du contenu des programmes concernés, nous donnerons les références précises de manière à pouvoir s’y référer à l’Institut National de l’Audiovisuel (INA). On trouvera d’ailleurs sur site Internet de l’INA 1 un nombre d’extraits d’archives audiovisuelles consultables en ligne. Nous verrons au cours de cette chronologie non exhaustive que le paysage discursif médiatique n’a que peu varié alors que les techniques et technologies ont elles évolué de façon significative. L’idée ici est de comprendre comment à force d’annonces, de promesses, voire de mise en garde, il est possible d’intégrer des idées, des stéréotypes, des perceptions et même des avis sur certains phénomènes. Après avoir décidé de travailler sur la télévision, nous nous sommes donc tout naturellement tourné vers l’Institut National de l’Audiovisuel (INA) qui conserve et archive la mémoire de la télévision française depuis sa création en 1974 2.

1 Institut National de l’Audiovisuel (INA) : http://www.ina.fr 2 Les statuts et missions de l’INA sont détaillés en page 3.

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II/ CONTEXTE ET MÉTHODOLOGIE DE L’ÉTUDE B/ sources et outils utilisés dans le cadre de la recherche

B/ SOURCES ET OUTILS UTILISÉS DANS LE CADRE DE LA

RECHERCHE

L’Ina collecte les supports de production et/ou de diffusion ainsi que les données documentaires et juridiques relatives aux programmes télévisuels et radiophoniques versés. C’est ainsi que, comme on peut le lire sur son site Internet 1, « Plus de 80 000 heures de programmes sont collectées chaque année, dont la moitié dans le cadre du dépôt légal, le reste étant constitué de documents versés par les chaînes publiques de radio et de télévision au titre de l’archivage professionnel et pour une faible part de fonds privés acquis ou recueillis par l’Ina ». Un traitement documentaire (description, indexation) est effectué par des documentalistes. Ce travail permet d’alimenter les bases de données de l’Ina pour une éventuelle consultation et réutilisation de ces archives. Plus de 2 millions de notices documentaires sont aujourd’hui disponibles.

Le centre de consultation de l’Inathèque (sous-division de l’INA) a ouvert ses portes le 8 octobre 1998 au sein de la Bibliothèque Nationale François MITTERRAND. Il accueille sur accréditation les chercheurs, enseignants, étudiants et professionnels qui travaillent sur le patrimoine radiophonique et audiovisuel français. On peut y consulter les différentes bases de données documentaires et les documents disponibles (tous supports confondus). L’outil que nous avons utilisé pour notre recherche documentaire est :

 HyperBase

Cet interface de consultation permet d’interroger les différentes bases de

1 Site Internet de l’INA : http://www.ina.fr

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données de l'INA par l'intermédiaire des champs documentaires (date, chaîne, heure de diffusion, titre, mots clés, résumé, etc.) constituant chaque notice. Toutes sortes de croisements entre les requêtes sont possibles.

Illustration 2 - Écran de recherche Hyperbase, Inathèque

Nous allons dans le prochain chapitre évoquer les modalités de recherche effectuées par l’intermédiaire d’Hyperbase ainsi que la constitution de notre corpus audiovisuel.

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II/ CONTEXTE ET MÉTHODOLOGIE DE L’ÉTUDE C/ Modalités de recherches et constitution du corpus audiovisuel

C/ MODALITÉS DE RECHERCHES ET CONSTITUTION DU

CORPUS AUDIOVISUEL

Concernant la constitution de notre corpus audiovisuel, viser l’exhaustivité nous était impossible et ne nous est pas paru déterminant dans le cadre des contours de notre étude et de ses objectifs. Notre ambition était justement de pouvoir nous imprégner de la manière dont la société avait pu être informée sur ce qui constitue ou ce que l’on qualifie aujourd’hui de Société de l’information (outils + usages). Ainsi notre étude s’étend sur près d’une cinquantaine d’années, des premières médiatisations concernant la cybernétique (d’une actualité troublante) jusqu’au début des années 2000. Nous avons ainsi pu appréhender la couverture informationnelle de l’actualité technologique au gré des évolutions techniques et des politiques y étant relatives. Notre corpus d’étude est principalement composé de journaux télévisés. Il est cependant agrémenté de quelques émissions, magazines ou documentaires portant sur les sujets qui nous concernent dans la mesure où ceux-ci nous semblaient constituer un reflet – et en général un condensé – de ce que nous avions pu visionner par ailleurs. Afin de procéder à l’analyse d’un corpus qui se voulait représentatif de l’évolution du discours des dernières années, nous sommes partis de notre thème de départ : la Société de l’information, puis nous avons remonté le temps, les technologies et les expressions consacrées. Nous souhaitions, par là, savoir comment s’était installé le paysage discursif actuel et quelle avait été l’information de la société sur ce que l’on appelle aujourd’hui « la Société de l’information » mais qui n’a pas toujours porté ce qualificatif.

Nous avons donc procédé à l’interrogation des bases de données mises à notre disposition par l’INA, en nous appuyant sur nos compétences de professionnelle de l’information et sur notre formation de documentaliste.

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Nous sommes en effet rompues aux techniques de recherches documentaires et à l’interrogation de bases de données, de catalogues informatiques, etc… Nous nous appuyons également sur une connaissance fine des procédés d’indexation, usage de thésaurus… C’est donc à partir de recherches par mots-clés que nous avons obtenu une liste de références à partir de laquelle nous avons effectué un tri, car les réponses à nos requêtes n’étaient pas toujours pertinentes et très nombreuses (beaucoup de bruit) puis une sélection de sujets télévisuels.

Le résultat de ces recherches et les quelques statistiques qui suivent, sont donc à lire, à analyser et à manipuler avec les précautions d’usage qui s’imposent. Elles ne reflètent, en effet, ni la diffusion générale de programmes, ni la récurrence avec lesquelles les sujets ont été traités. Elles sont le reflet des équations de recherche effectuées dans la base de données de l’INA d’une part, et du traitement documentaire dont les documents ont fait l’objet (indexation, catalogage, thésaurus…) d’autre part. Ce dernier point requiert d’ailleurs une attention particulière. Il renvoie en effet aux questions relatives à la mémoire dans la Société de l’information. Car le concept de Société de l’information lui-même assez récent, et aux contours mal dessinés et au vocabulaire variable, pose un problème d’indexation auquel nous nous sommes retrouvés confrontés. Quels mots- clés pour le définir ? Société, Information ? Trop généraux, car même en couplant les deux termes, le nombre de réponses est évidemment énorme. En effet, pour ce qui concerne les documents conservés par l’INA, il existe un nombre important de sujets abordant à la fois la société et le thème de l’information. La recherche sur l’expression entière « Société de l’information », en texte intégral permet de faire ressortir les notices qui comportent cette expression exacte. Mais là, le nombre de réponses nous semble trop faible pour pouvoir refléter la diffusion de sujets relevant de cette thématique.

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II/ CONTEXTE ET MÉTHODOLOGIE DE L’ÉTUDE C/ Modalités de recherches et constitution du corpus audiovisuel

Tableau 4 –Résultat de recherches dans la base de dépôt légal télévision (DLTV) Nombre de réponses par requêtes de recherches

80 73 70 70

60 53

50

40

30 26

20

8 10 6 6 2 0 Autoroute de Autoroutes de Fossé Fracture Inforoute Inforoutes Société de Télématique l'information l'information numérique numérique l'information

Tableau 5 - Recoupement des résultats de recherche

Deuxième recoupement de recherche

100

90 86

80 73

70

60 53

50

40 32 30

20

10

0 Autoroute(s) de Fracture / Fossé Société de l'information Télématique l'information / numérique Inforoute(s)

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De même au cours de nos recherches, nous avons consulté la base de données concernant les archives des programmes radiophoniques de l’INA. En faisant la même requête de recherche simple sur l’expression « Société de l’information », nous pouvons constater que le nombre de réponses varie de façon importante. :

Tableau 6 - Répartition radio / télévision du nombre de réponses

Nombre de réponses par média

Radio (DLR) Télévision (DLTV) 140 réponses apparaissent pour la 53 radio contre 53 pour la télévision dans la base Dépôt légal TV. 140

Nous avons donc procédé par recoupements, sélections, éliminations, déductions. En consultant les fiches comportant l’expression recherchée, nous avons pu étudier les mots-clés utilisés et à notre tour effectuer des recherches sur la base de ces derniers. Cette contrainte posée comme incontournable, nous avons affiné notre stratégie analytique 1 qui peut s’assimiler à une plongée dans le monde des images et réduire notre champ d’investigation.

1 Andrea SEMPRINI.- Analyser la communication : Comment analyser les images, les médias, la publicité, Ed. L’Harmattan, 1996

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II/ CONTEXTE ET MÉTHODOLOGIE DE L’ÉTUDE C/ Modalités de recherches et constitution du corpus audiovisuel

Ainsi, tous les sujets relatifs à nos thématiques de recherche n'ont pas été retenus. Nous avons exclu de nos investigations tous ceux qui concernaient l'industrie informatique en des termes strictement économico-commerciaux. Nous avons également écarté les programmes tels que les « zappings » Internet, les sujets relatifs à la pornographie, au terrorisme, aux arnaques - en tous genres - en ligne. Pour finir nous avons également fait l’impasse sur les sujets relatifs à la sécurité et aux droits : piratages, virus, droits d’auteur, téléchargement illégaux… Bref, nous avons écarté les sujets qui n'ouvraient pas sur une application en société et/ou qui n'offraient pas quelque réflexion globale sur l'informatisation et/ou l’usage de l'informatique. Cette modalité de recherche est un choix dont nous assumons la partialité.

Dans cette recherche il va donc être question de discours, et des cadres de pensée qu'ils nécessitent et laissent transparaître. Ces discours, il convient donc de les faire parler. Nous avons pour ce faire procédé en deux temps : tout d’abord une sorte de rétrospective télévisuelle afin de pouvoir exposer les discours et leur évolution et nous en imprégner. Puis dans un second temps, nous les avons remis en question et interrogés.

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III/ RÉTROSPECTIVE TÉLÉVISUELLE - SOCIÉTÉ DE L’INFORMATION : QU’EN DIT LA TÉLÉVISION ?

III/ RÉTROSPECTIVE TÉLÉVISUELLE - SOCIÉTÉ DE L’INFORMATION : QU’EN DIT LA TÉLÉVISION ?

Cette rétrospective est constituée d’un très grand nombre d’extraits de sujets télévisuels retranscrits pour les besoins de notre étude. Nous avons souhaité effectuer, par le biais de leur lecture, une sorte de plongée dans le temps et dans le discours, parfois visionnaires, de ces dernières décennies. Bien entendu, cet exercice pourrait faire l’objet d’une étude plus approfondie dans le cadre de la recherche audiovisuelle et des techniques propres à ce champ. Notre travail de recherche permettra peut-être – nous l’espérons - de poser les premières pierres de ce vaste chantier.

A/ 1961-1977 : DE LA CYBERNÉTIQUE À L’ORDINATEUR

DOMESTIQUE

Notre tour d’horizon télévisuel commence en 1961 , il n’est évidemment pas encore question de Société de l’information mais déjà des similitudes de discours troublantes sont à remarquer. A l’époque, il est question de cybernétique qui fait l’objet de la page spéciale du journal télévisé 1 consacrée aux sciences. Jacques BLOCH- MORHANGE s'entretient avec Albert DUCROCQ, Illustration 3 - Page spéciale, journaliste scientifique au sujet de la cybernétique. ORTF, 1961

1 Journal télévisé : La page spéciale du journal télévisé : Les sciences. Interview d’Albert DUCROCQ : la cybernétique, 1ère partie.- Jacques BLOCH-MORHANGE, Jean ROYER, ORTF, 14/12/1961

La « société de l’information » : du mirage collectif au projet partagé ? Magali MACELI, Thèse de Doctorat, Université Paris 8, Saint-Denis, 2008 - 59 -

Albert DUCROCQ : « D’une manière générale, nous savons ce qu’est la cybernétique. Nous savons qu’autrefois la machine c’était simplement un muscle […] qui était incapable d’un travail intelligent. Alors qu’aujourd‘hui on peut faire en sorte que les machines soient capables de se conduire en vue d’atteindre un but. […] Je crois toutefois qu’il faudrait un peu démystifier l’électronique. […] A partir de 1945 l’électronique nous a apporté beaucoup de choses, l’électronique en fait n’a été qu’un moyen. Je m’explique : actuellement nous avons des automates qui utilisent l’électronique, au XVIIIème siècle, nous avions des automates qui utilisaient la mécanique et avec la mécanique on a fait des choses tout à fait extraordinaires. »

Cette émission sera suivie, une semaine plus tard, d’une deuxième 1, toujours sur le thème de la cybernétique. Au cours de celle-ci, il sera question des rapports de la cybernétique avec la manipulation de l'information.

Jacques BLOCH-MORHANGE : « Nous avons vu comment […] la cybernétique participait à une sorte de remodelage, le mot est à la mode, de la pensée et d’une partie des activités humaines. Aujourd’hui, nous allons voir comment cette cybernétique s’applique non Illustration 4 - Jacques BLOCH-MORHANGE, seulement aux théories, mais aussi aux Albert DUCROCQ, ORTF, 1961 manipulations de l’information. Pour le grand public, l’information c’est la presse, c’est la radio et c’est

1 Journal télévisé : La page spéciale du journal télévisé : Les sciences.- Interview d’Albert DUCROCQ : la cybernétique, 2ème partie.- Jacques BLOCH-MORHANGE, Jean ROYER, ORTF, 21/12/1961.

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III/ RÉTROSPECTIVE TÉLÉVISUELLE - SOCIÉTÉ DE L’INFORMATION : QU’EN DIT LA TÉLÉVISION ? A/ 1961-1977 : De la cybernétique à l’ordinateur domestique

éventuellement la télévision. Pour l’homme de science, l’information, c’est tout de même un peu autre chose. » Albert DUCROCQ : « Oui, effectivement. Les machines actuellement manipulent, traitent l’information. Pour une machine, l’information c’est le message qui lui est utile pour faire un travail déterminé. Au stade de l’automatisation, moins il y aura de message, plus l’automatisation sera simple. Les cybernéticiens ont créé une théorie de l’information qui mesure l’information. Ils ont pris une unité, l’unité de l’information c’est la décision. La décision, c’est l’information qui consiste à dire Oui ou Non à une question qui n’admet pas d’autre réponse. […] Lorsque l’information se réduit à une décision, l’automatisation est très simple. […] Au stade de l’industrie, vous rencontrerez de très nombreux exemples d’automatisation sur ce principe. C’est ce qu’on appelle, le travail par tout ou rien. »

Il donne différents exemples : le réfrigérateur, l'ascenseur, les raffineries, le tri du courrier, ... Il pense que « nous allons assister maintenant à une seconde révolution industrielle, conduisant à demander aux machines des travaux nécessitant un minimum d'information, s'appuyant sur de nouveaux procédés. »

Quelques années après, en 1966 , on ne s’inquiète plus de cybernétique. En revanche les ordinateurs vont à leur tour devenir l’objet révolutionnaire du moment. Ainsi voici quelques extraits d’une interview de Robert GALLEY 1 par François DE CLOSETS dans le Journal télévisé de

1 Robert GALLEY est à l’époque « Responsable des ordinateurs en France ».

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20h 1.

François DE CLOSETS : « On nous annonce un peu partout que dans les années à venir, les ordinateurs vont envahir tous les secteurs de notre vie ».

Robert GALLEY : « Oui, c’est tout à fait mon opinion. Je crois qu’à l’heure actuelle, ils ont envahi complètement le monde scientifique, ils ont déjà très largement débordé dans le Illustration 5 - Robert GALLEY, cadre industriel. Mais maintenant, l’étape ORTF, 1966 qui vient, c’est celle de la vie de tous les jours. »

Ces propos tenus il y a plus de quarante ans restent d’une actualité surprenante malgré les évolutions techniques. En effet, l’ordinateur évoqué en 1966, n’a rien à voir avec celui que nous utilisons aujourd’hui quotidiennement. Cependant, les annonces -d’invasion -, les attentes en termes de services n’ont guère évolué. D’ailleurs, dans cette même interview, nous pouvons constater que concernant l’information, la problématique est ancienne également.

Robert GALLEY : « Je crois qu’en général on fait une confusion entre l’information qui n’est après tout qu’un moyen et l’action qui est l’élément dominant de notre travail de tous les jours. »

Il donne un exemple pour illustrer l’idée que l’accès à l’information facilite

1 Journal télévisé de 20h : L'informatique : interview de Robert GALLEY.- François DE CLOSETS, ORTF, 29/09/1966.

- 62 - La « société de l’information » : du mirage collectif au projet partagé ? Magali MACELI, Thèse de Doctorat, Université Paris 8, Saint-Denis, 2008 1ère PARTIE : L’INFORMATION PAR LES MEDIAS : QUELS ENJEUX ET DISCOURS MÉDIATIQUES ? QUE DIT LA TÉLÉVISION ?

III/ RÉTROSPECTIVE TÉLÉVISUELLE - SOCIÉTÉ DE L’INFORMATION : QU’EN DIT LA TÉLÉVISION ? A/ 1961-1977 : De la cybernétique à l’ordinateur domestique

l’action mais ne la remplace pas : Ce n’est pas l’information sur les trajets dans les halls de gares qui fait voyager mais cela facilite le voyage.

Quelques mois plus tard, en 1967 , on annonçait la signature du Plan Calcul 1 par Michel DEBRÉ, ministre de l’économie et des finances ; Olivier GUICHARD, ministre de l'industrie ; Pierre MESSMER, ministre des armées et Maurice SCHUMAN, ministre de la recherche scientifique. Ce sujet est l’occasion pour le journaliste d’évoquer à nouveau la révolution par l’ordinateur et l’invasion de la vie quotidienne par les machines :

François DE CLOSETS 2: « De même que le 19 ème siècle a été marqué par la révolution du machinisme, le 20 ème sera sans doute marqué par la révolution des machines intellectuelles : les ordinateurs. Demain, dans dix ans, dans vingt ans, nous vivrons

Illustration 6 - François avec elles, nous travaillerons avec elles comme DE CLOSETS, ORTF, 1967 nous travaillons aujourd’hui avec le téléphone, avec l’avion, avec l’auto. Et ce n’est pas une réalité d’après demain. Actuellement, le marché des ordinateurs aux États-Unis augmente de 35% chaque année. Or, la France ne construit pas actuellement, avec des sociétés purement françaises, de grands ordinateurs. Donc en juillet le gouvernement a lancé le Plan calcul pour lancer en France l’industrie des grands ordinateurs. […] »

1 Le Plan Calcul est un plan gouvernemental destiné à assurer l'indépendance de la France en matière de gros ordinateurs, suite au refus américain de vendre un mainframe Control Data (gros ordinateur central) à l'armée française en 1963. Ce Plan quinquennal s'appuie notamment sur la création d'un organisme public de recherche, l'Institut de recherche en informatique et en automatique (IRIA), et d'une compagnie privée, mais aidée par l'État, qui bénéficiera à cet égard d'une préférence dans l'attribution de marchés, la Compagnie internationale d'informatique (CII). 2 Journal télévisé de 20h : Le plan Calcul .- François DE CLOSETS, ORTF, 14/04/1967.

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Apparaissent ici les idées de révolution mais surtout l’idée que la France doit rattraper un retard face aux États-Unis. La notion de concurrence et de devoir de rattrapage n’est pour l’instant qu’esquissée mais deviendra comme nous le constaterons de plus en plus présente dans les sujets télévisuels.

En 1969 , « la moitié des actifs soit dix millions de français travaillent dans les bureaux . » Louis DOUCET dans Panorama 1 interroge Michel CROZIER, sur ce qu’il qualifie de « société bureaucratique » et l'arrivée de l'ordinateur en France.

Louis DOUCET : « On a l’impression que l’arrivée de l’ordinateur dans la vie de tous les jours correspond un petit peu à l’arrivée de la machine à tisser chez les soyeux lyonnais autrefois. Il y a une réaction de défense assez violente. » Illustration 7 - Ordinateurs, 1969 Michel CROZIER (CNRS) : « On peut dire cela. Évidemment on n’attaque pas directement l’ordinateur, on ne le brise pas. Les choses ne se passent pas de façon aussi spectaculaire, mais très indirectement on peut dire que le malaise des sociétés modernes et en particulier de la société française, les explosions irrationnelles tiennent à l’angoisse qui est créée par le changement. D’une part, la situation moderne rend de plus en plus insupportable les pratiques anciennes, mais de l’autre on est très attaché à ses pratiques anciennes. Dès qu’il apparaît qu’on va les changer tout le monde est extrêmement angoissé. »

1 Panorama : Notre ordinateur au quotidien .- Louis DOUCET, ORTF, 25/09/1969.

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L’ordinateur serait donc source de progrès, de changements et d’angoisses… Il pose en tous cas la question de la relation homme / machine. Celle-ci fera l’objet, en 1972 , d’une série de cinq émissions. Pierre SCHAEFFER, directeur du Service de la recherche de l’ORTF présente les problématiques qui y seront abordées : « Les hommes ressemblent-ils aux machines ? Les machines deviennent-elles humaines ? Y-a-t-il entraide entre hommes et machines ? Y-a-t-il concurrence ? Y-a-t-il lutte comme l’annonceraient certaines visions de la science fiction ? »

La première émission 1 de la série sera consacrée à la question du langage, « au moment où les ordinateurs entrent dans l'actualité de notre siècle », on s’interrogera par exemple sur la capacité des machines à « parler ». Ce terme est employé dans la présentation de l’émission pour évoquer la capacité des machines à communiquer entre elles.

Le premier sujet débute comme suit :

« Longtemps confiné à la réflexion métaphysique, domaine réservé des philosophes, l’éternelle question du rapport des machines et des hommes entre à

Illustration 8 - Un certain regard, nouveau dans l’actualité. ORTF, 1972

1 Un certain regard – 1 ère partie : Le langage .- Émission de François MOREUIL, William SKYVINGTON, Service de la recherche, ORTF, 14/05/1972.

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Conséquence directe d’une technologie de pointe. [Robot à l’écran !]

Illustration 9 - Robot, 1972

L’ordinateur est partout, dans la gestion de l’entreprise, dans la recherche scientifique, dans la technologie industrielle et même dans la culture. »

Après l’ordinateur, c’est un nouveau concept qui en 1978 fera les « gros titres » télévisuels : la télématique.

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B/ 1978-1990 : DE LA TÉLÉMATIQUE AUX

APPLICATIONS « GRAND -PUBLIC »

Suite au rapport NORA / MINC - que nous évoquerons également par la suite 1 - différents programmes annonceront et expliqueront aux téléspectateurs ce qu’est la télématique et quelles sont ses conséquences dans leur vie quotidienne. Le discours, là encore, porte sur une nouvelle révolution qui va bouleverser la société toute entière.

Le 19 mai 1978, est donc annoncée au Journal télévisé 2 de 20h la remise au Président de la république, à sa demande précise-t-on, d’un rapport intitulé « L'informatisation de la société ou la télématique ». Un reportage est pour l’occasion consacré à la télématique et ses différentes implications.

Roger GICQUEL : « J’ai ici, un rapport assez redoutable, sur l’informatisation de la société. [Air sceptique]

Illustration 10 - Journal télévisé de 20h, 1978

Cela s’appelle la té-lé-ma-tique et c’est l’ère nouvelle qui est annoncée dans ce rapport. […] La télématique qu’est-ce que c’est ? C’est un peu le triomphe de l’ordinateur, c’est l’informatique orchestrant toute notre vie. Pour nous distraire,

1 Alain MINC, Simon NORA, L’Informatisation de la Société .- Rapport d’État, Documentation française (La), 1978 - Cf. en page 3 de document. 2 Journal télévisé de 20h .- Roger GICQUEL, TF1, 19/05/1978.

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nous faire travailler, pour organiser la sécurité sociale, la Poste, la banque. Bref, la révolution de l’ordinateur, qu’on croyait derrière nous et qui reste encore à accomplir. Demain, annonce Monsieur NORA, toutes les techniques […] fusionneront pour organiser ce monde de la télématique.[…] Notre vie quotidienne, le marché de l’emploi, la concurrence internationale, les rapports entre les individus, l’organisation de la société, tout en sera bouleversé. Ce sont des perspectives fascinantes mais aussi inquiétantes. »

Illustration 11 - Journal télévisé de 20h - TF1, 1978

François DE CLOSETS : « Grâce à ce mélange d’informatique et de télécommunication, la révolution de l’ordinateur va s’étendre. Le rapport NORA annonce, la monnaie électronique, […] un renforcement de l’automatisation [dans divers secteurs]. Les problèmes soulevés sont immenses : celui de l’emploi, [celui] de l’indépendance nationale face aux grands réseaux mondiaux de télématique, problème de l’autonomie individuelle dans une société de transparence où tout est connu, [problème de la centralisation des informations]. De nombreuses propositions sont faites […] pour préparer aujourd’hui des

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lendemains qui s’annoncent bouleversés par la télématique. »

Va s’en suivre une lignée d’émissions, aussi alarmistes et enthousiastes les unes que les autres. Question de temps (Antenne 2) consacrera plusieurs numéros à ce sujet. Citons par exemple, l’émission du 13 septembre 1978

intitulée « L'ordinateur et votre avenir : les Illustration 12 – Louis BÉRIOT, Antenne 2, 1978 micros ordinateurs »1 :

Louis BÉRIOT : « S’il y a un sujet qui mérite le titre de “question de temps”, c’est bien celui de l’ordinateur. Grâce à lui ou à cause de lui, les sociétés modernes sont en train de changer radicalement. Cette invention, qui est peut être plus importante que celle de la roue, représente pour le monde et pour la société française en particulier un défi très grave. Notre avenir dépend de la façon dont nous saurons relever ce défi. L’ordinateur n’est certes pas nouveau, en revanche sa généralisation, qui a permis de le rendre accessible à tous, est un fait récent et capital. Désormais, l’informatique n’est plus réservée à une élite, irriguant l’ensemble de société, elle va se répandre comme l’électricité, puis l’ordinateur lié au moyen de communication et notamment à la télévision, ouvre un horizon radicalement neuf. […] La télématique, c'est-à-dire la relation qui existe entre les ordinateurs et les moyens de

1Question de temps : L'ordinateur et votre avenir : les micros ordinateurs.- Émission de Louis BÉRIOT, Jean-Pierre ELKABBACH , Antenne 2, 13/09/1978

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communication, à la différence de l’électricité ne véhiculera pas un courant inerte mais de l’information, c'est-à-dire le pouvoir. Cette révolution est-elle utile ? Nécessaire ? Inéluctable ? Irréversible ? »

On rappellera, au cours de cette émission, le retard français face aux États- Unis et on nous apprendra que l’usage des ordinateurs ne serait qu’une question d’intelligence.

Rodney ZAKS – (président de SYBEX : micro informatique) : « Aux États-Unis, même les enfants de 8 ans apprennent à se servir de cette technologie et à programmer les micro-ordinateurs. En France on en a souvent encore peur, mais il est possible en quelques jours pour des enfants d’apprendre à l’utiliser […] On devient un spécialiste en quelques jours. Le mythe des informaticiens aux gros ordinateurs est terminé. Il n’y a plus besoin d’avoir une très grande compétence pour savoir utiliser ces micro- ordinateurs. Il suffit d’être intelligent et de s’y attacher pendant quelques jours. On arrive alors à créer de nouvelles applications d’usages.»

Prenons ici une petite respiration ! Ces discours, même s’ils ont un sens plus concret aujourd’hui, sont à lire au regard de leur ancienneté. Nous sommes ici toujours en 1978. Les ordinateurs sont loin d’être tels que nous les connaissons aujourd’hui 1, les services proposés non-plus 2 et ils n’ont

1 Il suffit d’ailleurs pour s’en convaincre de se référer aux illustrations en pages 3, 3, 3, 3 et 3. 2 Cf. Illustration 15 - Application télématique et Illustration 16 - Standard téléphonique, 1978 en page 3.

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d’ailleurs pas encore véritablement fait leur entrée dans les foyers. Pourtant, on semble nous annoncer un fait majeur de société.

Poursuivons avec l’émission du 25 septembre 1978. Qui elle aussi, portera sur : La télématique 1. Jean-Pierre ELKABBACH reçoit notamment Simon NORA afin de présenter, à son tour, le fameux rapport sur « l'informatisation de la société » et tenter de « cerner la mutation de notre société à travers la rencontre de l'ordinateur et des télécommunications ».

Jean-Pierre ELKABBACH : « Jusqu’à présent l’ordinateur provoquait la crainte, il ne représentait que le contrôle, les fichiers, la fin de la vie privée, le chômage, l’œil de l’État, du puissant,

du triomphe de quelques savants et Illustration 13 - J.P. ELKABBACH, Question de temps, Antenne 2, 1978 techniciens sur le commun des mortels. Aujourd’hui l’ordinateur peut être aussi autre chose. […] Selon Monsieur Simon NORA, cette informatique de masse s’imbriquera demain dans toute la société comme le fait l’électricité avec la différence qu’elle véhiculera de l’information, c’est à dire du pouvoir. Nous avons quitté la science-fiction. Des métiers vont disparaître ou évoluer : la Poste, la banque, les assurances, l’enseignement, la médecine, la presse et les conditions de travail aussi devraient évoluer. Oui, tout va bouger. C’est une révolution, une révolution permanente qui devrait prendre bientôt un nouvel essor avec l’entrée en jeu des satellites. […] Est-ce une

1 Question de temps : La télématique : l’informatique .- Émission de Louis BÉRIOT, Jean- Pierre ELKABBACH, Antenne 2, 25/09/1978.

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technique de plus ou une société nouvelle qui s’annonce ? […] « Nous en parlerons mais cela se fera avec ou sans secousses ? […] La télématique peut-elle à terme créer des emplois ? Vers quel type de société allons nous ? Y-aura-t-il un pouvoir plus fort, plus autoritaire ou au contraire plus de communication et de liberté entre les citoyens ? Aurons-nous le désir et les moyens de franchir une étape difficile et décisive de notre avenir ? »

Simon NORA : « La télématique ce n’est pas simplement la technique et un instrument de consommation de la société, c’est aussi un langage. C’est à dire que c’est aussi une certaine façon de traiter l’information, la stocker, la communiquer, donc ça met en cause les structures sociales. Sans secousses ? Je n’en sais rien, ça dépendra précisément de la façon dont elle est conduite, maitrisée, absorbée par la société. »

Ces interventions sont suivies d’un reportage. Voici ce que le commentateur nous y apprend sur fond de musique légèrement inquiétante :

« Après l’air que l’on respire, la nourriture que l’on avale, la nouvelle denrée indispensable au monde moderne, c’est l’information. […]

L’ordinateur, jadis énorme et éloigné est aujourd’hui tout près parce que petit. [Image à l’écran à ce moment] Illustration 14 - Salle d’ordinateurs, Antenne 2, 1978

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Tour à tour redouté ou adoré dans l’entreprise, il fait son entrée aujourd’hui dans la vie quotidienne parce qu’il touche maintenant tout le monde : fichier de la sécurité sociale, réservation des places d’avions et trains ou tout simplement fiches de paie de fin de mois. Mieux, couplé aux télécommunications il va maintenant être partout, commence alors le règne de la télématique. […] Pas besoin d’être un spécialiste, pas besoin de choisir des applications toutes faites, n’importe qui en quelques jours d’apprentissage, peut se servir d’un micro-ordinateur et le diriger à volonté.[…] Autre domaine du rapport NORA/ MINC, la robotique. Cette fois-ci, c’est le problème de l’emploi qui est directement posé. […] La communication ne passe pas facilement dans un monde qui grandi et change sans arrêt. Il y a ceux qui savent et ceux qui ne savent pas. Ceux qui détiennent le pouvoir de communiquer et ceux qui ne peuvent que passivement recevoir ces messages. »

Le discours relatif à la télématique est pour le moins anxiogène, il y est tour à tour question de : crainte, contrôle, triomphe, liberté, indépendance, information, pouvoir, chômage, consommation, étape difficile et décisive, règne… Cette thématique ayant fait l’objet de très nombreux programmes, nous avons continué à nous pencher sur certains d’entre eux afin de vérifier le traitement de ce sujet et surtout le ton sur lequel il est traité. Poursuivons donc avec le Journal télévisé de TF1 quelques mois plus tard.

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Reportage de Daniel DUIGOU 1 : « La télématique c’est l’alliance de l’informatique avec le téléphone : deux superpuissances. L’informatique, c’est la possibilité illimitée de stocker et traiter n’importe quelle information. Le téléphone, c’est la possibilité pour tous d’accéder directement à l’ordinateur, c’est à dire à sa mémoire.

Illustration 15 - Application télématique Illustration 16 - Standard téléphonique, 1978

Ce mariage s’appelle télématique, il annonce pour demain une véritable révolution. Rien n’empêche maintenant de prévoir dans les années à venir une société sans argent et sans chèques. [Plusieurs exemples d’applications futures sont donnés] Une question cependant, l’informatique avec ses utilisations illimitées ne va-t-elle pas supprimer des emplois dans une société qui souffre déjà de chômage ? »

André GIRAUD 2: « Bien sûr elle va supprimer des emplois. Elle va supprimer en particulier les emplois pénibles, les emplois fastidieux. […] En contrepartie la création de tous ces appareillages, la création de tous ces services nouveaux, la nécessité de satisfaire les besoins nouveaux que la

1 Journal télévisé de 13h : L’informatique. TF1, 10/12/1978. 2 André GIRAUD est à l’époque Ministre de l’industrie.

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population va exprimer, va en somme venir prendre la suite de la machine à laver, de la cuisinière, du frigidaire et du poste de télévision. Tout cela va créer des emplois […] relativement nobles. »

Daniel DUIGOU : « Reste que l’informatique dans la société va provoquer une révolution à trois niveaux : social, économique et politique. Au niveau social, c’est une modification de la vie des individus aussi profonde que l’automobile et l’avion. Au niveau économique, c’est une arme essentielle pour les entreprises dans la compétitivité internationale. Enfin au niveau politique, c’est l’apparition d’un nouveau pouvoir, un pouvoir qui met en jeu la liberté de l’individu et la responsabilité de l’état. »

La télématique, l’informatique, l’annonce de l’annuaire électronique, etc… continueront à faire grand bruit.

On en entendra à nouveau beaucoup parler à l’occasion du colloque Informatique et société en Septembre 1979 . Par exemple, le 28 septembre 1979, dans le journal télévisé de 20h sur TF1, Roger GICQUEL fait les questions et les réponses :

« L’informatique nous aidera-t-elle à simplifier nos problèmes au maximum ? - ça c’est certainement vrai – et à mieux nous informer ? – c’est sûr – et plus vite ? Mais en même temps, ne portera-t-elle pas Illustration 17 - Roger Gicquel, TF1, 28/09/1979 gravement atteinte à nos libertés individuelles, dans la mesure où nous serons partout mis en fiches !? De toute façon, il ne sert à rien de nier

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l’informatique, il faut s’aligner sur ceux qui l’ont développé au contraire. Mais il y a toutes sortes de façons de développer l’informatique. L’important est de se dépêcher de réfléchir et de faire les choix corrects. […] »

Extraits du discours de Valéry GISCARD D'ESTAING :

« L'informatique est appelée à apporter de profondes transformations de notre organisation économique et sociale. Ce ne doit pas être une révolution qui se subisse mais une évolution qui se prépare... La France, pays du concept, Illustration 18 - Valéry Giscard d'Estaing, 1979 a une vocation naturelle à développer l’invention, la production et l’usage de l’informatique. C’est une des orientations fondamentales de l’avenir de notre économie. La France doit apporter son attention particulière à prévoir, et s’il le faut à limiter certains des impacts de l'informatique sur la vie intime et profonde de la société. Nos priorités fondamentales de liberté et d’humanisme doivent être ici réaffirmées et respectées. Il s’agit d’en faire un instrument, un outil, non plus la pierre taillée qui prolonge l’effort du bras mais le scintillement minutieux des composantes qui complètent l’effort de l’esprit. Un instrument plus puissant, plus noble, plus efficace qu’aucun de ceux que l’humanité ai connu, mais un instrument qui reste au service de l’homme et respectueux des choix que celui-ci prononce pour organiser la société où il entend vivre. »

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François de CLOSETS revient ensuite sur la politique en matière d'informatique et conclut : « C’est très bien de faire un colloque pour réfléchir, seulement c’est tout de suite que désormais il faudra agir. »

En 1980 , il est encore question d’informatique dans le domaine de la bureautique, cette fois. La menace de l’ordinateur plane toujours sur l’emploi, cependant il semble avoir désormais intégré quelques champs professionnels et pose donc de nouvelles questions.

Jean-Claude BOURRÉ 1 :

« Attention aux répercussions de l’ordinateur sur l’emploi c’est l’avertissement lancé par le Bureau international du travail ! […] L’arrivée massive dans notre vie quotidienne de micro-processeurs, Illustration 19 - Jean-Claude Bourré, TF1, 1980 c’est à dire de tous petits ordinateurs par la taille mais aux étonnantes possibilités, va modifier notre façon de vivre en rendant les machines de plus en plus évoluées et de plus en plus efficaces. Elles menacent donc certains emplois mais elles vont aussi procéder à la création de certains emplois. Or, personne aujourd’hui ne peut répondre à la question : les ordinateurs vont-ils créer plus d’emplois qu’ils n’en supprimeront ? Un exemple des conséquences de l’arrivée des micro-processeurs dans notre vie quotidienne : le travail de bureau. C’est la révolution de la bureautique ! »

1 Journal télévisé de 20h : La bureautique.- Jean-Claude BOURRÉ, TF1, 10/11/1980.

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Il est intéressant de noter ici que dans le reportage illustrant le sujet, sont évoquées quelques difficultés d’adaptation des personnes aux machines dans le milieu professionnel. Jusqu’alors, il était la plupart du temps annoncé qu’avec de l’intelligence et un moindre effort, tout le monde pouvait se servir facilement des ordinateurs et devenir spécialiste en un temps record.

Emmanuel de la TAILLE : « A quoi sert le travail dans les bureaux ? A organiser, trier et transmettre des informations nécessaires à l’action : plan, notes, règlements, etc. Nos sociétés ont besoin de plus en plus d’informations pour produire, rendre des services, communiquer tous azimuts. Et à mesure que la machine réduit le nombre de travailleurs dans la production […] il faut de plus en plus de personnel dans les bureaux pour organiser les réseaux d’information. […] L’arrivée de l’ordinateur dans les bureaux permet de libérer l’homme de certaines tâches […] mais en contrepartie l’arrivée de ces machines soulève une multitude de difficultés pour l’adaptation, l’organisation, l’emploi et l’apprentissage d’un nouveau système. Voilà pourquoi la révolution électronique dans les bureaux demandera des années et sera sans doute une révolution en douceur. »

Deux ans plus tard, en 1982 , la tenue du SICOB, important salon de l’informatique permet d’évoquer dans l’actualité 1 l’engouement des français pour la « micro-informatique ». Patrick HESTERS, nous y annonce que « des milliers de gens vont s’équiper [en ordinateurs] dans les mois qui viennent.

1 Journal télévisé de 20h .- Reportage de Patrick HESTERS, Antenne 2, 23/09/1982.

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Le temps où le simple mot d’ordinateur faisait peur semble aujourd’hui bien révolu… ». En janvier 1983 , Noël MAMÈRE nous annoncera dans le Midi 2 1 :

Noël MAMÈRE : « 1983, sera l’année zéro de l’informatique […] Ce n’est pas moi qui le dit mais Jean-Jacques SERVAN- SCHREIBER, le président du Centre mondial de l’informatique » Illustration 20 - Noël MAMÈRE, Antenne 2, 1983

S’en suit une présentation en direct dudit Centre mondial de l’informatique 2 et une interview de Jean-Jacques SERVAN-SCHREIBER :

Georges LECLERE : « Ce centre qui un mercredi à midi est rempli d’enfants […] vous montre que la micro-informatique n’est pas du tout une science compliquée. En fait, j’ai dit science, je ne devrais peut-être pas le dire. C’est Illustration 21 - Georges LECLERE, Antenne 2, 1983 plutôt une technique ou même un art parfois et les bambins qui sont là autour de nous sont là pour en témoigner. »

1 Journal télévisé Midi 2 .- Noel MAMÈRE, Reportage de Geoges LECLERE, Antenne 2, 12/01/1983 2 Le Centre Mondial de l’Informatique et Ressource Humaine (CMIRH) a été fondé en 1981. Mais malgré quelques projets porteurs (éducation, agriculture), le Centre informatique est aujourd’hui surtout considéré comme un gouffre financier. Il sera d’ailleurs sanctionné dans un rapport de la Cour des Comptes, et fermé en 1985 . Il aura cependant permis à quelques jeunes français d’accéder très tôt à l'informatique.

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Jean-Jacques SERVAN- SCHREIBER : « Des pays comme l’Europe, comme la France, comme l’Amérique d’ailleurs, ont pris du retard dans la façon de fabriquer des Illustration 22 – J.J. SERVAN-SCHREIBER, objets. […] Nous sommes en Antenne 2, 1983 retard sur non-seulement le Japon, la Corée, Formose, Singapour : l’Asie. Parce que l’Asie s’est saisie de l’informatique et que les robots, remplaçants les hommes, travaillent jour et nuit, sans salaires, très précisément […] Donc la course a commencé entre les robots qui sont imbattables pour remplacer la main d’œuvre et qui vont arriver partout. […] Alors la chose est simple, les robots tuent les hommes non-formés, ils prennent leurs emplois. Mais les robots ont besoin d’hommes formés. […] Il faut apprendre l’informatique comme on apprend à écrire, c’est aussi simple et même plus simple ! Ces enfants […] apprennent plus vite à saisir, à maitriser et à utiliser l’ordinateur que l’on apprend à lire et à écrire. »

[Rappelons ici qu’il est l’auteur de deux livres consacrés au retard de la France par rapport aux États-Unis 1 et au Japon 2]

Quelques émissions ou reportages auront par la suite pour objet l’informatique et plus précisément l’annuaire électronique (puis Minitel) qui au début des années 80 sera, à son tour, annoncé comme une véritable révolution.

1Jean-Jacques SERVAN-SCHREIBER, Le défi américain, Paris, Denoël, 1967. 2 Jean-Jacques SERVAN-SCHREIBER, Le défi mondial , LGF, 1981.

- 80 - La « société de l’information » : du mirage collectif au projet partagé ? Magali MACELI, Thèse de Doctorat, Université Paris 8, Saint-Denis, 2008 1ère PARTIE : L’INFORMATION PAR LES MEDIAS : QUELS ENJEUX ET DISCOURS MÉDIATIQUES ? QUE DIT LA TÉLÉVISION ?

III/ RÉTROSPECTIVE TÉLÉVISUELLE - SOCIÉTÉ DE L’INFORMATION : QU’EN DIT LA TÉLÉVISION ? B/ 1978-1990 : De la télématique aux applications « grand-public »

Par exemple, dans le journal du 21 décembre 1983 1, Noël MAMÈRE et Gilles LECLERC nous en parlent dans les termes suivants :

Noël MAMÈRE : « Nous allons parler d’un sujet qui vous concerne ou en tous cas qui va vous concerner très bientôt dans votre vie quotidienne. Je veux parler de l’informatique, l’informatique au quotidien.

Illustration 23 - Noël MAMÈRE, Pour le moment, on en est qu’à des Antenne 2, 1983 expériences car c’est une période de mutations, mais très bientôt ça deviendra une banalité pour nos enfants. […] L’opération a été lancée hier en Picardie et en Ile de France, c’était l’annuaire électronique. »

Gilles LECLERC : « En Ille-et-Vilaine, depuis le début de l’année, au lieu de rechercher dans un bottin […] on peut chercher d’une façon différente avec ce que vous avez appelez « l’informatique au quotidien ». Voilà la forme de cette informatique :

C’est un Minitel, qui vous permet de trouver des numéros de téléphone»

Illustration 24 - Minitel, 1983

1 Journal télévisé Midi 2 .- Noel MAMÈRE, Reportage de Gilles LECLERC, Antenne 2, 21/12/1983.

La « société de l’information » : du mirage collectif au projet partagé ? Magali MACELI, Thèse de Doctorat, Université Paris 8, Saint-Denis, 2008 - 81 -

En Janvier 1985 , Laurent FABIUS annonçait son Plan Informatique Pour Tous (IPT) 1. Celui-ci est aujourd’hui considéré pour beaucoup comme un échec, dont la principale conséquence fut de répandre les ordinateurs Thomson (TO7 et MO5) en France. Le problème majeur de ce plan fut le manque de formation des enseignants. Pourtant, voici comment l’évènement était présenté le 25 janvier 1985 2 :

Introduction du sujet : « Le plan lancé cet après-midi par le premier Ministre Laurent FABIUS est un plan de 2 milliards de francs pour initier petits et grands aux mystères de l’ordinateur. Reste à savoir si l’intendance suivra… »

Daniel DURANDET : « Les outils de base français sont 100% français […] des MO5, véritables R5 de la micro ! Parallèlement à cet équipement un plan de formation systématique des enseignants va être engagé. Ils devraient être 150.000 initiés au langage informatique d’ici la fin de l’année.»

Laurent FABIUS : « On ne peut former les onze millions d’enfants et puis le public que si il y a des formateurs. […] À partir des prochaines semaines, il va y avoir toute une série de sessions de formations ouvertes pour les enseignants. » Illustration 25 - Laurent FABIUS, 1983

1 Le Plan Informatique Pour Tous (IPT) est un programme gouvernemental annoncé à la presse le 25 janvier 1985. Il prévoyait dès la rentrée de septembre 1985, le déploiement de 120 000 ordinateurs dans 50 000 établissements scolaires et la formation, à la même échéance, de 110 000 enseignants. 2 Journal télévisé Soir 3 .- reportage de Daniel DURANDET, FR3, 25/01/1985.

- 82 - La « société de l’information » : du mirage collectif au projet partagé ? Magali MACELI, Thèse de Doctorat, Université Paris 8, Saint-Denis, 2008 1ère PARTIE : L’INFORMATION PAR LES MEDIAS : QUELS ENJEUX ET DISCOURS MÉDIATIQUES ? QUE DIT LA TÉLÉVISION ?

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Ce plan aura au moins eu le mérite de mettre la question de la formation aux outils informatiques sur le devant de la scène l’espace de quelques semaines.

En 1989 , le premier salon européen de l’informatique permanente ouvre ses portes au CNIT de la Défense. La révolution cette fois est celle de l’ordinateur portable.

Henri LEGOY 1 : « Depuis deux ans, l’énorme expansion du marché des micro-ordinateurs a multiplié les besoins, les désirs et les possibilités des utilisateurs. Échanger, transmettre, enregistrer des informations vite, bien, partout est devenu une nécessité. Face à ce marché les constructeurs d’ordinateurs Illustration 26 - Ordinateur portable, ont ouvert une nouvelle voie : celle du 1989

portable. […] 6,5kg, 10cm d’épaisseur. […] »

Puis viendra le début des années 90 qui marquera également le début des discours relatifs aux développements d’Internet.

1 Journal télévisé de la nuit : Dernière.- Reportage d’Henri LEGOY, Antenne 2, 26/09/1989.

La « société de l’information » : du mirage collectif au projet partagé ? Magali MACELI, Thèse de Doctorat, Université Paris 8, Saint-Denis, 2008 - 83 -

C/ DÉBUT DES ANNÉES 90 – DÉBUT 2000 : INTERNET ,

AUTOROUTES ET SOCIÉTÉ DE L ’INFORMATION

Fin 94 les journaux commencent à évoquer Internet. Mais c’est 1995 qui sera l’année mettant Internet et les autoroutes de l’information au goût du jour. Ainsi Daniel BILALIAN abordera le sujet en février 1995 1 :

« Internet, c’est le nom des nouvelles autoroutes de l’information qui parcourent le monde. Avec un simple clavier d’ordinateur, vous pouvez avoir accès à pratiquement toutes les banques de données et tout Illustration 27 - Daniel BILALIAN, 1995 savoir sur tout ou presque. L’Amérique nous précède bien entendu dans ce domaine. »

Patricia CHARNELET : « L’accès à toutes ces informations est gratuit, c’est l’un des principes de base d’Internet. De même, l’absence de chef : la plus grande liberté règne sur le réseau. Certains parlent déjà de la naissance de la démocratie électronique. […] A l’inverse, Internet a déjà ses détracteurs. Les uns reprochent au réseau d’être déjà saturé. Les autres disent qu’il est pollué par les trafiquants en tous genres. Quelle que soit son évolution, Internet aura révolutionné l’accès au savoir. »

Pourquoi cet engouement soudain pour Internet et les autoroutes de

1 Journal télévisé de 20h .- Daniel BILALIAN, Reportage de Patricia CHARNELET, A2, 06/02/1995.

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l’information ? Et bien tout simplement parce qu’en Février 1995 s’est tenu un G7 spécialement consacré aux autoroutes de l’information. Les puissants se penchent sur la question qui fait donc l’actualité :

Bruno MASURE 1 : « Les 7 pays les plus riches de la planète et 45 entreprises parmi les plus performantes ont rendez-vous à Bruxelles ce week-end pour un G7 peu ordinaire consacré aux autoroutes de

l’information. Autrement dit des réseaux de télécommunication à très haut débit. Un enjeu technologique et économique considérable puisque la seule industrie des télécommunications devrait peser plus de 4500 milliards de francs en l’an 2000 et créer des millions d’emplois à travers le monde. »

Au cours du reportage Christian-Marie MONOT nous apprend que :

« Les français se cherchent encore. […] Un nouvel outil va envahir l’Europe. Internet, créé par l’armée américaine : le minitel version universelle, rapide, mondial, peu cher et permettant de mieux gérer son temps de travail » Illustration 28 - Christian-Marie MONOT, France 2, 1995 « Cette Société de l’information totale va-t-elle permettre de la création d’emplois et améliorer la qualité de vie à l’aube du troisième millénaire ? Le G7 n’apportera pas de réponse mais les américains y croient. Les européens sont plus

1 Journal télévisé de 20h .- , Reportage de Christian-Marie MONOT, France 2, 25/02/1995

La « société de l’information » : du mirage collectif au projet partagé ? Magali MACELI, Thèse de Doctorat, Université Paris 8, Saint-Denis, 2008 - 85 -

sceptiques ».

Le lendemain dans le Soir 3 1, Catherine MATAUSCH évoque également le sujet dans les termes suivants : « Les autoroutes de l’information nous préparent à vivre une véritable révolution culturelle et sociale. Cette révolution inéluctable mais parfois un peu inquiétante a fait l’objet d’un vrai débat ce week-end à Bruxelles entre les pays les plus riches de la planète. […] Un sommet des pays riches soumis à forte pression des industriels […] mais aussi une grande perplexité du public »

Reportage de François POULET-

MATHIS : « Le G7 a donné aujourd’hui le coup d’envoi des autoroutes de l’information non sans avoir précisé le cadre de cette nouvelle aventure qui à juste titre peut inquiéter. […] La Société 2 Illustration 29 - François POULET- de l’information c’est un peu cet MATHIS, FR3, 26/02/1995 appareil [ordinateur portable à ses côtés] : votre minitel actuel sera remplacé par votre portable. Avec ce portable vous allez avoir accès à beaucoup d’informations de la planète. […] Mais cette révolution apportera-t-elle la solution à tous les problèmes comme celui du chômage ? Les membres du G7 se veulent ce soir très prudents. »

1 Journal télévisé Soir 3 .-Catherine MATAUSCH, Reportage de François POULET-MATHIS, France 3, 26/02/1995. 2 La mauvaise qualité de l’illustration est due à la détérioration de la bande vidéo à partir de laquelle nous avons procédé à la capture de l’image à l’Inathèque.

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Trois mois plus tard dans le Soir 3 1, Catherine MATAUSCH présente Internet comme :

« En quelque sorte un centre de documentation à l’échelle de la planète. Aujourd’hui c’est un peu compliqué pour y avoir accès mais demain Internet intégrera

votre télé.» Illustration 30 - Catherine MATAUSCH, France 3, 1995

Bruno MASURE 2 quant à lui présente, avec le ton qui le caractérise, un sujet sur le développement d'Internet en France et sa traduction en français par différents prestataires (Club Internet, Infonie) dont les noms sont allègrement cités :

« Dans la série, il n’est jamais trop tard pour bien faire, les français partent à l’assaut des

Illustration 31 - Bruno MASURE, France 2, multimédias. » 1995

Les sujets relatifs à Internet vont se multiplier sous différents angles : la censure de certains sites ou au contraire la liberté d’expression, la pornographie, les cybercafés, les sites terroristes qui donnent des recettes de bombes, etc. On voit même apparaître de nouveaux programmes tels que les « zapping Internet » ou présentations de sites web.

1 Journal télévisé Soir 3 .- Catherine MATAUSCH, France 3, 12/05/1995. 2 Journal télévisé de 20h .- Bruno MASURE, France 2, 22/10/1995.

La « société de l’information » : du mirage collectif au projet partagé ? Magali MACELI, Thèse de Doctorat, Université Paris 8, Saint-Denis, 2008 - 87 -

En 1996, dans le Soir 3 1, affirme :

« Une certitude ce soir : tout le monde parle d’Internet mais la plupart ne savent pas exactement de quoi il s’agit. En schématisant, disons qu’Internet est un super Minitel qui permet d’accéder à des millions et

des millions de services, voire à des jeux vidéo très Illustration 32 - Henri SANNIER, FR3, 24/01/1996 intéressants. »

Arrive 1997 et le Plan d’Action Gouvernemental pour la Société de l’information (PAGSI) que nous présenterons plus en détails par la suite 2. La couverture médiatique rappelle à qui veut l’entendre le retard que la France doit rattraper, et évoque principalement l’adaptation du Minitel – non sans citer, là encore, quelques grandes entreprises commerciales au passage : Matra, Alcatel – à Internet.

Antoine CORMERY 3 : « Lionel JOSPIN clique sur la touche multimédia ! Le premier Ministre a annoncé hier, un plan d’action pour faire rattraper à la France son retard en matière d’équipement informatique. Un plan qui passe

aussi par un renouveau du Minitel qui pourrait s’ouvrir à Internet. »

Daniel BILALIAN 4 : « Hier c’était le premier Ministre qui avait

annoncé que la France comptait bien rattraper son retard en matière de développement du système Internet qui pourrait

1 Journal télévisé Soir 3 .- Henri SANNIER, Reportage de Patrick HESTER, France 3, 24/01/1996. 2 Cf. en page 3 de ce document. 3 Journal télévisé Midi 2 .- Antoine CORMERY, France 2, 26/08/1997. 4 Journal télévisé de 20h .- Daniel BILALIAN, France 2, 26/08/1997.

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être accessible par le Minitel actuellement uniquement utilisé sur le territoire national. Une passerelle entre les deux systèmes est d’ailleurs possible »

Patricia CHARNELET : « […] Avec ce nouveau produit [le minitel-Internet] la France rentre enfin dans la guerre technologique mondiale. Personne ne sait encore qui en sortira vainqueur : ceux qui proposent Internet sur l’ordinateur ou sur l’écran de télévision ou sur le Minitel. Les français auront au moins le choix du terminal pour communiquer avec la planète. »

Ce n’est qu’au cours d’une émission 1 consacrée à Catherine TRAUTMANN (alors Ministre de la Culture) qu’est diffusé un extrait de l’intervention de Lionel JOSPIN à l’université d’été de la communication d’Hourtin (en Gironde). Lionel JOSPIN : « Nous refusons que le fossé séparant ceux de nos concitoyens qui maîtrisent ces nouveaux outils du reste de la population s’accroisse. Faciliter le développement de la Société de l’information en France, tout en

permettant l’accès du plus grand nombre aux Illustration 33 – Lionel JOSPIN, Hourtin, 1997 nouveaux services, telle est l’ambition de mon gouvernent. »

La présentation de ce plan d’action pour préparer l’entrée de la France dans la Société de l’information (PAGSI) 2 sera faite quelques mois plus tard en janvier 1998 :

1 Dimanche Soir .- Christine OCKRENT, Gilles LECLERC, France 3, 07/09/1997. 2 Nous reviendrons sur le PAGSI dans le chapitre consacré aux politiques publiques en page 3.

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Antoine CORMERY 1 : « Internet c’est l’avenir et le Premier Ministre entend bien ne pas faire rater ce train là à la France. Le Premier Ministre a présenté ce matin à Matignon un plan d’action pour préparer l’entrée du pays dans la société dite de l’information. Bataille jugée essentielle pour l’emploi. La plupart des établissements scolaires doivent être équipés d’ordinateurs et reliés à Internet d’ici deux ans. Des espaces multimédia en libre accès doivent être installés partout en France, la Poste va être sollicitée pour installer des ordinateurs.»

En Mars 1998, « le Ministre de la Culture 2 décore des informaticiens, des ingénieurs, des techniciens. C’est la reconnaissance par l’État de ces nouveaux acteurs de la Société de l’information. 1998, a dit ce matin Catherine TRAUTMANN, doit être l’an 1 de l’Internet grand-public. [15 ans après l’an zéro de l’informatique annoncé en 1983 par Noël MAMÈRE 3 !] Qu’on le veuille ou non, ce réseau d’information mondial va bouleverser notre vie quotidienne de citoyen et de consommateur. […] Si seulement 4% des français utilisent Internet à domicile, l’immense majorité pense que c’est un formidable moyen d’accès au savoir »4.

1 Journal télévisé Midi 2 .- Antoine CORMERY, France 2, 16/01/98. 2 Catherine Trautmann est Ministre de la culture à ce moment. 3 Cf. en page 3 de ce document. 4 Journal télévisé de 20h .- Béatrice SCHONBERG, Reportage de Patricia CHARNELET, France 2, 20/03/1998.

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Début 2000 , après avoir échappé – ou survécu - au « Bogue (bug) de l’an 2000 » tant redouté, retour sur Internet et l’évolution de nombre d’abonnés dans le 19/20 1 de France 3 :

Élise LUCET : « La France on le sait est très en retard en ce concerne les équipements informatiques mais

paradoxalement pour Internet c’est exactement l’inverse. Plus de 5 millions Illustration 34 - 19/20, France 3, 11/01/2000 de Français sont connectés au réseau mondial et le nombre d'abonnements augmente en flèche […] »

Valérie PATOLE : « Internet c’est la révolution de l’information et des télécommunications. Ces deux mondes se côtoyaient, aujourd’hui ils ont totalement fusionné. Ils ont fait naître une toile d’araignée mondiale, la plus grande autoroute de l’information. En matière d’équipement informatique la France rattrape son retard par rapport à ses voisins » [Ah ! enfin !]

En juillet 2000, c’est à nouveau à l’occasion du G8 que l’on fait référence à ce sujet. Le fossé numérique est le thème central du sommet :

1 Journal télévisé 19/20 .- Élise LUCET, Reportage de Valérie PATOLE, France 3, 11/01/2000.

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Benoît DUQUESNE 1 : « Les leaders du G8 s’inquiètent du fossé numérique qui se creuse avec la révolution Internet entre pays pauvres et pays riches.» […] « C’est surtout de nouvelles technologies qu’il a été question Illustration 35 - Benoît DUQUESNE, France 2, 2000 autour de cette table et du fossé entre pays riche et pays pauvres qu’il faut absolument combler en la matière. »

En 2002 , une étude sur l’impact d’Internet est effectuée par l’INSEE 2, un reportage consacré à ses résultats est diffusé dans le journal 3 de 20h sur France 2 courant juin :

David PUJADAS : « Il y a quelques années, les spécialistes annonçaient l'arrivée d'une nouvelle société en réseau. Au vu des chiffres [de l’étude INSEE], on est encore loin du compte. Les 2/3 des Français ne se sont jamais connectés selon cette Illustration 36 - David PUJADAS, étude. Internet reste largement réservé aux catégories France 2, 2002 dites supérieures. »

Laurence DECHERF : « En informatique, il y a :  Les hermétiques : [Micro-trottoir] « Je viens tout juste de me mettre au minitel, alors si vous me parlez d’ordinateur et d’Internet, on va attendre quelques années je pense !».

1 Journal télévisé de 20h. – Benoît DUQUESNE, France 2 – 22/07/2000. 2 Un tiers des adultes ont déjà utilisé Internet, in : INSEE première , n°850, Céline ROUQUETTE, Division Conditions de vie des ménages, INSEE, juin 2002. 3 Journal télévisé de 20h .- David PUJADAS, Reportage de Laurence DECHERF, France 2, 19/06/2002.

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 Mais aussi les allergiques : [Micro-trottoir] « Ça m’a jamais attiré »  Et puis il y a les sceptiques : [Micro-trottoir] « L’informatique on est dépassé, ça va tellement vite… » deux français sur trois se désintéressent totalement d’Internet. […] De quoi décevoir les prophètes qui annonçaient l’explosion du nombre d’internautes sur la toile ! »

En 2004 , la nouvelle révolution réside dans le lancement de l’Internet à très haut-débit, c’est ainsi que l’annonce David PUJADAS1 :

« Une nouvelle révolution technologique pour Internet : les opérateurs donnent le coup d’envoi du très haut débit. Une puissance 30 fois supérieure qui permet d’utiliser Internet, d’être au téléphone, de regarder la télévision, tout cela en même temps, sans saturations. »

Nous nous arrêterons ici dans notre rétrospective télévisuelle car le sujet est sans fin. A chaque nouvelle avancée technologique, une révolution est annoncée. Les prochaines seront après 2004 (et dans le désordre) : le WIFI, la télévision numérique, les services liés aux téléphones portables… les dérives et dangers feront toujours l’objet de l’actualité : cybercriminalité, terrorisme sur Internet, arnaques en ligne… Nous avons pu observer l’évolution chronologique des discours télévisuels. Nous nous appuierons sur cette rétrospective dans la suite de notre raisonnement. Celle-ci nous permet d’ores et déjà d’appréhender les discours et leurs tonalités depuis cinquante ans en matière de

1 Journal télévisé de 20h .- David PUJADAS, Reportage de Isabelle QUINTARD, France 2, 20/10/2004.

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développement d’outils, de services et d’usages liés à l’informatique et la (télé-)communication.

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CONCLUSION

CONCLUSION

Comme tout phénomène porteur de progrès, de changements et d’évolution, l’apparition et la dissémination de la notion de Société de l’information suscitent enthousiasme voire émerveillement pour certains, réserves et même peurs pour d’autres. D’un côté, on prophétise une nouvelle société, une nouvelle révolution industrielle ou économique. De l’autre, on met en garde contre la fracture numérique, on redoute le remplacement de l’homme par la machine, etc… En fait ces deux modes de pensées se fondent sur une même croyance, celle en la capacité de la science et de la technologie à générer le progrès. La différence majeure, principale et presque l’unique différence réside dans l’espoir ou la croyance en la capacité de la science et de la technologie à porter le progrès social. Dans ce cadre, l’information permettrait de faire évoluer les fonctionnements et surtout de gommer les dysfonctionnements sociaux et sociétaux. En guise de conclusion de cette première partie, nous pouvons avancer qu’il serait difficile, en effet, de nier l’importance du développement de l’informatique et des nouveaux moyens de communication, ou de leur contester, ce qui serait absurde, la possibilité de contribuer de façon significative aux évolutions de notre société. Mais devant la fascination qu’ils exercent et l’agitation médiatique qu’ils suscitent, il nous apparait plus nécessaire que jamais de prendre du recul par rapport aux discours ambiants. Nous entendons ainsi considérer de façon globale la question de la diffusion des informations et connaissances relatives à la Société de l’information. Après avoir étudié quelques uns des acteurs et mécanismes de l’information des citoyens à travers les médias, nous allons dans la seconde partie de ce mémoire, étudier un autre des acteurs jouant un rôle majeur dans l’information des citoyens : les pouvoirs publics.

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2ème PARTIE : L’INFORMATION PUBLIQUE À L’ÉPREUVE DU TERRAIN

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INTRODUCTION

INTRODUCTION

La Société de l’information bouleverse nos visions, réduit les distances, favorise les échanges, dans des proportions dont nous mesurons encore mal les effets aujourd'hui ; elle s'inscrit dans une continuité historique aussi importante que l'arrivée de l'imprimerie, l'invention du téléphone, et la révolution de la télévision. Elle se situe d'ailleurs au cœur de ces trois médias. Et tout comme l'État et les collectivités locales ont joué un rôle essentiel dans la diffusion du livre (pour qu'il soit accessible à tous), il faut, pour l'ordinateur connecté à Internet, le rendre également disponible pour le plus grand nombre. C'est d'autant plus nécessaire, qu'à l'inverse de la télévision, et même du livre, les TIC apparaissent complexes, leurs modalités d'accès sont encore trop coûteuses pour une partie de la population, et elles ne sont pas perçues spontanément comme un élément de loisir aussi évident que la télévision. Il réside ici des enjeux qui apparaissent pour beaucoup comme majeurs du fait de leur étroite relation avec l’exercice d’une citoyenneté avertie et donc de la démocratie. Nous reviendrons plus loin sur les notions de citoyenneté et d’engagement et sur les liens qui existent avec l’information. Nous nous intéresserons également à l’information des citoyens par un autre acteur majeur que les médias : l’administration. Pour finir, nous confronterons théories et pratiques en interrogeant des besoins informationnels spécifiques : ceux des femmes par exemple mais aussi des doctorants. Ceci nous permettra d’évoquer une nouvelle notion celle du vivre-informationnel comme préalable à l’engagement. Comment passer de l’accès à l’information à la participation citoyenne ? Et quelle relation entre information et engagement ? C’est ce que nous allons aborder au long de cette deuxième partie.

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I / LA SOCIÉTÉ DE L’INFORMATION : QUELS DISCOURS POLITIQUES CES DERNIÈRES ANNÉES ?

I / LA SOCIÉTÉ DE L’INFORMATION : QUELS DISCOURS POLITIQUES CES DERNIÈRES ANNÉES ?

Sans refaire ici la genèse politique du concept de Société de l’information, nous poserons tout de même quelques repères qui nous permettront de suivre l’évolution des politiques publiques, des discours et des idéologies développées en la matière.

Nous ne remonterons pas jusqu’aux premières politiques développées en matière de télécommunication ou d’informatique qui ont d’ailleurs largement été évoquées dans la partie consacrée à la rétrospective télévisuelle, tel le Plan calcul qui a fait l’actualité en 1967 1. Nous citerons pour commencer l’exemple de la France. Celle-ci peut notamment s’appuyer sur l’un des premiers rapports sur la question de la télématique : le rapport dit « NORA/ MINC» sur « L’informatisation de la société »2. Celui-ci, remis en 1978 à Valéry GISCARD D’ESTAING, alors Président de la République, fit comme nous avons pu le constater, beaucoup parler de lui dans les médias. Les auteurs n'hésitent pas à y considérer les réseaux télématiques comme la réponse à ce qu’ils considèrent comme une véritable crise de civilisation. Pour la première fois, le terme «télématique» est lancé pour désigner l’interconnexion des ordinateurs et des moyens de télécommunications. Déjà à l’époque, Alain MINC et Simon NORA préviennent des risques de dualisation de la société et insistent sur les possibilités de donner à la population de nouveaux rapports de citoyenneté en permettant un accès plus simple et plus rapide aux administrations... Nous avons d’ailleurs pu observer dans la partie consacrée à ce sujet que

1 Cf. Plan Calcul ci-dessus de ce document. 2 Alain MINC, Simon NORA, L’Informatisation de la Société .- Rapport d’État, Documentation française (La), 1978.

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les médias – la télévision notamment - ont largement évoqué la télématique qui à l’époque était la nouvelle révolution technique annoncée.

Nous pouvons donc constater que dès la fin des années 70, étaient posées les questions qui reviendront de façon récurrente. Lorsque les auteurs mettent en garde contre un risque de dualisation, ils préviennent contre ce que l’on nommera plus tard la « fracture numérique». De la même manière, lorsqu’ils insistent sur les possibilités offertes, nous sommes déjà dans un discours très optimiste sur la capacité des technologies à développer de nouveaux modes de fonctionnements sociaux et sociétaux. Ces deux problématiques reviendront sans cesse et sont toujours d’actualité. En juillet 1994, soit quasiment vingt ans plus tard , après être passé de la télématique aux autoroutes de l’information , parfois appelées Inforoutes , le premier ministre Édouard BALLADUR demande à Gérard THÉRY 1 un rapport à ce sujet. D'après ce rapport, les autoroutes de l'information « permettront à tous d'accéder à la connaissance : chaque individu y aura un accès personnalisé. Elles permettront un accès plus équitable aux extraordinaires richesses concentrées dans les bibliothèques. Cette volonté d'équité devra s'accompagner d'une numérisation systématique des œuvres détenues par les bibliothèques.» Le rapport précise même qu’il faudra « éviter que leur accès ne soit régi que par la loi du marché : les pouvoirs publics ont donc un rôle à jouer afin de démocratiser ces services, à l'image du téléphone. Une fois le réseau de fibres optiques déployé en France, la plupart des services informationnels seront accessibles sur l'ensemble du territoire et au même prix, alors même que la mondialisation des flux d'informations facilitera la consultation et permettra une croissance exponentielle de la connaissance. Les villages et les petites villes se trouveront de ce fait moins isolés du monde urbain. La

1 Gérard THÉRY, Les autoroutes de l'information .- Documentation Française (La), 1994.

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I / LA SOCIÉTÉ DE L’INFORMATION : QUELS DISCOURS POLITIQUES CES DERNIÈRES ANNÉES ?

qualité de vie y sera sans doute meilleure sans pour autant réduire les possibilités de travail : peut-être parviendra-t-on ainsi à limiter la désertification des campagnes ». Nous noterons d’ailleurs que depuis, le téléphone n’est plus géré dans le cadre du service public, la Poste est également en cours de privatisation et la fibre optique est loin d’être déployée partout en France. À ce jour, soit près de quinze ans après le rapport THÉRY, nous en sommes encore dans certains territoires français à un accès Internet en bas débit. De la même manière, dans un certain nombre de zones françaises de faible densité de population, le déploiement de la téléphonie mobile n'est pas encore entièrement réalisé. Cette problématique a d’ailleurs fait l’objet d’un programme de couverture des « zones blanches » en téléphonie mobile qui est en cours de réalisation. « Ce programme vise la couverture des centres bourgs de l'intégralité des quelques 3000 communes identifiées comme n'étant couvertes par aucun opérateur. Pour cela, le programme prévoit la mise en service de près de 2200 sites. »1

1 Site Internet de la Délégation interministérielle à l’aménagement et à la compétitivité des territoires (DIACT) : http://www.diact.gouv.fr

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Illustration 37 - France : Couverture en téléphonie mobile – Source DIACT

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I / LA SOCIÉTÉ DE L’INFORMATION : QUELS DISCOURS POLITIQUES CES DERNIÈRES ANNÉES ?

Nous pourrions donc requestionner et critiquer – vivement parfois – les discours politiques au regard de la mise en œuvre concrète. Cependant, notre intention ici est d’illustrer à l’aide de quelques citations l’apparition et la tonalité des discours politiques relatifs au développement des technologies de la communication. Les autoroutes de l’information, que nous venons de mentionner, ont donc elles-mêmes fait l’objet de discours, d’intentions et de (dés)illusions que nous ne faisons qu’évoquer ici mais qui, elles aussi, constituent un sujet d’étude en soi 1. Ces deux sujets sont cependant très liés car les autoroutes de l’information nous ont bien évidemment menés directement à la Société de l’information. Nous ne referons donc pas l’historique politique du phénomène qui en France s’est poursuivi par différents programmes gouvernementaux 2 tels que le Programme d'Action Gouvernemental pour la Société de l’information (PAGSI) et le Plan pour une 3 REpublique numérique dans la Société de l’information (RE/SO 2007) ... Qui eux aussi développent propos, propositions et dispositions pour que puisse enfin émerger cette Société de l’information dans laquelle la France devrait entrer pour ne pas être en retard par rapport aux autres. Les autres sont ici les autres pays, les autres puissances et particulièrement les États- Unis et le Japon. Nous pourrons d’ailleurs voir que ces préoccupations seront largement et fidèlement relayées par les journaux télévisés.

D’ailleurs, si l’approche de la Société de l’information française peut s’appuyer, comme nous venons de l’illustrer brièvement sur un terreau de politiques publiques en matière de télécommunication 4. Pour ce qui concerne

1 C’est d’ailleurs ce que nous avons fait dans le cadre du DEA enjeux sociaux des TIC de l’Université Paris 8 de Saint-Denis (Magali MACELI, o p.cit .). On trouvera par ailleurs des références bibliographiques sur le sujet à la fin de ce mémoire. 2 Portail de la Société de l’information géré par le Service d’information du Gouvernement (S.I.G.) du Premier ministre : http://www.Internet.gouv.fr

3 Ces programmes sont présentés plus en détail dans la partie consacrée à l’Information des citoyens

par les administrations. Cf. en page 3 et 3 de ce document. 4 Des références de rapports et études sont disponible dans notre bibliographie en page 3

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l’Europe qui a également un passé de plans, résolutions et programmes allant dans le sens du déploiement des technologies de la communication, c’est notamment le Livre blanc sur la croissance, la compétitivité et l’emploi 1 qui a donné une impulsion à la politique européenne de la Société de l’information. Il préconise une stratégie communautaire pour mener l’Europe vers la Société de l’information.

Cependant, la naissance de discours enthousiastes relatifs aux progrès en matière de communication ne date pas du développement ou d’une démocratisation – avérée ou non – de l’informatique et d’Internet. En effet, depuis la mise au point des premières techniques de communication à distance, comme le télégraphe puis le téléphone, nombreux furent ceux qui virent dans ces techniques la panacée universelle. Ainsi, selon Armand MATTELART, on prophétisait déjà en 1793, que l'installation du télégraphe optique ainsi que l'utilisation de messages codés permettraient à « tous les citoyens de la France de se communiquer leurs informations et leurs volontés »2. De même, le Minitel, à son heure, avait lui aussi suscité un engouement et engendré des dépenses considérables pour sa mise en œuvre. L'histoire nous montrera cependant que, bien que ces techniques aient permis des avancées significatives, elles ne sont pas allées jusqu'à résoudre l'ensemble des problèmes de nos sociétés. L'erreur semble actuellement se reproduire. On nous annonce avec le déploiement des techniques de télécommunication et de l'informatique, l’éclosion d’une nouvelle société – de l’information. Ainsi, comme nous le rappelle l’ histoire de la Société de l’information 3 :

1 Jacques DELORS, Le livre blanc : Croissance, compétitivité et emploi : Les défis et les pistes pour entrer dans le XIXème siècle.- Communauté européenne, 1993. 2 Armand MATTELART, « Une éternelle promesse : les paradis de la communication », Le Monde diplomatique , Nov.1995, p.4. 3 Armand MATTELART, Histoire de la Société de l’information .- Ed. La Découverte, coll. : Repères, 2001, p.3.

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I / LA SOCIÉTÉ DE L’INFORMATION : QUELS DISCOURS POLITIQUES CES DERNIÈRES ANNÉES ?

« Entre boniments promotionnels, proclamations officielles, manifestes branchés et études savantes ou semi-savantes […] on nous annonce une nouvelle société nécessairement “plus solidaire, plus ouverte et plus démocratique” ».

Et Bertrand LABASSE de renchérir : « Pour annoncer une nouvelle révolution, les prophètes se fondent toujours en effet sur le postulat d’une influence directe, mécanique et prévisible, des techniques de communication – et des techniques en général – sur l’évolution de la société »1

On constate effectivement le déploiement des technologies de la communication et la mise à disposition de l’Information avec un « grand i » est à nouveau envisagée comme une sorte de remède miracle aux dysfonctionnements d’une société malade. L’histoire semble se répéter car dès 1948, le mathématicien Norbert WIENER 2 se représentait la future Société de l’information comme un idéal de transparence et de démocratie. Pour lui, « la communication effacerait le secret, qui seul rendit possible le génocide nazi, Hiroshima et le Goulag »3.

Ces fantasmes liés à la communication et à l’information sont déjà

1 Bertrand LABASSE, Une dynamique de l’insignifiance : les médias, les citoyens et la chose publique dans la « Société de l’information ».- Presses de l’ENSSIB, coll. : Références, 2002, p.21. 2 Norbert WIENER , Cybernétique et société , Ed.10/18, 1954. 3 Guy LACROIX, « Cybernétique et société : Norbert Wiener ou les déboires d'une pensée subversive », Terminal , N° 61, 1993. Consultable sur Internet : http://www.terminal.sgdg.org/articles/61/identitespouvoirslacroix.html

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anciens et se sont développés insidieusement et de façon exponentielle en même temps que se développaient les moyens techniques de télécommunications, mais aussi les médias et leurs usages. A chaque nouvelle découverte, chaque nouvelle possibilité, s’ouvrent de nouvelles portes à l’imagination. C’est ainsi que peuvent se construire des représentations sociales, puis un imaginaire collectif 1. Mais le discours et les intentions politiques ne suffisent pas pour comprendre comment ces représentations, cette perception des TIC et de la Société de l’information se sont construites. Nous nous sommes donc interrogés sur les modalités d’information des citoyens par les administrations.

1 Nous y reviendrons dans la 3 ème partie en page 3 : « DE L’INTÉGRATION DES DISCOURS AU « MIRAGE COLLECTIF » et plus particulièrement dans le chapitre intitulé : « Représentations sociales de la société de l’information – tentative de synthèse des idées véhiculées » en page 3.

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II/ L’INFORMATION DES CITOYENS PAR (DANS) LES ADMINISTRATIONS A/ L’administration électronique : discours, projets et intentions

II/ L’INFORMATION DES CITOYENS PAR (DANS) LES ADMINISTRATIONS

Les supports électroniques d'information sont aujourd'hui incontournables. Ils permettent de produire une plus grande quantité de documents et de réduire le délai de leur accessibilité par les citoyens, notamment par le biais d’Internet. Il est naturel de penser que ces développements peuvent contribuer à faciliter l'accès aux administrations du plus grand nombre et donc améliorer la qualité du service public. Comment les citoyens sont-ils informés par les administrations ? Quels sont les changements liés au développement des technologies de l’information et de la communication ? Et répondent-ils aux besoins de la population ?

A/ L’ ADMINISTRATION ÉLECTRONIQUE : DISCOURS ,

PROJETS ET INTENTIONS

Nous avons abordé dans le premier chapitre de cette partie, les discours politiques de ces dernières années concernant la Société de l’information. Nous allons maintenant nous intéresser aux modalités de mise en œuvre de ceux-ci dans le cadre de l’administration. Comme nous le verrons, l’émergence de l’E-administration veut aller bien au-delà de l’informatisation des procédures. L’administration électronique a désormais pour vocation de contribuer à l’avènement de ce que l’on appelle l’E- gouvernement.

Ainsi, le principe de « la modernisation des services publics » était-il affirmé dès 1997 dans Programme d’action gouvernemental pour la Société de l’information ( PAGSI). Nous avons au cours de nos premiers travaux de

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recherche 1, étudié de manière approfondie le PAGSI et en avons conservé les documents officiels de l’époque. Nous tenons à signaler ici qu’en faisant quelques années plus tard des recherches via Internet à ce sujet, il est aujourd’hui très difficile de trouver des informations à ce sujet et impossible (à ce jour 2) de trouver le texte lui-même (y compris sur le site http://www.Internet.gouv.fr). Ce qui pose à notre sens une véritable question de fonds, celle de la mémoire de la Société de l’information et de ses archives, et ceci notamment en cas de changements politiques. Qu’une politique en remplace une autre, certes mais quid des documents et informations relatifs aux politiques et programmes précédents ? Nous n’irons malheureusement pas plus loin dans le cadre de ce mémoire sur cette problématique déjà évoquée dans la partie consacrée à notre méthodologie de recherche à l’INA et travaillée par ailleurs 3, mais nous souhaitions à nouveau pointer ce sujet.

Revenons donc au PAGSI, dont les premières pages de présentation sont pour les raisons que nous venons d’évoquer disponibles en annexe de ce mémoire 4. Ce programme d'action gouvernemental, intitulé «Préparer l'entrée de la France dans la Société de l’information », propose plusieurs chantiers prioritaires concernant : l’éducation, la culture, les services publics, les entreprises, la recherche et l’innovation, la régulation. Il comporte de nombreuses orientations permettant aux administrations d'offrir un meilleur service grâce à Internet. Au delà, il aborde la modernisation du

1 Magali MACELI, La Société de l’information entre intentions, potentiels et inerties : Dépasser la logique techniciste pour promouvoir une approche sociale et culturelle.- Sous la dir. de Claude BALTZ, DEA « Enjeux sociaux des NTIC », Université Paris 8, Saint- Denis, 2002. 2 À la date du 1er août 2008. 3 On pourra par exemple consulter la publication de l’UNESCO pour le Sommet mondial sur la Société de l’information : Jean-Michel RODES, Geneviève PIEJUT, Emmanuèle PLAS.- La mémoire de la Société de l’information , UNESCO, 2003. 4 Annexe en page 3

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II/ L’INFORMATION DES CITOYENS PAR (DANS) LES ADMINISTRATIONS A/ L’administration électronique : discours, projets et intentions

fonctionnement de l'État.

« L'émergence de la Société de l’information se manifeste par un ensemble de transformations profondes. Avec la généralisation de l'usage des technologies et des réseaux d'information, l'informatisation de la société, annoncée dès la fin des années soixante-dix, est désormais une réalité que traduit de manière concrète le concept de "Société de l’information" […] Ces transformations, qui dessinent une véritable mutation de notre société, font des conditions de l'entrée de la France dans la Société de l’information un enjeu décisif pour l'avenir. »

C’est ainsi que débutait la présentation des enjeux de l’entrée de la France dans la Société de l’information telle qu’elle était présentée à l’époque. Il était donc proposé dans ce cadre une réflexion et des mesures visant à faciliter l’accès des citoyens à l’administration par l’Internet ainsi qu’une modernisation du fonctionnement de l’État. Il s’agissait de généraliser la mise en ligne et la diffusion gratuite des données publiques, de rendre l’administration accessible par voie de courrier électronique, de développer les téléprocédures et de mettre les services administratifs en réseau.

« L'administration doit montrer l'exemple, aussi bien pour améliorer son fonctionnement interne, grâce aux nouvelles technologies de l'information et de la communication, que pour offrir un accès plus ouvert aux citoyens et aux entreprises . »1

1 Ainsi s’exprimait Dominique STRAUSS-KAHN dans son discours clôturant l’Université d’Hourtin en Gironde le 28 août 1998.

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L’enjeu de la modernisation portait donc sur deux dimensions : l’interne à l’administration et la relation avec les usagers (l’externe). Au niveau interne, il s’agit d’ « un prolongement de l'équipement informatique classique. Elles [les TIC] visent la modernisation de la gestion publique en améliorant l'efficacité du travail et en facilitant les échanges d'informations ». Mais cette modernisation des services publics faisait également partie d'un mouvement plus vaste de l'administration affirmant vouloir donner aux usagers une place centrale. C’est pour obéir à cette ambition d’ouverture (sur l’externe) que les TIC devaient permettre la mise à disposition des données publiques, la promotion des services offerts, les campagnes d'information d'intérêt général et la valorisation des institutions publiques. Elles devaient également offrir la possibilité d'effectuer des démarches administratives à distance. La Commission pour les simplifications administratives (COSA), créée en Décembre 1998, était chargée d’impulser les projets allant en ce sens.

Une autre des premières applications concrètes de cette volonté de travail en réseau a par exemple été la constitution de systèmes d'information territoriaux (SIT) favorisée par le gouvernement 1. Ceux-ci devaient permettre des échanges transversaux d'informations entre les services déconcentrés de l'État. La finalité de ces dispositifs était d'améliorer la communication interne aux services de l'État pour en rendre la gestion plus efficace, mais aussi de rendre un meilleur service à l'usager : réduction des délais de réponses, aide au traitement des dossiers, simplification des circuits...

Viendra par la suite, un deuxième plan annoncé en 2002 : le plan pour une REpublique numérique dans la Société de l’information (RE/SO 2007).

1 À l’époque c’est le Gouvernement JOSPIN qui est en place.

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II/ L’INFORMATION DES CITOYENS PAR (DANS) LES ADMINISTRATIONS A/ L’administration électronique : discours, projets et intentions

Tableau 7 - RE/SO 2007 : Texte de présentation – Source : http://www.Internet.gouv.fr

Le plan RE/SO 2007 a été présenté par le Premier ministre 1, le 12 novembre 2002. Il vise à construire et favoriser "une République numérique, fidèle à la devise qui est au fronton de nos institutions". "Liberté, égalité, fraternité" doivent ainsi pouvoir s’"ancrer dans la Société de l’information".

Les auteurs d’un livre intitulé : La e-administration : Levier de la réforme de l’État 2, affirment à ce sujet : « Globalement, il s’agit, comme l’avait indiqué Jean-Pierre RAFFARIN en avril 2003, de faire “mieux à moindre coût (car) l’État s’est enfermé dans un formalisme qui le paralyse” 3. Henri PLAGNOL, secrétaire d’État à la Réforme de l’État de l’époque, avait d’ailleurs été chargé d’obtenir de “30 à 50% de gain de productivité”. Pour ce dernier, l’usage des technologies de l’information pour moderniser l’État répond à deux motivations : la productivité de l’administration et la qualité du service. »

La modernisation de l’administration passe donc par un ensemble de mesures. Celles-ci ont principalement porté, dans un premier temps, sur l’informatisation des services. Il s’agissait de pallier aux carences en termes d’équipement. Cependant, « la mise en œuvre des politiques publiques par les services territoriaux de l'État, que ce soit au niveau régional, départemental ou infra-départemental, implique de plus en plus d'échanges d'informations entre les différents services, notamment pour la conduite

1 C’est à ce moment Jean-Pierre RAFFARIN qui est 1 er ministre. 2 Francis JUBERT, Elizabeth MONTFORT, Robert STAKOWSKI.- La e-administration : Levier de la réforme de l’Etat , Dunod, 2005, p.33. 3 Libération , 21/04/2003.

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d'actions interministérielles. [Mais] les nouvelles technologies de l'information et des télécommunications offrent des potentialités qui restent trop souvent ignorées des administrations . »1

Ce qui démontre, encore une fois, que la question de l’entrée de la France dans la Société de l’information, ne se satisfait pas uniquement de l’équipement informatique du plus grand nombre. L’e-administration, est un projet censé développer l’accès des citoyens à l’administration et leur donner accès aux informations dont ils peuvent avoir l’utilité. Mais que peut-on aujourd’hui observer des modalités de mise en œuvre de ce chantier ambitieux ?

1 Site Internet : http://www.Internet.gouv.fr

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II/ L’INFORMATION DES CITOYENS PAR (DANS) LES ADMINISTRATIONS B/ Une mise en œuvre complexe

B/ UNE MISE EN ŒUVRE COMPLEXE

Comme l’évoquait Jean-Michel CHARPIN en avant-propos du rapport intitulé L’État et les technologies de l’information et de la communication - Vers une administration à accès pluriel :

« Les technologies de l’information induisent une transformation des organisations. À long terme, ce sera un changement en profondeur. Sur le moment, les technologies de l’information ont pour principal effet d’amplifier les qualités ou les défauts des organisations antérieures » 1 .

En effet, en permettant un accès à l'information et un développement de la communication, ces instruments remettent en cause l'organisation traditionnelle de l'administration, notamment en perturbant les principes hiérarchiques. Le même rapport met l’accent sur la nécessité de l’adhésion et de la participation de chacune de personnes concernées.

« Pareille mutation de l’administration n’est pas possible sans l’adhésion des agents publics . [Ceux-ci] sont très motivés par l’introduction des technologies de l’information et de la communication. Pour leur propre compte, ils trouvent plus d’autonomie et de responsabilité. Ils y voient aussi une nouvelle façon de travailler au sein d’un service public plus moderne. […] En corollaire, les agents publics s’interrogent sur ce que deviendra leur travail au sein d’une administration

1 Bruno LASSERRE, Philippe CHANTEPIE, Olivier JAPIOT, et al..- L'État et les technologies de l'information : Vers une administration à accès pluriel , Commissariat général du plan, 2000, p.2.

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en réseaux. Ils regrettent que les enjeux du changement ne soient pas suffisamment expliqués et affichés. […] L’analyse des usages montre que l’introduction des technologies de l’information et de la communication amplifie les défauts et les qualités des modes de fonctionnement des services »1.

Nous pouvons commencer à pressentir, face à l'enthousiasme que suscite l'introduction des TIC au sein de l’administration, qu’une certaine réticence semble toutefois naître chez certains, craignant notamment de trop grands bouleversements dans leurs pratiques professionnelles et le fonctionnement administratif. Nous pouvons effectivement nous demander quelles sont les chances de réussite des TIC dans l’administration française?

D’après Jean-Pierre BAQUIAST 2 : « La culture traditionnelle de l'administration, répondant à des valeurs d'ailleurs respectables (légalité, respect de la hiérarchie, intégrité, égalité du citoyen devant le service public, nationalité...), emprunte souvent aujourd'hui des formes bloquantes (cloisonnement vertical et horizontal, bureaucratisme, rétention de l'information, non-ouverture...). Les statuts et les règlements définissant les emplois, carrières, conditions de travail, paraissent décrocher lentement de ceux intéressant la société civile, au mépris de nouvelles conceptions de l'efficacité et surtout de l'équité. […] Le monde de l'administration est bousculé, encore à la marge, avant de l'être de front, par de nouvelles

1 Bruno LASSERRE, Philippe CHANTEPIE, Olivier JAPIOT, et al., op. cit ., p.5. 2 Jean-Paul BAQUIAST.- Propositions sur les apports d'Internet à la modernisation du fonctionnement de l'État . Rapport d'orientation remis au Premier ministre le 1er Juin 1998 – Consultable à partir du Site de La Documentation française : http://www.ladocumentationfrancaise.fr

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II/ L’INFORMATION DES CITOYENS PAR (DANS) LES ADMINISTRATIONS B/ Une mise en œuvre complexe

cultures du travail en réseau (partage, initiative et responsabilité, décentralisation, mobilité, poly-activité, recouvrement des temps de travail et de loisir créatif, recherche de l'échange gagnant/gagnant, etc.). »1

Les organisations et plus particulièrement les administrations sont donc confrontées à un paradoxe ; elles doivent d'abord elles-mêmes se transformer pour pouvoir pleinement profiter des possibilités offertes par les technologies de l’information et de la communication.

Pour ce qui nous concerne, les observations que nous avons pu effectuer au sein de collectivités territoriales – dans le cadre de notre activité professionnelle – sont éloignées de ces problématiques. En effet, il apparaît que le décloisonnement et la transversalité tant revendiqués ne restent encore souvent que très éloignés des priorités voire des préoccupations des uns et des autres. Et lorsque Bruno LASSERRE 2 affirme : « C’est tout le mode de fonctionnement de l’administration qui devrait s’en trouver renouvelé, avec par exemple une redéfinition du rôle de la hiérarchie. En même temps, il apparaît possible de faire tomber les cloisonnements entre services. […] La modernisation en cours suppose une véritable appropriation par les agents publics et la mise en œuvre d’un projet stratégique de changement parce que l’administration en réseaux est bien plus un projet qu’un outil ».

1 Jean-Paul BAQUIAST, op. cit., p.10. 2 Bruno LASSERRE, Philippe CHANTEPIE, Olivier JAPIOT.- L'Etat et les technologies de l'information : Vers une administration à accès pluriel , Commissariat général du plan, 2000, p.6.

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Nous ne pouvons qu’approuver tout en émettant quelques réserves car nombre d’administrations sont également des institutions politiques. Leur fonctionnement est fortement réglementé et contraint par des enjeux et jeux d’acteurs – politiques notamment – dépassant largement le cadre strict des questions de circulation et de partage de l’information dans les organisations. Les administrations, en ce sens, ne répondraient pas aux mêmes logiques que les organisations apolitiques. Il y aurait là une hypothèse à approfondir, mais notre contribution en la matière ne sera que de suggérer cette piste de réflexion.

Nous verrons par la suite que quelques pistes d’actions et de travail en commun commencent à émerger. Mais même si, au sein des services administratifs aussi, on constate que l’accompagnement à l’appropriation et la formation restent des enjeux essentiels. Il nous apparaît surtout très clairement que la culture administrative avec son fonctionnement hiérarchique, sa « culture de la note » qui doit être paraphée « sous couvert… » par différentes personnes avant d’arriver à son destinataire, ses modes de transmission de l’information, ses circuits de communication et de validation internes, reste complètement verticale et percute de plein fouet la transversalité que l’on tente d’impulser par ailleurs.

Illustration 38 - Fonction pyramidal de l'administration

FONCTIONNEMENT PYRAMIDAL DE L’ADMINISTRATION

LOGIQUES VERTICALES

O U T I L S TRANSVERSAUX

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La question n’est pas nouvelle, et a déjà été soulevée, voilà plus de dix ans, par Jean-Paul BAQUIAST et Alain TURC 1 lorsqu’ils s’interrogent sur le sujet.

« Internet apporte -t-il une dimension véritablement nouvelle à l'action administrative, ou bien ne représente-t-il qu'un développement technologique faisant suite à beaucoup d'autres, le téléphone, l'ordinateur puis le micro-ordinateur ? La question peut être posée autrement : la " culture Internet ", se développant chez les utilisateurs de ce réseau, semble aux antipodes de la culture administrative traditionnelle, caractérisée en France par des règles spécifiques, ainsi que par une communication interne régie par le principe hiérarchique. Les deux cultures peuvent-elles s'enrichir l'une l'autre ? ».

Une autre des questions relatives à l’administration en réseau se profile, à l’heure où l’on prône cette utilisation efficace des TIC et le décloisonnement des services. Nous pouvons nous rendre compte qu’il y a un foisonnement de sites Internet (par ministères, par service de l’État, par thématiques, par collectivités territoriales…). Cet empilement de sites ressemble étrangement à l’empilement de structures, de services, ou encore de dispositifs, etc…, qui entravent la modernisation de l’État par ses fonctionnements très verticaux. Il est également bon de rappeler que l’on peut ajouter aux différents sites Internet, les intranets et les nombreux extranets auxquels ont accès les professionnels. C’est pourquoi, il nous semble intéressant d’aborder le sujet, car si l’on souhaite permettre aux professionnels et au grand public d’accéder plus simplement et plus rapidement aux informations recherchées, il serait peut-

1Jean-Paul BAQUIAST, Alain TURC.- La Révolution Internet et l’administration française, 1996 - Consultable sur le site de l’Association Admiroutes : http://www.admiroutes.asso.fr

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être souhaitable de se demander si cette profusion ne risque pas de provoquer un sentiment de confusion, d’inaccessibilité ou de surcharge informationnelle 1, et d’envisager la nécessité d’organiser l’information plutôt que de la démultiplier .

De plus, dans un modèle d’organisation administrative cloisonnée, l’information – ou sa rétention – est vécue comme un enjeu de pouvoir que les services ne partagent qu’avec réticence. Pourtant, on peut considérer, comme nous le verrons, que l’information n’a pas de valeur en soi, en dehors de son utilisation. Nous reviendrons à nouveau sur ces dimensions dans les prochains chapitres, car ces questions semblent constituer un élément déterminant dans la compréhension des processus de communication.

Mais outre la – nécessaire et potentielle – réorganisation des services et des systèmes d’information publics, persiste l’impératif d’un accès équitable des usagers aux services publics en ligne. Car malgré les réserves que nous avons émises, force est de constater que l’utilisation des TIC, même si elle n’a pas encore complètement bouleversé les modalités de partage interservices, entraine cependant d’ores et déjà des changements aux retombées importantes comme le développement des démarches administratives à distance. Les téléprocédures, telles que la déclaration de revenus en ligne, ont notamment particulièrement fait évoluer les pratiques de part et d’autre. Elles ont un double impact : elles modifient l’organisation du travail et, parallèlement, améliorent le service rendu aux citoyens .

Les téléprocédures se définissent comme des « échanges dématérialisés de données entre les autorités publiques et leurs partenaires ou usagers. Dans l’acception la plus

1 Nous reviendrons sur cette notion dans la troisième partie, dans le chapitre intitulé : L’incompétence informationnelle : des risques pathologiques en page 3

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II/ L’INFORMATION DES CITOYENS PAR (DANS) LES ADMINISTRATIONS B/ Une mise en œuvre complexe

précise du terme, il n’y a téléprocédure que lorsque est mis en place un service véritablement interactif, qui permet au minimum de remplir depuis un ordinateur la totalité d’un formulaire puis de l’adresser via le réseau Internet au service administratif destinataire avec réponse en ligne de l’administration, sous forme par exemple d’accusé de réception ou de prise de rendez-vous »1

Ces téléprocédures de plus en plus nombreuses et très pratiques – pour celles que nous avons pu utiliser à titre personnel – restent cependant réservées à une seule part de la population, celle qui est équipée informatiquement. Nous allons revenir sur cette problématique majeure dans le chapitre suivant.

1 Jean-Philippe MOCHON, Téléprocédures : le cadre juridique : 12 questions pratiques , Forum des Droits de l’Internet, Berger-Levrault, 2002, p.4.

La « société de l’information » : du mirage collectif au projet partagé ? Magali MACELI, Thèse de Doctorat, Université Paris 8, Saint-Denis, 2008 - 121 -

C/ TIC , INTERNET ET INÉGALITÉS : DES

PROBLÉMATIQUES QUI DEMEURENT

« Une première idée s’impose : les médias et la démocratie ont, depuis l’origine, partie liée. Telle est la constatation de base. La liberté de la presse, son extension à un vaste public de « consommateurs » d’informations correspondent toujours à un certain degré de démocratie. Comme si les deux, non seulement allaient de pair, mais se trouvaient consubstantiellement liés. Il n’y a pas d’exemple de démocratie moderne sans un libre accès au plus grand nombre à l’information. Si la démocratie postule de la participation de tous à la décision politique, la libre information en est ipso facto l’instrument obligé. Précisons à nouveau : la démocratie n’exige pas seulement une information indépendante du pouvoir politique, elle réclame aussi un libre accès du plus grand nombre à celle-ci. » 1

Si parmi les nombreuses problématiques et controverses au sujet des TIC, certaines ont déjà considérablement évolué, on sait par exemple aujourd’hui que contrairement à une crainte couramment répandue lors des premiers développements d’Internet, les TIC ne semblent pas se substituer aux échanges humains relationnels, mais au contraire les amplifient, les démultiplient, ou leur font emprunter de nouvelles voies (ex : téléphone portable, courrier électronique). Il apparait également que les TIC ne se substituent pas les unes aux autres mais se complètent et s’articulent.

1 Jean-Claude GUILLEBAUD.- « Les Médias contre la démocratie », Esprit , Mars/Avril, 1993, p.80.

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II/ L’INFORMATION DES CITOYENS PAR (DANS) LES ADMINISTRATIONS C/ Tic, internet et inégalités : des problématiques qui demeurent

Bernard MI ÈGE 1 affirme à ce sujet que :

« Les peurs et les espoirs sont multiples, “attisés” par les mises en garde ou les prophéties de quelques penseurs ou experts : le remplacement de l’imprimé par le numérique, et encore plus du texte écrit par le multimédia, s’ils sont maintenant rendus possibles, relèvent à coup sûr de la très longue durée […]. Les certitudes affichées surprennent d’autant plus que, là où l’on annonce des substitutions brutales, on constate plutôt des adjonctions, des complémentarités et des métissages […]. »

Mais certains débats restent ouverts et éminemment polémiques, par exemple les sources d’inégalités – d’accès notamment – que cristallisent les TIC. La problématique des inégalités générées par les TIC, qualifiée de fracture ou fossé numérique, est comme souvent, une question de société plutôt qu’une question technologique. On tente cependant généralement par leur biais d’apporter des réponses techniques ou financières à des difficultés humaines et sociales. Pour Philippe QUÉAU 2 :

« La fracture numérique est un “slogan politique ”. [Car] le fond même de la fracture numérique est simplement la bonne “vieille” fracture économique et sociale. La fracture est plutôt d'ordre socioculturel, voire générationnel, entre

ceux qui sont “dans le coup ” et ceux qui sont plutôt réticents à s'y mettre. Mais la vraie fracture est beaucoup plus que socioculturelle, elle est d'abord socio-économique ».

1 Bernard MI ÈGE, « Nouvelles technologies, nouveaux usages ? », La communication : État des savoirs , 2 ème éd., Sciences humaines, 2005, pp.286-287. 2 Philippe QUÉAU, « La fracture numérique, un slogan politique », Le Monde , 13/09/2000.

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Nombre de voix s'élèvent pour critiquer une vision considérée comme réductrice des inégalités créées par les nouvelles technologies. Parmi celles- ci, on peut par exemple évoquer Dominique WOLTON 1, pour qui « se limiter à la question de l'accès, c'est satisfaire les ambitions des constructeurs, qui verraient bien six milliards d'internautes sur Terre » ou encore Yves LASFARGUE 2, pour qui « il existe un noyau d'individus exclus pour des raisons autres que celles de l'équipement ». Pour autant, les publics les plus éloignés de ces pratiques risquent de le rester. Internet haut (ou très haut) débit, ordinateurs de plus en plus performants et de moins en moins chers, téléphones portables, courriers électroniques, sont autant d’outils, de techniques et de technologies qui ont intégré nombre d’activités professionnelles et privées. Nous admettons volontiers que certaines portions de la population bénéficient progressivement et naturellement de ces évolutions. Mais sans politique active de développement de l’accès pour tous, des pans entiers de la population sont toujours éloignés de cette transformation, renforçant bien souvent d’autres facteurs de marginalisation déjà existants (âge, genre, origine et environnement social, niveau d’éducation, problème linguistique etc…). On sait que les foyers qui n’accèdent pas à ce que l’on appelle « la connaissance en ligne » ont des difficultés d’accès à la connaissance tout court : l’échec scolaire, l’illettrisme, la difficulté d’accès au livre, à la culture, au savoir, sont des réalités auxquelles il n’y a pas de réponses toutes faites. Cependant, il apparaît aujourd’hui déterminant de ne pas omettre que, dès lors que nombre d'activités, d'informations, de services sont accessibles en ligne, on peut s’exposer à de nouvelles formes d’inégalités. Ainsi, le développement de la Société de l’information doit se faire de façon à éviter la

1 Dominique WOLTON, Internet et après ? – Une théorie critique des nouveaux médias , Flammarion, 1999. 2 Yves LASFARGUE , Acceptation sociale de l’usage des TIC : quelques réflexions sur les exclusions liées à la frénésie technologique ; Lyon, 14/05/2002.

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II/ L’INFORMATION DES CITOYENS PAR (DANS) LES ADMINISTRATIONS C/ Tic, internet et inégalités : des problématiques qui demeurent

reproduction de pratiques d’exclusion sociale. Pourtant, le plus difficile est toujours de toucher ceux qui ne font pas spontanément la démarche d’utilisation des TIC.

Nous reviendrons par la suite 1 sur les pré-requis et compétences informationnelles qui peuvent être développées. Mais nous pouvons cependant déjà avancer que la (non-)maitrise des TIC et d’Internet passe par un ensemble de difficultés allant de l’illettrisme à la mauvaise maîtrise du clavier, ou encore transformer la saisie d’un curriculum vitae en parcours du combattant. Dans ce cas de figure, nous sommes encore bien loin de l’accès à l’emploi pour les publics en difficulté ciblés par les différents dispositifs publics. De plus, le fossé semble se creuser car plus qu’un outil de recherche d’informations, Internet devient aujourd’hui un moyen d’expression et de participation, de partage, voire de socialisation. Ainsi, certains peuvent mettre en ligne des sites ou des pages personnelles ou encore contribuer à alimenter des sites collaboratifs que permettent maintenant des outils comme le Wiki 2. Comme nous avons pu l’évoquer, quantité de personnes restent aujourd’hui exclues des possibilités et des potentialités offertes par les TIC. Pour celles-ci l’accès à service public physique et de proximité reste indispensable. Dans le prochain chapitre, nous évoquerons plus particulièrement la situation de quelques femmes de banlieue parisienne. Nous traiterons de ce cas particulier car il reflète à notre sens la réalité d’un nombre plus important de personnes, mais aussi et surtout permet d’appréhender et comprendre un point de vue différent sur notre Société de l’information. La présentation de la recherche-action qui va suivre sera également l’occasion de revisiter la relation entre information et engagement.

1 Cf. en page 3. 2 Wiki : Interface ou site web qui permet à chaque utilisateur d’ajouter ou modifier librement le contenu du site. C’est un outil de collaboration en ligne.

La « société de l’information » : du mirage collectif au projet partagé ? Magali MACELI, Thèse de Doctorat, Université Paris 8, Saint-Denis, 2008 - 125 -

Mais qu’est-ce qu’être acteur dans la société et dans la Société de l’information ? L’accès à l’information implique-t-il automatiquement la participation et quelles en sont les formes ? Internet et les TIC ont-ils, comme cela a largement été annoncé depuis plusieurs années, généré de nouvelles formes de participation ou de démocratie ?

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III/ INFORMATION : DE L’ACCÈS À LA PARTICIPATION C/ Tic, internet et inégalités : des problématiques qui demeurent

III/ INFORMATION : DE L’ACCÈS À LA PARTICIPATION

Nous allons donc à travers cette partie mettre en parallèle des milieux volontairement très différents. Car ceux-ci, malgré leurs différences, ont quelque chose en commun : des fonctionnements et des dysfonctionnements informationnels.

Nous avons en effet pu constater tout au long de nos recherches que bien souvent pouvaient (co-)exister des besoins d’information, des volontés et des intentions d’informer et même des outils de communication, sans pour autant que les uns et les autres ne se croisent. C’est pourquoi nous avons ici poursuivi nos investigations au regard de ce constat, et avons tenté de comprendre quels pouvaient être les facteurs de blocage. Il apparaîtrait, comme nous allons le voir, que ces situations pourraient parfois être liées à de simples malentendus. Ce phénomène, bien que connu, fera ici l’objet d’observations concrètes sur lesquelles nous nous appuierons, les besoins de chacun devant être mis en lumière et pris en considération. C’est ce que nous avons découvert en travaillant d’une part avec des femmes de l’est du Val d’Oise et d’autre part avec la Guilde des Doctorants. Les expériences que nous allons présenter ici s’observeront, comme nous l’avons mentionné, à deux niveaux : celui des « informeurs » et celui des « informés ». Nous verrons que l’étude des besoins et motivations des uns et des autres est riche d’enseignements.

La « société de l’information » : du mirage collectif au projet partagé ? Magali MACELI, Thèse de Doctorat, Université Paris 8, Saint-Denis, 2008 - 127 -

A/ RETOUR SUR LES NOTIONS DE CITOYENNETÉ ET

D’ENGAGEMENT EN FRANCE

En France, c’est lors de la Révolution Française que sont affirmés pour la première fois les principes de la citoyenneté telle que nous la connaissons aujourd’hui. C’est la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen qui affirmera la volonté de ne plus dissocier les droits juridiques et politiques des droits de la personne humaine. Ainsi, les droits de l’homme ne seront plus concédés puisque tous les êtres humains « naissent et demeurent libres et égaux en droits » et que « le principe de toute souveraineté réside essentiellement dans la Nation ».

Cependant, cette conception de la citoyenneté demeurera restrictive pendant encore longtemps. En effet, alors qu’est affirmée l’égalité et donc l’universalité des droits, on distingue des « citoyens passifs » (qui disposent de plusieurs droits, mais pas de celui de voter ou d’être élu) et des « citoyens actifs » (pouvant voter et se présenter aux élections en fonction de leur âge, 25 ans minimum, et du montant de leurs impôts, équivalant à trois journées de travail) qui seuls, participent à l’élection de l’Assemblée législative. Le suffrage est donc au départ censitaire 1, ce qui exclut une grande partie de la population française dont les femmes et les pauvres.

« Pour être électeur, ou éligible, il faut avoir un cens (impôt) dépassant un seuil déterminé par la loi électorale en vigueur. Par exemple, en France, la monarchie constitutionnelle entre 1815 et 1848 était une monarchie censitaire. De 1814 à

1 Suffrage censitaire : Mode de suffrage qui autorise uniquement les citoyens s’étant acquittés du cens à voter ou se présenter aux élections.

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III/ INFORMATION : DE L’ACCÈS À LA PARTICIPATION A/ Retour sur les notions de citoyenneté et d’engagement en france

1830, sont électeurs ceux qui paient un cens supérieur à 300F, et éligibles ceux qui paient un cens supérieur à 1 000 F et qui ont plus de 40 ans. En 1847, sont électeurs ceux qui paient un cens supérieur à 100 F. »1

Déjà dans les cités de l'Antiquité grecque puis romaine, au sein desquelles a émergé l'idée de participation à la «chose publique» (res publica) réservée à une élite masculine dont les esclaves et les femmes étaient exclus. Le suffrage deviendra universel et direct en 1848. Le droit de vote 2 est donc accordé sans la moindre condition de ressources (fin du cens) mais toujours pour les hommes exclusivement . Si la citoyenneté est inséparable de l'appartenance nationale, celle-ci est loin d’être la seule à conditionner son acquisition. L es femmes devront attendre 1944, les militaires 1972, et l’âge de la majorité passera de 21 à 18 ans en 1974. Seuls demeurent exclus, de droit, les jeunes gens non majeurs (avant 18 ans) et les étrangers 3.

Aujourd’hui, le statut du citoyen a beaucoup évolué. Selon l’Encyclopédie Hachette :

« Juridiquement, la citoyenneté peut être définie comme la jouissance des droits civiques attachés à la nationalité, c'est- à-dire la jouissance de l'ensemble des droits privés et publics qui constituent le statut des membres d'un État donné qui les reconnaît comme tels. Dans ce sens, le citoyen est celui qui appartient à la “cité”, qui, disposant de droits (droit de vote, d'éligibilité, d'accès à la fonction publique), est également

1 Source : http://www.wikipedia.org. 2 Cf. en page 3. 3 Au sens de « personne n’ayant pas la nationalité française ».

La « société de l’information » : du mirage collectif au projet partagé ? Magali MACELI, Thèse de Doctorat, Université Paris 8, Saint-Denis, 2008 - 129 -

soumis à des devoirs (obligations militaires) »

Tableau 8 - Statut juridique du citoyen - Source : http://www.vie-publique.fr

Quel est le statut juridique d’un citoyen ?

Juridiquement, un citoyen un citoyen français jouit de droits civils et politiques et s’acquitte d’obligations envers la société.

Le citoyen détient donc une qualité particulière qui lui permet de prendre part à la vie publique.

Le citoyen possède différends types de droits :

• des droits civils et des libertés essentielles : se marier, être propriétaire, droit à la sûreté, à l’égalité devant la loi (notamment fiscale), devant la justice et dans l’accès aux emplois publics, liberté de pensée, d’opinion et d’expression, liberté de religion, de liberté de circulation, liberté de réunion, d’association ou de manifestation ; • des droits politiques : droit de voter, d’être élu, droit de concourir à la formation de la loi par la voie des représentants qu’il élit (l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789). • des droits sociaux : le droit au travail, de grève, droit à l’éducation, Sécurité sociale.

Le citoyen doit aussi remplir des obligations : respecter les lois, participer à la dépense publique en payant ses impôts, s’informer, participer à la défense du pays.

Seuls les droits politiques sont spécifiquement liés à la citoyenneté française . En effet, un étranger bénéficie des autres droits et libertés fondamentaux, comme les droits sociaux, et doit s’acquitter aussi d’obligations.

Mais, la citoyenneté ne se limite pas au statut juridique du citoyen. Elle recouvre également l’engagement des citoyens dans la vie de la cité et peut s’illustrer à travers différents types de participations. Celles-ci peuvent aller de la revendication d’un rôle plus direct dans la prise de décision politique

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III/ INFORMATION : DE L’ACCÈS À LA PARTICIPATION A/ Retour sur les notions de citoyenneté et d’engagement en france

(participation des habitants, conseil de quartiers…), à l’engagement associatif, etc… Selon Pierre BRECHON et Jean-François TCHERNIA 1, « la participation politique dite conventionnelle (participation électorale) baisse mais les nouvelles formes de participation directe augmentent ». Il est vrai que des mouvements tels que les manifestations protestataires à Seattle, Porto Alegre ou Barcelone, l’émergence de groupes militants tel qu’ATTAC 2, la loi sur la démocratie de proximité ou le phénomène d’abstention aux élections présidentielles montrent que les réflexions sur la notion de citoyenneté sont à l’ordre du jour. Serge DEPAQUIT, vice-président de l’Association pour la Démocratie et l’Éducation Locale et Sociale (ADELS) 3 porte, quant à lui, l’analyse suivante 4 sur ce qu’il qualifie de

« désenchantement démocratique » :

« Les citoyens s’éloignent de plus en plus des formes traditionnelles de la démocratie. Abstention électorale, perte de confiance en la représentation politique, recherche de nouvelles formes d’engagement, replis identitaires… […] Il faut donc s’interroger sur ce “désenchantement démocratique”. Il frappe aujourd’hui par son ampleur et touche chaque jour davantage de citoyens, notamment parmi ceux qui appartiennent aux couches populaires. […] Cette fracture civique n’est pas apparue subitement ces dernières années. Elle résulte au contraire d’une

1 Pierre BRECHON, Jean-François TCHERNIA.- « L'évolution des valeurs des Français. », Futuribles, n°253, 2000, p.5. 2 Association pour la Taxation des Transactions pour l’Aide aux Citoyens (ATTAC) – « Association fondée en 1998, qui promeut et mène des actions de tous ordres en vue de la reconquête, par les citoyens, du pouvoir que la sphère financière exerce sur tous les aspects de la vie politique, économique, sociale et culturelle dans l’ensemble du monde ». Site Internet ATTAC France : http://www.france.attac.org 3 Site de l’Association pour la Démocratie et l’Éducation Locale et Sociale (ADELS) : http://www.adels.org 4 Serge DEPAQUIT.- Renouveler la démocratie…oui, mais comment ?, ADELS, 2005.

La « société de l’information » : du mirage collectif au projet partagé ? Magali MACELI, Thèse de Doctorat, Université Paris 8, Saint-Denis, 2008 - 131 -

dégradation étalée sur plus de vingt ans.»

De plus, les outils classiques de participation citoyenne sont régulièrement remis en cause. Certains, comme Fred CONSTANT 1, voient par exemple dans le développement des TIC de nouvelles perspectives allant dans le sens d’une citoyenneté électronique (« e-citizenship ») s’exerçant à travers des sondages délibératifs et des votes à distances (« e- democracy »). Dans ce registre, on peut également mentionner Christophe ASSENS et Dominique PHANUEL 2 pour qui les TIC rendraient techniquement possible un mode de management participatif de la citoyenneté locale. Nous ne prendrons pas position par rapport à de telles approches de la participation citoyenne. Nous pouvons cependant rappeler que, comme cela a toujours été le cas lors du déploiement d'un nouveau dispositif communicationnel, l’émergence des outils informatiques et le développement d’Internet a, là aussi, entraîné une multiplication de discours, la plupart du temps optimistes. C'est ainsi qu’en matière d’exercice de la citoyenneté, différents types de discours voient le jour. Il s’agit de percevoir les TIC, soit comme un moyen de rapprocher gouvernants et gouvernés dans la perspective de la démocratie représentative, soit comme un moyen de favoriser une plus grande implication des citoyens et des citoyennes dans la vie de la Cité, dans le cadre d'une démocratie participative. Nous pouvons ici encore souligner, qu’au-delà de la possibilité technique de connexion, il apparaît absolument nécessaire, si l’on souhaite aller dans le sens d’une démocratie en ligne, que les citoyens soient formés, sachent et veuillent utiliser ces technologies à ces fins. On pourrait d’ailleurs s’interroger sur le caractère « indispensable » ou « utile » de la démocratie en ligne.

1 Fred CONSTANT.- « Quelles citoyennetés », Sciences humaines , Hors-série n°33, 2001. 2 Christophe ASSENS, Dominique PHANUEL.- Le management en réseau de la citoyenneté locale : cas de Parthenay , IUT d’Evreux, 2000.

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III/ INFORMATION : DE L’ACCÈS À LA PARTICIPATION A/ Retour sur les notions de citoyenneté et d’engagement en france

Dans une enquête réalisée par Bernard BRUHNES Consultants 1, on pouvait lire à ce sujet :

« On constate dans les collectivités de fortes disparités quant à la stratégie, aux objectifs, aux moyens, aux conditions de mise en œuvre, aux usages et aux utilisations des outils TIC. Cependant deux enseignements principaux se dégagent. Tout d’abord l’intégration des outils TIC a été en général peu préparée et donc peu accompagnée ; les collectivités ont donc connu peu d’améliorations ou de changement de leurs modes de fonctionnement internes. Ensuite, les outils mis en place, parfois très sophistiqués, sont globalement sous- utilisés. »

Cette étude souligne par ailleurs que d’après les observations qui ont pu être faites, il existe des préalables au développement de la démocratie en ligne :

« Une des conditions premières pour que la “démocratie locale en ligne” soit effective, est que le citoyen soit également un internaute ; or la fracture numérique sociale est loin d’être comblée aujourd’hui en France. »2

Mais existe-t-il d’autres conditions préalables ? Pour notre part, nous confronterons dans la partie suivante les problématiques que nous avons déjà abordées et la réalité vécue par un certain nombre de personnes. Nous confronterons discours, intentions et théories à la pratique et la réalité de terrain.

1 « Les collectivités territoriales se mettent aux nouvelles technologies », Les cahiers , n°8, Bernard BRUNHES Consultants, 2002, p.24. 2 Bernard BRUNHES Consultants, op.cit., p.67.

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B/ QUELLE RELATION ENTRE INFORMATION ET

ENGAGEMENT ? : RETOUR D ’EXPÉRIENCE DE

FEMMES DU VAL D ’OISE

Après avoir revisité la notion de citoyenneté d’un point de vue théorique, nous allons ici amorcer la présentation d’une recherche-action intitulée Femmes et Ville qui contribuera à alimenter nos réflexions. Notre intention, est ici, d’une part, de restituer une démarche originale, et d’autre part d’appréhender les nombreux apports en termes de connaissance du vécu de certaines problématiques, dont nous considérons qu’ils constituent une forme d’expertise d’usage sur laquelle nous entendons nous appuyer par la suite.

Nous avons participé à une recherche-action qui a eu lieu dans les quartiers en Contrat de Ville 1 de l’est du Val d’Oise 2 courant 2002-2003 portant sur les femmes, habitantes de ces quartiers et leur vécu de la ville 3. Dominique POGGI, sociologue, a été pressentie pour accompagner cette démarche. « Pour mobiliser habitantes et acteurs locaux et produire une analyse sociologique à partir de regards croisés, une

1 Les quartiers en contrat de ville bénéficient de financements publics au titre de la politique de la ville. Le Contrat Urbain de Cohésion sociale (CUCS) a succédé au contrat de ville en 2007. Dans les deux cas, il s’agit d’un « contrat passé entre l’État et les collectivités territoriales qui engage chacun des partenaires à mettre en œuvre des actions concrètes et concertées pour améliorer la vie quotidienne des habitants dans les quartiers connaissant des difficultés (chômage, violence, logement…) » – Source : Site Internet de la Délégation interministérielle à la Ville (DIV) : http://www.ville.gouv.fr 2 Quartiers de Garges-lès-Gonesse, Gonesse, Sarcelles et Villiers-le-Bel. 3 Cette démarche a donné lieu à la publication d’un ouvrage : Droit de cité pour les femmes .- Christine BULOT, Dominique POGGI et al. [Contributions Magali MACELI], Éd. de l’Atelier, 2004.

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III/ INFORMATION : DE L’ACCÈS À LA PARTICIPATION B/ Quelle relation entre information et engagement ? : retour d’expérience de femmes du val d’oise

méthode de travail est activée : la concertation-créatrice, qui allie la recherche et l’action. Cette démarche participative implique les femmes à toutes les étapes de la recherche et les entraîne, durant sept mois, dans une coopération intense.» 1

Ainsi, dix groupes ont travaillé pendant plusieurs semaines, réunissant près de 90 femmes et jeunes filles. Une trentaine de responsables institutionnels et politiques ont aussi été interviewés.

Cette démarche de concertation -créatrice avait pour but de « promouvoir la parole des femmes afin de soutenir la prise de conscience des décideurs qu’une action forte en direction de celles-ci était nécessaire pour lutter contre les inégalités sur le territoire, notamment en matière d’emploi, de place des femmes dans la vie locale et d’avenir des jeunes filles »2.

Ainsi, au cours de cette démarche, la question de l’engagement ou de la participation des femmes à la vie locale est revenue de façon récurrente à travers les différents groupes de travail et interviews. De l’avis général, les femmes apparaissent plus engagées dans la vie associative que politique. De plus, leur engagement quel que soit le domaine, est perçu comme plus significatif que celui des hommes.

 « L’engagement féminin se fait plutôt dans le domaine associatif, dans l’entraide. Il y a peu de femmes dans la vie politique. Les femmes ne voient pas forcément l’incidence directe de la politique. Néanmoins leur implication est plus grande que celle

1 Christine BULOT, Dominique POGGI et al. [Contributions Magali MACELI], op.cit., p.10. 2 Extrait du texte de présentation de la Recherche-Action.

La « société de l’information » : du mirage collectif au projet partagé ? Magali MACELI, Thèse de Doctorat, Université Paris 8, Saint-Denis, 2008 - 135 -

des hommes lorsqu’elles se lancent dans le domaine. »1 

Quoiqu’il en soit, pour s’engager (dans la vie associative ou politique), un parcours matériel et intellectuel préalable est nécessaire. En effet, comme nous avons déjà pu l’évoquer, il est difficile voire impossible de dissocier la participation ou l’engagement de préoccupations prioritaires qui sont souvent d’ordre matériel.

 « Il me semble que l’implication dans la vie locale, c’est l’étape qui appelle la plus grande évolution. Cela concerne des femmes alphabétisées, qui savent lire et écrire, qui ont réussi à devenir autonomes pour ne plus subir. Ensuite, elles apprennent à avoir confiance en elles, à avoir une place dans la société. Mais parmi les femmes que je reçois, elles ne portent pas cette préoccupation. Elles ne sont pas encore en position de se poser ce genre de questions » 

Les raisons de s’engager sont souvent bien identifiées mais peuvent parfois entraîner deux types de réaction : le découragement ou le souhait de rompre avec l’individualisme nécessitant un sursaut civique.

 « Je pense qu’il y a beaucoup de choses à faire pour les gens, mais il faut aussi que les gens se prennent en charge pour faire changer les choses »  « Chacun doit s’impliquer civiquement »  « Tout le monde est responsable » 

Cependant, certaines femmes disent ne pas ressentir le besoin de s’engager

1 Rappel : Les témoignages ont été recueillis, les groupes de travail mis en place et les interviews réalisées, avec l’engagement du respect de l’anonymat de chacun(e)s des participant(e)s.

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III/ INFORMATION : DE L’ACCÈS À LA PARTICIPATION B/ Quelle relation entre information et engagement ? : retour d’expérience de femmes du val d’oise

et d’autres le déplorent :  « Je regrette que les femmes ne veulent pas s’investir alors qu’elles ont la possibilité de le faire, elles ne saisissent pas l’opportunité de le faire »  « Tout le monde pourrait plus s’investir. Pourquoi n’y a-t-il pas plus de monde dans les associations ? Dans mon cas, je pourrais être bénévole, parce-que je n’ai pas de famille, mais je ne la fais pas, j’ai autre chose à faire. » 

 L’ implication dans la vie associative 

L’intérêt de la vie associative apparaît évident pour la plupart des personnes interrogées. Les associations offrent des occasions de sortie et de loisirs à moindre coût. Elles créent de la solidarité, favorisent les rencontres…

 « Les associations proposent des activités pas chères. »  « Une association ça permet de créer une toile d’araignée et d’avoir des échanges dans la relation » 

La vie associative permet également une reconnaissance, un respect ; elle est valorisante. Pourtant, l’engagement associatif apparaît parfois difficile, les causes en sont multiples, mais en premier lieu c’est le manque d’informations qui est évoqué :  « On ne sait pas ce qui existe »  « Quel est l’intérêt d’adhérer à une association ? »  « Je ne sais même pas très bien comment ça fonctionne, ça à l’air compliqué » 

Mais les freins à l’engagement sont plus complexes. Comme nous l’avons déjà constaté, l’engagement associatif des femmes est conditionné par un certain nombre de paramètres. Il est notamment entravé par les contraintes qu’elles rencontrent dans leur vie quotidienne. Dans ce cadre, l’engagement

La « société de l’information » : du mirage collectif au projet partagé ? Magali MACELI, Thèse de Doctorat, Université Paris 8, Saint-Denis, 2008 - 137 -

associatif est parfois vécu comme fatigant, comme une tâche supplémentaire à effectuer. C’est ainsi que les freins, contraintes et difficultés qu’elles cumulent dans leur vie quotidienne les amènent à avoir les propos suivants :

 « Le bénévolat c’est un luxe »  « On a tellement à donner qu’on s’essouffle »  «Les femmes, quelle que soit la situation ont du mal à s’engager dans la vie locale : elles consacrent leur temps à leur famille ou au travail ou bien elles manquent de volonté » 

Malgré tout, elles sont nombreuses à s’engager. Elles dénoncent les obstacles matériels et administratifs, le manque ou la difficulté d’obtenir des salles par exemple. Elles évoquent également, la garde de leurs enfants pendant qu’elles participent à la vie de leur association.  « Moi, je peux aller aux réunions pendant que les enfants sont à l’école ou le soir quand ils sont couchés je les laisse à mon mari. Et encore, j’ai un mari sinon les réunions le soir ça ne serait pas possible. » 

 Les modalités de participation (consommation / action) 

Au cours de cette recherche-action, nous avons constaté que différentes formes d’engagement se distinguent : la participation passive (consommation d’activités et de services) et la participation active (engagement bénévole).

« Il y a celles qui participent aux activités proposées par les centres sociaux et celles qui gèrent et animent des associations »

Selon l’une des actrices institutionnelles ayant participé, ceci renvoie également à d’autres attitudes plus générales. Ainsi, elle remarque que :

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III/ INFORMATION : DE L’ACCÈS À LA PARTICIPATION B/ Quelle relation entre information et engagement ? : retour d’expérience de femmes du val d’oise

 « La plupart des jeunes-filles ont le plus grand mal à se vivre comme actrice de leur propre vie ».  « Ce que je ressens beaucoup, c’est une certaine position passive, tant dans la sexualité que dans l’abord de la vie […] » 

La question se pose effectivement, de savoir comment dans ces conditions devenir actrice associative, locale ou politique ? On note cependant, que certaines jeunes filles revendiquent leur droit à participer et s’organisent pour ce faire.

Par ailleurs, nous avons pu constater que lorsqu’on analyse sur la participation ou l’engagement des femmes dans la vie locale, surgissent très vite des questions relatives à la place des femmes dans les associations, dans la vie politique, dans les instances locales (conseils de quartier…), bref dans la société en général. Dans ce cadre, les notions de mixité, de parité et de représentativité sont très vite abordées et la plupart du temps remises en cause dans leurs applications concrètes. La majorité des personnes interrogées revendiquent fortement l’intérêt de se pencher sur ces questions et les apports, aussi bien pour les femmes que pour les hommes que pourraient avoir d’autres modes de fonctionnement, même si globalement tout le monde s’accorde sur le fait que bien que toujours insatisfaisante, la situation évolue. Il apparait également difficile pour certaines de se positionner par rapport aux hommes. Cependant, malgré la difficulté à ce que chacun trouve sa place, il existe une revendication à participer à la décision publique.

 La revendication de participer à la décision publique 

Plusieurs femmes expriment fortement leur aspiration au changement : « des femmes à l’assemblée ! ». Elles dénoncent l’absence

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des femmes dans la décision publique et ses conséquences, notamment dans la prise en compte des besoins et difficultés spécifiques des femmes. Quelques propositions en ce sens émergent :

 « Par exemple, pourquoi ne pas faire un sondage au niveau de la ville ? Pour voir un peu ce dont les femmes ont besoin, quelles sont leurs difficultés, leurs questions. Si on veut cerner les problèmes, il faut savoir en quoi ça consiste. »  « Il faudrait organiser une consultation : quels sont les besoins, quelles sont les attentes, quelles sont les difficultés ? » 

Mais en matière d’engagement politique, certains freins apparaissent également. Le parcours de la « combattante » qui permet à une femme de s’investir en politique est des plus importants. En effet, comme nous l’avons vu, l’engagement est une démarche personnelle, d’autant plus difficile en politique que comme dans d’autres milieux professionnels, des schémas traditionnels restent fortement ancrés. Ainsi, les postes à « pouvoir » restent majoritairement masculins.

Pour conclure, nous pouvons donc constater que l’engagement, qu’il soit dans la vie associative ou politique, relève d’un processus qui peut s’avérer parfois complexe. En tout état de cause, nous pouvons en tirer des enseignements nombreux. En effet, nous avons d’une part pu, par ce biais, prendre conscience de l’impérieuse nécessité que peuvent représenter certaines informations quand celles-ci peuvent permettre de se sortir de situations difficiles 1. D’autre part, nous pouvons également avancer qu’une

1 Nous développerons plus amplement ces problématiques dans le chapitre consacré spécifiquement aux besoins d’informations des femmes en page 3 de ce mémoire

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III/ INFORMATION : DE L’ACCÈS À LA PARTICIPATION B/ Quelle relation entre information et engagement ? : retour d’expérience de femmes du val d’oise

prise en compte de ces besoins particuliers d’informations 1 dans la perspective de développer des services informationnels allant dans le sens de la satisfaction de ce besoin devrait permettre des avancées intéressantes. En somme, l’exercice auquel nous avons souhaité nous prêter était une forme de changement de point de vue, d’angle d’analyse, de Hors-soi 2 qui peut comme nous l’avons démontré s’avérer très enrichissant dans la mesure où il nous aura permis de prendre conscience d’un besoin informationnel élémentaire à satisfaire. Nous verrons par la suite à quel point la notion de besoin – et de sa satisfaction – peut être éclairante dans le processus de communication.

Nous avons souhaité prolonger cette réflexion et approfondir cette hypothèse. Pour ce faire, nous avons mis en parallèle un terrain volontairement très différent et sommes allés rencontrer la Guilde des doctorants .

1 Que nous qualifierons plus loin de « vivre-informationnel » - Cf. chapitre intitulé « Le besoin fondamental d’être informé : le besoin de vivre-informationnel » en page 3 2 Nous reviendrons sur cette notion dans le chapitre consacré à ce sujet dans la quatrième partie.

La « société de l’information » : du mirage collectif au projet partagé ? Magali MACELI, Thèse de Doctorat, Université Paris 8, Saint-Denis, 2008 - 141 -

C/ LA RELATION INFORMATION / ENGAGEMENT CHEZ

LES DOCTORANTS

1/ P RÉSENTATION DU CONTEXTE DE L ’ O B S ER V ’ AC TI O N :

LA GUILDE DE DOCTORANTS

La Guilde des doctorants (GDD) 1 est une association qui, comme son nom l’indique, s’adresse principalement à des doctorants et jeunes chercheurs. La démarche que nous avons entamée courant 2004 avec l’association faisait suite à des discussions et questions que se posaient certains Guildeurs 2 concernant l'engagement et la participation au sein de l'association. Pourtant, la Guilde avait initialement été créée à des fins de partage et de mutualisation de l’information sur la base du volontariat et de la participation.

« Depuis sa création par William EL-KAIM en février 1995, la Guilde des Doctorants collecte des informations sur les formations doctorales, et les présente sur son serveur WEB. Destinées principalement aux troisièmes cycles qui préparent une thèse de doctorat (les doctorants) et aux jeunes chercheurs, ces informations proviennent des intéressés eux-mêmes. La Guilde n'est qu'un groupe technique, formé de jeunes docteurs et doctorants, qui administre et développe des outils mais ce sont les usagers qui définissent et produisent le contenu. »3

1 Site Internet de la Guilde des Doctorants (GDD) : http://guilde.jeunes-chercheurs.org 2 C’est ainsi que sont qualifiés les membres de l’association. 3 Manifeste de la Guilde des doctorants .- Consultable sur le site de l’association à l’adresse suivante : http://guilde.jeunes-chercheurs.org/Guilde/Historique/manifeste.html

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III/ INFORMATION : DE L’ACCÈS À LA PARTICIPATION C/ La relation information / engagement chez les doctorants

Or, les bénévoles pouvaient, en l’occurrence, constater que les personnes engagées dans la vie de l’association et l’animation de site Internet, se faisaient de plus en plus rares. Ces préoccupations ont fait l’objet de débats au sein de l’association. Le bilan moral 1 présenté en février 2003 par Pascal DEGIOVANNI, président de l’association à cette période, allait jusqu’à alerter à ce propos.

Tableau 9 - Extrait du bilan moral 2000-2002 de la guilde des Doctorants

En effet, la complexité croissante des outils que nous avons développés, la capitalisation d’informations sur pratiquement une décennie, notre soi-disant “redoutable efficacité” ont, peu à peu, contribué à donner une fausse image de la Guilde. Trop de doctorants et de jeunes docteurs considèrent la Guilde comme une “institution” et non comme leur maison commune. Lors de mes nombreuses conversations avec des doctorants dans des laboratoires ou autour d’une bière dans un café, j’ai souvent entendu que la Guilde était un “machin” difficile à appréhender, cryptique, et finalement assez peu accessible. J’ai également constaté qu’alors que depuis deux ans nous arrivons à mobiliser de l’ordre de 50 personnes dans le cercle des administrateurs, il devenait de plus en plus difficile de renouveler les coordinateurs de ces activités. A l’autre bout de la chaîne, au fond des laboratoires de France ou d’ailleurs, nous avons mesuré que le ratio entre consommation/mutualisation se dégrade : l’augmentation du nombre de personnes s’investissant dans l’alimentation du serveur ne suit pas l’augmentation du nombre de visiteurs de celui-ci. A terme, il peut en résulter une incapacité à maintenir un contenu de qualité et donc un risque d’induire en erreur certains doctorants et jeunes docteurs. […] C’est dans cette optique que nous allons travailler dans les prochains mois de 2003.

1 Téléchargeable sur le site de l’association à l’adresse suivante : http://guilde.jeunes- chercheurs.org/Guilde/Activites/2003/Bilan-GDD-2003.pdf

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Ces interrogations ont été prolongées par des réflexions autour de la communication et de l'information diffusée par la Guilde via son site Internet (contenu, organisation, répartition des tâches d’alimentation du site,...) qui était son principal outil de diffusion. La question était donc pour nous – en qualité de professionnelles de l'information – de porter une analyse afin de savoir si l’information était effectivement accessible, la quelle, par qui, comment... ? Il s’agissait pour l’association de vérifier qu’elle remplissait l’un de ses principaux objectifs, à savoir l’information des doctorants et jeunes chercheurs.

Le 17 mai 2003, la Guilde a organisé une réunion afin de faire le point sur son activité et définir ses actions futures. Cette rencontre, à laquelle nous avons participé, a permis de faire un rappel de l’histoire et du fonctionnement de l’association, et d'aborder divers thèmes opérationnels dont celui de l’information :

Tableau 10 - Extrait de la rencontre de la réunion de la Guilde du 17/05/2003

• Cartographie des usages et des contenus : il s'agirait de faire une carte des contenus du site, de leur pertinence, leurs relations et dépendances. Ce travail devrait permettre de définir une nouvelle architecture du site, de nouveaux modes d'accès à l'information et de navigation. L'objectif est aussi de permettre à ceux qui le souhaitent de participer plus facilement à la vie du site.

Nous avons par la suite procédé à l’inventaire sur site Internet de l’association afin de faire un état des lieux du contenu. Cette première étape a permis de connaître la nature et le nombre de pages, ainsi que les différents types de liens (actifs, morts, obsolètes). Sur cette base nous avons pu appréhender les différents types d’informations disponibles et en dégager les grandes catégories. Nous avons, pour ce faire, eu recours aux

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III/ INFORMATION : DE L’ACCÈS À LA PARTICIPATION C/ La relation information / engagement chez les doctorants

techniques documentaires de classification basiques1. Ce travail devait constituer une nouvelle base de discussions et d’action.

Nous en avons donc élaboré une représentation graphique 2 et une proposition de plan de classement afin d’organiser l’information du site. Ces documents devaient en outre servir de support de discussion pour la réunion du 24 juillet 2004. Ces documents après avoir été discutés et amendés, ont fait l’objet d’une validation par le groupe. Cette démarche a donné lieu par la suite à un groupe de travail, constitué de bénévoles. Il s’agissait dans ce cadre de faire du tri et de réorganiser, page par page, le contenu du site. Ce chantier long et fastidieux, même s’il n’a pas encore abouti, est en cours de réalisation et affiché parmi les objectifs d’activités de l’association.

« Pour la Guilde, après une année 2004 de transition - renouvellement des membres de l’association, changement d’hébergeur, nous souhaitons en 2005 effectuer une refonte du site Web et faire évoluer nos différents outils. »3

Notre participation aura donc été d’apporter une analyse, un regard extérieur à l’association et de pointer quelques fausses évidences. Mais notre intention est surtout de relater ici une expérience qui nous aura permis de mettre en lumière un certain nombre d’éléments sur lesquels nous allons revenir par la suite. Car si nous nous appuierons sur cette démarche à titre d’illustration concrète, nous verrons que certains (dys-)fonctionnements,

1 Nous nous appuyons ici sur le métier de documentaliste que nous exerçons depuis plusieurs années en parallèle de notre activité de recherche en sciences de l’information. Ce travail consiste donc quotidiennement à trier, hiérarchiser, organiser, présenter et rendre accessible l’information pour les utilisateurs. 2 Cf. document de travail présenté en Annexe 4 en page 3. 3 Guilde Des Doctorants.- Newsletter, n°16, janvier 2 005.

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besoins et ressentis ne sont en fait, pas propres à l’association mais sont comme nous l’avons évoqué plus haut, révélateurs d’autres enjeux et problématiques.

2/ L E DÉSORDRE INFORMATIONNEL COMME FREIN À

L’ ENGAGEMENT

« Trop d’informations tue l’information », cet adage, bien connu des professionnels de l’information, nous apparait ici aussi vérifié. Nous nous appuierons ici, pour illustrer nos propos, à nouveau sur l’expérience de la Guilde des doctorants dont nous venons de traiter mais aussi sur les enseignements de la recherche-action que nous avons présentés plus haut. Nous reviendrons donc sur un élément que nous avons déjà évoqué et qui se retrouve en filigrane à travers l’ensemble de nos propos : le désordre informationnel peut constituer un frein à plusieurs égards. En effet, le défaut d’organisation et de structuration induit une impression de complexité, de non-clarté. Cette complexité apparente d’un système, quel qu’il soit, est un frein que l’on peut éviter. Car, que ce soit pour la consultation autant que pour la mise à jour d’un site Internet ou encore la difficulté à identifier un interlocuteur au sein d’une organisation, ce n’est pas tant la complexité du système qui est en cause que le manque de repère qu’elle induit. C’est en cela que le désordre informationnel que nous avons pu relever dans le cadre du site de la Guilde par exemple peut apparaître comme un des freins à l’engagement dans la mesure où celui-ci rend peu explicite et laborieuse l’identification des acteurs et du fonctionnement de l’association. De même, nous avons pu repérer chez les femmes du Val d’Oise une forte demande d’informations sur les démarches administratives et les différents interlocuteurs, etc… La mise à disposition d’informations est donc utile quand celles-ci ne rajoutent pas de la confusion par une trop

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III/ INFORMATION : DE L’ACCÈS À LA PARTICIPATION C/ La relation information / engagement chez les doctorants

grande quantité. Les institutions publiques ont dans ce registre des mesures volontaristes à prendre. Car même si, comme nous l’avons vu dans le chapitre relatif à l’administration, certains chantiers tels que l’e-administration sont engagés, nous sommes bien loin d’un accès facilité pour tous. En effet, si l’on part du principe que la lisibilité des fonctionnements et des personnes ressources est moindre, on doit garder en mémoire que le fait d’ajouter aux difficultés de départ des difficultés d’ordre « technique » (manipulation d’ordinateur, appréhension de la notion de réseau) puis des difficultés relevant des techniques de recherche, cela ne peut qu’accentuer les problèmes initiaux.

L’enjeu est grand ; d’autant que comme nous avons pu le vérifier au cours de notre étude, une femme informée, est aussi, la plupart du temps, une femme qui informe. En effet, on constate qu’une femme avisée partage ses connaissances avec sa cellule familiale et son entourage plus éloigné tel que le cercle amical par exemple. Les femmes peuvent en quelque sorte être de puissants relais d’information. Peut-on aller jusqu'à en déduire que les femmes peuvent être des « passeuses » d’informations ? Sans pouvoir être approfondie ici, la question est posée et nous l’évoquerons d’ailleurs à nouveau plus loin dans ce mémoire 1 car cette hypothèse requiert selon nous une attention particulière.

Mais quels rapports avec la structuration de l’information ? Nous partons ici du principe que la gestion et la coordination de l’information permettent de mieux appréhender le fonctionnement d’une organisation – dont les administrations – et ainsi favoriser la compréhension voire la participation.

1 Cf. en page 3

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Nous pourrions résumer ces quelques points simples de la manière suivante :

 Repérer, connaître et situer ses interlocuteurs permet de comprendre le système d’acteurs.  Comprendre les règles de fonctionnement permet de les expliquer.

Ainsi, un système d’information pensé sur la base de ces observations pourrait contribuer à mettre en place un cercle vertueux. Peut-on en conclure que se soucier des besoins d’informations des un(e)s, favoriserait l’accès à l’information et à la compréhension, voire à la participation des autres ? Cette conclusion est probablement hâtive et légèrement utopique. La question restera donc ouverte pour l’instant mais aura le mérite de commencer à être posée.

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CONCLUSION

CONCLUSION

Après avoir fait un bref retour sur les discours et politiques publics en matière de Société de l’information, nous avons pu constater le décalage qui existe parfois entre les intentions et la mise en œuvre des politiques publiques en la matière. Sont bien évidement posées ici les questions de l’accès aux TIC et des moyens et donc leur corolaire celui des inégalités sociales. Ce qui dans un domaine tel que l’accès des citoyens au service public et à leurs droits revêt une importance toute particulière. Il réside d’ailleurs, comme nous l’avons évoqué, des relations étroites entre l’information et la démocratie, ou du moins la participation (citoyenne, associative, etc…). Nous aurons également commencé ici à poser les premières pierres d’une réflexion que nous prolongerons dans la suite de ce mémoire concernant les besoins d’information (et de vivre-informationnel) et les moyens de les mettre en lumière. Cette problématique n’est pas neuve mais demeure, de même que les questions des besoins d’information et des moyens d’y répondre restent d’actualité. C’est pourquoi nous allons y revenir dans le prochain chapitre, espérant ainsi contribuer à apporter quelques éléments de réponses à ces vastes réflexions. Ainsi, après avoir présenté les terrains d’études et d’observation qui ont été les nôtres au cours de cette recherche, nous reviendrons par la suite sur la prolongation des ces interrogations et sur les enseignements que nous pouvons en tirer.

Nous avons dans cette deuxième partie pu constater les similitudes d’approche entre les discours politiques et médiatiques en matière de Société de l’information. Dans la troisième partie de ce mémoire nous interrogerons le passage de l’intégration desdits discours aux représentations sociales qu’ils induisent.

La « société de l’information » : du mirage collectif au projet partagé ? Magali MACELI, Thèse de Doctorat, Université Paris 8, Saint-Denis, 2008 - 149 -

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CONCLUSION

3ème partie : DE L’INTÉGRATION DES DISCOURS AU « MIRAGE COLLECTIF »

La « société de l’information » : du mirage collectif au projet partagé ? - 151 - Magali MACELI, Thèse de Doctorat, Université Paris 8, Saint-Denis, 2008

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INTRODUCTION

INTRODUCTION

Dans cette troisième partie il sera question du « mirage collectif » ou plutôt des « mirages collectifs » concernant la Société de l’information. Qu’entendons-nous par « mirage collectif » ? Le terme mirage est ici utilisé de façon quelque peu extensive. Nous ne traitons effectivement pas du phénomène de reflet d’un objet – plus ou moins déformé – sur le sol mais du reflet – plus moins déformé – du concept de Société de l’information dans l’imaginaire collectif. Nous souhaitons donc évoquer par l’usage de ce mot, auquel nous adjoignons celui de collectif, la représentation sociale de la Société de l’information, à cheval entre la chimère et l’illusion – d’optique – parfois véhiculée par les discours politiques et médiatiques. Nous pourrions presque nous permettre d’utiliser ici l’expression de « représentation culturelle » de la Société de l’information. Cette notion ne saurait se comprendre sans faire le détour par celle de représentation sociale que nous venons d’évoquer. En France, c’est en 1961 que Serge MOSCOVICI contribua à son émergence par ces travaux. Dans son ouvrage sur les représentations sociales de la psychanalyse 1, il rappelle les origines de ce concept en sociologie avec Émile DURKHEIM 2 qui, en 1898, distinguait notamment représentations individuelles et représentations collectives. Pour ce qui concerne l’objet de nos recherches, ce sont les travaux de Denise JODELET 3 et 4 qui ont plus particulièrement attiré notre attention. En effet, ceux-ci considèrent la représentation sociale comme présentant les caractéristiques suivantes :

1 Serge MOSCOVICI.- La psychanalyse, son image, son public , PUF, coll. Bibliothèque de psychanalyse, 2 ème éd., 1976. 2 Émile DURKHEIM.- « Représentations individuelles et représentations collectives », Revue de métaphysique et de morale . t. VI, 1898, pp.273-302. 3 On pourra par exemple se référer à : Denise JODELET (sous la dir.).- Les représentations sociales , PUF, coll. sociologie d'aujourd'hui, 1991. 4 Denise JODELET , Serge MOSCOVICI (sous la dir. de).- « Représentations sociales : phénomènes, concepts et théorie », Psychologie sociale , PUF, 1984, pp.357-378.

La « société de l’information » : du mirage collectif au projet partagé ? - 153 - Magali MACELI, Thèse de Doctorat, Université Paris 8, Saint-Denis, 2008

« Elle est socialement élaborée et partagée car se constitue à partir de nos expériences, mais aussi des informations, savoirs, modèles de pensée que nous recevons et transmettons par la tradition, l'éducation et la communication sociale. […] Elle a une visée pratique d'organisation, de maîtrise de l'environnement (matériel, social, idéel) et d'orientation des conduites et des communications […] Elle concourt à l'établissement d'une vision de la réalité commune à un ensemble social (groupe, classe, etc.) ou culturel »1.

Par ailleurs, Claude FLAMENT et Michel-Louis ROUQUETTE rappellent concernant la construction des représentations sociales d’un objet , qu’elles « s’élaborent et se transmettent dans le cadre des communications, tout particulièrement les communications de masses, fréquemment reprises ou reflétées dans les échanges inter-personnels »2

Ces propos ne peuvent qu’attirer notre attention, car en matière de Société de l’information, nous avons constaté dans notre première partie, que les médias et plus particulièrement la télévision véhiculent nombre de messages parfois contradictoires. Ceux-ci participent à l’élaboration de l’image – mentale – et à la perception de cette société et de ses technologies. C’est ce que nous allons étudier tout au long de cette troisième partie.

1 Denise JODELET.- « Les représentations », Sciences Humaines , n°27, 1993, p.22. 2 Claude FLAMENT, Michel-Louis ROUQUETTE.- Anatomie des idées ordinaires : Comment étudier les représentations sociales .- Ed. Armand Colin, 2003, pp.145-146.

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I/ COMMENT EN SOMMES NOUS ARRIVÉS À UN « MIRAGE COLLECTIF » ?

I/ COMMENT EN SOMMES NOUS ARRIVÉS À UN « MIRAGE COLLECTIF » ?

Le bref aperçu de la construction du concept de représentation sociale que nous avons dressé en introduction de cette partie, est bien entendu partiel et pourrait faire l’objet de long développements ; une littérature abondante existe d’ailleurs à ce sujet, nous en ferons référence dans la bibliographie à la fin de ce mémoire. Cependant, ces quelques lignes introductives avaient notamment pour vocation d’esquisser le cadre de référence qui sera le notre au long de ce chapitre. Nous allons maintenant nous attacher à présenter l’acception principale selon laquelle nous entendrons ce concept. Nous reprendrons à ces fins l’une des définitions proposées par Claude FLAMENT et Michel-Louis ROUQUETTE 1 : « On peut dire aussi qu’une représentation sociale est un ensemble de connaissances, d’attitudes et de croyances concernant un « objet » donné. Elle comprend en effet des savoirs, des prises de position, des applications de valeurs, des prescriptions normatives, etc. » Dans ce chapitre, nous interrogerons les modalités selon lesquelles se sont développées la perception et la représentation de la Société de l’information.

1 Claude FLAMENT, Michel-Louis ROUQUETTE, op.cit. , p.13.

La « société de l’information » : du mirage collectif au projet partagé ? - 155 - Magali MACELI, Thèse de Doctorat, Université Paris 8, Saint-Denis, 2008

A/ LA CAVERNE DE PLATON

Nous commencerons ici par évoquer le Mythe (ou Allégorie) de la caverne 1 de PLATON car celui-ci, bien que ne traitant bien évidemment pas de nos TIC et médias contemporains, nous semble constituer une bonne illustration de nos réflexions. La lecture de ce texte à la lumière des problématiques qui nous intéressent se révèle d’une actualité parfois troublante. Ainsi, il pourrait par exemple, être une forme de réponse

intéressante à la question que posait Ryszard KAPUSCINSKI dans le Monde Diplomatique 2 : « Dans quelle mesure les médias constituent-ils un miroir fidèle du monde ? ». Nous avons même souhaité élargir cette question et formulons cette double interrogation : de quelle manière l’interprétation des messages que nous recevons constitue-t-elle un reflet fidèle de la vérité transmise ? Et de quelle manière la vérité transmise reflète-elle fidèlement la réalité de l’émetteur ? Mais revenons tout d’abord au texte de Platon. Celui-ci, met en scène des hommes enchaînés et immobilisés dans une demeure souterraine 3, l e visage tourné vers la paroi opposée à l’entrée, et dans l’impossibilité de voir autre chose que cette paroi. Cette dernière est éclairée par les reflets d’un feu qui brûle à l’extérieur, sur une hauteur. À mi-pente passe une route bordée d’un muret. De temps à autre, passent des personnages le long de la route. Ceux-ci portent des objets hétéroclites, comme des statuettes dont les ombres sont projetées sur le mur de la caverne. Les prisonniers ne voient que ces ombres et n’entendent que les échos des voix des passants.

1 PLATON, « Le mythe de la caverne – Livre VII ».- La République , Flammarion, 2002 2 Ryszard KAPUSCINSKI, « Les médias reflètent-ils la réalité du monde ? », Le Monde Diplomatique , Août 1999, p.8 3 Une sorte de caverne ou une grotte

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I/ COMMENT EN SOMMES NOUS ARRIVÉS À UN « MIRAGE COLLECTIF » ? A/ La caverne de platon

Voici un extrait du dialogue entre Socrate et Glaucon 1 : Tableau 11- Extrait de L'allégorie de la Caverne - Platon

- […] Figure-toi donc des hommes comme dans une habitation souterraine ressemblant à une caverne, ayant l'entrée ouverte à la lumière sur toute la longueur de la caverne, dans laquelle ils sont depuis l'enfance, les jambes et le cou dans des chaînes pour qu'ils restent en place et voient seulement devant eux, incapables donc de tourner la tête du fait des chaînes ; et encore la lumière sur eux, venant d'en haut et de loin, d'un feu brûlant derrière eux ; et encore, entre le feu et les enchaînés, une route vers le haut, le long de laquelle figure-toi qu'est construit un mur, semblable aux palissades placées devant les hommes par les faiseurs de prodiges, par dessus lesquels ils font voir leurs prodiges. - Je vois, dit-il - Eh bien vois maintenant le long de ce mur des hommes portant en outre des ustensiles de toutes sortes dépassant du mur, ainsi que des statues d'hommes et d'autres animaux de pierre et de bois et des ouvrages variés ; comme il se doit, certains des porteurs font entendre des sons tandis que d'autres sont silencieux. - Étrange, dit-il, le tableau que tu décris, et étranges enchaînés ! - Semblables à nous, repris-je ; ceux-ci en effet, pour commencer, d'eux-mêmes et les uns des autres, penses-tu qu'ils aient pu voir autre chose que les ombres projetées par le feu sur la partie de la caverne qui leur fait face ? - Comment donc, dit-il, s'il est vrai qu'ils sont contraints de garder la tête immobile toute leur vie ? - Mais quoi des objets transportés ? Ne serait-ce pas la même chose ? - Et comment ! - Eh bien ! sans doute, s'ils étaient capables de dialoguer entre eux, les choses présentes étant les mêmes, ne crois-tu pas qu'ils prendraient l'habitude de donner des noms à cela même qu'ils voient ? - Nécessairement. - Et quoi encore si de plus la prison produisait un écho en provenance de la partie leur faisant face ? Chaque fois qu'un des passants ferait entendre un son, penses-tu qu'ils pourraient croire que le son entendu vient d'ailleurs que de l'ombre qui passe ? - Par Zeus, certes non ! - Très certainement, repris-je, ceux-là ne pourraient tenir pour vrai autre chose que les ombres des objets confectionnés.

La « scène » peut être représentée de la manière suivante :

Illustration 39 - La caverne - Source Wikipédia

1 PLATON, op.cit. , Traduction de Bernard SUZANNE, 2001.

La « société de l’information » : du mirage collectif au projet partagé ? - 157 - Magali MACELI, Thèse de Doctorat, Université Paris 8, Saint-Denis, 2008

L’un des prisonniers va se libérer et pouvoir monter vers la lumière. L’idée même de cette ascension vers la lumière a bien évidemment un sens métaphorique fort. Dans un premier temps, la lumière l’incommodera mais une fois accoutumé à celle-ci, il se rendra compte que ce qu’il voyait auparavant n’étaient que des ombres. Même s’il a dans un premier temps du mal à accepter cette nouvelle vérité, il fini par s'adapter à cette nouvelle conception de la vie, à ce nouveau point de vue pourrait-on dire. Ce changement de point de vue s’opère d’ailleurs aussi bien physiquement que mentalement. Nous renvoyons ici au concept de machine de vision énoncé par Paul VIRILIO 1 puis approfondi et développé par Claude BALTZ 2. Le « fugitif » ne pourra d’ailleurs plus jamais revenir à ses anciennes croyances. Et même s’il souhaite redescendre dans la caverne afin d’expliquer aux autres, restés sur place, ce qu’il a découvert, il ne le fera pas de crainte de ne pas être cru et d’être rejeté.

PLATON, dans ce texte, évoque largement l’accès à la connaissance et la nécessité du partage de celle-ci – devoir du philosophe ? – mais aussi la résistance aux changements des êtres humains, etc... Nous ne développerons guère plus à propos de ce texte qui a déjà fait l’objet de nombreuses recherches et interprétations. Il convient cependant ici d’évoquer la distinction philosophique qui peut-être faite entre ce que l’on appelle vérité et réalité. La vérité pourrait-être une interprétation des faits tenue pour vraie par celui qui l’interprète. Autrement dit, la vérité serait liée à la personne qui la pense, qui l’évalue et qui y croit en la transmettant. Quelqu’un qui se trompe dans ses affirmations ou dans ses interprétations peut quand même dire la vérité au sens où ce dernier dit ce qu’il pense être vrai. La vérité se distingue ainsi du mensonge, car dans ce cas la personne

1 Paul VIRILIO.- La machine de vision , Galilée, 1994. 2 Claude BALTZ propose le concept de « machine de vision », qui permet différents regards sur les objets d’information qui nous entourent, et rappelle que les sciences de l’information et de la communication sont essentiellement un regard sur le monde, plutôt qu’une discipline, avant de poser la question d’un enseignement dans le secondaire.

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I/ COMMENT EN SOMMES NOUS ARRIVÉS À UN « MIRAGE COLLECTIF » ? A/ La caverne de platon

dit autre chose que ce qu’elle tient pour vrai. Ce qui revient à pouvoir mentir tout en reflétant la réalité. Cette réalité serait donc de l’ordre du vécu, du fait réel. Celle-ci n’est cependant pas objective non plus, car elle est également liée au ressenti de chacun. José ARANGUREN 1 s’est lui aussi posé ce type de question qu’il formule ainsi : « Quelle est la part de vérité et de non-vérité du langage, pourquoi entend-on donner une information juste, ou déformer le contenu réel de ce qui devrait être communiqué ? ». Mais pour lui « Il est évident qu’il existe des messages destinés à ne pas être compris, ou plutôt qui ne signifient rien et n’ont aucun contenu réel. »

Malheureusement, nous arrêterons ici cette amorce de réflexion, nous n’entrerons pas plus loin dans cet exercice de développement philosophique et laissons le soin aux spécialistes de la discipline de s’y exercer. Ce rappel nous semble cependant primordial, car ces notions de vérité, de réalité, de vécu et d’interprétation sont au cœur de la communication, elles sont sa dimension humaine. Nous y reviendrons par la suite.

Revenons à notre dessein initial qui est ici de faire le parallèle entre les problématiques liées à l’information et l’une des questions posées par Platon qui peut être reformulée de la façon suivante : Si l’on ne connait rien d'autre que ce qui nous est présenté, comment pouvons-nous établir le caractère réel de cette chose ?

En effet, comment les hommes de la caverne peuvent-il savoir que ce qu'ils voient n'est qu'un reflet, et n'est donc pas la vérité ? De la même manière, comment peut-on savoir si les informations projetées sur nos écrans sont exactes et reflètent des faits réels ? Allant dans le sens de ces questions, Ryszard KAPUSCINSKI 2, dont nous avons parlé plus haut, cite

1 José L. ARANGUREN.- Sociologie de l’information , Hachette, 1967, p.137. 2 Ryszard KAPUSCINSKI, « Les médias reflètent-ils la réalité du monde ? », Le Monde Diplomatique , Août 1999, pp.8-9.

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Rudolph ARNHEIM, qui « avait déjà prédit, dans les années 30, dans son livre Film as Art 1, que l’être humain confondrait le monde perçu par ses sensations et le monde interprété par la pensée, et croirait que voir c’est comprendre. Mais cela est faux. La télévision, a écrit ARNHEIM, “sera un examen des plus rigoureux pour notre connaissance. Elle pourra enrichir nos esprits, comme elle pourra les rendre léthargiques” ».

Il vrai que nous pouvons nous interroger sur la manière dont se construisent des connaissances ayant comme source d’information quasi- unique la télévision ou un autre média. De manière générale, faut-il le rappeler, n’avoir qu’une et unique source d’information n’apparaît souhaitable dans aucun cas. Il est vrai que la caverne et ses ombres projetées sur un mur, peuvent évoquer la télévision (mur) et ses images (ombres) ; il en va de même pour Internet. On connait d’ailleurs pour ce dernier les dérives qui peuvent exister, car derrière les apparences inoffensives de certaines de ces « ombres », se cachent des réalités beaucoup plus dangereuses, pour les enfants notamment. Nous faisons ici référence aux adultes malintentionnés qui derrière des pseudonymes se font passer pour des enfants afin d’établir le contact avec de vrais enfants.

Amélie NOTHOMB a imaginé une autre possibilité dans l’un de ses romans intitulé Péplum 2. Il s’agit d’un scénario dans lequel l’humanité de cet univers fictionnel, a décidé de faire disparaitre le Sud pour des « raisons de commodité ». Plus exactement, le Nord a décidé d’oublier le Sud. Ainsi rayé des cartes, des livres (et des médias) le Sud n’existe plus. Voici un extrait du dialogue croustillant à ce sujet :

1 Rudolph ARNHEIM, Film as Art .- Traduction française : Le cinéma est un art , Arche (L’), 1989. 2 Amélie NOTHOMB, Péplum .- Albin Michel, 1996, pp. 111-116.

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I/ COMMENT EN SOMMES NOUS ARRIVÉS À UN « MIRAGE COLLECTIF » ? A/ La caverne de platon

Tableau 12 - Extrait de Péplum d'Amélie NOTHOMB - Ce serait ignoble si nous avions décimé le Sud. - Décimé ? Vous n’avez pas décimé le Sud, vous avez tué les gens du Sud jusqu’au dernier ! - Non, vous n’avez pas du tout compris : notre résolution fut d’ordre intellectuel. Nous avons décidé qu'il n'y aurait plus de Sud. […] - Comment voulez-vous qu’il n’y ait plus de sud ? C’est impossible ! […] - La non-existence du sud est peut-être absurde, mais quand une absurdité est reconnue par tout le monde depuis 400 ans, on l’appelle réalité. […] Jamais idée n'a été acceptée avec autant d'entrain et de soulagement par l'humanité survivante. Je vous l'ai dit : les gens n'auraient pas eu la force de continuer à vivre avec une culpabilité aussi écrasante [d’un génocide]. Là, on leur offrait une échappatoire merveilleuse : […] L'axe Nord-Sud était le plus terrible, l'invasion des pauvres n'était même plus une menace, c'était une fatalité numérique. […] Croyez-moi : au milieu du vingt-deuxième siècle, quand il s’est agi de sacrifier une espèce, on n’a pas hésité longtemps. Enfin il allait ne plus y avoir de pauvres ! On allait pouvoir manger tranquille, allumer sa télévision sans avoir peur. […]

Il s’agit là bien évidemment de fiction mais sans aller jusqu’à cet extrême, il apparaît intéressant de nous interroger sur cette possibilité de sélection de l’information qui peut rendre visibles et invisibles - et ici même existants ou non-existants - des événements, des choses, des réalités. Ainsi, telle la vérité de ce que tiennent pour réalité les hommes de la caverne, nous pouvons nous interroger sur la vérité de ce qui nous est proposé comme réalité – par les médias notamment – et surtout nous demander « Pourquoi ? ». Mais encore faut-il pouvoir tourner la tête, avoir appris à le faire et comprendre ce que l’on voit. Pouvoir faire le tri commence déjà par observer quelques mécanismes afin, si nécessaire, de les démonter. Ainsi, nous pouvons réaliser que le flot de messages de tous ordres qui nous sont adressés participe à la confusion qui existe à l’heure actuelle et mérite d’être analysé. Notons d’ailleurs que les professionnels de l’information ont ici un

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rôle majeur à jouer 1. L’objectif est donc de comprendre afin de pouvoir mieux (s’-)expliquer ce qui se cache derrière cette forme de cacophonie.

Afin de développer un autre point de vue et de donner quelques pistes de réflexion, nous citerons préalablement à la lecture du chapitre suivant, la définition que donnent Claude FLAMENT et Michel-Louis ROUQUETTE 2 de la Propagation dans leur ouvrage sur les représentations sociales. Celle-ci a attiré notre attention et semble fort appropriée au sujet qui nous concerne :

« La Propagation [d’une idée, d’un concept par exemple] émane d’une institution établie qui possède son identité, ses traditions, ses relais et vise à adapter l’ancien au nouveau (ou le nouveau à l’ancien), à éduquer sans crise, à intégrer dans la continuité. Pédagogique dans son esprit la Propagation expose et explique, argumente et s’efforce de persuader. On peut dire en outre qu’elle est fortement identitaire dans la mesure où elle se réfère constamment à des traits d’appartenance qui, en même temps la légitiment et l’alimentent auprès des destinataires. Elle est devenue un mode d’expression typique du pouvoir d’État dans les démocraties contemporaines, lorsque celui-ci s’efforce de modifier ou de gérer les conduites, principalement en matière civique ou sanitaire (campagnes anti-tabac ou anti-sida, lutte contre l’abstentionnisme électoral, amélioration de la sécurité routière, éducation à la préservation de l’environnement, etc.). L’identité cultivée chez les destinataires est alors celle du “ bon citoyen”, “responsable”, “conscient », “adulte” et “inscrit dans la modernité”. On fait appel à des valeurs

1 Nous y reviendrons par la suite dans la partie consacrée au positionnement de professionnels de l’information. 2 Claude FLAMENT, Michel-Louis ROUQUETTE.- Anatomie des idées ordinaires : Comment étudier les représentations sociales .- Ed. Armand Colin, 2003, p.147.

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I/ COMMENT EN SOMMES NOUS ARRIVÉS À UN « MIRAGE COLLECTIF » ? A/ La caverne de platon

incontestables pour inciter à un auto-contrôle programmé. »

La propagation impliquerait par ailleurs, la plupart du temps, l’adoption de l’idée par celui qui la reçoit et devient souvent propagateur à son tour – tels certains journalistes évoqués dans la première partie.

Qui adresse quels messages à qui et pourquoi ? Et comment peuvent se construire, ou du moins se consolider, des représentations collectives qui parfois peuvent devenir de véritables « mirages collectifs ». C’est ce que nous allons étudier dans le chapitre suivant, en nous appuyant à nouveau sur les discours télévisuels des cinquante dernières années.

La « société de l’information » : du mirage collectif au projet partagé ? - 163 - Magali MACELI, Thèse de Doctorat, Université Paris 8, Saint-Denis, 2008

B/ REPRÉSENTATIONS SOCIALES DE LA SOCIÉTÉ DE

L’INFORMATION – TENTATIVE DE SYNTHÈSE DES IDÉES

VÉHICULÉES

Yves JEANNERET 1 résume parfaitement la rétrospective télévisuelle que nous avons effectué en première partie de ce mémoire ainsi que les différents discours politiques que nous avons pu analyser dans la seconde partie : « Ce défilé de prédilections hétéroclites se laisse résumer en un paradoxe unique. Notre époque a acquis la certitude que quelque chose d’essentiel se déplace dans les moyens matériels de diffusion des connaissances. Mais elle ne sait pas quoi ».

Comme nous avons pu le voir, nombre de sujets de journaux télévisés invoquent l’histoire et font un usage friand de la notion de révolution concernant tantôt l’informatique, tantôt les moyens de communication ou encore le tout regroupé et agrémenté de deux ou trois enjeux sociaux sous le qualificatif de Société de l’information. Il s’agit donc pour nous, dans cette partie, de déconstruire l’amalgame du fait technico-technologique d’une part et de son discours d’accompagnement d’autre part. Car la question qui se pose est maintenant : Qu’avons-nous appris au juste à travers les discours politiques et médiatiques que nous avons pu analyser ?

Notons tout d’abord que le flou sémantique entourant le terme même d’ information et qui d’ailleurs fait l’objet de nombreuses clarifications par les chercheurs en sciences de l’information, parait être entretenu – délibérément parfois - dans les discours médiatiques. Nous commencerons

1 Yves JEANNERET, Y-a-t-il (vraiment) des technologies de l’Information ?.- Ed. Presses universitaires du Septentrion, Coll. : Savoirs mieux, 2000, p.10.

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donc ce chapitre par un point terminologique concernant le mot « Information ». A des fins de clarification, nous reprendrons la distinction qui peut être faite entre deux manières de comprendre ce terme. Nous accordons une importance particulière à cette distinction, car nous montrerons par la suite à quel point il est possible de jouer, d’abuser et de se perdre dans la confusion qu’entraine le flou autour du mot information.

Pour saisir la différence entre ce que nous pourrions qualifier de « Donnée(s) » et ce que nous appellerons « Information », nous évoquerons une expérience que beaucoup d’entre nous ont déjà pu vivre, celle de la réception d’un appel téléphonique provenant d’un fax. Nombreux sont ceux connaissant la désagréable sensation occasionnée par le sifflement strident retentissant dans le combiné. Celui-ci n’apporte pas grand-chose en termes de connaissance, de savoir ou de pouvoir. Pourtant, le fax est à ce moment bien en train de transmettre de l’information au sens mathématique (et numérique) du terme, c'est-à-dire des données, qu’un autre fax ou un ordinateur doté d’un logiciel prévu à cet effet pourra interpréter. D’ailleurs, comme l’écrit Yves JEANNERET 1 :

« L’illusion que nous serions face à un processus qui traiterait une matière première, l’information, est le cœur des confusions. Il ne suffit pas du tout que les technologies “ traitent l’information” (c'est-à-dire soumettent les objets du monde à un certain type d’écriture mathématique) pour qu’elles “produisent de l’information” (c'est-à-dire modifient la perception que nous avons du monde, informent notre esprit, mettent en forme notre réel). »

1 Yves JEANNERET, op. cit., p.42.

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D’ailleurs, quelques tentatives de mise en garde et d’explications ont été faites dès 1961 :

« Pour le grand public, l’information c’est la presse, c’est la radio et c’est éventuellement la télévision. Pour l’homme de science, l’information, c’est tout de même un peu autre chose. » « Oui, effectivement. Les machines actuellement manipulent, traitent l’information. Pour une machine, l’information c’est le message qui lui est utile pour faire un travail déterminé » 1

Mais lorsqu’il est annoncé que « Qui détient l’information, détient le pouvoir ! », on se garde de préciser le sens dans lequel Information est employé :

« La télématique, […] véhiculera […] de l’information, c'est-à- dire le pouvoir. »2- « Il y a ceux qui savent et ceux qui ne savent pas. Ceux qui détiennent le pouvoir de communiquer et ceux qui ne peuvent que passivement recevoir ces messages ». 3

Nous reviendrons d’ailleurs de manière plus approfondie dans le chapitre consacré aux fantasmes entourant la communication 4 sur la représentation de l’information source de pouvoir et de liberté.

Nous allons dans ce chapitre présenter de manière condensée ce qui à notre sens constitue le cœur des idées véhiculées depuis plus de cinquante

1 Jacques BLOCH-MORHANGE, Albert DUCROCQ, ORTF, 21/12/1961. 2 Louis BERIOT, Antenne 2, 1978. 3 Reportage dans Question de temps, Antenne 2, 1978. 4 Cf. « Quand mettre à disposition de l’information ne suffit pas à informer : l’information, des fantasmes aux réalités » en page 3.

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ans. Nous établirons donc une synthèse des différentes positions – que nous y adhérions ou non – les plus largement relayées et nous demanderons « Pourquoi ? » et leur porterons la contradiction de manière à ne pas tenir pour évident, vrai ou acquis ce qui nous est annoncé. Nous avons, pour des commodités de lecture, scindé le propos en deux parties, l’une consacrée aux discours agitant les menaces liées à l’informatisation et l’usage ou au non-usage des TIC dans la société, l’autre aux discours enthousiastes, incitateurs et vendeurs que nous traiterons dans le chapitre suivant. Notre observation du fait médiatique consistera essentiellement ici en une mise en évidence, en une analyse des idées reçues récurrentes. Nous illustrerons nos propos de citations tirées de la rétrospective que nous avons effectuée en première partie de ce mémoire.

1/ I NVASION DES MACHINES , MENACES ET DISCOURS

CULPABILISATEURS

Comme nous avons pu le constater à maintes reprises au cours des nos visionnages d’archives télévisuelles, l’invasion par les machines est un thème récurrent. Si l’on en croit les propos des journalistes, nous subirions une véritable intrusion des machines. Plus exactement, on ne cesse de nous annoncer qu’il faut se préparer à ce qu’elles envahissent notre société, nos activités et nos domiciles, etc… Ces annonces d’invasions, comme de révolution, tout autant que les machines génèrent angoisses, fantasmes, craintes. Ces dernières sont parfois perçues comme une menace pour l’homme, pour l’emploi, pour l’intelligence…

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« Dans les années à venir, les ordinateurs vont envahir tous les secteurs de notre vie »1 - « L’informatique […] va se répandre comme l’électricité »2 - « L’informatique de masse s’imbriquera demain dans toute la société comme le fait l’électricité »3 - « L’arrivée massive dans notre vie quotidienne des micro-processeurs […] va modifier notre façon de vivre. »4 - « Des milliers de gens vont s’équiper dans les mois qui viennent. »5 - «Un sujet qui vous concerne ou en tous cas qui va vous concerner très bientôt dans votre vie quotidienne »6 - « Un nouvel outil va envahir l’Europe. »7

Voici donc quelques exemples de la manière dont sont abordés les thèmes des progrès informatiques et du développement des ordinateurs. De même, on laisse entendre que les machines représentent une menace pour l’emploi, que seuls les spécialistes en informatique auront un emploi et que la maîtrise des technologies devient indispensable.

« Une question cependant, l’informatique avec ses utilisations illimitées ne va-t-elle pas supprimer des emplois dans une société qui souffre déjà de chômage ? » - « Bien sûr elle va supprimer des emplois. »8 - « Attention aux répercussions de l’ordinateur sur l’emploi c’est l’avertissement lancé par le Bureau international du

1 François de CLOSETS, ORTF, 29/09/1966 2 Louis BÉRIOT, Antenne 2, 13/09/1978 3 Jean-Pierre ELKABBACH, Antenne 2, 25/09/1978 4 Jean-Claude BOURRÉ, TF1, 10/11/1980 5 Patrick HESTERS, Antenne 2, 23/09/1982 6 Noël MAMERE, Antenne 2, 21/12/1983 7 Christian-Marie MONOT, France 2, 25/02/1995 8 Daniel DUIGOU et André GIRAUD, TF1, 10/12/1978

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travail ! »1 - « Alors la chose est simple, les robots tuent les hommes non-formés, ils prennent leurs emplois. »2

La menace plane donc bel et bien, des avertissements sont lancés et des vies seraient même en jeu ! Nous serions à nouveau en pleine révolution, mais industrielle cette fois :

« Nous allons assister maintenant à une seconde révolution industrielle, conduisant à demander aux machines des travaux nécessitant un minimum d'information, s'appuyant sur de nouveaux procédés. »3

Les Historiens ont coutume de désigner sous l'expression « Révolution Industrielle » la période débutant dans la seconde moitié du XVIIIème siècle qui a bouleversé nombre de métiers et pratiques professionnelles. C’est à ce moment qu’apparaissent les premières machines qui vont petit à petit se substituer au travail manuel et nécessiteront d'autres sources d'énergie que celles jusque là utilisées : les énergies musculaire, animale, éolienne et hydraulique seront à cette époque progressivement remplacées par la vapeur. C’est donc à cette période de l’histoire industrielle que renvoie l’idée que nous assisterions à une seconde révolution industrielle. Le terme de Révolution ne doit cependant pas faire illusion. En effet, les nouveaux modes de travail mécanique eurent du mal à s'implanter et créèrent un doute, dans la mesure où ils menaçaient des situations acquises et des habitudes héréditaires. L'apparition des machines ne fut déjà à l’époque pas vue d'un bon œil : les ouvriers craignaient de se voir privés de travail, d'être réduits au chômage, leurs chefs se sentaient menacés dans leur position sociale et leurs privilèges. Aussi, la résistance humaine à cette révolution industrielle

1 Jean-Claude BOURRÉ, TF1, 10/11/1980 2 Jean-Jacques SERVAN-SCHREIBER, Antenne 2, 12/01/1983 3 Albert DUCROCQ, ORTF, 21/12/1961

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fut très active et, en partie au moins, effective : certains ont même brûlé des machines.

D’ailleurs où est la révolution dans tout ça ? Et Comment savoir si nous assistons effectivement à une révolution ? Peut-on avancer que les progrès technologiques qui ont lieu depuis quelques années sont à l’origine d’une révolution ? La réponse n’est pas simple puisqu’il conviendrait de s’interroger sur le terme même de révolution. Parce que, même si des disciplines telle que la sociologie s’emploi à observer, analyser et élaborer des outils d’étude de la société toujours plus pointus, il n’en reste pas moins que s’il est une chose des plus difficiles à comprendre et à anticiper, c’est de savoir quel va être l’impact social réel d’une nouvelle technique et quels vont être les usages qui en découleront. D’ailleurs, dans l’histoire de l’humanité, le passé nous montre par exemple que parmi les inventeurs de l’automobile au début du siècle, personne ne se doutait qu’elle allait complètement bouleverser l’espace social et changer radicalement la façon de vivre sur un territoire ainsi que les rapports entre les villes, entre milieu urbain et rural, etc… Alors pourquoi ne parle-t-on pas de révolution de l’automobile ? Lorsque le téléphone a été inventé par Graham Bell à des fins industrielles, on n’imaginait pas non-plus qu’il deviendrait un outil de communication personnel et familial. Nous ne savons pas contrôler ou prévoir l’utilisation qu’une société fait de ses techniques.

Il n’est pas vraiment étonnant que les discours annonçant l’invasion des machines, la menace pour l’emploi et faisant même référence à une nouvelle révolution industrielle, engendrent des réactions mitigées et des crispations. Un vertige peut effectivement nous saisir en pensant que l’homme a fabriqué des outils plus performants dans certains domaines que lui-même. Peut-on cependant affirmer que la machine ou l’ordinateur plus précisément possède une intelligence qui pourrait menacer l’humanité ? On peut se poser la question de la différence qu’il peut y avoir entre l’outil de pierre taillée et la télévision ou l’ordinateur qui permet d’accéder à Internet.

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I/ COMMENT EN SOMMES NOUS ARRIVÉS À UN « MIRAGE COLLECTIF » ? B/ Représentations sociales de la société de l’information – tentative de synthèse des idées véhiculées

Ce sont des outils qui étendent les capacités physiologiques mais qui ne changent pas la nature humaine elle-même. L’un des génies de l’homme est de trouver les moyens de compenser ses sens et de développer ses capacités, de faire mieux, d’être plus habile, de voir plus loin, d’être plus malin en se fatiguant moins, etc… En ce sens, la machine, quelle qu’elle soit, ne représente pas une menace pour l’humanité. La machine est un outil créé, entretenu, développé, utilisé par l’homme.

De plus, la question du sens de l’action pourrait et mériterait ici d’être développée, nous ne ferons que l’évoquer. Car si les machines (les ordinateurs) exécutent des tâches même complexes comme des calculs très poussés de façon automatique, elles n’ont aucune idée du pourquoi elles le font et n’ont d’ailleurs aucune idée tout court.

Notons ici qu’un grand nombre de sujets télévisuels évoquent la facilité enfantine avec laquelle chacun s’approprier les TIC. Nous ne ferons ici qu’évoquer la question de ces discours, la plupart du temps culpabilisateurs, sur la capacité de chacun à manipuler les outils informatiques et à utiliser les diverses applications multimédia, mais en traiterons spécifiquement dans le

chapitre intitulé : « LES PRÉ -REQUIS , UNE PROBLÉMATIQUE QUI DEMEURE : DES 1 COMPÉTENCES À DÉVELOPPER , UNE ATTITUDE A ADOPTER »

En revanche, ce que nous pouvons remarquer, c’est cette velléité de vouloir tout commenter en temps réel, y compris des changements profonds et lents d’habitudes liées aux nouveaux outils inventés et mis à disposition. La multiplication des commentaires et des commentateurs-prophètes s’accompagne comme on l’a vu d’effets permanents d’annonce, soit on brandit la menace que représentent les machines, soit les idéaux et fantasmes liés à notre imaginaire de la communication.

1 Cf. en page 3.

La « société de l’information » : du mirage collectif au projet partagé ? - 171 - Magali MACELI, Thèse de Doctorat, Université Paris 8, Saint-Denis, 2008

2/ NOUVELLE SOCIÉTÉ , NOUVELLE RÉVOLUTION ET

NOUVELLES OPPORTUNITÉS … COMMERCIALES

Comme nous avons pu le constater au cours de la rétrospective présentée en première partie, nous sommes depuis 50 ans constamment en pleine révolution. Les annonces de nouveautés technologiques se bousculent et induisent la proclamation d’une nouvelle révolution : scientifique, industrielle 1, sociale, culturelle…

« De même que le 19 ème siècle a été marqué par la révolution du machinisme, le 20 ème sera sans doute marqué par la révolution des machines intellectuelles : les ordinateurs ». 2 - « Oui, tout va bouger. C’est une révolution, une révolution permanente qui devrait prendre bientôt un nouvel essor avec l’entrée en jeu des satellites. »3 - « C’est la révolution de la bureautique ! »4 - « Les autoroutes de l’information nous préparent à vivre une véritable révolution culturelle et sociale »5- « Internet c’est la révolution de l’information et des télécommunications »6

Tout se passe comme si désormais, il existait une entité, un couple indissociable, une équation quasi-mathématique : Nouveauté technique (ou

1 Nous traiterons de Révolution industrielle dans la partie consacrée à « l’invasion des ordinateurs » et la menace pour l’emploi qu’ils représenteraient. Cf. en page 3. 2 François DE CLOSETS, ORTF, 14/04/1967. 3 Jean-Pierre ELKABBACH, Antenne 2, 25/09/1978. 4 Jean-Claude BOURRÉ, TF1, 10/11/1980. 5 Catherine MATAUSCH, France 3, 26/02/1995. 6 Valérie PATOLE, France 3, 11/01/2000.

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I/ COMMENT EN SOMMES NOUS ARRIVÉS À UN « MIRAGE COLLECTIF » ? B/ Représentations sociales de la société de l’information – tentative de synthèse des idées véhiculées

technologique) = Révolution. Mais, comme nous le verrons, nombreux sont ceux qui s’interrogent sur le caractère révolutionnaire (au sens de « révolution sociale ») attribué à l’informatique et aux TIC. Peut-on réellement parler de révolution ? Et pourquoi tant d’efforts pour nous en persuader ? A qui cela profite-t-il ? Sans vouloir faire de lapalissade, le premier élément de réponse est que ces annonces profitent tout d’abord à ceux qui les font. En effet, les journalistes par exemple, ont tout intérêt à présenter le dernier progrès technologique comme une révolution ou un événement majeur. Car en formulant les choses de cette manière, ils ne présentent plus un simple outil mais tiennent un véritable scoop ! De la même manière, les industriels, les techniciens (ici les informaticiens) et mêmes les hommes politiques ont intérêt à mettre en avant la nouveauté. D’une part parce qu’elle fait vendre, et d’autre part elle démontre leur dynamisme, leur inventivité et leurs compétences. Pour Yves JEANNERET 1 : « l’intérêt des technologues, des commerçants, et sans doute aussi des politiciens en quête de "nouvelles frontières" est de nous expliquer que chaque produit neuf est un objet nouveau. » Il rappelle d’ailleurs que « tout dispositif technique est par définition nouveau, ou plutôt neuf, au moment où il apparaît. »

Il nous apparaît, à ce stade de notre développement, intéressant d’évoquer le livre de Bill GATES : La route du futur 2. Non pas que nous soyons très amateurs du personnage, mais il est vrai que l’on ne peut nier ses talents de chef d’entreprise. « Cet homme détient les clés de notre avenir » : ce slogan-symbole figure sur la quatrième de couverture de son ouvrage. Si le fondateur et président de Microsoft (premier éditeur mondial de logiciels pour micro-ordinateurs) consacre, dans son livre, un chapitre à l'éducation comme le « meilleur investissement », les clés qu'il nous fournit

1 Yves JEANNERET, Y-a-t-il (vraiment) des technologies de l’Information ?.- Ed. Presses universitaires du Septentrion, Coll. : Savoirs mieux, 2000, p.54. 2 Bill GATES, Trad. de l'américain Yves COLEMAN, La route du futur (Titre original : "The Road Ahead" ).- Ed. Robert Laffont, 1995.

La « société de l’information » : du mirage collectif au projet partagé ? - 173 - Magali MACELI, Thèse de Doctorat, Université Paris 8, Saint-Denis, 2008

dans les autres pour guider notre avenir ressemblent plutôt à une navigation à travers le commerce électronique, dit « marché ultime », le « grand magasin planétaire où les animaux sociaux que nous sommes vendront, négocieront, investiront, marchanderont, choisiront, débattront, flâneront, se rencontreront ».

Le petit sujet lui étant accordé dans Métropolis 1 en 1995 illustre parfaitement notre propos : COMMENTATEUR : « En route pour le nouveau monde ! Comme beaucoup d’autres Bill GATES a une mission. Cette mission, c’est l’autoroute de l’information. L’information par les ordinateurs et sur le réseau. Partout et toujours, la route de l’information. Et comme on ne sait pas encore conduire, GATES nous livre le mode d’emploi sous une forme très conventionnelle, on pourrait dire démodée : celle Illustration 40 – Couverture, du La route du futur , Bill GATES livre… […] 80% des ordinateurs personnels existants sont équipés de ses logiciels. Chez Microsoft, on le congratule et à travers lui on s’auto-félicite en célébrant ce rêve américain : la solution de tous les problèmes par le progrès technologique. Nous vivons une époque formidable, c’est le fil conducteur de son livre qui promet de nous emporter vers de nouveaux rivages. […] Et il est orfèvre en la matière, toujours par monts et par vaux avec une fortune personnelle de 13 milliards de dollars, il est l’homme d’affaires le plus riche du monde. Il aspire maintenant à être reconnu comme un grand esprit et un visionnaire. Même les chefs d’États s’y laissent prendre. Lui-même se pique au jeu et on trouve dans son livre des accents d’homme d’État. […] Son livre n’est qu’un compte rendu minutieux de la manière dont l’ordinateur doit changer notre vie. […] Car dans le monde de demain, tout passera par la médiation numérique. Des professeurs

1 Metropolis , Reportage sur Bill GATES, ARTE, 1995.

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I/ COMMENT EN SOMMES NOUS ARRIVÉS À UN « MIRAGE COLLECTIF » ? B/ Représentations sociales de la société de l’information – tentative de synthèse des idées véhiculées

d’informatique enseigneront les sciences de l’informatique. Des agents personnels nous guideront à travers des dédales de données. Bref, nous assisterons enfin à la réconciliation de l’homme et de la machine ! »

BILL GATES : «Je suis résolument optimiste […] Le propre de cette révolution, c’est de dépasser les distances et les frontières […] Les écoles devraient être reliées aux autoroutes. La responsabilité incombe désormais aux gouvernements de savoir mettre intelligemment à profit les nouvelles données […] Chez Microsoft nous parlons des qualités sociales de l’ordinateur. Il apprend, il a une personnalité que l’on peut même choisir. […] L’ordinateur n’est là que pour vous aider, vous amuser, vous gardez le contrôle de tout »

Les TIC, plus qu’une nouvelle société ou encore une nouvelle révolution représentent donc avant tout des nouvelles opportunités commerciales. D’ailleurs, on exhorte les français à s’équiper pour combler le retard de la France en la matière.

« Mais il y a toutes sortes de façons de développer l’informatique. L’important est de se dépêcher de réfléchir et de faire les choix corrects. »1 - « Le premier Ministre [Lionel JOSPIN] a annoncé hier, un plan d’action pour faire rattraper à la France son retard en matière d’équipement informatique »2 - « La France, on le sait, est très en retard en ce qui concerne les équipements informatiques »3- « L’Amérique nous précède bien entendu dans ce

1 Roger GICQUEL, TF1, 1979. 2 Antoine CORMERY, France 2, 26/08/1997. 3 Elise LUCET, France 3, 11/01/2000.

La « société de l’information » : du mirage collectif au projet partagé ? - 175 - Magali MACELI, Thèse de Doctorat, Université Paris 8, Saint-Denis, 2008

domaine »1

Nous serions donc très en retard en matière d’équipement informatique. Mais par rapport à qui ? Et pourquoi cela pose-t-il un si grand problème ? On ne se préoccupe pas de savoir qui a accès à l’informatique, Internet ou autre, comment et pourquoi ou pourquoi pas. On s’inquiète de l’équipement informatique des Français. L’enjeu paraît être ici principalement économico- industriel. Le problème majeur est que pendant que certains développent et vendent des produits technologiques à grande échelle à des consommateurs dociles, la France semble trainer les pieds. Ce qui n’est d’ailleurs pas tout à fait exact, car en vérité les français sont parmi les premiers à avoir été équipés en matériel télématique basé sur une technologie informatique : le Minitel. Et même si cet exemple peut faire sourire aujourd’hui, notre propos est de rappeler que le retard évoqué sans cesse n’est autre qu’un retard de consommation.

C’est d’ailleurs, ce que l’on nous disait dès 1967 :

« Actuellement, le marché des ordinateurs aux États-Unis augmente de 35% chaque année. Or, la France ne construit pas actuellement, avec des sociétés purement françaises, de grands ordinateurs. Donc en juillet le gouvernement a lancé le Plan calcul pour lancer en France l’industrie des grands ordinateurs. »2.

Depuis, cette préoccupation est restée forte, on nous informe même que des pressions s’exercent :

« Les 7 pays les plus riches de la planète et 45 entreprises parmi les plus performantes ont rendez-vous à Bruxelles ce

1 Daniel BILALIAN, France 2, 06/02/1995 2 François de CLOSETS, ORTF, 14/04/1967

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week-end pour un G7 peu ordinaire consacré aux autoroutes de l’information. »1 - « Un sommet […] soumis à forte pression des industriels […] mais aussi une grande perplexité du public »2

Pourquoi ?

Parce que « La France, pays du concept a une vocation naturelle à développer l’invention, la production et l’usage de l’informatique. C’est une des orientations fondamentales de l’avenir de notre économie. »3 - « [L’] enjeu technologique et économique [est] considérable puisque la seule industrie des télécommunications devrait peser plus de 4500 milliards de francs en l’an 2000 et créer des millions d’emplois à travers le monde. »4

Voilà donc une des raisons pour lesquelles on nous encourage tant à nous équiper. On tente donc par tous les moyens de nous inciter. Nous avons déjà pu voir comment les leitmotivs de la nouveauté, des peurs (de l’invasion, du chômage), de la culpabilité et de la concurrence (retard à rattraper) ont été utilisés. Ces concepts vendeurs suscitent des réticences, et on le comprend, car ils jouent la plupart du temps sur les craintes. C’est une stratégie commerciale éprouvée, on le sait. Faire peur aux masses a toujours été un instrument de pouvoir extrêmement puissant et surtout, cela fait vendre ! Les enjeux économiques et industriels sont considérables et ne peuvent certes être occultés des débats. La recherche de la performance par l’innovation, par la technologie, caractérise le monde de l’économie qui vit au rythme de la

1 Bruno MASURE, France 2, 25/02/1995. 2 Catherine MATAUSCH, France 3 , 26/02/1995. 3 Valéry GISCARD d’ESTAING, 1979. 4 Bruno MASURE, France 2, 25/02/1995.

La « société de l’information » : du mirage collectif au projet partagé ? - 177 - Magali MACELI, Thèse de Doctorat, Université Paris 8, Saint-Denis, 2008

compétition à l’échelle mondiale. Dans cette course, les innovations techniques jouent un rôle moteur. Les entreprises doivent créer toujours de nouveaux produits et de nouveaux services. Et au besoin elles créent, comme nous l’observerons, de nouveaux désirs de consommation. Notons d’ailleurs que les entreprises sont ici dans leur rôle. Mais en présentant les choses de cette manière, les journalistes eux aussi entrent dans ce jeu qui n’est pas le leur, et de surcroît y font participer les téléspectateurs.

Dans le chapitre suivant, nous ne traiterons pas des ventes en matière d’équipement ou de services informatiques, mais il sera par contre toujours question de consommation…d’information cette fois. Car nous le constaterons la peur fait également vendre des journaux ; elle génère de l'audimat à la télévision et de l'audience à la radio. Et puis surtout elle crée le besoin de se rassurer en consommant - de l’information parfois -.

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II/ CONSOMMATION DE LA SOCIÉTÉ DE L’INFORMATION OU INFORMATION DANS LA SOCIÉTÉ DE CONSOMMATION ?

II/ CONSOMMATION DE LA SOCIÉTÉ DE L’INFORMATION OU INFORMATION DANS LA SOCIÉTÉ DE CONSOMMATION ?

Comme nous avons pu le constater, une des principales critiques émise aujourd’hui à l’encontre de la télévision, comme pour l’ensemble des médias, concerne plus particulièrement ses modalités de traitement de l’information qui deviendrait un produit de consommation. Par ailleurs, l’attitude de consommateurs – non-seulement des téléspectateurs, mais aussi des internautes – à l’égard de l’information est, elle aussi, largement critiquée. Ainsi, si la dimension mercantile de l’information se développe, certain constatent également une attitude consumériste de la part des citoyens. C’est ce que nous allons aborder dans la partie suivante, car au regard de nos lectures précédentes, nous pouvons légitimement nous interroger. En effet, entre des célébrités fabriquées et vantées tels des produits, des politiques qui font du marketing et une information qui acquiert une valeur marchande, qu’étudions-nous véritablement ?

Nous reviendrons sur la notion de consommation d’information. Nous envisagerons la consommation dans son sens le plus large et tenterons d’observer les parallèles qui peuvent être tissées. Loin de nous l’idée de considérer l’information comme un produit commercial, mais force est de constater qu’elle en est parfois un support prétexte. C’est pourquoi nous tenterons de pousser le raisonnement. Si consommation d’information il y a, quels sont les mécanismes communs entre information et consommation ? Que nous apprend la thématique de la consommation responsable ? Peut-on s’informer de façon responsable ? Mais avant cela nous nous interrogerons sur les annonces même en matière de Société de l’information qui elles aussi pourraient parfois être assimilées à des messages promotionnels.

La « société de l’information » : du mirage collectif au projet partagé ? - 179 - Magali MACELI, Thèse de Doctorat, Université Paris 8, Saint-Denis, 2008

A/ DE LA CONSOMMATION D ’INFORMATION

Après la rétrospective télévisuelle que nous avons effectué et l’exercice de synthétisation des idées reçues sur la Société de l’information auquel nous nous sommes essayés, nous nous autoriserons ici cette première considération : les expressions telles que « technologies de l’information », « Société de l’information » ou encore « autoroutes de l’information », entretiennent la confusion entre les différentes acceptions du mot « information ». Comme nous l’avons vu, cette confusion semble entretenue plus ou moins intentionnellement. Cependant, quel que soit le sens, dans les deux cas l’idée est souvent de faire consommer de l’information.

« Après l’air que l’on respire, la nourriture que l’on avale, la nouvelle denrée indispensable au monde moderne, c’est l’information. 1 » - « Nos sociétés ont besoin de plus en plus d’informations pour produire rendre des services, communiquer tous azimuts [et rester compétitives]. »2

Nous pourrions nous demander quelles sont en définitive les sociétés qui ont besoin d’information. Celles qui fabriquent les ordinateurs, les logiciels ou autres outils de communication ? Celles qui utilisent les TIC comme vecteur de publicité ? Les sociétés anonymes (S.A) ? La société civile ? Rappelons d’ailleurs, que lors de nos visionnages, nous avons pu relever – sans malheureusement l’avoir quantifié – que les sujets relatifs à l’informatique, à la télématique, aux TIC plus généralement, étaient l’occasion pour les journalistes de mentionner les noms de grandes entreprises. Cette pratique, sous couvert d’actualité, s’apparente parfois à de la réclame gratuite. On peut en effet parfois se demander jusqu’où nous

1 Reportage dans Question de temps, Antenne 2, 25/09/1978 2 Emmanuel de la TAILLE, TF1, 1980

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II/ CONSOMMATION DE LA SOCIÉTÉ DE L’INFORMATION OU INFORMATION DANS LA SOCIÉTÉ DE CONSOMMATION ? A/ De la consommation d’information

sommes dans le registre de l’information télévisuelle et à partir de quand nous sommes dans de la communication publicitaire ?

Le phénomène est annoncé comme s’il était entériné et presque naturel lorsqu’il fait les titres dans les journaux. On pouvait ainsi lire dans Le Monde du 24 décembre 2004 1 : « L'information tend à devenir un produit de consommation - Les Français changent leur manière de consommer l'information ». Cet article mentionne une étude menée par l’observatoire du débat public 2 sur « la façon dont les Français consomment l’information ». Cette enquête a elle-même donné lieu à la parution d’un ouvrage intitulé La Mal Info 3. Denis MUZET, auteur de l’ouvrage, explique dans cet article qu’une nouvelle catégorie de consommateurs aurait désormais vu le jour : le médiaconsommateur .

« Nous sommes entrés dans l’ère de la médiaconsommation. Le médiaconsommateur est un être à part, qui a franchi la barrière des espèces. Ce n’est ni seulement l’auditeur, ni seulement le téléspectateur, ni seulement le lecteur ou l’internaute, c’est tout cela à la fois. Successivement et, de plus en plus, simultanément.»

Selon cette étude, les français « grappillent » de plus en plus l'information à la radio, la télévision, dans les quotidiens (payants ou gratuits) et sur Internet. Les auteurs mettent en lumière les dangers liés à ces « fast news » : méprises, déformations et amalgames. Mais cette (sur-

1 Article paru dans Le Monde du 24/12/2004, Par Bertrand d'Armagnac et Bénédicte Mathieu 2 L’observatoire du débat public a été crée par Denis MUZET en 1997. Cet organisme privé de veille sociologique, a pour objectif l’analyse de l’évolution des opinions et des représentations des Français, au travers des grands thèmes du débat public, à la demande de ses abonnés (dirigeants politiques, d’entreprises, sociaux, associatifs, etc.). 3 Denis MUZET.- La Mal Info : Enquête sur des consommateurs de médias , Ed. de L’Aube, Coll. : Monde en cours, 2006

La « société de l’information » : du mirage collectif au projet partagé ? - 181 - Magali MACELI, Thèse de Doctorat, Université Paris 8, Saint-Denis, 2008

)consommation d’information est-elle délibérée ? Volontaire ?

N’oublions pas, même si cela a déjà était largement traité par ailleurs, que pour « consommer de l’information », tel que Denis MUZET l’annonce, il faut être préalablement équipé pour le faire. Il est ici aussi question de consommation, dans le sens de l’acquisition de biens matériels audiovisuels, informatiques ou encore électroniques pour ce faire. Ce qui pose évidemment la question des moyens pour acquérir ce matériel. Or, même si l’une des constatations qui tend à se généraliser est que l’accès à l’informatique et à Internet se démocratise (promotions sur les ordinateurs, les coûts téléphoniques et les accès Internet…), on constate cependant que l’appréhension et l’appropriation de ces technologies par les utilisateurs n’évoluent que lentement. Il apparaît en effet toujours nécessaire de ne pas négliger les difficultés d’accès au système. Tout le monde n’y a pas accès et ne l’appréhende pas de la même manière. Là réside, comme nous l’évoquions dans la seconde partie de ce mémoire, un enjeu lié au fonctionnement démocratique de notre société et à l’égalité d’accès à l’information. La consommation d’information telle que nous l’avons mentionnée, concerne donc principalement une frange de citoyens équipée pour se procurer sa « dose » d’information quotidienne. Cette frénésie compulsivo-informationnelle relèverait d’ailleurs d’un mécanisme plus général, celui de la consommation. Ainsi François LEMARCHAND 1 considère-t-il nos modes de consommation comme un mal contre lequel chacun aurait la responsabilité de se mobiliser.

« Notre maladie de consommation compulsive est pernicieuse, car elle est à la base de tous nos systèmes économiques et tout le monde s’y complait : consommation

1 François LEMARCHAND, préface de Achetons responsable ! : Mieux consommer dans le respect des hommes et de la nature .- Élisabeth LAVILLE, Marie BALMAIN, Seuil, 2006, p. 9

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II/ CONSOMMATION DE LA SOCIÉTÉ DE L’INFORMATION OU INFORMATION DANS LA SOCIÉTÉ DE CONSOMMATION ? A/ De la consommation d’information

d’objets, consommation de kilomètres, consommation de bien-être [et même consommation d’informations]… tout est consommation ! […] Donc, si nous voulons conserver les bienfaits de la société moderne (la médecine, les télécommunications, l’Internet…) en gommant les aspects pervers, les citoyens consommateurs que nous sommes devront se muer en consomm’acteurs responsables et exigeants vis-à-vis des industriels et des commerçants afin d’inventer l’ère de la croissance qualitative et de la décroissance quantitative – c'est-à-dire de réinventer la notion même de progrès. »

Poursuivons donc le parallèle, quelles sont les alternatives à nos modalités de consommation que propose la consommation responsable ? Et nous serait-il possible de transposer ces propositions aux domaines de l’information et de la communication ?

Élisabeth LAVILLE et Marie BALMAIN, argumentent dans leur guide 1 en faveur d’une consommation responsable . Pour elles, il ne s’agit pas de rejeter le système dans son intégralité mais plutôt d’envisager les leviers d’actions que chacun peut activer à son échelle et dans son quotidien.

« Il ne faut cependant pas désespérer de la consommation : la bonne nouvelle, c’est que nos choix quotidiens sont aussi des occasions de faire progresser la situation et d’avancer des solutions meilleures pour nous et pour l’environnement. […] Partout dans le monde, la classe des consommateurs – les personnes qui consomment, bien entendu, mais aussi et avant tout celles qui ont accès à la télévision et à Internet,

1 Elisabeth LAVILLE, Marie BALMAIN.- Achetons responsable ! : Mieux consommer dans le respect des hommes et de la nature, Seuil, 2006, pp.14-15

La « société de l’information » : du mirage collectif au projet partagé ? - 183 - Magali MACELI, Thèse de Doctorat, Université Paris 8, Saint-Denis, 2008

aux idées et à la culture que ces médias diffusent – est en pleine croissance. […] Dans de nombreux cas, la consommation excessive fait aussi apparaitre, dans les sociétés concernées, des décharges…surchargées, […] et une augmentation inquiétante de l’obésité. Le paradoxe est que cette hyperconsommation coexiste aujourd’hui avec la sous-consommation de 2,8 milliards de personnes qui souffrent […] d’un manque d’accès aux produits de base. […] Le défi pour le siècle nouveau est de faire évoluer notre consommation, non plus vers l’accumulation incessante de biens, mais vers une consommation avec un impact environnemental […] aussi réduit que possible pour une meilleure qualité de vie pour tous. »

Prêtons-nous maintenant à un exercice qui démontrera clairement à quel point les problématiques et les champs lexicaux sont proches.

« Il ne faut cependant pas désespérer de l’information : la bonne nouvelle, c’est que nos choix quotidiens sont aussi des occasions de faire progresser la situation et d’avancer des solutions meilleures pour nous et pour la société . […] Partout dans le monde, la classe des médiaconsommateurs – les personnes qui consomment des informations , bien entendu, mais aussi et avant tout celles qui ont accès à la télévision et à Internet, aux idées et à la culture que ces médias diffusent – est en pleine croissance. […] Dans de nombreux cas, l’information excessive fait aussi apparaitre, dans les sociétés concernées, des décharges…surchargées, […] et une augmentation inquiétante de l’infobésité . Le paradoxe est que cette hyperconsommation coexiste aujourd’hui avec la sous-consommation de 2,8 milliards de personnes qui

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II/ CONSOMMATION DE LA SOCIÉTÉ DE L’INFORMATION OU INFORMATION DANS LA SOCIÉTÉ DE CONSOMMATION ? A/ De la consommation d’information

souffrent […] d’un manque d’accès aux informations de base. […] Le défi pour le siècle nouveau est de faire évoluer notre consommation d’informations , non plus vers l’accumulation incessante de données , mais vers une information avec une infopollution […] aussi réduit e que possible pour une meilleure qualité de vie pour tous. »

En remplaçant le mot consommation par information, obésité par infobésité,… bref en ne changeant que quelques mots, nous pouvons constater que les maux attribués à la consommation en général se rapprochent fort de ceux de la consommation d’information. Rappelons ici à nouveau, que nous ne considérons pas l’information comme un produit que l’on consomme. Ce qui reviendrait à ôter à celle-ci un certain nombre de caractéristiques sur lesquelles nous reviendrons par la suite. Notre intention est bien de mettre en évidence que la consommation qu’elle soit d’informations, de biens ou de services, a des mécanismes, des fonctionnements et des dysfonctionnements qui lui sont propres. Les travaux dans ce domaine les étudient, les expliquent et les décryptent. Pour ce qui nous concerne, nous observons effectivement des formes de proximité avec les problématiques qui nous intéressent, mais aussi peut-être des enseignements à tirer de ces différentes approches.

Par exemple, nous savons désormais que pour les défenseurs d’une consommation responsable , l’enjeu est clair : il s’agit de consommer moins mais aussi de consommer mieux, en privilégiant les produits ou les services qui apportent le plus de valeur ajoutée (sociale, environnementale, économique). Quelques mouvements tels que ceux que l’on appelle désormais la « décroissance » ou encore la « simplicité volontaire »1 se développent pour défendre de telles idées. Cette idée pourrait être une piste

1 Voir notamment l’article de Laure NOUALHAT.- «Objecteur de croissance », Libération , 27/06/2005

La « société de l’information » : du mirage collectif au projet partagé ? - 185 - Magali MACELI, Thèse de Doctorat, Université Paris 8, Saint-Denis, 2008

d’action intéressante pour palier la surcharge informationnelle 1 . Et même si des propositions, telle que l’écologie ou la diététique informationnelle, existent déjà, elles en sont souvent à l’état de préconisations. En ce sens, les mouvements, les réflexions et analyses relatives à la consommation peuvent apporter une « expérience de terrain » enrichissante et des modalités d’actions à développer. Ainsi, lorsque Marie BALMAIN et Élisabeth LAVILLE 2, s’interrogent sur notre attitude lors de l’acquisition d’un produit :

« Aujourd’hui, quand nous achetons un produit […] nous arrive-t-il souvent de nous demander d’où il vient, comment il a été fabriqué, avec conséquences sur l’environnement ? […] Trop souvent notre ignorance fait de nous des consommateurs peu exigeants et vite satisfaits. »

Ce qui semble, comme nous avons pu le constater plus haut, également vrai pour les téléspectateurs qui ne posent guère plus souvent ces questions à l’égard des programmes qu’ils regardent.

Pour conclure ce chapitre, nous nous appuierons à nouveau sur l’étude du comportement des consommateurs, en reprenant les propos de Rémy SANSALONI 3, car là aussi le parallèle nous parait pouvoir apporter quelques pistes de réflexions.

« C’est dire si la démarche du consommateur est devenue infiniment complexe et plurielle, mixant dans un même mouvement des attentes profondément diverses, parfois contradictoires voire antagonistes. Elle n’en reste pas moins

1 Nous approfondirons cette notion dans la troisième partie (page 3). 2 Elisabeth LAVILLE, Marie BALMAIN, op. cit. , p. 6. 3 Rémy SANSALONI, Le non-consommateur : Comment le consommateur reprend le pouvoir , Dunod, 2006.

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II/ CONSOMMATION DE LA SOCIÉTÉ DE L’INFORMATION OU INFORMATION DANS LA SOCIÉTÉ DE CONSOMMATION ? A/ De la consommation d’information

pragmatique, parce que la non-élasticité du contenu du porte-monnaie oblige à des arbitrages drastiques et que les produits, en partie désenchantés, reprennent leur destination première, i.e. leur valeur d’usage ; l’attachement à la marque ou à son caractère ostentatoire acquérant de fait une position plus relative face au prix ou au service rendu. »1 […] Le comportement du consommateur devrait être envisagé comme la juxtaposition, l’interaction, l’interconnexion, l’interpénétration de plusieurs modèles qui, s’ils peuvent être résolument attachés à certains segments de population, se retrouvent peu ou prou à différents moments de notre vie et en tant que moteurs variés de nos actes d’achat. »2

Gageons que l’attitude consumériste à l’égard de l’information – et les dysfonctionnements qui en découlent – gagneront en maturité avec l’usage. Ce qui d’ailleurs apparaît pour certains, non-seulement souhaitable, et même quasiment vital puisque la santé (physique et mentale) de chacun pourrait être concernée. C’est ce que nous allons étudier dans le prochain chapitre.

1 Rémy SANSALONI, op.cit ., pp.63-64. 2 Ibid., p.135.

La « société de l’information » : du mirage collectif au projet partagé ? - 187 - Magali MACELI, Thèse de Doctorat, Université Paris 8, Saint-Denis, 2008

B/ LES RISQUES DE L ’INCOMPÉTENCE

INFORMATIONNELLE

Nous effectuerons plus loin dans ce mémoire 1, un bref panorama des différentes compétences à acquérir en vue de l’usage de l’information et d’une forme de culture informationnelle à intégrer. Nous reviendrons ici sur les risques de l’ incompétence informationnelle . Nous aborderons donc dans un premier temps les « pathologies » différentes liées à l’information.

1/ L’ INCOMPÉTENCE INFORMATIONNELLE : DES RISQUES

PATHOLOGIQUES ?

Pathologies, maux, maladies , les termes sont lancés. Le développement des outils informatiques et numériques pourrait donc, engendrer de nouveaux maux. On peut ainsi apprendre sur le site Internet de l’Observatoire des conditions de travail et de l'ergostressie (OBERGO) 2 :

« On constate la croissance de l'ergostressie, c'est à dire de la combinaison de la fatigue physique, de la fatigue mentale et du stress. Par exemple, la gestion de l'abondance croissante des données devient une source importante de stress. Un manager qui reçoit ou envoie un message toutes les quatre minutes, ce qui est la moyenne actuelle en France, ne peut que souffrir du syndrome du cadrus

1 Cf. « Les pré-requis, une problématique qui demeure : des compétences à développer, une attitude a adopter » en page 3. 2 Site Internet de l’Observatoire des conditions de travail et de l’ergostressie (OBERGO) : http://www.ergostressie.com

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II/ CONSOMMATION DE LA SOCIÉTÉ DE L’INFORMATION OU INFORMATION DANS LA SOCIÉTÉ DE CONSOMMATION ? B/ Les risques de l’incompétence informationnelle

interruptus ! ».

C e dernier phénomène ne serait rien d'autre que les 150 interruptions que subit quotidiennement un cadre pour traiter courriels, courriers, appels et mémos.

« Et il y a danger à ne pas s'organiser pour bien les gérer : un environnement trop “interruptif” fait perdre en moyenne 10 points de QI par rapport à un environnement calme. »1

D’autres terminologies sont employées pour désigner des phénomènes proches. On parle ainsi du phénomène «IOIU», associant Information Overload (surcharge informationnelle) et Information Underuse (sous-utilisation de l'information), identifié par Kimon VALASKAKIS 2. On parle également de « COS », Cognitive Overflow Syndrom : « un phénomène de saturation entraîné par l’utilisation intensive des TIC (technologies de l’information et de la communication). Cette surcharge informationnelle est particulièrement frappante dans les grandes entreprises et là où on fait un usage important des TIC » 3.

L’abondance d’information et la multiplication des sollicitations posent en effet la question tant de la qualité que du traitement de l'information. Mais ce phénomène, même s’il en est une nouvelle déclinaison, n’est pas nouveau, en effet Abraham MOLES, par exemple, l’évoquait déjà dans sa

1 Anne-Julie CONTENAY.- « Débranchez, travaillez », L’Expansion , n°712, Octobre 2006. 2Kimon VALASKAKIS.- « IOIU, Information overload, information underuse : a new challenge to society», Actes de la 13e conférence annuelle de l'Association canadienne des sciences de l’information (ACSI) : Informatique et sciences de l'information: à la croisée des chemins , Association pour l’avancement des sciences et techniques documentaires (ASTED), 1995. 3 AUTISSIER David, LAHLOU Saadi.- Les limites organisationnelles des TIC : émergence d’un phénomène de saturation cognitive , 4e Conférence de l’Association Information et Management (AIM) à Cergy-Pontoise, 1999.

La « société de l’information » : du mirage collectif au projet partagé ? - 189 - Magali MACELI, Thèse de Doctorat, Université Paris 8, Saint-Denis, 2008

Théorie structurale de la communication 1 en termes d’ « opulence communicationnelle ». Joël de ROSNAY 2 met, quant à lui, en garde contre cette surabondance d’informations qu’il qualifie d’« info-pollution ».

D’autres iront, jusqu’à annoncer l’apparition de nouvelles déviances comme l’« Infobésité 3» ou encore la surcharge informationnelle . On connaissait la malbouffe, il est désormais question de « La Mal Info 4» dont nous avons déjà fait mention 5. D’ailleurs, le champ lexical de l’alimentation est régulièrement employé pour décrire le phénomène : « fast thinking » et « fast news » amènent à l’infobésité et à la « mal info » tout comme le « fast food » entraine obésité et malbouffe. Les risques que la surabondance d’informations et l’info-pollution qui en découle, provoquent ou peuvent provoquer sont multiples et ont de nombreux effets, plus ou moins graves, pour les usagers d’Internet, notamment pour les jeunes – comme nous avons pu le voir plus haut.

On peut en ce sens pousser le raisonnement et prolonger le parallèle avec les comportements alimentaires. On sait aujourd’hui l’importance que revêt, dans les problèmes d’obésité, la quantité comme la qualité de la nourriture. Peut-on on conclure que l’infobésité serait, elle aussi, liée à la quantité et à la qualité de l’information ? L’étude des comportements alimentaires peut-elle éclairer nos problématiques ? C’est ce que nous allons aborder dans le chapitre qui suit.

1 Abraham MOLES, Théorie structurale de la communication et société .- CNET/ENST, Masson, 1986, p.19. 2 Joël de ROSNAY, avec la collaboration de Carlo REVELLI.- La révolte du pronétariat : des mass média aux média des masses , Fayard, 2005 – Consultable à l’adresse suivante http://www.pronetariat.com/livre/ 3 Le terme Infobésité a été inventé au Québec. Il y est reconnu par l’Office de la langue française depuis 1995. 4 Denis MUZET.- La Mal Info : Enquête sur des consommateurs de médias , Aube (L’), Coll. : Monde en cours, 2006. 5 Cf. page 3.

- 190 - La « société de l’information » : du mirage collectif au projet partagé ? Magali MACELI, Thèse de Doctorat, Université Paris 8, Saint-Denis, 2008 3ème partie : DE L’INTÉGRATION DES DISCOURS AU « MIRAGE COLLECTIF »

II/ CONSOMMATION DE LA SOCIÉTÉ DE L’INFORMATION OU INFORMATION DANS LA SOCIÉTÉ DE CONSOMMATION ? B/ Les risques de l’incompétence informationnelle

2/ Q UELS ENSEIGNEMENTS PEUT - ON TIRER DE L ’ ÉTUDE

DES COMPORTEMENTS ALIMENTAIRES ?

Pour continuer à filer la métaphore alimentaire, nous nous poserons donc la question suivante : comment faire pour ne pas tout gober et éviter l’indigestion en matière d’information ? Et quels sont les points communs entre l’alimentation et l’information ?

Existe-t-il des points communs entre la gestion de l’alimentation et celle de l’information ? Parfois, et il suffit d’étudier les mécanismes de l’une et de l’autre pour s’en convaincre. Ainsi, voici ce que l’on peut lire sur le site Internet du Groupe de Réflexion sur l’Obésité et le Surpoids (GROS) 1 :

« L’alimentation est le domaine privilégié de la pensée magique. Manger est une réponse apprise, qu'on aura associée à des situations spécifiques : chagrins, angoisses, difficultés de vie de toutes sortes. On ne parviendra à renoncer à la réponse alimentaire qu’en la remplaçant par d'autres séquences, mieux adaptées aux situations déclencheuses. Une exploration minutieuse des problèmes rencontrés et qui conduisent à manger trop permettra de trouver des moyens plus satisfaisants de faire face aux péripéties de l’existence. »

Nous nous sommes ici prêtés à un exercice de substitution simple qui a consisté à remplacer le terme alimentation par celui d’ information et le verbe

1Site Internet du Groupe de Réflexion sur l’Obésité et le Surpoids (GROS) : http://www.gros.org –. Cette association réunit des thérapeutes de toutes écoles et de toutes formations (médecins généralistes et spécialistes, psychologues, diététiciens, paramédicaux) ayant à prendre en charge des personnes ayant des difficultés avec leur poids et leur comportement alimentaire. Elle a vocation à être un lieu d’échanges et de réflexions.

La « société de l’information » : du mirage collectif au projet partagé ? - 191 - Magali MACELI, Thèse de Doctorat, Université Paris 8, Saint-Denis, 2008

manger ou s’ alimenter par s’ informer ou encore alimentaire par informationnel . Ce qui donne donc :

« L’ information est le domaine privilégié de la pensée magique. S’informer est une réponse apprise, qu'on aura associé à des situations spécifiques : chagrins, angoisses, difficultés de vie de toutes sortes. On ne parviendra à renoncer à la réponse informationnelle qu’en la remplaçant par d'autres séquences, mieux adaptées aux situations déclencheuses. Une exploration minutieuse des problèmes rencontrés et qui conduisent à s’informer trop permettra de trouver des moyens plus satisfaisants de faire face aux péripéties de l’existence. »

Cette transposition – comme on le dirait en musique – peut à sa seule lecture paraitre excessive. Pourtant, selon Denis MUZET 1 par exemple :

« Le citoyen est de plus en plus inquiet, anxieux, et il tente de calmer cette insécurité par une consommation boulimique d'information . »

Éric SUTTER 2 , quant à lui, va même plus loin dans ce registre :

« La surabondance d’informations est génératrice d’angoisse, de découragement ou de démotivation (vais-je arriver à tout assimiler ?). La saturation de l’esprit annihile toute exploitation intellectuelle. […] Asphyxie par étouffement, insuffisance

1 Annick PEIGNE-GIULY.- « L’info brève parait plus crédible, là est le danger », Libération , 03/01/2005. 2 Éric SUTTER.- « Pour une écologie de l'information » - Sciences de l'information , vol. 35, n°2, 1998 – Consultable à l’adresse suivante : http://www.adbs.fr/uploads/docsi/1652_fr.pdf

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II/ CONSOMMATION DE LA SOCIÉTÉ DE L’INFORMATION OU INFORMATION DANS LA SOCIÉTÉ DE CONSOMMATION ? B/ Les risques de l’incompétence informationnelle

informationnelle, comme on parle d’insuffisance respiratoire, ou avitaminose due au non-captage des vitamines informationnelles ou à l’absence d’informations adaptées (digestes ?) sont autant d’exemples que l’on risque de rencontrer dans le futur. D’autres comportements pathogènes sont envisageables : méfiance excessive, maladive, face aux informations transmises, ou “connectivite” aiguë (exploration permanente de peur de rater une information essentielle), etc. »

Ainsi, nous explique-t-on, les citoyens « grappillent » ou grignotent de l'information régulièrement au cours de la journée en passant d'un média à l'autre. Cette surconsommation d’informations serait donc le moyen trouvé par les français de se rassurer. Que nous dit à ce sujet la recherche en matière de comportements alimentaires ?

« On mange aussi en excès pour s'anesthésier, étouffer des pensées, des émotions, des sentiments douloureux. Certains se plaignent d'une sensation douloureuse de vide intérieur, tandis que d'autres (ou les mêmes) parlent plutôt de trop- plein. Manger devient alors un moyen de ne pas penser, de masquer les problèmes. »

De la même manière, nous pouvons considérer après avoir étudié 1 les mécanismes de la télévision et l’attitude de certains téléspectateurs, que ce processus existe aussi en matière de communication et d’information. Ce qui pourrait contribuer à expliquer en partie la confusion qui est parfois faite entre ce qui relève du domaine de l’information et celui de la distraction.

1 Cf. Les mécanismes de la télévision en page 3.

La « société de l’information » : du mirage collectif au projet partagé ? - 193 - Magali MACELI, Thèse de Doctorat, Université Paris 8, Saint-Denis, 2008

« Manger procure un plaisir facile et immédiat, qui permet de combattre tout à la fois le vide interne, une insatisfaction globale, l'anxiété, un état de dépression. »

Le fait de s’informer est parfois considéré comme une simple occupation et celle-ci dans ce cas là peut effectivement avoir la même vocation « thérapeutique » que celle de manger. Si comme nous avons déjà pu l’évoquer à de nombreuses reprises, il n’est ici pas question de notre conception de l’exercice de « s’informer », il n’en reste pas moins que pour beaucoup, cette confusion tend à se développer. Les problématiques de l’alimentation renvoient également souvent aux modes de consommation. C’est ainsi que lorsque que l’on aborde la question de l’éducation alimentaire, nous pouvons constater que là encore les arguments sont transposables.

« Éducation alimentaire ne signifie pas éducation nutritionnelle. Il est bon d’apprendre aux enfants à être critiques face aux messages publicitaires et aux appels à la consommation : boire du coca ou mâcher du chewing-gum ne permettent pas d’intégrer automatiquement une bande de copains et de s’amuser en groupe. »

Par ailleurs, certains s’inquiètent de diététique informationnelle. « Les “fast- food” de l’information offriront-ils […] une nourriture intellectuelle équilibrée, vitaminée, exempte de virus ou de données médiocres ? »1

Nous verrons peut-être un jour apparaitre des prescriptions de régimes informationnels ou diètes médiatiques… ayant pour objectif de se débarrasser de la surcharge informationnelle dont nous souffrons, de favoriser l’assimilation de bons nutriments informationnels et d’accélérer

1 Eric SUTTER.- « Pour une écologie de l’information », Sciences de l’Information , Vol. 35, n°2,1998.

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II/ CONSOMMATION DE LA SOCIÉTÉ DE L’INFORMATION OU INFORMATION DANS LA SOCIÉTÉ DE CONSOMMATION ? B/ Les risques de l’incompétence informationnelle

l’élimination des déchets info-polluants pour notre corps. Nous éviterons par la même occasion autant que possible toutes formes de surcharges cognitives bien trop fatigantes !

Quels pourraient alors être les critères d’évaluation d’une « bonne » information ou du moins d’une information « bonne pour nous» ? Car si dans le domaine de l’alimentation, il existe de nombreux labels ou informations nutritionnelles qui permettent par exemple non seulement d’en définir l’origine mais aussi d’indiquer quels seront les apports de l’aliment, cela n’existe évidemment pas dans le domaine de l’information. Mais les aliments et les comportements alimentaires peuvent-ils cependant nous aider à envisager cette question ?

Si la présentation des maux liés à une alimentation et une information semble, comme nous avons pu l’observer, présenter des similitudes, les préconisations pour une alimentation de meilleure qualité, correspondent- elles également à notre problématique ?

« Un aliment qui coûte deux fois moins cher qu’un autre a poussé deux fois plus vite et contient donc deux fois moins d’éléments nutritifs . Si vous mangez des aliments qui vous nourrissent vous avez moins besoin d’en manger et votre corps reçoit plus de vitamines, de fer, etc. »

« A vous de choisir ! Acheter deux fois plus d’aliments qui vous nourrissent deux fois moins ou acheter deux fois moins d’aliments qui vous nourrissent deux fois mieux. Faites l’essai ! Vous n’avez pas besoin d’un expert. Tenez, achetez un poulet fermier bio d’un kilo et acheter un poulet industriel d’un kilo le moins cher possible ; mettez les au four et pesez les après la cuisson ; vous constaterez que le poulet industriel pèse moins que le poulet fermier bio. »

La « société de l’information » : du mirage collectif au projet partagé ? - 195 - Magali MACELI, Thèse de Doctorat, Université Paris 8, Saint-Denis, 2008

Cet argumentaire en faveur d’une alimentation biologique n’a pas été recueilli sur le marché mais sur un site Internet consacré notamment à l’agriculture biologique 1. En quoi éclaire-t-il nos travaux de recherche en sciences de l’information ? Nous pouvons noter à travers ces quelques propos l’apparition d’une notion qui nous semble particulièrement intéressante. En effet, le lien est fait ici entre les notions de quantité, de qualité et de besoin. Plus on mange de nourriture de mauvaise qualité, moins nos besoins sont satisfaits, plus nous avons besoin de manger. Autrement dit, un des critères qui permettrait d’évaluer la qualité des aliments serait de pouvoir, par sa teneur nutritionnelle par exemple, ou encore sa qualité gustative, satisfaire nos besoins. Se nourrir touche, en outre, à des besoins élémentaires et vitaux (physiologiques), mais aussi de plaisir, de partage…

Poussons le raisonnement. Nous avons déjà pu noter dans le chapitre précédent qu’une alimentation qui n’a plus vocation à satisfaire les besoins élémentaires et qui est ingérée à d’autres fins (faims) mène bien souvent à des comportements alimentaires problématiques. Ainsi, le fait de manger en vue de calmer une anxiété, d’effacer un chagrin , de gommer une colère ou une frustration semble inévitablement conduire à l’obésité. Apporter la nourriture comme seule et unique réponse à des besoins aussi variés – besoin de réconfort, de soutien, de considération ou de réalisation – ne peut conduire qu’à un état d’insatisfaction, sinon de mal-être. Il semble qu’il en soit de même dans le cadre de l’information et de la communication. Ainsi, chercher ou trouver – ou encore consommer – une information comme seule et unique réponse à des besoins divers et variés relève d’une frénésie que facilitent les TIC, mais qui n’a rien à voir avec la satisfaction du besoin d’information lui-même.

1 Site Internet consacré notamment à l’agriculture biologique : htt://www.intelligenceverte.org

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II/ CONSOMMATION DE LA SOCIÉTÉ DE L’INFORMATION OU INFORMATION DANS LA SOCIÉTÉ DE CONSOMMATION ? B/ Les risques de l’incompétence informationnelle

Nous avons déjà pu développer dans le chapitre 1 consacré à ce sujet les rapports qu’entretiennent l’information et la consommation. Nous nous sommes dans ce chapitre intéressé aux enseignements que pouvaient nous apporter l’étude des comportements alimentaires en termes d’évaluation et de satisfaction des besoins d’information. Dans la partie suivante, nous élargirons notre questionnement, car finalement quelles attentes peut-on avoir de l’information ? Quels sont les possibles mais aussi les impossibles de l’information ?

1 Cf. De la consommation d’information en page 3 de ce document

La « société de l’information » : du mirage collectif au projet partagé ? - 197 - Magali MACELI, Thèse de Doctorat, Université Paris 8, Saint-Denis, 2008

- 198 - La « société de l’information » : du mirage collectif au projet partagé ? Magali MACELI, Thèse de Doctorat, Université Paris 8, Saint-Denis, 2008 3ème partie : DE L’INTÉGRATION DES DISCOURS AU « MIRAGE COLLECTIF »

III/ L’INFORMATION ET LA COMMUNICATION NE SONT PAS DES MIRACLES !

Nous avons, dans ce chapitre, souhaité confronter l’impossible (les impossibles) de l’information à sa magie. Malgré les discours, les nouveaux outils et même les intentions, l’information parfaite n’existe toujours pas. Le « mirage collectif » qui consiste à avoir l’illusion que l’information, à elle seule, permettrait à un système de fonctionner, n’a pas grand-chose de réel et surtout n’a pas d’existence propre et autonome. C’est ce que nous allons aborder ici et, pour ce faire nous avons voulu à nouveau observer des stratégies d’acteurs (femmes et doctorants) s’informant ou informant les autres.

A/ QUAND METTRE À DISPOSITION DE L ’INFORMATION

NE SUFFIT PAS À INFORMER : L ’INFORMATION , DES

FANTASMES AUX RÉALITÉS

Depuis le développement des premiers outils de communication à distance, se sont développés toutes sortes de discours sur l’information et la communication. Nous avons pu tout au long de ce mémoire, étudier les discours, les courants de pensées parfois contradictoires, jeux d’acteurs et stratégies à l’œuvre. Nous avons pu constater à plusieurs reprises, que nombres de fantasmes planaient toujours sur les possibles de l’information et de ses outils. Ceux-ci pourraient ainsi, par exemple, résoudre les maux de notre société qui deviendrait ainsi plus égalitaire, plus démocratique.

La « société de l’information » : du mirage collectif au projet partagé ? - 199 - Magali MACELI, Thèse de Doctorat, Université Paris 8, Saint-Denis, 2008

Pourtant, les chercheurs en sciences de l’information et de la communication, comme les professionnels des champs de l’Info-com et de la documentation, dénoncent le mirage collectif dont souffre notre société. C’est à dire la double illusion qui consiste d’une part à croire qu’une information peut désormais – grâce aux médias et aux TIC notamment – circuler librement et en toute transparence. Et d’autre part à occulter la dimension sociale et humaine que revêt toute communication, qui ne peut être envisagée indépendamment des protagonistes et du contexte dans lequel elle a lieu.

« La communication limpide et transparente est un mythe. Les messages sont souvent ambivalents, le récepteur sélectionne les données et les véritables enjeux sont souvent cachés : c’est ce que nous apprennent les recherches sur la communication depuis bientôt un demi- siècle. »

C’est ainsi que Jean-François DORTIER aborde le sujet, dans un article au titre par ailleurs, explicite : « La communication : omniprésente mais toujours imparfaite »1. Selon lui, la communication relève d’enjeux qui dépassent le cadre de l’échange de messages entre émetteur et récepteur, et qu’il est nécessaire de mettre à jour.

« Les études sur la communication apportent un démenti au mythe d’une communication totale et transparente rendue possible par la puissance de la technique d’une part, par les vertus de la démocratisation d’autre part. La communication se développe sans conteste. Mais elle ne pourra jamais être totalement neutre et sans ombre. Il y a

1 Jean-François DORTIER.- « La communication : omniprésente, mais toujours imparfaite », La communication état des savoirs , Sciences humaines, 1 ère édition, 1998, p.1

- 200 - La « société de l’information » : du mirage collectif au projet partagé ? Magali MACELI, Thèse de Doctorat, Université Paris 8, Saint-Denis, 2008 3ème partie : DE L’INTÉGRATION DES DISCOURS AU « MIRAGE COLLECTIF »

III/ L’INFORMATION ET LA COMMUNICATION NE SONT PAS DES MIRACLES ! A/ Quand mettre à disposition de l’information ne suffit pas à informer : l’information, des fantasmes aux réalités

plusieurs raisons à cela : la communication est souvent à sens unique ou dissymétrique, les enjeux implicites brouillent les échanges, interdisent de tout dire, les messages sont souvent ambigus, le récepteur jamais totalement réceptif… Il importe de dévoiler ces ressorts cachés de la communication pour apprendre à les maîtriser. »

D’autres traitent également de ce phénomène, comme Philippe BRETON 1, qui explique et met en garde contre l’« utopie de la communication ». Il entend dans son ouvrage démonter le « mythe de la communication planétaire […] qui envisage la résolution des problèmes sociaux et humains sur la base d’une communication universelle et transparente entre les hommes. » Il est vrai que la communication, l’information ou encore les technologies sont dans la majorité des cas annoncées comme porteuses de progrès. Or, si l’on s’arrête brièvement sur le mot « progrès », on constate qu’il est la plupart du temps utilisé et/ou compris au singulier. On a, en effet, très longtemps pensé que le progrès indéniable de nos connaissances – nous en savons plus qu’autrefois – s’accompagnait nécessairement d’un progrès technique et d’un progrès social voire d’un progrès moral. Aujourd’hui, nous sommes obligés de reconnaître que le progrès au singulier n’existe pas. Il y a des progrès de natures différentes qui ne vont pas nécessairement ensemble.

Sans développer plus avant l’analyse, nous souhaitions cependant revenir sur ces quelques réflexions. Car s’il est aujourd’hui globalement admis, dans les milieux universitaires ou de recherches en matière d’information et de communication, que les injonctions ou les obligations en

1 Philippe BRETON.- L’utopie de la communication , Découverte (La), coll. : Essai, 1997

La « société de l’information » : du mirage collectif au projet partagé ? - 201 - Magali MACELI, Thèse de Doctorat, Université Paris 8, Saint-Denis, 2008

la matière ont toutes les chances de ne pas être efficaces, on sait aujourd’hui que, dans un système d’information, le partage et la participation se suggèrent, se proposent mais ne se décrètent ni ne s’imposent. Nous pouvons cependant toujours observer sur le terrain les fossés qui existent entre théories et pratiques. Les professionnels de l’information savent et peuvent vérifier quotidiennement qu’il ne suffit pas d’informations, d’outils et de bonnes intentions pour que l’information circule. Pourtant, nous pouvons vérifier tous les jours dans le cadre de notre pratique professionnelle comme dans notre activité de recherche que cet « idéal informationnel » persiste et semble s’ancrer dans les représentations sociales. Nous postulons donc que l’enjeu aujourd’hui est double et persiste :

 Il est urgent de se débarrasser du fantasme de l’information et de la communication parfaites et transparentes en même temps que de l’idéologie qui véhicule l’idée que l’information seule suffit pour qu’un système d’information fonctionne.

Et c’est effectivement ce que nous avons pu constater dans le cadre de l’ observ’action , que nous avons présentée plus haut 1, menée au sein de la Guilde des doctorants. En effet, nous avons pu découvrir au cours de cette démarche que bien qu’impliqués dans la vie de l’association avec des compétences techniques informatiques très pointues et une vraie volonté de diffuser de l’information, les bénévoles se heurtaient à quelques difficultés concernant la communication de l’association.

Cette situation est en réalité fort banale, car, répétons le, même lorsqu’on dispose de moyens et de compétences informatiques, de supports d’information et de communication, et même d’interlocuteurs potentiels, cela n’est pas suffisant pour que la communication s’installe. Il n’en reste pas

1Cf. « Présentation du contexte de l’observ’action : la guilde de doctorants » en page 3

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III/ L’INFORMATION ET LA COMMUNICATION NE SONT PAS DES MIRACLES !

moins une nécessité de prendre en considération les différents protagonistes, leurs besoins, leurs compétences. La nécessaire prise en compte de ces différents facteurs ne va pas de soi, les professionnels de l’information, de la documentation et de la communication en savent quelque chose. Ils connaissent les mécanismes et les rouages de tels exercices. Penser l’organisation de l’information et les modalités de communication de celle-ci sont des préalables incontournables, si à terme l’ambition est de développer un système d’information – qu’il soit réseau « humain », site Internet collaboratif, centre de documentation- qui puisse atteindre ses objectifs et répondre à des besoins identifiés.

Mais pour revenir à la Guilde des doctorants, l’idée d’offrir des moyens techniques aux doctorants et jeunes chercheurs afin qu’ils puissent eux- mêmes alimenter le site Internet en contenu est louable et légitime. Elle suppose cependant une pré-organisation voire une présélection des informations diffusables sur le site, de leurs formes, de leur périssabilité, de leurs modalités de mise en ligne… Mais aussi et surtout, la mise à disposition d’informations – par Internet notamment – nécessite un certain nombre de pré-requis sur lesquels nous allons revenir dans le chapitre suivant. En effet, cette problématique déjà grandement débattue reste d’actualité.

La « société de l’information » : du mirage collectif au projet partagé ? - 203 - Magali MACELI, Thèse de Doctorat, Université Paris 8, Saint-Denis, 2008

B/ LES PRÉ -REQUIS , UNE PROBLÉMATIQUE QUI

DEMEURE : DES COMPÉTENCES À DÉVELOPPER , UNE

ATTITUDE A ADOPTER

Pour Dominique LECOURT 1, « Depuis plus de dix ans se tient un discours d'exhortation visant à faire reconnaître la nécessité, l'urgence même, d'établir des liens nouveaux entre arts et technologies. Ce discours vire à l'injonction. » Nous étendrons ce constat à l’ensemble des usages liés aux TIC. Cette « injonction technologique », placerait la société dans l’obligation de reconnaitre d’une part l’indispensabilité des ordinateurs, puis de l’informatique et enfin des TIC en général, et de sentir d’autre part sans cesse quelque culpabilité de ne pas savoir s’en servir et/ou s’en saisir, et d’avoir du retard. Nous avons d’ailleurs pu le constater dans la première partie consacrée à l’analyse du discours télévisuel. Alors comment manipuler ces outils ? Quelles compétences et quels enjeux ? Telles sont les questions que nous aborderons dans la suite de notre développement.

1/ L A MANIPULATION DES OUTILS , DES COMPÉTENCES

TOUJOURS AUSSI INDISPENSABLES

« Prenons l’exemple d’un homme qui vit en cette fin du XXème siècle. Pour pouvoir communiquer dans sa vie quotidienne et s’insérer dans son milieu professionnel, il doit non seulement posséder la langue de son pays – et avoir quelques notions d’anglais – mais il doit aussi savoir lire,

1 Dominique LECOURT, « L’injonction technologique », Culture et recherche, N°56, Ed. Ministère de la Culture, Mission de la recherche et de la technologie, 1996.

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III/ L’INFORMATION ET LA COMMUNICATION NE SONT PAS DES MIRACLES ! B/ Les pré-requis, une problématique qui demeure : des compétences à développer, une attitude a adopter

écrire, calculer, savoir ce que sont l’argent, une carte bancaire, le système postal, le téléphone, les systèmes d’identification en place (numéro de Sécurité sociale, etc.), être capable de se servir d’une photocopieuse, d’un micro- ordinateur, voire d’un terminal, d’un clavier, connaître le principe du Minitel, du fax… Que de compétences devenues indispensables, inconnues du grand public il y a cinq ans encore. »

Cet extrait, d’un petit ouvrage de Dominique MONET 1 sur le Multimédia, nous est apparu intéressant à deux niveaux. D’une part, ce texte, bien que publié il y a une dizaine d’années, fait référence à des outils qui ont aujourd’hui évolué, ce qui lui confère par certains côtés un ton légèrement obsolète. Nous pouvons ajouter plusieurs outils quasiment entrés dans la vie quotidienne ou du moins dans la vie professionnelle de nombreuses personnes comme le téléphone portable par exemple. D’autre part, le deuxième aspect qui nous intéresse particulièrement nous montre à quel point, le développement de nouveaux outils nécessite effectivement d’acquérir de nouvelles capacités de les manipuler. Il est indéniable que de nos jours, du moins dans le cadre de travaux de secrétariat ou plus généralement de bureau, on ne peut plus se passer de compétences telles que l’utilisation de logiciel de traitement de texte ou tableur. Ainsi, si il y a quelques années encore, la manipulation de tels outils pouvait ajouter quelque chose à un curriculum vitae et faire une différence, aujourd’hui c’est bien l’absence de telles compétences qui peut s’avérer très pénalisante, voire éliminatoire. Elles sont donc indispensables, et on peut le comprendre car la plus-value qu’ont apportée ces logiciels – pour rester dans le cadre de l’exemple – et les possibilités qu’ils offrent sont irréfutables et fort appréciables.

1 Dominique MONET, Le Multimédia , Flammarion, 1994, p.17.

La « société de l’information » : du mirage collectif au projet partagé ? - 205 - Magali MACELI, Thèse de Doctorat, Université Paris 8, Saint-Denis, 2008

Tout le monde s’accorde donc aujourd’hui plus ou moins sur l’idée que la maitrise de tels outils passe par des apprentissages nécessitant des pré- requis que chacun ne possède pas et vont de surcroît parfois bien au-delà des manipulations informatiques (l’alphabétisation par exemple). Selon Yves-François LE COADIC 1 citant Yves TOUSSAINT 2 :

« La socialisation des outils d’information passe par des modèles d’apprentissage, d’adaptation, d’apprivoisement du projet technique ou encore de détournement des applications prescrites voire de rejet ».

L’inégalité d’accès à cet apprentissage, à la culture nécessaire à une utilisation fluide de ces outils, ainsi que la capacité (financière notamment) à s’équiper sont toujours des sources d’exclusion. Cette problématique est travaillée par ailleurs, notamment dans les travaux relatifs à ce que l’on appelle « la fracture numérique » ou encore « le fossé numérique », dont nous avons déjà fait mention plus haut. Nous pouvons cependant ajouter à ce sujet que la fracture numérique , ne se résume pas à des questions de manipulations matérielles. Ainsi, par exemple, Yves LASFARGUE 3 distingue le collectif et l'individuel dans la fracture numérique. Le collectif serait rattaché à la « dictature numérique », l'impossibilité d'accéder à des services autrement que par un automate, un réseau, un clavier. Or, « il existe environ 20% de technopathes, de personnes éprouvant des difficultés à faire marcher la technique ou ne supportant pas l'abstraction », dit-il. Les négliger et ne pas prévoir d'accès autre que numérique conduirait alors à renforcer

1 Yves-François LE COADIC.- Usages et usagers de l’information , ADBS, Nathan, 2001, p.29. 2 Yves TOUSSAINT.- Scénarios prospectifs d’usages, d’objets et de réseaux de communication, DATAR, Aube (L’), 1994. 3 Yves LASFARGUE , Acceptation sociale de l’usage des TIC : quelques réflexions sur les exclusions liées à la frénésie technologique ; Lyon, 14/05/2002.

- 206 - La « société de l’information » : du mirage collectif au projet partagé ? Magali MACELI, Thèse de Doctorat, Université Paris 8, Saint-Denis, 2008 3ème partie : DE L’INTÉGRATION DES DISCOURS AU « MIRAGE COLLECTIF »

III/ L’INFORMATION ET LA COMMUNICATION NE SONT PAS DES MIRACLES ! B/ Les pré-requis, une problématique qui demeure : des compétences à développer, une attitude a adopter

leur exclusion. Sur le plan individuel, la fracture numérique tiendrait de la vulnérabilité face au matériel et à sa complexité : « Devant une imprimante qui tombe en panne, un utilisateur isolé peut facilement se trouver perdu » , ce qui est valable dans les milieux professionnels également. La fracture numérique serait donc aussi souvent psychologique, renforcée, comme nous avons pu

l’observer dans la première partie, par les discours optimistes et omniprésents – à la télévision notamment - sur les nouvelles technologies.

« On donne à tous ceux qui ne sont pas connectés à Internet, comme il y a quelques années à ceux qui n'avaient pas une encyclopédie en vingt volumes, le sentiment qu'ils perdent une partie de la connaissance. » 1

Dominique WOLTON 2 quant à lui, insiste sur le « fantasme démagogique » du « do it yourself », et l'illusion qu'avec Internet on peut tout faire tout seul, idée reçue elle aussi largement relayée par la télévision.

Les professionnels de l’information savent aujourd’hui former à l’information et en connaissent l’importance. Le monde de l’Enseignement se mobilise également. On s’inquiète par exemple dans le milieu de l’Éducation Nationale des effets néfastes sur les élèves de la multitude d’informations –

1 Yves LASFARGUE , Acceptation sociale de l’usage des TIC : quelques réflexions sur les exclusions liées à la frénésie technologique ; Lyon, 14/05/2002. 2 Dominique WOLTON, Internet et après ? – Une théorie critique des nouveaux médias, 1999.

La « société de l’information » : du mirage collectif au projet partagé ? - 207 - Magali MACELI, Thèse de Doctorat, Université Paris 8, Saint-Denis, 2008

plus ou moins fiables – disponibles. Ainsi sont dénoncés :

• Le renoncement au travail de sélection, paresse intellectuelle devant la facilité de l'accessibilité générale… • Les risques de nivellement, mettant tous les types d’informations et toutes les sources sur le même plan • Les dangers d’intoxication par les rumeurs…, et à l’inverse, méfiance systématique, paranoïaque, envers les informations diffusées, notamment officielles ou médiatiques • L’illusion de l'information, confondue avec la connaissance, la culture...

Malgré la priorité à protéger les plus fragiles, nous ne traiterons pas ici, des dangers bien plus grands que sont les risques de « mauvaises rencontres » en ligne – que nous avons évoqué plus haut – ni des dangers des contenus illicites (pédophilie particulièrement), violents, etc…qui font également l’objet de réflexions majeures .

Illustration 41 - Affiche de la campagne de On peut noter une mobilisation des sensibilisation enseignants sur ces problématiques depuis plusieurs années et des évolutions en termes de pratiques comme de contenus ont ainsi vu le jour. Par exemple, la « maîtrise des techniques usuelles de l’information et de la communication » est aujourd’hui l’un des sept piliers du socle commun de connaissances et de compétences défini par le décret n° 2006-830 du 11 juillet 2006 1. On constate également que des initiations ont lieu dès le plus jeune

1 Décret n°2006-830 relatif au socle commun de conna issances et de compétences et modifiant le code de l'éducation, paru au Journal officiel n°160 du 12 juillet 2006 – Consultable à l’adresse suivante : http://www.legifrance.gouv.fr/WAspad/UnTexteDeJorf?numjo=MENE0601554D

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III/ L’INFORMATION ET LA COMMUNICATION NE SONT PAS DES MIRACLES ! B/ Les pré-requis, une problématique qui demeure : des compétences à développer, une attitude a adopter

âge, à l’école primaire par exemple, avec le Brevet Informatique et Interne 1 (B2i). Cette attestation délivrée aux élèves (primaire, collège et lycée) valide l’acquisition de certaines compétences 2 en matière de maitrise des TIC. On considère ainsi que :

« Dans toutes les disciplines et en diverses circonstances, les élèves recourent aux technologies de l'information et de la communication qui sont des outils au service des activités. L'obtention du B2i valide les compétences acquises au cours de ces activités ».

Le site Educnet 3 du Ministère de l'Éducation nationale, de l'Enseignement supérieur et de la Recherche dédié à la généralisation de l'usage des technologies de l'information et de la communication dans l'éducation (TICE), en donne la définition suivante :

Tableau 13 - Définition du B2i - Source Educnet Pour assurer l'égalité des chances, l'Éducation nationale doit dispenser à chaque futur citoyen la formation aux utilisations des technologies de l'information et de la communication qui lui permettra :  d'en faire une utilisation raisonnée,  de percevoir les possibilités et les limites des traitements informatisés,  de faire preuve d'esprit critique face aux résultats de ces traitements,  d'identifier les contraintes juridiques et sociales dans lesquelles s'inscrivent ces utilisations.

Quelles compétences sont évaluées par le B2i ?

Domaine 1 : S’approprier un environnement informatique de travail ;

1 La circulaire n°2006-169 du 7 novembre 2006 relativ e au Brevet Informatique et Internet (B2i) école, collège, lycée (lycées d'enseignement général et technologique et lycées professionnels) est publiée au Bulletin Officiel de l’Éducation Nationale n°42 du 16 novembre 2006 – Consultable à l’adresse suivante : http://www.education.gouv.fr/bo/2006/42/MENE0602673C.htm 2 L'arrêté du 14 juin 2006 relatif aux connaissances et capacités exigibles pour le brevet informatique et Internet est publié au Bulletin Officiel de l’Éducation Nationale n° 29 du 20 juillet 2006 – Consultable à l’adresse suivante : http://www.education.gouv.fr/bo/2006/29/MENE0601490A.htm 3 Site Educnet : http://www.educnet.education.fr/

La « société de l’information » : du mirage collectif au projet partagé ? - 209 - Magali MACELI, Thèse de Doctorat, Université Paris 8, Saint-Denis, 2008

Domaine 2 : adopter une attitude responsable ; Domaine 3 : Créer, produire, traiter, exploiter des données ; Domaine 4 : s'informer, se documenter ; Domaine 5 : Communiquer, échanger.

Le B2i, s’apparente d’ailleurs au Passeport de Compétences Informatique Européen (PCIE) 1, dont la dénomination internationale est "European Computer Driving Licence" (ECDL). Créé en 1995, ce système de certification international valide les compétences de base en informatique des utilisateurs. Il se compose de 7 modules dont 4 doivent au minimum être acquis en vue de l’obtention du passeport :

 Connaissances générales sur le poste de travail,  Gestion des documents,  Traitement de textes,  Tableur,  Base de données  Présentation assistée par ordinateur,  Courrier électronique et navigation sur le Web.

Mais les compétences informatiques seules ne servent qu’à la manipulation des outils techniques, indispensable certes, mais qui n’aident pas au traitement et à la compréhension des idées et des enjeux.

En somme, l’objectif est de permettre à chacun de développer une grille de lecture de l’information. On n’exige pas le même degré de fiabilité d’un film de fiction que du journal télévisé. Et ce débat existe également sur Internet, à l’égard des contenus collaboratifs par exemple, qui posent également les questions de fiabilité, d’évaluation et de vérification de l’information diffusées en ligne. L’encyclopédie libre Wikipédia a notamment,

dans ce registre, fait couler beaucoup d’encre . Nous aborderons donc ce sujet dans le prochain chapitre. 2/ L ES CONTENUS COLLABORATIFS : UNE NOUVELLE

SOURCE DE CONFUSION ? - L ’ EXEMPLE DE WIKIPÉDIA

1 ou anciennement Permis de Conduire Informatique Européen.

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III/ L’INFORMATION ET LA COMMUNICATION NE SONT PAS DES MIRACLES ! B/ Les pré-requis, une problématique qui demeure : des compétences à développer, une attitude a adopter

L’encyclopédie libre Wikipédia 1 est ce que l’on appelle une encyclopédie collaborative ou encyclopédie participative en ligne. Chacun peut alimenter, modifier et contrôler les articles. Cet outil est à la fois un véritable sujet de polémiques et un succès populaire incontestable. Le classement Médiamétrie 2 des sites Web les plus visités en France pour le mois de janvier 2007 lui décernait les honneurs car pour la première fois, ce site apparaissait dans les 10 sites les plus visités, « avec un total de 7.971.000 visiteurs uniques sur le mois, soit une progression de 161% par rapport au mois de janvier 2006. 33,5% de la population des internautes français auraient consulté au moins une fois Wikipédia en janvier 2007 ».

Tableau 14 - Extrait des résultats de l'enquête Médiamétrie, Mai 2007

Ce succès n’était pourtant pas acquis au départ. En effet, le projet Wikipédia lancé en janvier 2001, par Jimmy WALES et Larry SANGER était

1 Site de Wikipédia : http://www.wikipedia.org 2 Site de Médiamétrie : http://www.mediametrie.fr – Rubrique Internet.

La « société de l’information » : du mirage collectif au projet partagé ? - 211 - Magali MACELI, Thèse de Doctorat, Université Paris 8, Saint-Denis, 2008

initialement le sous-projet expérimental d'un autre projet d'encyclopédie en ligne s'appelant Nupédia.

Sylvain FIRER-BLAESS 1 considère que le succès de Wikipédia est dû au départ en grande partie « à un “effet google” 2 qui renvoie de plus en plus de monde sur le site ». Il est vrai qu’il suffit de taper un mot sur le moteur de recherche Google pour s’apercevoir que parmi les premières réponses apparait souvent sa définition dans Wikipédia. Notons qu’avec un nombre d’articles toujours croissant, on dénombre aujourd’hui près de 500.000 articles en ligne pour la version francophone, ce phénomène devrait perdurer. Comme nous l’avons déjà souligné Wikipédia a fait et fait toujours pour de nombres raisons l’objet de multiples controverses. Les débats sont généralement engagés et sont même parfois des passes d’armes musclées entre les « pro » et les « anti ». Ces discussions ont lieu également en interne. Sylvain FIRER-BLAESS nous apprend ainsi que « la première conséquence de l'arrivée en masse de nouveaux participants, la plupart, à la différence des personnes constituant la primo-communauté, ne détenant pas de doctorat – on peut d'ailleurs parler d'une « vulgarisation » de la communauté wikipédienne – est la dissolution, sinon la disparition, de cette primo-communauté composée d'universitaires : Larry SANGER explique que certains nouveaux arrivants, sans expertise sur les articles qu'ils modifient, peu respectueux des règles en vigueur et portés à des débats agressifs sur les pages de discussion, découragent et frustrent les participants de la première heure. »

1 Sylvain FIRER-BLAESS présente Wikipédia, dans ses dimensions techniques et historiques sur le site http://www.homo-numericus.net. Ce travail est issu de son mémoire de fin d'étude présenté à l'IEP de Lyon. 2 Le moteur de recherche Google liste ses résultats de recherche selon la popularité de la page web. Plus la page a fait l'objet d'une référence par une autre page (par un hyperlien), plus la page gagne en popularité Google. Plus Wikipédia est connue grâce à google, plus les gens lui font référence dans leurs sites web, plus Wikipédia est donnée première dans les résultats Google, et ainsi de suite.

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III/ L’INFORMATION ET LA COMMUNICATION NE SONT PAS DES MIRACLES ! B/ Les pré-requis, une problématique qui demeure : des compétences à développer, une attitude a adopter

Et c’est là une question fondamentale qui se pose sur la fiabilité d’un tel système, en sa qualité de source d’information « objective » et exhaustive. Mais après tout, est-ce véritablement l’objectif initial ? Il apparaitrait plutôt que l’idée première soit le partage des connaissances plus que l’exhaustivité. Et il est certain qu’un projet aussi inédit – fondé sur la bonne volonté et l’honnêteté – peut déstabiliser car il va à l’encontre des procédés ayant existé jusqu’à présent. Mais quelle peut être la qualité « scientifique » et la fiabilité d’un tel projet ? Et comment la mesurer ?

Pierre GOURDAIN, Florence O’KELLY, Béatrice ROMAN-AMAT, Delphine SOULAS, Tassilo von DROSTE zu H ŐLSHOFF, étudiants en master de journalisme de Sciences-Po sous la direction de Pierre ASSOULINE, ont souhaité savoir à quel point il était possible de vandaliser les notices de l’encyclopédie en ligne, et combien de temps le détournement pouvait rester en ligne. Les cinq étudiants ont donc voulu tester l’efficacité des modérateurs de Wikipédia , et pour cela, ils ont introduit délibérément des erreurs dans plusieurs articles et ont mesuré la durée de vie de ces erreurs en ligne. Cette enquête a été publiée sous le titre : « La révolution Wikipédia : les encyclopédies vont-elles mourir ? ». Elle alimente bien sûr les différentes controverses déjà existantes au sujet de l’information en ligne. Selon les conclusions de l’enquête, les erreurs sont restées en ligne une dizaine de jours à chaque fois. Que penser de ce délai de réaction ? Est-ce un temps de réaction si long ? Pour que l’analyse et la comparaison soient complètes, peut-être aurait-il été souhaitable de mettre au regard de ces chiffres, le délai de correction d’une erreur dans d’autres grandes encyclopédies de référence. De plus, même s’il est exact et regrettable comme le souligne Pierre ASSOULINE, cité dans un article de Lucie LOURDELLE 1, que « […] pendant tout ce temps, des centaines de lycéens,

1 Lucie LOURDELLE.- « Wikipédia, libre mais peu fiable », RFI, 11/07/2007. Consultable sur le site Internet de Radio France Internationale (RFI) à l’adresse suivante : http://www.rfi.fr/actufr/articles/091/article_53927.asp

La « société de l’information » : du mirage collectif au projet partagé ? - 213 - Magali MACELI, Thèse de Doctorat, Université Paris 8, Saint-Denis, 2008

d’étudiants, ont repris ces informations […] », on peut considérer qu’il en va de même pour les erreurs que comportent les encyclopédies traditionnelles (sur support papier) dont la correction n’apparait qu’à l’occasion de l’édition suivante qui, au mieux, est annuelle.

Cette enquête, dont le procédé peut paraitre tout à fait discutable et tout du moins peu chevaleresque, fait écho à ce que Sylvain FIRER-BLAESS appelle « l'arrivée […], en utilisant un vocabulaire foucaldien, de “déviants antisociaux”, participants ayant comme volonté de nuire au projet. On peut les diviser en deux groupes : d'une part les “vandales”, dont la démarche consiste à modifier les articles afin d'amoindrir leur qualité – suppression de tout ou partie d'un texte, ajout de grossièretés, de stupidités, ou plus sournoisement de fausses informations – ; et d'autre part les “trolls”, personnages bien connus du folklore des forums de discussion par Internet et autres chats, et qui définissent des personnes provoquant volontairement des disputes dans les débats. » Il est vrai que nombre de bénévoles passant des jours et des nuits à mettre à jour les articles ont mal vécu ce qu’ils perçoivent comme une attaque sournoise. Cependant, cette enquête nous donne une indication importante sur la fiabilité des articles en ligne car on pourrait conclure après cette étude que les articles ayant plus de 10 jours sont à priori plutôt fiables. Ainsi, doit-on penser qu’un article en ligne depuis 60, 150, 365 jours ou plus devrait donc assurer à ses lecteurs un nombre d’erreurs très restreint ?

Dans tous les cas et dans tous les « camps », chacun s’accorde cependant sur un point : Wikipédia est un outil d'accès à la connaissance parmi d'autres, en conséquence il est possible d’en faire un usage raisonné en croisant les sources et en vérifiant les informations qu’on y trouve. Ainsi l’exemple Wikipédia et les questions qu’il induit, prolongent et confirment ce que nous avons pu montrer à travers les différents cas que nous avons étudiés. En effet, on constate que l’utilisation des outils informatiques et multimédia requiert d’une part connaissances et savoirs-

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III/ L’INFORMATION ET LA COMMUNICATION NE SONT PAS DES MIRACLES ! B/ Les pré-requis, une problématique qui demeure : des compétences à développer, une attitude a adopter

faire mais relève davantage d'un rapport général à l'information, de pratiques et d’usages et de distance critique. Nous consacrerons un chapitre entier à ce sujet dans la suite de ce mémoire 1.

1 Cf. « Une attitude générale face à l’information» en page 3.

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CONCLUSION

CONCLUSION

Concernant la Société de l’information, l’informatique et autres TIC, nous avons pu constater que les discours n’ont d’une part que peu évolué depuis cinquante ans et peuvent d’autre part se résumer en quelques refrains parfois presque caricaturaux.

Reprenons donc l’ensemble des différentes idées-reçues que nous avons évoqué et qui composent et participent à la construction de la représentation sociale que développe notre société sur les sujets qui nous intéresse. Tout d’abord, la « nouvelle nouveauté » technologique du moment (ordinateur, services télématiques, Internet…) est ou crée une nouvelle révolution, voire une nouvelle société. [Idée reçue n°1] Nous ne pourrons échapper à cette révolution car les machines envahissent notre société et nos vies. Cette invasion est inéluctable. Il faut donc apprendre à dompter les machines car elles risquent de devenir une menace pour l’humain dans son emploi, dans ses libertés… Elles pourraient même devenir plus intelligentes que les humains ! [Idée reçue n°2] Chacun va donc devoir s’y mettre. Mais rassurons-nous il ne nous faudra qu’un peu de bonne volonté, car pour le reste il nous suffira d’être intelligent pour apprendre à utiliser les machines et les dernières nouveautés [Idée reçue n°3] Il y a d’ailleurs urgence car la France est très en retard en la matière, un rattrapage est désormais indispensable. [Idée reçue n°4] Mais heureusement cet effort sera récompensé puisque désormais chacun aura accès à l’Information. Et tout le monde sait maintenant qu’elle est une matière première source de pouvoir. [Idée reçue n°5 ] Nous pourrons alors vivre dans la nouvelle société qui voit le jour sous nos yeux, celle de la connaissance, de l’information, du savoir et de la communication. [Idée reçue n°6]

La « société de l’information » : du mirage collectif au projet partagé ? - 217 - Magali MACELI, Thèse de Doctorat, Université Paris 8, Saint-Denis, 2008

Bien sûr nous avons pu discerner ce qui dans ces homélies tient des différents intérêts en jeu : ceux des industriels, des politiques et des commentateurs eux-mêmes. Et même si, rappelons le, notre intention n’est d’aucune manière de minimiser l’impact du développement des TIC et de leur entrée dans la pratique quotidienne, il est indéniable que le contexte économique et de consommation a une influence déterminante sur les discours, les représentations et sur la perception même des événements et enjeux.

Nous avons tout au long de ce chapitre évoqué quelques uns des paramètres de la relation à l’information, des pré-requis nécessaires, des idées et idéologies qu’elle véhicule et des contradictions qu’elle soulève. Nous poursuivrons ces développements dans la quatrième et dernière partie de ce mémoire qui approfondira encore un peu plus les enjeux et mécanismes. Après avoir énuméré les discours, représentations et savoirs- faire en la matière, nous étudierons les savoirs et savoirs-être. Car la manipulation des outils nécessite certes des pré-requis mais, la communication nécessite avant tout des préalables.

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4ème partie : LES ATTENTES FACE AUX IMPOSSIBLES DE L’INFORMATION, DE SES TECHNOLOGIES ET DE SES PROFESSIONNELS

La « société de l’information » : du mirage collectif au projet partagé ? - 219 - Magali MACELI, Thèse de Doctorat, Université Paris 8, Saint-Denis, 2008

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INTRODUCTION

INTRODUCTION

Comme nous avons pu l’étudier dans la partie précédente, l’information n’est pas un miracle. Pour qu’un système d’information fonctionne, pour qu’une information circule et qu’elle serve à quelque chose, il est, comme nous l’avons vu, indispensable de se débarrasser de l’idéologie que seule l’information suffit.

Dans cette dernière partie, nous montrerons que le processus d’information (fait d’informer d’un côté, de s’informer de l’autre) comme dans toute communication, relève d’une responsabilité partagée. La qualité, la fiabilité, la pertinence et l’utilité du message échangé relèvent non seulement du contexte dans lequel il est transmis, mais aussi des besoins et intentions des uns et des autres. Les émetteurs comme les récepteurs ayant ici chacun leurs responsabilités respectives, nous nous interrogerons sur des situations concrètes afin de les mettre en perspective.

Nous montrerons donc que les stratégies informationnelles sont éminemment sociales, même si elles s’appuient de plus en plus fréquemment sur les technologies de l’information et de la communication pour se développer. C’est dans le cadre de ces stratégies que nous aborderons la communication en sa qualité de processus d’échange et de partage d’information. Ce processus de communication sera analysé. Nous verrons ainsi qu’il peut lui-même faire l’objet de stratégies permettant aux différents protagonistes de s’assurer une qualité d’échange. Nous approfondirons à cette occasion notre hypothèse concernant les besoins fondamentaux d’information : le Vivre-informationnel et le besoin d’émission.

La « société de l’information » : du mirage collectif au projet partagé ? - 221 - Magali MACELI, Thèse de Doctorat, Université Paris 8, Saint-Denis, 2008

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A/ La communication un processus complexe

I/ DES PRÉALABLES A L’INFORMATION ET A LA COMMUNICATION

Nous devons désormais envisager de prendre en considération la dimension humaine que revêt toute information à la base dans le processus de communication. En effet, si information il y a, c’est qu’il y a Créateur, Émetteur, Récepteur, Utilisateur de cette information et ce quels que soient les moyens techniques déployés pour transmettre, diffuser et traiter les données. L’interprétation et la réappropriation sont des facultés humaines. Nous aborderons donc dans cette partie un certain nombre de facteurs composant pour chacun d’eux une des facettes de cet objet complexe, multi- facettes et parfois multiformes de ce que certains 1 ont déjà pu comparer à un « organisme » informationnel. Nous considérerons, comme nous le proposerons par la suite, que ce dernier est comme tout organisme, soumis à des besoins fondamentaux.

A/ LA COMMUNICATION UN PROCESSUS COMPLEXE

« Les difficultés et ambiguïtés de la communication tiennent aux enjeux sociaux et humains, souvent implicites qu’elle recèle. »2

1 Armand et Michèle MATTELART, Histoire des théories de la communication .- Ed. La Découverte, coll. : Repères, 2004. 2 Jean-François DORTIER.- « La communication : omniprésente, mais toujours imparfaite », La communication état des savoirs , Sciences humaines, 1 ère édition, 1998.

La « société de l’information » : du mirage collectif au projet partagé ? - 223 - Magali MACELI, Thèse de Doctorat, Université Paris 8, Saint-Denis, 2008

1/ L A DIMENSION HUMAINE , ALÉATOIRE ET IMPRÉCISE DE

L’ INFORMATION

La représentation du processus de communication qui est sans doute la plus connue aujourd’hui est la même depuis des décennies. En effet, le schéma qui aujourd’hui encore est proposé pour illustrer le processus de communication provient des premières définitions de la communication, elles-mêmes issues de la Théorie mathématique de la communication de Claude SHANNON et Warren WEAVER, parue en 1949 1. C’est le schéma dit canonique : Émetteur – Canal – Récepteur.

Cette représentation, pour réductrice qu’elle soit, est encore largement utilisée. Elle a cependant été complétée au fil des années par d’autres éléments. Nous aurions pu nous contenter de suivre le schéma quasi « mécanique» de la communication, et d’étudier comment un émetteur produit un message en direction d'un récepteur qui réagit en produisant un certain nombre d’effets.

Nous aurions également pu compléter cette étude et les rouages de ce schéma en y observant le phénomène de « feed-back » (réaction du récepteur au message) et les impacts de la présence d’un éventuel observateur. Ce qui complèterait le processus, qui resterait cependant assez

1 Claude SHANNON, Warren WEAVER.- La théorie mathématique de la communication , CEPL, 1975 (pour l’édition française).

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I/ DES PRÉALABLES A L’INFORMATION ET A LA COMMUNICATION A/ La communication un processus complexe

aisé à envisager.

Il existe une quantité importante de travaux concernant l’évolution des modèles en matière de communication 1. Nous renvoyons à leur lecture car une telle rétrospective nécessiterait bien plus d’un chapitre de ce mémoire. Mais comment expliquer que l’on a pu se satisfaire si longtemps de représentations aussi linéaires du processus de communication et que celles-ci puissent être si aisément admises ?

Pour ce qui nous concerne, nous irons plus loin dans ce qui d’après nous entre dans le processus de communication, car sans nier l’exactitude de ce que nous venons d’évoquer, tout cela nous apparait comme trop partiel et ceci pour plusieurs raisons. La principale d’entre elles est que nous rajouterions aux différents paramètres que nous avons évoqués, la dimension humaine de la communication. En effet, cette conception revient selon nous à occulter une part importante de la chaîne informationnelle : sa dimension humaine et donc aléatoire et imprécise.

1 On peut notamment parmi ceux-ci se référer à : Armand et Michèle MATTELART, Histoire des théories de la communication .- Ed. La Découverte, coll. : Repères, 2004.

La « société de l’information » : du mirage collectif au projet partagé ? - 225 - Magali MACELI, Thèse de Doctorat, Université Paris 8, Saint-Denis, 2008

Communiquer n’est donc pas si simple ! Ce qui pour un fait aussi humain que la communication n’est finalement pas si étonnant. L’information

et la communication sont TOUJOURS éminemment humaines et sociales. Ainsi, un émetteur et un récepteur ne peuvent-ils, à notre sens, être extraits de leur nature humaine, qui on le sait, est faite de complexité, de subjectivité et de paradoxes. Il existe certes un certain nombre de vecteurs, de modalités de circulation de l’information plus ou moins techniques et mécaniques, sur lesquelles nous reviendrons d’ailleurs. Mais dans tous les cas, l’information circule d’un émetteur humain vers un récepteur humain , via un nombre indéterminé de vecteurs. L’information acquiert, comme nous l’avons vu, son statut informatif – lui-même susceptible d’être hiérarchisé – au regard de l’utilisation qui en sera faite.

Ainsi, que l’information ait été codée puis décodée de diverses manières, qu’elle soit passée par le biais d’une machine, par l’intermédiaire d’une ou plusieurs personnes importe peu. Quels que soient les chemins empruntés, l’information circule entre êtres humains, dans l’objectif de mettre en relation des besoins et des moyens de les satisfaire.

Nous allons dans le chapitre suivant tenter de repositionner la dimension humaine dans le processus de communication. Notre intention ici, étant une nouvelle fois de comprendre les mécanismes à l’œuvre, afin de pouvoir les mettre en perspective dans un second temps.

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I/ DES PRÉALABLES A L’INFORMATION ET A LA COMMUNICATION A/ La communication un processus complexe

2/ R EPOSITIONNER L ’ HUMAIN AU CŒUR DU PROCESSUS DE

COMMUNICATION

Comme nous avons pu le développer tout au long de ce mémoire, la communication et l’information sont des phénomènes humains et sociaux. Humains, car nous l’envisagerons dans ce chapitre, différents facteurs tels que les émotions et les besoins sont de nature humaine – affective pourrait- on dire – et font partie intégrante du processus de communication.

D’ailleurs, comme nous le rappelle José L. ARANGUREN, toute communication véhicule avec son message une charge émotionnelle.

« Tout langage, y compris le langage objectif et scientifique le plus “froid”, possède conjointement à sa fonction cognitive une fonction émotive, c'est-à-dire qu’il transmet une “signification” émotionnelle (nous prenons, ainsi qu’on le verra, les mots émotifs et émotionnel dans un sens très large). […] Toute communication quelle qu’elle soit, tout mot, pour purement descriptif qu’il veuille être, sont dotés d’une charge émotionnelle. »1

C’est d’ailleurs un des principes forts du modèle que Roman JAKOBSON a développé. En effet celui-ci, proposera dans son essai de linguistique générale 2 un modèle de communication centré sur le message et ses différentes fonctions (qu’il énumère) plutôt que sur la transmission de celui-ci.

1 José L. ARANGUREN.- Sociologie de l’information , Hachette, 1967, p. 67 2 Roman JAKOBSON, Closing statements: Linguistics and Poetics, Style in langage , T.A. Sebeok, 1960. Traduit en français par Nicolas RUWET : Linguistique et poétique , Essais de linguistique générale , Éd. de Minuit, Paris, 1963

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D’aucuns pourraient s’étonner que nous nous intéressions autant aux dimensions émotionnelles et subjectives de la communication et de l’information. Ce à quoi, nous laissons à Antonio DAMASIO le soin de répondre :

« Les émotions ne sont pas du tout des éléments perturbateurs pénétrant de façon inopportune dans la tour d’ivoire de la raison : autrement dit, il est probable que la capacité d’exprimer et ressentir des émotions fasse partie des rouages de la raisons pour le pire et pour le meilleur. »1 […] « Exprimer et ressentir des émotions n’est pas un luxe. Cela permet de nous orienter par rapport à nos dispositions internes, et nous aide à communiquer aux autres des indices qui peuvent aussi les aiguiller dans leur interaction avec nous. »2

Les émotions sont étroitement liées avec l’irrationnel et donc avec l’inconscient. C’est pourquoi, négliger la notion de charge émotionnelle d’une part, reviendrait à ignorer la part de l’inconscient dans la communication . Plus encore, la part d’humanité de la communication, peut également consister à introduire la notion d’intention sur laquelle nous reviendrons par la suite. Mais l’humanité de la communication se trouve également dans le rôle joué par le récepteur qui, comme nous le rappelle Jean-François DORTIER, ne se contente pas de recevoir un message passivement.

« Les travaux de psychologie cognitive ont montré que l’individu n’est jamais un spectateur neutre. Il filtre décode,

1 Antonio DAMASIO.- L’erreur de Descartes : la raison des émotions, Odile Jacob, 1994, p.8. 2 Ibid. , p.12.

- 228 - La « société de l’information » : du mirage collectif au projet partagé ? Magali MACELI, Thèse de Doctorat, Université Paris 8, Saint-Denis, 2008 4ème partie : LES ATTENTES FACE AUX IMPOSSIBLES DE L’INFORMATION, DE SES TECHNOLOGIES ET DE SES PROFESSIONNELS

I/ DES PRÉALABLES A L’INFORMATION ET A LA COMMUNICATION A/ La communication un processus complexe

sélectionne, réinterprète l’information reçue. C’est ce qu’on appelle le traitement de l’information. »1

Le processus de communication est comme nous l’aurons compris influencé de façon déterminante par les dispositions d’esprits et les états d’âmes des uns et des autres aux sources desquels existent des besoins que nous allons récapituler dans la prochaine partie.

1 Jean-François DORTIER.- « La révolution cognitive », Sciences humaines , Hors série n°19, La psychologie aujourd’hui, 1998, pp.22-26.

La « société de l’information » : du mirage collectif au projet partagé ? - 229 - Magali MACELI, Thèse de Doctorat, Université Paris 8, Saint-Denis, 2008

B/ DES BESOINS HUMAINS AUX BESOINS

D’INFORMATION

Qu’est-ce qu’un besoin ? La question peut sembler superflue. Après tout, nous avons tous des besoins et nous savons ce que c’est. Mais la réponse n’est pas aussi simple qu’on est porté à le croire. Cette notion a fait l’objet de nombreuses recherches en psychologie notamment et ont donné lieu à différentes théories et à une abondante littérature dans les années soixante. Parmi celles-ci, Abraham MASLOW 1 a par exemple élaboré sa théorie de la hiérarchie des besoins. Cette théorie fait l’objet de critiques, car jugée parfois trop simpliste et trop réductrice 2. Nous allons cependant en représenter brièvement le principe afin de pouvoir en tirer les quelques éléments qui nous intéressent ici plus particulièrement.

1/ T HÉORIE DE LA HIÉRARCHIE DES BESOINS : L A

P YRAMIDE DE MASLOW

La théorie de la hiérarchie des besoins proposée par Abraham MASLOW est aujourd’hui représentée sous la forme d’une pyramide des besoins constituée de niveaux correspondant à des catégories des besoins. Le principe paraît assez simple : les besoins les plus fondamentaux sont liés

1 Abraham MASLOW.- « A theory of human motivation », Psychological Review , vol. 50, n°4, 1943 2 Reproches des sociologues, psychologues et des philosophes notamment pour qui il n’est pas toujours possible de catégoriser les besoins humains puisque liés au vécu, au ressenti, etc.…

- 230 - La « société de l’information » : du mirage collectif au projet partagé ? Magali MACELI, Thèse de Doctorat, Université Paris 8, Saint-Denis, 2008 4ème partie : LES ATTENTES FACE AUX IMPOSSIBLES DE L’INFORMATION, DE SES TECHNOLOGIES ET DE SES PROFESSIONNELS

I/ DES PRÉALABLES A L’INFORMATION ET A LA COMMUNICATION B/ Des besoins humains aux besoins d’information

à la survie alors que les besoins les plus « évolués » se rapportent à la satisfaction et à l’épanouissement personnel. Les besoins plus fondamentaux auraient, par ailleurs, toujours préséance sur ceux qui sont plus élevés dans la pyramide.

Illustration 42 – Pyramide de MASLOW Pyramide de MASLOW

Nous pouvons constater sur ce schéma que les besoins humains y sont organisés selon une hiérarchie où, à la base, sont positionnés les besoins physiologiques élémentaires et au sommet, les besoins psychologiques et affectifs d'ordre supérieur. Chaque besoin supérieur ne deviendrait, selon cette théorie, conscient que lorsque les besoins inférieurs ont été satisfaits. On comprend d’ailleurs aisément la nécessité de survivre afin que l’épanouissement soit une préoccupation pertinente. Le choix d’une représentation en forme de pyramide renforce d’ailleurs l’idée d’une nécessaire solidité de la base sur laquelle s’appuie l’ensemble de l’édifice. Pour qu’un édifice en général - et une pyramide en particulier - tienne

La « société de l’information » : du mirage collectif au projet partagé ? - 231 - Magali MACELI, Thèse de Doctorat, Université Paris 8, Saint-Denis, 2008

debout, il doit certes avoir une base solide.

Ajoutons cependant, que même si cette généralisation des priorités en termes de besoins à satisfaire semble d’après Abraham MASLOW se vérifier pour beaucoup, il apparaît que plus on s’élève dans les niveaux de besoins, plus les priorités peuvent varier d’une personne à l’autre. Cependant les besoins des niveaux inférieurs (physiologiques et de sécurité) sont valables pour tous.

Ainsi, les besoins humains chercheraient-ils à être satisfaits dans un ordre précis. Chaque niveau correspondrait à une catégorie de besoins devant être satisfaits en préalable à tous besoins du niveau immédiatement supérieur. Ceci n’est pas sans rappeler un phénomène que nous allons observer concernant la satisfaction des besoins d’information et le besoin de vivre informationnel que nous définirons plus loin 1. Nous pouvons cependant émettre une hypothèse que nous tenterons de vérifier : dans certaines situations 2, le vivre informationnel pourrait permettre de qualifier le premier niveau d’information à satisfaire avant de passer aux suivants. Alors comment passer d’un besoin d’information à une réponse considérée pertinente et quels sont les mécanismes à l’œuvre ? Nous allons y revenir dans le chapitre suivant.

1 Cf. « Le besoin fondamental d’être informé : le besoin de vivre-informationnel » en page 3. 2 Cf. Idem et « Le besoin d’information des Femmes » en page 3.

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I/ DES PRÉALABLES A L’INFORMATION ET A LA COMMUNICATION B/ Des besoins humains aux besoins d’information

2/ D U BESOIN D ’ INFORMATION À LA PERTINENCE DE LA

RÉPONSE

Les recherches en matière de motivation humaine sont à l’origine de cette théorie de la hiérarchie des besoins et renvoient également aux problématiques qui sont les nôtres. Nous reviendrons ici sur la relation besoin/motivation/intention.

Qu'est-ce qui motive, par quoi est-on motivé, qu'est-ce qui pousse à agir, à se mettre en mouvement ? C’est justement à ces questions, qu’Abraham MASLOW 1 a voulu répondre en développant sa conception relative à la satisfaction des besoins. Ce serait dont parce que nous avons des besoins et que nous voulons les assouvir que nous déclenchons des comportements motivés. Pour lui, la motivation est donc toujours liée à la satisfaction des besoins ; elle déclenche un comportement dirigé vers un but: la réduction des tensions issues de l'insatisfaction. Cette nécessité d'assouvir les besoins est le facteur central du schéma de réduction de tension. Face à ces tensions, l'individu cherche à rétablir l'équilibre : il se met en mouvement pour satisfaire ses besoins. C'est cette mise en mouvement que l'on appellera « motivation ».

Le processus peut-être représenté de la manière suivante :

Illustration 43 - Processus satisfaction des besoins / motivation

1 Abraham MASLOW.- « L’accomplissement de soi : De la motivation à la plénitude », Eyrolles, 2004

La « société de l’information » : du mirage collectif au projet partagé ? - 233 - Magali MACELI, Thèse de Doctorat, Université Paris 8, Saint-Denis, 2008

Les besoins et la perspective de leur satisfaction seraient la source principale de la motivation humaine. Ainsi, tant qu'un besoin n'est pas satisfait, il constitue une source de motivation. A partir du moment où il est satisfait, c'est le besoin du niveau supérieur qui apparaîtra comme une nouvelle source de motivation. C’est également ce que rappelle Cyrille MEGDICHE dans son Essai sur la notion de besoin 1 :

« Un besoin satisfait n’est plus un besoin. Un besoin est un manque et donc suppose une tension, une volonté, un désir, un projet vers quelque chose qui n’est pas une chose, qui résiste, par son absence, à assouvir. Telle est donc la nature contradictoire, éphémère, pulsative du besoin. »

Nous avons déjà abordé la dimension motivationnelle de la communication qui prend après ces éclaircissements une nouvelle épaisseur. Pour poursuivre, citons Yves-François LE COADIC qui a écrit un ouvrage consacré au besoin d’information 2. Pour lui, « le besoin d’information n’appartient pas à la classe des besoins humains physiques mais à la classe des besoins humains culturels» 3. Ceci n’est d’ailleurs pas en contradiction avec le fait qu’il puisse relever des besoins fondamentaux tels que nous les avons déjà mentionnés. Il évoque également dans un autre de ces ouvrages, les « non-usages » et les « non-besoins d’information » :

« Les non-usagers sont en effet des gens qui n’ayant pas de problèmes à résoudre (ou n’ayant pas conscience de l’existence de tels problèmes), n’ont pas besoin

1 Cyrille MEGDICHE.- « Essai sur la notion de besoin », Sociétés , n°75, 2002, p. 88. 2 Yves-François LE COADIC.- Le Besoin d'information : Formulation, négociation , ADBS, 1997. 3 Ibid. p.31.

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d’information, à la différence des personnes qui ont un besoin conscient d’information et se tournent assez naturellement vers un service d’information ou un service documentaire. Il y a donc non-usage quand il y a non-besoin d’information ou un besoin d’information ou de documents trop faiblement perçu. » 1

Nous pouvons ajouter à cela qu’il existe également des personnes qui ont des problèmes à résoudre mais n’ont pas conscience qu’il existe des informations pour y parvenir, ou encore qui ne savent pas où les trouver, ni même qu’il existe des outils, des services et des professionnels en la matière. Elles auraient donc besoin d’information sur leur besoin d’information. Ce qui pose de nouvelles questions :

 Peut-on imaginer, envisager, réaliser un besoin d’information si l’on n’a pas conscience de l’existence des moyens d’y répondre ?  Doit-on savoir préalablement qu’il peut-être satisfait pour pouvoir envisager l’existence de notre besoin d’information ?

A cette dernière question, Brigitte SIMONNOT répondait par la négative au cours de son intervention à la journée d’étude « Information : Besoins et usages »2 du 17 mars 2006. « Pour qu’un besoin d’information mène à une activité de recherche d’information, il faut que l’individu pense qu’il existe une réponse à sa question et que l’effort nécessaire

1 Yves-François LE COADIC.- Usages et usagers de l’information , Armand Colin/ADBS Editions, 2004, p.46. 2 Journée d’étude organisée dans le cadre des Rencontres Thémat’IC de Département Info- Com de l’IUT Robert Schuman de Strasbourg (II).

La « société de l’information » : du mirage collectif au projet partagé ? - 235 - Magali MACELI, Thèse de Doctorat, Université Paris 8, Saint-Denis, 2008

pour obtenir cette réponse n’est pas trop important par rapport au gain attendu. En effet, les usagers ne sont pas toujours prêts à des efforts inconsidérés pour satisfaire leur besoin d’information, ils doivent avoir un intérêt, être motivés pour en faire l’effort. »

La satisfaction volontaire d’un besoin d’information demanderait donc des efforts que chacun n’est pas forcément prêt à fournir. Car chercher à satisfaire un besoin renvoie non-seulement à la recherche de l’information qui pourra satisfaire le besoin en question, mais aussi au traitement de cette information. Chun Wei CHOO, maître de conférences à la faculté des études sur l'information de l'Université de Toronto, catégorise ces efforts à fournir en trois types distincts.

« La sélection et l'utilisation des sources d'information dépendent aussi du temps et des efforts requis pour localiser, contacter cette source et interagir avec elle. On observe ici au moins trois types d'efforts ou de coûts différents : les efforts physiques (pour se déplacer jusqu'à la source), les efforts intellectuels (par exemple pour se familiariser avec un système de classification ou une application informatique) et les efforts psychologiques (par exemple pour aborder une source désagréable). »1

Notons qu’une part importante du processus se joue avant les étapes mentionnées par Chun Wei CHOO car l’indentification des sources requiert en soi une énergie et un investissement personnels importants, surtout

1 Chun Wei CHOO.- « Le traitement de l’information par les individus », L’art de Management de l’information , n°8, Échos (Les), 1999 – Article consultable à l’ adresse suivante : http://www.lesechos.fr/formations/manag_info/articles/article_8_11.htm

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I/ DES PRÉALABLES A L’INFORMATION ET A LA COMMUNICATION B/ Des besoins humains aux besoins d’information

lorsque la recherche d’information s’effectue dans un domaine que l’on ne connaît pas. L’effort préalable porte donc à ce niveau, et il s’agit de ne pas l’occulter, sans quoi bon nombre de situations de non-satisfaction des besoins d’information risqueraient de passer inaperçues ou être assimilées à un non-usage / non-besoin.

De plus, il apparait que la satisfaction d’un besoin d’information peut, comme nous l’avons vu, non seulement être entravée par les efforts qu’elle nécessite mais également engendrer un « non-usage » des outils conçus pour y répondre. Yves-François LE COADIC 1 fait, à ce sujet, référence à la loi de MOOERS qui a permis d'expliquer ce comportement de non-usage dans le cas des systèmes d'information.

« Calvin MOOERS formula en 1959 une loi (dite Loi de Mooers) qui pouvait expliquer ce comportement de non- usage dans le cas de systèmes de repérage de l’information. Il avançait qu’un système de repérage de l’information avait tendance à ne pas être utilisé lorsqu’il apparaissait à ses usagers qu’il leur était plus pénible d’avoir de l’information grâce à ce système que de na pas en avoir en ne l’utilisant pas 2 ».

Dan SPERBER et Deidre WILSON 3, quant à eux, vont jusqu’à faire le lien entre les efforts que nous venons d’évoquer et le ressenti de pertinence d’une information. Ainsi, selon eux, plus les efforts que nécessite une

1 Yves-François LE COADIC.- Usages et usagers de l’information , Armand Colin/ADBS Editions, 2004, p.46. 2 Calvin Northrup MOOERS.- Annual meeting of the American Documentation Institute , LeHigh University, 1959. 3 Dan SPERBER, Deirdre WILSON.- La pertinence : communication et cognition , Minuit, coll. : Propositions, 1989, p.228.

La « société de l’information » : du mirage collectif au projet partagé ? - 237 - Magali MACELI, Thèse de Doctorat, Université Paris 8, Saint-Denis, 2008

recherche et le traitement d’une information sont importants, moins l’information trouvée apparaitra comme pertinente à son destinataire.

« Qu’est-ce que la pertinence ? Le traitement de l’information par les êtres humains leur demande un certain effort mental et produit en eux un certain effet cognitif. L’effort demandé est un certain effort d’attention, de mémoire et de raisonnement. L’effet produit consiste en une certaine modification de croyances de l’individu : l’addition de nouvelles croyances, l’élimination de croyances antérieures ou simplement un affaiblissement ou un renforcement de croyances antérieures. »

Les auteurs tirent deux déductions de leurs recherches, d’une part que « plus l’effet cognitif produit par l’information sur le destinataire est grand, plus elle sera pertinente pour lui », et d’autre part que « plus l’information lui demande un effort de traitement, moins elle sera pertinente ». Cette approche peut attirer l’attention, car pour intéressante qu’elle soit, elle permet également d’expliquer certains procédés pas toujours louables dont nous avons déjà traités dans la partie relative aux médias. En effet, on peut penser qu’une émotion ressentie à la suite d’images ou de nouvelles « choc » – choquantes – génère un effet cognitif important. Et lorsque ces dernières sont diffusées en boucle à la télévision, par exemple, leur accessibilité ne demande que peu d’efforts… Elles peuvent donc apparaitre pertinentes.

C’est pourquoi, même si ce ressenti ne peut être nié, nous considérons que la pertinence d’une information ne peut, comme nous l’avons déjà évoqué, s’évaluer qu’au regard des besoins qu’elle permet de satisfaire, de son usage et donc de son utilité. Elle s’identifie donc notamment par la plus- value qu’elle apporte à son récepteur (et/ou à son émetteur). L’information, en ce sens, réside au croisement de la relation entre besoins, efforts à

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I/ DES PRÉALABLES A L’INFORMATION ET A LA COMMUNICATION B/ Des besoins humains aux besoins d’information

fournir, usages, utilité, pertinence et confort. Les efforts à fournir pour trouver une information sont effectivement à prendre en considération. Cependant, on peut considérer que l’effort que requiert une information qui pourrait permettre ou induire un changement pour la personne, ne se joue pas seulement dans son accessibilité mais aussi dans l’inconfort – au moins momentané – qu’elle génère. En effet, on sait que tout changement, même « pour du mieux », est inconfortable avant de pouvoir être apprécié. Intégrer une nouvelle donnée qui aura un impact et induira un changement – au moins interne – c'est-à-dire s’informer ou se faire informer est donc inconfortable. Thomas d’ANSEMBOURG a intitulé l’un de ses ouvrages : « Être heureux ce n’est pas nécessairement confortable »1. Et bien nous pourrions ici conclure qu’être informé n’est pas nécessairement confortable non-plus !

1 Thomas d’ANSEMBOURG.- Être heureux ce n’est pas nécessairement confortable , Éditions de l’Homme, 2004

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II/ LES BESOINS D’INFORMATION FONDAMENTAUX : VIVRE-INFORMATIONNEL ET BESOIN D’ÉMISSION A/ Le besoin fondamental d’être informé : le besoin de vivre-informationnel

II/ LES BESOINS D’INFORMATION FONDAMENTAUX : VIVRE-INFORMATIONNEL ET BESOIN D’ÉMISSION

Nous avons évoqué dans le chapitre précédent la théorie de MASLOW selon laquelle les besoins humains chercheraient à être satisfaits dans un ordre précis. Cela peut-il également être envisagé en ce qui concerne la satisfaction des besoins d’information ? C’est la question à laquelle nous allons tenter de répondre dans cette partie. Mais lorsque l’on aborde les besoins d’informations, il est nécessaire de distinguer les deux types majeurs et très différents de besoins d’informations. Nous traiterons donc dans ce chapitre du besoin d’être informé (recevoir de l’information) dans un premier temps et besoin d’informer (émettre de l’information) dans un deuxième temps.

A/ LE BESOIN FONDAMENTAL D ’ÊTRE INFORMÉ : LE

BESOIN DE VIVRE -INFORMATIONNEL

Dans ce chapitre nous approfondirons une des hypothèses déjà évoquée à plusieurs reprises au cours de nos recherches celle de l’existence d’un degré d’information que nous avons nommé Vivre informationnel . Pour pouvoir émettre les premiers éléments théoriques en la matière, nous reviendrons préalablement sur les observations et études de terrain que nous avons menées et déjà présentées (Recherche-action Femmes et Villes et Observ’action Guilde des Doctorants ).

La « société de l’information » : du mirage collectif au projet partagé ? - 241 - Magali MACELI, Thèse de Doctorat, Université Paris 8, Saint-Denis, 2008

1/ L E BESOIN D ’ INFORMATION DES FEMMES DES

QUARTIERS DE L ’ EST DU V AL D ’O IS E

Nous repartirons de ce chapitre de la recherche-action menée courant 2002/2003 auprès des femmes de l’est du Val d’Oise que nous avons présentée plus haut 1 . Ainsi, alors qu’un certain nombre de questions devaient être abordées (l’emploi, l’avenir des jeunes-filles, les transports…) à l’occasion de cette démarche, d’autres ont émergé spontanément et contre toute attente. Parmi celles-ci, nous avons observé l’émergence de la problématique de l’information, de son accès, de sa fiabilité et de sa pertinence.

Les femmes interrogées déploraient par exemple n’avoir que difficilement accès aux informations susceptibles de faciliter la gestion de leur quotidien. En effet, en écoutant ces femmes au sein des différents groupes, sans même que le phénomène n’ai été remarqué par elles, la question de l’information est apparue à plusieurs reprises, notamment lorsqu’elles abordaient le sujet de leur participation à la vie locale et plus précisément à la vie associative. Elles percevaient d’ailleurs l’implication associative comme un « luxe ». « Le bénévolat dans les assos, c’est du luxe quand on ne sait pas où on va dormir, comment payer le loyer ou si on va pouvoir faire les courses à la fin du mois ! »

Pour ces femmes, l’engagement dans la vie locale n’est pas possible si l’on « croule » sous les problèmes matériels ou organisationnels, et c’est

1 Cf. « Quelle relation entre information et engagement ? : retour d’expérience de femmes du val d’oise » en page 3.

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II/ LES BESOINS D’INFORMATION FONDAMENTAUX : VIVRE-INFORMATIONNEL ET BESOIN D’ÉMISSION A/ Le besoin fondamental d’être informé : le besoin de vivre-informationnel

précisément pour cela que les femmes demandent à être mieux informées. Comme le souligne Rémy SANSALONI 1 , ce phénomène a déjà fait l’objet de recherches dans un autre domaine :

« Avec le développement industriel des Lumières, et son corollaire l’affranchissement des besoins élémentaires, va pouvoir se répandre le “superflu”. “Quand une société commence à jouir des choses de seconde nécessité, alors elle met du choix dans ses aliments, dans son vêtement, dans son logement, dans ses armes, elle a plus de besoins, plus de richesses ” [poursuit-il en citant Étienne Bonnot de CONDILLAC 2]. Ce qui se modifie sans doute, c’est la manière de consommer et ce qui sous-tend l’acte de consommation ainsi que le contenu de chaque poste. Le poids de moins en moins important exercé par les dépenses consacrées aux fonctions essentielles (se nourrir, s’habiller, se déplacer et équiper son logement) ne date pas d’hier mais plutôt d’avant-hier. La poussée des dépenses liées aux loisirs et à la santé l’est tout autant. Ce qui a bougé dans la dernière décennie, c’est la place dévolue à la communication et à ses véhicules (téléphones portables, PC connecté à Internet, etc. )»

Loin de nous l’idée que l’engagement dans la vie associative ou locale soit de l’ordre du superflu, mais on comprend aisément l’ordre des priorités à respecter avant de s’y engager. Et l’écoute des participantes nous permet de

1 Rémy SANSALONI, Le non-consommateur : Comment le consommateur reprend le pouvoir, Dunod, 2006, p.45. 2 Étienne Bonnot de CONDILLAC, Œuvres complètes , [publiées par Augustin THÉRY], Lecointe et Durey, 1821-1822, t.4, p.48.

La « société de l’information » : du mirage collectif au projet partagé ? - 243 - Magali MACELI, Thèse de Doctorat, Université Paris 8, Saint-Denis, 2008

restituer ce point de vue unanime qui se résume en deux points forts :  L’engagement est une démarche intellectuelle en soi, qui ne peut s’engager qu’une fois libéré d’un certain nombre de contraintes matérielles.  C’est pour se libérer plus rapidement de ces questions que les femmes demandent à être mieux informées sur les démarches administratives.

Elles souhaitent savoir où se renseigner en matière de logement, de modes de garde de leurs enfants, connaître les différents interlocuteurs de leur ville… Nous pouvons d’ailleurs noter que, quel que soit le besoin en termes d’information dont ont parlé la majorité des femmes interrogées, la notion d’information renvoie la plupart du temps à celle de confiance.

De plus, les femmes abordent la problématique sous un angle original. Selon elles, il est d’autant plus déterminant qu’elles soient correctement informées que ce sont elles qui par la suite informent au sein de leurs familles. Ainsi, une femme à qui revient la responsabilité des démarches administratives – c’est encore en grande majorité le cas – pourra expliquer à ses enfants et son entourage comment cela fonctionne et le circuit à emprunter.

Cette étude n’a malheureusement pas été poussée plus loin, dans le cadre de cette recherche-action dont ce n’était d’ailleurs pas l’objet. Bien d’autres thèmes ont été travaillés et ont donné lieu à des actions concrètes restituées dans l’ouvrage intitulé Droit de cité pour les femmes 1. Nous avions cependant déjà formulé dans le chapitre précédent :

1 Christine BULOT, Dominique POGGI et al. [Contributions Magali MACELI] - Droit de cité pour les femmes .- Éditions de l’Atelier, 2004.

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II/ LES BESOINS D’INFORMATION FONDAMENTAUX : VIVRE-INFORMATIONNEL ET BESOIN D’ÉMISSION A/ Le besoin fondamental d’être informé : le besoin de vivre-informationnel

« Nous pouvons cependant émettre une hypothèse que nous tenterons de vérifier : dans certaines situations le vivre informationnel pourrait permettre de qualifier le premier niveau d’information à satisfaire avant de passer aux suivants. »1

Cette intuition commence ici à prendre corps car les différentes constations que nous venons d’établir nous ont naturellement conduit vers une série de questionnements nouveaux :

 Les femmes peuvent-elles être des « passeuses » d’informations au sein de la cellule familiale, aussi bien en termes de droits que de devoirs ?   Y aurait-il donc une « couche » ou une « strate » d’information « alimentaire » ou « quotidienne » nécessaire pour entamer une démarche intellectuelle ?  Il semblerait effectivement que ces observations auprès des femmes aient mis en lumière à nos yeux l’existence de cette « couche » ou « strate » d’information qui permettrait d’appréhender un système collectif, ses règles de fonctionnement, de s’inscrire dans le jeu d’acteurs, puis de devenir soi- même acteur… Nous qualifierons celle-ci de Vivre Informationnel . Quelle définition pourrions-nous en donner ?

 Le Vivre informationnel pourrait être considéré comme la strate d’information permettant de se libérer des contraintes matérielles et permettant par la suite d’appréhender un système collectif, ses règles

1 Cf. page 3.

La « société de l’information » : du mirage collectif au projet partagé ? - 245 - Magali MACELI, Thèse de Doctorat, Université Paris 8, Saint-Denis, 2008

de fonctionnement, de s’inscrire dans le jeu d’acteurs, puis de devenir soi-même acteur.

Nous entendons ici le terme vivre, non pas comme un verbe mais comme un nom qui renvoie initialement à la nourriture et que nous emploierons par extension aux choses de première nécessité dont fait partie la nourriture. Bien que compris dans le sens du verbe vivre, l’expression vivre informationnel évoque l’attitude ou le rapport général de chacun face à l’information dont nous traiterons plus loin. Nous préférerions personnellement utiliser dans ce sens l’expression de vécu informationnel .

Notre choix s’est porté sur ce nom (un vivre) car il renvoie au champ lexical de la marine. Le capitaine d’un navire passe au port pour se ravitailler, c'est-à-dire se pourvoir en vivres. La passerelle (pour rester dans le registre) est donc jetée, car en sciences de l’information et de la communication, cette métaphore ne peut que rappeler l’origine grecque du terme cybernétique 1 désignant au sens premier le gouvernail puis le pilotage d’un navire, l'art de la timonerie et, dans une acception étendue, l'art de gouverner les hommes. Armand MATTELART 2 présente la cybernétique comme la « science du pilotage » ; pour Claude BALTZ la cyberculture est le moyen de piloter ce navire. Nous pourrions continuer à filer la métaphore, car dans tous les cas un capitaine digne de ce nom doit avant de quitter le port pour voguer vers d’autres horizons faire le plein de vivres.

Ainsi, chaque capitaine de navire, doit s’il veut prendre la mer, passer se ravitailler au port. Il doit faire le plein de vivres informationnels avant de pouvoir naviguer…

1 Kubernêtikos en grec 2 Armand MATTELART, Histoire de la Société de l’information .- Découverte (La), coll. : Repères, Paris, 2001

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II/ LES BESOINS D’INFORMATION FONDAMENTAUX : VIVRE-INFORMATIONNEL ET BESOIN D’ÉMISSION A/ Le besoin fondamental d’être informé : le besoin de vivre-informationnel

Cette hypothèse nous paraît donc intéressante mais pour pouvoir la valider nous avons voulu savoir si la problématique de l’information des femmes pouvait également se vérifier dans d’autres contextes.

2/ L E VIVRE INFORMATIONNEL , UN BESOIN UNIVERSEL

PRÉALABLE À TOUTE DÉMARCHE INTELLECTUELLE ?

Nous avons déjà commencé à poser et définir la notion de vivre informationnel dans le chapitre précédent afin d’en dessiner les premiers contours. Cette réflexion se fonde, comme nous l’avons vu, sur les résultats de la recherche-action Femmes et Villes que nous avons présenté plus haut. Reprenons, donc, l’interrogation initiale que nous avions formulée de la manière suivante :

 Y aurait-il une « couche » d’information « domestique » « quotidienne » nécessaire pour entamer une démarche intellectuelle ?

Nous avons pu y apporter un premier élément de réponse en formulant l’hypothèse suivante :  Le Vivre informationnel pourrait être considéré comme la première strate d’information permettant d’appréhender un système collectif, ses règles de fonctionnement, de s’inscrire dans le jeu d’acteurs, puis de devenir soi-même acteur.

Ainsi, pour les femmes que nous évoquions précédemment, les informations relatives à la gestion de leur quotidien (allant de « où trouver un toit ?», à « par qui faire garder mes enfants ?») relevaient semble-t-il du vivre

La « société de l’information » : du mirage collectif au projet partagé ? - 247 - Magali MACELI, Thèse de Doctorat, Université Paris 8, Saint-Denis, 2008

informationnel. Mais d’autres cas de figure peuvent-ils être envisagés ? Si tel était le cas, cela reviendrait à dire que le statut de vivre informationnel serait corrélé non pas au contenu du message en soit, mais à l’utilisation que l’on va en faire. Ce ne serait donc pas l’information elle-même qui attribuerait le statut de Vivre informationnel mais son utilité au regard de son usage. Ceci nous renvoie bien évidemment aux notions de besoin et de pertinence déjà développées dans les précédents chapitres. Mais une fois l’hypothèse de l’existence du vivre informationnel posée, une nouvelle question se pose à nous : S’il existe véritablement un niveau de vivre informationnel, est-ce l’apanage de certaines catégories sociales et culturelles ou peut-on observer ce phénomène dans différents milieux ?

En effet, nous pouvons, à ce stade, nous interroger sur le non-accès des femmes concernées par l’enquête, à l’information dont elles ont besoin. Serait-ce lié à leur milieu social ? Car elles sont majoritairement habitantes de quartiers en difficultés, de milieux sociaux modestes voire défavorisés. Serait-ce lié à leur niveau de scolarité ? Car parmi les participantes nombreuses sont celles qui souffrent de problèmes d’illettrisme, d’analphabétisme, et n’ont que peu ou pas fait d’études. Ou encore serait-ce lié à leurs origines ? Car elles sont d’origine étrangère pour la plupart. Serait-ce un problème de culture ?… Certainement que ces différents paramètres, surtout lorsqu’ils sont cumulés, peuvent être des freins à l’accès à l’information et doivent donc être pris en considération. Cependant, nous avons souhaité aller au-delà de ces facteurs de blocage qui à notre sens ne constituent pas une explication satisfaisante aux difficultés d’accès à l’information que rencontrent les femmes. C’est pourquoi, afin de tenter de dégager quelques leviers d’action à activer, nous avons souhaité prolonger nos observations dans un milieu volontairement différent. Notre intention, ici, étant de répondre à la question suivante :

 Dans d’autres contextes, la notion de vivre informationnel, a-t-elle

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II/ LES BESOINS D’INFORMATION FONDAMENTAUX : VIVRE-INFORMATIONNEL ET BESOIN D’ÉMISSION A/ Le besoin fondamental d’être informé : le besoin de vivre-informationnel

un sens ?

Pour le savoir, nous avons entamé un travail de réflexion et d’analyse avec la Guilde des doctorants. Cette association s’adresse, comme nous l’avons déjà évoqué, principalement à des doctorants . Un de ces objectifs est d’informer les jeunes chercheurs sur les conditions de réalisation et de financement d’une thèse. Mais pourquoi cette volonté d’informer sur ces questions ? D’après les membres de l’association, s’engager dans une démarche de thèse – maintenant doctorat – n’est pas un simple moyen de poursuivre ses études. Il s’agirait d’une démarche intellectuelle longue et laborieuse durant laquelle « le financement est un élément crucial car il faut impérativement disposer de ressources pour vivre durant les années que durera la thèse ».

Le Guide du doctorant 1 consacre une partie spécifique 2 au sujet du financement. « Cette partie s’attache tout d’abord à rappeler l’importance des questions de financement au sens large qui comprennent aussi bien l’aspect financier que les questions de protection sociale. »

1 Le Guide du doctorant est consultable sur le site Internet de la Guilde des Doctorants (Ibid. ). Celui-ci est structuré en 3 Tomes et complété par un Guide de la charte des thèses et un Guide du jeune chercheur . Ils sont également accompagnés par de nombreuses fiches pratiques (consultables en ligne également) qui développent les réponses à certaines questions souvent soulevées. Ce guide est participatif, il est donc le fruit du travail bénévole de doctorants et jeunes chercheurs. 2 Guide du Doctorant - Tome I « Avant la thèse » : on y trouvera les renseignements et informations utiles avant d’entamer une démarche de recherche universitaire : motivation, choix du sujet et financements.

La « société de l’information » : du mirage collectif au projet partagé ? - 249 - Magali MACELI, Thèse de Doctorat, Université Paris 8, Saint-Denis, 2008

Tableau 15 - Extrait du Guide des Doctorants relatif au financement de la thèse - Source : GDD

L’ «Amour de la science » quand il mène jusqu’au bénévolat à temps plein n’a jamais nourri son homme ! Un doctorant n’est pas un pur esprit dégagé des choses de ce bas monde, et en particulier de tout souci matériel. Ce n’est plus, comme cela a pu être dans des temps reculés, le brillant héritier d’une famille richissime se lançant dans les études aux frais de papa et maman. De grâce, n’oubliez pas que vous avez besoin de quelques centaines d’Euros par mois pour manger et dormir […]

Mais en quoi cela éclaire-t-il nos problématiques ? Si l’on considère l’activité de recherche universitaire (quelle que soit la discipline) comme une démarche intellectuelle que l’on ne peut engager sereinement qu’une fois libéré de certaines contraintes matérielles, alors nous rejoignons la problématique des femmes du Val d’Oise et de leur engagement dans la vie locale par exemple. La couche d’informations permettant d’appréhender un système collectif, ses règles de fonctionnement, de s’inscrire dans le jeu d’acteurs, puis de devenir soi-même acteur, pourrait donc être indépendante du niveau social, culturel ou scolaire des personnes. Tout du moins, nous pouvons constater que le besoin de vivre informationnel peut exister dans différents champs. En fait, comme nous l’avons vu dans la partie consacrée à la théorie de la hiérarchie des besoins humains 1, le vivre informationnel, pourrait désigner l’information nécessaire à la satisfaction des besoins fondamentaux de l’individu. Celui-ci pouvant dès lors accéder à un « niveau supérieur » de besoins.

1 Cf. Théorie de la hiérarchie des besoins : La Pyramide de MASLOW en page 3.

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II/ LES BESOINS D’INFORMATION FONDAMENTAUX : VIVRE-INFORMATIONNEL ET BESOIN D’ÉMISSION A/ Le besoin fondamental d’être informé : le besoin de vivre-informationnel

L’apport informationnel serait donc, comme nous l’avons évoqué, conditionné au besoin mais aussi à l’usage et même à l’utilité voire, au traitement de l’information en question. Pour prolonger ces réflexions, nous poursuivrons dans le prochain chapitre sur le besoin d’information non plus comme besoin d’être informé mais bien comme besoin d’informer, d’émettre de l’information.

La « société de l’information » : du mirage collectif au projet partagé ? - 251 - Magali MACELI, Thèse de Doctorat, Université Paris 8, Saint-Denis, 2008

B/ LE BESOIN D ’INFORMER , UN BESOIN D ’ÉMISSION DES

ÉMETTEURS

Lorsque Harold D. LASSWELL 1 (1948) avec sa formule pose les questions : «Qui, dit quoi, à qui, par quel canal, avec quels effets ? », il a eu le mérite de poser la question du contenu et surtout des effets de la communication. Mais nous rajouterons à cela une question fondamentale : Pourquoi ? Si cette question peut paraître simple, elle renvoie cependant à des facteurs, eux aussi, beaucoup plus complexes. Pour Edmond MARC :

« La dimension motivationnelle de la communication (pourquoi communiquons nous ?) […] renvoie au fait que nous ne communiquons pas seulement pour transmettre ou recevoir des informations, mais aussi parce que nous sommes poussés par certains motifs, désireux d’atteindre certains buts et, plus largement, pour maîtriser certains enjeux psychologiques. »2. « La quête de l’identité constitue une des motivations et un des enjeux fondamentaux de la communication »3.

Nous partirons donc ici de l’hypothèse qu’un émetteur agit avec intention, un non-émetteur agit également avec intention. Alors si la décision d’informer – ou de ne pas le faire – est un comportement social et

1 Harold Dwight LASSWELL, « Structure et fonction de la communication dans la société », Sociologie de l’information : textes fondamentaux , rassemblés par Francis BALLE et Jean- Gustave PADIOLEAU Larousse, 1973, pp.31-41. 2 Edmond MARC.- « Pour une psychologie de la communication », Communication : états des savoirs , 1998, p.56. 3 Edmond MARC.- Psychologie de l’identité : soi et le groupe , Dunod, 2004.

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II/ LES BESOINS D’INFORMATION FONDAMENTAUX : VIVRE-INFORMATIONNEL ET BESOIN D’ÉMISSION B/ Le besoin d’informer, un besoin d’émission des émetteurs

intentionnel, les questions qui se posent sont dès lors : Pourquoi informe-t-on ou au contraire ne le fait-on pas ? Quel(s) besoin(s) se cache(nt) derrière la non-communication ?

1/ D E LA DISTINCTION DU REGISTRE À LA MISE EN LUMIÈRE

DES MOTIVATIONS

Dans un premier temps, notre intention sera ici de repérer concrètement des situations, des messages et pour rester dans le cadre initial qui était le notre à savoir la télévision, des programmes télévisés pouvant d’une part prêter à confusion. Nous les envisagerons, d’autre part, avec l’a priori que l’émetteur du message a une raison particulière de l’émettre. Nous nous demanderons donc quelle est-elle et pourquoi. Notre hypothèse étant, rappelons le, la suivante : Il existe dans toute situation de communication – volontaire, délibérée – des motivations qui animent aussi bien les récepteurs que les émetteurs. Et il apparait éclairant de se demander lesquelles et pourquoi. Concernant les programmes de télévision, il s’agit par exemple d’une part de savoir, mais aussi de se rappeler régulièrement qu’un programme de divertissement est différent d’un programme d’information, qu’un jeu télévisé est différent d’un documentaire, etc.. Il conviendra, d’autre part, de s’interroger sur les raisons qui poussent les programmateurs, réalisateurs, journalistes, médias – que l’on regroupera sous l’entité des Émetteurs – à véhiculer et entretenir une confusion sur le statut et le registre des messages qu’ils diffusent. Notre intention n’est ici évidemment pas de critiquer tel programme face à tel autre car ceci nous ferait entrer dans une analyse pouvant être très subjective et basée sur des goûts et centres d’intérêts personnels. Nous n’entrons pas non-plus dans le débat mené par ailleurs : culture de masse versus culture intellectuelle. Nous nous contenterons de rappeler la distinction que chacun devrait pouvoir faire ainsi que la confusion entretenue – plus ou moins intentionnellement – sur la

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nature du programme regardé (pour rester dans le champ de la télévision), et de l’exigence à adapter en fonction du contenu.

Prenons l’exemple de certains programmes par le biais desquels est entretenue une forme de confusion : les émissions dites de « téléréalité ». Nous avons déjà mentionné ce type de programme dans le chapitre relatif aux mécanismes de la télévision et la « fabrication » de célébrités 1. Nous prendrons ici à titre d’illustration la dernière émission de « jeu » dit de « téléréalité » sortie sur les petits-écrans français. Cette émission 2 se compose d’un décor et de personnages concurrents. Le décor est artificiel et clos, et les protagonistes ont été sélectionnés par auditions sur des critères inconnus des téléspectateurs. Il s’agit d’un « jeu » dont l’objectif est de cacher un « secret » le mieux et le plus longtemps possible. Le téléspectateur va donc pouvoir observer des stratégies de dissimulation – mensonge – et même arbitrer puisqu’il peut – moyennant finance – « voter » pour soutenir son candidat favori. Dans un premier temps, personne ne connaît le mensonge de l’autre, même pas le téléspectateur qui tente donc de percer le mystère. Puis dans un second temps, on lui a révélé les secrets des uns et des autres. Il peut dés lors observer, suivre les mensonges et les manipulations de chacun… Voici donc ce que l’on qualifie de « téléréalité ». Pourquoi une telle appellation pour un jeu dont ni les situations, ni le cadre de vie, ni même les rapports sociaux ne sont authentiques ? Pourquoi l’usage du terme « réalité » ? Quelqu’un vit-il une réalité pareille ? Pourquoi de tels programmes ? Nous renvoyons ici aux différents chapitres relatifs aux médias et aux intensions qui éclaireront l’exemple ci-dessus et apporteront quelques réponses à ces interrogations. Après tout pourquoi se poser de telles questions pour ce qui n’est finalement qu’un « jeu » ? D’une part parce que cela relève, comme nous l’avons déjà démontré tout au long

1 Cf. « Les mécanismes de la télévision » en page 3. 2 Secret Story, TF1, diffusé durant l’été 2007.

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II/ LES BESOINS D’INFORMATION FONDAMENTAUX : VIVRE-INFORMATIONNEL ET BESOIN D’ÉMISSION B/ Le besoin d’informer, un besoin d’émission des émetteurs

de ce mémoire, de la responsabilité de chacun de ne pas boire des images et des programmes sans se positionner par rapport à ceux-ci. Nous avons pu observer que les discours peuvent influencer et être influencés par de nombreux paramètres. Nous avons également constaté que les jeux d’acteurs et fonctionnements médiatiques pouvaient engendrer quelques processus pernicieux s’ils n’étaient mis en lumière. Mais surtout nous partons comme nous l’avons déjà évoqué du postulat suivant : L’information et la décision d’informer – et donc la communication – sont des comportements sociaux et intentionnels.

On peut en effet, souligner qu’un émetteur agit avec intention. C’est pourquoi d’après nous, informer sur l’information, consisterait notamment à mettre en lumière cette dimension intentionnelle. Un récepteur qui jusqu’ici se serait contenté de réagir à des messages (des stimuli) qu’il pouvait envisager comme neutres – au sens dépourvu d’intentions – les appréhenderait ainsi différemment. Protéger les plus fragiles, reviendrait à apprendre dès le plus jeune âge, d’une part que la communication n’est jamais neutre mais aussi à se protéger en repérant les intentions qui peuvent animer les uns et les autres. Pour Yves-François LE COADIC, « on s’intéresse plus à l’émetteur du message qu’au récepteur» 1. Nous ne partageons pas cette analyse que nous modulerions quelque peu. Car d’une part, si nombre d’études portent sur les émetteurs, celles-ci portent plus sur leurs intentions – revendiquées ou supposées – que sur leurs besoins. D’autre part, même en matière d’intention et de motivation, celles-ci sont globalement considérées en dehors des facteurs humains de l’émetteur. D’ailleurs, comme nous le confirmeront les théories des besoins et de la motivation, c’est parce qu’il en éprouvera le besoin que l’émetteur prendra la décision d’émettre cette

1 Yves-François LE COADIC.- Usages et usagers de l’information , Armand Colin/ADBS Editions, 2004, p. 10.

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information.

L’information naît donc d’un besoin d’émission de son émetteur et ne prend tout son sens et son utilité éventuelle qu’une fois arrivée à destination. Ce n’est qu’à ce moment qu’elle acquiert le statut d’information. La destination - et donc le récepteur - n’étant pas nécessairement identifiés clairement au départ. L’utilisation qui en sera faite, sera probablement différente de l’usage potentiel imaginé par l’émetteur. Mais que se passe-t-il quand l’émetteur ne perçoit lui-même pas ses propres besoins d’émission ? Nous allons dans le prochain chapitre envisager le rôle que peuvent jouer les professionnels de l’information dans cette prise de conscience.

2/ U NE FACETTE TROP SOUVENT NÉGLIGÉE DES BESOINS

D ’ INFORMATION : L A PRISE EN COMPTE DU BESOIN

D ’ ÉMISSION DES ÉMETTEURS

Nous avons déjà largement étudié les modalités d’identification, d’observation et de satisfaction des besoins d’information. Ainsi avons-nous, dans les chapitres précédents, pu mettre en évidence la place importante que représentent dans le processus de communication la prise de conscience puis la prise en considération des besoins. Mais l’accent a jusqu’à présent principalement été mis sur le besoin d’information des récepteurs, dans le sens de besoin d’être informé sur quelque chose par quelqu’un. Nous allons dans ce chapitre nous attacher à étudier le positionnement des uns et des autres, émetteurs comme récepteurs. Car notre intention ici est de démontrer que le besoin d’information des émetteurs - le besoin d’émission pourrait-on dire pour éviter les confusions – c'est-à- dire le besoin d’informer, besoin d’émettre plus exactement, joue un rôle déterminant dans le processus de communication.

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II/ LES BESOINS D’INFORMATION FONDAMENTAUX : VIVRE-INFORMATIONNEL ET BESOIN D’ÉMISSION B/ Le besoin d’informer, un besoin d’émission des émetteurs

Pour aller plus loin en nous basant sur des illustrations concrètes, nous évoquerons à nouveau l’analyse des mécanismes d’information au sein de la Guilde des doctorants. En effet, nous avons pu mettre en lumière au cours de cette observ’action, qu’il y avait d’une part un besoin d’information – d’être informé – chez les doctorants et jeunes chercheurs. (C’est d’ailleurs notamment pour satisfaire ce besoin que l’association a été créée.) Mais qu’il y avait également un besoin d’information – besoin d’émission – chez les membres de l’association, ne serait-ce que pour justifier l’utilité de l’association et de l’investissement personnel d’y contribuer. Pourquoi cela peut-il avoir de l’importance ? Parce que, tant que les membres de l’association ne prenaient pas conscience de cela, certaines confusions persistaient.

Nous avons donc procédé à des formes de jeux de rôles au cours desquels le phénomène a pu être repéré. En effet, au cours de nos discussions, un échange pouvant paraitre anodin a eu lieu et a permis des avancées intéressantes par la suite.

- « Cette info, il faut la mettre parce que ça explique comment l’association a été crée et que à la base on s’était engagé pour défendre tel et tel projets et en plus ils doivent savoir comment ça fonctionne pour participer et se rendre compte que derrière y’a des idées et …. » - « Certes, mais l’objectif de l’association c’est d’abord d’informer les doctorants et jeunes chercheurs sur les études doctorales… » - « Oui, mais c’est important de montrer qu’il y a une démarche derrière, un historique, qu’on a participé à différents mouvements et permis des avancées considérables [ce qui est effectivement le cas]… » - « Oui, le contexte est évidemment important mais est-ce l’information pour laquelle les visiteurs du site sont susceptibles de le consulter ? »

La « société de l’information » : du mirage collectif au projet partagé ? - 257 - Magali MACELI, Thèse de Doctorat, Université Paris 8, Saint-Denis, 2008

- « Non, mais justement comme ça ils savent où ils se trouvent et qui les informe ! Et après ils trouvent leurs infos »

Sans vouloir refaire le débat, nous souhaitons ici montrer de quelle manière une telle discussion peut s’avérer révélatrice. D’une part, elle a permis à chacun de s’exprimer et par là même d’exprimer une forme de frustration ressentie par les membres « anciens » de l’association qui, pour certains, avaient l’impression que les valeurs initiales de l’association se diluaient. Ceci faisait, leur semblait-il, perdre une partie de son sens à leur action. De plus, cela mettait également en lumière un besoin de reconnaissance – bien légitime –, de valorisation du travail effectué et de l’implication personnelle de chacun dans la vie et l’animation de l’association.

Par ailleurs, beaucoup de questions se posaient concernant l’engagement au sein de l’association. Sans que cela ait été formellement verbalisé, nous avons supposé – et cette impression sera d’ailleurs confirmée par la suite – qu’il pouvait y avoir une forme de déception, voire de culpabilité, ou en tous cas une impression chez certains bénévoles de ne pas avoir réussi à convaincre du bien fondé de l’action et de l’intérêt à y participer. Or, comme nous avons pu l’observer, différents paramètres pouvaient être mis en cause : le désordre informationnel mais aussi un désinvestissement globalement perceptible dans la vie associative. Il apparaissait donc bien évidemment qu’à ce niveau la participation des uns et des autres ne relevait pas du manque d’intérêt ou de partage de leurs convictions personnelles.

Si nous revenons de manière si détaillée sur ces questions, c’est qu’à notre sens, ce type d’échanges constitue un nœud à ne pas négliger lorsque l’on souhaite intervenir dans le champ de l’information et de la

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II/ LES BESOINS D’INFORMATION FONDAMENTAUX : VIVRE-INFORMATIONNEL ET BESOIN D’ÉMISSION B/ Le besoin d’informer, un besoin d’émission des émetteurs

communication. Ainsi, si Véronique LE GOAZIOU 1 écrit au sujet des usagers de systèmes d’information :

« L’utilisateur n’est pas vierge. Il est comme les machines le sont, le produit d’une histoire en amont et, en aval, l’auteur de construction de dispositifs »

Et que Brigitte GUYOT, quant à elle, resitue les outils et stratégies d’information dans un contexte qui, selon elle, a lui aussi une influence :

« L'hypothèse structurante qui nous guidait était qu'un outil est toujours entouré d’un dispositif social, qu’il est le fruit de stratégies d'acteurs agissant dans un certain contexte, et résulte de choix pour le mettre en place et le faire fonctionner. Son organisation garde les traces des orientations, des présupposés et des représentations de ses concepteurs, ainsi que des négociations qu’ils ont conduites avec d’autres. »2 « […] il nous paraît plus riche de regarder l’information par les activités qu’elle génère, et d’étudier les connotations que lui apportent ses conditions de production et ses conditions d'usage, en y mêlant intimement le contexte et la situation. »3

Pour notre part, nous irons plus loin en réaffirmant que si le récepteur est un être humain déterminé par son vécu et le contexte dans lequel il évolue,

1 Véronique LE GOAZIOU, sous la dir. de Bruno LATOUR .- « Usages et usagers : un travail de convergence », Ces réseaux que la raison ignore , Harmattan (L’), 1992, p.157. 2 Brigitte GUYOT.- Les dynamiques informationnelles , Note de présentation de travaux en vue de l’habilitation à diriger des recherches en sciences de l’information et de la communication, Sous la dir. de Bernard MIÈGE, 2000, p.9. 3 Ibid. p.46.

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l’émetteur l’est aussi. L’émetteur est un être humain comme les autres et ses besoins, ses motivations, ses intentions obéissent aux mêmes lois que celles que nous avons déjà largement développées. Luc FAYARD évoque même une « double intention » :

« […] dans un échange il y a toujours une double intention : transmettre un message et convaincre son interlocuteur, ce qui n’est pas du tout la même chose. Cette double fonction existe toujours même dans un rapport qui se voudrait purement informatif : je vous informe d’un fait mais la façon dont je vous le dis présuppose votre compréhension, je vous attribue donc implicitement des connaissances, des croyances et même des états mentaux (êtes-vous attentifs ?) nécessaires à une bonne interprétation de mon énoncé. »1

Comme nous l’avons déjà démontré à plusieurs reprises tout au long de ce mémoire, il existe de nombreux mécanismes qui peuvent entretenir une forme de confusion entre différents registres, celui de l’information et de la distraction ou encore du spectacle par exemple. Mais comment faire la distinction ? Cette confusion est-elle volontairement générée ? Nous abordons ici une notion que nous approfondirons par la suite, car les exemples et réflexions qui suivront auront ici pour principale vocation de mettre en lumière le rôle prépondérant qu’occupent les intentions des émetteurs. Nous avons déjà pu rappeler la relation entre les intentions, les motivations et les besoins, nous allons ici proposer quelques outils conceptuels afin de les distinguer.

1 Luc FAYARD.- Maîtriser son information, Synthèse du cours à l’Université Paris-Dauphine, Magistère des sciences de gestion, 2004/2005, p. 3 - Consultable à l’adresse suivante : http://fayardandco.free.fr/dauphine/lecture.pdf

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II/ POSTURE ET POSITIONNEMENT DES PROFESSIONNELS : QUELQUES PISTES A/ La clarification des besoins, une étape indispensable, mais comment faire ?

II/ POSTURE ET POSITIONNEMENT DES PROFESSIONNELS : QUELQUES PISTES

A/ LA CLARIFICATION DES BESOINS , UNE ÉTAPE

INDISPENSABLE , MAIS COMMENT FAIRE ?

La communication dans sa dimension humaine, pourrait donc être la rencontre entre des besoins. Le besoin d’émettre – pour des raisons plus ou moins rationnelles et conscientes – d’un émetteur et le besoin d’un récepteur d’être informé – pour des raisons plus ou moins rationnelles et conscientes également. C’est pourquoi nous avons souhaité dans le chapitre qui va suivre nous intéresser à l’exercice de prise en compte des besoins humains en général et des besoins d’information en particulier. Nous avons donc envisagé une posture qui nous apparaît particulièrement approprié pour cela : l’empathie.

1/ U N POSITIONNEMENT EMPATHIQUE , VECTEUR DE

COMMUNICATION

L'information circule dans l'entre-deux : entre celui qui la produit et qui la considère comme intéressante – pour un certain nombre de raisons qui lui sont propres – et celui qui peut en bénéficier. Le « bénéficiaire » est à la fois l’image que se fait l’émetteur de son récepteur potentiel et la personne qui – pour des raisons qui lui sont toutes aussi personnelles que celles de l’émetteur d’émettre – aura besoin de cette information en vue de son utilisation.

La « société de l’information » : du mirage collectif au projet partagé ? - 261 - Magali MACELI, Thèse de Doctorat, Université Paris 8, Saint-Denis, 2008

Pour ce qui nous concerne, nous considérons donc que l’information en soi n’a pas de valeur. C’est l’utilité dans la satisfaction d’un besoin qui permettra de lui attribuer – ou non – le statut d’information satisfaisante. Cette conception va à l’encontre de nombreuses théories et pratiques qui considèrent que l’offre crée forcément la demande. On peut considérer, que plus il y a d’offres, plus il y a de probabilités que l’une de celles-ci puisse croiser le besoin d’une personne à satisfaire, à un moment donné. En ce sens, la profusion pourrait donc contribuer à la satisfaction des besoins d’information. Cependant, afin d’éviter de tomber dans l’écueil, que nous avons pu mettre en lumière plus haut, de vouloir apporter « de l’information » comme seule et unique réponse à divers maux, il apparaît utile de s’outiller afin de clarifier les motivations et donc les besoins qui nous animent.

La Communication Non Violente (CNV) 1 semble ici pouvoir nous apporter quelques pistes concernant l’identification, l’écoute et la prise en compte de nos besoins et de ceux des autres. Ce processus de communication en quatre points, « nous engage à reconsidérer la façon dont nous nous exprimons et nous entendons l’autre. Les mots ne sont plus des réactions routinières et automatiques, mais deviennent des réponses réfléchies, émanant d’une prise de conscience de nos perceptions, de nos émotions et de nos désirs. »2. En quoi consiste cette démarche et quelles en sont les étapes ?

« Dans un premier temps, nous observons ce qui se passe réellement dans une situation donnée : qu’est-ce qui, dans les paroles ou les actes d’autrui, contribue ou non à notre bien-être ? […] Puis nous disons ce que nous ressentons en

1 Site de la Communication Non-Violente (CNV) : http://www.nvc-europe.org/france/ 2 Marshall B. ROSENBERG.- Les mots sont des fenêtres (ou bien ce sont des murs) : Initiation à la communication non violente , Découverte (La), 2003, p.11

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II/ POSTURE ET POSITIONNEMENT DES PROFESSIONNELS : QUELQUES PISTES A/ La clarification des besoins, une étape indispensable, mais comment faire ?

présence de ces faits […] En troisième lieu, nous précisons les besoins à l’origine de ces sentiments. […] Le quatrième élément indique précisément ce que l’on désire de la part de l’autre »1

Pour Marshall ROSENBERG, tous les êtres humains ont les mêmes besoins fondamentaux qui sont en nombre restreint. Il rejoint en cela Abraham MASLOW, que nous avons évoqué dans le chapitre précédent. Viser la satisfaction de ces besoins permettrait, selon Marshall ROSENBERG, de désamorcer conflits, malentendus, mal-êtres… mais favoriserait également la communication avec ses interlocuteurs. Son hypothèse est que trop souvent nous ne savons ni repérer, ni verbaliser, ni écouter ces besoins. Une attitude empathique envers soi et envers les autres favoriserait l’émergence et l’accueil de la parole, la prise en considération du besoin et par là même sa satisfaction.

Nous n’entrerons pas plus ici dans le détail de cette méthode 2 qui présente à notre sens un grand intérêt. Les points qui, au regard de nos problématiques, nous intéressent ici plus particulièrement sont les notions de besoin et d’empathie 3 telles que les abordent la CNV et le rôle déterminant dans le processus de communication qui leur est attribué. Nous l’aurons compris, la prise de conscience, l’écoute et l’accueil des besoins de chacun semblent incontournables pour parvenir à communiquer de façon satisfaisante avec autrui. Mais quelles mesures concrètes de ces principes, applicables dans le cadre d’une pratique de professionnel de l’information peut-on envisager ? Nous allons apporter quelques éléments de réponses à cette question dans le chapitre suivant.

1 Marshall B. ROSENBERG, op. cit., pp. 12-13. 2 Voir à ce sujet le site Internet relatif à la Communication Non Violente (CNV): http://www.nvc-europe.org/france/ 3 Nous reviendrons sur la notion d’Empathie dans le chapitre suivant.

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2/ L’ EMPATHIE UN EXERCICE DE HO RS - SO I ?

Adopter un positionnement d’écoute, plus que de réponse, demande de réaliser une opération de changement de positionnement interne qui peut, comme tout changement « à froid », se révéler anxiogène. La nécessité de cet exercice même si elle avait été formulée différemment, a déjà fait l’objet de recherche et de propositions. L’une d’entre elles est la notion de Hors-soi.

C’est dans le cadre du séminaire Cyberculture qu’il organise depuis plusieurs années au département Hypermédia de l’Université Paris 8 à Saint- Denis, que Claude BALTZ 1, expose son hypothèse du Hors-soi de la manière suivante :

« Pour s’informer et communiquer avec autrui, apparaît de plus en plus pour le sujet la nécessité d’être d’abord capable de “sortir de soi” (au moins métaphoriquement) se voir dans le monde, voir et interroger notre rapport à l’information et la communication, devenir l’objet de sa propre observation, se voir voir...»

Le Hors-soi consisterait par exemple à : « Être à même de se dire “Tiens, je m’informe... je suis en relation de communication !” »

Nous reviendrons par la suite plus précisément sur ce processus et ses répercussions en matière de pratiques professionnelles. Ajoutons, que l’usage que nous faisons personnellement de cette posture de Hors-soi consiste également à nous observer en train d’informer. Ce qui revient donc

1 Claude BALTZ, « Précis de cyberculture », Département Documentation & Hypermédia, Université Paris 8, 1998

- 264 - La « société de l’information » : du mirage collectif au projet partagé ? Magali MACELI, Thèse de Doctorat, Université Paris 8, Saint-Denis, 2008 4ème partie : LES ATTENTES FACE AUX IMPOSSIBLES DE L’INFORMATION, DE SES TECHNOLOGIES ET DE SES PROFESSIONNELS

II/ POSTURE ET POSITIONNEMENT DES PROFESSIONNELS : QUELQUES PISTES A/ La clarification des besoins, une étape indispensable, mais comment faire ?

également à se dire :

« Tiens ! J’informe quelqu’un…je suis en situation de communication »

C’est d’ailleurs l’exercice auquel nous faisions référence en évoquant les jeux de rôles effectués avec les Guildeurs qui à cette occasion devaient d’une certaine manière s’observer en train d’informer, fut-ce à travers leur site Internet. Cet exercice s’est d’ailleurs, comme nous l’avons vu, montré enrichissant.

Cette extrapolation – mentale - de soi, ce changement de perspective, est l’une des capacités que requiert l’adoption d’une posture empathique en matière de communication. Car la communication implique également à certains moments d’être en position d’écoute. L’empathie est l’une des meilleures postures, qui peut à la fois prendre en considération les besoins d’autrui et les comprendre de façon constructive. L’empathie est une capacité que nous pouvons développer, à prendre mentalement le point de vue qu’autrui a sur le monde, tout en conservant – mentalement toujours – notre identité. C'est-à-dire qu’il n’y a dans l’empathie ni confusion, ni identification entre soi et autrui. D’ailleurs, si tout le monde se mettait à la place de l’autre, personne ne serait plus à la sienne ! On peut donc définir l’empathie comme le processus qui consiste à prendre la perspective qu’autrui a sur le monde. Nous renvoyons là encore au concept de machine de vision énoncé par Paul VIRILIO 1 puis approfondi et développé par Claude BALTZ 2.

Bérangère THIRIOUX, philosophe et neuropsychologue, intervenait en mars

1 Paul VIRILIO.- La machine de vision , Galilée, 1994. 2 Claude BALTZ propose le concept de « machine de vision », qui permet différents regards sur les objets d’information qui nous entourent, et rappelle que les sciences de l’information et de la communication sont essentiellement un regard sur le monde, plutôt qu’une discipline, avant de poser la question d’un enseignement dans le secondaire.

La « société de l’information » : du mirage collectif au projet partagé ? - 265 - Magali MACELI, Thèse de Doctorat, Université Paris 8, Saint-Denis, 2008

2006, en remplacement d’Alain BERTHOZ 1, dans le cadre d’une conférence consacrée à l’empathie 2 et en donnait la définition suivante :

« Par empathie on désigne aujourd'hui la capacité que nous avons de nous mettre à la place d'autrui afin de comprendre ce qu'il éprouve. L'empathie, ainsi caractérisée, se distingue à la fois de la sympathie, de la contagion émotionnelle et du phénomène plus général de la simulation d'autrui. L'empathie se distingue de la sympathie sur une autre dimension. Dans les deux cas, la distinction soi/autrui est préservée. »

Le psychologue Carl ROGERS, s’est lui aussi consacré à l’étude de l'empathie, et c’est d’ailleurs lui qui en a popularisé le concept en développant sa méthode de thérapie non-directive . Il en donne la définition suivante :

« L’empathie ou la compréhension empathique consiste en la perception correcte du cadre de référence d’autrui avec les harmoniques subjectives et les valeurs personnelles qui s’y rattachent. Percevoir de manière empathique, c’est percevoir le monde subjectif d’autrui "comme si " on était cette personne – sans toutefois jamais perdre de vue qu’il s’agit d’une situation analogue, "comme si ". La capacité empathique implique donc que, par exemple, on éprouve la peine ou le plaisir d’autrui comme il l’éprouve, et qu’on en perçoive la cause comme il la perçoit (c’est-à-dire qu’on explique ses sentiments ou ses perceptions comme il se les

1 Alain BERTHOZ, Gérard JORLAND (Sous la dir.) .- L'Empathie , Odile Jacob, 2004. 2 Bérangère THIRIOUX, « L’empathie comme physiologie du changement de point de vue », L’Empathie, Conférence du 25 Mars 2006 à la Cité des sciences de La Villette dans le cadre du cycle de conférences Sciences et philosophie.

- 266 - La « société de l’information » : du mirage collectif au projet partagé ? Magali MACELI, Thèse de Doctorat, Université Paris 8, Saint-Denis, 2008 4ème partie : LES ATTENTES FACE AUX IMPOSSIBLES DE L’INFORMATION, DE SES TECHNOLOGIES ET DE SES PROFESSIONNELS

II/ POSTURE ET POSITIONNEMENT DES PROFESSIONNELS : QUELQUES PISTES A/ La clarification des besoins, une étape indispensable, mais comment faire ?

explique), sans jamais oublier qu’il s’agit des expériences et des perceptions de l’autre. Si cette dernière condition est absente, ou cesse de jouer, il ne s’agit plus d’empathie mais d’identification. »1

Il ajoutera à ce sujet quelques années plus tard qu’il s’agit «d’un processus d'entrée dans le monde perceptif d'autrui qui permet de devenir sensible à tous les mouvements des affects qui se produisent en lui» 2.

L’empathie peut faire – et fait d’ailleurs – l’objet de travaux 3 à part entière, nous n’irons pas aussi loin dans le cadre de la recherche qui est la nôtre. Ce qui nous intéresse ici plus particulièrement est d’une part comme nous l’avons vu l’idée de changement de perspective, et d’autre part la notion d’interaction entre les individus entourant le concept même d’empathie. Marie-Lise BRUNEL et Cynthia MARTINY abordent, dans un article 4 de la revue Carriérologie, la relation empathie / interaction dans un chapitre intitulé « Contribution des interactionnistes à l’empathie » :

« L'interaction est un terme général qui désigne l'action de deux (ou plusieurs) “objets” ou “phénomènes” l'un sur l'autre. Utilisé originellement dans le domaine des sciences physiques, ce n'est qu'à partir de la seconde moitié du XXème siècle qu'il est adopté par les sciences humaines pour prendre progressivement place aux côtés d'“actions réciproques”, de “relations interpersonnelles”, de

1 Carl Ransom ROGERS, Marian Godelieve KINGET.- Psychothérapie et relations humaines , Louvain, 1962, vol. 1, p.197. 2 Ibid. , Edition révisée, 1965. 3 Cf. Références bibliographiques en page 3. 4 Marie-Lise BRUNEL, Cynthia MARTINY.- « Les conceptions de l’empathie : avant, pendant et après Rogers », Carriérologie : revue francophone internationale , vol. 9, n°3, p.482.

La « société de l’information » : du mirage collectif au projet partagé ? - 267 - Magali MACELI, Thèse de Doctorat, Université Paris 8, Saint-Denis, 2008

“communications intersubjectives”. Il peut alors se définir comme "toute action conjointe, conflictuelle ou coopérative, mettant en présence deux ou plus de deux acteurs” 1. »

De même pour Jacques COSNIER 2 :

« Les pré-requis de l'interaction sont des conséquences du “postulat empathique” qui peut se résumer ainsi : autrui est capable de sentir et de penser comme moi et pense que j'en suis capable comme lui. »

C’est justement parce qu’il existe un lien entre l’empathie et l’interaction que les professionnels de l’information auraient probablement tout intérêt à développer ce type d’approche. Nous allons donc dans le prochain chapitre, tenter d’envisager quelques positionnements et postures possibles pour les professionnels de l’information. Nous évoquerons par la même occasion quelques écueils pouvant être évités ou du moins contournés.

1 Robert VION.- La communication verbale , Hachette, 1992, p.17. 2 Jacques COSNIER.-Psychologie des émotions et de sentiments , Retz, 2004, p.13.

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II/ POSTURE ET POSITIONNEMENT DES PROFESSIONNELS : QUELQUES PISTES B/ Une attitude générale face à l’information, des (ir-)responsabilités partagées

B/ UNE ATTITUDE GÉNÉRALE FACE À L ’INFORMATION ,

DES (IR -)RESPONSABILITÉS PARTAGÉES

1/ D ES DISCOURS CULPABILISATEURS , MORALISATEURS ET

PARFOIS INFANTILISANTS

« Aux États-Unis, même les enfants de 8 ans apprennent à se servir de cette technologie et à programmer les micro- ordinateurs. […] il est possible en quelques jours pour des enfants d’apprendre à l’utiliser […] On devient un spécialiste en quelques jours. […] Il n’y a plus besoin d’avoir une très grande compétence pour savoir utiliser ces micro- ordinateurs. Il suffit d’être intelligent et de s’y attacher pendant quelques jours. »1 - « Il faut apprendre l’informatique comme on apprend à écrire, c’est aussi simple et même plus simple ! Ces enfants […] apprennent plus vite à saisir, à maitriser et à utiliser l’ordinateur que l’on apprend à lire et à écrire. »2

Ces discours sont représentatifs du refrain régulièrement entendu au cours de nos visionnages des archives audiovisuelles. Étant dans l’impossibilité de retranscrire dans leur intégralité chaque intervention, nous avons choisi celles-ci qui condensent les idées véhiculées depuis plusieurs années sur la supposée simplicité d’usage et de manipulation des ordinateurs, d’Internet… Ce serait un jeu d’enfant puisque même eux y arrivent !

1 Rodney ZAKS, Antenne 2, 13/09/1978. 2 Jean-Jacques SERVAN-SCHREIBER, Antenne 2, 12/01/1983.

La « société de l’information » : du mirage collectif au projet partagé ? - 269 - Magali MACELI, Thèse de Doctorat, Université Paris 8, Saint-Denis, 2008

« Pas besoin d’être un spécialiste, pas besoin de choisir des applications toutes faites, n’importe qui en quelques jours d’apprentissage peut se servir d’un micro-ordinateur et le diriger à volonté. »1 - « Les enseignants […] devraient être 150.000 initiés au langage informatique d’ici la fin de l’année [en quelques mois] »2

À en croire les journaux télévisés, ne pas savoir manipuler un ordinateur ou naviguer sur Internet devient une ignorance qui serait délibérée - puisque si on veut, on peut ! - honteuse et désocialisante. Quelques émissions afin de démontrer que chacun peut et doit comprendre vont jusqu’à nous expliquer comment ça marche en ouvrant des machines et en faisant des schémas. Un peu comme si en nous expliquant comment fonctionne un moteur de voiture, on attendait que nous sachions tous comment la conduire : « Vous voyez ceci est une batterie, et ceci est l’alternateur… ». Ces détails techniques ne sont certes pas inutiles mais ne nous permettraient non seulement pas de savoir conduire, mais en plus ils pourraient en effrayer un certain nombre. Il y a d’ailleurs beaucoup plus de conducteurs que de personnes étant capables d’ouvrir le capot, de déceler une panne et de la réparer.

Par exemple, que nous apporte le schéma ci-dessous ? Quel est l’état de nos connaissances en matière de conduite de véhicule après avoir consulté cette illustration ? Ce n’est évidemment pas parce qu’on nous explique comment ça fonctionne qu’on sait s’en servir.

1 Reportage, Antenne 2, 13/09/1978. 2 Daniel DURANDET, FR3, 1985.

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II/ POSTURE ET POSITIONNEMENT DES PROFESSIONNELS : QUELQUES PISTES B/ Une attitude générale face à l’information, des (ir-)responsabilités partagées

Illustration 44- Moteur d’une automobile - Source : http://www.infovisual.info

Ce schéma et ces explications mécaniques ne remplacent pas la nécessité d’accorder un temps d’apprentissage et de pratique pour la conduite automobile afin d’obtenir le permis de conduire. Tout comme, les cours magistraux télévisuels ne remplaceront pas le temps, les manipulations et apprentissages nécessaires à l’usage de l’ordinateur et autres TIC.

Illustration 45 - Un certain regard : Ordinateur, deuxième, ORTF, 18/05/1969

Pourtant la question de savoir si les ordinateurs, Internet et les nouvelles technologies sont vraiment des outils que chacun peut facilement apprendre à utiliser et s'approprier se pose. Et les professionnels de

La « société de l’information » : du mirage collectif au projet partagé ? - 271 - Magali MACELI, Thèse de Doctorat, Université Paris 8, Saint-Denis, 2008

l’information et de la communication alertent régulièrement sur le sujet. Tout comme ils rappellent, à juste titre, les pré-requis toujours aussi indispensables pour manipuler des outils informatiques et en percevoir les enjeux. Nous reviendrons dans le prochain chapitre sur la culture et les habiletés informationnelles qui peuvent contribuer à développer un rapport averti à l’information et à la communication. Nous nous interrogerons cependant, là aussi, sur la mise en œuvre de ces intentions parfaitement louables et justifiées.

2/ C ULTURE ET HABILETÉS INFORMATIONNELLES : UNE

NÉCESSITÉ POUR QUI ET POURQUOI ?

Paulette BERNHARD, de l’École de bibliothéconomie et des sciences de l'information à l’Université de Montréal, fait le point dans l’un de ses articles 1 sur l'évolution de la notion de « maîtrise de l'information ». Selon elle :

«Les habiletés d'information constituent un ensemble de compétences dites “transversales” qui prolongent la notion antérieure de recherche en bibliothèque et s'inscrivent dans le domaine des habiletés cognitives, elles-mêmes reliées aux méthodes de travail intellectuel.[…] L'un des gages de réussite dans nos sociétés dites “de l'information” et “du savoir” est de développer la formation à la “maîtrise de l'information”, c'est-à-dire de viser l'acquisition d'habiletés d'information (ou encore de compétences informationnelles)

1 Paulette BERNHARD.- « Apprendre à “maîtriser” l’information : des habiletés indispensables dans une “société du savoir” », Les bibliothèques à l'ère électronique dans le monde de l'éducation , Volume XXVI, n°1, 1998 – Consultable sur le site de l’Association canadienne d’éducation de langue française (ACELF) : http://www.acelf.ca (article : http://www.acelf.ca/c/revue/revuehtml/26-1/09-bernhard.html).

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II/ POSTURE ET POSITIONNEMENT DES PROFESSIONNELS : QUELQUES PISTES B/ Une attitude générale face à l’information, des (ir-)responsabilités partagées

par le plus grand nombre possible de personnes - des habiletés de plus en plus considérées comme faisant partie du bagage scolaire minimal, au même titre que les habiletés en lecture, en écriture et en calcul.»

Sylvie CHEVILLOTTE 1, dans un article consacré à se sujet, restitue les thèmes abordés au cours du congrès intitulé : « Creating Knowledge : Information Literacy, Bridging the Gap between Teaching and Learning, Promoting the Educational Role of the Librarian » qui s’est tenu les 25 et 26 septembre 2003 à Akureyri, en Islande. Les compétences informationnelles – ou Information Literacy – y ont été largement abordées par Patricia BREIVIK 2, qui à l’occasion de son exposé d’ouverture réaffirme, la nécessité de penser la formation à la maîtrise de l’information dans un cadre large.

« Le défi du XXIe siècle sera d’amener l’ensemble des citoyens à maîtriser les flots d’informations accessibles grâce à Internet, notamment, et le défi de l’Information Literacy peut être comparé à celui de l’alphabétisation au siècle dernier. »

Quelques jours plus tôt, se tenait du 20 au 23 septembre 2003, à Prague en République Tchèque, la Conférence des experts sur la notion de compétence informationnelle, organisée avec le soutien de l’Unesco, par le Forum national sur les connaissances en information3 et la Commission nationale des Etats-Unis d'Amérique sur les bibliothèques et la Science de l'information 4. Cette conférence réunissant vingt-trois pays avait pour

1 Sylvie CHEVILLOTTE.- « Creating Knowledge : Information Literacy », BBF , n°1, 2004. 2 Patricia BREIVIK est, en 2003, la Présidente du Forum national sur l’ Information Literacy américain. 3 National Forum on Information Literacy. 4 National Commission on Libraries and Information Science (NCLIS).

La « société de l’information » : du mirage collectif au projet partagé ? - 273 - Magali MACELI, Thèse de Doctorat, Université Paris 8, Saint-Denis, 2008

ambition de débattre et de faire des propositions concernant « les principes de base en ce qui concerne la compétence informationnelle ». Une déclaration commune a, à la suite de la conférence, été émise : La déclaration de Prague 1 dont voici un extrait :

Tableau 16 - Extrait de la Déclaration de Prague relative aux compétences informationnelles

La «culture» ou la «maîtrise» de l'information

DÉCLARATION DE PRAGUE "VERS UNE SOCIÉTÉ COMPÉTENTE DANS L'USAGE DE L'INFORMATION "

• La compétence dans l'usage de l'information comprend la reconnaissance de ses besoins d'information et les capacités d'identifier, de trouver, d'évaluer et d'organiser l'information – ainsi que de la créer, de l'utiliser et de la communiquer efficacement en vue de traiter des questions ou des problèmes qui se posent ; elle est préalable à une pleine participation à la Société de l’information et fait partie du droit humain primordial d'apprendre tout au long de la vie.

Pour Claude BALTZ, plus que des habiletés spécifiques à développer, c’est une véritable culture informationnelle qu’il s’agit aujourd’hui de généraliser. Ainsi, affirmait-il au cours d’une conférence 2, lors du Congrès organisé à Nice en avril 2005 par la Fédération des associations des

1 La Déclaration de Prague, traduite par Paulette BERNHARDT est disponible en Annexe 5 en page 3. 2 Claude BALTZ.- « La cyberculture : " un driver obligé pour la Société de l’information ? " », Conférence au 7 ème congrès de la Fédération des Associations d’Enseignants Documentalistes de l’Éducation Nationale (FADBEN) à Nice, 08/04/2005.

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II/ POSTURE ET POSITIONNEMENT DES PROFESSIONNELS : QUELQUES PISTES B/ Une attitude générale face à l’information, des (ir-)responsabilités partagées

enseignants-documentalistes de l’Éducation Nationale (FADBEN) 1 ayant pour thème : « Information et démocratie : formons nos citoyens ! » :

« Nous ne pouvons nous intégrer dans notre société où l'information est dominante sans concevoir un rapport culturel aux technologies de l'information et de la communication. Ne pas disposer d'une telle culture revient à manquer d'un “pilote”. […] La cyberculture est le “driver” 2 obligé pour la Société de l’information. […] Il s'agit de s'orienter dans la Société de l’information. »

L'avènement de la Société de l’information, passerait donc au-delà de l’appropriation des outils technologiques, par le développement ou plus exactement l’intégration de compétences – d’habiletés – et d’une culture informationnelle. Il s’agirait donc de donner à chacun les moyens de devenir de plus en plus capable de chercher, trouver, d'évaluer, d'interpréter et d'exploiter des informations et de façon plus large de penser différemment une société au sein de laquelle la communication, l’information et donc les échanges entre individus ont explosé. L’information et la communication traitent en ce sens principalement de rapports sociaux. Il y aurait donc des exigences, quant à la capacité de tout un chacun de faire face aux ressources informationnelles. Faire face, l’expression ne semble pas exagérée, car comme nous l’avons étudié dans le chapitre consacré à ce sujet 3, il semblerait que certains risques - parfois pathologiques – se nourrissent de l’incompétence informationnelle.

1 Site Internet de la Fédération des Associations des enseignants-documentalistes de l’Éducation nationale (FADBEN) : http://www.fadben.asso.fr 2 Le terme anglais, " driver " désigne le pilote ou conducteur dans le langage courant. En informatique, un driver permet de faire fonctionner un nouveau matériel dans un ensemble existant. Sans le bon driver pas de fonctionnement possible. 3 Cf. « L’incompétence informationnelle : des risques pathologiques » en page 3

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Nous tenons cependant à attirer l’attention ici sur l’écueil vers lequel semblent se diriger nombre de professionnels et spécialistes de l’information et de la communication. En effet, bien que nous partagions tout à fait les déclarations, intentions et réflexions relatives à notre vécu informationnel 1, il apparait cependant nécessaire de mettre en garde contre un autre fantasme lié à l’information. En effet, à vouloir trop pousser certaines bonnes volontés, il importe de ne pas tomber dans l’extrême inverse car le souhait de faire de chacun des professionnels ou des spécialistes de l’information parait aussi totalement illusoire.

1 Cf. en référence à nos propos développés dans le chapitre consacré au Vivre informationnel en page 3

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CONCLUSION

CONCLUSION

Concernant le positionnement des professionnels, nous l’avons vu, la prise en considération des besoins d’informations, des usages potentiels de l’information, sont indispensables. Mais si ces réflexions font et ont déjà fait l’objet de nombreux travaux, il nous paraissait ici important de le rappeler de manière à ce que chacun puisse intégrer ces idées dans sa pratique courante. Luc FAYARD donne le conseil suivant à ses étudiants :

« Donner un contenu à sa communication oblige à aller au- delà de la communication implicite, source de malentendus : souvent, on ne dit pas ce qu’il y a à dire parce que soit on pense que c’est évident soit on pense que l’autre comprendra. Dans la réalité, chacun vit dans son propre univers avec son jargon et sa culture et il est très rare que cet univers puisse correspondre axe pour axe à l’univers de l’autre. Ne pas dire ce qu’il y a à dire peut aboutir à trois effets indésirables : une surinterprétation, une sous- interprétation et une interprétation erronée. »1

Nous ne pourrons bien entendu pas deviner ce qui n’est pas dit, mais avoir conscience de ce phénomène permet d’adopter un point de vue 2 différent et ainsi de s’adonner à l’exercice de Hors-soi que nous avons présenté plus haut. Cela consiste donc à développer une discussion interne : « Je suis en train d’essayer d’informer quelqu’un. Pourquoi ? Quel est le besoin de mon interlocuteur ? Quel est mon

1 Luc FAYARD.- Maîtriser son information, Synthèse du cours à l’Université Paris-Dauphine, Magistère des sciences de gestion, 2004/2005, p.7 - Consultable à l’adresse suivante : http://fayardandco.free.fr/dauphine/lecture.pdf 2 Nous renvoyons ici à la notion de machines de vision développée par Claude BALTZ

La « société de l’information » : du mirage collectif au projet partagé ? - 277 - Magali MACELI, Thèse de Doctorat, Université Paris 8, Saint-Denis, 2008

besoin d’informer ? Quel est le besoin que cherche à satisfaire mon employeur ? – dans le cadre professionnel – Dans quel contexte je me situe ?... »

D’autres prises de conscience, telles que celle de l’existence d’une strate de vivre informationnel peut permettre d’aborder la mise à disposition d’informations et leur accessibilité sous un nouvel angle. Chacun peut ainsi ajuster sa posture et sa stratégie de communication.

Par ailleurs, nous savons maintenant que la notion d’effort est une variable qui entre en ligne de compte dans le processus de satisfaction du besoin d’information. Ainsi, que ce soit pour les outils de recherche – ergonomie, interface, esthétique… – ou pour les produits documentaires de restitution de résultats de recherches, on ne peut plus se contenter de présentation austère sous prétexte d’efficacité de l’outil. On ne peut plus feindre d’ignorer ce que Jean-François DORTIER 1 nous rappelle :

« La présentation influe insidieusement sur le message : la forme agit sur le fond, le contenant sur le contenu. […] D’excellentes idées ou informations peuvent être noyées si elles sont exprimées sous forme complexe ou ennuyeuse. »

C’est, là aussi, un niveau sur lequel peuvent intervenir les professionnels de l’information qui, en travaillant sur la facilitation de l’accès à l’information, peuvent faire en sorte que la pénibilité de l’accès masque le moins possible l’intérêt potentiel d’une information.

1 Jean-François DORTIER.- « La communication : omniprésente, mais toujours imparfaite », La communication état des savoirs , Sciences humaines, 1 ère édition, 1998.

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CONCLUSION GÉNÉRALE

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CONCLUSION GÉNÉRALE

Comme nous avons pu le constater tout au long de ce mémoire, à travers l’étude des discours politiques et audiovisuels relatifs aux TIC et à la Société de l’information, ceux-ci ont entraîné dans leur sillage engouements et fascination pour certains, expectatives et craintes pour d’autres. D’un côté, le positivisme et la croyance dans les capacités de la technologique à porter le progrès, de l’autre, une vision mécaniste et la crainte de voir remplacer les humains par les outils alimentent différents types de scénarii catastrophes. Quels que soient les positionnements, le développement des TIC et d’Internet ne laisse pas indifférent et a déjà donné lieu à une littérature abondante et à un nombre important de travaux de recherche de diverses disciplines : science de l’information, de la communication, sociologie, psychologie, économie…

Les professionnels de l’information, occupent ici une place intermédiaire et ont un rôle particulier à jouer. Le positionnement intermédiaire revient à se trouver en position de vecteur d’information sans en être l’émetteur initial, ni le destinataire visé et/ou final (parfois différent du récepteur ciblé ou imaginé par l’émetteur). Nous l’avons déjà évoqué à plusieurs reprises, les émetteurs comme les récepteurs sont animés par des motivations et des besoins qui leurs sont propres et qui se rencontrent parfois. Il importe peu, d’ailleurs, que les besoins et les motivations de départ soient différents, du moment que la satisfaction finale soit partagée. C’est là le rôle du professionnel, qui revient ici à faire en sorte que des besoins, des intentions, des motivations - et accessoirement des documents - puissent se croiser et interagir.

Pour ce faire, nous pouvons tirer les quelques enseignements des pages précédentes. On saura par exemple distinguer dans le besoin d’information ce qui relève du besoin d’être informé des uns et du besoin

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d’informer des autres. Une des difficultés courantes que pourront rencontrer les professionnels – et qui pourra maintenant être habilement contournée – tient en ce que bien souvent c’est l’émetteur lui-même qui confond son besoin d’émission et le besoin d’être informé du récepteur qu’il imagine. Prendre conscience de l’écart existant entre la commande initiale, les représentations à l’œuvre à ce moment, les besoins de sa hiérarchie et les besoins de « ses » usagers, permet de développer une vision globale de la situation informationnelle dans laquelle on se trouve. Cela permet surtout de comprendre quelles sont les attentes verbalisées ou non – conscientes ou inconscientes – des uns et des autres.

Pour ce qui concerne les « usagers » de l’information eux-mêmes, le nécessaire développement de compétences et plus globalement d’une attitude avertie face à l’information apparaissent toujours d’une nécessité criante. Malheureusement aucune recette miracle n’existe en la matière. Nous nous hasarderons cependant à proposer quelques ingrédients pouvant peut-être permettre de mieux goûter et apprécier l’information et muer ainsi de gourmands et gloutons à gourmets en la matière :  1 pincée de bon sens  Quelques grains d’esprit critique  2 ou 3 onces de recul  Les ustensiles et une quantité adaptés à nos besoins

Bien entendu, et les lecteurs de ce mémoire ne pourront en être que convaincus, nous partageons la conviction que chacun est aujourd’hui concerné, à quel que degré que ce soit, par l’information et la communication qui font partie intégrante des outils et modes de fonctionnements de notre société. Il importe donc pour les professionnels de l’information d’outiller, d’avertir, de guider… Cependant, tout le monde est effectivement concerné mais personne ne peut être spécialiste de tout. Si des sciences de l’information, de la communication et même de la documentation existent et qu’on les considère

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comme de véritables disciplines ; si leurs objets d’études sont complexes et demandent des compétences, savoirs, savoir-faire et même des savoirs- être… alors on ne peut ni attendre ni vouloir que chacun (le grand public) s’y connaisse autant qu’un professionnel en la matière sous prétexte qu’il est concerné au quotidien. Ce serait un peu comme si les médecins attendaient que chacun parce que concerné par sa santé, développe une culture médicale allant au-delà de l’éducation à la santé.

Ce qui revient aussi à accepter l’idée que « OUI ! », l’information et la communication sont des choses sérieuses et pointues. Elles relèvent de processus, de mécanismes et d’enjeux complexes et parfois techniques. Elles requièrent des connaissances, une technicité et une approche spécifiques que seuls les professionnels et spécialistes peuvent à ce jour apporter, développer et partager.

Il y aurait déjà un gros chantier à engager pour que les habiletés, les compétences et le vécu informationnel dont nous traitons ici, puissent être maîtrisés par les tous les professionnels de l’information, de la documentation et de la communication eux-mêmes, ce qui à notre connaissance n’est encore pas majoritairement le cas. Adopter ce positionnement, sans condescendance aucune, pourrait peut-être permettre de rompre l’isolement et le mal-être dont souffrent nombre de professionnels en la matière 1, qui ne parviennent souvent pas à faire reconnaître la plus- value qu’ils peuvent apporter.

Nous l’aurons vérifié, l’information donne lieu à des processus et mécanismes de communication, qui se développent à des niveaux très différents et sous des formes multiples. Il nous semble donc que c’est en

1 Nous nous appuyons pour émettre cette remarque sur notre expérience professionnelle. En effet, nous avons eu dans ce cadre à rencontrer plus d’une centaine de documentalistes entre 2004 et 2007 qui pour une grande partie (presque 50%) n’avait pas de formation en la matière préalablement à leur prise de fonction.

La « société de l’information » : du mirage collectif au projet partagé ? - 283 - Magali MACELI, Thèse de Doctorat, Université Paris 8, Saint-Denis, 2008

regardant les activités qu’elle suscite et les processus qu’elle génère, qu’elle peut le mieux s’appréhender, comme une dynamique complexe, aléatoire et imprécise, mais tellement humaine…

- 284 - La « société de l’information » : du mirage collectif au projet partagé ? Magali MACELI, Thèse de Doctorat, Université Paris 8, Saint-Denis, 2008 ANNEXES

ANNEXES

La « société de l’information » : du mirage collectif au projet partagé ? - 285 - Magali MACELI, Thèse de Doctorat, Université Paris 8, Saint-Denis, 2008

- 286 - La « société de l’information » : du mirage collectif au projet partagé ? Magali MACELI, Thèse de Doctorat, Université Paris 8, Saint-Denis, 2008 ANNEXES

ANNEXE 1 : Statuts et mission de l’INA

Annexe 1 - Présentation des statuts et missions de l'INA disponible sur le site Internet http://www.ina.fr

ANNEXE 1 : STATUTS ET MISSION DE L ’INA

La « société de l’information » : du mirage collectif au projet partagé ? - 287 - Magali MACELI, Thèse de Doctorat, Université Paris 8, Saint-Denis, 2008

Statuts et missions [L’Ina au cœur du patrimoine audiovisuel à l’heure du numérique [Statuts et missions

L’Institut national de l’audiovisuel est un Établissement Public à caractère Industriel et

Commercial (EPIC), créé par la réforme de l’audiovisuel menée en 1974 et mis en place le 6 janvier 1975.

[Le rôle de l’État

L’État fixe le cadre général, législatif, réglementaire et financier dans lequel l’Ina assure ses missions. Il dispose du pouvoir de contrôle sur ses activités : présence de représentants de

l’État et de parlementaires au Conseil d’Administration, questions parlementaires, enquêtes et

rapports. [Principales missions

Première entreprise publique à avoir conclu un contrat d’objectif et de moyens avec l’État,

er (quelques mois avant le vote de la loi du 1 août 2000 relative à la liberté de Communication), l’Ina a pour principales missions : > La conservation du patrimoine audiovisuel national

Assurer la collecte des programmes audiovisuels,

Préserver et restaurer les fonds, Offrir des services documentaires renouvelés et efficaces, Renforcer l’accessibilité aux images et aux sons dans l’environnement Internet.

> L’exploitation et la mise à disposition de ce patrimoine

Développer l’exploitation commerciale des fonds,

Valoriser les archives à des fins scientifiques, éducatives et culturelles. > L’accompagnement des évolutions du secteur audiovisuel à travers ses activités de recherche, de production et de formation Renforcer la convergence des activités de recherche et expérimentation vers la mission patrimoniale, Accroître le caractère innovant de la production de création et de recherche, Orienter la formation professionnelle vers les technologies numériques. ••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••

- 288 - La « société de l’information » : du mirage collectif au projet partagé ? Magali MACELI, Thèse de Doctorat, Université Paris 8, Saint-Denis, 2008 ANNEXES

ANNEXE 2 : Extrait (Introduction) du Programme d’action gouvernemental pour l’entrée de la France dans la Société de l’information (PAGSI)

Annexe 2

ANNEXE 2 : EXTRAIT (I NTRODUCTION ) DU

PROGRAMME D ’ACTION GOUVERNEMENTAL POUR

L’ENTRÉE DE LA FRANCE DANS LA SOCIÉTÉ DE

L’INFORMATION (PAGSI)

La « société de l’information » : du mirage collectif au projet partagé ? - 289 - Magali MACELI, Thèse de Doctorat, Université Paris 8, Saint-Denis, 2008

- 290 - La « société de l’information » : du mirage collectif au projet partagé ? Magali MACELI, Thèse de Doctorat, Université Paris 8, Saint-Denis, 2008 ANNEXES

ANNEXE 2 : Extrait (Introduction) du Programme d’action gouvernemental pour l’entrée de la France dans la Société de l’information (PAGSI)

Préparer l'entrée de la France dans la société de l'inform@tion

Programme d'action gouvernemental

La « société de l’information » : du mirage collectif au projet partagé ? - 291 - Magali MACELI, Thèse de Doctorat, Université Paris 8, Saint-Denis, 2008

Introduction

Construire une société de l'information solidaire

- 292 - La « société de l’information » : du mirage collectif au projet partagé ? Magali MACELI, Thèse de Doctorat, Université Paris 8, Saint-Denis, 2008 ANNEXES

ANNEXE 2 : Extrait (Introduction) du Programme d’action gouvernemental pour l’entrée de la France dans la Société de l’information (PAGSI)

Les enjeux de la Société de l’information

CONSTRUIRE UNE SOCIÉTÉ DE L’INFORMATION SOLIDAIRE

L'émergence de la Société de l’information se manifeste par un ensemble de transformations profondes. Avec la généralisation de l'usage des technologies et des réseaux d'information, l'informatisation de la société, annoncée dès la fin des années soixante-dix, est désormais une réalité que traduit de manière concrète le concept de " Société de l’information ".

La numérisation de l'information, l'informatisation des modes de production et d'échange, la croissance de la part immatérielle de la richesse produite et le développement des nouveaux réseaux comme Internet ont de fortes répercussions sur notre économie, mais aussi sur la vie des citoyens.

Marquée par une évolution technologique de plus en plus rapide, la révolution de l'information s'accompagne d'une mondialisation des flux d'information dans laquelle les nouveaux réseaux multimédias ne connaissent plus de frontière.

L'entrée de la France dans la Société de l’information constitue un enjeu décisif pour l'avenir

Ces transformations, qui dessinent une véritable mutation de notre société, font des conditions de l'entrée de la France dans la Société de l’information un enjeu décisif pour l'avenir.

L'enjeu économique est évident. L'industrie du multimédia, où se retrouvent informatique, télécommunications et audiovisuel, constitue désormais l'un des moteurs de la croissance et un gisement d'emplois prometteur.

L'information devient une richesse stratégique, une des conditions de notre compétitivité.

Les produits issus de l'activité intellectuelle représentent déjà, et représenteront encore davantage dans l'avenir, une part déterminante de la richesse collective. Dans une large mesure, la compétition internationale du siècle prochain sera une bataille de l'intelligence.

Les bouleversements introduits par les technologies de l'information dépassent largement le seul enjeu économique : l'essor des nouveaux réseaux d'information et de communication offre des promesses sociales, culturelles et, en définitive, politiques.

La transformation du rapport à l'espace et au temps qu'induisent les réseaux

La « société de l’information » : du mirage collectif au projet partagé ? - 293 - Magali MACELI, Thèse de Doctorat, Université Paris 8, Saint-Denis, 2008

d'information permet des espoirs démocratiques multiples, qu'il s'agisse de l'accès au savoir et à la culture, de l'aménagement du territoire ou de la participation des citoyens à la vie locale.

La technologie doit être mise au service de la société

L'essor des nouveaux réseaux d'information mondiaux comme Internet constitue un défi considérable pour les Etats, habitués à intervenir dans un cadre national maîtrisé. La circulation accrue des données personnelles et la place croissante des technologies de l'information et de la communication dans l'environnement professionnel suscitent des appréhensions nombreuses.

Pourtant, les promesses que recèle la Société de l’information justifient une vision optimiste de l'avenir. L'entrée dans la Société de l’information peut se traduire par une société plus solidaire, plus ouverte et plus démocratique.

C'est pourquoi le gouvernement propose aux Français un projet et une vision politiques des technologies de l'information et de la communication fondés sur l'ambition d'une Société de l’information solidaire.

Le gouvernement entend ainsi agir pour faciliter le développement de la Société de l’information en France tout en permettant l'accès du plus grand nombre aux nouveaux services.

Un programme d'action pour marquer l'engagement du Gouvernement

Le programme d'action gouvernemental pour la Société de l’information marque l'engagement de l'État, en soulignant, domaine par domaine, les enjeux et les priorités, assortis de propositions concrètes.

Ce document, qui mêle lignes stratégiques de moyen terme et mesures opérationnelles, entend tracer une perspective à l'action du gouvernement dans ce domaine pour les années à venir.

Le programme d'action gouvernemental constituera une référence pour les administrations, mais aussi et surtout pour l'ensemble des acteurs de la société qui attendent une intervention volontaire et durable de l'Etat.

La démarche du gouvernement vise à distinguer nettement ce qui relève de l'action directe de l'État, comme la modernisation des services publics ou le développement des technologies de l'information et de la communication à l'école, des domaines dans lesquels l'État peut simplement donner l'exemple, inciter et sensibiliser les acteurs.

L'État ne peut tout faire dans ce domaine. Il est donc essentiel que la société prenne des initiatives par l'engagement des citoyens, des entreprises, des collectivités locales

- 294 - La « société de l’information » : du mirage collectif au projet partagé ? Magali MACELI, Thèse de Doctorat, Université Paris 8, Saint-Denis, 2008 ANNEXES

ANNEXE 2 : Extrait (Introduction) du Programme d’action gouvernemental pour l’entrée de la France dans la Société de l’information (PAGSI)

et des associations.

L'action du Gouvernement repose sur l'ouverture d'un débat public

Le gouvernement a la conviction que dans ce domaine, les solutions ne peuvent être imposées à la société par les pouvoirs publics. Aussi ce programme, s'il constitue le cadre de l'action publique, ne doit pas être figé. Il devra au contraire être enrichi en s'appuyant sur le débat public auquel donneront lieu les grandes options proposées pour faire entrer la France dans la Société de l’information.

La « société de l’information » : du mirage collectif au projet partagé ? - 295 - Magali MACELI, Thèse de Doctorat, Université Paris 8, Saint-Denis, 2008

- 296 - La « société de l’information » : du mirage collectif au projet partagé ? Magali MACELI, Thèse de Doctorat, Université Paris 8, Saint-Denis, 2008 ANNEXES

ANNEXE 3 - Chronologie des étapes du droit de vote en France

Annexe 3 - Chronologie des étapes du droit de vote en France - Source : http://www.vie-publique.fr

ANNEXE 3 - CHRONOLOGIE DES ÉTAPES DU DROIT DE

VOTE EN FRANCE

La « société de l’information » : du mirage collectif au projet partagé ? - 297 - Magali MACELI, Thèse de Doctorat, Université Paris 8, Saint-Denis, 2008

- 298 - La « société de l’information » : du mirage collectif au projet partagé ? Magali MACELI, Thèse de Doctorat, Université Paris 8, Saint-Denis, 2008 ANNEXES

ANNEXE 3 - Chronologie des étapes du droit de vote en France

CHRONOLOGIE DES ÉTAPES DU DROIT DE VOTE EN FRANCE SOURCE : HTTP :// WWW .VIE -PUBLIQUE .FR

Quelles sont les étapes de la conquête du droit de vote ?

1. 1791 : le suffrage censitaire et indirect En 1791, la France est gouvernée par une monarchie constitutionnelle mise en place par la Constitution du 14 septembre 1791. Dans ce régime, la Souveraineté appartient à la Nation mais le droit de vote est restreint. Le suffrage est dit censitaire ; seuls les hommes de plus de 25 ans payant un impôt direct (un cens) égal à la valeur de trois journées de travail ont le droit de voter. Ils sont appelés “ citoyens actifs ”. Les autres, les “ citoyens passifs ”, ne peuvent pas participer aux élections. Le suffrage est aussi indirect car les citoyens actifs élisent des électeurs du second degré, disposant de revenus plus élevés, qui à leur tour élisent les députés à l’Assemblée nationale législative. Après une brève application du suffrage universel masculin pour élire la Convention en 1792, le suffrage censitaire et indirect est rétabli par le Directoire en 1795. Il existe toujours des électeurs de premier et de second degré. Pour être électeur du premier degré, il faut payer des impôts ou avoir participer à une campagne militaire. Les électeurs du second degré doivent être titulaires de revenus élevés, évalués entre 100 et 200 journées de travail selon les cas. Par ailleurs pour être élu, il faut être âgé de 30 ans minimum pour siéger au Conseil des Cinq Cents et de 40 ans pour le Conseil des Anciens.

2. 1799 : suffrage universel masculin mais limité La Constitution du 22 brumaire an VIII (13 décembre 1799) a mis en place le régime du Consulat. Elle institue le suffrage universel masculin et donne le droit de vote à tous les hommes de plus de 21 ans. Mais il est limité par le système des listes de confiance. Il s’agit d’un scrutin à trois degrés : les électeurs désignent au suffrage universel un dixième d’entre eux pour figurer sur les listes de confiance communales, ces derniers choisissent ensuite un dixième d’entre eux pour l’établissement des listes départementales, qui eux-mêmes élisent un dixième d’entre eux pour former une liste nationale. Le Sénat choisit ensuite sur cette liste nationale notamment les membres des assemblées législatives, les tribuns et les consuls. Le peuple ne désigne donc pas encore directement ses représentants.

3. 1815 : suffrage censitaire La défaite de Napoléon Ier à Waterloo a entraîné la chute de l’Empire et la mise en place d’une monarchie constitutionnelle, la Restauration. Le suffrage universel masculin est aboli et le suffrage censitaire rétablit. Seuls les hommes de trente ans payant une contribution directe de 300 francs ont le droit de vote. Pour être élu, il faut avoir 40 ans et payer au moins 1 000 francs de contributions directes. La loi électorale du 29 juin 1820 du double vote permet aux électeurs les plus imposés de voter deux fois. Ces mesures cherchent à avantager les grands propriétaires fonciers, c’est-à-dire l’aristocratie conservatrice et légitimiste. Après la révolution des Trois glorieuses (27, 28, 29 juillet 1830), la Restauration fait place à la Monarchie de Juillet. Le droit de vote est élargi. Le suffrage est toujours censitaire mais le cens nécessaire pour être électeur passe de 300 à 200 francs, et de 1 000 à 500 francs pour être élu. De même, l’âge minimum pour voter est abaissé de 30 à 25 ans et celui pour être élu de 40 à 30 ans. Enfin, la loi du double vote, qui permettait aux électeurs les plus imposés de voter deux fois, est supprimée.

4. 1848 : suffrage universel masculin Le mouvement révolutionnaire qui éclate en février 1848 met fin à la Monarchie de juillet et institue la Seconde République. Le suffrage universel masculin est alors adopté par le décret du 5 mars 1848 et ne sera plus remis en cause. Sont électeurs tous les Français âgés de 21 ans et jouissant de leurs droits civils et politiques. Le droit d’être élu est accordé à tout électeur de plus de 25 ans. Le vote devient secret.

5. 1944 : droit de vote des femmes et suffrage universel. L’ordonnance du 21 avril 1944 donne aux femmes de plus de 21 ans le droit de vote et rend ainsi le droit de suffrage réellement universel. Les femmes votent pour la première fois aux élections municipales de mars 1945. Pendant longtemps le droit de vote avait été refusé aux femmes en raison d’arguments misogynes : les femmes seraient faites pour être des mères et de bonnes épouses, ce qui ne serait pas compatible avec l’exercice du droit de vote ou d’un mandat politique. Par ailleurs, certains hommes politiques redoutaient l’influence qu’aurait pu avoir l’Église sur le vote des femmes. La Première Guerre mondiale et l’apparition des suffragettes a fait progressivement évoluer le débat.

6. 1974 : droit de vote à 18 ans Le président de la République Valéry Giscard-d’Estaing abaisse par la loi du 5 juillet 1974 l’âge d’obtention du droit de vote à 18 ans au lieu de 21 ans.

La « société de l’information » : du mirage collectif au projet partagé ? - 299 - Magali MACELI, Thèse de Doctorat, Université Paris 8, Saint-Denis, 2008

- 300 - La « société de l’information » : du mirage collectif au projet partagé ? Magali MACELI, Thèse de Doctorat, Université Paris 8, Saint-Denis, 2008 ANNEXES

ANNEXE 4 : Document de travail Guilde des doctorants

Annexe 4 - Document de travail Guilde des doctorants

ANNEXE 4 : DOCUMENT DE TRAVAIL GUILDE DES

DOCTORANTS

La « société de l’information » : du mirage collectif au projet partagé ? - 301 - Magali MACELI, Thèse de Doctorat, Université Paris 8, Saint-Denis, 2008

- 302 - La « société de l’information » : du mirage collectif au projet partagé ? Magali MACELI, Thèse de Doctorat, Université Paris 8, Saint-Denis, 2008 Site Guilde des Doctorants

Guilde des doctorants – « Cartographie » du site Internet http://guilde.jeunes-chercheurs.org - [Extraits]

Première phase : Carte du contenu en vue de l’élaboration de la carte des usages

Pages représentées :

Code couleurs :

Magali Maceli – Juillet 2004 - 303 -

ANNEXES

ANNEXE 4 : Document de travail Guilde des doctorants

Représentation graphique du site internet de la Guilde des doctorants

A partir des différentes grandes rubriques du site, naviguer et répertorier les différents « chemins » de navigation possibles. Premiers constats

Une multitude de pages et de renvois : on peut

accéder à tout de partout ou ne découvrir une information qu’après visite d’un grand nombre de

pages.

Beaucoup de liens « cassés » vers pages du site, documents ou autre sites.

Pertinence informationnelle : TROP D’INFORMATION

TUE L’INFORMATION

Avant de restructurer ou (ré)organiser : tri nécessaire (pages périmées, liens cassés, doublons…)

Afin de trier : besoin d’un inventaire des différentes pages du site mais aussi de tous les documents disponibles en ligne et des liens vers d’autres sites.

Méthode : Acharnement ! Cliquer de façon systématique sur tous les liens (sauf mél.) disponibles sur une page et « creuser ». Au fur et à mesure de l’exploration des liens, représentation graphique.

Proposition de structuration de l’information Élaboration d’un « plan de classement » (cf. page suivante) afin de : Concernant les internautes : organiser l’information et guider ainsi la navigation. Concernant les adhérents et/ou contributeurs à l’alimentation du site : définir précisément des « cases » dans lesquels se « classent » les informations.

Remarques en vrac Beaucoup de liens cassés à enlever ou à réactualiser Pas d’accès rapidement visible en ce qui concerne les DEA Trop pages archives (concours) pas nécessaires avec message : cette page n’est plus d’actualité – Penser périodicité de l’archivage Trop de choix dans les chemins d’accès : peuvent être restreints GSL = moteur de recherche ou rubrique ? Normaliser les adresses du site

Site Guilde des Doctorants

Première trame de proposition d’une structure sur 3 niveaux à compléter

Motivations Enjeux Outils

Présentation de Histoire de la GDD / l’association Archives La Guilde

Vie de l’association Présentation des actions

A quoi ça sert ? Réflexions/ débats

Master et Doctorat Comment on fait ? Guide du doctorant

Propositions de Kit de survie thèses

Projet professionnel Docnet

Emploi et concours Recherche/Offres d’emplois (outils GSL- GSL jobs)

Concours Profils de postes

Fonds Textes juridiques documentaires (outils GSL) Littérature grise

Liste HD-Expats

Listes de diffusion Liste HotDocs Information - Communication Le Mag Tri par numéro

Carte des associations Annuaires et sites

Magali Maceli – Juillet 2004 - 305 -

ANNEXES

ANNEXE 4 : Document de travail Guilde des doctorants

Les listes de diffusion

Site Guilde des Doctorants

GSL – Mag -Web

Magali Maceli – Juillet 2004 - 307 -

ANNEXES

ANNEXE 4 : Document de travail Guilde des doctorants

Qu’est-ce que la GDD ?

Site Guilde des Doctorants

Les textes législatifs

Magali Maceli – Juillet 2004 - 309 -

ANNEXES

ANNEXE 4 : Document de travail Guilde des doctorants

Opération profils de postes

Site Guilde des Doctorants Appel de la Guilde

Magali Maceli – Juillet 2004 - 311 -

ANNEXES

ANNEXE 4 : Document de travail Guilde des doctorants

Textes thématiques

Site Guilde des Doctorants

1- Qu’est-ce que la GDD 1.1- Présentation courte 1.2- Historique 1.3- Réalisations marquantes de la GDD 1.4- Le manifeste de la GDD 1.5- Le Libre

2- Appel de la GDD 2.1- Point presse sur l ‘appel de la GDD 2.2- Réunion GDD/ Ministère de la recherche (07/03/2001) 2.3- Projet de serveur web institutionnel pour les doctorants

3- Profils de postes 3.1- Concours enseignants chercheurs (par année) 3.2- Profils de postes communication vers les établissements 3.3- Mode d’emploi 3.4- Principes généraux 3.5- Les phases de l’opération PP

4- Les textes législatifs 4.1- Les nouveautés juridiques 4.2- Les séniors 4.3- textes par ordre chronologique 4.4- textes par thématiques 4.5- Quelques repères juridiques 4.6- Sélection de liens

5- Les listes de diffusion 5.1- Les archives HotsDocs 5.2- FAQ HD-Expats 5.3-La liste HotDocs par ordre chronologique inverse 5.4- FAQ HotDocs

Magali Maceli – Juillet 2004 - 313 -

ANNEXES

ANNEXE 4 : Document de travail Guilde des doctorants

La « société de l’information » : du mirage collectif au projet partagé ? Magali MACELI, Thèse de Doctorat, Université Paris 8, Saint-Denis, 2008 - 314 - ANNEXES

ANNEXE 5 : Déclaration de Prague

Annexe 5 - Déclaration de Prague

ANNEXE 5 : DÉCLARATION DE PRAGUE

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ANNEXE 5 : Déclaration de Prague

La « société de l’information » : du mirage collectif au projet partagé ? Magali MACELI, Thèse de Doctorat, Université Paris 8, Saint-Denis, 2008 - 316 - ANNEXES

ANNEXE 5 : Déclaration de Prague

DÉCLARATION DE PRAGUE

"VERS UNE SOCIÉTÉ COMPÉTENTE DANS L'USAGE DE L'INFORMATION "

Nous, participants à la Conférence des experts sur la notion de compétence informationnelle organisée, avec le soutien de l'UNESCO, par la National Commission on Library and Information Science et le National Forum on Information Literacy et tenue à Prague, République tchèque, du 20 au 23 septembre 2003, représentant 23 pays de l'ensemble des sept principaux continents, nous proposons les principes de base suivants en ce qui concerne la compétence informationnelle :

• Mettre en place une Société de l’information est la clé du développement

social, culturel et économique des nations et des communautés, des institutions et des personnes, pour le 21 ème siècle et au-delà.

• La compétence dans l'usage de l'information comprend la reconnaissance de ses besoins d'information et les capacités d'identifier, de trouver, d'évaluer et d'organiser l'information – ainsi que de la créer, de l'utiliser et de la communiquer efficacement en vue de traiter des questions ou des problèmes qui se posent; elle est préalable à une pleine participation à la Société de l’information et fait partie du droit humain primordial d'apprendre tout au long de la vie.

• La compétence dans l'usage de l'information, associée à l'accès à l'information essentielle et à l'utilisation effective des technologies de l'information et de la communication, joue un rôle capital dans la réduction des inégalités à l'intérieur et entre les nations et les peuples, ainsi que dans la promotion de la tolérance et de l'entente mutuelle grâce à l'utilisation de l'information dans des contextes multiculturels et multilinguistiques.

• Les gouvernements devraient mettre en place de solides programmes interdisciplinaires à l'échelle des nations visant à identifier la compétence dans l'usage de l'information comme une étape nécessaire en vue de combler le fossé numérique, grâce à la formation de citoyens compétents dans l'usage de l'information, d'une société civile effective et d'une main- d’œuvre compétitive.

• La compétence dans l'usage de l'information intéresse tous les secteurs de la société ; elle devrait être adaptée au contexte et aux besoins spécifiques de chacun d'entre eux.

La « société de l’information » : du mirage collectif au projet partagé ? Magali MACELI, Thèse de Doctorat, Université Paris 8, Saint-Denis, 2008 - 317 - ANNEXES

ANNEXE 5 : Déclaration de Prague

• La compétence dans l'usage de l'information devrait faire partie intégrante de «L'Éducation pour Tous» qui peut être décisive dans l'atteinte des objectifs du «Développement de l'ONU pour le Millénaire» et pour le respect de la «Déclaration universelle des droits de l'homme».

Vu le contexte ci-dessus, nous proposons que les gouvernements, la société civile et la communauté internationale fassent diligence pour prendre en considération les recommandations suivantes:

• Le rapport de la conférence de Prague tenue en septembre 2003 devrait faire l'objet d'études et ses recommandations, ses plans stratégiques et ses initiatives en matière de recherche devraient être mis en place rapidement, selon les exigences de la situation (le rapport sera diffusé en décembre 2003).

• Les progrès et les possibilités en relation avec la mise en place des recommandations ci-dessus devraient être évalués lors d'un congrès international sur la compétence dans l'usage de l'information qui pourrait être organisé durant la première moitié de 2005.

• Il conviendrait que la communauté internationale envisage la possibilité que la «Décennie des Nations Unies pour l'alphabétisation» (2003-2012) inclue la compétence dans l'usage de l'information.

Traduction par Paulette BERNHARD

La « société de l’information » : du mirage collectif au projet partagé ? Magali MACELI, Thèse de Doctorat, Université Paris 8, Saint-Denis, 2008 - 318 - BIBLIOGRAPHIE & SOURCES

BIBLIOGRAPHIE & SOURCES

La « société de l’information » : du mirage collectif au projet partagé ? Magali MACELI, Thèse de Doctorat, Université Paris 8, Saint-Denis, 2008 - 319 - BIBLIOGRAPHIE & SOURCES

Documents mentionnés dans le mémoire par ordre alphabétiques d’auteurs

Documents mentionnés dans le mémoire par ordre alphabétiques d’auteurs

ADORNO Théodor, HORKHEIMER Marx  Dialektik der Aufklärung , 1947 – Traduit en français sous le titre : La dialectique de la raison , Gallimard, 1974

ANSEMBOURG (d’) Thomas  Être heureux ce n’est pas nécessairement confortable , Éditions de l’Homme, 2004

ARANGUREN José L.  Sociologie de l’information .- Hachette, 1967

ARMAGNAC (d') Bertrand, MATHIEU Bénédicte  « L'information tend à devenir un produit de consommation - Les Français changent leur manière de consommer l’information ».- Le Monde , 24/12/2004

ARNHEIM Rudolph  Film as Art.- Traduction française : Le cinéma est un art .- Arche (L’), 1989

ASSENS Christophe, PHANUEL Dominique  Le management en réseau de la citoyenneté locale : cas de Parthenay .- IUT d’Evreux, 2000

AUBENAS Florence, BENASAYAG Miguel  La fabrique de l’information : Les journalistes et l’idéologie de la communication .- coll. : Sur le vif, Découverte (La), 1999

AUTISSIER David, LAHLOU Saadi  Les limites organisationnelles des TIC : émergence d’un phénomène de saturation cognitive .- 4e Conférence de l’Association Information et Management (AIM) à Cergy-Pontoise, 1999

BALMAIN Marie, LAVILLE Elisabeth  Achetons responsable ! : Mieux consommer dans le respect des hommes et de la nature .- Seuil, 2006

BALTZ Claude  La cyberculture : " un driver obligé pour la Société de l’information ? " .- Conférence au 7ème congrès de la Fédération des Associations d’Enseignants Documentalistes de l’Éducation Nationale (FADBEN) à Nice, 08/04/2005  Précis de cyberculture. - Département Documentation & Hypermédia, Université Paris 8, 1998

BAQUIAST Jean-Paul  Propositions sur les apports d'Internet à la modernisation du fonctionnement

La « société de l’information » : du mirage collectif au projet partagé ? Magali MACELI, Thèse de Doctorat, Université Paris 8, Saint-Denis, 2008 - 320 - BIBLIOGRAPHIE & SOURCES

Documents mentionnés dans le mémoire par ordre alphabétiques d’auteurs

de l'Etat .- Rapport d'orientation remis au Premier ministre le 1er Juin 1998

BAQUIAST Jean-Paul, TURC Alain  La Révolution Internet et l’administration française .- Admiroutes, 1996

BAUMAN Serge, ÉCOUVES Alain  L’information manipulée .- Ed. de la Revue politique et parlementaire, 1981

BAUME (de la) Renaud, BERTOLUS Jean-Jérôme  Les nouveaux maîtres du monde .- Belfond, 1995

BENASAYAG Miguel - Voir AUBENAS .-

BERROYER Jackie (Préf.)  Contestations [Enregistrement sonore : coffret de 9 disques 33t] .- Interprètes : Georges MOUSTAKI, Joan Pau VERDIER, Catherine RIBEIRO, PatrickMOULLET, Gilles SERVAT... [et al], Dial, 1978

BERTHOZ Alain, JORLAND Gérard ( (sous la dir. de )  L'Empathie .- Odile Jacob, 2004

BERTOLUS Jean-Jérôme - Voir BAUME (de la) .-

BOULLE Pierre  Les jeux de l’esprit .- J’ai Lu, 1971

BOURDIEU Pierre  Sur la télévision .- coll. : Raison d'agir, Liber, 2001

BOURDIEU Pierre, PASSERON Jean-Claude  « Sociologues des mythologies et mythologies des sociologues », Les temps modernes , no 211, 1963

BRECHON Pierre, TCHERNIA Jean-François  « L'évolution des valeurs des Français. », .- Futuribles, n°253, 2000

BRETON Philippe  L’utopie de la communication .- coll. : Essai, Découverte (La), 1997

Bernard BRUNHES Consultants  Les collectivités territoriales se mettent aux nouvelles technologies. - 2002

BRUNEL Marie-Lise, MARTINY Cynthia  Les conceptions de l’empathie : avant, pendant et après Rogers. - Carriérologie, vol. 9, n°3, 2004

BULOT Christine, POGGI Dominique (et al. .- Contributions Magali MACELI)  Droit de cité pour les femmes .- Editions de l’Atelier, 2004

CABIN Philippe - Voir MISSIKA .-

CHOMSKY Noam, HERMAN Edward S.

La « société de l’information » : du mirage collectif au projet partagé ? Magali MACELI, Thèse de Doctorat, Université Paris 8, Saint-Denis, 2008 - 321 - BIBLIOGRAPHIE & SOURCES

Documents mentionnés dans le mémoire par ordre alphabétiques d’auteurs

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CONTENAY Anne-Julie  Débranchez, travaillez. - L’Expansion, n°712, 2006

COSNIER Jacques  Psychologie des émotions et de sentiments .- Retz, 2004

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DELORS Jacques  Le livre blanc : Croissance, compétitivité et emploi : Les défis et les pistes pour entrer dans le XIXème siècle .- Communauté européenne, 1993

DEPAQUIT Serge  Renouveler la démocratie…oui, mais comment ? .- ADELS, 2005

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ÉCOUVES Alain - Voir BAUMAN .-

La « société de l’information » : du mirage collectif au projet partagé ? Magali MACELI, Thèse de Doctorat, Université Paris 8, Saint-Denis, 2008 - 322 - BIBLIOGRAPHIE & SOURCES

Documents mentionnés dans le mémoire par ordre alphabétiques d’auteurs

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HERMAN Edward S. - Voir CHOMSKY .-

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La « société de l’information » : du mirage collectif au projet partagé ? Magali MACELI, Thèse de Doctorat, Université Paris 8, Saint-Denis, 2008 - 323 - BIBLIOGRAPHIE & SOURCES

Documents mentionnés dans le mémoire par ordre alphabétiques d’auteurs

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LAHLOU Saadi - Voir AUTISSIER .-

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LAVILLE Elisabeth - Voir BALMAIN .-

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MATHIEU Bénédicte - Voir ARMAGNAC (d') .-

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MATTELART Armand et Michèle  Histoire des théories de la communication .- coll. : Repères, Découverte (La), 2004

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Médiamétrie  Enquête équipement radio .- 2006

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La « société de l’information » : du mirage collectif au projet partagé ? Magali MACELI, Thèse de Doctorat, Université Paris 8, Saint-Denis, 2008 - 325 - BIBLIOGRAPHIE & SOURCES

Documents mentionnés dans le mémoire par ordre alphabétiques d’auteurs

des savoirs , Sciences Humaines, 1999

MOCHON Jean-Philippe  Téléprocédures : le cadre juridique. - Forum des Droits de l’Internet, Berger- Levrault, 2002

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MOOERS Calvin Northrup  Annual meeting of the American Documentation Institute .- LeHigh University, 1959

MOSCOVICI Serge  La psychanalyse, son image, son public , PUF, Coll. bibliothèque de psychanalyse, 2 ème éd., 1976  Voir JODELET .-

MUZET Denis  La Mal Info : Enquête sur des consommateurs de médias .- Aube (L'), Coll. : Monde en cours, 2006

NORA Simon - Voir MINC .-

NOTHOMB Amélie  Péplum .- Albin Michel, 1996

NOUALHAT Laure  « Objecteur de croissance ».- Libération , 27/06/2005

PASSERON Jean-Claude - Voir BOURDIEU .-

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PHANUEL Dominique - Voir ASSENS .-

PIEJUT Geneviève - Voir RODES .-

PLAS Emmanuèle - Voir RODES .-

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POGGI Dominique - Voir BULOT .-

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La « société de l’information » : du mirage collectif au projet partagé ? Magali MACELI, Thèse de Doctorat, Université Paris 8, Saint-Denis, 2008 - 326 - BIBLIOGRAPHIE & SOURCES

Documents mentionnés dans le mémoire par ordre alphabétiques d’auteurs

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REVELLI Carlo (collab.) - Voir ROSNAY (de) .-

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RODES Jean-Michel, PIEJUT Geneviève, PLAS Emmanuèle  La mémoire de la Société de l’information , UNESCO, 2003

ROGERS Carl Ransom, KINGET Marian Godelieve  Psychothérapie et relations humaines .- Louvain, 1959

ROSENBERG Marshall B.  Les mots sont des fenêtres (ou bien ce sont des murs) : Initiation à la communication non violente .- Découverte (La), 2003

ROSNAY (de) Joël, REVELLI Carlo (collab.)  La révolte du pronétariat : des mass média aux média des masses .- Fayard, 2005

ROUQUETTE Céline  Un tiers des adultes ont déjà utilisé Internet .- INSEE première, n°850, Division Conditions de vie des ménages, INSEE, juin 2002

ROUQUETTE Michel-Louis - Voir FLAMENT .-

SANSALONI Rémy  Le non-consommateur : Comment le consommateur reprend le pouvoir .- Dunod, 2006

SEGRÉ Gilles  La fabrication télévisuelle de la star : loft story sous le regard du sociologue .- Réseaux, n°137, Lavoisier, 2006

SEMPRINI Andrea  Analyser la communication : Comment analyser les images, les médias, la publicité .- Harmattan (L'), 1996

SERVAN-SCHREIBER Jean-Jacques  Le défi américain .- Denoël, 1967  Le défi mondial .- LGF, 1981

SHANNON Claude, WEAVER Warren  La théorie mathématique de la communication .- CEPL, 1975 (pour l’édition française)

SPERBER Dan, WILSON Deirdre  La pertinence : communication et cognition .- Minuit, 1989

La « société de l’information » : du mirage collectif au projet partagé ? Magali MACELI, Thèse de Doctorat, Université Paris 8, Saint-Denis, 2008 - 327 - BIBLIOGRAPHIE & SOURCES

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STAKOWSKI Robert MONTFORT Elizabeth - Voir JUBERT .-

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TCHERNIA Jean-François - Voir BRECHON .-

THÉRY Gérard  Les autoroutes de l'information .- Documentation Française (La), 1994

TOUSSAINT Yves  Scénarios prospectifs d’usages, d’objets et de réseaux de communication .- DATAR, Aube (L’), 1994

TRISTANI-POTTEAUX Françoise  L'information malade de ses stars .- Alésia, 1983

TURC Alain - Voir BAQUIAST .-

VALASKAKIS Kimon  IOIU, Information overload, information underuse : a new challenge to society .- Actes de la 13e conférence annuelle de l'Association canadienne des sciences de l’information (ACSI) : Informatique et sciences de l'information: à la croisée des chemin, Association pour l’avancement des sciences et techniques documentaires (ASTED), 1995

VION Robert  La communication verbale .- Hachette, 1992

WEAVER Warren - Voir SHANNON .-

WIENER Norbert  Cybernétique et société .- Ed.10/18, 1954

WILSON Deirdre - Voir SPERBER .-

WOLTON Dominique  Internet et après ? – Une théorie critique des nouveaux médias .- Flammarion, 1999

La « société de l’information » : du mirage collectif au projet partagé ? Magali MACELI, Thèse de Doctorat, Université Paris 8, Saint-Denis, 2008 - 328 - BIBLIOGRAPHIE & SOURCES

Documents vidéo mentionnés dans le mémoire par ordre chronologique

Documents vidéo mentionnés dans le mémoire par ordre chronologique

 Journal télévisé : La page spéciale du journal télévisé : Les sciences. Interview de Albert DUCROCQ : la cybernétique, 1ère partie.- Jacques BLOCH-MORHANGE, Jean ROYER, ORTF, 14/12/1961  Journal télévisé : La page spéciale du journal télévisé : Les sciences.- Interview de Albert DUCROCQ : la cybernétique, 2ème partie.- Jacques BLOCH-MORHANGE, Jean ROYER, ORTF, 21/12/1961  Journal télévisé de 20h : L'informatique : interview de Robert GALLEY .- François DE CLOSETS, ORTF, 29/09/1966  Journal télévisé de 20h : Le plan Calcul .- François DE CLOSETS, ORTF, 14/04/1967  Panorama : Notre ordinateur au quotidien .- Louis DOUCET, ORTF, 25/09/1969  Un certain regard – 1 ère partie : Le langage .- Émission de François MOREUIL, William SKYVINGTON, Service de la recherche, ORTF, 14/05/1972  Journal télévisé de 20h.- Roger GICQUEL, TF1, 19/05/1978  Question de temps : L'ordinateur et votre avenir : les micros ordinateurs.- Émission de Louis BERIOT, Jean-Pierre ELKABBACH , Antenne 2, 13/09/1978  Question de temps : La télématique : l’informatique.- Émission de Louis BERIOT, Jean-Pierre ELKABBACH, Antenne 2, 25/09/1978  Journal télévisé de 13h : L’informatique. TF1, 10/12/1978  Journal télévisé de 20h : La bureautique.- Jean-Claude BOURRÉ, TF1, 10/11/1980  Journal télévisé de 20h.- Reportage de Patrick HESTERS, Antenne 2, 23/09/1982  Journal télévisé Midi 2.- Noel MAMÈRE, Reportage de Geoges LECLERE, Antenne 2, 12/01/1983  Journal télévisé Midi 2.- Noel MAMÈRE, Reportage de Gilles LECLERC, Antenne 2, 21/12/1983  Journal télévisé Soir 3.- reportage de Daniel DURANDET, FR3, 25/01/1985  Journal télévisé de la nuit : Dernière.- Reportage d’Henri LEGOY, Antenne 2, 26/09/1989  Metropolis, Reportage sur Bill GATES, ARTE, 1995  Journal télévisé de 20h.- Daniel BILALIAN, Reportage de Patricia CHARNELET, A2, 06/02/1995  Journal télévisé de 20h.- Bruno MASURE, Reportage de Christian-Marie MONOT, France 2, 25/02/1995  Journal télévisé Soir 3.-Catherine MATAUSCH, Reportage de François POULET- MATHIS, France 3, 26/02/1995  Journal télévisé Soir 3.- Catherine MATAUSCH, France 3, 12/05/1995  Journal télévisé de 20h.- Bruno MASURE, France 2, 22/10/1995  Journal télévisé Soir 3.- Henri SANNIER, Reportage de Patrick HESTER, France 3, 24/01/1996  Journal télévisé Midi 2.- Antoine CORMERY, France 2, 26/08/1997  Journal télévisé de 20h.- Daniel BILALIAN, France 2, 26/08/1997  Dimanche Soir.- Christine OCKRENT, Gilles LECLERC, France 3, 07/09/1997

La « société de l’information » : du mirage collectif au projet partagé ? Magali MACELI, Thèse de Doctorat, Université Paris 8, Saint-Denis, 2008 - 329 - BIBLIOGRAPHIE & SOURCES

 Journal télévisé Midi 2.- Antoine CORMERY, France 2, 16/01/98  Journal télévisé de 20h.- Béatrice SCHONBERG, Reportage de Patricia CHARNELET, France 2, 20/03/1998  Journal télévisé 19/20.- Élise LUCET, Reportage de Valérie PATOLE, France 3, 11/01/2000  Journal télévisé de 20h. – Benoît DUQUESNE, France 2 – 22/07/2000  Journal télévisé de 20h.- David PUJADAS, Reportage de Laurence DECHERF, France 2, 19/06/2002  Journal télévisé de 20h.- David PUJADAS, Reportage de Isabelle QUINTARD, France 2, 20/10/2004

La « société de l’information » : du mirage collectif au projet partagé ? Magali MACELI, Thèse de Doctorat, Université Paris 8, Saint-Denis, 2008 - 330 - BIBLIOGRAPHIE & SOURCES

Liste des tableaux

Liste des tableaux

Tableau 1 - Extraits de la Convention collective nationale de travail des journalistes 3 Tableau 2 - Équipement des ménages en multimédia par catégorie socioprofessionnelle (en %) ...... 3 Tableau 3 - Équipement radiophonique des ménages – Enquête Médiamétrie, 20063 Tableau 4 –Résultat de recherches dans la base de dépôt légal télévision (DLTV) ...3 Tableau 5 - Recoupement des résultats de recherche...... 3 Tableau 6 - Répartition radio / télévision du nombre de réponses ...... 3 Tableau 7 - RE/SO 2007 : Texte de présentation – Source : http://www.Internet.gouv.fr ...... 3 Tableau 8 - Statut juridique du citoyen - Source : http://www.vie-publique.fr...... 3 Tableau 9 - Extrait du bilan moral 2000-2002 de la guilde des Doctorants...... 3 Tableau 10 - Extrait de la rencontre de la réunion de la Guilde du 17/05/2003 ...... 3 Tableau 11- Extrait de L'allégorie de la Caverne - Platon ...... 3 Tableau 12 - Extrait de Péplum d'Amélie NOTHOMB ...... 3 Tableau 13 - Définition du B2i - Source Educnet ...... 3 Tableau 14 - Extrait des résultats de l'enquête Médiamétrie, Mai 2007 ...... 3 Tableau 15 - Extrait du Guide des Doctorants relatif au financement de la thèse - Source : GDD ...... 3 Tableau 16 - Extrait de la Déclaration de Prague relative aux compétences informationnelles...... 3

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Table des illustrations

Table des illustrations

Illustration 1 – Les jeux de l'esprit (Couverture) - Pierre BOULLE...... 3 Illustration 2 - Écran de recherche Hyperbase, Inathèque ...... 3 Illustration 3 - Page spéciale, ORTF, 1961 ...... 3 Illustration 4 - Jacques BLOCH-MORHANGE, Albert DUCROCQ, ORTF, 1961...... 3 Illustration 5 - Robert GALLEY, ORTF, 1966 ...... 3 Illustration 6 - François DE CLOSETS, ORTF, 1967...... 3 Illustration 7 - Ordinateurs, 1969...... 3 Illustration 8 - Un certain regard, ORTF, 1972 ...... 3 Illustration 9 - Robot, 1972...... 3 Illustration 10 - Journal télévisé de 20h, 1978...... 3 Illustration 11 - Journal télévisé de 20h - TF1, 1978 ...... 3 Illustration 12 – Louis BÉRIOT, Antenne 2, 1978...... 3 Illustration 13 - J.P. ELKABBACH, Question de temps, Antenne 2, 1978 ...... 3 Illustration 14 - Salle d’ordinateurs, Antenne 2, 1978...... 3 Illustration 15 - Application télématique ...... 3 Illustration 16 - Standard téléphonique, 1978...... 3 Illustration 17 - Roger Gicquel, TF1, 28/09/1979 ...... 3 Illustration 18 - Valéry Giscard d'Estaing, 1979 ...... 3 Illustration 19 - Jean-Claude Bourré, TF1, 1980 ...... 3 Illustration 20 - Noël MAMÈRE, Antenne 2, 1983 ...... 3 Illustration 21 - Georges LECLERE, Antenne 2, 1983 ...... 3 Illustration 22 – J.J. SERVAN-SCHREIBER, Antenne 2, 1983 ...... 3 Illustration 23 - Noël MAMÈRE, Antenne 2, 1983 ...... 3 Illustration 24 - Minitel, 1983...... 3 Illustration 25 - Laurent FABIUS, 1983 ...... 3 Illustration 26 - Ordinateur portable, 1989...... 3 Illustration 27 - Daniel BILALIAN, 1995...... 3 Illustration 28 - Christian-Marie MONOT, France 2, 1995 ...... 3 Illustration 29 - François POULET-MATHIS:, FR3, 26/02/1995 ...... 3 Illustration 30 - Catherine MATAUSCH,...... 3 Illustration 31 - Bruno MASURE, France 2, 1995...... 3 Illustration 32 - Henri SANNIER, FR3, 24/01/1996 ...... 3 Illustration 33 – Lionel JOSPIN, Hourtin, 1997...... 3 Illustration 34 - 19/20, France 3, 11/01/2000 ...... 3 Illustration 35 - Benoît DUQUESNE, France 2, 2000...... 3 Illustration 36 - David PUJADAS, France 2, 2002...... 3 Illustration 37 - France : Couverture en téléphonie mobile – Source DIACT ...... 3 Illustration 38 - Fonction pyramidal de l'administration...... 3 Illustration 39 - La caverne - Source Wikipédia ...... 3 Illustration 40 – Couverture, La route du futur , Bill GATES ...... 3 Illustration 41 - Affiche de la campagne de sensibilisation ...... 3 Illustration 42 – Pyramide de MASLOW...... 3 Illustration 43 - Processus satisfaction des besoins / motivation...... 3 Illustration 44- Moteur d’une automobile - Source : http://www.infovisual.info...... 3 Illustration 45 - Un certain regard : Ordinateur, deuxième, ORTF, 18/05/1969...... 3

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Liste des sites internet mentionnés

Liste des sites internet mentionnés

Admiroutes : http://www.admiroutes.asso.fr...... 121 Association canadienne d’éducation de langue française (ACELF) : http://www.acelf.ca ...... 274 Délégation interministérielle à la Ville (DIV) : http://www.ville.gouv.fr ...... 136 Guy LACROIX, « Cybernétique et société : Norbert Wiener ou les déboires d'une pensée subversive », Terminal, N° 61, 1993. Consultable sur le Internet : http://www.terminal.sgdg.org/articles/61/identitespouvoirslacroix.html#gen0 ...... 46, 109, 124 Site de l'ADBS : http://www.adbs.fr...... 194 http://www.ina.fr ...... 52, 53 Livre en ligne : http://www.pronetariat.com/livre/ ...... 192 Portail de la Société de l’information géré par le Service d’information du Gouvernement (S.I.G.), service du Premier ministre : http://www.Internet.gouv.fr ...... 107 Site consacré à l’Histoire de la Gladiature : http://dupainetdesjeux.ifrance.com/...... 43 Site de l’Association pour la Démocratie et l’Éducation Locale et Sociale (ADELS) : http://www.adels.org...... 133 Site de la Communication Non-Violente (CNV) : http://www.nvc- europe.org/france/...... 264 Site de Médiamétrie : http://www.mediametrie.fr – Rubrique Internet...... 213 Site Educnet : http://www.educnet.education.fr/ ...... 211 Site Internet ATTAC France : http://www.france.attac.org ...... 133 Site Internet consacré notamment à l’agriculture biologique : htt://www.intelligenceverte.org ...... 198 Site Internet de la Délégation interministérielle à l’aménagement et à la compétitivité des territoires (DIACT) : http://www.diact.gouv.fr ...... 105 Site Internet de la Fédération des Associations des enseignants- documentalistes de l’Éducation nationale (FADBEN) : http://www.fadben.asso.fr...... 277 Site Internet de Radio France Internationale (RFI): http://www.rfi.fr ...... 216 Site Internet du Groupe de Réflexion sur l’Obésité et le Surpoids (GROS) : http://www.gros.org ...... 193

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Liste des sites internet mentionnés

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INDEX & TABLE DES MATIÈRES

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INDEX DES NOMS PAR ORDRE ALPHABÉTIQUE

INDEX DES NOMS PAR ORDRE ALPHABÉTIQUE

A

ADORNO, Théodor Wiesengrund .. 35 COSNIER, Jacques...... 270 ANSEMBOURG (d') Thomas 241, 322 CROZIER, Michel ...... 66 ARANGUREN, José...... 161, 229 ARANGUREN, José L...... 41, 45, 161, D 229 ARNHEIM, Rudolph ...... 162 DE CLOSETS, François .... 63, 64, 65, ASSENS, Christophe ...... 134 70, 174 ASSOULINE, Pierre ...... 215, 216 DEBRÉ, Michel...... 65 AUBENAS, Florence ...... 25, 26 DECHERF, Laurence ...... 94, 95 AUTISSIER, David ...... 191 DEGIOVANNI, Pascal ...... 145 DELORS, Jacques...... 108, 324 B DEPAQUIT, Serge...... 133 DONNAT, Olivier ...... 51, 324 BALLADUR, Edouard...... 104 DORTIER, Jean-François .... 202, 225, BALMAIN, Marie...... 184, 185, 188 230, 231, 280 BALTZ, Claude...... 13, 112, 248, 266, DOUCET, Louis...... 66 276, 277 DUCROCQ, Albert..... 61, 62, 63, 168, BASQUIAT, Jean-Pierre...... 118, 121 171 BENASAYAG, Miguel...... 25, 26 DUIGOU, Daniel ...... 76 BERIOT, Louis ...... 71 DUMAZEDIER, Joffre ...... 36 Bernard BRUHNES Consultants DUQUESNE, Benoît ...... 94 Bernard BRUHNES Consultants .. 135 DURANDET, Daniel...... 84 BERNHARD, Paulette ...... 274 DURKHEIM, Émile...... 155, 324 BERROYER, Jackie...... 33 BERTHOZ, Alain ...... 268 E BILALIAN, Daniel ...... 86, 90, 178 BLOCH-MORHANGE, Jacques61, 62, ELKABBACH, Jean-Pierre 71, 73, 174 168 EL-KAIM, William...... 144 BOULLE, Pierre...... 43 BOURDIEU, Pierre.....30, 36, 45, 323, F 328 BOURRÉ, Jean-Claude...79, 171, 174 FABIUS, Laurent...... 84, 85 BRECHON, Pierre ...... 133 FAYARD, Luc ...... 262, 279 BREIVIK, Patricia ...... 275 FIRER-BLAESS, Sylvain ...... 214, 215 BRETON, Philippe...... 203 FLAMENT, Claude...... 156, 164 BRUNEL, Marie-Lise ...... 269 G C GALLEY, Robert...... 63, 64 CABIN, Philipe ...... 35, 323, 327 GATES, Bill...... 175 CHANTEPIE, Philippe ...117, 118, 119 GICQUEL, Roger ...... 69 CHARNELET, Patricia...... 86, 91, 93 GIRAUD, André ...... 76 CHEVILLOTTE, Sylvie ...... 275 GISCARD D’ESTAING, Valéry .....103 CHOMSKY, Noam...... 27 GISCARD D'ESTAING, Valéry ...... 78 CHOO, Chun Wei...... 238 GUICHARD, Olivier ...... 65 COLEMAN, Yves...... 175 GUIGOT, André...... 37 CONSTANT, Fred ...... 134 Guilde CORMERY, Antoine...... 90 , 92 , 177

La « société de l’information » : du mirage collectif au projet partagé ? Magali MACELI, Thèse de Doctorat, Université Paris 8, Saint-Denis, 2008 - 336 - INDEX & TABLE DES MATIÈRES

INDEX DES NOMS PAR ORDRE ALPHABÉTIQUE

Guilde des Doctorants129, 143, 144, LE GOAZIOU, Véronique...... 261 145, 146, 147, 148, 204, 205, 243, LE PAIGE, H UGUES ...... 38, 40, 326 251, 259, 303, - 306 -, 333 LECLERC, Gilles...... 83, 91 GUILLEBAUD, Jean-Claude... 46, 124 LECLERE, Georges...... 81 GUYOT, Brigitte...... 261 LECOURT, Dominique...... 206 LEGOY, Henri...... 85 H LEMARCHAND, François ...... 184 LUCET, Elise ...... 93 HALIMI, Serge ...... 27 HERMAN, Edward...... 27 M HESTERS, Patrick...... 80 HORKHEIMER, Max. 35, 36, 322, 325 MAAREK, Philippe ...... 39 MACELI, Magali .....13, 112, 136, 246, I 323, 327 MAMÈRE, Noël...... 81, 83 INA ...... Voir Institut National de MARC, Edmond ...... 228, 254 l'Audiovisuel, Voir Institut National MARCUSE, Herbert ...... 35 de l'Audiovisuel, Voir Institut MARTINY, Cynthia...... 269 National de l'Audiovisuel MASLOW, Abraham.....232, 233, 234, INA (Institut National de l'Audiovisuel) 235 ...... 49 MASURE, Bruno ...... 87, 89, 179 Institut National de l’Audiovisuel (INA) MATAUSCH, Catherine.....88, 89, 174 ...... 52, Voir INA, Voir INA MATTELART, Armand .108, 225, 227, 248, 327 J MÉADEL, Cécile ...... 29 JAKOBSON, Roman...... 229 MEGDICHE, Cyrille...... 236 JAPIOT, Olivier ...... 117, 119 MESSMER, Pierre ...... 65 JEANNERET, Yves ...... 166, 167, 175 MI ÈGE, Bernard...... 125, 261 JODELET, Denise ...... 155, 325, 328 MINC, Aain...... 69, 103, 104 JORLAND, Gérard...... 268 MINC, Alain...... 69, 75, 103 JOSPIN, Lionel ...... 90, 91 , 114, 177 MISSIKA, Jean-Louis ...... 35 JUBERT, Francis...... 115 MOCHON, Jean-Philippe ...... 123 JUVÉNAL ...... 44 MOLES, Abraham...... 37, 191, 192 MONET, Dominique...... 207 K MONOT, Christian-Marie...... 87, 170 MONTFORT, Elizabeth ...... 115 KAPUSCINSKI, Ryszard...... 158, 162 MOOERS, Calvin ...... 239 KINGET, Marian Godelieve ...... 269 MOOERS, Calvin Northrup ...... 239 MOOERS, Calvin Northrup ...... 239 L MOSCOVICI, Serge...... 155, 328 LABASSE, Bertrand...... 109 MUZET, Denis ...... 183, 184, 192, 194 LACROIX, Guy ...... 109 LAHLOU, Saadi ...... 191 N LASFARGUE, Yves ..... 126, 190, 208, NORA, Simon . 69, 70, 73, 74, 75, 103 209 Norbert WIENER...... 109 LASSERRE, Bruno...... 117, 118, 119 NOTHOMB, Amélie...... 162 LASSWELL, Harold D...... 254 LATOUR, Bruno...... 29 LAVILLE, Elisabeth...... 184, 185, 188 O LE COADIC, Yves-François. 208, 236, OCKRENT, Christine ...... 91 237, 239

La « société de l’information » : du mirage collectif au projet partagé ? Magali MACELI, Thèse de Doctorat, Université Paris 8, Saint-Denis, 2008 - 337 - INDEX & TABLE DES MATIÈRES

INDEX DES NOMS PAR ORDRE ALPHABÉTIQUE

P SCHAEFFER, Pierre ...... 67 SCHUMAN, Maurice...... 65 PASSERON, Jean-Claude .... 36, 323, SEGRÉ, Gilles ...... 40 328 SEMPRINI, Andrea...... 58 PATOLE, Valérie...... 93 SHANNON, Claude ...... 226 PHANUEL, Dominique ...... 134 SIMONNOT, Brigitte ...... 237 PIEJUT, Geneviève...... 112, 328, 329 SPERBER, Dan...... 239 PLAGNOL, Henri...... 115 STAKOWSKI, Robert...... 115 PLAS, Emmanuèle...... 112, 328, 329 STRAUSS-KAHN, Dominique...... 113 PLATON...... 158 SUTTER, Eric ...... 194 POULET-MATHIS, François...... 88 SUTTER, Éric ...... 194 PUJADAS, David...... 94, 95 SUZANNE, Bernard...... 159

Q T QUÉAU, Philippe...... 125 TCHERNIA, Jean-François ...... 133 THÉRY, Gérard ...... 104 R TOUSSAINT, Yves ...... 208 TRAUTMANN, Catherine...... 91, 92 RAFFARIN, Jean-Pierre...... 115 RAMONET, Ignacio...... 23 TRISTANI-POTTEAUX, Françoise .39 TURC, Alain...... 121 RIEFFEL, Rémy ...... 27 ROCHE, Daniel ...... 245 RODES, Jean-Michel ....112, 328, 329 V ROGERS, Carl Ransom...... 268, 269 VALASKAKIS, Kimon ...... 191 ROSENBERG, Marshall...... 264, 265 VION, Robert...... 270 ROSNAY (de), Joël ...... 192 VIRILIO, Paul...... 160, 267 ROUQUETTE, Michel-Louis.. 94, 156, 164 W ROYER, Jean...... Voir , Voir , Voir WALES, Jimmy...... 214 S WEAVER, Warren ...... 226 WIENER, Norbert ...... 109 SANGER, Larry...... 214 WILSON, Deidre...... 239 SANNIER, Henri...... 90 WOLTON, Dominique...... 126, 209 SANSALONI, Rémy ...... 188, 189, 245

La « société de l’information » : du mirage collectif au projet partagé ? Magali MACELI, Thèse de Doctorat, Université Paris 8, Saint-Denis, 2008 - 338 - INDEX & TABLE DES MATIÈRES

TABLE DES MATIÈRES

TABLE DES MATIÈRES REMERCIEMENTS ...... 3 SOMMAIRE...... 3

INTRODUCTION GÉNÉRALE...... 3

1ère PARTIE : L’INFORMATION PAR LES MEDIAS : QUELS ENJEUX ET DISCOURS MÉDIATIQUES ? QUE DIT LA TÉLÉVISION ? ...... 3

INTRODUCTION ...... 3 I/ CADRE DE RÉFÉRENCE : MÉCANISMES, ACTEURS ET ENJEUX DE LA MÉDIATISATION...... 3 A/ L’ INFORMATION PAR LES MEDIAS : QUI , QUOI , COMMENT , POURQUOI ?...... 3 1/ Le positionnement des journalistes ...... 3 2/ Le traitement de l’information télévisuelle et ses répercussions : La marchandisation de l’information...... 3 B/ LES MÉCANISMES DE LA TÉLÉVISION ...... 3 C/ DU PAIN ET DES JEUX : ENCORE ET TOUJOURS … ...... 3 II/ CONTEXTE ET MÉTHODOLOGIE DE L’ÉTUDE...... 3 A/ CHOIX DU MÉDIA : TÉLÉVISION OU RADIO ? ...... 3 B/ SOURCES ET OUTILS UTILISÉS DANS LE CADRE DE LA RECHERCHE ...... 3 C/ MODALITÉS DE RECHERCHES ET CONSTITUTION DU CORPUS AUDIOVISUEL ...... 3 III/ RÉTROSPECTIVE TÉLÉVISUELLE - SOCIÉTÉ DE L’INFORMATION : QU’EN DIT LA TÉLÉVISION ?...... 3 A/ 1961-1977 : DE LA CYBERNÉTIQUE À L’ORDINATEUR DOMESTIQUE...... 3 B/ 1978-1990 : DE LA TÉLÉMATIQUE AUX APPLICATIONS « GRAND -PUBLIC » ...... 3 C/ DÉBUT DES ANNÉES 90 – DÉBUT 2000 : INTERNET , AUTOROUTES ET SOCIÉTÉ DE L’INFORMATION ...... 3 CONCLUSION...... 3

2ème PARTIE : L’INFORMATION PUBLIQUE À L’ÉPREUVE DU TERRAIN 3

INTRODUCTION ...... 3 I / LA SOCIÉTÉ DE L’INFORMATION : QUELS DISCOURS POLITIQUES CES DERNIÈRES ANNÉES ?...... 3 II/ L’INFORMATION DES CITOYENS PAR (DANS) LES ADMINISTRATIONS....3 A/ L’ ADMINISTRATION ÉLECTRONIQUE : DISCOURS , PROJETS ET INTENTIONS ...... 3 B/ UNE MISE EN ŒUVRE COMPLEXE ...... 3 C/ TIC , INTERNET ET INÉGALITÉS : DES PROBLÉMATIQUES QUI DEMEURENT ...... 3 III/ INFORMATION : DE L’ACCÈS À LA PARTICIPATION ...... 3 A/ RETOUR SUR LES NOTIONS DE CITOYENNETÉ ET D’ENGAGEMENT EN FRANCE ...... 3

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TABLE DES MATIÈRES

B/ QUELLE RELATION ENTRE INFORMATION ET ENGAGEMENT ? : RETOUR D’EXPÉRIENCE DE FEMMES DU VAL D ’OISE ...... 3 C/ LA RELATION INFORMATION / ENGAGEMENT CHEZ LES DOCTORANTS ...... 3 1/ Présentation du contexte de l’observ’action : la guilde de doctorants ...... 3 2/ Le désordre informationnel comme frein à l’engagement...... 3 CONCLUSION ...... 3

3ème partie : DE L’INTÉGRATION DES DISCOURS AU « MIRAGE COLLECTIF » ...... 3

INTRODUCTION...... 3 I/ COMMENT EN SOMMES NOUS ARRIVÉS À UN « MIRAGE COLLECTIF » ? 3 A/ LA CAVERNE DE PLATON ...... 3 B/ REPRÉSENTATIONS SOCIALES DE LA SOCIÉTÉ DE L ’INFORMATION – TENTATIVE DE SYNTHÈSE DES IDÉES VÉHICULÉES ...... 3 1/ Invasion des machines, menaces et discours culpabilisateurs...... 3 2/ Nouvelle société, nouvelle révolution et nouvelles opportunités…commerciales...... 3 II/ CONSOMMATION DE LA SOCIÉTÉ DE L’INFORMATION OU INFORMATION DANS LA SOCIÉTÉ DE CONSOMMATION ? ...... 3 A/ DE LA CONSOMMATION D ’INFORMATION ...... 3 B/ LES RISQUES DE L ’INCOMPÉTENCE INFORMATIONNELLE ...... 3 1/ L’incompétence informationnelle : des risques pathologiques ?...... 3 2/ Quels enseignements peut-on tirer de l’étude des comportements alimentaires ? ...... 3 III/ L’INFORMATION ET LA COMMUNICATION NE SONT PAS DES MIRACLES !...... 3 A/ QUAND METTRE À DISPOSITION DE L ’INFORMATION NE SUFFIT PAS À INFORMER : L’INFORMATION , DES FANTASMES AUX RÉALITÉS ...... 3 B/ LES PRÉ -REQUIS , UNE PROBLÉMATIQUE QUI DEMEURE : DES COMPÉTENCES À DÉVELOPPER , UNE ATTITUDE A ADOPTER ...... 3 1/ La manipulation des outils, des compétences toujours aussi indispensables...... 3 2/ Les contenus collaboratifs : une nouvelle source de confusion ? - l’exemple de Wikipédia ...... 3 CONCLUSION ...... 3

4ème partie : LES ATTENTES FACE AUX IMPOSSIBLES DE L’INFORMATION, DE SES TECHNOLOGIES ET DE SES PROFESSIONNELS ...... 3

INTRODUCTION...... 3 I/ DES PRÉALABLES A L’INFORMATION ET A LA COMMUNICATION...... 3 A/ LA COMMUNICATION UN PROCESSUS COMPLEXE ...... 3 1/ La dimension humaine, aléatoire et imprécise de l’information ...... 3

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TABLE DES MATIÈRES

2/ Repositionner l’humain au cœur du processus de communication ...... 3 B/ DES BESOINS HUMAINS AUX BESOINS D ’INFORMATION ...... 3 1/ Théorie de la hiérarchie des besoins : La Pyramide de MASLOW...... 3 2/ Du besoin d’information à la pertinence de la réponse ...... 3 II/ LES BESOINS D’INFORMATION FONDAMENTAUX : VIVRE- INFORMATIONNEL ET BESOIN D’ÉMISSION...... 3 A/ LE BESOIN FONDAMENTAL D ’ÊTRE INFORMÉ : LE BESOIN DE VIVRE - INFORMATIONNEL ...... 3 1/ Le besoin d’information des Femmes des quartiers de l’est du Val d’Oise .3 2/ Le vivre informationnel, un besoin universel préalable à toute démarche intellectuelle ? ...... 3 B/ LE BESOIN D ’INFORMER , UN BESOIN D ’ÉMISSION DES ÉMETTEURS ...... 3 1/ De la distinction du registre à la mise en lumière des motivations ...... 3 2/ Une facette trop souvent négligée des besoins d’information : La prise en compte du besoin d’émission des émetteurs...... 3 II/ POSTURE ET POSITIONNEMENT DES PROFESSIONNELS : QUELQUES PISTES...... 3 A/ LA CLARIFICATION DES BESOINS , UNE ÉTAPE INDISPENSABLE , MAIS COMMENT FAIRE ?...... 3 1/ Un positionnement empathique, vecteur de communication...... 3 2/ L’empathie un exercice de Hors-soi ? ...... 3 B/ UNE ATTITUDE GÉNÉRALE FACE À L ’INFORMATION , DES (IR -)RESPONSABILITÉS PARTAGÉES ...... 3 1/ Des discours culpabilisateurs, moralisateurs et parfois infantilisants ...... 3 2/ Culture et habiletés informationnelles : une nécessité pour qui et pourquoi ?...... 3 CONCLUSION...... 3

CONCLUSION GÉNÉRALE...... 3

ANNEXES...... 3

ANNEXE 1 : Statuts et mission de l’INA ...... 3 ANNEXE 2 : Extrait (Introduction) du Programme d’action gouvernemental pour l’entrée de la France dans la Société de l’information (PAGSI) ...... 3 ANNEXE 3 - Chronologie des étapes du droit de vote en France...... 3 ANNEXE 4 : Document de travail Guilde des doctorants...... 3 ANNEXE 5 : Déclaration de Prague ...... 3

BIBLIOGRAPHIE & SOURCES ...... 3

Documents mentionnés dans le mémoire par ordre alphabétiques d’auteurs3 Documents vidéo mentionnés dans le mémoire par ordre chronologique .....3 Liste des tableaux...... 3 Table des illustrations ...... 3

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TABLE DES MATIÈRES

Liste des sites internet mentionnés...... 3

INDEX & TABLE DES MATIÈRES ...... 3

INDEX DES NOMS PAR ORDRE ALPHABÉTIQUE ...... 3 TABLE DES MATIÈRES...... 3

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