<<

Volume 5 (2017) Jeune chercheur

Tourisme et urbanisation du littoral méditerranéen (Maroc)

Khalid Haddouti et Miloud Zerrouki

Pour citer cet article Khalid Haddouti et Miloud Zerrouki, « Tourisme et urbanisation du littoral méditerranéen oriental (Maroc) », Revue GéoDév.ma, Volume 5 (2017), Numéro spécial : « Tourisme durable et articulation entre littoral et arrière-pays en Méditerranée », en ligne : http://revues.imist.ma/?journal=geodev

Introduction Le littoral méditerranéen oriental du Maroc ne connaît pas le même degré de littoralisation que son équivalent de l’ouest où la côte tétounaise, par exemple, enregistre une urbanisation excessive (Berriane, 1995, 2011 et 2014 ; Aderghal, 2016)1. Mis à part la ville de , qui cristallise les fonctions administratives et commerciales vitales de sa région, l’ampleur de ce phénomène semble être à ses débuts sur la majeure partie du littoral étudié. Cependant, certains de ses centres urbains naissant méritent d’être étudiés, notamment ceux ayant bénéficié récemment d’un regain d’intérêt touristique officiel. Dans ce contexte, nous tentons d’apprécier l’interaction entre tourisme et urbanisation de ce littoral. Autrement dit, dans quelle mesure le tourisme contribue-t-il à l’urbanisation en cours dudit littoral ? Les lieux ayant connu récemment une dynamique touristique notable seront prioritairement traités à cet effet. L’analyse des processus d’urbanisation des communes littorales sélectionnées nous permettra de nuancer spatialement ce phénomène sur la côte étudiée. Il s’agira également de faire la part des autres facteurs qui configurent l’urbanisation en question, comme les éléments de la nature ou les infrastructures de communication.

1. L’urbanisation du littoral oriental : Le trait de côte est le principal élément structurant Le littoral méditerranéen oriental s’étend sur trois provinces de la région de l’Oriental du Maroc : , Nador et (carte 1). Sa longueur est d’environ 200 km dont 79,16 km de plages, soit plus de 39,5 % de ce littoral. Les communes de l’est connaissent une urbanisation relativement importante par rapport à celle de sa partie ouest. Ce sont les mêmes communes qui ont connu un développement touristique remarquable, en termes d’aménagement et de demande touristique, au cours de la dernière décennie. Nous privilégions celles de Saïdia, d’ et de Ras El Ma, où le secteur touristique est prépondérant pour analyser la contribution du tourisme à leur urbanisation.

1 Voir également l’article de Sonia Aderghal, dans le même numéro

Carte1 : Localisation du littoral méditerranéen du Maroc Source : Découpage territorial du Maroc (2015). Elaboration K. Haddouti, 2016

L’urbanisation touristique de Saïdia De par son poids dans le tourisme de l’espace étudié et de son étonnante dynamique touristique, Saïdia représente un cas pertinent pour étudier les liens entre le tourisme et l’urbanisation. L’attractivité du territoire de cette ville est réelle et sa population est en hausse continue.

10000 8000

6000 Habitant 4000 2000 0 1960 1982 1994 2004 2014

Graphique 1 : Evolution démographique de Saïdia Source des données : RGPH de 2014, 2004, 1982 et 1960 Le processus d’urbanisation de Saïdia Le choix du site de Saïdia revient au sultan Hassan 1er qui y a édifié en 1883 une casbah à des fins militaires, éloignée d’environ 587 m du rivage et sur la rive de l’Oued Kiss qui marque la frontière entre l’Algérie et le Maroc. L’émergence de Saïdia en tant que centre touristique se doit aux colons français qui en font un centre d’estivage dès les premières années du protectorat.

2

Photo 1 : Jardin public et villas implantés sur le front de mer sud-est de Saïdia (années 1940). Source : http://soleiloujdi.free.fr/saidia.htm (consulté en 08/2014) C’est ainsi que vers 1930, la présence des colons a enclenché l’urbanisation du littoral de Saïdia en implantant les premières constructions parallèlement au rivage (Photo 1). On peut distinguer dans le processus d’urbanisation récente de Saïdia trois principales phases (carte 2) : la genèse du noyau du centre urbain vers l’indépendance ; les décennies 1960, 1970 et 1980 et finalement la période entre 1989 et 2014. La croissance du tissu urbain de la ville s’est dirigée dans plusieurs directions à partir du noyau en question. - Les décennies 1960, 1970 et 1980 : l’éclatement du tissu urbain de Saïdia sous l’effet de l’épanouissement du tourisme social, et ce, dans trois directions.

Carte 2 : Processus d’urbanisation de Saïdia entre 1958 et 2014 Source : Photos aériennes (1958 et 1988) + image de Google Earth (2015). Elaboration K. Haddouti sous ArcGis (2016) Au-delà de la forêt de Tazegrart, de nouveaux quartiers sont apparus parallèlement à l’ancien noyau urbain. Une partie de ce nouveau tissu s’est construite au détriment de cette forêt. En même temps certains douars dans l’arrière-pays ont continué de s’agrandir. C’est le cas du douar Lakhtatba qui est relativement proche du centre en question. Autour de la casbah, on assiste à un retour vers le site original de Saïdia avec un quartier de résidences permanentes et secondaires développé autour de la casbah et du souk à l’extrême est de la ville. Sur le front de mer, Saïdia connaîtra un épanouissement sans précédent d’un tourisme social. Un tourisme qui s’est développé grâce à l’implantation de plusieurs équipements et infrastructures d’estivage touristique, dédiés aux salariés ou aux fonctionnaires de sociétés et

3 d’établissements publics et semi-publics de la part de leurs œuvres sociales. L’essor de ce type de tourisme aura de grandes conséquences sur l’urbanisation de Saïdia, du fait que l’emprise foncière de ses établissements d’hébergement est très importante, d’autant plus qu’ils contiennent outre des emplacements pour tentes, des bungalows et des villas. En 1990, Saïdia comptait seize campings, qui sont dans leur quasi-totalité (13 sur 16 campings) mis à la disposition des œuvres sociales des établissements publics et semi-publics (ONE, Ministère de la justice…). Cette zone des centres d’estivage sociaux s’est projetée à l’ouest de l’ancien noyau urbain, dans le prolongement de l’ancienne route de la Moulouya et en parallèle à la plage. L’accroissement de la population de Saïdia s’est poursuivi sans cesse, notamment au cours des années 1980 avec un taux d’accroissement annuel moyen de 5,76%, après avoir marqué une faible croissance moyenne annuelle de 0,79% (1960-1982). - De 1989 à 2014 : la confirmation de l’urbanisation touristique du site de Saïdia et sa progression vers l’arrière-pays immédiat du littoral : Durant cette phase, l’urbanisation de Saïdia s’est poursuivie avec un rythme remarquable. La carte ci-dessus permet deux constats : L’expansion étonnante des quartiers situés derrière la forêt de Tazegrart, dans le prolongement vers le sud, se continue de façon soutenue. Lors de la dernière décennie, le tissu urbain va dépasser certains douars de l’arrière-pays. Dès 2005, dans le cadre du Plan Azur, la nouvelle station touristique de Saïdia, imprime à l’urbanisation du site une mutation majeure puisqu’un nouveau pôle urbain va s’ajouter à l’agglomération du côté ouest et bien loin du centre urbain initial. L’ouverture de nouveaux sites à l’urbanisation n’aurait pas été possible s’il n’y avait pas eu cette volonté d’ériger la ville de Saïdia en station touristique internationale. C’est ainsi que des hôtels et des équipements d’animation touristique y ont été implantés confirmant la nature touristique de son urbanisation. L’élan spatial du tissu urbain de Saïdia durant cette phase a été accompagné d’une croissance démographique soutenue : (8780 h en 2014) contre 2563 h en 1994) avec un taux de croissance moyen annuel de 10,15% durant la dernière décennie. Evolution de l’occupation du sol à Saïdia : le poids des installations touristiques Mesurer l’éventuel effet du tourisme sur la croissance urbaine de Saïdia revient à étudier l’occupation du sol en s’intéressant aux surfaces bâties occupées par les installations touristiques. En 2014, la surface bâtie occupe le 2ème rang avec 186,7 ha, soit 5,4% du territoire de Saïdia. Bien que les terres agricoles, concentrées au sud et au sud-est, dominent avec un poids de 9,1% (314,15 ha leur superficie ne cesse de régresser à cause de l’expansion urbaine. Le tableau ci-dessous permet d’apprécier l’évolution de la superficie bâtie au cours des trois périodes retenues du processus d’urbanisation. Tableau : 1 : Évolution de la superficie bâtie à Saïdia (1958-2014) Année 1958 1988 2014 TCMA 58-88 TCMA 88-14 S. bâtie (ha) 14,7 57,1 186,7 7% 12,58% Source : Données calculées sur la carte 2 (sous ArcGis) Trois décennies après l’inauguration de Saïdia en tant que centre d’estivage, sa superficie bâtie a été de 14,71 ha. Cette superficie a presque quadruplé vers la fin des années 1980 en enregistrant plus de 57 ha. La croissance urbaine était très importante durant la 2ème phase puisqu’elle a évoluée de 7%. C’est au cours de la dernière phase que cette croissance devient majeure. Ainsi, la superficie bâtie s’est accrue de 12,5% dépassant 186 ha en 2014. En fin de compte, la remarquable expansion urbaine de Saïdia est due essentiellement au développement accéléré des installations touristiques. En effet, leur surface bâtie a représenté en 2014 environ 58,5 ha, soit presque un tiers du total de la superficie bâtie et 1,7% du territoire de Saïdia.

4

Le poids du tourisme dans l’urbanisation de cette ville est en réalité plus important, étant donné que les installations en question sont fortement consommatrices en espace. En effet, certains établissements d’hébergement comme les campings accaparent des terrains supplémentaires qui sont généralement non bâtis. A titre d’exemple, les deux campings voisins Amazone et Chams occupent plus de 10 ha dont seulement 0,69 ha est construit. La même remarque est valable pour les équipements et les établissements d’hébergement et d’animation touristiques de la Nouvelle Station Touristique. Par conséquent, il a fallu calculer l’emprise foncière de ces installations comprenant aussi leurs surfaces non bâties, pour mieux estimer leurs poids. Il ressort de ces calculs que la superficie occupée par les installations à vocations touristiques de Saïdia dépasse 497ha, soit 14,35% de son territoire en 2014. En plus, les résidences touristiques occupent de plus en plus une part importante du tissu urbain de Saïdia. En 1983, la ville comptait 594 résidences secondaires, contre seulement 202 logements occupés par la population résidente. Il s’avère que l’expansion urbaine de Saïdia a tendance à se faire davantage à l’intérieur de son territoire, quoique sa bande littorale soit la première à être occupée par la surface bâtie. Ainsi, la part de cette surface située à moins d’un km de la mer a représenté environ 93,4% en 1958, 91% en 1988 et 71,1% en 2014. De façon plus spécifique, la frange littorale de la commune a vu se développer une urbanisation intense de type touristique, dans un contexte de planification déficiente. L’apport du tourisme à l’urbanisation de Saïdia fait de cette commune un cas d’étude intéressant en matière de mutations des espaces urbains littoraux sur le littoral marocain.

Ras El Ma : une urbanisation due spécialement au port et au centre administratif Quoique Ras El Ma soit limitrophe de Saïdia, sa plage constituant l’étendue naturelle de celle- ci, leurs processus d’urbanisation sont tout à fait différents. Contrairement à Saïdia, l’attractivité du centre de Ras El Ma n’est pas certaine. Sa population a connu une régression entre 1994 (10.678 h) et 2014 (7.580 h). Processus d’urbanisation de Ras El Ma : d’un espace rural à un centre urbain littoral La carte ci-dessous nous permet d’identifier trois phases d’urbanisation du site de Ras El Ma entre 1958 et 2014, à savoir : Avant 1958, de 1959 jusqu’à 2003 et de 2004 à 2014

Carte 3 : Processus d’urbanisation du centre de Ras El Ma entre 1958 et 2014 Source : Photos aériennes (1958 et 2003) + Image Google Earth (2015).

5

Elaboration K. Haddouti(2016) - Avant 1958 : Un espace essentiellement rural L’essentiel de la population de Ras El Ma se concentrait dans l’arrière-pays, notamment au bord de l’oued Moulouya. Il s’agissait d’une population rurale cantonnée dans des douars à résidences dispersées. L’activité agricole, la principale activité économique de l’époque, permet d’expliquer ce constat. Le centre actuel de Ras El Ma, situé près du littoral, était presque inhabité, quoiqu’une activité économique liée à ce littoral y existe déjà. En effet, un débarcadère, occupant l’emplacement du port actuel était dédié, entre autres, à la pêche artisanale.

Photo 2 : Débarcadère à proximité du cap Ras , à l’emplacement de l’actuel port (2012) Source : L’Agence pour l’Aménagement de la Lagune de Marchica, 2012 - De 1959 à 2003 : la genèse et l’expansion du centre de Ras El Ma Au cours des cinq premières décennies de l’indépendance, le paysage de la surface bâtie de Ras El Ma s’est transformé pour se développer dans deux directions. Deux facteurs semblent favoriser ce développement : d’une part, la possibilité d’irrigation des terres agricoles à proximité de l’oued Moulouya et, d’autre part, l’implantation du port dédié à la pêche artisanale ainsi que la création de la commune rurale de Ras El Ma. Effectivement, le douar d’Oulad Haddou limitrophe de la Moulouya a connu une expansion durant cette phase, contrairement aux autres douars situés dans l’arrière-pays du littoral où la quasi-totalité de l’activité agricole est pratiquée sur des terres bour. La stagnation de la superficie bâtie de ces derniers douars était certaine. Mais, la genèse du centre de Ras El Ma remonte à 1959, date de la création de la commune rurale en question et de la mise en place d’un noyau administratif à proximité de la plage et de l’ancien débarcadère. On remarque l’évolution d’un tissu urbain relativement dense à partir dudit noyau. Le début d’exploitation du port de en 1982 a favorisé l’extension de ce noyau. L’apparition du tourisme avec la construction d’un camping communal, d’un hôtel non classé et de restaurants de poissons peut expliquer aussi ce constat. - De 2004 à 2014 : le début d’un investissement touristique important Au cours de cette période, l’accessibilité intra-communale et extra-communale de Ras El Ma s’est beaucoup améliorée grâce à la construction de la rocade méditerranéenne (route nationale 16) et la restauration de la route provinciale 6204 reliant cette commune à via la commune rurale d’Oulad Daoud Zkhanine. Ce qui permet d’ouvrir de nouveau lieux à l’urbanisation loin du noyau urbain initial. C’est ainsi qu’on assiste à un début d’extension du

6 centre de Ras El Ma sur ces axes routiers. En plus, trois projets, qui concernent le résidentiel touristique, sont en cours d’achèvement. Par ailleurs, la municipalité a procédé à un réaménagement du noyau du centre de Ras El Ma s’articulant autour du port. La mise en place d’une corniche à la place du camping municipal et des parkings constitue l’essentiel de cet aménagement. L’occupation du sol de Ras El Ma : un territoire à dominante agricole et à expansion urbaine lente Le tableau qui suit permet de remarquer une croissance lente et irrégulière de la surface bâtie de l’actuel territoire communal de Ras El Ma. Tableau 2 : Évolution de la surface bâtie à Ras El Ma (1958-2014) Année 1958 2003 2014 TCMA 58-03 TCMA 04-14 S. bâtie (ha) 9,1 54,6 67,2 4% 1,9% Source : Données calculées sur la carte 3 (sous ArcGis) La stagnation de la surface bâtie particulièrement entre 2004 et 2014 (TCMA de 1,9%), d’un côté, et la structure désordonnée du tissu de Ras El Ma, de l’autre, montre que ce dernier connait de réelles difficultés. Ces dernières ont été en mesure de réduire l’attractivité du territoire de la municipalité (depuis 2008), aussi bien aux yeux des populations que pour les investisseurs. Il en résulte un tissu urbain non structuré et sous équipé (insuffisance d’équipements sociaux, défaut de voirie et d’assainissement liquide…). En 2014, soit 6 ans après sa promotion en commune urbaine, la surface bâtie de Ras El Ma était de 67,19 ha, y compris celle des agglomérations à caractère rural dans l’arrière-pays, soit 1,4% du territoire de la commune (moins de la superficie occupée par sa principale plage). La surface occupée de ce territoire reste dominée par les terres agricoles (21,7%) et la végétation (6,7%). La végétation du cordon dunaire est épargnée par l’urbanisation, hormis la corniche et le projet immobilier réalisés à sa proximité. La part des installations à vocation touristique est négligeable. Elle ne dépasse pas 0,69 ha, soit à peine 1,03% de la surface bâtie à Ras El Ma. Il convient de noter qu’un certain nombre de logements construits au niveau du centre de cette commune sont des résidences secondaires occupées uniquement pendant la saison estivale. Le service technique de la municipalité estime que leur nombre avoisine 600 logements. Finalement, on ne peut que souligner la faible contribution du tourisme dans l’urbanisation de la commune de Ras El Ma. Sa frange littorale reste sous-urbanisée dès l’instant où la part de sa surface bâtie située à moins d’1km de la mer ne dépasse pas 44,6% en 2003 et 45,9% en 2014.

Arekmane : un autre site où la contribution du tourisme à l’urbanisation du littoral est faible Le centre urbain d’Arekmane est relativement récent. Il a connu cependant un processus d’urbanisation accéléré particulièrement au cours des années 1970 et 1980. Du fait que le tourisme représente une de ses fonctions économiques, il convient d’étudier ce processus en examinant ses rapports avec le tourisme. Le centre d’Arekmane : Une accélération de l’urbanisation suivie d’un ralentissement La carte ci-dessous résume bien le processus d’urbanisation du centre délimité d’Arekmane. Trois principales phases de ce processus sont à expliciter :

7

Carte 4 : Processus d’urbanisation du centre d’Arekmane entre 1958 et 2014 Source : Photos aériennes (1958 et 1966) + Image de Google Earth (2015). Elaboration K. Haddouti (2016) - Avant 1958 : un site pratiquement inhabité A l’instar de la quasi-totalité des tribus rifaines, celle d’Arekmane avait choisi par le passé de s’établir loin du littoral. Cette situation va perdurer en dépit de l’arrivée des colons espagnoles et l’apparition de nouvelles activités (production du sel par exemple) sur le littoral dès les années 1920. De ce fait et jusqu’en 1958, le site actuel du centre d’Arekmane n’abritait que quelques maisons isolées. Toutefois, un débarcadère et un souk y ont été aménagés par les espagnoles sur le rivage lagunaire, pour servir de point d’échange commercial. Le transfert du souk du site de Zaouïa (dans l’arrière-pays) vers son emplacement actuel ne sera pas sans conséquences : il constituera le noyau du centre urbain d’Arekmane par la suite. - De 1959 jusqu’au 1996 : La genèse et l’expansion du centre urbain d’Arekmane Au lendemain de l’indépendance, on a assisté à l’émergence de ce centre autour du souk précité. La création de la commune d’Arekmane (1976) marquera la genèse de ce centre. A cet effet, un noyau administratif associé à quelques locaux de commerce permanents y ont été implantés. La structure du tissu urbain de ce centre va se configurer durant cette phase autour de trois zones séparées et distinctes de par leurs consistances et leurs fonctions. Outre le noyau naissant sur le rivage lacustre, de nouveaux quartiers verront le jour au sud et sud-est du centre. Il s’agit des quartiers El Fath et Laari Chikh dont l’existence et le développement sont étroitement liés aux effets de l’émigration internationale, étant les réceptacles des investissements immobiliers des émigrés du oriental (Berriane et Hopfinger, 1999). Un autre quartier, constitué spécialement de villas et de résidences secondaires, apparaîtra le long de la plage d’Arekmane (à l’extrême nord-est du centre délimité de cette commune). - De 1997 à nos jours : L’extension au-delà des limites du centre délimité Au cours des deux dernières décennies, le centre étudié a continué à s’étendre en gardant quasiment la même structure. Les quartiers préexistants débordent pour s’accroitre au-delà de la limite du centre délimité, qui est définie dans le plan d’aménagement de 1996. Ceci concerne tous les quartiers apparus auparavant. Par ailleurs, la partie nord-est du quartier El

8

Chatte a poursuivi son extension occupant ainsi le reste de la côte Est. Dans la partie nord- ouest du littoral, on a entamé certains aménagements (espace vert sur l’emplacement du camping communal, démolition du bar …). Occupation du sol du centre d’Arekmane : la faible contribution du tourisme Le tableau 3 ci-dessous permet une meilleure visualisation du processus d’urbanisation de ce centre. Tableau 3 : Évolution de la surface bâtie du centre d'Arekmane entre 1958 et 2014 Année 1958 1996 2014 TCMA 59-96 TCMA 97-14 S. bâtie (ha) 1,1 22,8 53,5 9% 5,14%

Source : Données calculées sur la carte 4 (sous ArcGis) La faible surface bâtie en 1958 montre la situation quasi-déserte du site occupé actuellement par le centre d’Arekmane à la veille de l’indépendance. Une situation qui changera dès les années 1970 avec une évolution de 9% entre 1959 et 1996. Le ralentissement de ce rythme durant les deux dernières décennies trouve son explication d’une part dans la tendance du centre en question à saturer ses possibilités d’extension, vu la non disponibilité de terrains favorables à l’urbanisation et la hausse des prix qui en découle, et d’autre part dans l’émergence de quartiers relais (à proximité) en dehors du périmètre du centre délimité. En 2014 la surface bâtie n’occupe que 8,6% de la superficie du centre d’Arekmane qui est dominé par la végétation (19,8%). Il importe de remarquer que l’urbanisation du centre urbain d’Arekmane s’est effectuée spécialement au niveau de sa bande littorale. La part de la surface bâtie de ce centre a toujours été importante, malgré sa tendance récente à s’affaiblir grâce à l’orientation de l’extension urbaine vers l’arrière-pays du littoral. Ainsi, la surface bâtie de la frange littorale a atteint 88,4% du centre en 1996 et 78% en 2014. La contribution des installations touristiques est très faible si bien que leur part dans la surface bâtie ne dépasse pas 2,3% du total de cette surface et 0,2% seulement du territoire de ce centre. En outre, la nature de ces installations n’est pas en mesure d’engendrer une activité touristique susceptible de constituer une alternative économique pour la population locale qui reste tributaire de la pêche artisanale et de l’agriculture (la plaine irriguée de ).

2. La partie ouest du littoral oriental : une rurbanisation qui se développe loin du littoral et sans apport du tourisme La partie ouest du littoral méditerranéen oriental se singularise par sa non-urbanisation voire la rareté de l’habitat à proximité du littoral. Nous avons sélectionné les communes de et d’ pour examiner l’évolution de leur surface bâtie.

Boudinar : un littoral sous-occupé en dépit de l’ouverture de la rocade méditerranéenne On peut distinguer dans la structure de la surface bâtie de Boudinar entre deux tissus différents : - des agglomérations à caractère rural renfermant des habitations dispersées et relativement denses tel que le douar d’Ichniouane situé au nord-ouest de la commune. Ces agglomérations se localisent spécialement au bord de l’Oued Amekrane et ses affluents. - Une agglomération à caractère rurbain qui est située au centre administratif de cette commune loin du littoral.

9

Carte 5 : Evolution du sol bâti de la commune rurale de Boudinar (1992– 2014) Source : Plan de développement de Boudinar (1992) et image de Google Earth (2015). Elaboration K. Haddouti(2016) La carte ci-dessus permet de constater qu’aucun changement majeur de la surface bâtie ne s’est opéré au cours des 22 ans écoulés. L’évolution de cet espace bâti peut être résumée dans l’expansion des agglomérations existantes, notamment le centre de la commune et le douar d’Ichniouene à proximité du littoral. On note cependant l’apparition récente d’habitats au bord de la mer (le douar d’Aït Tayer au nord-est du territoire de Boudinar). Globalement, entre les deux dates retenues, la surface1 bâtie s’est faiblement accrue en passant de 26,03 à 35,06 ha, soit un Taux d’accroissement moyen annuel de 1,4%. Trois facteurs ont influencé cette évolution : La concentration des équipements administratifs et sociaux dans le centre de la commune loin du littoral, la prédominance de l’activité agricole au niveau de l’Oued Amekrane et la nouvelle rocade méditerranéenne qui a participé au désenclavement récent de cette commune. La frange littorale demeure sous-occupée en termes de surface bâtie, quoiqu’elle enregistre une récente amélioration suite à l’ouverture de la rocade méditerranéenne. Ainsi la part de la surface2 bâtie de la commune a doublé entre 1992 (0,6%) et 2014 (1,3%). Malgré son potentiel touristique (plage et paysage), le tourisme est quasi-absent dans cette commune qui ne compte aucun équipement touristique. L’activité touristique apparue récemment consiste en un tourisme de passage. Par conséquent, l’ampleur de cette activité sur le territoire de Boudinar y compris son urbanisation est faible. L’attraction de Boudinar est quasi-nulle : d’après les derniers RGPH, l’effectif de sa population a connu une régression de 0,63%. Iaazzanene : des agglomérations structurées par une route Le tissu de la surface bâtie de la commune d’Iaazzanene, consiste en un ensemble d’agglomérations relativement denses, dont les plus importants sont les douars d’Ifrane

1 Chiffres obtenus par l’intermédiaire de calcul sur carte géo-référencée, sous ArcGis. 2 Idem. 10

Ouaroui et de Sammar et le centre de la commune. La route provinciale 2202 traversant son territoire est le principal élément structurant. En effet, environ 17,4 ha de la surface bâtie (72,59%) sont situés à moins d’1km de cette route en 1986. Le sol de la bande littorale était pratiquement non occupé, la surface bâtie n’ayant pas dépassé 0,6 ha (2,58%) dans la même année. Après 28 ans, la structure du tissu en question s’est développée dans deux sens, avec un accroissement moyen de 4,7% pour atteindre environ 65,39 ha en 2014. Les douars préexistants ont continué leur expansion, spécialement ceux entourant la RP 2202, leur part s’élève à 75,5% de la surface bâtie totale actuellement. Ceci confirme la concentration des activités et de la population autour de cette route.

Carte 6 : Evolution du sol bâti de la commune d’Iaazzanene entre 1986 et 2014 Source : Carte topographique (1986) et image de Google Earth (2015). Elaboration K. Haddouti (2016) Récemment, on assiste à un regain d’intérêt pour le littoral de la commune. La surface bâtie de la bande littorale (moins d’un km) enregistre un taux d’évolution de 7,59% (1986-2014), grâce au projet de résidences touristiques implantées à proximité de la plage El Kalat et aux résidences secondaires de la plage de Sidi Lahcen. La saisonnalité de l’activité touristique récente, conditionnée par la faiblesse des équipements touristiques à Iaazzanene permet d’expliquer la faible concentration des habitats sur la bande littorale de cette commune. L’agriculture demeure la principale activité économique puisqu’elle concerne en 2004 environ 60,4%1 des actifs occupés de cette commune. D’autant plus qu’elle est exercée à l’intérieur de la commune. Il s’avère que les installations touristiques précitées ne sont pas en mesure d’améliorer la situation socio-économique de la commune, si bien que la population a enregistrée une régression de -0,6% entre les deux

1 Selon le RGPH, 2004 11 derniers RGPH (11815 en 2004 et 11131 h en 2014). Ceci est également le cas des permis de construction qui sont en diminution continue 58 permis (2001) et 39 (2006).

Conclusion En définitive, on ne peut qu’infirmer le caractère anthropique du littoral méditerranéen oriental du Maroc. L’urbanisation de ce littoral n’est qu’à ses débuts. Toutefois, cette étude nous a permis de nuancer ce phénomène sur ce littoral. Les différences décelées lors de l’analyse de la dynamique touristique compte tenu des infrastructures et des équipements d’une part, et de la demande touristique d’autre part, se maintiennent en examinant l’urbanisation du littoral en question. En effet, les lieux touristiques à l’Est de se distinguent de ceux de l’Ouest, par le degré de leur d’urbanisation et la nature de leurs tissus bâtis. Les sites de l’Est, qui ont connu une dynamique touristique considérable, sont les plus urbanisés. La genèse de leur urbanisation s’est effectuée à proximité de leurs littoraux. En outre, leurs franges littorales abritent la majeure partie de leur surface bâtie : en 2014, la part de cette frange est de 71,1% à Saïdia et de 78% à Arekmane. Tandis qu’à l’ouest de Melilla, aucun centre urbain n’a émergé à proximité du littoral. C’est le caractère rurbain qui caractérise l'espace de cette partie. En réalité, ce tissu consiste en douars relativement denses localisés souvent à l’intérieur. La part de la surface bâtie située dans une bande littorale (- 1km) de la mer est négligeable : 7,6% à Iaazzanene et 1,3% à Boudinar. L’enclavement de ce littoral pendant des décennies peut expliquer en partie ce constat. Par conséquent, la répartition spatiale de ces agglomérations est conditionnée par des éléments structurants naturels (l’Oued Amekrane à Boudinar) et humains (la RP 2202 pour Iaazzanene). Finalement, l’apport du tourisme à l’urbanisation du littoral est très faible. Seule Saïdia doit réellement son urbanisation au tourisme. Elle a connu une urbanisation touristique accélérée, comme elle a vu son attraction améliorée. L’agriculture reste l’activité dominante.

Bibliographie Berriane Mohamed (1995), « Développement touristique, urbanisation du littoral méditerranéen et environnement », in MEDIT N2/95, pp. 19-27. Berriane (M), (2011), Profil de durabilité dans quelques destinations touristiques méditerranéennes - La destination du littoral de Tétouan (Maroc) http://planbleu.org/sites/default/files/publications/profil_durabilite_tourisme_maroc_fr.pdf Berriane (M), (2014), « L'arrière-pays au secours du littoral ? Le cas du littoral de Tétouan et de son arrière-pays. ». In (Berriane, direction.), Le tourisme des arrière-pays méditerranéens, des dynamiques territoriales locales en marge des politiques publiques, édition Université Mohammed V – Agdal, Université Euro-Méditerranéenne de Fès et LMI MediTer (2014). Berriane Mohamed et Hopfinger Hans (1999), « Nador petite ville parmi les grandes », in Collection Villes du Monde Arabe, Edition URBAMA Volume n°4, Tours, 219P. Hannou El Kébir. (2003), « Aménagement du territoire et développement du littoral : cas de la partie septentrionale du Maroc », [en ligne], disponible sur https://www.fig.net/resources/proceedings/fig_proceedings//proceedings/TS7/TS7_1_h annou.pdf (consulté le 1.2.2013) Haut-Commissariat au Plan du Maroc, RGPH de 2014, 2004, 1982 et 1960. Sonia Aderghal, « Entrepreneurs et emploi du capital dans les projets touristiques du littoral de Mdiq- Fnideq-Martil », Revue GéoDév.ma, Volume 4 (2016), en ligne : http://revues.imist.ma/?journal=geodev

12