Masarykova univerzita Filozofická fakulta Ústav románských jazyků a literatur Francouzský jazyk a literatura

Bc. Helena Samková

Contact de langues à La Réunion : stratégies dans les choix langagiers dans les vidéos du Letchi Amer

Magisterská diplomová práce

Vedoucí práce: PhDr. Alena Polická, Ph.D. Brno 2016

Prohlašuji, že jsem magisterskou diplomovou práci vypracovala samostatně pouze s využitím uvedených zdrojů a že tištěná verze práce se shoduje se svou elektronickou podobou uloženou v archivu Informačního systému Masarykovy univerzity.

V Brně dne 30.4.2014 Podpis

Je tiens à adresser mes sincères remerciements à Madame Alena Polická, directrice de ce mémoire, pour son aide précieuse et pour le temps qu’elle a bien voulu me consacrer. Je voudrais également exprimer ma profonde reconnaissance à ma famille et à mes proches qui m’ont encouragée tout au long de mes études. TABLE DES MATIÈRES

INTRODUCTION ...... 1 1 CHAPITRE PREMIER : État de la question et cadre théorique ...... 3 1.1 Situation sociolinguistique à l’île de La Réunion ...... 3 1.1.1 Survol socio-historique de l’île de La Réunion ...... 3 1.1.2 Créoles à base française. Spécifiques du créole réunionnais...... 4 1.1.3 Situation sociolinguistique actuelle à La Réunion ...... 6 1.1.3.1 Langues en contact ...... 6 1.1.3.2 De la diglossie au bilinguisme ...... 9 1.1.3.3 Le français réunionnais ...... 10 1.2 Changement de code linguistique ...... 12 1.2.1 Choix de code ...... 12 1.2.2 Mélange de codes ...... 14 1.2.2.1 Alternance codique ...... 14 1.2.2.2 Emprunt ...... 17 1.3 Stéréotypage ...... 18 1.4 Podcasting et la plate-forme YouTube ...... 21 2 DEUXIÈME CHAPITRE : Méthodologie ...... 23 2.1 Choix du corpus ...... 23 2.1.1 Le Letchi ...... 23 2.1.2 Répertoire du Letchi et présentation du corpus ...... 25 2.2 Méthode d’analyse ...... 27 2.2.1 Transcription et préparation du corpus ...... 27 3 TROISIÈME CHAPITRE : Analyses ...... 30 3.1 Choix de code linguistique ...... 30 3.1.1 Participants ...... 31 3.1.2 Contexte situationnel des échanges verbaux ...... 36 3.1.2.1 Langue-situation et les personnages secondaires ...... 37 3.1.2.2 Langue-situation et choix linguistiques des personnages principaux ...... 42 3.1.3 Conclusion sur les facteurs du choix linguistique ...... 48

3.2 Alternance codique ...... 50 3.2.1 Aspect fréquentiel ...... 50 3.2.2 Alternance codique INTRAPHRASTIQUE ...... 55 3.2.3 Alternance codique INTERPHRASTIQUE ...... 57 3.2.4 Alternance codique EXTRAPHRASTIQUE ...... 60 3.2.5 Développement diachronique et auprès des locuteurs ...... 61 3.2.5.1 Année 2013 ...... 62 3.2.5.2 Année 2014 ...... 62 3.2.5.3 Année 2015 ...... 63 3.2.6 Conclusion sur l’alternance de codes linguistiques ...... 63 3.3 Les emprunts au créole dans un discours français ...... 65 3.3.1 Caractère des emprunts au créole ...... 67 3.3.2 Occurrence des emprunts dans le corpus ...... 69 3.4 Stéréotypage ambivalent dans les représentations des locuteurs ...... 71 CONCLUSION ...... 74 BIBLIOGRAPHIE ...... 77 ANNEXES ...... 79 INTRODUCTION

La langue française est l’une des langues de grand prestige à travers le monde qui réunit les pays partageant son usage, total ou partiel, sous le nom de la francophonie. Il s’agit d’un symbole de la diversité de cultures, d’endroits et de modalités d’expressions très variées, cependant l’influence présente du français dans le monde résulte de confrontations politiques et culturelles passées dans le cadre d’une expansion coloniale, parfois assez violente. Par conséquent, la francophonie reste l’objet des rapports de force et dans les sociétés multiculturelles, où les origines ethniques sont diverses, la langue est plus qu’un outil de communication en révélant, volontairement ou non, des choses sur ceux qui l’utilisent. Ainsi, l’acte de parole associé à l’appartenance ethnique, à l’éducation ou à l’engagement politique joue, entre autres, un rôle important dans l’organisation du sens au sein de la société. Le territoire d’une petite île faisant partie de la mais se situant dans l’Océan Indien, est un exemple intéressant d’une société pluriculturelle avec toute une complexité sociohistorique et linguistique. Cette île de La Réunion réunit principalement deux langues, le créole réunionnais et le français, et le frottement continuel entre langue, culture et société y est particulièrement évident. Il s’agit d’un vrai laboratoire sociolinguistique puisque les évolutions langagières auprès des locuteurs s’effectuent dans un très court laps de temps. L’espace clos et la diversité omniprésente accélèrent les changements linguistiques et nous permettent d’étudier les rapports entre la langue et la société de manière plus complexe. Nous nous intéressons personnellement à la situation sociolinguistique de l’île car nous l’avons vécu pendant un an et nous aimerions partager notre intérêt pour la situation non seulement sociolinguistique de ce territoire français en plein océan. Le but de notre mémoire est d’examiner les rapports entre la langue, le locuteur et le statut dans la société réunionnaise à travers un corpus de vidéos humoristiques sur la plateforme YouTube. Ces vidéos, faites par un podcaster réunionnais appelé Le Letchi Amer, ne reflètent pas seulement la vie quotidienne sur l’île, mais abordent aussi des sujets sensibles qui émergent des débats au sein de la société. Même si les personnages ne sont interprétés que par l’auteur, nous considérons les sketchs représentant la réalité et pertinents à examiner l’état sociolinguistique puisqu’ils sont inspirés par les histoires vécues du réalisateur. Ainsi, nous supposons que les locuteurs dans les vidéos représentent un échantillon de population représentatif, choisi par le vidéaste. L’analyse de ces vidéos nous permettra de soutenir ou rejeter l’hypothèse que les deux langues ont des fonctions

1 et des statuts différents dans les diverses couches de la société réunionnaise et que l’usage de l’une ou l’autre est lié aux stéréotypes des cultures dominante est dominée. Notre travail aborde alors un sujet sociolinguistique qui vise à décrire les rapports entre les choix de codes linguistiques et les représentations sociales. Le présent mémoire sera divisé en trois parties. La première partie servira de point de départ et présentera le cadre théorique concernant notre recherche visée. Nous y décrirons la situation sociolinguistique à l’île d’un point de vue diachronique, en nous concentrant sur le créole réunionnais et le concept de diglossie en situation de langues en contact, et nous présenterons les notions- clé du domaine des changements de codes linguistiques. Notre attention sera également portée sur la définition du stéréotypage ambivalent dans les représentations des locuteurs. La deuxième partie sera consacrée à la description méthodologique de notre travail. Nous présenterons le corpus d’étude et le réalisateur des vidéos. Ensuite, nous décrirons les méthodes adoptées pendant la création du travail. Nous nous occuperons de la transcription des vidéos, du classement des énoncés et de la caractéristique des problèmes rencontrés lors de la préparation du corpus pour l’analyse. Finalement, la troisième partie se divisera en quatre sous-chapitres, chacun traitant une problématique. Le premier visera l’usage des langues en rapport avec le locuteur et le contexte situationnel. Notre hypothèse suppose que le français soit employé lors d’une conversation formelle, par contre le créole dans un contexte familial. Deuxième sous-chapitre traitera les changements de codes linguistiques dans la mesure d’un seul énoncé. Nous vérifierons le degré de mélanges codiques dans les paroles des locuteurs en attendant la haute fréquence des alternances. Dans le troisième sous-chapitre, nous nous concentrerons aux emprunts au créole comme les plus petites unités alternées lors d’un discours français. Nous supposons que les termes créoles soient fortement intégrés à l’expression en français à La Réunion. Le dernier sous-chapitre visera à examiner les données métalinguistiques concernant les représentations des locuteurs sur les deux langues et leurs communautés linguistiques. Nous y chercherons les stéréotypes ancrées dans ces représentations en nous concentrant sur leur valeur : positive ou négative. Nous attendons que les Réunionnais manifestent une certaine insécurité dans la perception de la langue créole. Sur cet échantillon, nous voudrions créer une image intégrale sur l’emploi des langues à La Réunion et leurs statuts dans la société en révélant les stéréotypes qui leur sont associés dans les représentations des Réunionnais, tout en prenant en considération qu’il s’agit d’une étude de cas et d’un univers personnel du Letchi Amer.

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1 CHAPITRE PREMIER : État de la question et cadre théorique

Puisque l’objectif de ce mémoire est de décrire les situations de changements de codes linguistiques dans les parlers à l’île de La Réunion, nous commencerons par une présentation de la situation sociolinguistique réunionnaise actuelle, incluant son brève évolution historique, et nous nous concentrerons sur le contact de deux langues principales de l’île – le français et le créole réunionnais. Après avoir décrit entre autres les spécifiques du créole réunionnais ou le contexte des langues en contact, nous procéderons à définir des termes clés concernant le choix de langue et ses alternances puisque nous nous retrouvons dans un milieu bilingue. Il s’agit des termes à distinguer, tels que : choix de code linguistique et mélange de codes linguistiques qui comporte des termes importants pour la partie pratique - l’alternance codique et l’emprunt. Ensuite, nous aborderons la notion de stéréotypes dans la perception de langues des locuteurs dans une situation diglossique et le dernier sous-chapitre de la partie théorique présentera le média qui nous servira de base pour notre recherche, celui du monde des internautes de la chaîne YouTube et ses phénomènes.

1.1 Situation sociolinguistique à l’île de La Réunion

Ce chapitre tente de présenter la situation sociolinguistique réunionnaise quant au statut du français et du créole et leur contact mutuel, en passant à la notion de bilinguisme et de diglossie. Pour pouvoir commenter la situation actuelle, il est nécessaire d’expliquer brièvement l’histoire de l’espace linguistique de l’île et la naissance du créole réunionnais avec ses traits spécifiques.

1.1.1 Survol socio-historique de l’île de La Réunion

L’île de La Réunion, l’un des Départements et Régions français d’outre-mer (D.R.O.M), est l’une des régions ultrapériphériques de l’Union européenne, située dans l’Océan Indien à 700 km à l’est de Madagascar et actuellement habitée par plus de 800.000 personnes. L’île montagneuse, d’origine volcanique et de superficie de 2500 km² fait partie de l’archipel des Mascareignes. Pour les raisons pratiques, nous pouvons encore mentionner la division abstraite de l’île en Les Hauts, qui représentent l’intérieur de l’île partagé en trois cirques (Cilaos, Salazie et Mafate) avec le point culminant du Piton des Neiges, et Les Bas,

3 ce qui est une désignation du littoral abritant les principales grandes villes (Saint-Denis, Saint-Paul, Saint-Pierre…).1 La Réunion a connu plusieurs découvertes et a porté divers noms. Déserte jusqu’en 1665, elle est colonisée par des vagues d’immigration successives qui sont à l’origine de son peuplement multi-ethnique. À partir de 1665, les Européens débarquent sur l’île avec des femmes malgaches, indiennes et portugaises de l’Inde formant une société d’habitation. Aux environs de 1715, l’Île Bourbon en ce temps-là se dirige vers une société de plantation avec la culture des épices et du café et l’importation des esclaves africains en masse. C’est dans cette période où le créole réunionnais émerge. En 1848, l’île reprends définitivement le nom La Réunion et l’abolition de l’esclavage provoque l’arrivée d’engagés surtout indiens et chinois afin de remplacer les esclaves qui ne veulent plus travailler pour les propriétaires fonciers blancs mais aussi pour faire du commerce.2 La départementalisation en 1946, la fin du statut de colonie de l’île, n’a au début que peu d’effets dans les premières années de son application. Ce n’est qu’au cours des années soixante où il est mis en application une politique de rattrapage et d’égalité avec la métropole. Cette politique amène de vastes transformations telles qu’une urbanisation profonde, la scolarisation et les facilités de communication quant au déplacement des individus aussi bien qu’à la diffusion médiatique.3

1.1.2 Créoles à base française. Spécifiques du créole réunionnais

Après avoir brièvement présenté l’évolution de l’île au cours des siècles, dans ce chapitre nous nous focaliserons sur l’évolution de sa langue unique – le créole réunionnais. Tout d’abord, il faut préciser la notion de terme créole. Employé au pluriel, ce terme désigne diverses langues parlées dans les régions variées du monde. Ces langues ont été nées principalement au cours des colonisations européennes datant la période entre XVIe et XVIIIe siècles. Il existe donc également à côté des créoles à base française ceux à base anglaise, portugaise, néerlandaise ou espagnole. Les créoles français, qui nous intéressent ici, « se sont développés, en raison du contact de langues entre le français des maîtres et les langues

1 Larousse – Encyclopédie électronique sur larousse.fr. [http://larousse.fr/encyclopedie/departement/La_R%C3%A9union_974/138726], consulté le 15/2/2016. 2 Gudrun LEDEGEN. Morpho-syntaxe du français « ordinaire » de La Réunion : résonance intra- et interlinguistique et éclairage phonétique. In : Le français en Afrique 22, Nice, Université de Nice, 2007, pp. 319-320. 3 Ibid., p. 320. 4

(multiples) des esclaves. »4 Ce français des maîtres a été un français d’usage oral et marqué de formes régionales et populaires. Puis, repris par les esclaves qui n’ont eu besoin de le saisir que de façon approximative, sous l’influence des langues multiples et par l’usage strictement oral, ce français a donc connu une évolution très accélérée.5 Tout au début, le terme créole désignait tout produit né dans les terres de colonie de parents non originaires du pays et il a été appliqué aussi bien aux humains qu’aux animaux ou végétaux. Plus tard, cette notion est passée à une désignation d’une population – les Créoles - et à leur langue qu’ils ont pratiquée. Puisque le terme créole en référence à la population désigne une autre réalité d’une colonie à l’autre, aussi les langues créoles sont fort diverses. Et même si pour les créoles français leur origine française est commune et indéniable, les différences importantes s’apparaissent pour qu’elles puissent souvent interdire l’incompréhension parmi les locuteurs créolophones des îles éloignées. Par exemple, un Réunionnais ne comprend pas un Haïtien, etc. Ainsi, quant aux créoles français, nous distinguons deux grandes zones : la zone américano-caraïbe avec le louisianais, l’haïtien, le créole des Petits Antilles (les variétés proches de Guadeloupe, Martinique, Sainte-Lucie, Dominique) et le guyanais ; deuxième zone de l’océan Indien englobe le créole réunionnais, le mauricien (avec la variété rodriguaise) et le seychellois. Il est évident que les contrastes linguistiques entre les deux zones principales sont importants, mais même à l’intérieur d’une même zone, l’intercompréhension peut être limitée dès que les locuteurs des créoles différents sont unilingues (ils ne sont pas par ailleurs francophones ou anglophones).6 Les créoles à base française sont utilisées presque partout dans le contexte de diglossie (ou de continuum linguistique) avec le français, ce qui sera traité dans le chapitre plus loin (voir § 1.1.3.1 infra) consacré aux phénomènes de langues en contacts et à la notion de diglossie et de bilinguisme. Maintenant, nous présenterons encore brièvement le système phonologique du créole réunionnais et aborderons la problématique de l’écriture. Concernant la phonologie, créoles à base française ont poussé au plus loin les tendances du français et ils représentent les sous-systèmes phonologiques du français tous marqués par une réduction des groupes consonantiques, une préférence pour les structures syllabiques à consonne-voyelle (CV) ou consonne-voyelle-consonne (CVC). Un autre trait marquant des systèmes créoles est la réduction ou disparition totale des oppositions labiales –

4 Marie-Christine HAZAËL-MASSIEUX, Les créoles à base française, Paris, Ophrys, 2011, p. 1. 5 Id. 6 Ibid., pp. 7-8. 5 non-labiales au niveau des voyelles d’avant. Le système syllabique s’est simplifié partout. Dans le créole réunionnais, nous trouvons surtout les types syllabiques suivants : V : (les agglutinations de consonnes issues par exemple d’un article français) : dlo (eau), zanfan (enfant), lanvi – envie ; CV : ké (queue), zo (os) ; CVC : bèl (beau/belle), fiy (fille), kaz (maison) ; CCV(C) : plis (plus), gran (grand), pié (pied). Ensuite, les constrictives palatales sourdes ou sonores du français sont antériorisées et réalisées comme les dentales : manzé (manger). Concernant la série antérieure labialisée du français ([y], [ø], [œ]), elle se prononce avec le désarrondissement (« feu » devient fé).7 L’écriture du créole réunionnais n’est pas jusqu’à nos jours codifiée. Avant les années 1970, la graphie se faisait uniquement avec les phonèmes français. Entre les années 1970 et 1990, d’autres types de graphies sont apparus avec plus d’accent sur les aspects phonologiques et phonétiques. Il s’agit des graphies Lekritir 77, KWZ 83 et Tangol. Néanmoins, aucune de ces graphies phonologisantes est entrée dans la pratique courante et l’écriture du créole réunionnais reste variée auprès des locuteurs.8

1.1.3 Situation sociolinguistique actuelle à La Réunion

1.1.3.1 Langues en contact

Comme le chapitre précédent révèle, la situation sociolinguistique réunionnaise actuelle réunit principalement deux langues : le créole réunionnais et le français. La relation entre ces deux langues quotidiennement en contact a longtemps été décrite comme une situation diglossique. Ce schéma a tout d’abord servi à décrire une situation où coexistent deux systèmes linguistiques apparentés génétiquement et structurellement, de statut social inégal et dont les distributions sont complémentaires.9 Pourtant aujourd’hui, la relation génétique des langues n’est plus considérée comme un critère pertinent et le concept concerne toutes les situations de contacts de langues.10 Ce concept a aussi été repris par les créolistes, vu que les créoles ne sont plus définis comme des variétés du français (créoles à base française), mais comme des langues à part.

7 Marie-Christine HAZAËL-MASSIEUX, Les créoles à base française…, op.cit., p. 32. 8 Ibid., p.46. 9 CH. A. FERGUSON. Diglossia. In: Word, n°15, 1959, p. 325. 10 M. BENIAMINO. Diglossie. In: Marie-Louise MOREAU, Sociolinguistique : Concepts de base, Sprimont, Mardaga, 1997, p. 126. 6

Ce qui est important du concept de diglossie, ce sont les fonctions spécifiques et des statuts différents de deux langues à travers une communauté linguistique et le fait que l’égalité entre les langues est impossible (même entre langues de prestige égal). Dans une situation de diglossie se trouvent donc en présence deux variétés linguistiques : la langue haute et la langue basse. Une langue haute représente une variété prestigieuse, la langue de culture et des relations formelles, par contre une langue basse est une variété de la vie quotidienne et généralement stigmatisée.11 Dans le cas de La Réunion, institutionnellement, la langue française (la langue officielle sur le territoire national français) utilisée dans l’enseignement, les médias et les relations formelles constitue la langue haute dans le schéma de Ferguson. La langue basse est donc le créole réunionnais utilisé au sein des familles et de la vie quotidienne. Cependant, la situation diglossique réunionnaise n’est pas aussi claire et simple. Au cours des dernières décennies la langue haute, le français, a gagné une place certaine au sein des pratiques familiales, et à l’envers, le créole comme une langue basse a obtenu une forte légitimité sociale. « La diglossie est ainsi clairement révolue, même s’il est à noter que cette vision dichotomique subsiste bel et bien dans les représentations des locuteurs. »12 Ainsi, le concept de diglossie se situe surtout dans l’image que les locuteurs ont de la situation. La stigmatisation et les stéréotypes liés aux langues minorées et ancrés dans les représentations des locuteurs seront traités dans le chapitre 1.3 concernant la notion de stéréotypage et de stéréotypes. De plus, quant à la situation diglossique, les productions linguistiques ne sont pas strictement séparées entre les deux pôles de la diglossie, ce qui est l’acrolecte et le basilecte, mais au contraire, elles s’organisent selon un spectre continu de variétés intermédiaires entre lesquelles les frontières sont floues et qui sont donc difficiles à catégoriser linguistiquement. L’un des concepts majeurs pour décrire cette situation est celui du continuum linguistique qui présente les productions linguistiques comme un arc-en-ciel d’usage et non pas une séparation stricte entre les variétés. L’acrolecte est défini comme la variété la plus proche du pôle défini comme supérieur, par contre le basilecte représente la variété la plus éloignée de ce pôle.13 Ainsi, dans le cas réunionnais le français de référence correspond à la notion d’acrolecte, le créole basilectal à celle de basilecte. Le créole acrolectal, le créole très proche du français, a aussi été au début désigné par le terme français créolisé, ce qui montre la difficulté d’analyse qui se posait aux chercheurs. Ce terme a représenté le créole parlé dans les Hauts

11 M. BENIAMINO. Diglossie. In: Marie-Louise MOREAU, Sociolinguistique..., op.cit., p. 125. 12 Gudrun LEDEGEN. Le français et les créoles à base française…, op.cit., p. 152. 13 R. CHAUDENSON. Acrolecte. Basilecte. In: Marie-Louise MOREAU, Sociolinguistique, op.cit., pp. 19 et 60. 7 de La Réunion et surtout parlé par les « Petits Blancs », qui sont les descendants des « Blancs pauvres » exilés dans les Hauts de l’île à partir du XIIXe siècle. Par contre, le créole basilectal est parlé majoritairement dans les Bas de l’île.14 Par ailleurs, il existe aussi de diverses variations entre le sud et le nord de l’île. Pour illustrer ce concept de continuum, nous ajoutons un exemple imaginé, proposé par R. Chaudenson concernant la situation réunionnaise15 : Nous mangions un peu de morue chez notre oncle. (français = acrolecte) Nous mangions un peu la morue chez notre oncle. Nous i mangeaient un peu la morue chez not toton. (créole acrolectal) Ni manzé in pé la mori sé not tonton. Nou té ki manz in pé la mori la kaz nout tonton. (créole basilectal) Cet exemple a été construit pour démontrer tous les domaines linguistiques qui subissent les variations : « la prononciation avec le désarrondissement des voyelles antérieures labialisées ([y]/[i] ; [ø]/[e]) ; la morpho-syntaxe avec les morphèmes verbaux préverbaux (té i) ou postverbaux (-é/-ions) ; le lexique (chez/la kaz). »16 La prise en compte de la production linguistique interférentielle dans une situation de continuum linguistique a conduit vers la création du concept d’interlecte, proposé par L. F. Prudent. Cette zone interlectale n’obéit ni au basilecte ni à l’acrolecte et permet donc de ne pas poser ces frontières et de réunir les différentes pratiques langagières, dont les formes linguistiques sont difficiles à attribuer à l’une ou l’autre langue, dans un macrosystème interlectal.17 Dans le même ordre d’idées, J. Simonin propose la notion de parlers réunionnais, par laquelle il caractérise la situation sociolinguistique présente comme un processus d’hybridation des pratiques langagières à La Réunion.18 Le français et le créole coexistent et se mêlent dans les usages quotidiens, la communication ordinaire se caractérise par des alternances codiques fréquentes, des mélanges multiples et l’observateur a donc souvent des difficultés à déterminer dans quelle langue une conversation se déroule. Parfois, certains énoncés peuvent indifféremment être perçus comme créole ou français à la fois. Dans ce cas, l’observateur se trouve dans l’incapacité d’attribuer des segments d’énoncé

14 Gudrun LEDEGEN. Le français et les créoles à base française…, op.cit., p. 160. 15 R. CHAUDENSON. Continuum. In: Marie-Louise MOREAU, Sociolinguistique, op.cit., pp. 100-101. 16 Gudrun LEDEGEN. Le français et les créoles à base française…, op.cit., p. 161. 17 L. F. PRUDENT. Diglossie et interlecte. In: Langages : Bilinguisme et diglossie, vol.15e, n°61, 1981, p. 26. 18 J. SIMONIN. Parler réunionnais ? In : Hermès, n°32-33, 2002, p. 289. 8

à l’une ou l’autre langue ou mieux, il peut les attribuer aux deux langues en même temps. Voici un exemple pour illustrer la double interprétation présenté par G. Ledegen19 : i fo red(e)mandé a papa ou a maman in kayé i(l) faut red(e)mander à papa ou à maman un cahier Il s’agit de la transcription d’un énoncé se situant dans un passage en créole et qui constitue une citation des paroles de l’institutrice. « De ce fait, il pourrait être en français, mais il pourrait tout aussi bien être un énoncé en créole acrolectal. Aucun indice sûr ne permet de trancher : le [i] peut être autant la prononciation de « il » en français « ordinaire » que l’indice préverbal du système créole. »20 Dans le cadre de notre travail, ces doubles interprétations possibles vont jouer un rôle important quant à la transcription du corpus et la classification des énoncés. Le processus de transcription et ses difficultés seront décrits en détail dans la partie méthodologique.

1.1.3.2 De la diglossie au bilinguisme

Vu la situation diglossique sur l’île qui a évolué, il faudrait aussi préciser le terme de bilinguisme. Si le concept de diglossie est basé sur l’inégalité de deux langues quant à leurs fonctions, le bilinguisme représente la situation où les deux langues peuvent être utilisées pour acquérir les mêmes fins et dans les mêmes contextes. Dans le cas réunionnais, le français a gagné beaucoup de terrain par la scolarisation, les médias et représente toujours la langue de la réussite scolaire et sociale. De ce fait, dans certaines familles les parents ne veulent pas transmettre cette langue basse, leurs enfants n’ont donc plus qu’une compétence passive en créole et le français entre dans l’espace familial et privé, ce qui est en opposition avec le concept de diglossie et le statut de la langue haute. De l’autre côté, le français partage de plus en plus la place publique avec la langue créole qui est encore largement pratiquée autant par les anciens que par les jeunes. Le créole apparaît dans les publicités pour vanter les produits traditionnels, mais aussi des objets modernes. Surtout, le créole a radicalement changé de statut par sa reconnaissance officielle comme l’une des langues de France, la création du CAPES21 de créole ou l’ouverture d’une licence de Langues et Cultures régionales. Toutes ces modifications de statut et d’utilisation ont un impact très important sur les représentations des locuteurs et mènent vers une déclaration de deux langues en présence et leur mélange.22

19 Gudrun LEDEGEN. Le français et les créoles à base française…, op.cit., pp. 152-153. 20 Ibid., p. 154. 21 Certificat d’Aptitude au Professorat de l’Enseignement au Second degré. 22 Gudrun LEDEGEN. Le français et les créoles à base française…, op.cit., p. 157. 9

Concernant la notion de bilinguisme, il faudrait aussi distinguer le bilinguisme de la collectivité et celui de l’individu. Une collectivité bilingue ne doit pas être forcément une collection d’individus bilingues. Dans le cadre de notre travail, nous nous intéresserons surtout au bilinguisme de l’individu, alors aux personnages bilingues qui alternent ces deux langues.

1.1.3.3 Le français réunionnais

Enfin, nous présenterons en bref ce qui est le français réunionnais. Comme partout dans l’espace francophone, le français parlé ne correspond pas vraiment à la norme. Les diverses variantes apparaissent sur le territoire français métropolitain du nord au sud du pays et le français des territoires ultramarins n’en fait pas l’exception. Le français parlé à La Réunion possède certains traits très spécifiques par rapport au français métropolitain et nous essayons de les décrire brièvement. Ayant abordé le problème du continuum linguistique réunionnais dans le chapitre précédent, nous voyons que même si la norme de prestige est aujourd’hui le français métropolitain, le français à La Réunion est fortement influencé par le créole réunionnais qui est la langue principale de la conversation quotidienne. Il se différencie ainsi par multiples points de la variété métropolitaine. Ces différences se caractérisent par des régionalismes lexicaux de diverses catégories23 : - sens absent du français de référence : battre (‘hacher’), bonbon (‘gâteau’), raler (‘tirer’) - termes absents du français de référence : appropter (‘nettoyer’), choka (‘aloès’), endormi (‘caméléon’) - mots composés ou locution verbales absents du français de référence : baba-figue (‘fleur de bananier’), battre un carré (‘se promener’), faire un compte avec (‘attacher de l’importance’) - termes présents en français de référence mais présentant une très forte fréquence en français réunionnais : lever (‘commencer à pousser’), manger (‘repas’), vitement.24

Il faudrait noter que ces mots et expressions spécifiques réunionnais appartiennent souvent aux deux langues en même temps : « la considérable osmoticité entre français et créoles

23 Gudrun LEDEGEN. Le français et les créoles à base française…, op.cit., p. 164. 24 Les termes choisis par G. Ledegen (citation précédente) et consultés dans : Michel BENIAMINO, Le français de La Réunion. Inventaire des particularités lexicales, Paris, EDICEF/AUPELF, 1996, 303 p. 10 fait que presque tout lexème français peut être « créolisé » et que, dans l’autre sens, la quasi-totalité des termes créoles peut apparaître en français. »25 Quant à la catégorie de la prononciation, nous soulignerons deux phénomènes qui particularisent fortement le français réunionnais26 : - la chute ou la vocalisation du /r/ postvocalique : n’importe quoi [nɛp̃ ɔʁtkwa], département [depɑ:tmɑ̃], pour [pu:ʁ] - la réduction des groupes consonantiques complexes : notre [nɔt], être [ɛt], prendre [pʁɑ̃n:].

Sur le plan syntaxique, les traits qui particularisent le français réunionnais par rapport à d’autres variétés ne sont pas trop nombreux. Il s’agit des faits comme l’omission du subjonctif (il faut qu’ils savent ma séduire), l’absence de que de subordination (ça fait longtemps j’ai pas vu là), l’omission du clitique objet direct (oui avec ce câble oui mais je // j’arrive pas à faire marcher), l’omission du clitique en ou y (vous allez pas avec des gants vous) ou l’interrogative indirecte où le mot interrogatif est à l’endroit où se situerait le syntagme non interrogatif (tu sais c’est quoi des rollers-shoes ?). Ces faits représentent en français métropolitain le langage non-conventionnel ou populaire. Mais ce qui particularise le français réunionnais, c’est l’usage habituel et assez fréquent de ces faits qui créent ainsi la norme objective. Par opposition au français métropolitain, leur statut a une valeur sociolinguistique non-marquée à La Réunion.27

25 R. CHAUDENSON. Français et créoles dans les aires créolophones. In: D. de ROBILLARD & M. BENIAMINO, (éds.), Le français dans l'espace francophone, Paris, H. Champion, Coll. Politique linguistique : I, 1933, p. 391. 26 Gudrun LEDEGEN. Le français et les créoles à base française…, op.cit., p. 166. 27 Ibid., 167. 11

1.2 Changement de code linguistique

Après avoir présenté la situation sociolinguistique à l’île de La Réunion, nous constatons, en tenant compte de la zone interlectale, que le créole en ses diverses variétés et le français standard/régional constituent les deux langues principales de l’île. Quand nous nous concentrons sur les parlers des locuteurs à l’île, nous pouvons observer les situations diverses quant à l’utilisation des deux langues et leurs mélanges. Dans ce chapitre, nous tenterons de présenter les termes clés pour notre recherche, tels que le choix de code linguistique et le mélange codique qui englobe la notion d’alternance codique et d’emprunt.

1.2.1 Choix de code

Dans la vie quotidienne, nous utilisons de multiples variétés de la langue que nous parlons. Dans un milieu bilingue, les locuteurs bilingues peuvent alterner entre ces variétés d’une langue mais de plus, ils peuvent encore choisir quelle langue utiliser pour parler aux autres interlocuteurs bilingues. « Là, où un monolingue peut seulement choisir la variété […], un bilingue pourrait alterner entre les variétés d’une langue, entre les deux langues ou faire les deux. »28 Pour pouvoir étudier le choix linguistique auprès des locuteurs bilingues, il se révèle nécessaire de nous concentrer sur les facteurs qui l’influencent. Au départ, il faudrait distinguer lors qu’un bilingue parle à un interlocuteur monolingue ou à un autre bilingue. Dans le premier cas, le locuteur bilingue choisit naturellement la langue de son interlocuteur et leur conversation correspondra à celle de deux monolingues si un passage à une autre langue ne sert pas d’aide. Le choix de langue dans un cas de deux locuteurs bilingues est plus intéressant. La langue convenable est normalement choisie inconsciemment sans le temps de plus ou un effort spécial et la question sur le choix de langue utilisée, posée aux bilingues, leur semble assez inintéressante.29 Les facteurs qui influencent le choix de code linguistique dans un milieu bilingue peuvent être très nombreux et souvent il s’agit d’une combinaison de plusieurs d’eux en même temps. Nous pouvons diviser les facteurs influant sur le choix de langue dans quatre

28 Traduction libre de : « Whereas a monolingual can only switch from one variety to another (colloquial to formal, for instance) in one language, a bilingual may change varieties in one language, change languages, or do both. » In: F. GROSJEAN, Life with Two Languages : An Introduction to Bilingualism, Cambridge, Harvard University Press, 1982, p. 128. 29 Ibid., p. 130. 12 grands groupes : les participants, la situation, le contenu du discours et la fonction de l’interaction. L’image suivante illustre cette répartition d’après J. Grosjean30 :

Image n°1 : Les facteurs influençant le choix de langue

À la base, concernant les participants, nous nous concentrons sur leur âge, leur sexe, leur métier, leur statut socioéconomique, leur origine, leur ethnicité et leurs rôles dans la relation entre eux (l’employeur – l’employé, le mari – la femme). Dans le domaine de la situation, c’est le temps et l’espace englobant les facteurs de l’environnement comme le dîner de famille, la fête, le rendez-vous et le cours à l’école, etc. Puis, le contenu du discours représente le sujet de conversation (le travail, les sports, les événements nationaux, …) et le type de vocabulaire utilisé. Enfin, l’intérêt se dirige vers la fonction de l’interaction entre les locuteurs ce qui peut être une demande, des excuses, une proposition d’informations etc.31 Quant au classement aux groupes, J. A. Fishman parle plutôt des « domaines » en mettant l’accent sur le groupe, la situation et le sujet de conversation (group, situation, topic) et les rôles-relations entre les participants.32 Certainement, les auteurs se mettent d’accord en soulignant que c’est tout un ensemble de facteurs divers qui influencent fortement le choix de code linguistique auprès des locuteurs bilingues et il est difficile de trouver un mécanisme pertinent pour ce choix.

30 F. GROSJEAN, Life with Two Languages… op.cit., p. 136. 31 Susan ERVIN-TRIPP. An Analysis of the Interaction of Language, Topic, and Listener. In: American Anthropologiste, 1964, n°6 (6), pt.2, pp. 86-89. 32 J. A. FISHMAN. Who speaks what language to whom and when ? In: Li WEI, The Bilingualism Reader, Psychology Press, 2000, pp. 90-95. 13

Dans le cadre de notre mémoire, nous distinguerons encore, d’après le concept de J. Grosjean, entre l’analyse du choix de code linguistique (language choice ou language use) et de l’alternance codique (code-switching) qui pourrait apparaître dans un second temps lors d’une langue de communication adoptée. Le phénomène d’alternance codique sera décrit dans le chapitre suivant concernant les mélanges de codes linguistiques.

1.2.2 Mélange de codes

Mélange codique est un terme employé dans un sens assez large pour désigner toute situation d’interaction entre deux ou plusieurs langues (code linguistiques différents) dans un cas de contact des langues. Cette définition englobe donc les deux termes essentiels pour notre travail, ceux de l’alternance codique et de l’emprunt, quand l’alternance de codes est plutôt une juxtaposition des codes ressortant davantage au discours qu’à une langue, tandis que la notion d’emprunt réfère à l’utilisation d’un élément lexical d’une langue A à une langue B).33

1.2.2.1 Alternance codique

Puisque à La Réunion nous nous trouvons dans un milieu où plusieurs langues se rencontrent, les locuteurs utilisent souvent des codes divers même à travers un même échange verbal ou un même énoncé. D’où elle est issue la notion d’alternance codique. Le phénomène d’alternance codique est un aspect très important dans les études sur le bilinguisme et dans ce chapitre nous déterminerons les différents types de l’alternance codique en cherchant à expliquer son emploi dans la communication. Selon John J. Gumperz, qui est le principal initiateur des études sur ce phénomène, l’alternance codique ou code-switching (angl.) se définit comme « la juxtaposition, à l’intérieur d’un même échange verbal, de passages du discours appartenant à deux systèmes ou sous-systèmes grammaticaux différents. »34 Jean Dubois, dans le Dictionnaire de linguistique, distingue l’alternance de langues entre l’alternance de compétence (où le(s) interlocuteur(s) sont expert(s) dans les deux systèmes différents) et celle d’incompétence (où il(s) ne le sont pas).35 Pourtant, cette répartition nous semble assez indistincte – le choix du code et un choix du locuteur est sans connaître ses capacités

33 M. BLANC. Mélange de codes. In: Marie-Louise MOREAU, Sociolinguistique…, op.cit., p. 207. 34 Traduction libre de: « (Conversational code switching can be defined as) the juxtaposition within the same speech exchange of passages of speech belonging to two different grammatical systems or subsystems. » In: J. J. GUMPERZ, Discourse strategies, Cambridge, Cambridge University Press, 1982, p. 59. 35 J. DUBOIS, Dictionnaire de linguistique, Paris, Larousse, 1994, p. 30. 14 linguistiques avec précision il est très difficile, voire impossible d’identifier le type de l’alternance au niveau de la compétence. Surtout en examinant l’oral par l’écrit.36 Du point de vue sociolinguistique, nous travaillerons avec la répartition de l’alternance codique parmi les trois types suivants37 : - Alternance intraphrastique : lorsque les deux codes coexistent à l’intérieur d’une même phrase. - Alternance interphrastique (dite aussi phrastique) : il s’agit d’une alternance des codes au niveau d’unités plus longues, de phrases ou de fragments de discours, toujours dans les productions d’un même locuteur ou dans les prises de parole entre interlocuteurs. - Alternance extraphrastique : quand les segments alternés sont des expressions idiomatiques, des proverbes.

Concernant l’alternance codique intraphrastique, il faudrait la distinguer de l’emprunt. Nous le ferons en se référant à la distinction proposée par Shana Poplack suivant la contrainte de l’équivalence : « l’alternance peut se produire librement entre deux éléments quelconques d’une phrase, pourvu qu’ils soient ordonnés de la même façon selon leurs grammaires respectives. »38 Elle propose encore quatre principes suivant de la contrainte d’équivalence39 : 1. Aucun croisement n’est permis. 2. Tout constituant monolingue doit être grammatical. 3. Pas d’éléments omis. 4. Pas d’éléments répétés.

Pourtant, même cette précision pose des problèmes en essayant de distinguer l’alternance de l’emprunt. Il s’agit surtout des cas quand une unité lexicale d’une langue est isolée et apparaît dans le discours d’une autre langue en obéissant à la fois aux règles des deux. De plus, le créole et le français sont des langues proches ce qui fait l’analyse encore plus difficile ou confuse. Nous extrapolerons donc la différence entre l’alternance codique intraphrastique et l’emprunt en supposant que l’alternance, suivant la contrainte d’équivalence, concerne les parties plus grandes d’une phrase qu’une seule unité lexicale ou un groupe nominal et que la plupart des unités isolées dans la phrase correspond

36 Nous pouvons supposer que la distinction pourrait se faire au cas où le locuteur marque une rupture ou des hésitations. Néanmoins, même dans ce cas-là il n’est pas évident de parler d’une incompétence vu que le manque de mots ou d’expressions concrètes dans une situation donnée arrive normalement au locuteur (monolingue) dans son discours monolingue. 37 Ndiassé THIAM. Alternance codique. In: Marie-Louise MOREAU, Sociolinguistique…, op.cit., p. 32. 38 Shana POPLACK. Conséquences linguistiques du contact des langues : un modèle d’analyse variationniste. In : Langage et Société, n°43, 1988, p. 23. 39 Ibid., p. 29. 15

à la notion de l’emprunt. La définition détaillée de ce terme sera précisée dans le chapitre suivant consacré à la notion de l’emprunt à part. Le concept de l’alternance codique se peut encore classer dans des catégories diverses selon les différentes approches de recherche. Nous pouvons distinguer l’approche dite fonctionnelle ou situationnelle, plus tard considérée comme l’approche conversationnelle, de Gumperz qui a étudié les alternances de codes en se concentrant sur leurs fonctions conversationnelles et pragmatiques comme éléments modulateurs du discours. Par contre, l’approche purement linguistique et structurale qui privilégie les aspects formels de l’alternance de codes est propre à l’école canadienne dont Poplack fait partie. Nous parlons de la démarche théorique de la sociolinguistique dite variationniste.40 Dans le cadre de notre mémoire, nous nous intéressons à l’approche pragmatique en cherchant à définir quelles sont les fonctions de l’alternance codique dans un discours ou une conversation et quels sont ses effets. Il semble que les alternances codiques ne remplissent pas seulement une fonction rhétorique ou discursive mais qu’elles peuvent aussi symboliser en soi l’appartenance identitaire d’une communauté ou d’une ethnique. Enfin, il ne reste que de définir ou de bien préciser ce que n’est pas d’alternance codique :

« On ne parlera pas de l’alternance codique si on constate qu’un locuteur emploie une langue dans ses rapports avec ses supérieurs, par exemple, et une autre langue quand il traite avec ses familiers (la liaison langue-contexte pouvant être décrite en termes de diglossie). […] On n’a pas affaire non plus à de l’alternance codique dans les cas de compartimentation de l’usage langagier, où les normes de sélection du code tendent à être relativement stables et correspondent à des étapes ou à des épisodes structurellement identifiables […]. »41

Dans ce cas-là nous pouvons parler du terme de choix du code qui correspond à la situation diglossique et qui est défini dans le chapitre précédant.

40 Ndiassé THIAM. Alternance codique. In: Marie-Louise MOREAU, Sociolinguistique…, op.cit., pp. 33-34. 41 Ibid., p.33. 16

1.2.2.2 Emprunt

Nous avons déjà abordé le terme de l’emprunt dans la partie précédente en le distinguant de l’alternance codique intraphrastique. Pour spécifier ce terme, nous suivons la définition qu’un emprunt est un « mot, un morphème ou une expression qu’un locuteur ou une communauté emprunte à une autre langue, sans le traduire. »42 Toutes les langues empruntent des mots à d’autres langues, il s’agit donc d’un processus normal et tout à fait naturel de l’évolution linguistique. Christiane Loubier ajoute encore que le terme de l’emprunt linguistique comporte à la fois l’acte d’emprunter (c’est-à-dire le procédé par lequel les utilisateurs d’une langue A adoptent une unité linguistique d’une langue B) et l’unité empruntée intégralement ou partiellement à la langue B.43 Cette intégration à une langue, intégrale ou partielle, peut être désignée comme l’emprunt au niveau de langue ou de parole. Adoptant cette distinction proposée par François Grosjean, nous parlons dans le premier cas d’un emprunt concernant toute une communauté linguistique ou une langue normative, dans le second il ne concerne que l’individu.44 Quand deux langues sont en contact, dans notre cas le créole réunionnais et le français, il est rare qu’elles s’empruntent la même quantité de mots. « La portion d’emprunts traduit généralement un rapport de force entre les communautés, celle qui est dominée, sur le plan politique, technique, économique ou culturel, faisant davantage appel aux ressources linguistiques de l’autre. »45 Concernant l’emprunt au niveau de l’individu, l’emprunt de parole, nous nous concentrerons sur ceux dits de compétence qui sont propres aux individus bilingues très compétents dans les deux langues. Chez eux, il s’agit de plusieurs motifs menant vers l’acte d’emprunter ou d’alterner en général. Ils peuvent faire appel à leurs deux lexiques parce que « l’équivalent de traduction n’existe pas dans la langue qu’ils sont occupés à parler », « le terme qui y est disponible n’exprime pas toutes les nuances souhaitées » ou simplement « pour atteindre un effet de style » ou, de manière plus générale, « pour maximiser la communication ».46 Dans le cadre de notre travail, qui est une étude de cas, nous nous concentrerons sur cette nature d’emprunts et leurs fonctions dans l’énoncé, plus exactement sur les emprunts au créole apparus dans l’énoncé français.

42 Josiane F. HAMERS. Emprunt. In: Marie-Louise MOREAU, Sociolinguistique…, op.cit., p. 136. 43 Christiane LOUBIER, De l’usage de l’emprunt linguistique, Office québécois de la langue française, 2011, p. 10. 44 F. GROSJEAN, Life with Two Language…, op.cit., p. 292. 45 Josiane F. HAMERS. Emprunt. In: Marie-Louise MOREAU, Sociolinguistique…, op.cit., p. 137. 46 Ibid., p. 138. 17

1.3 Stéréotypage

Ce chapitre présentera la notion de stéréotypes dans la sociolinguistique quant aux représentations des locuteurs sur les langues. Nous avons abordé ce terme dans le chapitre traitant les langues en contact où nous avons constaté que le concept de diglossie se projette surtout dans l’image que les locuteurs ont de la situation. Cette image peut se présenter comme un ensemble des stéréotypes et clichés liés à une langue ou à une relation entre deux langues, et ensuite aux locuteurs eux-mêmes. Pourtant, ces stéréotypes peuvent être aussi bien négatifs que positifs. Dans ce chapitre, nous décrirons donc le concept de stéréotypage ambivalent lié aux langues en contacts. Nous nous sommes inspirée du concept présenté par Henri Boyer qui traite le processus de stéréotypage né d’un conflit qui ressort d’une situation de coexistence de langues au sein d’un même espace sociétal. Il s’agit de la coexistence concurrentielle et inégalitaire, d’où le conflit diglossique. Boyer parle de l’idéalisation de la diglossie qui consiste en coexistence d’une représentation ouverte et surtout valorisante de la langue dominante et la représentation de la langue dominée qui tend à se fossiliser en deux stéréotypes opposés, mais solidaires – l’un positif et l’un négatif. Ce stéréotypage ambivalent au sein de l’imaginaire communautaire des langues en présence, couplé avec des attitudes- préjugés lui semble être l’indicateur principal du caractère conflictuel de la diglossie.47 Le schéma ci-après, proposé par Boyer, tente de présenter la conception de l’imaginaire des langues en conflit :

47 H. BOYER. Le stéréotypage ambivalent comme indicateur de conflit diglossique. In : H. BOYER, Stéréotypage, stéréotypes : fonctionnement ordinaires et mises en scène. Tome 4, Langue(s), discours. Paris, L’Harmattan, 2007, p. 40. 18

Image n°2 : Concept de stéréotypage ambivalent d’Henri Boyer

Selon le concept de Boyer, le résultat de ce processus est la non-transmission de la Langue B (le créole dans notre cas) et sa substitution par la Langue A (le français). Pourtant, l’environnement linguistique réunionnais actuel ne vise pas vraiment l’extinction totale du créole mais plutôt les nouveaux statuts des deux langues dans la société. Néanmoins, les attitudes vers une langue ou vers un groupe linguistique sont souvent fortement ancrées dans l’inconscient d’une collectivité. La langue elle-même n’est pas seulement un instrument de communication, mais elle est aussi un symbole de l’identité d’un groupe ou d’une société. Et dans les deux cas, elle est liée aux attitudes et aux valeurs qu’ont ses locuteurs mais aussi

19 les personnes qui ne connaissent pas la langue. Ces attitudes jouent un rôle important dans les vies de ses locuteurs. Comme il en résulte du paragraphe précédent, les attitudes envers les langues reflètent souvent les attitudes envers leurs locuteurs. La question de prestige auprès des langues est principalement liée, dans les études sociolinguistiques, avec la situation diglossique. Pourtant, il est rare que deux langues ayant le même statut officiel dans la société ont réellement le même prestige ou le même statut auprès des locuteurs (exemple : la relation anglais-français au Canada). Dans une situation de langues en contact, une langue est toujours considérée comme plus prestigieuse que l’autre, ce que nous avons déjà spécifié dans le chapitre sur le contact de langues (voir § 1.1.3.1 supra). La langue dominante est parlée par le groupe qui tient le pouvoir politique, culturel ou économique dans la société mais ce groupe ne doit pas être forcément plus nombreux que celui de la langue dominée (exemple : le français en Haïti, la langue prestigieuse, et le créole haïtien, langue d’un statut défavorable mais parlée par la majorité de la population).48 Les stéréotypes résultant d’une tension entre les langues, quant au prestige, sont souvent accompagnés par la tendance à l’apprentissage de la langue « correcte » aux enfants ce qui peut produire chez eux une confusion et une rupture identitaire. En général, les locuteurs considèrent souvent la langue dominante comme plus « belle », plus « logique » et « meilleure » pour exprimer les idées importantes. Par contre, la langue dominée est plus « pauvre » et parler cette langue ne signifie rien de positif. Consacrer, par exemple, des cours à l’école à l’apprentissage de cette langue semble « ridicule » et même « incorrect » aux locuteurs.49 H. Boyer ajoute que le désignant « patois » est efficace comme vecteur central du stéréotype négatif. Les images stéréotypés et les représentations du pôle négatif d’une langue basse peuvent encore être représentées comme « sauvage », « ni adaptable à l’actualité et la technologie », « langue des vieux », « langue qui ne sert à rien », etc. Dans le cadre du concept de dualité stéréotypique, le pôle positif s’oppose en utilisant les termes comme « langue des ancêtres », liée aux « racines », langue de « l’intimité », « personnelle et sensuelle ». 50 Nous chercherons ces stéréotypes positifs aussi bien que les négatifs dans les représentations des personnages présentés dans les vidéos.

48 F. GROSJEAN, Life with Two Languages…, op.cit., pp. 120-121. 49 CH. A. FERGUSON. Diglossia. In: Word, n°15, 1959, pp. 328-330. 50 H. BOYER. Le stéréotypage ambivalent…, op.cit., pp. 42-43. 20

1.4 Podcasting et la plate-forme YouTube

Enfin, dans ce dernier chapitre de la partie théorique, nous tenterons de présenter le champ de média essentiel pour notre travail, tel que le phénomène du podcasting51 sur Internet, plus précisément sur la plateforme YouTube. Avec l’expansion d’Internet au domicile, ce réseau télématique a commencé, entre autres, à servir d’espace où chacun peut créer sa chronique personnelle et la partager avec le monde. D’où la naissance du blogging. De plus, au cours des dernières années, une nouvelle mode est arrivée sous forme de vidéo-blogging. Cette forme, étant plus personnelle et plus directe, est devenue très populaire auprès des internautes. Et c’est surtout le site YouTube qui se présente comme une plateforme de partage de vidéos l’une de plus en vogue d’aujourd’hui. Le site fonctionne déjà depuis seize ans comme un espace multimodal de communication où chacun peut en outre créer sa propre chaîne et charger ses vidéos. La possibilité de poster des commentaires ou des vidéos de réponse permet enfin de comparer YouTube à un forum de discussion ce qui est sans doute un terrain intéressant quant à la recherche sociolinguistique.52 Les vidéos des bloggeurs postées sur YouTube peuvent être de diverses natures, des problèmes de la vie quotidienne aux grands débats de la société. Très souvent, elles reflètent les événements actuels dans la société présentés par l’auteur, dit « podcaster », et de plus d’une manière assez amusante. Et c’est surtout grâce à cette approche humoristique que les youtubeurs rencontrent un tel succès auprès des auditeurs. La technique de reprendre des éléments de la vie de tous les jours et de les tourner en ridicule, sans tomber dans l’excès, permet aux spectateurs de s’identifier et de s’amuser en même temps, même en abordant des sujets sensibles. Ils sont drôles et imaginatifs en créant les vidéos dans leurs chambres. Ces podcasters-humoristes se jouissent aujourd’hui d’une vogue sur Internet et ils seront l’objet de notre étude sociolinguistique, plus précisément certaines vidéos de l’un d’eux. Maintenant, nous présenterons brièvement les grands personnages de YouTube dans l’espace francophone en mettant l’accent sur la production réunionnaise.

51 « Mode de diffusion sur Internet de fichiers audio ou vidéo, qui permet de les télécharger et de les transférer sur un baladeur numérique. » Larousse, Dictionnaire de français en ligne, [http://larousse.fr/dictionnaires/francais/podcasting_nm/10910253?q=podcasting#904136], consulté le 28/3/2016. 52 Sara AMADORI. Le débat d'idées en ligne : formes de la violence polémique sur Youtube. In: Signes, Discours et Sociétés, La force des mots : les mécanismes sémantiques de production et l’interprétation des actes de parole "menaçants", 2012, Revue en ligne. [http://www.revue-signes.info/document.php?id=2853], conculté le 28/3/2016. 21

Concernant la France métropolitaine, parmi les podcasters les plus connus mentionnons Norman Thavaud (la chaîne YouTube sous le nom Norman fait des vidéos), Cyprien Iov (Cyprien) ou parmi les filles Ina Mihalache, une québécoise installée en France (Solange te parle). Tous sont les bloggeurs, humoristes et vidéastes qui ont commencé avec les courtes vidéos faites à domicile sur les sujets de banalité et qui comptent aujourd’hui des centaines de milliers jusqu’aux millions d’abonnés. Vu un tel succès sur Internet, ils coopèrent aussi avec d’autres médias comme la télévision ou la radio de popularité nationale. Si nous nous focalisons sur le terrain réunionnais, nous trouverons quelques youtubeurs très actifs sur le site de podcast, mais assez anonymes à côté de ses alter ego. Nous pouvons en citer MrGreatStephan qui se concentre sur les commentaires des jeux de vidéos ou la présentation des films ou de la musique. Ensuite, Rom Charrette, jeune réunionnais maintenant installé à Toulouse et inspiré par Norman, il vise ses vidéos aux jeunes adultes en traitant plutôt les sujets de la vie adolescente (ex. vidéos : Top 10 des réactions quand t’es étudiant ; Tourmenté par le célibat). Un podcast des vidéos uniquement en créole assure un couple de jeunes camarades sous le nom Podcast974 qui traite aussi les sujets du quotidien, mais à la différence des youtubeurs précédents, ils le font en rapport très proche avec La Réunion (Les gars à la Réunion ; Les tantines à la Réunion). Pourtant, la qualité de leurs vidéos n’est pas très bonne quant au son et il ne s’agit que de quelques vidéos. Enfin, nous arrivons vers le vidéaste le plus intéressant pour nous, Le Letchi Amer. Ce youtubeur local se sert des coutumes réunionnaises pour étayer ses vidéos à l’humour franc et réaliste et évoque tous les petits problèmes que les natifs de La Réunion rencontrent tous les jours. Nous décrirons son travail plus en détail dans la partie méthodologique en présentant notre corpus d’études.

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2 DEUXIÈME CHAPITRE : Méthodologie

Ce chapitre servira pour décrire notre travail du point de vue méthodologique. Nous présenterons toutes les étapes qui ont été adoptées pendant la création de ce mémoire et qui ont mené vers les résultats décrits dans la partie pratique. Au cours de notre travail, nous avons passé par quatre étapes importantes : le choix du corpus, la transcription des vidéos choisies, le classement des énoncés comportant l’identification de l’alternance codique et de l’emprunt, et enfin par la recherche elle-même. Nous n’oublierons non plus de décrire et de commenter les problèmes rencontrés lors de la transcription.

2.1 Choix du corpus

Pour étudier les mélanges de langues et les facteurs menant vers l’alternance entre eux en visant une analyse sociolinguistique, c’est-à-dire un travail examinant les causes et les effets de ces jeux de langues en relation avec ses locuteurs et l’espace, nous avons choisi un média qui peut bien refléter la situation actuelle (pas seulement) linguistique de la société réunionnaise. Partant des données qui résultent du chapitre sur les youtubeurs à La Réunion nous avons choisi, sans grandes hésitations, le jeune internaute surnommé Le Letchi Amer. Personne d’autre ne dédie autant de précision en créant ses vidéos humoristiques sur les aventures réunionnaises.

2.1.1 Le Letchi

Avant de devenir un internaute reconnu, au moins dans l’espace réunionnais, il a commencé son activité sur Internet en écrivant un blog - Métaphysique du letchi - pour partager ses idées que lui passaient par la tête avec ses amis et avec le reste du monde, comme il est propre aux blogs en ligne. Selon Le Letchi, au départ le blog avait pour l’objet de faire part au monde entier, aujourd’hui il sert de plate-forme pour diffuser ses vidéos. Lui-même se présente comme quelqu’un « qu’on appelle un ‘réunionnais’. C’est une espèce de famille des ‘Français’ qui habite, contre toute logique, à 10 000 km de Paris sur un caillou volcanique perdu dans l’Océan Indien. Je suis métisse, un mélange de couleur, oui métisse, je viens d’ici et de ma mère… »53

53 Page web – Blog du Letchi Amer. [https://metaphysiqueduletchi.wordpress.com/bio/], consulté le 19/1/2016. 23

Né en 1987, comme beaucoup de jeunes réunionnais, il est parti faire des études en France métropolitaine, dans le domaine de l’hydrogéologie. Ressentant le manque de sa famille et de l’île pendant le Noël en Hexagone, il choisit le surnom du Letchi qui est un fruit typique de cette période de l’année à La Réunion. Pendant son séjour en Hexagone, il s’est rendu compte du fait que beaucoup de personnes autour de lui, les métropolitains, ne connaissaient pas vraiment l’outre-mer, ni La Réunion. Par conséquent, il a voulu leur écrire des textes qui parleraient de La Réunion et de l’outre-mer tout en gardant un point de vue assez objectif sur la situation réunionnaise et un peu ironique en même temps. Plus tard, en découvrant les vidéos des podcasters comme Norman ou Cyprien sur Internet, il a décidé de se mettre à la création de ses propres vidéos pour dynamiser la chose et faire connaître l’île un peu plus et au plus grand nombre. D’une idée de faire des vidéos pour plaisir et pour partager certaines choses avec ses amis métropolitains et ceux de La Réunion, quelque chose de plus particulier est né avec une vision plus profonde de faire découvrir l’île et la société réunionnaise avec toutes ses particularités, les bonnes aussi bien que les mauvaises :

« Je voulais combler un vide que j’avais. C’est quand j’étais là-bas [en Métropole], j’avais pas de support qui correspondait à ce que je voulais enfin montrer en fait. […] J’avais pas un sketch par exemple à montrer. Donc, c’est aussi pour combler ce manque-là. […] J’ai voulu que des Réunionnais expatriés puissent utiliser mes vidéos pour expliquer des choses à La Réunion, sur La Réunion à leurs camarades métropolitains ou étrangers. »54

Son sujet d’étude est donc la société réunionnaise avec toutes ses particularités et ses différences par rapport à l’Hexagone ou aux autres régions et départements français. Les thèmes des vidéos correspondent aux événements actuels dans la société réunionnaise aussi bien qu’aux traditions, stéréotypes et clichés généralement liés à La Réunion et ses habitants. Dans ses vidéos, il crée une galerie des personnages typiques de l’île inspirés par les différentes strates de la société de l’île. À travers de ces personnages stéréotypés, il donne des différents points de vues, tout en gardant le sien un peu en avant dans sa position du narrateur. L’humour du Letchi est acide et cynique, le sarcasme lui est propre. Il est armé d’une plume acérée mais en même temps, ses vidéos ne manquent jamais le côté divertissant et même une portée éducative. Les sketchs et les blagues sont inspirés par des situations réellement vécues. En exagérant et par une certaine autodérision, il touche des problèmes sensibles des Réunionnais mais d’une manière amusante qui fait les auditeurs rire et réfléchir

54 L’interview avec Le Letchi Amer sur madmoiZelle.com du 16/1/2015. [http://www.madmoizelle.com/le- letchi-youtubeur-interview-307523#gs.mjsioJA], consulté le 10/2/2016. 24 en même temps. De plus, ses vidéos permettent aux internautes, surtout aux Réunionnais, de s’identifier et de partager ainsi des expériences vécues et des sentiments souvent confus en ce qui concerne la question de l’identité :

« La particularité, quand j’ai dû quitter l’île pour faire mes études, c’est que je me suis retrouvé face à des gens qui ne connaissaient rien sur l’île et j’ai dû leur expliquer qu’est-ce que c’était La Réunion alors que moi-même, je me suis considéré comme un mauvais réunionnais parce que je ne connaissais pas toute l’histoire et toute la géographie de l’île. Et j’ai dû faire des recherches et forcément je me suis jamais senti aussi réunionnais que justement quand j’étais pas sur l’île. C’est assez particulier cette sensation-là, et c’est ce qui m’a aussi motivé d’ailleurs faire des vidéos. »55

Au niveau de la langue, Le Letchi utilise les deux langues dans ses vidéos – le français et le créole réunionnais « parce qu’il n’est pas possible de parler de La Réunion sans parler créole. »56 Concernant le créole, il joue encore avec ses variétés diverses de l’île à travers des personnages (le créole des Hauts où de l’Ouest), par contre, il essaie de rester à peu près intelligible pour les francophones et créolophones à la fois. Pour les non-créolophones, la compréhension est aussi garantie par des sous-titres.

2.1.2 Répertoire du Letchi et présentation du corpus

La première vidéo du Letchi date de l’octobre 2011. Jusqu’à aujourd’hui, il est sorti à peu près 81 de ses vidéos humoristiques sur YouTube.57 Son travail se compose de plusieurs types de vidéos. Nous nous concentrons surtout sur les vidéos de la catégorie Le Letchi Amer qui critiquent les faits de société à La Réunion sans compromis, ni langue de bois (ce qui correspond à son épithète « amer »), et qui ont une forme à peu près stable d’une « pièce » dirigée comportant plusieurs sketchs des personnages divers. L’autre catégorie est consacrée à la présentation des objets de quotidien mais spécifiques de l’île (Kossa il lé ?) et des personnages historiques ou des figures mythiques de La Réunion (Kissa i lé ?). Pour le reste de son répertoire, il s’agit des vidéos plus courtes, de formats divers et difficiles à classer. La réalisation des vidéos se déroule dans la chambre du Letchi et elle est effectuée par lui-même aussi bien que la création et interprétation de plusieurs personnages. De l’ensemble de toutes les vidéos trente-sept appartiennent à la catégorie Le Letchi Amer qui nous intéresse. En tant que locutrice créolophone de compétences limitées,

55 L’interview avec Le Letchi Amer sur linfo.re dans l’émission En tête-à-tête du 11/2/2016. http://www.linfo.re/videos/en-tete-a-tete/686976-en-tete-a-tete-avec-le-letchi, consulté le 11/2/2016. 56 Id. 57 Les vidéos considérées jusqu’au janvier 2016. 25 la condition du sous-titrage a été fondamentale pour notre recherche et ils nous ont servi d’un point de départ pour la transcription des vidéos. Vingt-deux vidéos de la catégorie visée sont dotées des sous-titres en français, toutes réalisées entre les années 2013 et 2015. Pour notre corpus d’études nous avons choisi douze vidéos au total.58 Il rassemble quatre vidéos de chacun des trois ans afin d’observer une évolution diachronique possible. L’année 2015 a été un peu plus faible au niveau du nombre des vidéos réalisées et elle ne propose que quatre vidéos de la catégorie souhaitée. D’où le nombre final des vidéos pour tenir le corpus cohérent. La durée moyenne d’une vidéo correspond à 7 minutes. Le tableau suivant présente la liste finale des vidéos, la base de notre recherche. Les vidéos sont rangées de la plus veille jusqu’à la plus récente. Le code correspond au numéro de la vidéo et à l’année de création afin de bien s’orienter dans le corpus.

Tableau n°1 : La liste exhaustive des vidéos analysées An Nom Code Manifs Syndicales VID12/13

Le bus réunionnais VID11/13

2013 Festin la communion, baptême… VID10/13

Free Dom VID9/13

Le créole réunionnais VID8/14

À quoi sert l’outre-mer ? VID7/14

4

201 Les courses au supermarché VID6/14

Je suis un mauvais réunionnais VID5/14

Ô Zamal ! VID4/15

Volcan la pété ! VID3/15

2015 Hip hip hip pour les mariés ! VID2/15

Oté grand-mère ! VID1/15

58 Les vidéos sont disponibles sur le CD joint à la version papier de notre travail et dans le système information de l’Université Masaryk dans l’archive correspondant à ce mémoire. Les transcriptions complètes sont présentées dans les annexes du travail (voir § Annnexe n°6 infra). 26

2.2 Méthode d’analyse

2.2.1 Transcription et préparation du corpus

Après avoir choisi les vidéos, présentées dans la partie précédente, nous avons procédé vers leur transcription. Puisqu’elles disposent de la production orale en français et en créole, la présence des sous-titres a été nécessaire. Afin de créer la version écrite d’une vidéo, nous l’avons d’abord regardée en essayant de transcrire les parties en français. Au cours de la deuxième écoute, nous nous sommes servie des sous-titres mis en disposition par l’auteur. Le sous-titrage est fait uniquement en français et il est présent au cours de toute la vidéo, c’est-à-dire même les passages en français disposent des sous-titres français. Ainsi, nous avons utilisé cette transcription faite par l’auteur pour la traduction du créole, mais nous avons pu aussi comparer les passages en français avec les sous-titres. Ayant trouvé une disparité entre la version orale/écrite, nous nous sommes concentrée sur ce fait plus en détail en cherchant s’il s’agit seulement d’une autre variété du français ou si c’est un passage très discret au créole acrolectal par exemple. Ils nous ont aussi servi pour relever les emprunts au créole dans les passages en français. Pourtant, la transcription finale des passages de production française correspond à tout ce qui est dit – dans la majorité, elle comporte des termes de plus par rapport aux sous-titres, de l’autre côté quelques-uns en sont évités comme le « ne » de la forme négative devant le verbe qui est normalement omis dans le français courant, cependant il apparaît lors de sous- titrage. Nous dirions que la forme des sous-titres représente le français plus soutenu que la production orale réelle des locuteurs. Les sous-titres comportent parfois les explications de plus qui n’apparaissent pas à l’oral. Elles servent d’un commentaire ou d’une définition afin que l’auditeur comprenne mieux la référence souvent liée aux noms propres (des endroits, des compagnies réunionnaises) ou aux mots concernant le monde créole. Dans le corpus transcrit, ces notes ajoutées sont mise en parenthèses (exemple : « Ce zambrocal (plat créole) linguistique a donné le créole qu’on connait aujourd’hui. » (narrateur, 14, VID8/14) ; « Moi, je suis malbar (en partie d’ascendance indienne) et je voudrais dire que je ne suis pas d’accord avec l’auditeur qui vient d’appeler. […] » (auditeur Free Dom 5, 23, VID9/13)). Le corpus contient non seulement tout ce qui est dit mais aussi tout ce qui s’apparaît sur l’écran en forme d’écriture. En majorité, il s’agit des slogans ou d’autres commentaires du sketch et ils sont marqués par les doubles- parenthèses dans la transcription.

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Au cours de la transcription, nous avons classé les paroles dans les énoncés séparés et numérotés. Chaque énoncé commence par le nom de son locuteur, la parole en créole est en italique soulignée. Les segments plus grands de la vidéo, les sketchs individuels, sont séparés par un tiret sur une ligne libre entre les énoncés (pour la légende complète de la transcription, voir § Annexe n°6 infra). Une fois la transcription complétée, nous avons pu procéder au classement des énoncés par rapport aux personnages. Nous avons créé deux types de tableaux résumant le contexte des paroles des locuteurs. Le premier tableau concerne les personnages secondaires qui apparaissent dans les vidéos une seule fois pendant un sketch spécifique, ou très irrégulièrement. Nous nous donc intéressons surtout au contexte situationnel dans lequel les locuteurs se trouvent. Ce tableau comporte une colonne présentant la localité et trois colonnes pour chacune des langues, le français et le créole, décrivant le locuteur, le sujet du discours et le destinateur. Voici l’extrait du tableau annexé à notre travail (voir § Annexe n°1 infra) :

Tableau n°2 : Exemple du classement des personnages secondaires dans le contexte situationnel

FRANÇAIS CRÉOLE Sujet du Sujet du Localité Locuteur Destinateur Locuteur Destinateur discours discours Letchi Carte de Caissière (réponse en fidélité. français) Pourquoi ne Jeune pas acheter Son enfant maman 2 des M&M’s. Supermarché Mauvais prix. Caissière Demande Papa d’un paquet casquette Sergio de M&M’s. (voix externe) Courses pour Papa

le mois. casquette

De la même manière, nous avons trié les énoncés des personnages principaux des vidéos, c’est-à-dire des personnages qui apparaissent régulièrement tout au long des épisodes. Il s’agit de six personnages dont les énoncés ont été classés dans un tableau de 9 colonnes : personnage, langue de l’énoncé, destinateur, langue d’action (=langue à laquelle le locuteur réagit), sujet de l’énoncé, type de la situation (formelle/familiale/publique), émotion ou fonction liées à la parole, numéro de l’énoncé et code de la vidéo. Étant de taille vaste, nous l’avons mis directement dans l’annexe du travail (voir § Annexe n°2 infra). Le même

28 classement a été adopté pour le rangement des énoncés du narrateur. Pourtant, disposant de plus de 400 énoncés, nous n’avons trié que les énoncés en créole du narrateur, vu que dans l’autre cas il s’exprime en français. Ainsi, nous avons rangé 19 conversations du narrateur menés en créole (voir § Annexe n°3 infra). Dans la seconde étape, nous nous sommes occupée des énoncés qui disposaient des deux codes linguistiques. Ces énoncés, à l’intérieur desquels coexistent deux langues, correspondent au phénomène d’alternance codique décrit dans le premier chapitre (voir § 1.2.2.1 supra). Après avoir identifié les différents types d’alternance codique, nous les avons rangés dans un tableau présentant tous les 57 cas trouvés. Afin de bien montrer la coexistence de deux codes différents dans un énoncé, nous avons procédé à la transcription du créole. Nous avons déjà expliqué que la transcription du corpus est toute en français. Ainsi, la parole en créole correspond à la traduction française issue des sous-titres. Vu que le créole réunionnais ne dispose pas d’un type d’écriture codifié (voir § 1.1.2 supra), la transcription d’un passage créole nous a posé des problèmes. Pour pouvoir l’effectuer, nous nous sommes servie de la graphie phonologisante utilisée dans le Dictionnaire kréol rénioné/français d’A. Armand utilisant le système appelé « Lekritir 77 ». Nous nous sommes aussi inspirée par l’écriture dans les Élements de grammaire comparative Créole/Français préparés comme document pédagogique, en usage actuellement à La Réunion. Ensuite, nous nous sommes concentrée sur le rassemblement des emprunts au créole dans un discours français. Nous n’avons trouvé que 27 mots créoles employés pendant un discours français. Leur classement sera présenté en détail dans le chapitre traitant les emprunts au créole aussi bien que les dictionnaires consultés (voir § 3.3 infra). La graphie des emprunts dans le corpus transcrit subit le système du Dictionnaire kréol rénioné/français présenté dans le paragraphe précédent. La dernière étape de préparation des données pour l’analyse concerne le rassemblement des énoncés dans lesquels les locuteurs manifestent leur attitude envers la langue créole ou française et envers toutes les communautés linguistiques respectives. Cette problématique sera présentée dans le chapitre sur le stéréotypage ambivalent dans les représentations des locuteurs (voir § 3.4 infra).

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3 TROISIÈME CHAPITRE : Analyses

Ce chapitre décrira les analyses du corpus que nous avons effectuées et les résultats obtenus. En quatre sous-chapitres, nous traiterons chacune des problématiques présentées dans la partie théorique : le choix de code linguistique, l’alternance codique, les emprunts et, enfin, les stéréotypes dans les représentations des locuteurs.

3.1 Choix de code linguistique

Le premier chapitre de la partie pratique sera consacré au choix de code linguistique. Puisque nous avons présenté la situation sociolinguistique à l’île dans la partie théorique, nous nous rendons compte du fait qu’il s’agit d’un milieu, au moins, bilingue. Par conséquent, nous chercherons dans notre corpus les personnages présentés comme bilingues et nous observerons les cas où ils utilisent soit le français soit le créole, en nous posant la question principale : Qui parle quelle langue, à qui et quand ?59 Nous donc essaierons de répartir ces cas dans plusieurs situation-types en cherchant leurs traits spécifiques et de trouver un mécanisme pragmatique possible des choix des locuteurs. Dans la partie théorique, nous avons présenté les facteurs qui influencent le choix de code linguistique. Ainsi, inspirés par J. A. Fishman, nous nous concentrerons sur les domaines des participants, de la situation, du sujet du discours et au final sur les relations parmi les locuteurs dans les vidéos. Nous essaierons de créer un profil sociolinguistique de chacun des locuteurs et d’observer leurs choix de langues. Puisque c’est un seul humoriste qui représente tous les personnages, nous analyserons ses choix concernant le niveau linguistique chez les personnages-types. Nous nous concentrons aussi plus en détail sur le narrateur, le guide des vidéos. Même si l’auteur se moque de la société réunionnaise à l’aide d’une galerie de personnages très stéréotypés ou décalés il souligne, en même temps, qu’il ne s’agit pas d’une critique intentionnée négative mais d’une approche positive de cette moquerie.

59 Référence au travail concernant la sociologie de langue de J. A. Fishman Who speaks what language to whom and when ? apparu dans la revue La Linguistique, Presses universitaires de France, 1965. 30

3.1.1 Participants

Dans les vidéos traitant des sujets divers, nous pouvons trouver une série de nombreux personnages. Chaque vidéo a ses personnages spécifiques liés étroitement au sujet de l’épisode (par exemple, dans la vidéo Free Dom qui présente la radio réunionnaise la plus connue, nous trouvons le personnage de l’animateur de la radio qui n’apparaît pas dans les autres vidéos). Néanmoins, nous pouvons marquer ces personnes comme personnage-type et les classer dans des groupes englobant plusieurs personnages de traits communs. Ensuite, nous observons une galerie de personnes stéréotypées qui apparaissent régulièrement dans la majorité des vidéos. Nous maintenant présenterons ces personnages en créant leurs profils sociolinguistiques. Il faudrait souligner, que la classification d’un locuteur comme monolingue ne signifie pas qu’il ne sait maîtriser qu’une seule langue, mais qu’il emploie seulement une seule langue dans le corpus. Ainsi, la classification d’être bilingue correspond à l’emploi actif de deux langues au cours des vidéos.

Narrateur

La fonction du narrateur dans les vidéos est l’une des plus importantes. C’est l’auteur lui-même qui nous fait un guide à travers les sketchs et qui nous introduit dans le sujet de la vidéo aussi bien qu’il la conclue. Il n’est pas forcément exclu des sketchs, en parlant aux auditeurs, il réagit aussi bien aux personnages et il mène les dialogues avec eux. Ainsi, son rôle n’est pas tout à fait neutre et séparé de l’histoire, les sketchs illustrent de quoi il parle. Pourtant, il essaie souvent d’être objectif en présentant les deux côtés de la problématique choisie avant de montrer son avis personnel. Si nous nous intéressons aux données sociolinguistiques du narrateur, il s’agit d’un jeune homme (vers 28 ans), né à La Réunion dans une famille créole et parti en métropole pendant quelques ans pour les études après le bac. Parlant le français et le créole réunionnais dans les vidéos, nous le classons parmi les locuteurs bilingues de notre corpus.

Letchi(s) – les alter-egos du narrateur

Il y a quelques personnages qui ne représentent pas vraiment une personne différente du narrateur mais en même temps, ils ont ses propres paroles et ses avis (ils peuvent s’opposer ou commenter ceux du narrateur). Nous disons qu’il s’agit des alter-egos de Letchi, donc du narrateur dans une situation spécifique où il joue lui-même. Au cours des histoires dans

31 les vidéos, nous pouvons trouver Petit Letchi60 à l’époque de l’école primaire, ou Letchi junior, un adolescent souverain et enfin, Letchi mariage qui nous montre le point de vue d’un invité à un mariage créole. Néanmoins, ces personnages n’apparaissent qu’une ou deux fois dans toutes les vidéos et ils sont liés aux épisodes concrets. Même si les jeunes Letchis parlent créole, en tenant compte qu’il s’agit en fait d’une même personne au cours du temps (qui englobe aussi Letchi mariage), nous les considèrent bilingues. Ensuite, il y a des « Letchis » stables qui interviennent régulièrement dans les vidéos en faisant des compagnons proches du narrateur. Le premier, dans le corpus désigné simplement comme Letchi, est un alter-ego présent presque dans tous les épisodes. Il représente le côté plus décontracté et direct quant à exprimer son avis. Nous dirions que c’est un vrai Letchi – l’auteur libéré d’un statut de narrateur, lui-même tout simplement plus personnel. De l’autre côté, nous avons Letchi chemise qui, habillé dans une chemise à carreaux, écoute attentivement la parole du narrateur et il y réagit d’une manière pédante et un peu trop sensée. Il manifeste une autoréflexion du narrateur en l’apaisant et en présentant son avis pragmatique. En rapport avec Letchi, il fait son contraire pondéré. Il n’apparaît régulièrement dans les vidéos que depuis la fin de 2014, donc à peu près dans la moitié d’occurrences que Letchi. Enfin, les deux sont classifiés d’être bilingues.

Malbar

Selon le dictionnaire Larousse, la définition du mot malbar (malbaraise pour une fille) signifie, à La Réunion, un Indien non musulman.61 Si nous parlons aujourd’hui des Malbars, nous parlons en général des descendants d’Indiens. Dans les vidéos du Letchi Amer, le personnage de Malbar est l’un des principaux. Sauf la dernière vidéo de notre corpus (la plus vieille) sur les Manifs Syndicales, il apparaît dans les toutes. Ce personnage vantard en chemise noire, avec des lunettes de soleil et des clés d’une chère voiture dans sa main, est une personne riche qui aime bien le montrer. Il fait aussi partie du groupe de locuteurs bilingues.

60 Le surnom donné au personnage lors de la transcription. Tous les surnoms sont des désignations inventées par nous afin de mieux nous orienter parmi les personnalités diverses dans les vidéos. Les surnoms sont souvent liés aux traits spécifiques de la personne (vêtements, métier, …). 61 Larousse, dictionnaire en ligne. Consulté le 9/4/2016 sur [http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/malbar/48846?q=malbar#752813]. 32

Papa casquette

Ce personnage portant une casquette et un t-shirt représente un autre côté de la société réunionnaise, les pauvres s’efforçant de toucher des allocations en habitant dans les quartiers chauds de la capitale Saint-Denis ou des autres grandes villes sur l’île.62 Papa casquette est caractérisé comme un kanyard ce qui signifie en créole un vagabond, une racaille ou un fainéant mais aussi un fêtard ou un viveur.63 Puisqu’il apparaît dans la plupart du temps dans une position d’un jeune père, nous l’avons surnommé papa. Parlant uniquement créole dans les vidéos, il appartient à la catégorie des locuteurs monolingues dans les vidéos.

M. des Hauts

Il s’agit d’un jeune homme qui habite dans les Hauts de La Réunion. Nous le décririons comme un agriculteur, ayant un grand chapeau et parlant uniquement créole, de plus le créole plutôt basilectal, c’est-à-dire plus éloigné du français. Il apparaît à peu près dans la moitié des vidéos analysées. Sa classification correspond à un monolingue.

Mère

Le dernier personnage qui se trouve dans les vidéos d’une manière régulière est celui de la mère. Il s’agit d’une femme créole entre deux âges dans la position d’une mère, s’adressant le plus souvent à Letchi, apparue dans les vidéos les plus récentes. Nous la considérons comme la mère de Letchi. Elle porte un foulard à carreaux, attaché sur sa tête, et une chemise à manches relevées. Dans notre corpus, elle est aussi uniquement monolingue.

Ensuite, nous trouvons encore divers personnages à travers des vidéos observées, apparus aléatoirement. Il n’est pas nécessaire de créer un profil détaillé de chacun mais nous les répartirons dans les groupes selon les traits communs. Dans le premier groupe, nous avons mis tous les personnages représentant un poste de la sphère administrative ou ayant une fonction particulière dans la société réunionnaise (la gestion, les services). Ainsi, nous y trouvons des personnages de divers agents (publicitaire, de mariage), du maire de la ville, d’animateurs d’activités, d’un reporteur,

62 Sur l’île, les kanyards les plus « connus » sont ceux du quartier du Chaudron, un quartier de Saint-Denis connu pour les émeutes très violentes et fortement touché par le chômage. Aujourd’hui, le Chaudron en train de forger son histoire et d’améliorer les conditions dans le quartier. 63 Le dictionnaire Kréol rényoné/Français en ligne. Consulté le 9/4/2016 sur [http://www.creole.org/dictionnaire_creole.htm]. 33 d’une caissière, d’un enseignant, de postes de patron, d’un syndicaliste, d’un soldat ou d’un chercheur universitaire. Le deuxième groupe représente tous qui viennent de la métropole. Nous les pouvons désigner comme des zoreilles.64 Il s’agit des touristes, des amis ou d’autres gens métropolitains. Souvent, la parole d’un métropolitain apparaît sous une forme de voix hors champ. Le dernier groupe englobe un peu de tous qui restent. Dans la majorité, il s’agit des personnes de l’espace familial réunionnais, c’est-à-dire des rôles des vieux grands-parents (la mémé, le pépé) ou des personnages de la matante ou du tonton.65 Nous ajouterons aussi des personnes liées étroitement avec la société réunionnaise comme le personnage d’un époux lors du mariage, de M. Zamal de l’épisode sur le zamal (le nom désignant le canabis à La Réunion), d’un cultivateur du zamal, les personnages des étudiants réunionnais, de jeunes parents, de jeunes femmes ou hommes créoles, des amis du Letchi ou d’un vendeur au marché. Il faudrait aussi tenir compte des voix hors champ représentant les personnages comme Sergio, le fils du Papa casquette, d’autres enfants et les voix des auditeurs réunionnais appelant la radio Free Dom.66 En général, il s’agit des personnages peu spécifiés. Nous ne pouvons observer que la langue et leur comportement lors des situations très particulières. Ils peuvent être bilingues aussi bien que monolingues. Ainsi, nous étudierons quelle langue est associée à ces personnages et dans quelles situations. Le tableau ci-dessous résume les personnages principaux et leurs langues employées.

Tableau n°3 : La liste des personnages principaux et des langues utilisées

Langues utilisées : Français Créole Personnages : Narrateur   Letchi(s)   Letchi chemise   Malbar  

64 „Nom donné aux Antilles, à la Réunion, en Nouvelle-Calédonie aux personnes nées hors de ces territoires (résidents, touristes).“ In: Larousse en ligne, consulté le 10/4/2016 sur [http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/zoreille/83239?q=zoreille#82233]. 65 Les personnages de la matante (la tante en créole) et du tonton whiskey apparaissent désignés ainsi dans la vidéo sur les mariages créoles Hip hip hip pour les mariés ! (VID2/15). 66 La radio la plus populaire à La Réunion. 34

Papa casquette  M. des Hauts  Mère 

Résultant du tableau, nous pouvons déjà observer une certaine diversification et restriction. Si nous prenons en considération les personnages n’ayant pas le rapport avec Letchi (dans toutes ses figures), seulement celui de Malbar dispose des deux langues observées, du français et du créole. Ainsi, il apparaît que la maîtrise ou simplement l’emploi du français est liée à la condition d’avoir un statut plus élevé dans la société, d’être riche ou d’être un descendant d’Indiens. Par contre, maîtriser uniquement le créole signifie d’être plutôt pauvre ou quelqu’un de la campagne et n’ayant pas un statut supérieur dans la société. Quant à la figure de Mère, nous pouvons lier le créole avec le domaine de la famille. Néanmoins, l’environnement des échanges langagiers sera traité dans le chapitre suivant. Nous revenons encore vers les participants en ajoutant le graphique résumant la situation linguistique des personnes secondaires apparues dans les vidéos.

Image n°3 : La situation linguistique des personnages secondaires

Légende : Les personnages en vert représentent les individus venus de la métropole, les bleus correspondent aux personnes ayant une fonction publique, les rouges sont des réunionnais sans une spécification plus concrète.

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Comme nous pouvons le voir sur l’image ci-dessus, le statut ou la fonction dans la société joue un rôle quant à la langue associée au personnage. Évidemment, les personnages représentant les gens venus de la métropole, en couleur verte dans le graphique, ne parlent que le français. C’est pourquoi nous n’avons pas distingué parmi plusieurs métropolitains dans leur nombre, nous les avons seulement divisés selon leur fonction (un touriste, un(e) ami(e), un chef d’entreprise ou un commentaire d’une voix hors champ) ce qui sera utile en analysant le contexte situationnel et le contenu du discours. Les deux autres groupes des locuteurs sont plus intéressants à observer. Comme nous l’avons supposé, les personnes exerçant le métier de fonctionnaire public utilisent majoritairement le français comme la langue de communication. Nous trouvons un chez lequel il apparaît l’utilisation des deux langues, il s’agit du personnage d’un syndicaliste. Ensuite, deux locuteurs de la sphère publique utilisent le créole dans leurs rôles. Ce sont un maire de ville et un animateur de divertissement pour les retraités. De l’autre côté, les personnages représentant tout simplement les habitants de l’île, sans une spécification plus détaillée, utilisent dans la majorité le créole pour s’exprimer. Cependant, à peu près un quart d’eux parle français dans les sketchs (9/40), chez les deux locuteurs nous témoignons de l’usage du créole et du français selon la situation. Après avoir résumé la liste des personnages parus dans le corpus, nous procéderons à l’analyse du contexte des échanges verbaux. Puisqu’il s’agit de douze vidéos de sujets différents comportant des sketchs très variés, nous n’analyserons pas chacun d’eux séparément mais nous ferons une synthèse des situations qui englobera la description de la situation dans le temps et l’espace, du contenu du discours et des fonctions de l’interaction parmi les locuteurs, en visant à comprendre les raisons des choix linguistiques en rapport avec le personnage. Ainsi, nous essaierons de décrire le mécanisme d’association d’une certaine langue au locuteur concret dans une situation spécifique.

3.1.2 Contexte situationnel des échanges verbaux

Même si l’analyse des choix de codes linguistiques s’effectue surtout auprès des locuteurs bilingues, nous consacrerons une petite partie aussi aux personnages employant une seule langue dans les vidéos observées. Ainsi, avant d’observer les situations dans lesquelles les locuteurs alternent entre le créole et le français, nous voudrions encore brièvement observer la langue-même employée dans les situations concrètes.

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3.1.2.1 Langue-situation et les personnages secondaires

Dans la partie précédente, nous avons présenté les personnes en rapport avec la langue qui leur est associée. Dans cette partie, nous ajouterons et analyserons l’essentiel : la situation dans laquelle leur parole s’effectue. Pour commencer, nous nous servirons de la répartition des locuteurs dans les groupes. Le premier groupe représente les gens venus de la métropole. Comme il en résulte du chapitre précédent, ils parlent tous le français. En nous concentrant sur leurs paroles et leurs interactions avec les autres personnages, nous dirions que leur relation avec l’interlocuteur joue un rôle important. Tandis que les personnages représentant les amis ont un rôle neutre ou curieux (s’intéressant à la culture et à la civilisation réunionnaise), les touristes ou la voix d’un métropolitain inconnu discutant avec le narrateur n’ont pas une image très positive. Les personnages des touristes interviennent dans la narration du narrateur pour commenter la situation, donner leur avis ou simplement illustrer ce qui est dit. Ils représentent quelqu’un de naïf ou de très étonné dans la plupart des cas :

- (narrateur) […] Bon, le vrai problème c’est ce que je ne mange pas de poisson en fait. - (touriste) Non, mais, t’es sérieux là ? Tu ne manges pas de poissons ? Ça vaut pas la peine d’habiter sur une île alors ! (8-9, VID50/14)

- (narrateur) Suivant la saison, on peut aussi trouver une faune exotique dans les supermarchés, les touristes. Ils sont faciles à repérer ceux-là, ce sont ceux qui se posent des questions de conversion entre l’euro métropolitain et l’euro réunionnais. - (touriste) C’est normal que ce soit aussi cher ? Comment vous faites pour payer vos courses à ce prix- là ? (70-71, VID6/14)

- (narrateur) […] Alors, toi touriste qui souhaite voir de l’indigène oublie les marchés forains traditionnels et vient plutôt dans les centres commerciaux. C’est moins glamour mais plus réaliste. - (touriste) Oui, mais moi, on m’avait dit que le marché de St-Paul était typique de La Réunion. (20-21, VID6/14)

En général, les personnages métropolitains ont l’air d’être ignorants de la culture réunionnaise dans ses paroles :

- (jeune homme métropolitain) Tu es réunionnais ? C’est cool ! J’étais en Martinique une fois, c’est très très jolie là-bas. (10, VID7/14) - (patron d’une usine métropolitaine) Bonjour à toi, petit malgache ! Moi vouloir implanter usine sur territoire de toi. (21, VID6/14)

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Une catégorie à part représente une voix externe d’un métropolitain qui s’adresse au narrateur ou à Letchi en exprimant ses opinions souvent très critiques. Il apparaît surtout au début des vidéos en ouvrant le thème principal de l’épisode. Cette voix correspond à un Français habitant en métropole, un type de Français que chaque réunionnais a dû croiser une fois étant parti en France, un Français qui ne traite pas les Réunionnais de manière égale :

- (voix externe métro) J’ai entendu dire qu’il y avait des manifestations encore à La Réunion, tes camarades ont conscience que lorsque vous casser des trucs ce sont les métropolitains qui paient. Je t’aime bien mais parfois je me demande vraiment à quoi vous nous servez. (1, VID7/14)

- (narrateur) […] Mais nous représentons une part non négligeable de la population française avec plus de 2,5 millions d’habitants. D’ailleurs, il y a plus d’ultra-marins que des parisiens. - (voix externe métro) Ouais, mais ça c’est parce que vous êtes comme des lapins là-bas, vous vous reproduisez pour pouvoir avoir des allocations. (13-14, VID7/14)

- (narrateur) […] Mais l’outre-mer possède aussi d’autres richesses, les ressources du sol par exemple mais aussi l’agriculture. Tu connais beaucoup de pays en Union Européenne qui produisent leurs propres ananas, letchis et bananes ? - (voix externe métro) Ouais, youpi, vous nous fournissez en fruits tropicaux. Génial ! Non, mais sans déconner les gars, on peut quand même bien survivre sans avoir à manger de bananes ! (39-40, VID7/14)

- (voix externe métro) Et au fait tu es réunionnais, c’est ça ? […] Tu parles le créole alors ? Je trouve ça jolie, créole, c’est chantant, ça fait penser au soleil, aux vacances... Tu pourrais parler un peu créole pour voir ? (1-3, VID8/14)

Abandonnant les métropolitains, nous passons vers les deux autres groupes – les personnages dans les positions de fonctionnaires publics et les habitants ordinaires de l’île. Comme il en résulte du chapitre sur les participants dans les vidéos, chacun des groupes a généralement une tendance à employer une certaine langue. Maintenant, nous présenterons le contexte des situations dans lesquelles les locuteurs se trouvent, et nous nous intéresserons surtout à ceux qui tendent à employer la « langue de l’autre groupe ». Nous croyons comprendre cet emploi en analysant le contexte situationnel. Vu le graphique résumant le répertoire des personnages, en évitant les locuteurs métropolitains et les personnages principaux, trois d’entre eux ont employé deux codes

38 linguistiques au cours de ses paroles dans les vidéos. Les autres utilisent une seule langue dans leurs rôles. Néanmoins, tous ces personnages sont des Réunionnais. Partant des données sur la situation sociolinguistique à l’île présentée dans la partie théorique (voir § 1.1.3 supra), qui la définit comme un espace (au moins) bilingue, il est très probable de savoir maîtriser les deux langues en tant qu’un Réunionnais. Ainsi, nous supposons que tous ces locuteurs maîtrisent le français et le créole et l’emploi d’une certaine langue dans les sketchs est donc un résultat de leur choix spontané. Bien sûr, d’une perspective plus distante, nous parlons du choix de l’auteur des vidéos qui rattache la langue au rôle. Afin de pouvoir observer le contexte situationnel en rapport avec les personnages avec clarté, nous avons créé un tableau résumant toutes les circonstances des discours des personnes secondaires. Nous l’avons déjà présenté cette répartition dans la partie méthodologique. Le tableau complet se trouve dans l’annexe du travail (voir § Annexe n°1 infra). Au départ nous avons distingué les situations dans lesquelles nous avons rencontré les locuteurs. De cette manière, nous avons obtenu la liste des localités principales des discours, telles que le supermarché, l’école, lieux des grands événements comme le mariage ou la manifestation, les conversations dans un bus, dans l’espace de travail ou dans l’émission radiophonique. Enfin, le reste des locuteurs non spécifiés est classé dans le domaine de la « rue », c’est-à-dire les locuteurs apparus librement dans les échanges verbaux sans une spécification du contexte plus détaillée. Comme nous l’avons déjà signalé, il se confirme que les postes de fonctionnaires publics ou des gens dans une poste de travail spécifique représentent principalement l’emploi du français. Ainsi, un médecin à l’hôpital parle à une femme malade en français. Par contre elle lui répond en créole. La messe à l’église se déroule en français, une caissière au supermarché s’exprime en français aussi bien qu’une hôtesse de démonstration proposant des produits à acheter. Nous entendons aussi le français à la banque, dans la télévision, à la radio ou à l’école employé par l’agent de banque, le reporteur, l’animateur de la radio ou l’enseignant. De l’autre côté, le personnage d’un époux qui demande un prêt pour le mariage n’emploie que le créole dans la conversation avec l’agent de banque. De la même façon, le reporteur faisant l’interview avec un cultivateur anonyme du cannabis utilise le français à la différence de son interlocuteur qui répond en créole. Ainsi, nous témoignons des conversations qui se déroulent dans les deux langues à la fois. Pourtant, chaque locuteur persévère dans sa langue de communication et généralement il ne passe pas à la langue de l’autre. Celui qui nous a surpris, c’est le personnage du fonctionnaire public, le maire

39 de la ville, qui s’exprime en créole en parlant à un jeune époux du livret de famille. Selon nous, l’emploi du créole signale dans ce cas une attitude plus détendue du maire en expliquant comment toucher les allocations :

- (époux) Il y a encore beaucoup de papiers à signer comme ça ? Monsieur le Maire, vous ne voulez pas plutôt me donner un contrat de travail à signer ? //PAROLE EN CRÉOLE// - (maire) Non, mais je vous donne un livret de famille. Plus tu le remplis, plus tu touches des allocations… //PAROLE EN CRÉOLE// (31-32, VID2/15)

Un autre bon exemple est l’émission de la radio réunionnaise Free Dom. L’animateur de la radio parle uniquement en français avec les auditeurs appelant l’émission, même si les personnes qui appellent parlent dans la majorité en créole. Les sujets de leurs appels sont divers, ils nous informent des accidents sur les routes, des pertes d’objets ou d’animaux, ils discutent de la meilleure recette traditionnelle ou comment soigner un genou écorché. Il semble qu’utiliser le créole pour s’exprimer est une manière plus naturelle. Parmi les 21 auditeurs appelant la radio, seulement une auditrice emploie le français en s’adressant aux auditeurs métropolitains67 en raison de chercher un homme riche pour l’épouser :

- (auditrice Free Dom 18) J’appelle parce que je cherche un homme zorèy entre 60 et 80 ans qui soit suffisamment riche et qui aurait une grande baraque dans les hauts de Saint-Paul… ce serait pour me marier, donc si vous êtes intéressés, je laisse mon numéro à l’antenne. (69, VID9/13)

En général, les personnages de l’espace familial parlent des sujets de la vie quotidienne et en créole. Langue des situations dans les bus réunionnais correspond aussi au créole. Si nous nous concentrons aux personnes non spécifiées, c’est-à-dire les personnages représentant les Réunionnais mais difficiles à classer dans une localité ou une situation concrète, la plupart s’exprime aussi en créole. Il s’agit des jeunes réunionnais ou des « zamaliens » qui représentent les gens fumant le cannabis, leur langue de communication est aussi uniquement le créole dans les vidéos. Pourtant, quelques-uns de ces personnages peu spécifiés utilisent le français dans ses paroles. Par exemple, pour comparer, nous trouvons plusieurs femmes représentant les jeunes mères réunionnaises (nommées Jeune maman 1,2 et 3 dans le corpus). Tandis que la Jeune maman 1 se trouve dans un bus avec une poussette

67 Elle emploie le mot « zoreille » désignant les personnes nées hors de La Réunion (les métropolitains en général). 40 et se plaint en créole et à voix haute d’un enfant qui pleure, les Jeunes mamans 2 et 3 utilisent le français. L’une pour expliquer à son petit enfant dans un supermarché qu’il ne faut pas acheter des bonbons parce que c’est plein de colorants et de conservateurs, l’autre pour défendre son avis que parler le créole n’est pas bon et il ne faut surtout pas l’enseigner aux enfants. Voici leurs paroles :

- (jeune maman 1) //Pardon, excusez-moi, laissez-moi passer, je suis avec une poussette. Pardon, laissez- moi passer, j’ai un enfant dans une poussette ! Je vous jure, ces gens ! […] Ben, voilà, maintenant mon enfant pleure. Pleure mon enfant, pleure ! Pour que tout le monde dans le bus t’entende, je ne ferais de toute façon aucun effort pour te calmer, afin que tout le monde t’entende et comprenne à quel point c’est insupportable d’avoir un gamin qui pleure toute la journée.//PAROLE EN CRÉOLE// (54-56, VID11/13)

- (jeune maman 2) Non, mon chéri c’est pas bon pour toi, c’est rempli de colorant et de conservateur, ce n’est bon ni pour l’environnement, ni pour ta nutrition. Je vais t’expliquer, regarde… Il y a des E230, des E140… (59, VID6/14) - (jeune maman 3) Ben moi tu vois, depuis que j’habite en métropole je ne vois plus d’intérêt parler créole. Je veux dire que mon mari me comprendrait pas de toute façon parce qu’il est métro et ensuite je ne vois pas pourquoi j’enseignerai le créole à mes enfants, de tout façon ce n’est qu’un patois, ils ne vont pas l’utiliser dans leur vie courante. (55, VID8/14)

Dans ces exemples, nous pouvons sentir aussi les nuances liées aux langues. Puisque nous supposons que la distribution des langues aux personnages par l’auteur reflète la société réunionnaise, en observant l’exemple des jeunes réunionnaises en position d’une maman, nous pouvons constater que la langue créole est liée avec des traits d’être bruyant, spontané, naturel, de parler assez fort en laissant s’entendre par tout le monde. Par contre, les locutrices employant le français ont un comportement plus distingué et plus calme en comparaison avec la mère créole. Pourtant, nous le classifierons aussi comme exagéré parce que tenter d’expliquer à un petit enfant que les bonbons qu’il veut contiennent des colorants nuisant à l’environnement nous semble un peu trop maniéré. Enfin, nous procédons aux trois personnages qui ont employé le créole aussi bien que le français au cours des épisodes, et donc nous pouvons observer leur choix de langue. Il s’agit du personnage d’un époux, de Sergio, un enfant du personnage principal Papa casquette, et d’un syndicaliste. Les choix linguistiques de l’époux de l’épisode sur les mariés à La Réunion ne sont pas très intéressants. Dans la plupart du temps, il emploie la langue créole. Quand il parle à l’agent de banque, au maire quant à des papiers à signer,

41 au photographe, à sa mère, à Letchi invité au mariage ou au narrateur. Il s’adresse plusieurs fois à Letchi pour le remercier ou pour l’inviter au déjeuner. Il parle français seulement une fois afin de lui expliquer pourquoi il sera mis à la table des enfants. Nous ne voyons ici une fonction ou un facteur particulier de ce choix. Quand nous nous focalisons sur Sergio, son changement du code linguistique nous semble plus clair. En majorité, il s’adresse à son père pour lui demander d’acheter quelque chose, d’avoir un autre frère ou pour raconter les nouvelles de l’école. Il l’emploi le français en s’adressant au vendeur dans un magasin afin de décrire son souhait d’achat. De plus, il s’exprime en français d’une manière très polie par rapport à ces paroles en créole. Nous ajoutons les exemples :

- (voix Sergio) Voilà Monsieur, comme on avait dit, une pièce montée rouge avec des toiles d’araignée et le logo de Spiderman et un « Joyeuse Première Communion » écrit sur le dessus. J’ai mis aussi un petit enfant de chœur avec une bougie, ça ira ? (50, VID10/13)

- (voix Sergio) //Papa je veux un t-shirt zamal mangue carotte, je veux un t-shirt zamal !//PAROLE EN CRÉOLE// (48, VID4/15) - (voix Sergio) //Papa quand est ce que j’aurais un petit frère ?!//PAROLE EN CRÉOLE// (55, VID8/14) - (voix Sergio) //Papa, je veux un paquet d’M&M’s ! Papa, je veux un paquet d’M&M’s !//PAROLE EN CRÉOLE// (55, VID8/14) - (voix Sergio) //Papa ta figure « anki »68 ce matin, oui. //PAROLE EN CRÉOLE// (55, VID8/14)

Le syndicaliste représente le dernier personnage de cette triplette utilisant les deux langues. Une fois, il parle au chef d’une entreprise ; dans les autres cas, il adresse sa parole aux manifestants qu’il dirige. Il parle créole la plupart du temps. Néanmoins, nous trouvons des passages français dans son discours créole. Il s’agit donc d’un locuteur plus spécifique quant au choix de langue puisqu’il alterne les deux langues même dans un seul énoncé. Ce phénomène d’alternance codique dans la mesure d’un même énoncé sera profondément traité dans l’autre grand chapitre de la partie pratique qui suivra (voir § 3.2 infra).

3.1.2.2 Langue-situation et choix linguistiques des personnages principaux

Enfin, nous arrivons vers les locuteurs principaux de notre corpus qui nous accompagnent tout au long des épisodes. Grâce à leur présence plus fréquente dans le corpus, nous pouvons mieux observer l’emploi des langues par rapport à la situation. Nous avons déjà

68 « En forme de cul » - forme assez vulgaire. 42 résumé la liste de ces personnages et de leurs langues utilisées dans le tableau n°3 de la partie sur les participants (voir § 3.1.1 infra). Comme il en résulte, trois personnages sont des locuteurs s’exprimant uniquement en créole au cours des vidéos. Il s’agit des personnes nommés Mère, Papa casquette et M. des Hauts. L’absence d’emploi de deux codes nous empêche d’observer le processus de choix d’une langue auprès de ces locuteurs. Néanmoins, nous pouvons étudier le contexte des situations dans lesquelles se trouvent les locuteurs et laisser ressortir les sujets de conversation et les situations les plus fréquentes qui sont caractérisées par l’usage du créole. Ainsi, nous résumerons brièvement les personnages classifiés monolingues dans le corpus avant de passer à l’analyse des choix de langues auprès des locuteurs bilingues. Nous avons rangé les situations discursives de chacun des trois personnages dans un tableau (voir § Annexe n°2 infra) en nous concentrant sur le sujet de conversation, le destinateur, l’endroit ou d’autres spécificités de la situation, et la fonction de l’interaction englobant des émotions observées. Ce classement nous a permis de trouver les traits communs liés à l’usage de la langue créole dans les vidéos. Les personnages de Mère et de Papa casquette se trouvent le plus souvent dans les conversations familiales, c’est-à-dire qu’ils parlent dans la plupart des cas avec leurs enfants ou leurs proches de famille (grands-parents, tantes, oncles). Quant à Mère, ses conversations avec Letchi, son fils, se déroulent majoritairement à la maison, ensuite sur un événement familial du mariage ou dans un supermarché. Souvent, elle est très critique. Elle réprimande son fils ou elle critique les choses diverses (décoration au mariage, robe, vie célibataire de son fils...). Par contre, elle se exprime sa fierté de lui en rencontrant une amie au supermarché. Une fois, elle entre en interaction avec le narrateur sur la consommation du cannabis en critiquant ses mauvaises influences sur la jeunesse. Voilà, la mère protectrice, traditionnelle et soignante. Concernant le Papa casquette, ses paroles avec son petit fils Sergio ont le même ton, la fonction est souvent de le réprimander ou de lui expliquer quelque chose de la position du parent. Il garde le créole, même si son fils parle le français avec le vendeur dans un magasin. Puisqu’il représente un kanyard réunionnais, il apparaît aussi dans les situations différentes que familiales. Ces situations ne disposent pas de données spécifiques sur l’endroit, en général, il entre dans la parole du narrateur ou dans sa conversation avec Letchi. Le contenu de ses paroles touche les sujets divers qui sont souvent liés à des émotions lisibles. Par exemple, nous pouvons sentir certaines émotions négatives, telle que l’animosité ou la confusion, en parlant des prix, du statut d’Outre-mer ou de l’écriture du créole. Par contre, il se sent vexé si on parle négativement des symboles réunionnais comme la radio

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Free Dom, le quartier du Chaudron ou même de la langue créole. Généralement, malgré sa pauvreté, il commente la société réunionnaise avec une approche positive et fière en mettant l’accent sur les traditions telle que la première communion liée à la fête, ce qui correspond à l’image d’un kanyard de La Réunion. De l’autre côté, le personnage d’un homme des Hauts de l’île correspond parfaitement à la description d’un paysan. Il n’apparaît pas autant de fois dans les discours comme ses compagnons mais quand il le fait, ses paroles visent toujours à commenter l’état de La Réunion du point de vue pragmatique et suranné. À la différence du narrateur, il n’apprécie pas la beauté de l’éruption parce qu’elle détruit des champs et il devient indigné en parlant de la jeunesse qui ne suit pas les traditions (comme manger les hérissons, de la viande en générale, et planter du riz). Enfin, nous arrivons aux personnages employant deux langues au cours des vidéos. Le premier c’est Malbar, un homme vantard montrant avec plaisir ses coutumes et soulignant ce qui est important pour son confort. Sa langue principale est le créole, il se moque de tout ce qui correspond à la pauvreté (prendre le bus, vendre le terrain pour payer le mariage), il aborde souvent le sujet d’argents (héritage, portefeuille trouvée). Il a l’air de « se foutre » des traditions réunionnaises et il critique tout ce qui l’empêche d’atteindre le niveau de vie souhaité. Concernant l’expression en français, il l’emploie seulement dans deux cas. Le premier représente une situation formelle dans laquelle il parle avec les chefs d’entreprises. Plus précisément, il présente le responsable de la commune malgache69 au chef d’une usine de métropole qui veut y implanter sa fabrique. Du coup, il passe au créole après avoir été vexé par le comportement du métropolitain qui considère les malgaches mal éduqués :

- (Malbar) Alors monsieur, je vous présente le responsable de la commune malgache sur laquelle vous souhaitez implanter votre usine. - (patron métro) Bonjour à toi, petit malgache ! Moi vouloir implanter usine sur territoire de toi. - (Malbar) Euh, il est malgache, pas mongolien. //Tu veux des ennuis ou quoi ?//PAROLE EN CRÉOLE// (28-30, VID7/14)

Cette alternance se produit dans un même énoncé où il commence par une explication froide dans la première phrase, et finit en créole par une menace. Il s’agit donc de l’alternance codique dont nous nous occuperons dans le chapitre suivant (voir § 3.2 infra). Le deuxième

69 Les malgaches forment une partie nombreuse de la population réunionnaise. Ce sont des personnes venant de Madagascar ou leurs descendants. Pourtant, presque tous les réunionnais sont d’une part les malgaches comme les premiers habitants sur l’île étaient dans la plupart les esclaves de Madagascar. 44 cas de l’emploie du français est un commentaire très sérieux du narrateur concernant la comparaison des niveaux du foot. - (narrateur) Par contre nos références culturelles sont un peu différentes de nos voisins. D’un côté les réunionnais regardent les matches de football de la Ligue 1, de l’autre les mauriciens regardent le championnat d’Angleterre. - (Malbar) C’est pas exactement le même niveau. (33-34, VID7/14)

Abandonnant le personnage de Malbar, nous procédons au narrateur et à ses alter egos présentés comme Letchi et Letchi chemise. Selon le classement de leurs énoncés, nous dirions qu’au niveau de la langue majoritairement utilisée, le narrateur et Letchi chemise préfèrent le français pour s’exprimer. Par contre, Letchi, l’alter ego décontracté du narrateur, emploie dans la plupart des cas le créole. Néanmoins, par rapport aux autres personnages de la série, le nombre de ses énoncés est plus vaste. Ainsi, nous pouvons observer leurs choix variés. Nous commençons par Letchi chemise que nous avons présenté comme quelqu’un de pondéré, un peu pédant. Il a l’air de garder ses distances par rapport aux sujets abordés par le narrateur ou par les autres, et de garder la tête froide. Dans la plupart des cas, il entre dans la parole du narrateur en le corrigeant d’une façon réservée ou ayant un commentaire ironique ou critique :

- (narrateur) Des mois de recherches et un RSA dépensé pour une robe qui après le mariage finira par fossiliser dans l’armoire. - (Letchi chemise) Tu donnes une si belle image de la femme réunionnaise. (12-13, VID6/14)

Dans ses 21 énoncés, il s’exprime exclusivement en français, exepté un seul cas. Il s’agit d’une situation, où il se trouve dans son souvenir d’enfance concernant le goût de bonbons. D’après nous, il se trouve donc hors de son rôle habituel, de plus montrant certain attendrissement. Dans cette situation, il parle le créole :

- (narrateur) Si dans l’imaginaire collectif, La Réunion lontan est composée de boutiques chinoises, cela fait un bail que ces boutiques traditionnelles sont devenues de véritables musées où les prix sont encore en francs. - (Letchi chemise) //Ahh ! Un vrai paquet de Biscotins comme quand j’étais petit ! Par contre, je ne me rappelais pas que les biscotins avaient un goût champignons.//PAROLE EN CRÉOLE// (12-13, VID6/14)

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Le personnage de Letchi se trouve dans une position contraire à Letchi chemise. Quant à l’occurrence de ses paroles, il apparaît beaucoup plus souvent dans les vidéos. Cette fois-ci, sa langue principale est le créole. Parmi ses 152 énoncés, nous ne trouvons que de 20 en français. S’il ne se tourne pas directement au narrateur pour réagir à ses paroles, nous dirions qu’il représente le narrateur-même dans les situations dont on parle dans la vidéo. Ainsi, il se trouve dans la position de Petit Letchi, Letchi junior ou Letchi sur un mariage, quant aux situations précises. Ensuite, nous le rencontrons au cours de la vie quotidienne en interaction avec les autres personnages. Nous ne pouvons pas résumer toutes les situations diverses dans lesquelles il apparaît, à cause de leur nombre et leur diversité. Cependant, nous pouvons le faire avec les situations où il parle le français. En ce qui concerne l’emploi du français, les 20 cas trouvés montrent qu’il est l’un des plus productifs en utilisant la langue « opposée ».70 Les situations dans lesquelles il choisit le français comme le code de communication sont diverses. Quand nous nous concentrons sur celles désignées comme formelles, la langue employée est le français sans aucune exception. Ainsi, menant une conversation à la gare avec la vendeuse des tickets ou répondant à une hôtesse de démonstration ou à la caissière dans un supermarché, il répond en français. Toutes ces interlocutrices mentionnés lui parlent français aussi. De la même façon, il s’exprime en français lors d’une parole avec des métropolitains. Dans le reste des cas, il s’adresse principalement au narrateur. Tout simplement, nous dirions qu’il lui répond ou passe un commentaire en français car le contexte (la parole du narrateur) est français. Néanmoins, nous témoignons de trois situations où il change le code linguistique au cours de la conversation. Le premier désigne une conversation avec la mère au supermarché :

- (mère) Oui, ensuite, tu… Ben, tu es là toi ?... Monique, je te laisse, j’ai encore les courses à faire... - (Letchi) Non, c’est bon, j’ai fini toutes les courses, elles sont dans la voiture. - (mère) Et tu n’as pas pris de serviettes hygiéniques ? - (Letchi) Déjà, ce n’était pas sur la liste et ça ne m’est pas venu à m’esprit d’acheter un truc pareil ! (120-124, VID6/14)

Dans cet exemple, le locuteur change le code linguistique avec les émotions. Il devient agacé et critique. Les autres exemples se manifestent aussi par un changement des émotions. Dans les deux cas, il s’agit des conversations avec les métropolitains. Dans le premier exemple, nous observons le changement de code au niveau des énoncés différents, le deuxième

70 Nous appelons une langue « opposée » celle qui est employée minoritairement chez le personnage. 46 représente l’alternance de codes dans un seul énoncé. Nous nous occuperons de cette problématique plus loin (voir § 3.2 infra). Voici, les extraits des conversations :

- (voix externe métro) Et au fait tu es réunionnais, c’est ça ? - (Letchi) Oui. - (voix externe métro) Tu parles le créole alors ? Je trouve ça jolie, créole, c’est chantant, ça fait penser au soleil, aux vacances... Tu pourrais parler un peu créole pour voir ? - (Letchi) Té ! Espèce de connard, tu crois que c’est parce que je viens de La Réunion que ma langue fait forcément penser au soleil ? Tu m’as bien regardé ? Est-ce que j’ai l’air d’un singe qui sort du

cirque pour te jouer la comédie ? (1-4, VID8/14)

- (voix externe métro) J’ai entendu dire qu’il y avait des manifestations encore à La Réunion, tes camarades ont conscience que lorsque vous casser des trucs ce sont les métropolitains qui paient !

Je t’aime bien mais parfois je me demande vraiment à quoi vous nous servez. - (Letchi) Alors, déjà quand un manifestant casse un abris-bus à La Réunion c’est pas toi qui paies, c’est le contribuable réunionnais et ensuite est-ce que t’as déjà posé les pieds dans un département d’outre- mer ? - (voix externe métro) Je ne vois pas le rapport. - (Letchi) Non, parce que si tes seules références sont les reportages de TF1 et M6 je doute que t’es conscient de toutes les problématiques ultra-marines. Alors, avant d’ouvrir ta gueule et de dire n’importe quoi réfléchis bien parce que je vais te montrer comment on passe à tabac en outre-mer. (1-4, VID7/14)

Les exemples ci-dessus montrent la relation entre le choix de code linguistique et les émotions, même si dans le premier cas, il a été demandé de parler créole. Même si Letchi a tout d’abord choisi le français pour mener la conversation avec ses interlocuteurs, la transformation émotionnelle lors du dialogue lui fait passer au créole. Le créole semble d’être la langue plus personnelle. Enfin, nous procédons à commenter les choix linguistiques du locuteur principal parmi les personnages observés. Il s’agit du narrateur qui nous sert de guide à travers les vidéos. Tout au long des vidéos, il s’exprime principalement en français. Pourtant, nous témoignons de 19 cas où il choisit le créole comme l’outil de communication. Dans 3 cas, il emploie le créole en chantant une chanson réunionnaise pour conclure la vidéo. Ensuite, il utilise le créole en répondant au locuteur lui parlant créole. Ce sont des conversations avec son grand-père ou Malbar par exemple. Ces choix correspondent à la considération de la langue de l’interlocuteur. Cette prise en compte est confirmée plusieurs fois. Nous ajoutons un exemple de la conversation dans laquelle se trouvent trois personnes différentes :

47 le narrateur, Malbar et un métropolitain. Le dialogue a commencé déjà entre le narrateur et Malbar. Le narrateur lui répond dans la langue employée par Malbar, en créole : - (narrateur) Non, mais c’est vraiment des gens connus ? - (Malbar) P*t*n ! Le frère, un zorèy connaît plus de chansons de La Réunion que toi ! Fais quelque chose oui ! - (narrateur) Tu confirmes ? - (touriste) Moi, j’adore, hein ! Les B Girls ! String Color ! (21-24, VID5/14)

Nous voyons que le narrateur décide sur le choix de la langue employée en rapport avec les interlocuteurs de la conversation. Cependant, nous ne pouvons pas dire qu’il y ait un mécanisme figé quant au choix du code linguistique auprès du narrateur. Il mène des conversations avec Malbar en créole aussi bien qu’en français. Pourtant, ses conversations en créole sont le plus souvent marquées par des émotions. Ses paroles en créole manifestent la réaction à l’interlocuteur exprimant la colère, la confusion ou une position défensive du narrateur. Il l’utilise aussi avec un ton sarcastique ou moqueur. Ces cas sont similaires à ceux observés chez Letchi et nous en trouvons la plupart dans la vidéo titrée Je suis un mauvais réunionnais (VID5/14) où le narrateur représente soi-même dans les sketchs. En répondant aux autres personnages, il se défend en créole.

3.1.3 Conclusion sur les facteurs du choix linguistique

Dans le présent chapitre, nous avons examiné les situations conversationnelles auprès des personnages apparus dans les vidéos. Les personnages secondaires sont en majorité, distingués par l’emploi d’une langue par rapport à leur statut ou leur fonction dans la société. Les fonctionnaires publics, sauf le maire lors d’un mariage, utilisent tous le français. Par contre, aux habitants ordinaires de l’île le créole est en général associé. Néanmoins, nous témoignons d’une plus grande diversité au niveau de l’emploi de la langue chez eux. Nous constatons que l’usage du français de ces personnages est lié au souhait d’avoir un effet sur l’interlocuteur. Souvent, il s’agit du souhait d’avoir l’air sérieux et plus intelligent en s’exprimant en français (les personnages des jeunes mamans 2 et 3). Concernant les personnages principaux, la première distinction est faite au niveau de la variété des langues utilisées. Les personnages de Mère, de M. des Hauts et de Papa casquette sont présentés dans les vidéos comme monolingues en employant une seule langue, le créole. Par contre, Malbar et les alter-egos du narrateur maîtrisent les deux langues

48 au cours des épisodes. Si nous nous concentrons sur les personnages qui n’ont rien à voir avec le narrateur, nous voyons que la maîtrise unique du créole est liée avec un statut d’être pauvre ou de la campagne. Elle est aussi fortement liée avec l’environnement familial. De l’autre côté, nous avons Malbar, personnage riche et vantard qui emploie le créole aussi bien que le français. En observant les différents alter-egos du narrateur, le créole est une langue de la jeunesse (Petit Letchi et Letchi junior). En général, il est utilisé dans les conversations de famille chez les Letchis. Ensuite, il est lié avec la manière d’expression libre et décontractée, parfois critique (Letchi). De l’autre côté, le français représente une expression sobre et pédante à travers le personnage de Letchi chemise. La langue principale du narrateur est le français. Deux raisons principales provoquent un changement du code linguistique auprès de ce personnage : soit il s’agit d’un effet de style (chanter une chanson créole, conclure la vidéo), soit le narrateur se sent menacé, il se défend ou devient en rage. L’usage du créole est donc étroitement lié avec l’arrivée des émotions. Quant à la caractéristique du contexte situationnel, les situations désignées comme formelles (ayant un participant de la conversation un fonctionnaire public) appartiennent à la langue française. Sauf le maire mentionné plus haut, tous les personnages de fonctions publiques s’expriment en français. Néanmoins, la langue de ces conversations formelles n’est pas toujours cohérente du point de vue de leurs interlocuteurs. Ils emploient souvent le créole dans leurs réponses à une question française. Par exemple, nous l’observons dans les conversations entre l’époux – l’agent de banque, le médecin – femme réunionnaise, l’animateur de la télévision/de la radio – les auditeurs. Les autres situations publiques ou non spécifiées sont menées plutôt en créole. Le contexte familial est le domaine fort de la langue créole.

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3.2 Alternance codique

Dans ce chapitre, nous nous focaliserons sur le choix de code linguistique dans la mesure d’un même énoncé, c’est-à-dire sur l’alternance codique. Avoir fait la connaissance des personnages employant les deux langues dans la partie précédente, nous étudierons maintenant leurs énoncés plus en détail, cherchant les deux langues ciblées en alternation. Après avoir déterminé les cas de l’alternance codique dans le corpus, nous les avons triés en trois groupes selon le modèle théorique adopté– alternance codique intraphrastique (INTRA), alternance codique interphrastique (INTER) et alternance codique extraphrastique (EXTRA). Nous avons décidé de diviser ce chapitre en plusieurs sous-parties. Tout d’abord, nous chercherons à présenter les cas des alternances trouvées dans le corpus et à commenter leur aspect fréquentiel. Ensuite, nous examinerons chacun des types d’alternance codique séparément. Dans la partie suivante, nous nous intéresserons au développement diachronique de ce phénomène au cours des vidéos, et nous l’étudierons en rapport avec les locuteurs. Enfin, nous résumerons les résultats obtenus.

3.2.1 Aspect fréquentiel

Dans notre corpus de travail, nous avons trouvé 57 cas de l’alternance codique (désormais AC), c’est-à-dire les situations dans lesquelles un locuteur, dans un même énoncé, alterne le français et le créole. Excluant l’emprunt du concept de l’AC dans la partie théorique, nous l’évitons en ce moment et nous nous en occuperons dans le chapitre à part consacré aux emprunts (voir § 3.3 infra). Les cas trouvés de l’AC ont été classés dans un tableau pour une meilleure orientation :

Tableau n°4 : Exemple du classement des cas d’AC trouvés dans le corpus

1. Mémé, pour commencer, c’est clairement la personne qui accepte tous nos caprices d’enfant. Fruits, gâteaux, bonbons de marque inconnue, « famm là lé pass’ son tamm nouri anou. » (cette femme passait son temps à nous nourrir…) (n, 13, VID1/15)

2. Alors je parlerai pas du style vestimentaire, hein, parce que le jour « ousa mémé i port’ inn kaplinn avek in rob aflèr mi koz plis ali. » (où mémé porte une capeline et une robe à fleurs je ne lui parle plus.) (n, 32, VID1/15)

3. Vous connaissez j’imagine les fameuses « poupèt ki té prann’ la pousyèr ke mémé ador’ mett’ patou si zetazèr » (poupées qui prenaient la poussière et que mémé adorait mettre sur toutes les étagères.) Sans parler du vaisselier avec tous les verres

INTRAPHRASTIQUE de 1ère communion de nos tantines et nos tontons. (n, 34, VID1/15)

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4. Comme quoi, malgré la crise, « dimoun i kontinu achèt’ » (les gens continuent d’acheter) ce gâteau insipide qu’est la pièce montée. (n, 1, VID2/15)

5. Ah oui, et aussi il faut dire à la mariée qu’elle est très jolie hein « passkë li la dépans’ inn kantité larzan pou xxx présentable » (beaucoup d’argent a été dépensé pour la rendre présentable) et qu’il faut au moins saluer cet exploit. (n, 45, VID2/15)

6. « Si na poin sa » (S’il n’y a pas ça), c’est que c’est pas un mariage créole. (n, 48, VID2/15)

7. « Si na poin sa » (S’il n’y a pas cette chanson), c’est que c’est pas un mariage créole. (n, 55, VID2/15)

8. Ah oui, les 300 autres invités « kou koné pa » (que tu ne connais pas). Mais pour simplifier la chose, je vais présenter deux stéréotypes d’invités. (n, 55, VID2/15) 9. Nous avons tous un oncle qui ne jure que par le whisky, qui adore faire la fête, qui fait peur à nos jeunes cousines avec ses blagues scabreuses, qui aime débattre de la politique et qui frôle constamment « le batay a kou d’sab’ anfin d’soiré » (la querelle à coup de coupe-coupe en fin de soirée.) (n, 57, VID2/15)

10. Elle a critiqué la décoration, les invités, « la xxx ladilafé si tout’ dimoun, li la fé inn kritik le fé k’ou lé sélibatèr e an plis la regar’ lö pla komm lété manzé pou shyin » (elle a déjà des ragots sur tout le monde, elle a critiqué le fait que tu étais encore célibataire et un plus, elle a regardé le plat, comme si c’était de la nourriture pour chien.) (n, 59, VID2/15)

11. Quand cette fichue pièce-montée est découpée que le champagne coule à flot et que le DJ n’arrête pas de passer Alexandrie Alexandra ou que la police « i vien danbark’ tonton whiskey pou xxx » (vient d’embarquer tonton whisky pour l’emmener en prison) c’est qu’il est le temps de rentrer sa kaz. (n, 61, VID2/15)

12. Oui, enfin, la vie à deux jusqu’à ce que « le batay i pèt’ » (qu’ils se disputent.) (n, 74, VID2/15)

13. Le volcan est entré en éruption et la préfecture nous interdit de nous rapprocher des coulées, à croire que même dans la lave « néna rekin ». (il y a des requins). (n, 1, VID3/15)

14. Suivant la position de l’éruption, elle n’est pas toujours visible et il faut parfois (2x) marcher de longues heures « su galé graton dan la fré » (sur des laves en grattons dans le froid) pour espérer apercevoir « inn ti lumièr rouz dan ti fé noir » (une petite lumière rouge dans le noir). (n, 24, VID3/15)

15. C’est ça qui pourrait sauver l’agriculture à La Réunion ! Finis les quotas sucriers, « nou va devoir plant’ zamal marmay » ! (nous allons devoir planter du zamal mes enfants !) (n, 40, VID4/15)

16. Le zamal modifie votre sperme et vous rend (provisoirement) stérile. Donc, « si ou té komt’ vivr’ avek zalokation, » (Donc si tu comptais vivre des allocations), c’est un petit peu foutu ! (n, 74, VID4/15)

17. Je suis un mauvais réunionnais parce que « mi arriv’ pa a kraz’ le maloya ». (je n’arrive pas à danser le maloya.) (n, 89, VID5/14)

18. Il ne faut pas s’étonner « ki gingn in tabak a guèl » ! (qu’il se prenne une beigne !) (n, 9, VID8/14)

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19. 14% de la population réunionnaise aujourd’hui a plus de 60 ans. D’ici 2040, une personne sur 4 sera un gramoun. « Pou fèr simp’ nora in takounn la retrèt’ pou péyé » (Pour faire simple, il y aura pas mal de retraite à payer.) Et pour toi, jeune qui cherche désespérément un travail, je te conseille la filière vieu moun. (personne âgée). (n, 3, VID1/15)

Mais je vais parler déjà de la décoration de la kaz mémé (maison de 20. mémé). « Passkë na kantité zafèr pou dir’. » (Parce qu’il y a beaucoup à dire.) (n, 32, VID1/15)

21. Mémé c’était quoi le zafèr ? « Poukosa té nétoy’ sa ? Akoz ousa le pap’ té vien dan la kaz ? » (Pour quelle raison tu nettoyais le salon ? C’était au cas où le pape venait nous rendre visite ?) Mais LE truc qui me fatiguait énormément chez mémé c’était les tableaux d’enfants qui pleurent. (n, 34, VID1/15)

22. C’était quoi l’objectif mémé ? « Eskou pens’ kan metan sa dan la kaz ou va aport’ de la joi et de la bonn humèr ? » (Est-ce que tu pensais qu’en mettant cela dans la maison tu vas apporter de la joie et de la bonne humeur ?) En grandissant, je me suis aussi rendu compte de la distance qui me séparait de mes grands-parents. (n, 34, VID1/15)

23. En grandissant, je me suis aussi rendu compte de la distance qui me séparait de mes grands-parents. « Zot habite pa si loin k sa » (Ils n’habitaient pas si loin) … mais … je parle de mentalité. (n, 34, VID1/15)

24. Ah oui, c’est du gros, gros budget de mariage, quoi. « I fo omoin mi sachèt’ in nouvo polo chez Super Polygone. » (Il faut au moins que j’aille acheter un nouveau polo chez Super Polygone.) (n, 16, VID2/15)

25. Mais le problème vestimentaire et très différent du point de vue des femmes de mon entourage. « Zot i koné bann famm kréol ! » (Vous connaissez les femmes créoles !) (n, 16, VID2/15)

INTERPHRASTIQUE 26. Prune et jonquille ? « Nou la invité in mariaz ou byin in résépsion ché Gamm Vert ? » (On est invité à un mariage ou une réception chez Gamm Vert ?) (Letchi, 21, VID2/15)

27. Et encore s’il n’y avait que les couleurs, aujourd’hui il faut que le thème soit visible dans la décoration de la salle ! « Oui, passkë la sal ver de la kour papa i sufi pli mintnan. I fo mèm avwa in moun pou organis’ out fèt. Sé in gar na in doktora an mariaz spésialité drazé. » (Oui, parce que la salle verte dans la cour de papa ne suffit plus maintenant. Il faut même avoir quelqu’un pour organiser ta fête. C’est un gars qui a un doctorat en mariage, spécialité « dragée ».) (n, 22, VID2/15)

28. « Ô zamal, ô zamal… tu fé plèr momon et tu fé plan’ lö frèr. » (Ô zamal, ô zamal… tu fais pleurer maman et tu fais planer le frère.) Comme toute drogue, les effets secondaires du zamal sont différents d’une personne à l’autre. (n, 6, VID4/15)

29. « Gar ! Kisa ou sèy i fé kroir sa ? Tou bann zèn rényoné la fum’ gout’ zamal. » (Gars ! A qui t’essaie de faire croire ça ? Toutes les jeunes réunionnais ont déjà testé le zamal.) Que celui qui n’a jamais fumé, me jette la prémière feuille ! (mec zamal, 20, VID4/15)

30. C’est pas faux ! « Mé moin kan na in hélikoptèr i tourn’ odesï de ma kaz mi dor trankil. Ma pa pèr ke lé flik vien d’embark amoin. » (Mais, moi quand un hélicoptère tourne au-dessus de chez moi je dors tranquille ! Je n’ai pas peur que les flics m’embarquent !) (n, 29, VID4/15)

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31. Nonobstant mon ouverture d’esprit, cette « mode » me laisse perplexe. « Sé pa passkë mi èm samoussa ke mi sa port’ in t-shirt xxx in samoussa. » (Ce n’est pas parce que j’aime les samoussas, que je porterai un t-shirt avec un samoussa dessus.) (n, 50, VID4/15)

32. Ben, j’sais pas, « manz’ in éspès de ti poison an antiyé kommsa et an gran kantité i donn’ pa amoin vréman anvi. » (manger une espèce de petit poisson en entier comme ça et en grande quantité, ça me donne pas vraiment envie.) Bon, le vrai problème c’est ce que je ne mange pas de poisson en fait. (n, 8, VID5/14)

33. Je suis un mauvais réunionnais parce que j’ai du mal à distinguer les fruits et légumes de La Réunion. « An klèr mi gingn pas fé la diférans entr’ in pyé bibass et in pyé zuzub’. » (En clair, je ne sais pas faire la différence entre un néflier du Japon (bibasse) et un jujubier.) Le comble pour un gars qui se fait appeler « Le Letchi ». (n, 77, VID5/14)

34. Non, parce que si tes seules références sont les reportages de TF1 et M6 je doute que t’es conscient de toutes les problématiques ultra-marines. « Alor avan ouvr’ out guèl et rakont’ nimport’ kwé réflési byin parsk mi sa fé mont’ komman xxx an out’ mèr. » (Avant d’ouvrir ta gueule et de dire n’importe quoi réfléchis bien parce que je vais te montrer comment on passe à tabac en outre-mer.) (Letchi, 4, VID7/14)

35. Euh, il est malgache, pas mongolien. « Ou gingn in bèsman kwé ? » (Tu veux des ennuis ou quoi ?) (Malbar, 28, VID7/14)

36. Il y a des zorèy qui trouvent notre créole charmant. « xxx zot zamé i gingn’ zurman ? » (Ils ne se sont jamais fait insulter ?) (n, 34, VID8/14)

37. « Noré kan mèm pa voulï k la CINOR té sa mèt in aré de bus zust devan out kaz pou xxx out tou seul alèr kou désid’et amèn’ aou zust devan travay. » (T’aurais quand même pas voulu que la CINOR mette un arrêt juste devant ta kaz pour venir te chercher toi tout seul, à l’heure que tu veux t’emmener juste devant ton lieu de travail.) C’est pas un bus ça, c’est un taxi ! (Letchi, 17, VID11/13)

38. Travailleuse, travailleur… camarades ! Nous sommes à nouveau aujourd’hui réunis pour manifester. « Oui, mi koné nou fé sa tou lé mwa, oui, mi koné ke zot lé fatigé èt habiyé an rouz et oui, mi koné zot i voi plis souvan la préféktur ke zot lië travay. » (Oui, je sais qu’on le fait tous les mois, oui, je sais que vous êtes fatigués d’être habillés en rouge et oui, je sais que vous voyez plus souvent la préfecture que votre lieu de travail.) Mais camarades… (syndicaliste, 1, VID12/13)

39. « … mi koné zot i voi plis souvan la préféktir kzot lië travay. »(…je sais que vous voyez plus souvent la préfecture que votre lieu de travail.) Mais camarades, cette fois-ci, nos revendications seront entendues ! D’ailleurs à ce sujet, « ma demand’ la komun de Sin Lë de pass’ anou bann tant Keshua zot lavé plis bezoin pouk nou piss’ kampé devan la préféktur… » ( j’ai demandé à la Commune de Saint-Leu de nous prêter les tentes Quechua qu’ils n’utilisaient plus pour qu’on puisse camper devant la préfecture…) (syndicaliste, 1, VID12/13)

40. Mais camarades, cette fois-ci, nos revendications seront entendues ! D’ailleurs à ce sujet, « ma demand’ la komun de Sin Lë de pass’ anou bann tant Keshua zot lavé plis bezoin pouk nou piss’ kampé devan la préféktur… » ( j’ai demandé à la Commune de Saint-Leu de nous prêter les tentes Quechua qu’ils n’utilisaient plus pour qu’on puisse camper devant la préfecture…) (syndicaliste, 1, VID12/13)

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41. « …Ma osi demand’ dé troi kamarad de ramén’ zambrokal, rougay sosis, kari volay pourk nou piss’ pikniké dan la ru de Pari. I tienbo et il largu’ pa ! » (J’ai aussi demandé à certains camarades de ramener « zambrocal, rougail saucisses, carry volaille » (chanson réunionnaise) pour qu’on puisse pique-niquer dans la Rue de Paris. On ne lâche rien !). Nos revendications seront entendues. C’est la lutte finale, groupons-nous et demain l’Internationale sera le genre humain ! (syndicaliste, 1, VID12/13)

42. « Languèt ! Zot i vé èt ogmanté osi ? » (Vous voulez être augmentés en plus ?) Bon, camarade, la lutte sera longue, la lutte sera difficile… (syndicaliste, 21, VID12/13)

43. Tout le monde aime les personnes âgées, nous sommes d’ailleurs très attachés à nos grands-parents à La Réunion. « Oté granmère chant’ ankor pou moin ‘ti Flèr Fané… » (sans la traduction) (n, 3, VID1/15)

44. Voilà, « mintnan alé esplik pépé kma fé dézétud’ an hydrogéologi zot. » (maintenant allez expliquer à pépé que j’ai fait des études en hydrogéologie.) (n, 36, VID1/15)

45. Après tout, on a un proverbe africain qui dit que « kan in granmoun i mor sé la bibliotèk ki brul’. » (quand une personne âgée meurt, c’est une bibliothèque qui brûle.) (n, 51, VID1/15)

46. Même ceux qui ont oublié de venir à la mairie mais qui n’ont pas oublié d’aller à la fête pour manger et boire gratuitement. « Le bon moukat ! » (Les enfoirés !) (n, 37, VID2/15)

47. « Volkan la pété ! » (Le volcan est entré en éruption !) Voilà, ça c’est la phrase que l’on dit à chaque éruption et à chaque fois, je me pose des questions sur la beauté et la poésie de la langue créole. (n, 3, VID3/15)

48. Ben, j’sais pas, « manz’ in éspès de ti poison an antiyé kommsa e an gran kantité i donn’ pa amoin vréman anvi. » (manger une espèce de petit poisson en entier comme ça et en grande quantité, ça me donne pas vraiment envie.) (n, 8, VID5/14)

49. Comme tout réunionnais dont le cordon ombilical a été coupé à La Réunion je parle créole, ou plus précisément « mi koz kréol. » (traduction littérale) (n, 7, VID8/14)

50. Voilà, « mi rent’ direk de mon kaz, et andirek i vien trouvé in kadavr ! In kadavr zust dan mon alé, in èspès kadavr ek in rob’ fléri… » (je suis en direct de chez moi et en direct, on vient de trouver un cadavre ! Un cadavre dans mon allée, une sorte de EXTRAPHRASTIQUE cadavre avec une robe fleurie…) (voix radio, auditeur créole, 65, VID9/13)

51. Voilà, « mi lé si la rout Létan salé là e na in laksidan, na, na loto lé arté… » (je suis sur la route de l’Etang-Salé, il y a un accident, une voiture arrêtée…) (voix radio, auditeur créole, 87, VID9/13) 52. Voilà, « mi apèl passkë mi vien fé kraz amoin par in loto », voilà, « mi viën fé kraz par in loto, mé dë zamblà et mi apèl passkë éféktivman na in gro gro lanboutéyaz (3x) mintnan dan le sans Sin Bénoi – Sin Dni. » Voilà, « passkë dimoun i éséy évit’ amoin. » ( j’appelle pour dire que je viens de me faire rouler dessus par une voiture / je viens tout juste de me faire rouler dessus, mes deux jambes et j’appelle car il y a effectivement un embouteillage dans les sens St-Benoît/St-Denis / parce que les gens essaient de m’éviter.) (voix radio, auditeur créole 103, VID9/13)

53. « Mésyé, bouz’ aou dérièr mi voi pa mon fiyèl ! » (Monsieur de derrière, bougez- vous, je ne vois pas mon filleul !) Voilà, « mintnan bouz’ plis Sergio. » (maintenant ne bouge plus Sergio.) (Malbar, 38, VID10/13)

54. Ben, voilà, « mintnan lö zanfan i plèr ! » (maintenant mon enfant pleure). (jeune femme créole avec la poussette, 56, VID11/13)

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Du point de vue statistique nous voyons que l’alternance codique extraphrastique est minoritaire, par contre l’alternance interphrastique majoritaire. Quant à l’alternance intraphrastique, elle représente à peu près un tiers d’occurrences totales. Cette proportion illustre le graphique suivant :

Graphique n°1 : Pourcentage des types de l’AC dans le corpus

AC EXTRA 25% AC INTRA 33%

AC INTER 42%

3.2.2 Alternance codique INTRAPHRASTIQUE

Étant définie comme une situation dans laquelle les deux codes coexistent à l’intérieur d’une même phrase, nous avons trouvé 19 cas, parmi les 57 cas étudiés, qui correspondent au type d’alternance intraphrastique. Dans la majorité, il s’agit d’un énoncé en français dont une partie est produite en créole. Soit une phrase française finit en créole (12 cas) soit il en est inséré un segment en créole (4 cas).

(17) Je suis un mauvais réunionnais parce que « mi arriv’ pa a kraz’ le maloya ».71 (n, 89, VID5/14) (14) Suivant la position de l’éruption, elle n’est pas toujours visible et il faut parfois marcher de longues heures « su galé graton dan la fré » pour espérer apercevoir « inn ti lumièr rouz dan ti fé noir. »72 (n, 24, VID3/15)

Observant la nature de ces productions créoles dans les énoncés français, nous remarquons que les segments en créoles se réfèrent, dans la plupart des cas, aux réalités du monde réunionnais ou familial. Le locuteur commence sa phrase d’une manière explicative et générale vers l’auditeur et il se trouve peu à peu dans une production orale créole comme

71 …je n’arrive pas à danser le maloya. 72 … sur des laves en grattons dans le froid… une petite lumière rouge dans le noir. 55 le thème devient plus personnel. Nous nous trouvons du coup en créole quant à la description des traits spécifiques réunionnais (‘galé graton dan la fré’ = le volcan (14)73 ; ‘mi arriv’ pa a kraz’ le maloya’ = la danse traditionnelle (17)) ; les sujets familiaux (‘i vien danbark’ tonton whiskey’ = l’oncle (11) ; ‘famm là lé pass’ son tamm nouri anou’ = la mémé (1); ‘ladilafé si tout’ dimoun’= la tante (10)) ; la parole vers les réunionnais (‘nou va devoir plant’ zamal marmay !’(15)) ; et la critique ou les insultes – nous pouvons parler ici des sujets ayants des traits négatifs (‘Il ne faut pas s’étonner ki gingn in tabak a guèl’ (18) ; ‘La vie à deux jusqu’à ce que le batay i pèt’ (12) ou ‘Parce que le jour ousa mémé i port’ inn kaplinn avek in rob aflèr mi koz plis ali.’ (2)). Parfois, il s’agit des segments qui sont tout simplement plus courts qu’en français (‘…à croire que même dans la lave néna rekin’ (13) au lieu de ‘il y a des requins’; ‘…autres invités kou koné pa’ (8) au lieu de ‘que tu ne connais pas’). Le passage au créole représente donc la réalité plus personnelle ou familière de locuteur, il signifie la parole plus décontractée. Par contre, une phrase créole qui se termine en français apparaît seulement trois fois dans le corpus entier. De plus, la partie en créole exprime toujours une condition :

(9) « Si na poin sa »74 c’est que c’est pas un mariage créole. (n, 48, VID2/15) (10) « Si na poin sa »75 c’est que c’est pas un mariage créole. (n, 55, VID2/15) (16) Donc, « si ou té komt’ vivr’ avek zalokation, »76 c’est un petit peu foutu ! (n, 74, VID4/15)

Nous pouvons constater que cette condition englobe des références aux faits créoles et que le passage au français nous fait « réveiller » en nous expulsant de ce milieu créole. Les passages en français dans ces cas ne signifient pas donc seulement la sortie du créole au niveau linguistique mais ils nous font aussi savoir que nous ne nous trouvons plus dans le contexte de la société réunionnaise. Néanmoins, dans tous les cas étudiés, le passage d’une langue à l’autre dans la mesure d’une seule phrase se fait d’une manière tout à fait naturelle et fluide, parfois sans même être aperçue. Très souvent, le créole à la fin de la phrase est un aboutissement d’une gradation. Le locuteur accélère la parole, il devient plus personnel ou dans la rage.

73 Numéro d’énoncé d’après le tableau regroupant les alternances. 74 S’il n’y a pas ça… 75 S’il n’y a pas cette chanson 76 … si tu comptais vivre des allocations… 56

3.2.3 Alternance codique INTERPHRASTIQUE

Concernant ce type d’alternance, il est un peu plus fréquent. Nous pouvons qualifier 24 cas de ce type. Il s’agit d’une alternance au niveau des unités plus longues ou des fragments entiers de discours, pourtant toujours d’un seul locuteur dans un même énoncé. Comme dans le cas de l’alternance intraphrastique, même ici prédomine le modèle d’un locuteur s’exprimant en français et sautant au créole. Le passage alterné a soit une fonction explicative (un synonyme de « c’est-à-dire » qui sert à commenter ou résumer l’information précédente d’une manière plus légère) :

(19) D’ici 2040, une personne sur 4 sera un gramoun. « Pou fèr simp’ nora in takounn la retrèt’ pou péyé. »77 (n, 3, VID1/15) (20) Mais je vais parler déjà de la décoration de la kaz mémé (maison de mémé). « Passkë na kantité zafèr pou dir’. »78 (n, 32, VID1/15) (25) Mais le problème vestimentaire et très différent du point de vue des femmes de mon entourage. « Zot i koné bann famm kréol ! »79 (n, 16, VID2/15) (10) Et encore s’il n’y avait que les couleurs, aujourd’hui il faut que le thème soit visible dans la décoration de la salle ! « Oui, passkë la sal ver de la kour papa i sufi pli mintnan. I fo mèm avwa in moun pou organis’ out fèt. Sé in gar na in doktora an mariaz spésialité drazé. »80 (n, 22, VID2/15) (16) Je suis un mauvais réunionnais parce que j’ai du mal à distinguer les fruits et légumes de La Réunion. « An klèr mi gingn pas fé la diférans entr’ in pyé bibass et in pyé zuzub’. »81 (n, 77, VID5/15)

Puis, le locuteur part au créole quand il se sent insulté ou menacé. Le créole sert ici d’une sorte de défense : (35) Non, parce que si tes seules références sont les reportages de TF1 et M6 je doute que t’es conscient de toutes les problématiques ultra-marines. « Alor avan ouvr’ out guèl et rakont’ nimport’ kwé réflési byin parsk mi sa fé mont’ komman xxx an out’ mèr. »82 (Letchi, 4, VID7/14)

77 Pour faire simple, il y aura pas mal de retraite à payer. 78 Parce qu’il y a beaucoup à dire. 79 Vous connaissez les femmes créoles ! 80 Oui, parce que la salle verte dans la cour de papa ne suffit plus maintenant. Il faut même avoir quelqu’un pour organiser ta fête. C’est un gars qui a un doctorat en mariage, spécialité « dragée ». 81 En clair, je ne sais pas faire la différence entre un néflier du Japon (bibasse) et un jujubier. 82 Alors avant d’ouvrir ta gueule et de dire n’importe quoi réfléchis bien parce que je vais te montrer comment on passe à tabac en outre-mer. 57

(36) Euh, il est malgache, pas mongolien. « Ou gingn in bèsman kwé ? »83 (Malbar, 28, VID7/14)

Ou bien il vise sa parole aux personnes concrètes et créolophones, mais qui ne font pas partie de la conversation directe : (21) Mémé c’était quoi le zafèr ? « Poukosa té nétoy’ sa ? Akoz ousa le pap’ té vien dan la kaz ? »84 (n, 34, VID1/15)

Le passage au créole peut aussi souligner l’accent ironique ou moqueur du locuteur : (24) Ah oui, c’est du gros, gros budget de mariage, quoi. « I fo omoin mi sachèt’ in nouvo polo chez Super Polygone. »85 (n, 16, VID2/15) (27) Prune et jonquille ? « Nou la invité in mariaz ou byin in résépsion ché Gamm Vert ? »86 (Letchi, 21, VID2/15)

Quant aux passages au français, ils sont un peu plus rares. Comme le passage au créole peut représenter une certaine légèreté, l’alternance au français fonctionne par contre comme un retour à la sobriété. Le français exprime les faits donnés, le locuteur l’utilise pour être clair mais sérieux :

(38) « Noré kan mèm pa voulï k la CINOR té sa mèt in aré de bus zust devan out kaz pou xxx out tou seul alèr kou désid’et amèn’ aou zust devan travay. »87 C’est pas un bus ça, c’est un taxi ! (Letchi, 17, VID11/15) (33) Ben, j’sais pas, « manz’ in éspès de ti poison an antiyé kommsa et an gran kantité i donn’ pa amoin vréman anvi. »88 Bon, le vrai problème c’est ce que je ne mange pas de poisson en fait. (n, 8, VID5/14)

Une phrase en créole peut aussi introduire un énoncé normalement français en se référant au sujet étroitement lié au contexte réunionnais. Dans ce cas-là, la phrase initiale sert d’une introduction, disons, poétique :

(29) « Ô zamal, ô zamal… tu fé plèr momon et tu fé plan’ lö frèr. »89 Comme toute drogue, les effets secondaires du zamal sont différents d’une personne à l’autre. (n, 6, VID4/15)

83 Tu veux des ennuis ou quoi ? 84 Pour quelle raison tu nettoyais le salon ? C’était au cas où le pape venait nous rendre visite ? 85 Il faut au moins que j’aille acheter un nouveau polo chez Super Polygone. 86 On est invité à un mariage ou une réception chez Gamm Vert ? 87 T’aurais quand même pas voulu que la CINOR mette un arrêt juste devant ta kaz pour venir te chercher toi tout seul, à l’heure que tu veux t’emmener juste devant ton lieu de travail. 88 …manger une espèce de petit poisson en entier comme ça et en grande quantité, ça me donne pas vraiment envie 89 Ô zamal, ô zamal… tu fais pleurer maman et tu fais planer le frère. 58

Dans un autre cas, un locuteur normalement uniquement créolophone passe aussi au français en utilisant une construction d’expression propre au français. Cette alternance est très proche du type d’AC extraphrastique, mais il ne s’agit que d’une construction d’expression empruntée au français :

(30) « Gar ! Kisa ou sèy i fé kroir sa ? Tou bann zèn rényoné la fum’ gout’ zamal. »90 Que celui qui n’a jamais fumé, me jette la première feuille ! (mec zamal, 20, VID4/15)

Les derniers cas à commenter concernant l’AC interphrastique correspondent au statut formel duquel dispose la langue française dans une situation diglossique. Il s’agit d’une prise de parole au public d’un syndicaliste. Les termes, même les phrases entières typiques pour le domaine syndical sont donc en français. Par contre, afin de s’approcher aux auditeurs le locuteur passe au créole. Nous pouvons y observer plusieurs alternances de deux codes (quatre fois au total) dans un seul énoncé et nous voyons bien les fonctions distinctes des deux langues. Pour mieux s’orienter dans le discours, nous n’avons souligné que les passages en français :

(39) Travailleuse, travailleur… camarades ! Nous sommes à nouveau aujourd’hui réunis pour manifester. « Oui, mi koné nou fé sa tou lé mwa, oui, mi koné ke zot lé fatigé èt habiyé an rouz et oui, mi koné zot i voi plis souvan la préféktur ke zot lië travay. »91 Mais camarades, … (syndicaliste, 1, VID12/13) (40) …Mais camarades, cette fois-ci, nos revendications seront entendues ! D’ailleurs à ce sujet, « ma demand’ la komun de Sin Lë de pass’ anou bann tant Keshua zot lavé plis bezoin pouk nou piss’ kampé devan la préféktur… »92 (syndicaliste, 1, VID12/13)

(41) « …Ma osi demand’ dé troi kamarad de ramén’ zambrokal, rougay sosis, kari volay pourk nou piss’ pikniké dan la ru de Pari. I tienbo et il largu’ pa ! »93 Nos revendications seront entendues. C’est la lutte finale, groupons-nous et demain l’Internationale sera le genre humain ! (syndicaliste, 1, VID12/13)

90 Gars ! A qui t’essaie de faire croire ça ? Toutes les jeunes réunionnais ont déjà testé le zamal. 91 Oui, je sais qu’on le fait tous les mois, oui, je sais que vous êtes fatigués d’être habillés en rouge et oui, je sais que vous voyez plus souvent la préfecture que votre lieu de travail. 92 …j’ai demandé à la Commune de Saint-Leu de nous prêter les tentes Quechua qu’ils n’utilisaient plus pour qu’on puisse camper devant la préfecture… 93 J’ai aussi demandé à certains camarades de ramener « zanbrocal, rougail saucisses, carry volaille » (chanson réunionnaise) pour qu’on puisse pique-niquer dans la Rue de Paris. On ne lâche rien ! 59

3.2.4 Alternance codique EXTRAPHRASTIQUE

Ce type d’alternance représente le plus petit nombre d’occurrences dans notre corpus. Définie comme une alternance des segments correspondant à des proverbes ou des expressions idiomatiques et similaires, elle apparaît 14 fois dans les énoncés étudiés. Nous avons créé un tableau afin de mieux illustrer la nature et le contexte des AC extraphrastiques :

Tableau n°4 : Classement d’AC Extraphrastique

Langues FRANÇAIS CRÉOLE Type d’AC Extraphrastique dans le contexte créole dans le contexte français Express. idiomatique : - expr. idiom. 2 - juron 1 - chanson 1 Proverbe 1 Petits-mots : - je sais pas [ʃepa] 1 - voilà 8 Total 9 5 14

Quant aux segments alternés français dans une production orale créole, nous voyons bien que les « petits-mots » s’en révèlent fortement intégrés. De plus, il apparaît que la question des « petits-mots » est une affaire du contexte exclusivement créole. C’est le présentatif voilà chez les locuteurs créolophones qui est le plus fréquent d’alternances 88,9% (8/9). Pourtant, trois occurrences font partie d’un même énoncé, d’un même locuteur. Par contre, les expressions idiomatiques ou les proverbes français insérés en créole n’apparaissent pas dans le corpus. Si nous observons la situation concernant les alternances au créole dans le contexte français, c’est le cas des expressions idiomatiques qui la caractérise. Le locuteur utilise les segments créoles pour mieux illustrer sa narration ou exprimer les petites nuances afin d’avoir un effet souhaité sur l’auditeur. Ainsi, nous trouvons un extrait d’une chanson réunionnaise :

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(43) Tout le monde aime les personnes âgées, nous sommes d’ailleurs très attachés à nos grands-parents à La Réunion. « Oté granmère chant’ ankor pou moin ‘ti Flèr Fané… » (sans la traduction) (n, 3, VID1/15)

Puis, il s’agit d’un proverbe ‘kan in granmoun i mor sé la bibliotèk ki brul’94 (45), d’un juron ‘le bon moukat !’95 (46) ou d’autres expressions idiomatiques ‘Volcan la pété !’96 (47) et ‘Mi koz kréol’97 (49), soit introduisant soit fermant la parole en fonction de commenter le contexte et donc d’exprimer l’attitude personnelle du locuteur.

3.2.5 Développement diachronique et auprès des locuteurs

Dans ce sous-chapitre nous nous focaliserons sur l’évolution de l’alternance de codes au cours du temps et par rapport aux locuteurs. Notre corpus de travail englobe des vidéos datant trois ans se suivant – 2013, 2014 et 2015. Même s’il s’agit d’une période assez courte pour décrire les évolutions sociolinguistiques, cependant nous pouvons observer un certain développement intéressant quant à l’alternance codique. Si nous prenons tous les cas trouvés définis comme une alternance de codes, le résultat graphique décrirait la situation ainsi :

Graphique n°2 : Alternance codique dans le corpus du point de vue diachronique

INTRA INTER EXTRA

20 17

15 13

10 7 6 5 5 5 2 2 0 0 2013 2014 2015

Comme le relève le graphique ci-dessus, l’alternance de codes linguistiques est beaucoup plus fréquente dans les vidéos plus récentes que dans celles des années précédentes. Concernant le nombre d’alternances, les années 2013 et 2014 atteignent à peu près le même, par contre l’année 2015 représente un saut notable, presque quatre fois plus d’occurrences dans

94 Quand une personne âgée meurt, c’est une bibiliothèque qui brûle. 95 Les enfoirés ! 96 Le volcan est entré en éruption. 97 Je parle créole. 61 les énoncés. De plus, l’occurrence de l’AC intraphrastique est montée considérablement depuis l’année 2013. Maintenant, ce qui nous intéressera le plus, ce sont les locuteurs eux mêmes, qui alternent le français et le créole dans leurs discours.

3.2.5.1 Année 2013

Commençant dans l’année 2013, nous voyons que ce sont les alternances extraphrastique et interphrastique qui représentent les types d’alternance les plus fréquents (13 cas). Quant à l’alternance de codes dans la mesure d’une seule phrase, nous n’avons trouvé aucun cas. Pourtant, il serait nécessaire de préciser le contexte, disons spécifique. En nous concentrant sur le narrateur, le locuteur principal de notre corpus étudié, il différencie strictement les deux langues dans ses premières vidéos et il ne mélange pas les codes au niveau intra, inter ou extraphrastique. Nous parlons du contexte spécifique de ses alternances, vu que la majorité du type interphrastique (5/6 cas) est produite par le personnage du syndicaliste dans la seule vidéo de 2013. Nous avons déjà commenté ce cas dans le sous-chapitre sur l’alternance interphrastique (voir § 3.2.3 supra). Également, concernant l’alternance extraphrastique, elle est exclusivement représentée par l’utilisation du présentatif français voilà dans un discours créole. Les cinq de sept cas trouvés apparaissent dans une vidéo sur la radio Free Dom, où les personnages appellent la radio. Il s’agit des réunionnais informant l’animateur de la radio sur la situation sur la route ou bien sur d’autres événements. Puis, un cas apparaît dans l’énoncé du Malbar parlant à son neveu, le dernier est prononcé par une jeune femme créole se plaignant dans le bus.

3.2.5.2 Année 2014

Dans les vidéos de 2014, la présence des alternances en général est diminuée un peu, nous en classifions 9 cas en total. L’alternance interphrastique prédomine (5 cas), celles d’intra et d’extraphrastique sont représentées chacune par deux occurrences. Pour la première fois, le narrateur lui-même alterne les deux langues et aux trois niveaux d’alternance de codes. De plus, ses alternances représentent la majorité des cas trouvés (7/9). Quant à l’alternance extraphrastique, il l’utilise afin d’être précis et d’avoir un effet de style en disant ‘Mi koz kréol’98 (49) dans son récit sur la langue de La Réunion. Ensuite, nous trouvons dans son discours créole l’emploi de [ʃepa] idiomatique du français. Dans la mesure du domaine phrastique, ses alternances sont caractérisées par le passage au créole soit pour signaler le contexte de la civilisation créole (‘Je suis un mauvais réunionnais parce que mi arriv’ pa a

98 Je parle créole. 62 kraz’ le maloya.’99 (17) ; ‘Je suis un mauvais réunionnais parce que j’ai du mal à distinguer les fruits et les légumes de La Réunion. An klèr mi gign pa fé la diférans entr’ in pyé bibass et in pyé zuzub.’100 (34)), soit pour exprimer un mécontentement ou une indignation (‘Il ne faut pas s’étonner ki gingn in tabak a guèl !’101 (18)). Nous dirions que ce passage du français au créole exprime le passage du contexte formel au moins formel.

3.2.5.3 Année 2015

L’année la plus riche aux alternances, nous en témoignons 35 cas dans les vidéos du 2015. Dans la plupart des cas, c’est le narrateur qui alterne les langues (33/35). L’alternance intraphrastique prédomine et tous les 17 cas ont été trouvés dans les paroles du narrateur. Ils se définissent par le passage alterné créole. Seulement deux fois le narrateur passe au français afin de préciser une condition. Quant à l’alternance interphrastique, elle est représentée en 13 cas : une fois dans l’énoncé de Letchi et une fois dans celui de M. Zamal, le reste des occurrences appartient, de nouveau, à la parole du narrateur. Enfin, les 5 cas d’alternance extraphrastique sont faits par le narrateur manifestant des expressions idiomatiques créoles, une fois le présentatif français voilà.

3.2.6 Conclusion sur l’alternance de codes linguistiques

Pour conclure le chapitre sur le phénomène d’alternance codique dans le corpus, nous illustrerons les résultats par deux graphiques résumant la situation. Le premier graphique représente la proportion des énoncés alternés auprès des personnages :

Graphique n°3 : AC auprès des locuteurs

Jeune maman 1 Auditeurs radio 2% 9% Syndicaliste 9% M. Zamal 2% Malbar 3% Letchi 5% Narrateur 70%

99 …je n’arrive pas à danser le maloya. 100 En clair, je ne sais pas faire la différence entre un néflier du Japon et un jujubier. 101 …qu’il se prenne une beigne ! 63

Nous voyons que le locuteur qui change le plus le code linguistique dans un énoncé est le narrateur (70%). C’est aussi la seule personne qui alterne les deux langues au niveau d’une seule phrase. Ce type d’AC intraphrastique est aussi le plus fréquent chez le narrateur (19 cas), un peu moins l’AC interphrastique (14 cas) et avec la plus petite occurrence c’est l’AC extraphrastique (7 cas). Parmi les personnages, présentés dans la partie précédente comme principaux (voir § 3.1.1 supra), nous trouvons seulement Letchi et Malbar alternant les langues. En majorité, ces alternances sont du type interphrastique. Nous nous intéressons encore à la langue des segments alternés afin de voir dans quel code linguistique les locuteurs passent le plus souvent. Ce rapport entre les langues désigne le deuxième graphique :

Graphique n°4 : AC auprès des locuteurs

9; 16% Passage au créole

Passage au français 10; 17% 38; 67% Petits-mots insérés français

Selon le graphique ci-dessus, nous pouvons constater que c’est le passage au créole, qui est le plus fréquent dans le corpus étudié. Si les locuteurs alternent les deux langues dans leurs énoncés, ils le font, en général, en passant du français au créole. Nous avons séparé les petits- mots français, représentés par « voilà » et « j’sais pas », qui sont insérés dans un discours créole, mais nous ne les considérons pas comme un vrai passage à une autre langue, vu que nous nous intéressons plutôt aux segments phrastiques. Ce passage au créole est aussi souvent marqué par un changement de l’état psychique. Il est lié à la manifestation des émotions, soit négatives soit positives.

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3.3 Les emprunts au créole dans un discours français

Partant d’une perspective du choix général de code linguistique, passant par les alternances de langues au niveau des segments plus courts et dans un même énoncé, nous arrivons aux unités encore plus isolées dans le discours – aux emprunts. En vue d’une analyse du rapport entre le français et le créole, nous éviterons les emprunts aux autres langues. Comme nous l’avons déjà mentionné en présentant le cadre théorique concernant l’emprunt (voir § 1.2.2.2 supra), la portion d’emprunts traduit généralement un rapport de force entre les communautés linguistiques. La langue dominée (politiquement, économiquement,…) fait souvent davantage appel aux ressources linguistiques de la langue dominante. Malheureusement, nous observerons cette interaction d’un seul point de vue. Vu que presque tout lexème français peut être créolisé et à l’envers, et que nous sommes les locuteurs du créole des compétences assez limitées, il est parfois très difficile de voir les petites nuances et de décider à quelle langue appartient un certain mot. Ce fait nous a conduits à nous concentrer aux emprunts au créole dans le discours français. Ainsi, nous avons réussi à révéler une liste des mots créoles en tant qu’emprunts. Après avoir rassemblé tous les mots créoles qui se situaient dans une parole en français des locuteurs, nous nous sommes intéressée à leurs définitions dans les dictionnaires. La définition primaire ressort de la consultation du Dictionnaire Kréol rénioné/français qui nous a servi de base. Ayant défini les mots rassemblés par le dictionnaire de créole, nous avons procédé à la recherche dans les deux grands dictionnaires électroniques français : l’USITO et Le Grand Robert, afin de vérifier le degré de dictionnarisation possible. Nous nous posons la question de savoir si les mots-emprunts dans le corpus appartiennent uniquement au contexte de l’espace réunionnais ou s’ils sont intégrés au monde francophone plus large. Nous avons choisi les dictionnaires électroniques en raison d’être les plus actuels possible quant à l’intégration des nouveaux mots (termes de la francophonie). Le Grand Robert représente un dictionnaire classique de l’espace européen, par contre le dictionnaire l’USITO, représentant un dictionnaire québécois, a été choisi à cause de son ouverture à la francophonie. Pour classifier un mot comme un emprunt au créole, vu la frontière possible toute faible au niveau phonologique entre le créole et le français réunionnais, nous avons été dirigé par des sous-titres. Même si un mot nous pouvait sembler français à la première écoute, la transcription (une traduction) différente dans le sous-titrage nous a fait analyser le cas de ce mot utilisé afin de décider s’il s’agit d’un autre mot français ou s’il s’agit d’un emprunt

65 au créole. Ainsi, dans le corpus, nous avons rassemblé 27 mots créoles lors d’une production orale en français. Nous avons classé ses termes dans un tableau (voir § Annexe n°4 infra) qui vise les définitions des trois dictionnaires. Ce tableau comporte six colonnes pour y noter le lexème, la première définition du dictionnaire de créole, deux définitions des dictionnaires français avec sa propre forme écrite du mot, et la signification concrète du lexème dans le corpus. La dernière colonne présente le personnage qui a employé l’emprunt et le nombre d’occurrences de l’élément chez ce locuteur. Voilà une illustration :

Tableau n°5 : Classement des emprunts au créole

Corpus Dictionnaire kréol Le Grand Personnage ; Lexème USITO (discours rénioné/français Robert Fréquence français) Matante, n.f. 1. Tante. Q/C Fam. 1. (Dans le 2. Protectrice : nom langage enfantin) donné à une personne Tante. Narrateur ; matant, n. - Tante. dont on a ou on veut 2. Péj. Femme 2x avoir la sympathie, la familière, prévisible protection. et dépourvue de raffinement.

Le lexème dans la première colonne est toujours suivi d’une précision de la classe grammaticale. Il manque la signification du genre vu que le nom en créole n’est marqué ni en genre ni en nombre. La fréquence des emprunts ne représente pas de grands chiffres en général. Le saut notable dans l’emploi de certain mot correspond au sujet de la vidéo (par exemple : dans la vidéo dont le thème principale est le cannabis à La Réunion appelé « zamal », la haute fréquence de ce mot n’est pas surprenante). Concernant les définitions dans les dictionnaires français, pour trouver le mot souhaité, nous nous sommes dirigée surtout par la prononciation du mot. Vu que l’écriture du créole n’est pas codifiée, nous avons essayé plusieurs formes du mot afin d’atteindre le lexème dans les dictionnaires français. Ainsi, par exemple, pour le mot « zorèy » en créole, nous cherchons les formes comme zorèy, zoreil ou zoreille. Enfin, si nous trouvons un lexème correspondant au mot cherché, nous nous concentrons sur sa signification en comparant les dictionnaires. Ensuite, nous nous intéressons au contexte du mot dans le discours et à la nature générale des mots empruntés.

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3.3.1 Caractère des emprunts au créole

Tout d’abord, nous commenterons les mots créoles auxquels il n’existe aucun lexème similaire dans les dictionnaires français. Il s’agit des mots : bisik, brinzèl, kamaron, gramoun, ladilafé, moukat, moukataze, moun, poupèt, piédboi, zafèr, zamal, zamalien, zanbrokal, zargné et zié. En observant les mots, nous pouvons constater qu’il s’agit des notions étroitement liées avec le monde créole. Ce sont surtout les noms concrets des plats créoles ou des autres termes précis de la culture réunionnaise. Par exemple, pour les mots bisik (alevin de gobiidés), kamaron (sorte de crevette) ou zanbrokal (plat créole) nous chercherons difficilement un terme synonyme en français et également précis. Par contre, il apparaît que les autres termes pourraient être substitués : brinzèl – aubergine ; gramoun – vieillard ; ladilafé – commérage ; moukat – abruti ; moukataz – moquerie ; moun – personne, gens ; poupèt – poupée ; piédboi – arbre ; zafèr – quelque chose, problème ; zamal – cannabis ; zamalien – fumeur de cannabis ; zargné – araignée ; zié – œil. Néanmoins, même s’ils existent les synonymes possibles français, nous nous rendons compte d’une nuance sémantique différente possible qui est comprise dans les termes créoles. Par exemple, le terme « zamalien » comporte à la fois la signification de fumeur et la précision de la substance, il englobe donc le groupe nominal « fumeur de zamal ». Nous continuerons à observer ces nuances sémantiques dans le reste des emprunts. Passant vers les termes qui trouvent ses variantes au moins dans l’un des deux dictionnaires français, nous en comptons 12. Ce sont les mots : kabar (kabaré), kaz, kour, lontan, marmay, safran, samousa, tantine, vitman et zorèy. Cependant, en comparant les définitions trouvées, nous voyons que dans la plupart des cas, la signification est un peu décalée ou autrement spécifiée. Commençant avec le mot « kabar » ou « kabaré », le mot français « cabaret » ne se réfère qu’à une sorte d’établissement ou à un plateau, par contre le sens du mot créole représente la fête liée avec une cérémonie religieuse malgache, de l’autre côté il manque complétement le sens « français ». De manière semblable, la « case » dans les dictionnaires français décrit une sorte d’habitation construite de matériaux légers, même une maison misérable. Pourtant, le sens du mot créole « kaz » comporte la signification d’une maison en général. Également, « kour » en créole se réfère au jardin ou à un autre espace cultivé autour de la maison. Il peut également signifier une propriété de manière générale ou même une série de leçons à l’école. Par contre, le sens à la française définit spécifiquement la « cour » comme un espace clos, entouré de murs. Dans le second sens, les deux dictionnaires proposent un lieu ou un domaine lié

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à un souverain, ensuite ils proposent l’emploi juridique. Le terme « longtemps » est employé en créole, en comparaison avec le français, comme l’adverbe français autrefois. De plus, il peut jouer le rôle d’un adjectif : ancien. Pour le « marmay », le sens en créole est aussi plus large que celui en français. Ce terme désignant un enfant ou un gamin, mais aussi un fiancé, un jeune homme, une personne naïve ou un groupe des gens, porte une marque péjorative en français, décrivant un groupe des enfants bruyants ou exubérants sous le nom « marmaille ». Le Grand Robert ne dispose pas de terme « matante », décrivant dans l’USITO une tante dans le langage enfantin, ou péjorativement, une femme prévisible. Dans la langue créole, « matant » signifie tout simplement une tante ou une personne protectrice. Le mot « safran » dispose de la même orthographe dans les deux langues mais sa signification sémantique diffère. Tandis que dans le monde français ce terme désigne la plante ou l’épice de crocus, l’emploi dans le contexte créole représente une autre épice, le curcuma. La seconde signification d’une poudre est aussi partagée par l’USITO. Quand nous restons dans un contexte de la cuisine, l’une des choses caractéristiques La Réunion est « samousa », un petit beignet triangulaire rempli d’une farce pimentée. Nous trouverons ce terme dans Le Grand Robert, sous le lexème « samoussa » qui correspond à la définition du dictionnaire créole. L’USITO ne connaît pas ce mot. L’un des derniers termes créoles reconnus par les dictionnaires français est « tantine ». À part sa signification de tante, la langue créole ajoute le sens de femme âgée ou de concubine. Par contre, les définitions des dictionnaires français sont liées au langage enfantin pour parler d’une tante. L’adverbe « vitman » et un synonyme de « vitement » reconnu par Le Grand Robert et représentant le synonyme de rapidement. Le dernier mot, assez courant dans le corpus parmi plusieurs locuteurs est le terme désignant une personne née en France métropolitaine et relatif à cette origine : « zorèy », « zoreille » à la française. En créole, il est aussi employé en tant qu’une/des oreille(s). Le dictionnaire l’USITO ne reconnaît pas ce lexème. Concernant le niveau d’intégration des mots créoles dans les dictionnaires français, nous voyons que la partie plus grande des termes du monde créole n’est pas reconnue par ces dictionnaires. De plus, le dictionnaire classique Le Grand Robert a montré qu’il est un peu plus ouvert quant aux termes exotiques de la francophonie (zoreille, samoussa) que l’USITO, ce qui nous a surpris. En comparant les significations sémantiques des termes trouvés aussi dans les dictionnaires français, nous voyons que le sens du terme créole est dans la plupart du temps plus riche ou complétement décalé de celui des définitions françaises.

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3.3.2 Occurrence des emprunts dans le corpus

En ce qui concerne le contexte d’occurrences des emprunts dans le corpus, les termes sont employés en majorité par le personnage du narrateur. Au total de toutes les vidéos, nous avons compté 68 cas d’usage de l’emprunt ce qui ne représente pas une grande fréquence dans le corpus entier. Parmi ces cas, les 54 sont ceux du narrateur. Observant le contexte des emprunts, il se révèle nécessaire de distinguer entre ceux qui sont employés naturellement et inconsciemment de ceux qui sont utilisés exprès pour désigner le sujet de conversation. Ainsi, nous éviterons de la liste d’emprunts les termes brinzèl, kamaron et piédboi qui ont été prononcés par le narrateur en parlant de vocabulaire de la langue créole. Nous ferons sortir aussi le mot zargné qui apparaît lors de l’invention d’un terme équivalent du mot anglais web.102 Le graphique ci-dessous illustre les chiffres finaux d’occurrences d’emprunts.

Graphique n°5 : Fréquence des termes empruntés au créole lors d’un discours français

Bisik; 2

Zié; 1 Zanbrokal; 1 Zorèy; 10 Kabar; 1 Gramoun; 9 Zamalien; 1 Kaz; 2 Kour; 1 Ladilafé; 1 Lontan; 1 Marmay; 2 Zamal; 20 Matant; 2 Moukat; 2 Moukataz; 1 Moun; 1 Poupèt; 2 Zafè Samousa; 1 Safran; r; 1 Vitman; 1 Tantine; 2 1

Comme nous pouvons le voir dans le graphique ci-dessus, les termes les plus fréquents sont zamal, zorèy et gramoun. Néanmoins, après avoir observé le contexte de ces mots, nous devons constater que zamal et gramoun apparaissent chacun exclusivement dans sa propre vidéo. C’est-à-dire qu’ils sont principalement employés parce que la vidéo traite leur sujet.103 Nous avons donc vérifié si leurs synonymes français existent dans le corpus afin d’éviter la possibilité d’être seulement un effet de style pour un épisode concret. Concernant zamal,

102 Dans la vidéo traduit comme « le toile zargné ». 103 Le terme zamal apparaît dans l’épisode Ô zamal ! (VID4/15), gramoun dans l’épisode Oté grand-mère ! (VID1/15). 69 nous trouvons son synonyme cannabis quatre fois. Il est employé deux fois en français par le narrateur, d’abord, en présentant son petit nom (cannabis sativa), ensuite, en parlant de la consommation de cannabis. Les deux autres cas, ce sont un métropolitain et un reporteur de la télévision qui emploient ce terme et chez qui nous n’aurions pas attendu l’emploi du mot zamal. Le terme gramoun, utilisé pour parler de vieux gens, est substitué dans le corpus deux fois. De nouveau employé par le narrateur, il est exprimé une fois par le groupe nominal vieux moun, donc en moitié par un autre terme créole, dans le second cas par le nom vieux. Ainsi, nous constatons que si le narrateur parle du cannabis ou des vieillards, il utilisera les termes créoles pour maximiser le sens de la parole et souligner le contexte réunionnais. Nous nous intéresserons encore au terme zorèy qui est le troisième le plus employé parmi les emprunts. En cherchant ses synonymes possibles, nous voyons que la substitution de ce terme ne se manifeste que deux fois. En général, le narrateur s’adressant au public francophone d’hexagone utilise la désignation en créole, il l’a remplacée deux fois par les termes français : métropolitain et cher ami de métropole. Ce qui est intéressant sur l’usage de cet emprunt créole, c’est le fait qu’il est utilisé dans la moitié des cas pour interpeller directement les métropolitains et non seulement pour parler d’eux. Souvent renforcé par l’épithète petit ou cher, il souligne le ton ironique ou moqueur en visant les métropolitains. Concluant le chapitre sur les emprunts au créole, nous constatons que la plupart d’eux apparaît dans les paroles du narrateur. Selon nous, l’usage correspond au souhait du locuteur d’exprimer toutes les nuances souhaitées et maximiser ainsi le discours qui traite les données du contexte créole. Quant à l’intégration aux dictionnaires de la langue française, la majorité des termes n’en a pas trouvé la reconnaissance tout à fait égale à leur signification en langue créole. Ainsi, nous pouvons désigner cette intégration comme l’emprunt au niveau de parole, si nous tenons en compte le standard définit par les dictionnaires français. Néanmoins, en nous concentrant sur La Réunion comme sur toute une communauté linguistique unitaire, nous classifions ces emprunts dans un discours français comme les emprunts de langue puisqu’ils concernent toute la communauté de l’île et nous les désignerions comme les termes faisant partie du vocabulaire du français réunionnais. Cette classification possible est aussi soutenue par le concept de M. Beniamino qui déclare l’existence d’une variété particulière de français à La Réunion et propose donc un Inventaire des particularités lexicales104 dans lequel nous trouvons la plupart des emprunts analysés lors de notre recherche, avec l’orthographe à la française et la signification du genre proposées par l’auteur (voir § Annexe n°5 infra).

104 M. BENIAMINO, Le français de La Réunion : Inventaire des particularités lexicales, Vanves, EDICEF, 1996, 303 p. 70

3.4 Stéréotypage ambivalent dans les représentations des locuteurs

Enfin, notre dernier chapitre traitera les données métalinguistiques issues des paroles des locuteurs sur les deux langues et leurs représentants. Puisque la situation sociolinguistique de La Réunion est généralement décrite comme une situation diglossique, nous chercherons dans les représentations des locuteurs les images stéréotypées qui soit soutiendront le conflit diglossique soit le rejetteront. Cette idéalisation de la diglossie présentée par H. Boyer est caractérisée par la perception valorisante de la langue dominante et par le stéréotypage ambivalent de la langue basse : positif et négatif. Nous chercherons donc les stéréotypes ancrés dans les représentations des locuteurs dans les vidéos afin de décrire leurs attitudes vers les deux langues et les deux communautés linguistiques. Nous avons examiné tous les énoncés du corpus en visant à décrire ce qui est dit sur le créole, le français, les Réunionnais et les Français métropolitains. Le tableau suivant représente les données ramassées sur les deux langues et leur perception. Nous avons distingué entre les auteurs des notions (Réunionnais/métropolitain). Nous avons qualifié les notions de valeur positive ou négative (+/-) :

Tableau n°6 : Les caractéristiques associées aux langues par les locuteurs

Langue créole Langue française Réunionnais Métropolitain Réunionnais Métropolitain langue des disputes - jolie, chantante + langue d’amour + quelle écriture- confusion - fait penser au soleil + réussir la vie + trop de variantes- incompréhension - charmante + langue correcte + quel standard- doute - langue de la culture + langue du patrimoine + patois - langue complexe + langue à part + langue ouverte + langue métissée + l. qui n’appartient pas à l’école - l. qui réunit des gens (en hexagone) + différente du créole antillais-l. unique + quel style du créole (écriture)- - confusion pas langue pour enseigner les enfants - l. des médias, de la publicité +

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Selon les données résumées dans le tableau ci-dessus, nous voyons que dans les vidéos, les locuteurs réunionnais s’intéressent à la situation du créole en la commentant. Nous témoignons des valeurs positives aussi bien que des négatives. Le côté négatif du créole est représenté par les expressions qu’il s’agit d’un patois et d’une langue qui n’appartient pas au milieu scolaire. Une forte insécurité est observée concernant l’écriture du créole. Les locuteurs manifestent une confusion et des doutes en parlant de la problématique de standardisation de la langue qui possède autant de variétés. Par contre, d’autres locuteurs admirent cette diversité qui rend la langue créole réunionnaise unique. Ils la décrivent comme une langue complexe, ouverte et métissée qui représente la culture et le patrimoine de l’île et qui peut servir d’une fonction d’unification. De l’autre côté, si les Réunionnais parlent du français, ils le font uniquement de façon positive. Les traits associés au français correspondent à la langue d’amour et correcte qui représente la réussite dans la vie. Quant aux métropolitains, ils commentent le créole en l’admirant et ils le définissent comme une langue jolie, charmante et chantante qui fait penser au soleil. Dans le deuxième tableau, nous résumons ce qui est dit sur les Réunionnais ou ce qui leur est associé par les métropolitains, et à l’envers. Ainsi, nous regroupons les énoncés qui relèvent les stéréotypes ajoutés :

Tableau n°7 : Les caractéristiques des représentants des deux communautés Réunionnais Français métropolitains être un fumeur de zamal être zorèy ils ne servent à rien être ignorant ils nous coutent cher faune exotique à La Réunion (touriste) ils se reproduisent comme des lapins - pour avoir des exploiter la richesse de l’île allocations ils sont trop différents, il faut s’en débarrasser régir des prix, des postes d’emploi avoir du pouvoir

Si dans les vidéos, les personnages expriment leurs opinions à l’adresse des membres de l’autre groupe, elles sont généralement négatives. Même si les métropolitains admirent la langue créole, ils ne ressentent pas les mêmes sentiments pour ses locuteurs. L’image des métropolitains sur les Réunionnais correspond à l’image désignant des personnes paresseuses qui ne sont qu’un poids lourd de la France métropolitaine. Ils ne veulent que profiter du système économique de la métropole en faisant rien et fumant le cannabis.

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Pourtant, les Réunionnais ne manifestent pas une attitude différente quant à la perception des métropolitains. Dans les yeux des Réunionnais, les Français de la métropole apparaissent ignorants et profitant de la richesse et de la position stratégique de l’île. Ils représentent les chefs de grandes entreprises sur l’île et régissent les postes importantes de l’économie réunionnaise. De plus, les locuteurs utilisent souvent le terme zorèy qui définit les métropolitains, dans une interaction directe. En s’adressant à une personne de la métropole, ils l’appellent ainsi. Cela peut être neutre mais aussi un outil de dérision selon le contexte. Les images stéréotypées appliquées sur toute une communauté linguistique sont présentes et ressortent de manière assez directe des paroles des locuteurs. Concernant les représentations sur les langues, nous observons la double perception de la langue dominée par ses locuteurs. Les valeurs positives désignent le créole comme une langue du patrimoine de l’île et favorisent sa nature métissée. L’attitude négative se manifeste dans la désignation du créole comme un patois et représente les doutes sur son écriture. La perception de la langue dominée est complétement valorisante. Ces faits correspondent au concept de la situation diglossique à La Réunion.

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CONCLUSION

Notre mémoire avait pour but d’examiner les rapports entre la langue, le locuteur et le statut dans la société réunionnaise où les deux langues se rencontrent : le français et le créole réunionnais. Dans cet exemple d’une société petite mais multiculturelle, les phénomènes linguistiques subissent à une rapide évolution et la perception des langues auprès des locuteurs peut beaucoup varier de l’un à l’autre. Dans le présent travail, nous avons donc tenté d’analyser les rôles des deux langues au sein de la société de l’île en nous concentrant sur les associations liées à l’acte de parole. Le corpus élaboré à partir des vidéos humoristiques du Youtubeur appelé Le Letchi Amer reflétant la vie sur l’île, nous a permis d’examiner ces rapports entre les langues et les communautés linguistiques en visant à révéler les stéréotypes ancrés dans les représentations sociales à travers une galerie de divers personnages. Nous avons divisé notre travail en trois parties. En premier lieu, nous avons présenté le cadre théorique de notre recherche en décrivant l’évolution de la situation sociolinguistique sur l’île, les spécificités de la langue créole et les phénomènes liés aux choix, alternances et mélanges de codes linguistiques. Nous avons également présenté le concept de stéréotypage ambivalent dans les représentations des locuteurs qui manifeste un conflit diglossique. En second lieu, la partie méthodologique a montré comment nous avons procédé dans la recherche : du choix du corpus, par son élaboration et le classement des énoncés des locuteurs, jusqu’à la recherche et la préparation de la partie analytique. La partie consacrée aux analyses dans notre travail a été divisée en quatre chapitres, chacun traitant une hypothèse. Le premier chapitre a visé l’usage des langues en rapport avec le locuteur et le contexte situationnel. Nous nous sommes occupée de l’hypothèse que la langue française a été employée lors d’une conversation formelle, par contre le créole dans un contexte familial. Cette présupposition a été partiellement confirmée. Les situations désignées comme formelles (ayant un participant de la conversation un fonctionnaire public) se sont représentées par l’usage principal du français. Sauf le personnage du maire, toutes les personnes de fonctions publiques s’exprimaient en français. Néanmoins, ce choix de langue n’a pas été toujours partagé par les interlocuteurs qui ont souvent employé le créole dans leurs réponses. Ainsi, les dialogues ont parfois été menés dans les deux langues à la fois mais cela n’a pas gêné la conversation. La langue créole a confirmé sa position d’outil de communication dans les contextes familiaux et publics. Concernant le rapport entre les langues et les locuteurs, nous avons observé une division parmi les personnages. L’emploi

74 unique du créole se manifestait auprès des membres de famille, personnages pauvres ou de campagne (Mère, Papa casquette). Par contre le français apparait dans les paroles des personnages riches (Malbar) ou d’un statut élevé. Dans le deuxième chapitre, nous nous sommes concentrée sur le phénomène d’alternance des codes dans les énoncés séparés des locuteurs. Nous avons trouvé seulement 57 cas d’alternance codique ce qui ne représente pas la fréquence attendue. Le type prédominant dans le corpus était interphrastique (42 %) et il est apparu uniquement dans les paroles du narrateur. Le narrateur a aussi été l’auteur de la plupart des énoncés comportant l’AC. En général, les locuteurs passaient plus souvent du français au créole (67 %) qu’à l’envers. Le passage alterné avait souvent deux fonctions : une fonction explicative de l’énoncé français précédent, qui servait d’un commentaire moqueur avec un accent plus au moins ironique. Dans l’autre cas, les passages au créole manifestaient une fuite du locuteur qui se sentait menacé ou insulté. Nous constatons que l’emploi du créole représente une attitude plus personnelle et émotionnelle du locuteur. En majorité, c’était le narrateur qui alternait le plus les langues. Dans ces cas, il se comportait ainsi en sortant de son rôle du narrateur et s’adressant à un locuteur concret et de manière assez expressive. L’usage du créole dans un énoncé français correspond donc à l’expression chargée d’émotions manifestant l’avis ou l’attitude personnelle, ou il signale l’environnement familial du monde réunionnais dans lequel se trouve le locuteur. Par contre, le français alterné dans un discours créole signifie une sobriété du message, le locuteur l’utilise pour être clair et sérieux ou pour profiter d’un statut formel. Le troisième chapitre a traité les unités alternées les plus petites de l’énoncé : les emprunts. Nous en avons trouvé 27 dans le corpus. Nous étant focalisée sur les emprunts au créole dans un discours français, nous constatons que seulement quelques termes ont été employés parce que l’équivalence de traduction n’existait pas dans la langue que le locuteur parlait. Dans la plupart des cas, il s’agissait de l’usage des emprunts afin d’exprimer toutes les nuances souhaitées et de maximiser l’effet de la parole. Employés majoritairement par le narrateur (70 %), ils ont servi de manifester le contexte réunionnais dans lequel ces termes apparaissaient couramment lors de la parole en français. Les termes les plus fréquents ont été zamal, zorèy et gramoun. Le dernier chapitre a été consacré aux stéréotypes de valorisation ou stigmatisation de la langue et de la communauté linguistique créole aussi bien que française. Nous avons observé les données métalinguistiques auprès des locuteurs en raison de faire la connaissance de leur perception des deux mondes. Concernant les locuteurs réunionnais, nous avons pu

75 les observer manifestant les deux pôles des représentations sur leur langue créole. Du point de vue positif et valorisant, nous avons pu voir les situations dans lesquelles le locuteur défendait le créole contre une dérision visant la beauté ou la poésie de cette langue. Les locuteurs soulignaient sa richesse métissée comportant les mots de cultures diverses, son caractère exceptionnel par rapport aux autres créoles qu’il faudrait bien distinguer, et sa reconnaissance comme une langue à part et très complexe qu’il n’est pas tout à fait simple de maîtriser. À côté de ces démonstrations de la fierté, nous avons témoigné de la caractéristique d’être une langue du milieu familial et un outil de s’identifier à l’étranger, voire en hexagone. Elle a été valorisée comme une langue de la culture et du patrimoine des locuteurs. Par contre, nous avons vu que quelques-uns avouaient une forte confusion ou insécurité par rapport à l’écriture du créole, d’autres ne voyaient pas du tout l’intérêt de parler créole et le désignaient comme un patois. En revanche, l’attitude des métropolitains s’est révélée intéressante. Parlant de la langue créole, ils la désignaient comme une langue charmante, jolie, qui « fait penser au soleil et aux vacances ». Pourtant, il semblait que ces associations n’étaient pas partagées en désignant toute la communauté linguistique des Réunionnais. Dans ce cas, être réunionnais correspond plutôt à l’image d’être pauvre, paresseux, un fumeur de zamal et « se reproduire comme un lapin » afin de toucher les allocations. Selon ces commentaires de la part des métropolitains sur l’inutilité de ce territoire d’Outre-mer désigné comme un fardeau de la France métropolitaine, il n’était pas surprenant qu’il était issue une insécurité identitaire chez les locuteurs créoles se projetant dans le choix de langue lors de l’acte de parole. Même si les métropolitains, plus précisément les zorèy, ont été souvent décrits dans les vidéos avec un ton moqueur comme « une faune exotique » et comme les gens ignorants, parler le français demeure synonyme de réussir dans la vie. Cependant, reliant les conclusions partielles, nous constatons que le français et le créole ont des statuts et des fonctions différents au sein de la société réunionnaise. Nous concentrant sur le personnage principal de notre corpus d’étude, c’est-à-dire sur le narrateur, nous disons qu’il essaie, à travers de ses vidéos, de combattre ces clichés et stéréotypes ancrés dans les représentations des métropolitains mais aussi des Réunionnais. Les vidéos humoristiques reflètent la société réunionnaise de manière un peu exagérée mais toujours crédible puisqu’elles s’inspirent de la réalité quotidienne. Elles nous servent d’un outil éducatif pour comprendre les rapports entre les deux langues sur un petit territoire dans l’Océan Indien. De plus, ils peuvent en servir aux locuteurs-mêmes.

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BIBLIOGRAPHIE

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ANNEXES

1 Classement des personnages secondaires dans le contexte situationnel

FRANÇAIS CRÉOLE Sujet du Sujet du Localité Locuteur Destinateur Locuteur Destinateur discours discours Letchi Carte de Caissière (réponse en fidélité. français) Dégustation - Hôtesse de du fromage. démonstratio Chômage à n - La Réunion. Demande Sa mère Enfant d’un paquet (Jeune de M&M’s. maman 2) Pourquoi ne Supermarché pas acheter Son enfant Jeune des M&M’s. maman 2 Mauvais Caissière prix. Achat pour Sa femme au Mari sa femme. téléphone Demande Papa d’un paquet casquette Sergio (voix de M&M’s. externe) Courses pour Papa

le mois. casquette Demande de Description Femme Hôpital Médecin l’état du Femme réun. de sa Médecin réunion. patient. maladie. Prêtre (voix Église Messe. - externe) Vente des Marché Vendeur - letchis. Contrat de Agent de Demande Agent de Banque prêt pour le Époux Époux banque d’un prêt. banque mariage. Animateur Recette pour Mangue planter le - Carotte cannabis. TV - émission Zamal, la drogue Cultivateur Cultivateur Plantation de Reporteur Reporteur consommée à de zamal de zamal zamal. La Réunion. Invitation à Publicité découvrir la TV - publicité (voix Plaine des - externe) Sables à La Réunion. Travail Guerre (relation entre Supérieur contre les Soldat les collègues, d’un soldat Seychelles les supérieurs) pour

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récupérer la production des noix de coco. Base Son Soldat militaire à La supérieur Réunion. Chef à Nouveaux l’insitut de mots pour les Son collègue langues anglicismes. Collègue à Traductions Son l’institut de proposées. supérieur langues Collègue au Thé d’un travail non goût Son collègue spécifié. intéressant. Collègue à la Avis des Son collègue

radio décès. métropolitain Description Letchi junior Mme du système Gare routière (réponse en routière de bus à La français) Réunion. Conjugaison Enseignant des verbes en Jeune réun. 7 créole. Facilité du École Jeune réun. 7 cours de Ami (étudiant) créole. Chercheur à Graphie du Narrateur l’université créole. Thème du Agent de mariage à Fiancés mariage proposer. Papiers à Maire signer. Photos. Photographe Enveloppe Letchi

d’argents. mariage Époux Bouquet de Maman fleurs. Invitation au Letchi Mariage banquet le mariage lendemain. Raisons du Narrateur mariage. Cousin Letchi Époux célibataire. mariage Livret de Maire Époux famille. Décoration Matante - du mariage. Félicitation Tonton pour les - mariés. Blague. Petit Letchi Maison Pépé Télénovelas. Narrateur

80

Maladie. Letchi

Physique. Narrateur Éducation Mère (fille

des enfants. de mémé) Habiter tout Narrateur seul. Mariage gay. Narrateur Mémé Féminisme. Letchi

Télénovelas. Letchi

Pépé. Letchi Jeune réun. 6 (cousin de Musique. Letchi Letchi) Honte de Étudiant prendre le Ami réun. 1 bus. Mauvaise Étudiant note à Ami réun. 2 Bus m’école. Vieille Les jeunes - femme impolis. Jeune Poussette - maman 1 dans le bus. Bus en Jeune réun. 8 Jeune réun. 9 Arrêt de bus en retard. métropole Jeune réun. 9 Nationalité. Jeune réun. 8 Avis des - Animateur décès. de la radio Voiture en non spécifiée - panne. Auditeur non Voiture en Animateur spécifié panne. Animateur Communicati Auditeurs Auditeur Perte du de la radio on avec les appelant la Animateur Free Dom 1 pinscher. Free Dom auditeurs. radio Félicitation Auditeur d’anniversair Animateur Free Dom 2 e. Radio Auditeur Travaux au Animateur Free Dom 3 Chaudron. Tradition de Auditeur la cuisine Animateur Free Dom 4 réunionnaise. Tradition de Auditeur la cuisine Animateur Free Dom 5 réunionnaise. Auditeur Football. Animateur Free Dom 6 Auditeur Football. Animateur Free Dom 7

81

Auditeur Football. Animateur Free Dom 8 Auditeur Football. Animateur Free Dom 9 Auditeur Maladie. Animateur Free Dom 10 Auditeur Maladie. Animateur Free Dom 11 Auditeur Maladie. Animateur Free Dom 12 Auditeur Maladie. Animateur Free Dom 13 Auditeur Maladie. Animateur Free Dom 14 Les Auditeur Américains Animateur Free Dom 15 et l’espionage. Auditeur Soucoupe Animateur Free Dom 16 volante. Auditeur Cadavre Animateur Free Dom 17 trouvé. Recherche Auditeur d’un homme Animateur Free Dom 18 métropolitain riche. Auditeur Loyer. Animateur Free Dom 19 Auditeur Accident sur Animateur Free Dom 20 la route. Auditeur Accident sur Animateur Free Dom 21 la route. Animateur de la radio Démission. Son patron Free Dom Patron de la Démission. Animateur radio Sortie des Animateur Programme Retraités retraités de retraités du voyage. réunionnais Narrateur (dialogue Avantages avec le M. Zamal du zamal. narrateur tout au long de la vidéo) Incovénients Parent d’apprendre - réunionnais 1 « Rue » le créole. – espace non Avantages Parent spécifié d’apprendre - réunionnais 2 le créole. Raisons pour Jeune ne pas parler Narrateur maman 3 le créole. Achat d’un

Sergio (voix T-shirt. Papa externe) Un autre casquette

frère.

82

Parlers à

l’école. Thème pour Sergio (voix la première Vendeur externe) communion. Empire Jeune réun. 1 Narrateur colonial. Blattes Jeune réun. 2 réunionnaise Amie s. Jeune réun. 3 Étonemment. Narrateur Lieu de Jeune réun. 4 Jeune réun. 5 naissance. Lieu de Jeune réun. 5 Jeune réun. 4 naissance.

Pauvreté des Syndicaliste Grand chef créoles. Raisons de la Syndicaliste (alternance des deux langues dans un même Manifestation manifestation Manifestants énoncé) .

83

2 Classement des énoncés des personnages principaux

Langue Situation Numéro Langue Personnage de Destinateur Sujet de l’énoncé (formelle/familiale/ Émotion/Fonction de Vidéo d’action l’énoncé publique) l’énoncé CR Narrateur - Cendre de mémé Familiale Réprimande 4 CR Fille non-spéc. CR - Familiale Question 7 CR Fille non-spéc. CR Visage Familiale Réprimande 9 CR Mémé - Enfants Familiale Question 11 1/15 CR Petit Letchi - Repas Familiale Déclaration 19 CR Petit Letchi CR Repas Familiale Réprimande, colère 21 CR Letchi Junior - Mémé Familiale Déclaration 30 CR Mémé - Habiter seule Familiale Déclaration 57 CR - - Mariage Familiale Émoi 17 CR Letchi mariage CR Mariage Familiale Question 27 CR - - Mariage Familiale Critique 49 2/15 CR - - Mariage de son fils Familiale Question 51 CR Letchi mariage - Mariage Familiale Critique 57 CR Petit gamin - Toilette Familiale Instruction 51 3/15 Mère CR Narrateur - Zamal - Émoi, critique 7 CR M. Zamal CR Zamal - Émoi, critique 39 4/15 CR Narrateur FR Zamal - Émoi, critique 46 CR Fils non-spéc. - Flics Familiale Blâme 73 CR Narrateur-fils - Free Dom Familiale Question, étonnement 30 CR Narrateur-fils CR Carte d’identité Familiale Question, étonnement 32 CR Narrateur-fils CR Accident Familiale Question, étonnement 34 CR Narrateur-fils CR Anniversaire Familiale Question, étonnement 36 CR Narrateur-fils CR Cuisine Familiale Question, étonnement 38 5/14 CR Narrateur-fils CR Débat inutile Familiale Question 40 CR Narrateur-fils CR Free Dom Familiale Question 42 CR Narrateur-fils CR Célibat Familiale Critique 44 CR Narrateur-fils - Bananes Familiale Critique 85 CR Letchi fils - Courses Familiale Question 1 84 CR Letchi fils CR Film Familiale Question 3 6/14 Mère CR Letchi fils CR Célibat Familiale Déclaration 7 CR - - Magasins - Émoi, critique 15 CR Narrateur - Magasins - Contentement 17 CR Amie - Rencontre Familiale Ravissement 28 CR Amie - Rencontre Familiale Ravissement 31 CR Amie - Commérage Familiale Ravissement 33 CR Letchi fils - Courses Familiale Déclaration 120 CR Letchi fils FR Courses Familiale Critique 123 CR Letchi fils CR Courses Familiale Déclaration 125 CR Narrateur FR Volcan - Critique 11 3/15 CR Narrateur FR Zamal - Émoi, critique 41 4/15 CR Narrateur FR Perte des traditions - Critique 46 CR Narrateur CR Perte des traditions - Critique 48 5/14 M. des Hauts CR Narrateur CR Jeunesse - Critique 50 CR Letchi FR Légume - Question, étonnement 44 CR Letchi CR - - Affirmation 47 6/14 CR - FR Pied de riz - Déclaration 87 CR Letchi chemise FR Volcan photo - Dérision 37 3/15 CR Sergio CR T-shirt Familiale Critique 49 4/15 CR Sergio CR Frère Familiale Explication 76 CR - - Allocations - Déclaration 24 CR - - Machine de soda - Ravissement 36 Papa CR Sergio/Vendeur CR - /Machine de soda Familiale/Formelle Réprimande/Question 38 casquette CR Narrateur FR Enfants au magasin - Explication 50 6/14 CR Sergio CR Bonbons Familiale Affirmation 54 CR Sergio CR Bonbons Familiale Refus 56 CR Letchi CR Courses - Explication 100 CR Sergio - Fécondité Familiale Commandement 16 CR Narrateur FR Vitrine Outre-mer - Indignation 32 7/14 CR Narrateur FR Rat laboratoire OM - Indignation 36 CR - - Prix cher - Question, indignation 46 Papa CR Narrateur FR Écriture du créole - Confusion, indignation 18 casquette CR Sergio CR Vulgarité Familiale Étonnement 43 8/14 CR Narrateur FR Parler créole - Confusion 46 CR Narrateur - Free Dom - Émoi, explication 74 9/13

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CR Letchi CR Free Dom - Réprimande 77 CR - - 1ère communion - Ravissement 4 CR Sergio - 1ère communion Familiale Question 12 CR Sergio - Vêtement Familiale Réprimande 15 CR Letchi/Sergio CR Vêtement/Saleté - /Familiale Explication/Réprimande 17 CR Narrateur - Fête - Question 34 CR Narrateur - Fête - Question 39 CR Tatie, Tonton - Repas Familiale Question 43 CR Sergio - Cadeau Familiale Question 48 10/13 CR Vendeuse - Cadeau Formelle Remerciement 51 CR - - Enveloppe Familiale Remerciement 60 CR - - Enveloppe Familiale Étonnement 62 Ballotin CR - - Familiale Explication 73 communion CR - - Sergio - Question, étonnement 76 CR - - Banque - Étonnement 78 CR - - Permis de conduire - Confusion 3 CR Narrateur, Letchi FR, CR Bus - Critique 24 CR Narrateur FR - - Affirmation 30 11/13 CR Letchi CR Chaudron - Émoi, question 34 CR Narrateur FR iPod - Dérision 43 CR Letchi - Manifestation - Explication 4 CR Letchi CR Prime - Ironie 23 12/13 CR Narrateur FR Salaire - Question, étonnement 27 CR Letchi CR Muguet - Question 38 CR - - Héritage Familale Déclaration 65 1/15 CR Narrateur FR Terrain - Dérision 11 2/15 CR Narrateur FR Volcan - Critique 13 CR Narrateur CR Fast and Furious - Ravissement 17 3/15 CR Narrateur CR FIFA - Déclaration 19 Malbar CR - - Voiture - Conseil 24 CR Letchi chemise FR Camphre - Étonnement 12 4/15 CR Narrateur FR Carotte - Déclaration 67 CR Narrateur FR Musique - Étonnement 12 5/14 CR Narrateur CR Musique - Étonnement 14 86

CR Narrateur CR Musique - Étonnement 16 CR Narrateur CR Musique - Étonnement 18 CR Narrateur CR Musique - Étonnement 20 CR Narrateur CR Musique - Étonnement 22 CR Narrateur CR Musique - Question 26 CR Narrateur CR Musique - Dérision 28 CR - - Foot - Ravissement 52 CR Narrateur CR Foot - Émoi 54 CR Narrateur CR Foot - Colère 56 CR Narrateur FR Voiture - Colère 88 CR Narrateur FR - - Dérision 69 CR - - 50 nuances de Grey - Blague 75 6/14 CR - - Prix chers - Indignation 89 FR Chef métro - Présentation Formelle Déclaration 28 FR+CR Chef métro FR Malgache Formelle Indignation, colère 30 7/14 FR Narrateur FR Foot - Indignation 34 CR Narrateur FR Requins - Critique 48 Animateur Free CR - Portefeuille Formelle Déclaration 81 9/13 Dom CR Letchi - Parrain - Étonnement 20 CR - - Parrain - Question 24 CR Narrateur FR Messe - Critique 27 10/13 CR - - Angry Birds - Ravissement 32 CR Sergio - Photo - Déclaration 38 CR Letchi CR Cadeau - Vantardise 57 CR Letchi CR Autocollant - Déclaration 10 CR Narrateur FR Bus - Étonnement, dérision 13 Malbar CR Narrateur FR Bus - Explication 16 11/13 CR - - Bagnole - Colère 19 CR Narrateur - Voiture - Explication 72 CR Narrateur FR Embouteillage - Colère 83 FR Narrateur FR Mariage - Question 4 Letchi FR Narrateur FR Mariage - Question 6 2/15 chemise FR Narrateur FR Mariage - Critique, ironie 9 FR Narrateur FR Femme réun. - Ironie 19 87

FR Narrateur FR Mairie - Étonnement, question 29 Politiquement FR Narrateur FR - Critique 43 correct FR Narrateur FR Géologie - Critique 7 FR Narrateur FR Parc d’attraction - Critique 9 FR - - Public - Déclaration 21 3/15 FR Narrateur CR Préfecture - Critique 33 FR - - Volcan photo - Ravissement 36 FR - - Histoire - Explication 11 FR - Histoire - Explication 14 4/15 FR Narrateur FR Zamal - Affirmation 45 FR - - Zamal - Explication 65 FR Narrateur FR Cliché - Critique 90 5/14 CR - - Bonbons d’enfance Publique Ravissement 13 FR Narrateur FR Courses - Critique 25 Enfants au FR Narrateur FR - Critique 49 6/14 supermarché FR - - Engagement - Étonnement 85 FR Letchi - Caisses Publique Conseil 106 FR Métropolitain - Sauvageon - Indignation 8 7/14 FR Métropolitain - Région - Ironie 12 Letchi(s) CR Mémé CR Repas Familiale Affirmation 15 Petit Letchi CR Mère CR Repas Familiale Critique 20 1/15 CR Pépé CR - Familiale Étonnement 25 FR - - Cobaye - Question 51 CR - - Gamin dans le bus Publique Déclaration 55 CR Vieille femme CR Réclamation Publique Ironie 60 CR - - Odeur Publique Critique 64 Letchi Junior FR Mme routière - Bus Formelle Question 67 11/13 FR Mme routière FR Bus Formelle Question 69 FR Mme routière FR Bus Formelle Affirmation 71 FR Mme routière FR Bus Formelle Question 75 FR Mme routière FR Bus Formelle Déclaration 80 Letchi CR Mère - Préparation Familiale Question 26 2/15 88 mariage CR Mère CR Préparation Familiale Déclaration 28 CR - - Photos - Déclaration 34 CR Époux CR Voiture Familiale Dérision 36 CR Époux CR Félicitation Familiale Félicitation 40 FR Époux FR Table Familiale Ironie 47 CR Mère - Jeu Familiale Question 52 CR Mère - - Familiale Question 54 CR Époux CR Rogaton Familiale Sarcasme 63 CR Époux CR Rogaton Familiale Affirmation 65 CR Mère CR Robe Familiale Éloge 70 CR Mémé - Mariage gay Familiale Explication 38 CR Mémé CR Pépé Familiale Explication 42 CR Mémé CR Télénovelas Familiale Explication 46 1/15 CR Mémé CR Télénovelas Familiale Déclaration 48 CR Mémé CR Télénovelas Familiale Affirmation 50 Letchi CR Mémé - Pépé Familiale Déclaration 54 CR - - Invitation - Étonnement 21 2/15 CR Mère CR Courses Familiale Affirmation 2 CR Mère CR Courses Familiale Affirmation 4 CR Mère CR Courses Familiale Affirmation 6 CR Mère CR Célibat Familiale Question 8 CR - - Supermarché - Déclaration, dégoût 19 CR Mère - Supermarché Familiale Question 27 CR - - Bonjour - Bonjour 29 CR Mère - Courses Familiale Déclaration 34 Hôtesse de FR FR Fruit et légume Formelle Refus poli 43 6/14 démonstration Letchi CR M. des Hauts CR Légume - Explication 47 FR Narrateur - Supermarché - Dégoût 65 FR Narrateur FR Touriste - Ravissement 73 FR - - Nutella chère - Colère 79 FR Narrateur FR - - Question 81 Musique au FR - - Publique Dégoût 92 supermarché FR Narrateur FR Courses Publique Déclaration 94 89

CR - - Queue Publique Colère 96 CR Papa casquette - Achats Publique Question 99 CR - - Chèque Publique Critique 102 FR Jeune réun. FR Caisse Publique Colère 110 FR Caissière FR Carte fidélité Formelle Refus poli 113 CR - - Mère - Réflexion 116 CR Narrateur CR Mère - Réflexion 118 FR Mère CR Courses Familiale Affirmation 121 CR Mère CR Courses Familiale Colère 124 FR Voix métro FR Manifestations - Indignation, explication 2 7/14 FR+CR Voix métro FR Manifestations - Colère 4 FR Voix métro FR Créole - Affirmation 2 CR Voix métro FR Créole - Colère 4 CR Pépé - Comment ça va Familiale Question 24 8/14 CR Mère - Traduction Familiale Demande 26 CR - CR Créole des jeunes - Confusion 30 CR Fille inconnue - Juron Familiale Colère 33 CR Narrateur - Question - Étonnement 1 CR Narrateur FR Bonne idée - Incertitude, critique 3 CR Narrateur FR Juron - Émoi 5 CR Narrateur FR Vidéo - Blâme 7 CR Narrateur FR Radio Correction 9 CR Narrateur FR Radio - Précision 11 CR - FR Radio - Explication 13 CR - FR Radio - Explication 15 CR - FR Radio - Déclaration 17 9/13 Letchi CR Narrateur FR Radio - Critique 21 FR - - Radio, débats - Ironie 24 CR Narrateur FR Radio, cuisine - Étonnement, critique 26 CR - FR Radio, médecin - Question 31 CR - - Radio, auditeurs - Déclaration, agacement 34 CR Narrateur FR Radio, animateur - Indignation 37 CR - - Radio, animateur - Critique 40 CR - - Radio, animateur - Critique, question 42

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Radio, sujet CR Narrateur FR - Ravissement 44 sensible CR Narrateur - Radio, secret - Déclaration 49 CR - FR Radio, nom - Déclaration 52 CR Narrateur FR Radio, chef - Déclaration, dérision 54 CR - FR Radio, journalistes - Sarcasme 62 CR Narrateur FR Radio, UNESCO - Question, étonnement 76 CR - FR Radio, perte - Ravissement 80 CR Narrateur FR Radio, guidage - Déclaration, confusion 84 CR Narrateur FR Radio, animateur - Affirmation, dérision 106 CR Narrateur FR Radio, musique - Sarcasme 108 Mauvais CR Narrateur FR - Confusion 2 pressentiment CR Narrateur - 1ère communion - Inquiétude 5 CR Narrateur FR Croyance - Dérision 8 CR Narrateur FR Fête - Explication 10 CR Narrateur FR Vêtement - Ironie 14 CR Papa casquette CR Vêtement - Critique, colère 16 CR Malbar CR Parrain - Explication, dérision 21 CR - - Photos - Sarcasme 37 1ère communion, CR Narrateur FR - Déclaration 46 thème 10/13 CR - - Mélanges bizarres - Commentaire 49 CR - - Cadeaux - Déclaration 54 CR - FR Cadeaux - Critique 56 CR - - Cadeaux - Explication 58 CR Papa casquette CR Enveloppe - Question, sarcasme 61 Letchi FR - FR Zoreil - Sarcasme 64 CR Métropolitain FR 1ère communion - Explication 66 FR Métropolitain FR 1ère communion - Affirmation 69 CR - FR Ballotin de dragées - Explication 72 CR - - Banque - Sarcasme 79 CR Narrateur FR Bus - Explication 2 CR Narrateur - Permis de conduire - Explication 4 11/13 CR Narrateur FR Autocollant - Précision 7 91

CR Narrateur FR Autocollant - Critique 9 CR Malbar - Autocollant - Dérision 11 CR Malbar CR Voiture - Explication 14 CR+FR Malbar CR Bus - Indignation, colère 17 CR Narrateur FR Couleur du bus - Dérision 21 CR Narrateur FR Couleur du bus - Dérision 23 CR Narrateur FR TCSP - Conseil 26 CR Narrateur FR Bus en panne - Dérision 28 CR - - Ligne - Conseil 31 CR Narrateur FR Ligne - Explication 33 CR Narrateur FR Exemple - Explication 36 FR - FR Livre - Conseil 42 FR Narrateur FR Livre - Conseil 45 CR - FR Ouvrier - Explication 63 CR Narrateur FR Bus - Explication 66 CR Letchi junior FR Arrêts - Explication 77 CR - - Express - Conseil 79 CR Papa casquette CR Manifestation - Explication 5 CR Syndicaliste CR Manifestation - Conseil, indignation 7 CR Syndicaliste CR Manifestation - Indignation 9 Narrateur, CR FR/CR Chiffre - Étonnement, dérision 13 syndicaliste Narrateur, CR - Saint-André - Indignation 16 syndicaliste Letchi FR - - Chanson pompier - Illustration 19 12/13 CR Narrateur FR Prime de feu - Indignation, dérision 22 CR Narrateur FR Primes inutiles - Dérision 25 CR Narrateur FR Pompier - Ironie 29 CR Syndicaliste CR Manifestation - Sarcasme 30 CR Syndicaliste CR Manifestation - Sarcasme 33 CR - - Kabar - Critique 35 CR - FR Muguet - Conseil 37

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3 Classement des énoncés en créole du narrateur Langue de Langue Situation Numéro de Destinateur Sujet de l’énoncé Émotions/Fonction Vidéo l’énoncé d’action (formelle/familiale/publique) l’énoncé Conclusion de la CR - - Chanson - 76 2/15 vidéo Papa CR CR Volcan - Sarcasme 5 3/15 casquette CR Malbar CR Volcan - Critique 14 CR Malbar CR Sentiments - Ironie 16 CR Malbar CR Jeunesse - Critique 18 Papa CR CR Touriste - Critique 29 casquette Conclusion d’une CR - - Chanson - 32 partie CR M. Zamal CR Zamal et les flics - Réprimande 37 4/15 CR Mère CR Enfants et zamal Familiale Explication 47 Ne pas manger CR Touriste FR - Défense 10 5/14 poissons CR Malbar CR Musique - Question 21 CR Touriste FR Musique - Défense 25 CR Malbar CR Chanson - Exemple 27 CR Mère CR Carte d’identité Familiale Explication 33 CR Mère CR Accident Familiale Explication 35 93

CR Mère CR Anniversaire Familiale Explication 37 CR Mère CR Mémé Familiale Explication 39 CR Mère CR Internet Familiale Explication 41 CR M. des Hauts CR Tangue - Défense 47 CR M. des Hauts CR Végétarien - Explication 49 CR Malbar CR Sportifs - Question 53 CR Malbar CR Sportifs - Question 55 CR Ami réun. CR Location - Question 59 CR Ami réun. CR Location - Question 65 CR Pépé CR Télénovelas Familiale Explication 75 CR Touriste FR Marché - Dérision 22 6/14 CR - - Mères - Ironie 60 7/14 CR Letchi CR Mère - Conseil 117 CR Métrop. FR Potassium - Colère 41 CR Métrop. FR Problème - Colère 58 CR - - Créole - Explication, éloge 65 8/13

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4 Classement des emprunts : comparaison des dictionnaires

Corpus Dictionnaire kréol Occurrence ; Lexème USITO Le Grand Robert (discours rényoné/français Personnage français) bisik (bichik), ‘’Bichique’’ : Alevin minuscule Alevin. Narrateur ; 2x n. de gobiidés. - - brinzèl 1. Aubergine. Non spécifié. Narrateur ; 1x (brinjèl), n. 2. (métaph.) Visage. - - (Sans le contexte) kamaron, n. 1. ‘’Camaron’’ : Grosse Non spécifié. Narrateur ; 1x crevette de rivière. (Sans le - - 2. (employé par dérision) contexte) Mauvais camarade. gramoun 1. Grand-père. Vieillard. Narrateur ; 8x (granmoun), n. 2. Vieillard. Voix externe ; 1x - - 3. Papa, vieux ; parents. 4. Personne adulte. kabar 1. ‘’Cabaret’’ : sorte de fête. Le Cabaret, n.m. Cabaret, n.m. Fête, cérémonie Métropolitain ; 1x (kabaré), n. mot est depuis quelque temps de 1. vieilli Établissement 1. Vieilli Établissement où l’on religieuse. plus en plus employé pour modeste où l’on servait des sert des boissons, désigner une cérémonie boissons. éventuellement des repas. religieuse en l’honneur des 2. Salle de spectacle où l’on 2. Établissement où l’on ancêtres (malgaches). peut consommer des boissons présente un spectacle satirique, 2. Chanson de ‘’kabaré’’. et manger. musical, etc. et où les clients 3. vieilli Petite table dotée peuvent consommer des d’un plateau utilisé pour le boissons, souper, danser. service des liqueurs. 3. Vieilli Plateau sur lequel on 4. Q/C Plateau utilisé pour le place un assortiment de service de mets, de boissons. flacons, de verres à liqueurs, de tasses… ; cet assortiment. kaz, n. (+la) 1. Maison. Case, n.f. Case, n. f. Maison. Narrateur ; 2x 2. Case. I. Habitation construite en I. 1. Fam. et vx. Maison matériaux légers dans rudimentaire ou misérable. certains pays chauds. 2. Habitation traditionnelle, II. 1. Carré ou rectangle généralement construite en 95

délimité sur une surface. matériaux légers, dans 2. Compartiment d’un certaines civilisations des pays meuble, d’un tiroir, d’une tropicaux, notamment l’Afrique boîte, etc. et les « Îles ». II. 1. Espace délimité par des lignes se coupant, généralement à angle droit, sur une surface. 2. Compartiment, subdivision (d’un volume). 3. (Abstrait) Compartiment, subdivision. kour, n. I. 1. Cour : espace, autour d’une Cour, n.f. Cour, n.f. Jardin. Narrateur ; 1x maison comprenant, en général, I. Espace découvert entouré I. 1. Espace découvert, clos de une surface cultivée (arbres de murs, de haies ou de murs ou de bâtiments et fruitiers, légumes). bâtiments, attenant à une dépendant d’une habitation. 2. Propriété. maison ou à un édifice. 2. Terrain situé près des (ou II. 1. Cours : série de leçons. 2. II. 1. Lieu où résident un entre les) bâtiments. Cours : classe primaire. souverain et sa suite. 3. (Belgique) Fam. Toilettes. 2. Ensemble des personnes de II. Hist. féod. Ferme, haut rang qui constituent exploitation agricole. l’entourage d’un souverain. III. Domaine (d’un prince, 3. Le souverain et son d’un souverain). gouvernement composé de 1. Résidence du souverain et de ministres et de conseillers. son entourage. 4. Groupe de personnes 2. L’entourage du souverain. empressées de plaire à qqn, 3. Le souverain et ses notamment à une femme. ministres. III. DR. 1. Juridiction 4. (Politique extérieure) Le constituée de personnes ayant gouvernement du souverain, le pouvoir d’entendre des dans ses relations litiges et de rendre des diplomatiques avec les autres décisions fondées sur des gouvernements. règles du droit. 5. Loc. Faire la cour à… : 2. Dans le système juridique présenter ses hommages (au français, tribunal supérieur. souverain), manifester 3. Ensemble des magistrats l’admiration. qui composent l’une de ces 6. Cercle de personnes

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juridictions. empressées (autour de qqn) en 4. Cour d’amour. vue d’obtenir des faveurs. IV. 1. Hist. À l’époque féodale, Assemblée d’ecclésiastiques et de laïques, vassaux du roi chargée d’examiner les questions importantes du gouvernement royal. 2. Mod. Tribunal d’un ordre supérieur. ladilafé, n. Racontar ; commérage ; potin. - - Commérage. Narrateur ; 1x lontan, adj. et Autrefois ; ancien. Longtemps, adv. Longtemps, n.m. et adv. Ancien, d’antan. Narrateur ; 1x adv. 1. Pendant un long espace de I. 1. Un long espace de temps. temps. 2. Mod. (Compl. d’une 2. Conj. de subordination préposition). complexe aussi longtemps 3. Complément d’il y a, voici, que. voilà. 3. (précédé d’une II. Adv. Pendant un long préposition) Elle avait oublié espace de temps. depuis longtemps. 4. Il faut longtemps pour : il faut beaucoup de temps pour. marmay, n. 1. Enfant ; gamin. Marmaille, n.f. Marmaille, n.f. Enfant. Narrateur ; 2x 2. Jeune homme. Fam. et Péj. Groupe de Fam. Groupe nombreux, de 3. Amoureux ; fiancé. jeunes enfants bruyants. jeunes enfants, souvent 4. Enfant : personne naïve. bruyants, exubérants… 5. (pour interpeller une compagnie) Les amis ! Les enfants ! matant, n. 1. Tante. Matante, n.f. Tante. Narrateur ; 2x 2. Protectrice : nom donné à Q/C Fam. 1. (Dans le langage une personne dont on a ou on enfantin) Tante. - veut avoir la sympathie, la 2. Péj. Femme familière, protection. prévisible et dépourvue de raffinement. moukat, n. I. [malg.] 1. N’importe quelle Enfoiré ; espèce Narrateur ; 1x (+la) saleté corporelle. - - d’abruti. Letchi ; 1x 2. Excrément. 97

II. (A propos d’un nom de pers.) Incapable ; impuissant ; faible. moukataz Lazzi ; raillerie ; moquerie. Raillerie, Narrateur ; 1x - - (moukataj), n. moquerie. moun, domoun 1. Individu ; personne ; type. Personne ; les Narrateur ; 1x - - (dmoun), n. 2. Les gens ; des gens. gens. poupèt, n. 1. Poupée : jouet. Poupée : jouet ; Narrateur ; 2x - - 2. Femme affectée ; coquette. fille. piédboi 1. Arbre. Arbre. Narrateur ; 1x - - (pyédbwa), n. 2. Arbre fruitier. safran, n. [ind. port.] 1. (Curcuma longa) Safran, n.m. Safran, n.m. Curcuma. Narrateur ; 1x ‘’Safran’’. 1. Autre nom du crocus à A. 1. Bot. Plante 2. ‘’Safran’’ : poudre. safran. monocotylédone, 2. Épice obtenue à partir des scientifiquement appelée stigmates séchés des fleurs du crocus, dont les fleurs portent crocus à safran, utilisée pour des stigmates orangés utilisés colorer et parfumer les plats comme aromate et colorant. (notamment dans les cuisines 2. Cour. Extrait de cette plante. arabe, méditerranéenne et 3. Couleur jaune. indienne). B. Loc. Vx. Safran des 3. Per méton. Matière métaux : oxysulfure de fer colorante jaune orangé, utilisé contre certaines obtenu notamment à partir anémies. des parties florales du crocus à safran. samousa, n. [ind. port.] ‘’Samoussa’’ : petit Samoussa, n.m. Petit beignet Narrateur ; 1x beignet triangulaire rempli Fine crêpe de farine de blé, triangulaire d’une farce pimentée. pliée en forme de triangle, rempli d’une - garnie d’un hachis de légumes farce pimentée. ou de viande et frite (cuisine indienne, pakistanaise, mauricienne). tantine, n. 1. Tante. 2. Femme âgée Tantine, n.f. Tantine, n.f. Tante ; petite Narrateur ; 2x (parente ou étrangère). F/E (Dans le langage Dans le lang. enfantin. Ma amie. 3. Madame (terme de respect enfantin) Tante. tante, en s’adressant à elle. habituel) pour une personne âgée. 4. Femme ; concubine. 5. Amoureuse ; petite amie ; 98

fiancée. 6. Fille. vitman, adv. Vite. Vitement, adv. Rapidement, vite. Jeune maman 3 ; 1x - Vx ou littér. Rapidement. zafèr (lafèr) 1. Souvent employé pour Problème. Narrateur ; 1x (nafèr), n. l’indéfini ‘’quelque chose’’. 2. Machin ; truc ; chose. - - 3. Affaires. 4. Affaire ; procès. 5. Problème. zamal, n. [malg.] 1. (Canabis sativa) Chanvre indien : Métropolitain ; 1x Chanvre indien. cannabis. Narrateur ; 14x 2. Tabac cultivé et préparé en Letchi chemise ; 3x - - fraude. Reporteur ; 1x 3. Sorte d’ivresse furieuse (chez Animateur Mangue le fumeur). Carotte ; 1x zamalien, n. Consommateur de zamal ; Consommateur Narrateur ; 1x - - droqué. de zamal. zanbrokal, n. ‘’Ambrocal’’. Plat composé de Mélange. Narrateur ; 1x riz, plus rarement de maïs cuit avec du lard, du curcuma et des - - légumes secs, le plus souvent de ‘’pois du Cap’’ ou de haricots rouges. zargné, Araignée. Araignée. Collègue ; 1x - - zarégné, n. zié (zyé), n. 1. Œil. Yeux. Voix externe ; 1x 2. Bourgeon de canne à sucre. - - 3. Trou dans la pierre. zorèy, n. et adj. 1. Oreille. Zoreille, n. Métropolitain. Letchi chemise ; 1x 2. Personne née en France Fam. Métropolitain blanc Narrateur ; 6x métropolitaine ; relatif à cette - installé depuis peu dans les Collègue ; 1x origine. DOM-TOM (Antilles, Réunion, Auditeur Free Dom ; 1x Nouvelle-Calédonie). Letchi ; 1x

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5 Liste des variétés particulières

Lexème français réunionnais proposé Lexème créole dans le corpus par M. Beniamino bisik (bichique), n. bichique, n. m. brinzèl (brinjèl), n. bringelle, n. f. kamaron, n. camarron, n. gramoun (granmoun), n. gramoune, n. kabar (kabaré), n. kabar (cabar), n. m. kaz, n. (+la) case, n. f. kour, n. cour, n. f. ladilafé, n. la dit la fait (la di la fé, ladilafé), n. m. lontan, adj. et adv. longtemps (lontant), adj. et adv. marmay, n. marmaille (marmay), n. m. matant, n. matante, n. f. moukat, n. (+la) moucate (mouquate, moukate) moukataz (moukataj), n. moucatage, n. m. moun, domoun (dmoun), n. monde (moune), n. m. poupèt, n. poupette, n. f. piédboi (pyédbwa), n. pied de bois, n. m. safran, n. safran, n. m. samousa, n. samoussa, n. m. tantine, n. tantine (tine), n. f. vitman, adv. vitement, adv. zafèr (lafèr) (nafèr), n. affaire (zaffair, z’affair), n. m. (ou f.) zamal, n. zamal (zamale, amal), n. m. zamalien, n. zamalien, n. m. zargné, zarégné, n. - zié (zyé), n. - zorèy, n. et adj. zoreil (z’oreil, zorèy, zoreille, z’oreille), n. et adj.

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6 Liste et transcription des vidéos

Année 2015 Code de la vidéo : 1. Oté grand-mère ! (ST), 16/12/2015 (VID1/15) 2. Hip Hip hip pour les mariés ! (ST), 29/7/2015 (VID2/15) 3. Volcan la pété ! (ST), 3/6/2015 (VID3/15) 4. Ô Zamal ! (ST), 15/4/2015 (VID4/15) Année 2014 5. « Je suis un mauvais réunionnais » (ST), 17/12/2014 (VID5/14) 6. Les courses au supermarché (ST), 26/11/2014 (VID6/14) 7. A quoi sert l’outre-mer ? (ST), 10/9/2014 (VID7/14) 8. Le créole réunionnais (ST), 23/7/2014 (VID8/14) Année 2013 9. Free Dom (ST), 15/7/2013 (VID9/13) 10. Festin la communion, baptême… (ST), 1/7/2013 (VID10/13) 11. Le bus réunionnais (ST), 18/6/2013 (VID11/13) 12. Manifs Syndicales (ST), 6/5/2013 (VID12/13)

Légende : (x) numéro d’énoncé n narrateur (nom) surnom du locuteur /texte en italique/ texte apparu sur l’écran « texte » (texte) « terme en créole » et (sa traduction) texte souligné en italique parole en créole : traduction française issue des sous-titres (texte italique entre parenthèses) texte explicatif dans les sous-titres texte souligné langue indécise : introduit un dialogue xxx parole incompréhensible et sans sous-titres/explication

(VID1/15) Oté grand-mère ! (7:58) https://www.youtube.com/watch?v=_zNk3XDZum4 (1) n Peuple de La Réunion, l’heure est grave. Alors que des jeunes essaient désespérément de télécharger des films en 4K avec une connexion Internet pourrie, je suis toujours à expliquer à mes grands-parents comment fonctionne leur lecteur de DVD. Oui, leur lecteur de DVD… Je suis pas sûr qu’un jour, ils découvrent les Blu-ray et les vidéos à la demande. - (2) /Le Letchi Amer – Oté grand-mère !/

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(3) n 14% de la population réunionnaise aujourd’hui a plus de 60 ans. D’ici 2040, une personne sur 4 sera un « gramoun ». Pour faire simple, il y aura pas mal de retraite à payer. Et pour toi, jeune qui cherche désespérément un travail, je te conseille la filière vieux « moun » (personne âgée). Ceux qui changent les couches et font la toilettes de nos « gramoun » ont un avenir radieux devant eux ! Tout le monde aime les personnes âgées, nous sommes d’ailleurs très attachés à nos grands-parents à La Réunion. « Oté grand-mère chante encore pou moin ‘ti Fleur Fanée…’ » (4) (voix mère) Qu’est-ce que tu fais avec le pot remplis des cendres de mémé là ? Repose ça tout de suite ! - (5) n Il ne faut pas confondre « gramoun » et grands-parents. Un « gramoun » est une personne âgée, plus de 60 ou de 65 ans alors que des grands-parents ne sont pas forcément vieux. : (6) (voix fille) Maman, je ne savais pas ce que je voulais faire après le BAC, du coup, j’ai décidé de tomber enceinte… (7) (mère) Quoi ?? (8) (voix fille) Mais ne t’en fais pas, hein, Jean-Brian a dit qu’il m’aimait et… (9) (mère) Espèce de traînée ! Mon visage est trop jeune pour devenir grand-mère ! - (10) n Ceux qui ont des grands-parents vraiment âgés, j’imagine que comme moi, pépé et mémé ont beaucoup marqué votre enfance. Déjà parce qu’on passait beaucoup de temps chez eux. : (11) (mère) Maman, j’ai besoin de faire des courses, je te laisse les enfants à garder. (12) (mémé) Je t’ai élevé pendant 35 ans et tu voudrais que j’élève aussi tes enfants ? Quand est- ce ça termine ? Quand ?? - (13) n Malgré tout, je n’ai que des bons souvenirs d’enfance chez mes grands-parents. Mémé, pour commencer, c’est clairement la personne qui accepte tous nos caprices d’enfant. Fruits, gâteaux, bonbons de marque inconnue, cette femme passait son temps à nous nourrir… : (14) (mémé) Tu veux que je m’occupe de tes enfants à ta place, ne t’en fais pas, je vais leur donner le diabète… /…/ Tu veux que mémé aille te cueillir une autre mangue mon garçon ? (15) (petit Letchi) Oui, mémé. - (16) n Je crois que c’est ancré dans la tête des mémés car même lorsque t’as quitté la maison et que t’habites seul la nourriture reste son sujet favori. (17) (mémé) Je sais que tu fais pitié et que t’habites seul, je t’ai préparé quelques gâteaux à la patate (douce) pour manger. (18) n Remplir notre estomac ça doit être leur technique pour gagner notre affection. : (19) (mère) J’ai fait des pois (pois du Cap) et une rôtie de porc pour dîner ce soir. (20) (petit Letchi) Tes pois ne sont pas aussi bons que ceux de mémé. (21) (mère) Mais va habiter chez ta grand-mère, espèce d’abruti ! (22) (mémé) Mon plan fonctionne ! - (23) n Et d’un autre côté, on a pépé. Pépé, c’est différent, il est pas très prolixe mais quand il parle c’est toujours pour dire la phrase qui tue. Le « moukatage ». (24) (pépé) Tu savais que la nouvelle copine de ton oncle était mannequin en publicité ? (25) (petit Letchi) Ah bon ?

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(26) (pépé) Ouais, ouais, c’est elle qui joue dans la publicité de Coca. Elle joue la bouteille de 5 litres. - (27) n Avant Norman et Cyprien notre référence comique c’était pépé. Youtubeur avant YouTube. (28) /pépé #humoriste/ - (29) n Hélas le temps fait ses ravages et en grandissant la vision du petit-fils gâté a beaucoup changé. (30) (mère) Bon, je te dépose chez mémé. (31) (Letchi Junior) Ah non, je vais encore m’emmerder, il n’y a pas d’Internet chez mémé. (32) n C’est à cet âge que j’ai remarqué que beaucoup de choses étaient bizarres chez mes grands- parents. Alors je parlerai pas du style vestimentaire, hein, parce que le jour où mémé porte une capeline et une robe à fleurs je ne lui parle plus. Mais je vais parler déjà de la décoration de la « kaz » mémé (maison de mémé). Parce qu’il y a beaucoup à dire. (33) /Caze mémé édition/ (34) n Vous connaissez j’imagine les fameuses « poupette » (poupées) qui prenaient la poussière et que mémé adorait mettre sur toutes les étagères. Sans parler du vaisselier avec tous les verres de 1ère communion de nos tantines et nos tontons. Que dire aussi du salon ? La fameuse salle qui est toujours bien rangée, bien propre mais où personne n’a le droit de s’asseoir dedans ? Mémé c’était quoi le « zafèr » ? Pour quelle raison tu nettoyais le salon ? C’était au cas où le pape venait nous rendre visite ? Mais LE truc qui me fatiguait énormément chez mémé c’était les tableaux d’enfants qui pleurent. C’était quoi l’objectif mémé ? Est-ce que tu pensais qu’en mettant cela dans la maison tu vas apporter de la joie et de la bonne humeur ? En grandissant, je me suis aussi rendu compte de la distance qui me séparait de mes grands-parents. Ils n’habitaient pas si loin … mais … je parle de mentalité. La Réunion a tellement évolué depuis la départementalisation que mes grands-parents et moi n’avons pas vécu dans le même pays. En 70 ans, la charrette bœufs de pépé s’est transformée en tracteur climatisé avec Bluetooth. Alors oui, forcément, nos grands-parents ne sont pas à l’aise avec les nouvelles technologies mais comment peut-on les en vouloir. Expliquer un smartphone à un « gramoun » n’est pas plus compliqué que lui expliquer certains concepts. : (35) (pépé) Là le soleil est arrivé derrière la montagne et tu vas me faire croire que c’est la Terre qui tourne ? (36) n Voilà, maintenant allez expliquer à pépé que j’ai fait des études en hydrogéologie… - (37) n On peut toujours essayer de leur expliquer les grands débats de société comme le mariage gay. : (38) (Letchi) C’est un homme qui se marie avec un autre homme…. (39) (mémé) J’ai compris mon enfant, mais je veux savoir qui passe le balai dans leur maison ? - (40) n Ou les grands principes du féminisme. : (41) (mémé) Jean-René viens, je t’ai préparé ton plat. (42) (Letchi) Mémé, on est au XXIème siècle tu n’es plus obligé de préparer l’assiette de pépé, il est suffisamment grand pour faire ça lui-même, tu n’es pas son esclave non plus.

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(43) (mémé) Mais mon enfant, j’ai toujours fait ça, ça ne m’a jamais dérangé… /…/ Jean-René vieux bougre, ramène tes fesses ici, j’ai préparé ton plat, tu crois que je vais t’attendre toute la nuit ? Mon feuilleton va bientôt commencer ! - (44) n Ah tiens, j’en profite. Parenthèse « feuilleton ». Parce que s’il y a bien un truc que les « gramoun » ont bien assimilés de la vie moderne, c’est bien la télévision. C’est d’ailleurs de gros consommateurs de telenovelas. : (45) (mémé) Alors là, tu vois Ricardo était jaloux, parc que Rosa était partie… (46) (Letchi) Mémé, t’as conscience que je ne regarde pas les telenovelas ? (47) (mémé) …c’était pour coucher avec lui, mais en fait, non, c’était juste pour que Rosa… (48) (Letchi) Tu vas continuer à parler comme si cela m’intéresser hein ? (49) (mémé) Si je te donne du « fruit à pain » avec du sucre est ce que tu vas faire semblant de m’écouter ? (50) (Letchi) C’est bon, continue de parler. - (51) n Et si nos personnes âgées nous prennent parfois la tête, il ne faut pas oublier qu’elles sont de grandes sources de connaissances. Après tout, on a un proverbe africain qui dit que quand une personne âgée meurt, c’est une bibliothèque qui brûle. (52) (mémé) Pas de peau ! Pépé ne sait pas lire ! - (53) n Les « gramoun » connaissent plein de choses que notre génération a hélas oubliées. Et certains d’entre vous, ont peut-être la chance d’avoir des grands-parents qui parlent encore chinois, arabe, indien… (*Indien, ce n’est pas une langue…) ou malgache. : (54) (Letchi) Euh… maman, pépé est en train de parler dans une autre langue, je ne comprends pas ce qu’il raconte. (55) (mémé) Imbécile ! Pépé n’est pas en train de parler une autre langue ! Il est en train de faire une attaque ! Va appeler une ambulance ! - (56) n Et si vraiment vos vieux vous posent problèmes… : (57) (mère) Tu ne peux plus vivre à la maison toute seule maman depuis pépé est mort, tu vas te fatiguer. (58) (mémé) Je peux habiter chez toi alors ? (59) (mère) … - (60) n Il y a toujours la solution de les expédier à l’hôpital ou dans le club pour papys vicelards, les maisons de retraite. On peut toujours aussi les expédier faire une petite sortie dans un bus pour 3ème âge. D’ailleurs je me vois bien faire de l’animation dans un bus de 3e âge… (61) /LE LETCHI occupe band’ gramoun dan’ kar !/ (62) (animateur Letchi) Comment ça va les vieux ? Vous allez bien ? Bon, alors aujourd’hui on va faire un petit tour de La Réunion en bus. Nous allons commencer par visiter quelques églises : Notre-Dame de l’Espérance, Notre-Dame de la Souffrance, Notre-Dame de la Délivrance pour vous faire pardonner des péchés que vous avez commis dans votre jeunesse. Et en même temps, poser une option pour une place au paradis. Après pour ceux qui sont encore vivants, nous allons faire un tour à la Soucoupe (‘dancing’) comme cela vous rajoutez quelques péchés à votre liste pour la semaine prochaine… Qu’est-ce qu’il y a Mme Técher ? Quand est-ce que vous pouvez chanter ? Eh bien, vous attendez que je mette

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mes boules Quiès avant parce que votre version de « Ti fleur fanée » en tremblotant fait mal à mes oreilles. Mais oui, Mme Técher, reconnaissez que vous ne chantez pas bien ! « Mi souvien….. » ….. Ce n’est pas possible… D’ailleurs ne chantez pas trop dans le bus parce que la dernière fois, certains étaient déshydratés après et sont partis boire de l’eau bénite quand on est arrivé à l’église, le prête m’a fait la gueule ! Sinon, consigne de sécurité, vous êtes responsables de votre voisin dans le bus. Vous vérifiez s’il respire encore ! Je ne veux pas me trouver dans la même situation qu’à l’Anse des Cascades avec deux cadavres à rapatrier en hélicoptère. Ah oui, autre chose aussi, nous allons faire beaucoup de virages aujourd’hui alors vous retenez vos dentiers dans votre bouche, je ne veux plus retrouver trois dentiers par terre dans le bus après je suis obligé de jouer à Cendrillon pour trouver à qui est chaque dentier. (63) n J’aurais été génial ! Par contre j’aurais échoué à l’épreuve d’accordéon. - (64) n Bref ! Le principal c’est de bien s’occuper de nos vieilles personnes. Après tous, on sait pas combien de temps elles vont rester avec nous. (65) (Malbar) Nous sommes aujourd’hui réunis pour dire adieu à notre pépé. Lui qui avait 14 enfants et 35 petits-enfants et qui passait plus de temps dans la « boutik » à boire du rhum et à jouer aux dominos plutôt que de s’occuper de nous. Lui qui nous laisse également plus de 600 hectares de terre et là je vois déjà les yeux de mes oncles briller… comment vont-ils faire pour partager cela équitablement ? …Pépé tu vas nous manquer. A partir d’aujourd’hui la famille va se déchirer pour récupérer ton terrain. D’avance excuse nous et ne viens pas nous chatouiller les pieds quand nous dormirons. - (66) n Au-delà de ce qu’ils nous apprennent et de ce qu’ils nous apportent les grands-parents sont des piliers dans les familles réunionnaises. Et lorsqu’ils disparaissent c’est parfois des familles (entières) qui se décomposent. Alors faites un geste pour ces fêtes de fin d’année je vous invite à aller les saluer. Après tout, ils le méritent bien. (67) Mémé…

(VID2/15) Hip hip hip pour les mariés ! (7:36) https://www.youtube.com/watch?v=o2tlmufClo0 (1) n Peuple de La Réunion, l’heure est grave. Chaque année, plus de 3000 mariages sont célébrés dans l’île. Comme quoi, malgré la crise, les gens continuent d’acheter ce gâteau insipide qu’est la pièce montée. (2) /LE LETCHI AMER hip hip hip pour les mariés !/ (3) n On a inventé le PACS, le concubinage, les aides pour mères célibataires alors expliquez-moi pourquoi les gens continuent à se marier ? (4) (Letchi chemise) Parce qu’ils croient en l’union sacré d’un homme et d’une femme ? (5) n Non. (6) (Letchi chemise) Non ? (7) n Non, tu peux pas dire entre un homme et une femme, ça fait tellement « Manif pour tous » que j’ai le politiquement correct qui me démange. - (8) n Voyons plutôt le mariage comme un contrat qui unit deux personnes qui s’apprécient beaucoup pour pouvoir payer moins d’impôts et faciliter les questions d’héritage.

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(9) (Letchi chemise) Tu es d’un romantisme… (10) n Et pour un contrat qui est censé vous faire faire des économies je trouve que ça commence assez mal car pour organiser le plus beau jour de votre vie cela peut vous coûter très très cher. (11) (Malbar) Comment ça, tu veux vendre un morceau du terrain de papa pour payer ton mariage ? - (12) n Aux jeunes fiancés, on conseille donc de trouver des sponsors… maman, papa… ou de faire un prêt. : (13) (agent) Monsieur, vous êtes sûr de vouloir contracter un prêt de 30 000 euros sur 5 ans pour une fête qui ne durera qu’une seule journée ? Vous préférez pas plutôt faire un prêt pour une voiture ou acheter une maison ? (14) (époux) Non, je n’ai pas besoin de ça ! Moi tout ce que je veux, c’est que le jour de mon mariage, que mes cousins soient jaloux de la Porsche dans laquelle je vais rouler. (15) (agent) Ah oui, le sens des priorités tout ça… - (16) n Bien évidemment, pas toutes les fêtes de mariage rivalisent avec la dette de la Commune de St-Louis. Et l’on peut constater de la cherté du mariage juste en regardant la lettre d’invitation. Ecrit en Comic Sans MS avec des petits cœurs et des anges ? Ah oui, c’est du gros, gros budget de mariage, quoi… Il faut au moins que j’aille acheter un nouveau polo chez Super Polygone. Non, je dois vous avouer la vérité. J’ai le même vêtement pour les baptêmes, communions, mariages, enterrements et sorties du club satanique de la Rivière des Roches… Mais le problème vestimentaire et très différent du point de vue des femmes de mon entourage. Vous connaissez les femmes créoles ! (17) (mère) Quoi ? Le mariage est dans 6 mois ? Mais je n’aurais pas suffisamment de temps pour acheter un vêtement ! Allons tout de suite en ville pour faire le tour des boutiques. - (18) n Des mois de recherches et un RSA dépensé pour une robe qui après le mariage finira par fossiliser dans l’armoire. (19) (Letchi chemise) Tu donnes une si belle image de la femme réunionnaise. (20) n Au passage, une spéciale dédicace aux mariés qui ont le chic pour choisir les couleurs de leur thème. (21) (Letchi) Prune et jonquille ? On est invité à un mariage ou une réception chez Gamm Vert ? - (22) n Et encore s’il n’y avait que les couleurs, aujourd’hui il faut que le thème soit visible dans la décoration de la salle ! Oui, parce que la salle verte dans la cour de papa ne suffit plus maintenant. Il faut même avoir quelqu’un pour organiser ta fête. C’est un gars qui a un doctorat en mariage, spécialité « dragée ». (23) (agent mariage) Alors monsieur, je sais que vous adorez le rallye automobile. Madame, vous aimez beaucoup 50 nuances de Grey. Alors je me suis dit que pour votre mariage, on pouvait faire un thème sur les Mille et une nuits. (24) n Logique ! - (25) n Bref ! Voyons quelques points forts d’un mariage vu par un invité, par moi ! : (26) (Letchi mariage) Maman, ça fait deux heures que tu te prépares, on va arriver en retard à la mairie. (27) (mère) J’ai bientôt fini ! Est-ce t’as préparé l’enveloppe avec de l’argent pour les mariés ? (28) (Letchi mariage) Ne t’inquiètes pas pour ça… 106

- (29) (Letchi chemise) La mairie ? Tu ne préfères pas parler de l’église plutôt ? (30) n Non ! Puisque La Réunion est une île multiculturelle avec plusieurs religions ayant chacune leurs traditions pour les mariages et pour ne pas faire de préférence, on ne va parler que de la mairie. Politiquement correct ! D’ailleurs, c’est dans la mairie que l’on se rend compte qu’un mariage n’est ni plus ni moins, qu’un contrat entre deux personnes. : (31) (époux) Il y a encore beaucoup de papiers à signer comme ça ? Monsieur le Maire, vous ne voulez pas plutôt me donner un contrat de travail à signer ? (32) (maire) Non, mais je vous donne un livret de famille. Plus tu le remplis, plus tu touches des allocations… - (33) n Viens ensuite la séance photo où un gars qui est payé un bras avec un appareil va demander aux mariés et à leurs familles de se mettre dans des positions plus au moins connes en essayant de les faire paraître un peu plus beaux qu’ils le sont. : (34) (Letchi mariage) Moi aussi je peux prendre des photos et j’ai déjà 150 followers sur Instagram. (35) (époux) Monsieur le photographe, vous pourriez me prendre en photo devant la voiture ? Oui, la voiture que j’ai loué quoi… la Porsche ! (36) (Letchi mariage) Profites bien parce que c’est la première et la dernière fois aussi que tu vas poser une fesse sur une voiture pareille. - (37) n Voiture qui klaxonnera avec toutes les autres jusqu’à la salle de réception pour retrouver toute la famille. Même ceux qui ont oublié de venir à la mairie mais qui n’ont pas oublié d’aller à la fête pour manger et boire gratuitement. « Le bon moukat ! » (Les enfoirés !) - (38) En faisant la queue pour féliciter les mariés… : (39) (époux) Bonsoir. (40) (Letchi mariage) Félicitations. (41) (époux) Merci à toi. N’oublies pas de mettre l’enveloppe dans le panier à côté… /…/ Maman, il y a encore plein de gens à qui je dois dire bonjour de cette manière ? Parce que je vais finir par perdre une de mes joues à force d’embrasser ces figures ! Et pourquoi je porte un bouquet de fleurs ? (42) n Parce que nous sommes pour l’égalité entre les hommes et les femmes. Parce que nous sommes féministes. Parce que nous sommes pour le mariage gay, parce que ‘’théorie des genres’’, parce que ‘’politiquement correct’’ !! (43) (Letchi chemise) T’as un gros problème avec ça, hein ? (44) Le Letchi, un artiste engagé - (45) n Ah oui, et il faut dire à la mariée qu’elle est très jolie hein… parce que beaucoup d’argent a été dépensé pour la rendre présentable et qu’il faut au moins saluer cet exploit. - (46) (époux) Comme t’es le seul cousin célibataire qu’il reste on t’a mis à la table des enfants. (47) (Letchi mariage) Ah oui, eh bien, je vais pouvoir parler avec eux de la crise grecque et de son impact sur la vente des LEGO. -

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(48) n Attention : manger ! Sur la table d’un mariage réunionnais, on retrouvera une petite assiette contenant les éléments suivants : bonbons piments, « samoussas », bretzels, olives et cacahuètes. S’il n’y a pas ça, c’est que c’est pas un mariage créole. C’est d’ailleurs dans l’assiette que l’on voit l’enjeu des nouveaux mariages réunionnais parce qu’il faut concilier les traditions des parents avec les envies d’originalité des jeunes mariés. (49) (mère) Comment ça, il n’y a pas de salade palmistes ? J’en ai rien à foutre de ton quinoa moi ! On est dans quel genre de mariage là ? - (50) n Quand les mariés arrivent sur la piste pour leur première danse vous pouvez admirer l’espoir et l’envie dans les yeux de votre mère… : (51) (mère) Quand est ce que ce sera au tour de mon fils de se marier ? (52) (Letchi mariage) Maman, Jean-Brian ne veut pas me passer sa 3DS pour que je puisse jouer à Pokémon. (53) (mère) --- (54) (Letchi mariage) Qu’est-ce qu’il y a ? - (55) n Pour le reste de la soirée, l’ambiance devra être assurée par un DJ qui devra jongler entre les chansons de Gramoun Lélé et Major Lazer. Sans oublier ceci … (musique) …. S’il n’y a pas cette chanson, c’est que c’est pas un mariage créole. Alors, j’ai parlé de la nourriture, de la musique, des mariés… Ah oui, les 300 autres invités que tu ne connais pas. Mais pour simplifier la chose, je vais présenter deux stéréotypes d’invités. (56) /Le Letchi, un artiste paresseux/ (57) n /Tonton Whisky !/ Nous avons tous un oncle qui ne jure que par le whisky, qui adore faire la fête, qui fait peur à nos jeunes cousines avec ses blagues scabreuses, qui aime débattre de la politique et qui frôle constamment la querelle à coup de coupe-coupe en fin de soirée. Et ce n’est pas un mariage réunionnais si la police ne vient pas dans la salle de réception à 4 heures du matin pour arrêter tonton whisky qui vient de couper l’oreille de son frère avec un coup de sabre. : (58) (tonton whisky) Hip, hip, hip pour la mariée ! Ou bien le marié ? Je ne sais plus… - (59) n /Matante Pot de fleur !/ C’est la tante qui depuis le début du mariage est complètement hypocrite. Elle a critiqué la décoration, les invités, elle a déjà des ragots sur tout le monde, elle a critiqué le fait que tu étais encore célibataire et un plus, elle a regardé le plat, comme si c’était de la nourriture pour chien. Et ce n’est pas un mariage réunionnais si cette « matante » (tante) n’a pas déjà mis dans son sac la décoration florale de milieu la table avant même que le gâteau soit coupé. : (60) (matante) Je le mettrais sur la table de mon salon. - (61) n Bref ! Quand cette fichue pièce-montée est découpée que le champagne coule à flot et que le DJ n’arrête pas de passer Alexandrie Alexandra ou que la police vient d’embarquer tonton whisky pour l’emmener en prison… c’est qu’il est temps de rentrer « sa kaz » (à la maison). Non sans prendre au passage en ballot de dragée qui ira dormir deux mois dans le frigidaire. : (62) (époux) Vous venez au rogaton demain ? (reprise de la fête le lendemain) (63) (Letchi mariage) Ah parce qu’un jour ne suffisait pas ? Il faut que je revoie vos têtes demain ? (64) (époux) Il y aura un carry camarons (grosses crevettes) avec du civet de cerf. (65) (Letchi mariage) On arrivera à midi. 108

- (66) n Et cette folle journée de mariage s’achèvera avec le moment préféré de ceux qui ont « ladilafé » (les commérages) dans le sang, le débriefing dans l’auto où l’on refait tout le mariage en critiquant chaque détail. : (67) (mère) Le gâteau était trop sucré et la décoration de la salle ne ressemblait à rien, il n’y avait même pas suffisamment de ballons pour que les enfants puissent jouer avec, et t’as vu le vêtement de la mère ? J’ai été choquée ! Elle avait besoin de mettre autant de paillettes ? (68) (Letchi mariage) Et la robe de la mariée était plus blanche que la cathédrale de Saint-Denis alors que tous les jeunes du quartier savent que… (69) (mère) --- (70) (Letchi mariage) …que ce n’est pas une si gentille fille que ça… - (71) n Et là toi, mon jeune marié tu es content d’avoir dépensé autant d’argent pour faire plaisir à cette bande d’hypocrites ! (72) (époux) Tu sais, moi je ne vis pas pour les autres, ils peuvent parler, j’ai essayé de leur faire plaisir. Tout ce qui compte pour moi aujourd’hui c’est la vie que je vais mener à deux avec mon homme, enfin, ma femme, enfin vous m’avez compris quoi ! (73) n Politiquement correct ! - (74) n Oui, enfin, la vie à deux jusqu’à ce que’ils se disputent. Parce que s’il y a plus de 3000 mariages chaque année à La Réunion, c’est qu’il y a aussi 1500 divorces. (75) (agent) Alors pour le crédit que vous avez contracté pour votre mariage, maintenant que vous divorcez… Je fais comme pour le chien ? Je divise en deux ? (76) n Ne me laisse pas maman, ne me laisse pas papa, ne me laisse pas me marier !

(VID3/15) Volcan la pété ! (6:30) https://www.youtube.com/watch?v=8nBX3VsRW8E (1) n Peuple de La Réunion, l’heure est grave ! Le volcan est entré en éruption et la préfecture nous interdit de nous rapprocher des coulées, à croire que même dans la lave, il y a des requins. - (2) /Le Letchi Amer « Volcan la pété ! » / (3) n Le volcan est entré en éruption ! /volcan la pété/ Voilà, ça c’est la phrase que l’on dit à chaque éruption et à chaque fois, je me pose des questions sur la beauté et la poésie de la langue créole. (4) (Papa casquette) Gars, ne commence pas à critiquer notre langue ! (5) n A vous croire, le volcan a mangé un massalé de pois qui aurait tourné du coup il a mal au ventre. - (6) n Bon après, une éruption est due à la décompression du gaz contenu dans le magma, avec notre expression, on est pas si loin de la réalité, ça reste une affaire de gaz. (7) (Letchi chemise) Si tu comptes ponctuer cette vidéo de blagues de géologue, je crois que le public n’arrivera pas à suivre.

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(8) n A La Réunion, le volcan c’est un peu notre parc d’attraction. Il y en a qui ont Mickey Mouse et Space Mountain, nous on a La Fournaise et ses laves à 1000°C. (9) (Letchi chemise) C’est pas exactement la même chose. (10) n Car si dans d’autres contées, volcan rime avec souffrance et mort /Montagen Pelé, 1902, never forget/, chez nous, chaque rumeur d’éruption est prise avec beaucoup d’enthousiasme /Volcan la pété !/. Et le gardien de volcan qui sommeille en moi surveille chaque soubresaut du trémor de La Fournaise comme les détracteurs de Paul Vergès surveillent son électrocardiogramme. Quand le volcan finit par entrer en éruption, vous pouvez imaginer mon exaltation. (11) (M. des Hauts) Ah, parce que tu trouves génial quand le volcan entre en éruption ? Tu connais le nombre d’hectares de terre que ma famille a perdu à cause des coulées hors- enclos ? (12) n Bon, après, c’est un volcan, ça reste un risque pour la population mais à moins d’avoir un terrain dans le coin ou d’être la vierge au Parasol /Le volcan rod’ tue à moin !/, on ne peut que se réjouir d’une éruption. (13) (Malbar) Mouais, je ne comprends pas le délire des gens autour du volcan. Les gens se pressent d’y aller en faisant un embouteillage dès qu’il a des fumerolles et une petite coulée. (14) n Ah, parce que toi, tu n’aimes pas les éruptions, les fontaines de lave, les coulées, tout ça, ça ne te plait pas plus que ça ? (15) (Malbar) --- (16) n Eh bien, mon gars, c’est quoi le dernier événement qui t’as rendu heureux ? (17) (Malbar) Quand le dernier Fast and Furious est sortie. (18) n Voilà ! Regardez à quoi ressemble la jeunesse d’aujourd’hui, vous leur montrez un volcan, ils préfèreraient rester à la maison et jouer à GTA. (19) (Malbar) Et FIFA ! T’as oublié FIFA… - (20) n Pour ceux, qui ne sont pas encore blasés du spectacle… (21) (Letchi chemise) Notre public « zorèy ». (22) n …voir une éruption reste une expédition. Déjà il faut qu’on conduit jusqu’au Piton de La Fournaise et la qualité de la route laisse encore à désirer. - (23) (agent publicité) Venez à La Réunion découvrir la Plaine des Sables et son paysage lunaire, sa route parsemée de cratères /Votre voiture de location sera heureuse !/ qui fera plaisir à vos amortisseurs. En roulant dessus, vous aurez l’impression d’être sur un véritable manège. Attention, la Plaine des Sables est déconseillée aux femmes enceintes. (24) (Malbar) Je vous conseille d’utiliser votre voiture de fonction pour monter là-haut. Comme ça, vous abîmez pas la vôtre. - (25) n Suivant la position de l’éruption, elle n’est pas toujours visible et il faut parfois marcher de longues heures sur des laves en grattons dans le froid pour espérer apercevoir une petite lumière rouge dans le noir. (26) (Papa casquette) Quoi ? J’ai autant marché pour ne voir que ça ?? En 1998, ça valait la peine (de venir), on pouvait marcher sur la coulée, on pouvait y planter des bouts de vois, c’était une vraie éruption ! C’est quoi ça ? (27) n C’est vrai que pour des raisons de sécurité, il est interdit d’approcher les coulées de près.

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(28) (Papa casquette) On nous prend pour des enfants ou quoi ? ça c’est notre volcan ! Sécurité, sécurité ? Quelle sécurité ? (29) n Déjà quand tu vois le nombre de tête de cons qui prennent le sentier en short, en savate, sans pull, ni bouteille d’eau, sans lumière et qui ensuite se perdent dans le noir, t’imagines le nombre d’accident si l’enclos était ouvert ? (30) (Papa casquette) Est-ce que je ressemble à un touriste ? (31) n Après c’est pas parce que c’est interdit que tu peux pas le faire, tu télécharges bien des épisodes de Game of Thrones illégalement… - (32) n Donc, si tu veux y aller, vas-y (référence à une chanson), mais si c’est pour te blesser en marchant sur une roche, reste ici. (33) (Letchi chemise) Je ne sais pas si tu t’en es rendu compte mais tu viens de défendre les idées de la Préfecture là… (34) n Ah merde ! - (35) n Bref ! Même si le spectacle n’est pas à la hauteur de vos espérances, dites-vous que nous avons au moins de la chance d’y assister. Il n’est pas donné à tout le monde, de voir une éruption volcanique et ceci en toute sécurité. - (36) (Letchi chemise) C’est magnifique quand même. Dommage que ce ne soit pas éternel et que nous sommes obligés de garder ses images dans notre mémoire éphémère. (37) (Papa casquette) Parle pour toi, moi j’ai un appareil photo ! - (38) n Ben, tiens, parlons-en des photos. Dans notre monde de réseaux sociaux, est devenu un lieu de concours de photographie. Un combat pour savoir qui aura la plus belle prise de l’éruption. Ouais, sauf que moi, tu vois, j’ai déjà du mal à comprendre le mode automatique de mon appareil. : (39) (ami photo) Tiens, j’ai mis les photos d’hier soir sur Facebook, je trouve qu’elles sont pas terribles, la mise au point, j’arrivais pas à vraiment la faire correctement. (40) n Ah ouais… ouais, ouais… Elles sont biens quand même. (41) (ami photo) Et toi, ça donne quoi ? (42) n …. Non, mais il faisait froid et j’avais pas de gants et du coup, je n’arrêtais pas de trembler, c’est pour ça qu’elles sont un peu floues. (43) (ami photo) Ah mais c’est carrément de l’art contemporain ton truc là. - (44) n Mais je suis très fier de mes photos floues hein… ce sont mes souvenirs à moi. D’ailleurs je pense que les belles photos d’éruption qui inondent les réseaux sociaux ont un effet pervers sur certaines personnes. A force de voir des prises splendides de l’éruption ils sont blasés de la beauté du spectacle et du coup quand ils voient l’éruption en vrai ils sont forcément déçus… J’appelle cela le ‘’syndrome Serge Gélabert’’ du nom du photographe de La Réunion qui a vendu du rêve à des générations de touristes, notamment à cause du Trou de Fer. Voilà à quoi ressemble le Trou de Fer sur une photo de Serge Gélabert. Il y a des cascades, des remparts impressionnants, c’est magnifique et ça fait rêver. Pour ceux qui ont fait la randonnée du Trou de Fer, ils savent pertinemment que le point de vue est souvent comme ça. Donc, forcément on est déçu. Et c’est la même chose avec le volcan, à force de voir des images prises par un hélicoptère ou proche de l’éruption quand on voit la réalité on est

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forcément déçu. Donc un grand merci à Serge Gélabert et tous les photographes professionnels engagés par l’Office de Tourisme de conduire les gens vers une déception certaine. Les chaînes de télévision font exactement la même chose avec leurs images prises depuis un hélicoptère. Oui, parce que les caméramans et les journalistes ne font pas comme le commun des mortels, ils ne marchent pas, ils prennent directe l’hélicoptère. Et les reportages ont exactement la même forme depuis 1998. Des images magnifiques à te faire baver, une musique électronique alternative un peu bizarre et une voix off qui récite une espèce de poème. (45) (voix externe) : /Fontaines rougeoyantes, coulées lisses zigzagant sur le chemin de leur tracé… Cette nuit, Sa Majesté la Reine Fournaise offre aux yeux des curieux de spectacle, une vision d’enchantement magique et pleine de féérie…/ (46) n Heureusement qu’ils ne font pas de poème pour tous leurs reportages. (47) (voix externe) : « Zyeux » remplis de malice et de vice, sexe curieux de s’immiscer dans la chair vieillissante, voici comment se présente le jeune homme de 24 ans ayant violé une « grammoun » de 80 ans, à son procès, en ce froid matin d’hiver austral… - (48) n On parlait de quoi déjà ? (49) (Papa casquette) Du volcan… (50) n Ah oui, c’est ça ! Pour ceux qui vont voir l’éruption, je vous souhaite une bonne randonnée. En tout cas si l’éruption persiste parce que si elle se termine, eh bien, faut espérer que vous soyez encore vivants pour la prochaine. En tout cas, n’oubliez pas vos lampes frontales, essayer de pas vous perdre et surtout, surtout allez pisser avant de prendre la route. (51) (mère) Benjamine, cache toi bien derrière le petit buisson, moi je surveille s’il y des gens, ne t’en fais pas, pisse tranquillement. Par contre Benjamine, tu n’es pas un lampadaire, éteint ta frontale, sinon les gens vont te répéter. (52) (voix gamin) Mais je ne verrais pas si je me pisse dessus.

(VID4/15) Ô Zamal ! (7:00) https://www.youtube.com/watch?v=t5gdNu9Bpw8 (1) (voix métro) Eh ! Il y a quoi dans ta boîte là ? C’est du cannabis réunionnais ? C’est du « zamal », c’est ça ? hein ? Tes copains de La Réunion, ils t’en ont envoyé ? Je peux goûter ? Je peux goûter ? (2) n Non, mais c’est ça ! Sous prétexte que je suis réunionnais, je suis forcément un fumeur de « zamal » ? Non, mais ça va les stéréotypes oui ? (3) (voix externe) Oh d’accord… zen… Il y a quoi dans la boîte alors ? (4) n Vas chercher des feuilles à rouler… - (5) /Le Letchi Amer – Ô zamal !/ (6) n Ô zamal, ô zamal… tu fais pleurer mamans et tu fais planer le frère. Comme toute drogue, les effets secondaires du « zamal » sont différents d’une personne à l’autre. (7) (mère) Non, mais c’est dangereux ! Les jeunes pourrissent leur santé et leurs neurones avec ça ! (8) n et…

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(9) (M. Zamal) Gars ! Le zamal fait parti de nos traditions à La Réunion, on a toujours fumé du zamal. C’est dans notre patrimoine… - (10) n Ben voyons… Je m’en vais toute de suite l’intégrer à notre patrimoine classé à l’UNESCO comme plante endémique. Rappel historique : comment le cannabis sativa, de son petit nom, a bien pu débarquer à La Réunion ? (11) (Letchi chemise) C’est au 19ème siècle, que les engagés indiens ont introduit le chanvre sur l’île, ils l’utilisaient pour les fêtes et les cérémonies religieuses. (12) (Malbar) Comme quoi, il n’y avait pas du camphre dans les cérémonies des chapelles. (13) (Papa casquette) Si je comprends bien, les premiers dealers de La Réunion c’était les malbars ? C’est pour ça qu’ils sont tous riches ! - (14) (Letchi chemise) Ce n’est que dans les années 1960, que l’usage du « zamal » en tant que stupéfiant se développe. Il touche les jeunes en perdition, les chômeurs, les rastas… (15) n Oh ! Faudrait pas se voiler la face ! La consommation de cannabis touche depuis longtemps toutes les catégories socio-professionnelles. (16) (collègue) Dis donc Jean-Pierre, je n’avais plus de thé pour cet après-midi. J’en ai emprunté dans votre tiroir de bureau, j’espère que cela ne vous dérange pas… D’ailleurs cela avait un goût très intéressant. Un bon cru, je dirais. Vous me présenterez votre fournisseur ? (17) (M. Zamal) Les tisanes avec du zamal soulageait les gens atteints du chikungunya. (18) n Et la fleur d’oranger guérit les hémorroïdes ! - (19) n La ‘’démocratisation’’ du « zamal » ne signifie pas que tout le monde à La Réunion a déjà testé le ‘’produit’’. (20) (M.zamal) Gars ! A qui t’essaie de faire croire ça ? Toutes les jeunes réunionnais ont déjà testé le zamal. Que celui qui n’a jamais fumé, me jette la première feuille ! (21) n (jette la feueille de papier) (22) (M. Zamal) Tu déconnes là ? Même pas un space cookie ? (23) n Pardonnez-moi St Bob Marley parce que je n’ai jamais fumé. (24) (M. Zamal) Quel genre de type es-tu ? (25) n Rajoutes ça à la liste des raisons pour lesquelles je suis un mauvais réunionnais si tu veux. Mais si je respire la fumée d’un carry cuit au feu de bois je risque l’asphyxie ! Mon corps d’asthmatique n’est pas fait pour supporter un joint. (26) (M. Zamal) On a enfin trouvé le moyen pour t’assassiner ! - (27) n Je tiens par ailleurs à vous rappeler que la consommation, la production et la vente de « zamal » reste illégale. (28) (M. Zamal) Oui, et le téléchargement de séries sur Internet aussi ! (29) n C’est pas faux ! Mais, moi quand un hélicoptère tourne au-dessus de chez moi je dors tranquille ! Je n’ai pas peur que les flics m’embarquent ! (30) (M. Zamal) Oui, mais il faut dire qu’il y a deux, trois producteurs qui sont un peu cons. - (31) (reporteur) Bonjour et bienvenue dans ‘’Enquêtes Dramatiques’’. Aujourd’hui, nous allons nous intéresser au « zamal », cette drogue de plus en plus consommer à La Réunion. Nous sommes avec Jean-Pascal, cultivateur anonyme de ce cannabis réunionnais.

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(32) (cultivateur J-P) Oui, eh bien, là c’est mon champ de canne. J’ai planté mes plants de zamal au milieu pour que cela ne voit pas trop… (33) (reporteur) Dites-moi Jean-Pascal, vous n’avez pas peur de vous faire dénoncer par quelqu’un ? (34) (cultivateur J-P) Qui va me dénoncer ? (35) (reporteur) Oui, en effet… Qui ça? - (36) (M. Zamal) C’est triste quand même ! Quand je pense à tout ce zamal qui ne sera jamais fumé, ça me fait mal au cœur ! (37) n Arrête ! Comme si dans le tas perquisitionné, les flics n’en récupéraient pas pour eux. (38) (M. Zamal) J’ai rêvé qu’un jour, notre nation légaliserai notre herbe ! Partout où elle serait semée, elle fleurirait ! (39) (mère) Non, mais ça ne va pas la tête ?! Tu ne vois pas ce que cela impliquerait la légalisation du zamal ? (40) n Mais attend, c’est ça ! C’est ça qui pourrait sauver l’agriculture à La Réunion ! Finis les quotas sucriers, nous allons devoir planter du zamal mes enfants ! (41) (M. des Hauts) Enlever (déraciner) les cannes pour planter du zamal ?! (42) n Mais bien sûr, quand on y pense il y a plein de jeunes réunionnais qui se seraient super motivés à se lancer dans ce genre d’agriculture. Cela redynamiserait l’économie ! Toutes les qualités possibles seraient vendues à prix d’or sur le marché international ! ça serait encore mieux que pour le Bourbon Pointu (café produit sur l’île). En plus, cela créerait plein de vocations ! (43) /LE MANGUE CAROTTE/ (Le Mangue Carotte) Salut à tous et bienvenue dans ce nouveau podcast de Mangue Carotte ! Après nous être intéressés la semaine dernière à l’environnement pour votre plante de « zamal », aujourd’hui on va étudier les engrais. Alors j’ai une recette personnelle à vous faire partager. Pour cela vous aurez besoin de sang de poisson et de crottin de cheval. - (44) n Ce gars aurait plus d’abonnés que moi. (45) (Letchi chemise) C’est sûr que de part le monde, le zamal aura toujours plus de fan que le letchi. (46) (mère) Mais ça serait un drame ! Tu ne vois pas que cela influencerait les jeunes enfants innocents ? (47) n Je pense que pour la plupart ils n’attendent pas cela pour s’intéresser à la chose. Quand tu vois l’engouement des enfants pour les t-shirts et accessoires avec une feuille de zamal dessus. (48) (voix Sergio) Papa je veux un t-shirt zamal mangue carotte, je veux un t-shirt zamal ! (49) (Papa casquette) Non mais ça ne va pas la tête ! Pourquoi t’écris pas directement sur ton front : ‘’Papa fait pousser du zamal à côté du poulailler’’ ? Tu veux attirer tous les flics à la maison ? - (50) n Nonobstant mon ouverture d’esprit, cette « mode » me laisse perplexe. Ce n’est pas parce que j’aime les samoussas, que je porterai un t-shirt avec un samoussa dessus.

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(51) n Mauvaise exemple. Ce qui m’inquiète par contre, c’est que les jeunes consomment de plus en plus tôt. Et comme chez le Letchi, on est concerné et responsable, je vais faire un peu de prévention. Voici les effets secondaires du « zamal ». (52) (voix externe) /LE ZAMAL C’EST PAS BIEN/ (53) n Non, ça ne va pas du tout là ! Il faut rajouter plus de tête de mort et d’images flippantes ! (54) (voix externe) /LE ZAMAL VA TE TUER connard !/ (55) n Voilà ! Là, c’est mieux ! - (56) n Cela favorise, les célèbres cancers des poumons, de la gorge et de la langue. ça entraîne une diminution de l’oxygène dans le sang et cela fait même des dépôts de goudron dans les poumons… Attends, attends… (57) (M. Zamal) Gars, dans quel genre de zamal tu trouves du goudron ? C’est naturel ça ! (58) n Pardon ! C’était les effets secondaires d’un produit totalement légal en France, c’était les effets de la cigarette. Donc, pour le « zamal », les effets à COURT TERME sont une sensation de bien-être, une réduction du stress, une pensée plus créative. (59) (M. Zamal) Ouais, d’ailleurs, c’est pour cela que beaucoup d’artistes fument, ça leur permet de libérer leur esprit. (60) n Ah ? (61) (M. Zamal) Prenons un exemple, mon exemple à moi. J’ai écrit un texte pour une chanson de reggae. Gars, on voit que mon esprit été libéré, délivré ! (62) n lit : Je me suis levé ce matin, le soleil me réchauffait, trois petits oiseaux se sont posés sur mon perron et m’ont chanté une petite chanson. Ne t’inquiètes pas, man, tu finiras par avoir tes allocations. (63) n Et oui, effectivement, il faut être complétement stone pour écrire une chanson sur 3 petits oiseaux. Tu te prends pour Hubert Hess ? - (64) n Mais ne vous laisser pas berner, le « zamal » comme la plupart des produits, alcool, cigarettes, sucre, etc., ont forcément un effet négatif à long terme sur votre corps. Le « zamal » va donc impacter votre cerveau et vos neurones, vous aurez une perte de motivation, des nausées et même des pertes de concentration. (65) (Letchi chemise) Grosso modo, une forte consommation de « zamal » peut rendre les gens cons. (66) n Pas con, mais amorphe, en fait l’herbe te transforme en légume. (67) (Malbar) J’ai toujours rêvé d’être une carotte. Comme cela je pouvais m’insérer dans tous les trous possibles. - (68) n Conclusion : la consommation de « zamal », c’est mal. (69) (M. Zamal) Ça rime en plus ! (70) n Enfin, en tout cas, selon la législation. Mais qui suis-je pour blâmer les « zamaliens » ? Quand moi-même je suis un drogué ? Je suis un accro des crèmes glacées. Cornet, pot, milk- shake, je pourrais en manger sans m’arrêter ! Je pourrais continuer à lécher les bûchettes de Magnum et de sorbet de l’eau jusqu’à ce que le diabète finisse par me faire couper mon pied gauche. (71) (M. Zamal) Franchement, gars… tu me dégoûtes. (72) n Camarades planteurs de « zamal » je vous laisse avec ce conseil : Toute consommation demande modération.

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(73) (mère) Si tu te fais prendre par les flics ne viens pas pleurer dans ma jupe, je t’avais dit de faire comme ton père et de planter des ananas ! (74) n Et pour les jeunes gens qui seraient tentés de consommer du « zamal » je vous laisse avec ce dernier effet secondaire assez intéressant. Le « zamal » modifie votre sperme et vous rend (provisoirement) stérile. Donc si tu comptais vivre des allocations c’est un petit peu foutu ! (75) (voix Sergio) Papa quand est ce que j’aurais un petit frère ? (76) (Papa casquette) Ce n’est pas pour tout de suite mon garçon, pas pour tout de suite.

(VID5/14) Je suis un mauvais réunionnais (5:51) https://www.youtube.com/watch?v=MS1L7CFbXRM (1) n Voilà, je pense qu’il est temps pour moi de vous confesser quelque chose. J’ai longtemps pesé le pour et le contre et je me suis dit que je devais être honnête avec vous. Il est temps pour de faire mon coming-out. Je suis un… un mauvais réunionnais. (2) (voix externe) On s’attendait à un autre genre de coming-out de ta part en fait. Là, on est un peu déçu… - (3) /Le Letchi Amer – Je suis un mauvais réunionnais/ (4) n Ce n’est pas facile à vivre tous les jours, les gens qui m’entourent le remarquent très vite et je vis des situations qui sont parfois très gênantes. - (5) /Les raisons pour lesquelles je suis un mauvais réunionnais/ (6) n Je suis un mauvais réunionnais parce que je ne mange pas de « bichik ». (7) (Papa casquette) Mais gars, c’est le caviar de La Réunion. Comment tu fais pour ne pas apprécier un bon carry de bichique avec un rougail mangue? (8) n Ben, j’sais pas, manger une espèce de petit poisson en entier comme ça et en grande quantité, ça me donne pas vraiment envie. Bon, le vrai problème c’est ce que je ne mange pas de poisson en fait. (9) (touriste) Non, mais, t’es sérieux là ? Tu ne manges pas de poisson ? Ça vaut pas la peine d’habiter sur une île alors ! (10) n Non, mais il y a aussi de la viande à La Réunion, ce n’est pas comme si les gens mangeaient du poisson tous les jours surtout au vu du prix ! - (11) n Je suis un mauvais réunionnais parce que je ne connais pas les chansons de La Réunion. Enfin, je connais les chansons de Baster et Oussanoussava mais ça s’arrête à là… (12) (Malbar) Non, mais le frère, tu connais au moins Kaf Malbar ? (13) n Non. (14) (Malbar) Tu connais une chanson de Davy Sicard ? (15) n Non. (16) (Malbar) New Generation ? (17) n Non plus. (18) (Malbar) Christine Salem ? (19) n C’est qui ça ? (20) (Malbar) Pix’L ?? (21) n Non, mais c’est vraiment des gens connus ?

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(22) (Malbar) P*t*n ! Le frère, un zorèy connaît plus de chansons de La Réunion que toi ! Fais quelque chose oui ! (23) n Tu confirmes ? (24) (touriste) Moi, j’adore hein ! Les B Girls ! String Color ! (25) n Non, mais je ne suis pas complétement ignare non plus. Je connais les grands classiques qu’on a appris à l’école. (26) (Malbar) Genre ? (27) n ‘’Mon coco si ti aim’ a moin, saut’ la rivièr vient embrasse a moin’’. (28) (Malbar) Ouais, en fait, ton éducation musicale réunionnaise est bloquée dans les années 1960. - (29) n Je suis un mauvais réunionnais parce que je n’ai jamais appelé Free Dom. (30) (mère) Quoi ? T’as jamais appelé Free Dom ? (31) n Non. (32) (mère) Non, mais comment tu fais si tu perds ta carte d’identité ? (33) n Ben, je refais ma carte d’identité à la mairie… (34) (mère) Quand tu vois un accident sur la route ? (35) n J’appelle les pompiers… (36) (mère) Comment tu fais si tu veux souhaiter son anniversaire à 4 heures du matin à ton père ? (37) n Je l’appelle directement. (38) (mère) Comment tu veux savoir s’il faut mettre safran dans brèdes moroung ? (39) n Ben, je demande à mémé. (40) (mère) Quand tu veux entrer dans un débat inutile avec d’autres personnes ? (41) n Je vais sur Internet, c’est beaucoup plus rapide. (42) (mère) Donc, t’as jamais appelé Free Dom ? (43) n Ben… non. (44) (mère) C’est pour ça que t’es encore célibataire ! Si au moins tu appelais « Chaleurs Tropicales » le soir t’aurais trouvé une copine en un éclair. - (45) n Je suis un mauvais réunionnais parce que je n’ai jamais mangé de carry de tangue. (46) (M. des Hauts) Voilà ! Regardez comment se perd les traditions de La Réunion ! On en mange plus de guêpes, on ne mange plus de tangues ! (47) n Mais regardes comment ils sont mignons ! (48) (M. des Hauts) Un jour, on arrêtera de manger de morue. (49) n Non, mais j’ai dit justement que je ne mangeais pas de poisson. (50) (M. des Hauts) Mon pays devient fou ! Où la jeunesse est en train de nous mener ? - (51) n Je suis un mauvais réunionnais parce que je ne suis pas la carrière des sportifs réunionnais. Je les connais même pas en fait. (52) (Malbar) Gars, dans le match d’hier soir Dimitri Payet (footballeur de l’OM) était trop fort. (53) n Dimitri Payet, c’est… c’est genre un ami à toi c’est ça ? (54) (Malbar) Tu te fous de moi là ? (55) n Non, attends ça me dit quelque chose. C’est un joueur de hand-ball c’est ça ? Il joue dans l’équipe de Château Morange ou un truc dans le genre… (56) (Malbar) Je ne veux plus te voir… -

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(57) n Je suis un mauvais réunionnais parce que je suis nul en géographie de La Réunion. L’île a beau faire que 2500 km² j’ai l’impression de découvrir de nouveaux endroits à chaque fois que quelqu’un me parle d’un lieu-dit. (58) (ami réunionnais) Il a construit une superbe baraque dans les Hauts. (59) n Elle est où sa maison ? (60) (ami réunionnais) Tu vois où se trouve Tan Rouge ? (61) n … (62) (ami réunionnais) Le Plate ? (63) n … (64) (ami réunionnais) Piton Saint-Leu ? (65) n Piton Saint-Leu, c’est à Saint-Leu, c’est ça ? - (66) n Après, y a des lieux-dits à La Réunion qui ont vraiment des noms très spéciaux. (67) (ami réunionnais) Avant il habitait à Parc à Moutons, c’est pour cela qu’il… (68) n Hahaha. (69) (ami réunionnais) Qu’est ce qui te fait rire ? (70) n Quoi, il y a vraiment un endroit à La Réunion qui s’appelle Parc à Moutons ?! - (71) n Je suis un mauvais réunionnais parce que je ne sais pas lire le créole. (72) (chercheur) Non, mais ça, ça peut s’arranger hein. Parce que j’ai inventé une nouvelle graphie du créole qui va simplifier la lecture. C’est juste révolutionnaire. D’ailleurs, c’est comme ça que j’ai eu ma bourse de doctorat. - (73) n Je suis un mauvais réunionnais parce que je ne regarde pas les télénovelas. : (74) (pépé) Et donc quand Esperanza est arrivée à l’hôpital, ils lui ont expliqué qu’elle n’était la sœur d’Ignacio… (75) n Non, mais pépé, pas besoin de m’expliquer ça. Je ne regarde pas les telenovelas de toute façon. (76) (pépé) Quoi ?? - (77) n Je suis un mauvais réunionnais parce que j’ai du mal à distinguer les fruits et légumes de La Réunion. En clair, je ne sais pas faire la différence entre un néflier du Japon (bibasse) et un jujubier. Le comble pour un gars qui se fait appeler ‘’Le Letchi’’. - (78) n Je suis un mauvais réunionnais parce que j’ai une mauvaise connaissance de l’histoire et des personnalités marquantes de La Réunion. : (79) n Donc, ça c’est la Place de la Préfecture, c’est là qu’il y a toutes les grèves et les manifestations à La Réunion. Tu prends vite une photo parce qu’après il faut qu’on monte la rue de Paris. (80) (ami métro) Et la statue au milieu de la place c’est censé représenter qui ? (81) n J’sais pas, c’est marqué quoi dessus ? Labourdonnais… (82) (ami métro) Et c’est qui ça ? (83) n Aucune idée. - (84) n Je suis un mauvais réunionnais parce qu’une fois en Hexagone pour faire un gâteau j’ai acheté des bananes qui venaient de Guadeloupe…

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(85) (mère) Mon propre petit-fils ! Comment t’as pu le faire un truc pareil ?! Les bananes pourrissent sur l’arbre dans le jardin et toi t’achètes des bananes qui viennent de l’extérieur. (86) /Chaque fois qu’un réunionnais achète une banane des Antilles, c’est un pied banane de La Réunion qui verse une larme…/ - (87) n Je suis un mauvais réunionnais parce que je lave ma voiture une fois tous les 4 mois. (88) (Malbar) Arrête de déconner ! T’es plus grave qu’un zorèy là ! - (89) n Je suis un mauvais réunionnais parce que je ne mange pas de riz tous les jours. Je suis un mauvais réunionnais parce que je n’aime pas les sorbets au tamarin. Je suis un mauvais réunionnais parce que je ne suis jamais monté au sommet du Piton des Neiges. Je suis un mauvais réunionnais parce que je n’arrive pas à faire un carry poulet correctement. Je suis un mauvais réunionnais parce que je n’arrive pas à danser le maloya. Je suis un mauvais réunionnais parce que je ne sais pas… (90) (Letchi chemise) Non mais assez ! Ton anaphore est ridicule là ! C’est rempli de clichés sur les réunionnais. (91) n Exactement. C’est ridicule, n’est-ce pas ? Ce n’est pas parce qu’on ne colle pas à tous ces stéréotypes et ces clichés que nous sommes forcément de mauvais réunionnais. Les habitants de La Réunion ne se ressemblent pas. On a tous nos racines, nos particularités et nos goûts comme n’importe quels habitants de n’importe quelle région du globe. La Réunion s’est d’ailleurs construite sur l’acceptation de ses différences. Et même si nous avons une culture commune il est difficile de coller à tous ses clichés. Alors, qu’est ce qui compte vraiment ? Qu’est qui fait que nous sommes de ‘’bons’’ ou de ‘’mauvais’’ réunionnais ? Selon moi, tous réunionnais qui aiment et respectent l’île, ses habitants et leurs cultures est un bon réunionnais. Ce genre de débat qui peut parfois être intéressant a tendance à nous diviser et nous éloigne des sujets beaucoup plus graves. Comme par exemple combattre nos ennemis communs, les mauriciens. (92) /Cassiya ; Reve Nou Ancetres – musique/ n Tu vas mourir charogne ! (93) (mauricien) Cousin, qu’est ce que tu fais avec ce couteau ? (94) /Que nos voisins mauriciens me pardonnent./ (95) n Et vous finalement ? Qu’est-ce qui fait de vous de ‘’mauvais réunionnais’’ ?

(VID6/14) Les cours au supermarché (8:44) https://www.youtube.com/watch?v=cujT471F2j0 (1) (mère) Excuse-moi de te déranger, je vais faire les courses, tu veux venir ? …Qu’est-ce t’es en train de regarder ? (2) (Letchi) Rien. (3) (mère) Un film de cul ? (4) (Letchi) Non, je te jure. (5) (mère) Mmm. (6) (Letchi) Non, c’est bon… je viens faire les courses avec toi. (7) (mère) Tu peux me dire, je comprendrais. Depuis le temps que t’es célibataire tout ça… (8) (Letchi) On pourrait parler d’autre chose ? -

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(9) /Le Letchi Amer – Les Courses en supermarché/ (10) n Quand votre frigo et vos placards sont aussi vides qu’une mairie un vendredi après-midi après 15h, c’est qu’il est temps de faire un petit pèlerinage dans un des temples de la consommation, je parle des supermarchés. (11) (Letchi) Youpi ! (12) n Si dans l’imaginaire collectif, La Réunion « lontan » (d’antan) est composée de boutiques chinoises, cela fait un bail que ces boutiques traditionnelles sont devenues de véritables musées où les prix sont encore en francs. (13) (Letchi chemise) Ahh ! Un vrai paquet de Biscotins comme quand j’étais petit ! Par contre, je ne me rappelais pas que les biscotins avaient un goût champignons. - (14) n Aujourd’hui, les centres commerciaux et les supermarchés ont pris la place de ces épiceries de quartier au détriment de certaines traditions. (15) (mère) Comment ça vous ne pouvez pas mettre mes courses sur un carnet (cahier de crédit) ? Quel genre de magasin ne fait pas de crédit ? - (16) n Si certains apprécient le côté pratique des centres commerciaux… (17) (mère) On trouve vraiment de tout ! (18) n D’autres, comme moi, sont un peu plus réservés. (19) (Letchi) On trouve toute sorte de gens ! (20) n Les supermarchés sont devenus les nouveaux forums où se côtoient toutes les classes de la population réunionnaise… Des classes aisées… aux classes aidées. Alors, toi touriste qui souhaite voir de l’indigène oublie les marchés forains traditionnels et vient plutôt dans les centres commerciaux. C’est moins glamour mais plus réaliste. (21) (touriste) Oui, mais moi, on m’avait dit que le marché de St-Paul était typique de La Réunion. (22) n Le frère, dans ce marché forain, il y a un type qui vend des cocos avec une paille. Tu pensais vraiment que c’était typique de La Réunion un truc pareil ? - (23) n Parc contre, si vous êtes agoraphobe, évitez de venir le premier samedi du mois. (24) (Papa casquette) Les allocations et le RSA viennent de tomber, les enfants bougez-vous, il faut qu’on aille faire les courses. (25) (Letchi chemise) On est dans le cliché là… (26) n Que celui qui trouve une place de parking facilement un premier samedi du mois devant un supermarché, me jette le premier caddie ! - (27) (Letchi) Maman, on était vraiment obligés de venir aujourd’hui ? Il y a plein de gens ! … Maman ? Maman ? (28) (mère) Monique ! Ma chérie !! Tu n’as pas changé ! Cela fait combien de temps qu’on ne s’est pas vu ? Oui, ça c’est mon garçon… Dis bonjour ?? (29) (Letchi) Bonjour… - (30) n Comme je l’avais dit, ceux sont devenus les nouveaux forums donc si vous faites vos courses avec votre mère il y a de fortes chances qu’elle va parler avec des gens. : (31) (mère) La dernière fois que je t’avais vue c’était pour le mariage de m’enfant de… (32) /15 min plus tard/

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(33) (mère) … après j’ai appris que sa deuxième fille s’est mise en couple avec un… (34) (Letchi) Je vous laisse continuer de discuter, je vais commencer à faire les courses, de toute façon j’ai la liste. A toute à l’heure ! - (35) n Attention ! Lâché dans un supermarché, il faut au moins savoir de quoi on a besoin pour ne pas tomber dans le piège des achats inutiles et compulsifs. : (36) (Papa casquette) Une machine pour faire des sodas… C’est ça qu’il manquait à la maison ! (37) (voix Sergio) Papa, je croyais qu’il fallait qu’on fasse les courses pour le mois. (38) (Papa casquette) Arrête de parler Sergio ! Comment elle marche votre machine là ? - (39) n Donc, si vous avez votre liste de courses, votre banquier et votre assistante sociale vous conseille de ne la suivre au maximum et de ne pas être distrait par les grosses promotions et les « poupèt » de démonstration (représentantes de produits). (40) (poupèt) Venez tester notre nouveau fromage, venez tester notre nouveau fromage ! (41) /Le vrai message des poupèt’ de démonstration / (42) (poupèt) J’ai 2 masters et voici le seul travail que j’ai trouvé pour pouvoir subvenir à mes besoins alimentaires à cause du taux de chômage important qu’il y a à La Réunion. 5 personnes m’ont reluqué les seins et un vieux monsieur m’a pincé les fesses. Je déteste ce centre commercial, je déteste ma vie. Vous voulez goûter au fromage ? (43) (Letchi) Non, merci, je vais aller chercher le rayon fruits et légumes… (44) (M. des Hauts) Attends, attends, quel genre de personne achète ses fruits et légumes dans un supermarché ? (45) (Letchi) Le genre de personne qui n’arrive pas à se lever tôt pour aller au marché forain et supporter les vendeurs braillards ! (46) (vendeur marché) 5 euros le kilo de letchis, 5 euros le kilo de letchis, Mesdames et Messieurs aujourd’hui 5 euro le kilo de letchis ! Qui m’en achète ? (47) (M. des Hauts) Ouais, effectivement. - (48) n Bref, c’est en parcourant les rayons, des surgelés aux biscottes que la femme réunionnaise se révèle à vos yeux. Les plus évidents à repérer ce sont les familles avec enfants. D’ailleurs, je n’ai jamais compris pourquoi les parents emmenaient leurs enfants faire les courses. (49) (Letchi chemise) On sent le célibataire aigri et sans enfants. (50) (Papa casquette) C’est pour leur faire une petite sortie, en plus je n’ai personne pour les garder. (51) n Non, mais sans déconner, c’est se rajouter une difficulté supplémentaire de ramener son « marmaille » (enfant) pour faire les courses. Pour un « marmaille » (enfant) ce genre d’endroit c’est un parc d’attraction, ça court, ça crie, ça saute dans tous les sens et en plus ça fait des caprices. : (52) (voix Sergio) Papa, je veux un paquet d’M&M’s ! Papa, je veux un paquet d’M&M’s ! (53) n Deux solutions s’offrent aux parents réunionnais. La gentille… (54) (Papa casquette) Prends et mets-le dans le chariot, tu veux autre chose mon garçon ? (55) n …et la moins gentille… (56) (Papa casquette) Je t’ai déjà dit non, fais-moi encore un caprice et je te tabasse devant tout le monde ! (57) n Mais la technique encore plus flippante, c’est encore celle-là. : (58) (voix d’enfant) Maman, je veux un paquet d’M&M’s !

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(59) (jeune maman 2) Non, mon chéri c’est pas bon pour toi, c’est rempli de colorant et de conservateur, ce n’est bon ni pour l’environnement, ni pour ta nutrition. Je vais t’expliquer, regarde… Il y a des E230, des E140… (60) n L’enfant veut juste un paquet d’M&M’s, pas un cours sur la nutrition et le capitalisme… - (61) n Outre les familles avec enfants, vous trouverez aussi de jeunes couples qui viennent d’emménager. Ils sont tout à fait charmants, sauf… si ce sont d’anciens camarades de classe. : (62) (ami réunionnais 2) Hé ! ça fait longtemps qu’on s’est pas vus, qu’est-ce que tu deviens ? Ben moi, (Oui, le camarade de classe n’attend pas votre réponse), tu vois, j’ai emménagé avec ma fiancé dans une maison à La Montagne, c’est la jolie « tantine » (fille) à côté des surgelés, on est hyper heureux… (63) n Et c’est forcément au moment où tu sors du rayon papier toilettes… (64) (ami réunionnais 2) Toi, ça a l’air d’aller, t’es toujours célibataire c’est ça ? (65) (Letchi) Je déteste cet endroit. - (66) n Mais t’en fais pas d’autres personnes font aussi leurs courses tous seuls comme les employés qui sortent tout juste du bureau. Ils ont toujours un panier un peu hétéroclites ceux-là. On voit que ce sont des courses de dernières minutes. (67) (mari de bureau) Oui, chérie, j’ai acheté la cuillère en bois, le miel et les bougies… c’est tout ce que tu voulais ? (68) n Qu’es ce qu’ils vont faire avec ça ? (69) (Malbar) Le frère, tu veux vraiment que je t’explique ? - (70) n Suivant la saison, on peut aussi trouver une faune exotique dans les supermarchés, les touristes. Ils sont faciles à repérer ceux-là, ce sont ceux qui se posent des questions de conversion entre l’euro métropolitain et l’euro réunionnais. (71) (touriste) C’est normal que ce soit aussi cher ? Comment vous faites pour payer vos courses à ce prix-là ? (72) n J’adore regarder leurs yeux remplis d’innocence. (73) (Letchi) Je peux les emmener au rayon yaourt pour les dévergonder ? - (74) n A toi, mon petit métropolitain, qui pensait qu’Intermarché avait un petit peu abusé sur le prix des lardons, viens faire un tout à La Réunion découvrir nos prix 30 à 40% plus cher ! (75) (Malbar) Ca me fait penser aux filles qui lisent « 50 nuances de Grey » en pensant que c’est du vrai SM avant qu’elles ne découvrent la section bondage et hardcore de YouPorn. (76) n Analogie intéressante. (77) Merci ! - (78) n On a beau avoir eu les produits COSPAR, les produits solidaires et la liste Lurel, les produits restent chers à La Réunion. Et même les articles de la marque des distributeurs sont pour les bourgeois. (79) (Letchi) La différence entre le Nutella et la ‘’pâte à tartiner chocolat/noisette’’ n’est que de 5 centimes. Waouh ! Paye ta concurrence agressive ! (80) n Encore faut-il qu’il y ait une envie de concurrencer. (81) (Letchi) C’est-à-dire ?

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(82) n Il faut savoir que seul trois grands groupes contrôlent l’ensemble des supermarchés de l’île. Et comme pour les compagnies aériennes pourquoi se bagarrer entre eux quand le gâteau de patates est suffisamment grand pour satisfaire les trois ? En plus, personne n’a vraiment le pouvoir de leur taper dessus. : (83) (syndicaliste) Arrêtez de profiter sur la pauvreté des créoles ! Baissez vos marges bénéficiaires ! (84) (patron) Wowowo, tu vas te calmer mon petit ! Je représente la dynamique économique de La Réunion. Tu me laisse faire ma marge bénéficiaire ou je ferme toutes mes cavernes d’Ali Baba et mets plein de gens au chômage. (85) (Letchi chemise) Putain, c’est devenu « engagé » chez Le Letchi. (86) n Non, je ne fais que relater des faits. Même si vous êtes un baba cool écologiste qui fait pousser toutes les denrées alimentaires dont il a besoin dans sa « kour » (jardin) vous êtes forcément obligés à un moment ou à un autre de passer dans un centre commercial. Et même le riz qui est à base de l’alimentation réunionnaise se trouve dans les supermarchés. (87) (M. des Hauts) Et pourtant, ce n’est pas faute d’essayer de faire pousser un ‘’pied de riz’’ (signifie ‘’bon parti’’). - (88) n Mais revenons au supermarché en lui-même qui non content de nous baiser sans vaseline… (89) (Malbar) Un paquet de pâtes à 5 euros, tu sens bien que tu te fais baiser ? (90) n …possède une ambiance musicale assez merdique entre les flops du top 50 et les chansons pour les « matante » (tantes). (91) (chanson de Dominique Barret) / (92) (Letchi) Faut vraiment que je sorte de là… (93) n Tu aurais préféré la voix sensuelle de l’animateur de centre commercial ? (94) (Letchi) Non, merci, de toute façon, j’ai fini mes courses. (95) n Eh bien, avant de retrouver la liberté il te reste l’épreuve la plus difficile à affronter. Les caisses ! Et la loi de Murphy est très stricte à ce sujet, tu seras toujours dans la caisse la plus lente. (96) (Letchi) 5 personnes devant moi ?? Je veux juste rentrer chez moi. - (97) n Allez, on profite pour une petite présentation des personnes les plus insupportables qu’on trouve dans les caisses. (98) /N°1 ceux qui font leurs courses pour le mois/ (99) (Letchi) Mais où vous ranger tout ça ? (100) (Papa casquette) Nous avons de gros, gros congélateurs. (101) /N°2 ceux qui paient par chèque/ (102) (Letchi) On est au XXIème siècle quand même, il y a d’autres moyens de paiement ! (103) /N°3 ceux qui font vérifier les prix/ (104) (jeune maman 3) Ah non non ! Sur la promotion c’était marqué 4 euros et pas 4, 50 euros ! Je ne paierai pas plus cher, vous allez demander à quelqu’un de vérifier le prix. Et ça même s’il y a 8 personnes qui attendent derrière et que le total de mes courses font 300, 20 euros. * (105) (Letchi) … (106) (Letchi chemise) Si les caisses normales t’énervent autant t’as qu’à utiliser une caisse automatique. (107) n Non, mais avec ce genre de caisse ce sont toujours les personnes qui ne savent pas les utiliser qui veulent les utiliser. (108) (voix externe) Passez les articles devant le lecteur.

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(109) (jeune homme) Pourquoi ça marche pas leur truc là ? (110) (Letchi) C’est le code barre qu’il faut passer devant le lecteur « la moukat » (espèce d’abruti) ! - (111) /Face à ma caissière/ (112) (caissière) Vous avez notre carte de fidélité ? (113) (Letchi) Non, je préfère que notre relation reste occasionnelle. - (114) n Voilà, c’est bon, tu es sorti de ce lieu de surconsommation et tu as rangé les courses dans la voiture. (115) /Epic win !/ (116) (Letchi) On dirait que j’ai oublié quelque chose… (117) n Ta mère… (118) (Letchi) Je me disais aussi que j’étais venu avec quelqu’un. (119) n Quand tu reviens la chercher… (120) (mère) Oui, ensuite, tu… Ben, tu es là toi ? Monique, je te laisse, j’ai encore les courses à faire. (121) (Letchi) Non, c’est bon, j’ai fini toutes les courses, elles sont dans la voiture. (122) n Et quand tu pensais en avoir fini avec les supermarchés pour la journée… (123) (mère) Et tu n’as pas pris de serviettes hygiéniques ? (124) (Letchi) Déjà, ce n’était pas sur la liste et ça ne m’est pas venu à m’esprit d’acheter un truc pareil ! (125) (mère) Non, mais ce n’est pas grave, de toute façon sans moi, t’aurais forcément oublié un truc. On y retourne. Je vais en profiter pour acheter un nouveau parfum, ça fait longtemps que je devais en changer. - (126) n A ce moment tu sais que les steaks surgelés qui sont dans le coffre vont commencer à être colonisé par des champignons. (127) /En conclusion…/ (128) n Les supermarchés certains y rentrent plus par obligation que par plaisir et ça même les enseigne l’ont compris. Aujourd’hui pour ceux qui n’aiment ni la foule, ni l’ambiance de ces lieux les courses en ligne ont été créées à La Réunion. Il suffit de commander par Internet vos achats et de les récupérer par la suite. (129) (patron) Pour te faire consommer, on saura s’adapter, le principal c’est que tu puisses payer 30 ou 40% plus cher. De toute façon tu n’as pas le choix, tous les produits passent par mon toit !

(VID7/14) A quoi sert l’outre-mer ? (6:48) https://www.youtube.com/watch?v=5nCWdC-mhlw (1) (voix externe métro) J’ai entendu dire qu’il y avait des manifestations encore à La Réunion, tes camarades ont conscience que lorsque vous casser des trucs ce sont les métropolitains qui paient. Je t’aime bien mais parfois je me demande vraiment à quoi vous nous servez.

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(2) (Letchi) Alors, déjà quand un manifestant casse un abris-bus à La Réunion c’est pas toi qui paies, c’est le contribuable réunionnais et ensuite est-ce que t’as déjà posé les pieds dans un département d’outre-mer ? (3) (voix externe métro) Je ne voie pas le rapport. (4) (Letchi) Non, parce que si tes seules références sont les reportages de TF1 et M6 je doute que t’es conscient de toutes les problématiques ultra-marines. Alors, avant d’ouvrir ta gueule et de dire n’importe quoi réfléchis bien parce que je vais te montrer comment on passe à tabac en outre-mer. - (5) /Le Letchi Amer – A quoi sert l’outre-mer ? / (6) n A chaque problème que rencontre un territoire ultra-marin : grève, incendie, cyclone ou attaques de requin, les français d’hexagone s’interrogent, non sans cynisme, sur l’intérêt de garder ses territoires perdus à des milliers de kilomètres de la capitale au sein de la République. Fleurissent alors des messages remplis de haine et d’ignorance sur les réseaux sociaux et les sites d’actualités. (7) (Letchi chemise) lit : ‘’Les gens des îles nous coûtent trop chers, ils sont trop différents de nous, il serait temps de s’en débarrasser.’’ /Les gens des îles nous coute tro cher, ils son trop differant de nous, il serez tant de s’en débarassé./ (8) (Letchi chemise) Tu sais ce qu’il te dit le sauvageon des îles ? Vas apprendre à écrire en français correctement et après on en reparle, hein ? - (9) n Etant moi-même un habitant d’un de ces confettis de l’empire colonial français j’ai du mal à être objectif. Puisque grosso modo, on remet en cause mon existence au sein de la République. Est-ce qu’on a déjà par exemple remis en cause l’intérêt du département de la Nièvre ? La Nièvre, quoi ! Le département dont on entend jamais parler. On sait même pas s’il existe vraiment. Alors à quoi sert l’outre-mer ? On va tenter de répondre à cette question aux relents nauséabonds d’anciens colonisateurs qui après avoir exploité la richesse d’un territoire souhaitent s’en débarrasser sans procès. Déjà, petite précision ! On a beau nous mettre à chaque fois dans le même panier, il faut savoir que les territoires français d’outre-mer ne se connaissent pas vraiment. Tout simplement parce que nous sommes éloignés les uns des autres. Alors ce genre de phrases : (10) (métropolitain) Tu es réunionnais ? C’est cool ! J’étais en Martinique une fois, c’est très très jolie là-bas. (11) n C’est comme si je disais : (12) (Letchi chemise) Tu viens de Marseille, c’est cool ! J’étais à Strasbourg une fois, c’est une très jolie région ! - (13) n L’outre-mer français, pour ceux qui n’écoutaient pas à l’école primaire, se compose : des départements d’outre-mer /Guadeloupe, Martinique, Guyane Française, La Réunion, Mayotte/, des collectivités d’outre-mer /Saint-Pierre-et-Miquelon, Saint-Barthélemy, Saint-Martin, Wallis-et-Futuna, Polynésie française/, de La Nouvelle-Calédonie, ils ont un statut particulier ceux-là, des terres australes et antarctiques françaises /Iles Crozet, Iles Eparses, Kerguelen, Amsterdam, Saint-Paul, Terre Adélie/, et même d’un territoire minuscule dans le Pacifique qui s’appelle Clipperton. C’est là, là à côté du Mexique. Vous l’aurez compris, l’outre-mer ne limite pas qu’à du sable et des cocotiers. /Vision de l’outre-mer par les métropolitains/. Je ne peux forcément parler au nom de tous ces territoires puisque nous sommes chacun dans des situations différentes. En tant que réunionnais, je n’ai pas les même

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priorités ni les même problèmes que les manchots qui habitent aux Kerguelen. Eux, ils font jamais de manifestations pour se plaindre. Mais nous représentons une part non négligeable de la population française avec plus de 2,5 millions d’habitants. /Outre-mer : 2,5 M hab., Paris : 2,3 M hab./ D’ailleurs, il y a plus d’ultra-marins que des parisiens. (14) (voix externe métro) Ouais, mais ça c’est parce que vous êtes comme des lapins là-bas, vous vous reproduisez pour pouvoir avoir des allocations. (15) n Euh, ça c’est un stéréotype vraiment démodé. Il faut savoir que le taux de fécondité a largement diminué d’une génération à l’autre. Nous sommes aujourd’hui en moyenne à 2, 4 enfants par femme dans les départements d’outre-mer /Hexagone : 2,01, DOM : 2,40/. (16) (Papa casquette) 2,4 enfants. Sachant que j’en ai fait… Sergio ! Viens voir papa ! - (17) n Dans la globalité, les citoyens ultra-marins ont les mêmes avantages et inconvénients que les citoyens d’hexagone. (18) (voix externe métro) Et je peux savoir quel genre d’inconvénients tu as à être français ? (19) n ça, ça te suffit comme inconvénient ? /Avis d’impôt – impôt sur les revenus./ - (20) n Revenons-en au sujet : à quoi sert l’outre-mer ? Nos territoires sont déjà des positions géostratégiques pour la France. Le pays possède grâce à nous une place dans tous les océans du monde. C’est assez pratique pour implanter des bases militaires. : (21) (soldat) Ok chef, maintenant qu’on a une base militaire à La Réunion, on fait quoi ? (22) (chef) On lance une guerre contre les Seychelles pour récupérer la production mondiale de coco-fesse ! - (23) n Un exemple de position stratégique c’est celle de la Guyane Française. Qui proche de l’équateur facilite le lancement des fusées Ariane /Ariane, Soyouz, Vega/. Et des bases de lancement, il n’y en a pas des masses dans le monde /France into space (sic)/. (24) (jeune réunionnais 1) Après l’empire colonial, on va créer un empire galactique ? (25) n Ouais, pour l’instant on envoie surtout des satellites. (26) (jeune réunionnais 1) C’est un début… - (27) n Ces positions permettent également à la France d’échanger plus facilement avec d’autres pays de développer des partenariats économiques ou d’y implanter des entreprises françaises /Exemples des chaînes de grande distribution/. Les terres d’outre-mer servants alors d’entremetteur ou de porte d’entrée. : (28) (Malbar) Alors monsieur, je vous présente le responsable de la commune malgache sur laquelle vous souhaitez implanter votre usine. (29) (chef métro) Bonjour à toi, petit malgache ! Moi vouloir implanter usine sur territoire de toi. (30) (Malbar) Euh, il est malgache, pas mongolien. Tu veux des ennuis ou quoi ? - (31) n L’outre-mer contribue aussi au rayonnement culturel français, il permet de véhiculer l’image du pays et de ses valeurs à travers le monde. /Les droits de l’Homme (Tout ça…)/ Nous sommes autant de vitrines de la France parsemées dans les océans. (32) (Papa casquette) Gars tu crois que je suis un mannequin dans une vitrine ou quoi ? J’ai une gueule plastique ?

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(33) n Par contre nos références culturelles sont un peu différentes de nos voisins. D’un côté les réunionnais regardent les matches de football de la Ligue 1, de l’autre les mauriciens regardent le championnat d’Angleterre. (34) (Malbar) C’est pas exactement le même niveau. - (35) n Avec les enjeux très différents de l’hexagone, l’outre-mer permet à la France de s’impliquer dans des domaines de recherches plus larges. Volcanisme, océanographie, météorologie et même l’étude des environnements tropicaux et polaires. L’outre-mer est un véritable laboratoire. (36) (Papa casquette) Ah ! Parce que maintenant, je ressemble à un rat de laboratoire ? (37) n Cela permet également à la France de développer des projets innovants. Notamment dans le domaine des énergies renouvelables. (38) (chef métro) Alors, j’ai pensé à créer une filière de recyclage des épluchures de mangues José pour pouvoir créer de l’énergie. - (39) n Mais l’outre-mer possède aussi d’autres richesses, les ressources du sol par exemple mais aussi l’agriculture. Tu connais beaucoup de pays en Union Européenne qui produisent leurs propres ananas, letchis et bananes ? (40) (voix externe métro) Ouais, youpi, vous nous fournissez en fruits tropicaux. Génial ! Non, mais sans déconner les gars, on peut quand même bien survivre sans avoir à manger de bananes ! (41) n Et ton taux de potassium, crétin ! Tu penses à ton taux de potassium ! - (42) n Autre contribution de l’outre-mer c’est bien évidemment sa population jeune, dynamique et métissée. Là, je nous caresse dans le sens du poil. Qui à l’inverse de ce que les mauvaises langues peuvent dire possède un taux de croissance économique supérieure à la moyenne nationale Nationale : 0,0%, La Réunion : +1,2%/. (43) (voix externe métro) Wow, +1,2%, c’est énorme ! (44) n ça reste un chiffre positif ! - (45) n Mais le principal atout de l’outre-mer, c’est encore... la mer. /ZEE : 11 millions de km2/. Grâce à nos territoires, la France possède la 2ème plus grande Zone Economique Exclusive du monde. /2ème derrière les Etats-Unis/. Ces surfaces permettent à l’Etat de percevoir des revenues sur le trafic maritime au large de nos côtes mais aussi sur la pêche. (46) (Papa casquette) Quelqu’un peut alors m’expliquer pourquoi la morue est aussi chère ? (47) n Ce réservoir maritime immense possède autant de matières nutritives, énergétiques et minérales qui reste encore à exploiter /potentielles/. (48) (Malbar) Ah ouais ? Et c’est quand qu’on trouve un peu de pétrole au large de La Réunion là ? Parce que moi, le seul truc que je vois dans l’eau en ce moment, c’est des requins ! - (49) n L’outre-mer permet également aux français de se dépayser sans avoir besoin de passeport en découvrant des territoires radicalement différents de l’hexagone par leurs paysages, leur faune et leur flore. (50) (jeune réunionnais 2) Alors comme c’est toi qui viens en vacances, c’est toi qui récupères ma chambre et… (51) (voix fille métro) iiiihh ! C’est quoi ce machin ?

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(52) (jeune réunionnais 2) Qu’est ce qui t’arrive ? (53) (voix fille métro) Mais c’est énorme ! Regarde sur le mur ! (54) (jeune réunionnais 2) C’est un cancrelat. (blatte) (55) (voix amie métro) Mais, mais, en plus il vole ! - (56) n En conclusion, l’outre-mer possède des richesses dont même nous ultra-marins n’avons pas toujours conscience /Oui, même les cancrelats./ Si nos territoires ne servaient vraiment à rien au pays vous pensez vraiment que la France se serait cassé la tête à nous conserver ? Les enjeux de la France de demain passeront également par ses terres d’outre-mer. La France a besoin de l’outre-mer. Il serait temps que les gens en prennent conscience et essaient de mieux nous connaître et de nous respecter. (57) (voix externe métro) Non, mais attends, attends, attends ! Avant de me frapper, je vous respecte, je vous respecte... Je veux dire, vous nous avez quand même donné la Compagnie Créole et Francky Vincent. (58) n Ok, on ne peut vraiment rien faire avec certains... Passe-le à tabac !

(VID8/14) Le Créole Réunionnais (6 :48) https://www.youtube.com/watch?v=CjkALhXFGcs (1) (voix externe métro) Et au fait tu es réunionnais, c’est ça ? (Hexagone, 2007) (2) (Letchi) Oui. (3) (voix externe métro) Tu parles le créole alors ? Je trouve ça jolie, créole, c’est chantant, ça fait penser au soleil, aux vacances... Tu pourrais parler un peu créole pour voir ? (4) (Letchi) Té ! Espèce de connard, tu crois que c’est parce que je viens de La Réunion que ma langue fait forcément penser au soleil ? Tu m’as bien regardé ? Est-ce que j’ai l’air d’un singe qui sort du cirque pour te jouer la comédie ? (5) (voix externe métro) Ah, c’était plus chantant dans mon souvenir… - (6) /Le Letchi Amer – Le créole réunionnais/ (7) n Je ne me suis jamais considéré comme bilingue mais c’est vrai qu’en Hexagone je me pose parfois la question. Comme tout réunionnais dont le cordon ombilical a été coupé à La Réunion je parle créole, ou plus précisément mi koz kréol. Pourtant toute ma scolarité a été faite en français car à l’époque on m’avait dit que pour réussir dans la vie, il fallait parler la langue de Molière et non pas la langue de Danyèl Waro. Il suffirait de reprendre les dictés que j’avais quand j’étais au CP. « Papa est parti en forêt ramasser les fagots, maman est dans le pré, elle cueille des tulipes. » Comme vous le voyez mon éducation était bien adaptée à ma situation de réunionnais. Heureusement aujourd’hui, le créole a pris beaucoup plus de place dans les médias, les journaux, les publicités, les conversations. Les gens parlent de manière beaucoup plus décomplexée. Jusqu’à ne plus être considéré comme un patois mais une langue à part ! Ce qui voudrait dire que je suis bilingue ! Ouais ! Mais le petit « zorèy » qui regarde cette vidéo… Oui toi là, derrière ton écran... Tu te demandes sans doute ce qu’est que le créole réunionnais. Et bien pour commencer, le créole réunionnais est différent du créole antillais. Alors quand un « zorèy » nous imite comme ça : (8) (métropolitain) ‘’Ah oui, bonzour méssié, moi pawlé crwéole rwényonné.’’ (9) n Il ne faut pas s’étonner qu’il se prenne une beigne ! -

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(10) n Le créole réunionnais est fortement lié à l’histoire de La Réunion elle-même. En effet, l’origine des mots montre le métissage qu’il y a sur l’île et les différentes vagues d’immigration qui ont eu lieu. Sur une base française, le créole possède plusieurs mots venant du gallo et du normand. /lantourazh ; mok ; nénène/ Ce qui expliquerait notre amour pour le camembert Gérard. Les esclaves malgaches ont rajouté des mots /voulvoul ; zamal ; bib ; rougail/, les engagés indiens en ont rajouté d’autres /goni ; kankrëla ; kari/ et le créole réunionnais possède même des mots venants de l’indo-portugais. (11) (jeune réunionnais 3) Hein ? (12) n Ben, en fait, « bringèle » et « camarons », c’est des mots portugais à la base. /bringèle ; camarons ; varangue/ (13) (jeune réunionnais 3) Sans déconner ? - (14) n Ce « zanbrocal » (plat créole) linguistique a donné le créole qu’on connait aujourd’hui. Et si toi petit « zorèy » souhaite travailler à La Réunion pour ta survie, il va falloir apprendre cette langue rapidement. : (15) (médecin) Alors dites-moi madame, quel est le problème aujourd’hui ? (16) (femme réunionnaise) Et bien monsieur l’infirmier, ma gorge me faisait mal, j’ai pris deux, trois pastilles pour me calmer avec un verre de rhum et du citron mais j’ai peur qu’à force de manger du sucré, mon diabète s’empire... - (17) n Heureusement pour toi, nos universitaires se sont longuement penchés sur la mise en forme du créole réunionnais. Enfin, ils ont essayé. Déjà, ils ont défini différents types d’écriture pour le créole. /lékritir 77 ; la graphie KWZ ; le tangol/ Truc simple, quoi. C’est comme ça, qu’on mot aussi simple que « piédboi » qui signifie « arbre » peut s’écrire de différentes manières : ‘lo pyédbwa’ / ‘lë piédboi’. Et les réunionnais ne réagissent pas forcément bien à ce genre de graphie. (18) (Papa casquette) C’est quel genre de langue ça ?? - (19) n Il faut dire que « standardiser » le créole réunionnais et quelque chose de plus complexe qu’on le pense. En effet, il y a des différences entre le créole du nord et le créole du sud, le créole du littoral et le créole des Hauts. : (20) (jeune réunionnais 4) Oui, moi, je suis un gars de Saint-Benoît. (21) (jeune réunionnais 5 des Hauts) Ah bon alors ? Tu es quelqu’un de l’Est ? Moi je viens de l’Etang-Salé-les-Hauts. Tu ne souffres pas trop de la pluie dans ta maison là-bas ? (22) (jeune réunionnais 4) Pour la santé de mes oreilles, on va parler en français parce que ton accent là, ça ne va pas être possible. - (23) n Pour certains il est préférable de réserver le créole dans le cercle restreint de la famille. Mais même là, il y a des différences entre le créole des différentes générations. : (24) (Letchi) Sinon, pépé, comment ça va ? (25) (pépé) J’étais malade mon enfant, je sors faire une radio de mon « pied-de-cou » dans la salle d’attente, il y avait une femme « en voie de famille » à côté de moi qui prenait toute la place. (26) (Letchi) Maman, tu peux traduire ce que pépé vient de dire ? Je n’ai rien compris. (27) n Que celui qui comprend les textes de Danyèl Waro dès la première écoute me jette la première pierre ! - 129

(28) n Mais il faut savoir que j’ai le même problème avec la nouvelle génération. (29) (jeune réunionnais 6 cousin) Té cousin, écoute ce son comme il est ‘’en forme’’. (30) (Letchi) ‘C’est quoi cette langue ? C’est du créole ça? Qu’est-ce qu’il me fait écouter là ? Je ne comprends rien !’ (31) n C’est une espèce de mélange de français, de créole et d’anglais. Non, les gars, sans déconner ? GIARL ? (pour girl) Et je ne vous parle même pas quand un petit cousin m’envoie un SMS… En fait, le truc c’est que je dois être trop vieux, je suis plus du tout dans le coup... Mais les jeunes réunionnais utilisent beaucoup le français, surtout quand ils sont amoureux : (32) n lit : ‘’Franchement ma chérie, tu es si belle, si belle, si sensuelle, si rebelle, j’aime ta couleur caramel, tu es douce comme une hirondelle.’’ Je n’avais pas dit que c’était de la grande poésie française. Par contre, quand ils se disputent le créole revient à la charge : (33) (Letchi) Espèce de conasse, tu m’as trompé avec en autre gars, je savais bien que tu étais une salope ! (34) n Il y a des « zorèy » qui trouvent notre créole charmant. Ils ne se sont jamais fait insulter ??? - (35) n Comprenez dans tout ça qu’il est difficile de standardiser la langue créole. Cela n’empêche pas d’avoir le même débat qui revient tous les 6 mois : ‘’Faut-il enseigner le créole à l’école ?’’ Il y a des ‘pour’ et des ‘contres’. (36) /côté contre/ (parent réunionnais 1) Nos enfants n’arrivent pas à parler le français correctement et on essaie de leur apprendre le créole à l’école ! C’est pas une langue qu’on va perdre ça ! (37) /côté pour/ (parent réunionnais 2) Il faut qu’on défende notre culture de la francisation et les enfants ont besoin de connaître leur créole et leur patrimoine culturel. - (38) n Après chacun son avis, mais qu’on soit clair : le créole n’est pas aussi simple qu’on ne le pense. Savez-vous par exemple qu’on a défini 7 passés différents en conjugaison créole ? /passé inaccompli ; passé accompli ; passé progressif ; le terminatif ; progressif passé ; passé terminatif ; l’accompli/ : (39) (jeune réunionnais 7) Ce cours de créole sera trop facile mon gars. Je maîtrise le sujet, je parle créole depuis que je suis sorti du ventre de ma mère. (40) (enseignant) Mathias est ce que tu peux me conjuguer le verbe courir en créole à la première personne du singulier au progressif passé ? - (41) n Ensuite pour autoriser le créole à l’école il faudrait que les parents soient d’accord avec le style de créole utilisé. Et c’est pas toujours le créole qu’on utilise à la maison. (42) (voix Sergio) Papa ta figure « anki » (en forme de cul – forme assez vulgaire) ce matin, oui. (43) (papa casquette) Sergio, où t’as appris à parler comme ça ? (44) (voix Sergio) Ben à l’école ! - (45) n A force de vouloir un créole au plus proche des racines du patois les universitaires ne sont-ils pas en train de s’éloigner du « parler » d’aujourd’hui ? Cela ne facilitera pas l’appropriation des réunionnais. (46) (Papa casquette) Mais on a jamais parlé comme ça. (47) n Il ne faudrait pas que notre langue se referme sur elle-même non plus. Sinon, on fera comment pour les nouveaux mots ? (48) /Pendant ce temps, au centre de création des nouveaux mots de la langue créole... / 130

(49) (collègue) Alors pour Internet, le « web », je me suis dit qu’on pouvait appeler ça « le toile zargné » (toile d’araignée). (50) (chef) Oui, c’est très bien. Par contre pour Twitter le mot « follower » on traduit comment ? (51) (collègue) Un « suiv ki » ? (52) (chef) Vous êtes en très grande forme Jean-Pierre ! (53) (collègue) Merci patron ! - (54) n Le plus important avec le créole réunionnais c’est déjà de le parler ! C’est pour cela que la majorité de cette vidéo est en français. Car certains réunionnais – je ne vise personne – délaissent le créole et préfèrent s’exprimer exclusivement en français. : (55) (jeune maman 3) Ben moi tu vois, depuis que j’habite en métropole je ne vois plus d’intérêt parler créole. Je veux dire que mon mari me comprendrait pas de toute façon parce qu’il est métro et ensuite je ne vois pas pourquoi j’enseignerai le créole à mes enfants, de tout façon ce n’est qu’un patois, ils ne vont pas l’utiliser dans leur vie courante. (56) n Jusqu’aux jours où : (57) (jeune maman 3) Marc-Antoine dépêche toi mon garçon. Marc-Antoine, aller, aller, on se dépêche, tu seras en retard à l’école. Vas-y ! Bois « vitman » ton lait soja. - (58) n Pourtant quoi de plus réjouissant quand on est à l’étranger ou en hexagone que de reconnaître un réunionnais grâce à sa langue. (59) /Quelque part dans un bus d’une agglomération de France métropolitaine.../ (60) (jeune réunionnais 8) Té ! J’ai couru derrière le bus, ce connard de chauffeur a failli ne pas me laisser entrer. (61) (jeune réunionnais 9) Té le frère, t’es réunionnais toi non ? (62) (jeune réunionnais 8) Ouais. (63) (jeune réunionnais 9) Moi aussi ! (64) (jeune réunionnais 8) Tu viens d’où ? (65) n Le moukatage reconnecte les réunionnais.

(VID9/13) Free Dom (9:58) https://www.youtube.com/watch?v=fwO-WmG8hWs (1) (Letchi) Je peux savoir ce que tu fais ? (2) n On a pas de thème pour la vidéo d’aujourd’hui alors je tire au sort dans le chapeau des sujets délicats. (3) (Letchi) T’es sûr que c’est une bonne idée ? (4) n … Free Dom ! (5) (Letchi) //Languète xxx// (juron) - (6) n Cher petit « zorèy » perdu sur Internet, tu te demandes sans doute ce que peut être Free Dom ? (7) (Letchi) Imbécile, tu vas regretter d’avoir mis cette vidéo en route… (8) n Alors saches, mon cher ami de métropole que Free Dom est une radio réunionnaise. (9) (Letchi) Non, c’est pas une radio, c’est LA radio réunionnaise. (10) n Créée le 14 juillet 1981 par un certain Camille Sudre, Free Dom représente aujourd’hui près de 40% de l’audimat radiophonique de La Réunion.

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(11) (Letchi) Là, tu te demandes comment une radio privée a pu avoir une situation de quasi- monopole à La Réunion. (12) n Eh bien, Free Dom réussi cet exploit grâce à un principe tout simple : la libre-antenne à ces auditeurs… (13) (Letchi) Pour faire simple, à n’importe quel moment de la journée, n’importe qui peut appeler la radio pour dire n’importe quoi, sur n’importe quel sujet. (14) n C’est ça la ‘’magie’’ de Free Dom. (15) (Letchi) Que ce soit pour raconter ta vie, faire part de ton avis sur un débat, parler d’un accident (de la route), demander de l’argent pour ton association… tu peux raconter tout ce que tu veux. Et ceci depuis que les coqs sont levés le matin. (16) n Cette recette permet d’obtenir de super part d’audience avec très peu de moyens (financiers). Vraiment très peu de moyens… (17) (Letchi) C’est à se demander si Camille Sudre n’a pas essayer de faire breveter son concept de radio. - (18) n Comme tout le monde peut dire ce qu’il veut, Free Dom est au cœur même de la société réunionnaise. C’est en quelque sorte son baromètre. Pour savoir comment va La Réunion, il suffit d’allumer la radio. (19) /Dès le matin, Le Letchi Junior écoute la radio…/ (20) (auditeur Free Dom 1-3) J’ai perdu mon pinscher noir dans le quartier des Camélias, il s’appelle Bamboula, si vous le trouvez, vous pourriez appeler la radio ? /…/ Je voudrais souhaiter un joyeux anniversaire à ma tante Mimose qui fête aujourd’hui pour « ses un an de plus ». /…/ Euh, j’appelle pour dire que depuis qu’ils ont fait les travaux du marché forain du Chaudron, euh ben, ce n’est plus pratique, hein, il n’y a plus de place de parking… - (21) (Letchi) Baromètre, baromètre… c’est surtout un bon moyen de voir la connerie qui existe à La Réunion ! T’as déjà écouté un débat sur Free Dom ? C’est toujours des sujets très intéressants. (22) /‘Les débats sur Free Dom’/ (23) (auditeur Free Dom 4-5) J’appelle pour dire que les gens qui rajoutent du safran (curcuma) dans les pois (du cap) ne respectent pas du tout notre tradition, pour moi ce n’est pas de cette manière qu’il faut les cuisiner. /…/ Moi, je suis malbar (en partie d’ascendance indienne) et je voudrais dire que je ne suis pas d’accord avec l’auditeur qui vient d’appeler. Il faut rajouter curcuma dans les pois du cap, ma mère l’a toujours fait, c’est le meilleur moyen de les cuisiner et c’est ce qui leur donne du goût. (24) (Letchi) Des débats passionnants… presque philosophiques ! (25) n Mettre, ne pas mettre « safran » dans le pois. - (26) (Letchi) Mais ce n’est pas que pour la cuisine qu’il y a ce genre de débat, c’est la même chose pour les requins, la route du littoral… et que dire quand il y a un match de foot ? (27) /‘Le débat de football’/ (28) (auditeur Free Dom 6-9) Qu’est-ce que les fans de l’OM soutiennent encore ? C’est une équipe nulle ! /…/ Au PSG, ils touchent plus de fric qu’ils ne touchent de ballon ! /…/ C’est le PSG qui va mettre une raclée ce soir ! /…/ L’OM est plus fort ! (29) (Letchi) Ils n’en ont pas encore terminé ? -

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(30) n En dehors de ces débats, très intellectuelles, les auditeurs peuvent aussi s’entraider en donnant des conseils par exemple. Comme pour des questions de santé avec des diagnostics aussi efficaces que le site Doctissimo. (31) (Letchi) A quoi ça sert d’aller chez le médecin ou un spécialiste quand t’as un millier d’auditeurs qui peuvent t’aider ? (32) /‘Les diagnostics médicaux’/ (33) (auditeur Free Dom 10-14) J’appelle car ces derniers jours mon genou me fait mal, il y a une grosse boule bleue dessus, d’après vous qu’est-ce que ça peut être ? /…/ J’appelle pour répondre à la dame de tout à l’heure, c’est pour dire que j’ai la même chose sur mon bras mais en rouge et jaune, te qu’elle ne s’inquiète pas, cela va passer au bout de 3 jours. /…/ Pour moi, c’est évident que c’est une ‘’bête’’ qui a pondu sous la peau de cette dame. /…/ Pas besoin d’aller chez le médecin pour soigner cela, prenez quelques tisanes madame, je suis sûre que cela va passer. /…/ Pour la dame qui a un problème avec son genou, je connais un « sorcier » qui pourrait l’aider. (34) (Letchi) Et il y a le même genre de spécialistes pour t’aider à construire une maison, choisir une peinture pour ta voiture, refaire ta clôture, choisir l’école de vos enfants… - (35) /‘L’animateur’/ (36) n Pour faire face à ces nombreux appels, il y a un animateur à la radio. Une sorte de médiateur qui est là pour réguler le flot continu de débilités et d’arguments. (37) (Letchi) Sauf que le crétin est aussi efficace qu’un chéquier dans un marché forain ! Il n’essaie pas de raisonner les auditeurs ou les calmer, non, non… Il préfère les laisser dans leur stupidité… (38) /‘ceci est un animateur de Free Dom’/ (39) (auditeur Free Dom 15) Je suis sûr que ce sont les Américains qui ont voulu qu’on détruise la Tour Oméga, ils ont obligé la France à détruire cette tour parce qu’elle permettait d’entendre toutes sortes d’informations, toutes les ondes qu’ils transmettaient… (40) (Letchi) Au lieu de raisonner le monsieur, l’animateur va apporter de l’eau à son moulin… (41) (animateur radio) Oui monsieur, vous avez sans doute raison, qu’est-ce qu’elle entendait selon vous la Tour Oméga, dites-moi un peu plus ! - (42) (Letchi) Soit l’animateur est aussi con que l’auditeur, soit c’est une technique pour le garder le plus longtemps possible à l’antenne. Ma question c’est pourquoi vouloir ce genre de personne continuer de parler ? (43) n Je crois que tu touches à un sujet sensible là… (44) (Letchi) Ca y est ! J’ai compris ! Plus tu laisses un fou avec ses théories débiles parler plus il use son crédit de téléphone, et plus Free Dom touche du fric ! (45) n Oui, ça c’est logique, tout le monde l’avait compris ça ! : (46) (auditeur Free Dom 16) Et la soucoupe volante qu’ils ont vu à la Plaine des Cafres, ce n’était pas une soucoupe ! (47) (animateur radio) Ah bon ? (48) (auditeur Free Dom 16) Non, ce n’était pas une soucoupe, c’était un ballon (sonde) américain… un ballon espion ! - (49) (Letchi) Non ! Plus tu laisses quelqu’un de ce genre parler à l’antenne plus les auditeurs sont énervés parce qu’ils savent que le gars raconte des conneries. (mode ‘’parano/théorie du complot’’) Donc, ils ont envie de lui répondre, donc ils prennent leur téléphone pour

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appeler Free Dom, ils usent/gaspillent leur crédit de téléphone et Free Dom est assuré d’avoir des appels. (50) n La technique de Free Dom enfin révélée ! – (51) n En même temps, l’animateur de Free Dom a rarement beaucoup de charisme à part quelques stars de la chaîne comme Bobby… (52) (Letchi) Oui, ils ont un animateur avec un nom de chien. (53) n La plupart des animateurs sont des petits « zorèy » fraîchement débarqués qui ne restent pas longtemps à la radio. (54) (Letchi) C’est à se demander si Camille Sudre ne change pas d’animateur, comme une prostituée change de culotte… (55) n Leurs cerveaux ne doivent pas tenir longtemps avec autant de débilités, ils doivent saturer à un moment donné. : (56) (animateur radio) Monsieur Camille Sudre, j’en peux plus, il y a trop de gens idiots qui appellent à votre radio, je peux pas démissionner ? (57) (patron) T’as oublié que j’avais confisqué tous tes papiers quand je t’avais embauché ? - (58) n A moins qu’il y ait une autre raison ? (59) (voix radio collègue) Hé mon petit « zorèy », j’ai une bonne nouvelle pour toi : c’est toi qui va faire les avis de décès d’aujourd’hui, prends la liste ! (60) (animateur radio) Soupraminsettyrampoullé Jocelyne, Ahmadimoutami Ayraoussiti ? Je démissionne ! - (61) n A quoi ça sert d’avoir de bons animateurs quand on sait que la radio n’a même pas de vraies journalistes ? La plupart des informations proviennent des appels des auditeurs. (62) (Letchi) C’est comme si à La Réunion, il y avait au taqué de journalistes travaillant au noir pour Free Dom. Les journalistes ‘’marrons’’. Ils ne sont pas reconnus dans la profession, ils ne sont même pas payé, mais le pire c’est qu’ils usent leur crédit de téléphone pour appeler la radio ! : (63) (auditeur Free Dom 17) Allo, Free Dom ? (64) (animateur radio) Oui monsieur, vous êtes à l’antenne… (65) (auditeur Free Dom 17) Voilà, je suis en direct de chez moi et en direct, on vient de trouver un cadavre ! Un cadavre dans mon allée, une sorte de cadavre avec une robe fleurie… Selon le gendarme ce serait ma tante, je vous passe ma mère pour qu’elle vous livre ses premières réactions face à la mort de sa sœur… - (66) n Bon, la radio possède quand même quelques émissions… comme… Chaleurs Tropicales… (67) /‘Chaleurs Tropicales’/ (68) (voix animateur radio) Bonsoir à tous et bienvenue dans notre émission Chaleurs Tropicales, l’émission où l’on cherche désespérément l’amour. Ecoutons une auditrice. (69) (auditeur Free Dom 18) J’appelle parce que je cherche un homme « zorèy » entre 60 et 80 ans qui soit suffisamment riche et qui aurait une grande baraque dans les hauts de Saint-Paul… ce serait pour me marier, donc si vous êtes intéressés, je laisse mon numéro à l’antenne. - (70) n Ou l’émission destinée aux consommateurs avec Aude Palant Vergoz (Mme Aude).

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(71) /Madame Aude/ (72) (auditeur Free Dom 19) Hein, Mme Aude ? J’appelle parce que mon propriétaire veut que je paye mon loyer, qu’est-ce que je dois faire ? (73) (voix animatrice) Mon enfant, vas envoyez un courrier recommandé avec accusé de réception au procureur de la République. - (74) (Papa casquette) Gars, je t’entends critiquer ma radio depuis tout à l’heure, t’as pas honte ? Tu sais à quel point Free Dom est important pour la liberté (d’expression) ? (75) n Oui, d’après il n’y aurait beaucoup de radio de ce style dans le monde… Free Dom serait endémique de La Réunion. (76) (Letchi) Là t’essaies de me faire croire que camomille Sudre essaie de faire inscrire sa radio sur la liste du patrimoine mondial (de l’UNESCO) ? (77) (Papa casquette) Quand il y a un accident ou t’aies perdu quelque chose, t’es bien content que Free Dom existe ! - (78) /‘Les pertes’/ (79) n Ah oui ! Quand tu perds un objet, il y a plus efficace que Saint-Antoine de Padoue, les auditeurs de Free Dom retrouvent tout ! (80) (Letchi) Ils retrouvent tout ! Que ce soit un pinscher, un téléphone portable ou un macabé… (81) (Malbar) Allo Free Dom ? Oui, j’appelle pour dire que j’ai retrouvé un portefeuille à côté de mon allée… Est-ce qu’il y de l’argent à l’intérieur ? Non, il n’y en a pas. - (82) /‘Radio Guidage’/ (83) n Et que dire de radio Guidage qui signale tous les problèmes routiers en exagérant à peine la situation ? (84) (Letchi) C’est comme si l’animateur voulait absolument que quelque chose de grave arrivait. - (85) (auditeur Free Dom 20) Free Dom ? (86) (animateur radio) Oui, monsieur, vous êtes à l’antenne… (87) (auditeur Free Dom 20) Voilà, je suis sur la route de l’Etang-Salé, il y a un accident, une voiture arrêtée sur la bande d’arrêt d’urgence, et il y a des embouteillages (bouchons). (88) (animateur radio) Vous voulez dire que la voiture est arrêtée, c’est ça ? (89) (auditeur Free Dom 20) Oui, c’est ça, la voiture est arrêtée. (90) (animateur radio) Est-ce qu’elle brûle ? (91) (auditeur Free Dom 20) Non, elle ne brûle pas, pourquoi ? (92) (animateur radio) Y a t-il des corps à l’intérieur ? (93) (auditeur Free Dom 20) Non, il n’y a personne à l’intérieur monsieur. (94) (animateur radio) Vous voulez dire que les corps sont à l’extérieur ? (95) (auditeur Free Dom 20) Oui, en quelque sorte. (96) (animateur radio) Est-ce qu’il y a du sang, monsieur ? Est-ce que les pompiers sont sur place ? (97) (auditeur Free Dom 20) Non, les pompiers ne sont pas encore sur place… (98) (animateur radio) Oulala ! C’est dramatique ce que vous nous dites là monsieur ! (99) (auditeur Free Dom 20) Non, mais calme toi, hein ! Le gars est juste en train d’appeler sa dépanneuse, à l’extérieur. Il vient de poser son triangle et de mettre son gilet jaune. 135

– (100) n Bon, après, pendant un accident il y a certains réunionnais qui pensent à appeler Free Dom avant même d’appeler les pompiers, la police ou leur mère ! (101) (auditeur Free Dom 21) Allo Radio Free Dom ? (102) (animateur radio) Oui monsieur, vous êtes à l’antenne… (103) (auditeur Free Dom 21) J’appelle pour dire que je viens de me faire rouler dessus par une voiture, je viens tout juste de me faire rouler dessus, mes deux jambes et j’appelle car il y a effectivement un embouteillage dans les sens St-Benoît/St-Denis. Voilà, parce que les gens essaient de m’éviter, et là je remarque qu’il y a également un embouteillage dans les sens St-Denis/St-Benoît, les gens ralentissent pour m’observer. – (104) /‘Conclusion’/ (105) n Mais peut-être que ce flux constant d’idioties, de débats inutiles, de radio guidage et d’animateurs très fades sont nécessaires pour le bien être de la société réunionnaise. (106) (Letchi) Oui, et puis la dernière fois quand ils ont essayé de retirer Télé Free Dom (1991), il y a eu les émeutes du Chaudron. Imagine, si on enlève la radio, il y aura carrément une guerre civile à La Réunion ! Tu sais ce qui m’agace le plus avec Free Dom ? C’est qu’ils n’ont pas changé de musique et de jingles depuis 1981 ! (107) n Tu es au courant qu’ils ont fait une deuxième radio Free Dom 2 qui est dédiée uniquement à la musique ? (108) (Letchi) Ils auraient pu laisser un CD tourner en boucle toute la journée ç’aurait été pareil !

(VID10/13) Festin la communion, baptême… (6:59) https://www.youtube.com/watch?v=P6OFvtILgT8 (1) n C’est quoi cette musique qu’on entend monter tout doucement là ? (2) (Letchi) J’ai un mauvais pressentiment. (3) n Non ! ça doit être un voisin qui a forcé sur la sono. (4) (Papa casquette) Les gars !! Mon petit garçon fait sa première communion !! (5) (Letchi) Il ne manquait plus que ça ! - (6) /Festin la communion…/ (7) n La Réunion est une île très croyante. Les communions, baptêmes et confirmations ne sont pas uniquement des excuses pour les réunionnais de faire la fête… (8) (Letchi) A qui tu essaies de faire croire ça ? (9) n Oui, bon, un petit peu… Ok ! C’est une excuse pour faire la fête ! (10) (Letchi) Une excuse pour mettre la musique à fond et boire et manger en quantité ! (11) n Pourtant, en dehors de cette phase festive, il y a bien un côté religieux, que ce soit pour la confirmation ou la première communion, les enfants qui sont allés tout le long de l’année au catéchisme se préparent sérieusement à leur sacrement… et les parents aussi d’ailleurs… (12) (Papa casquette) C’est bon, j’ai réservé le whisky et la bière, c’est quand la date de ta première communion, Sergio ? -

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(13) n Une des étapes les plus importantes durant cette préparation c’est bien l’achat de nouveaux vêtements. (L’achat des vêtements de l’enfant) Les enfants souhaitent tous être les plus beaux pour le jour du sacrement. (14) (Letchi) Ouais, mes vêtements qui vont les mettre mal à l’aise pendant toute la messe, on est au courant, les petites filles dans leur robe de princesse mais ressemblant au Bibendum de Michelin, et les petits garçons qui mettent une chemise pour la première fois de leur vie et qui n’arrêtent pas de se gratter. (15) (Papa casquette) Sergio, je te l’ai déjà dit, ne tire pas sur ton nœud papillon, ce n’est pas un jouet. (16) (Letchi) Quand tu sais que les vêtements seront de toute façon salis après la cérémonie, les enfants vont jouer dehors, je ne comprends pas l’utilité ! Surtout qu’ils mettent le vêtement qu’une fois puisqu’ils grandissent trop vite ! C’est vraiment un gaspillage d’argent ! (17) (Papa casquette) Comment ça, un gaspillage d’argent, gars ? Son petit frère va réutiliser son vêtement quand il fera sa première communion… Sergio, je t’ai déjà dit d’arrêter de jouer sur le sol, t’es en train de te salir ! - (18) n Outre les enfants et les parents, il y a aussi les parrains et les marraines qui ont un rôle très important que ce soit pour le baptême, la première communion ou la confirmation. : (19) /‘Le Letchi gâté – parrain du petit Sergio’=Malbar/ (20) (Malbar) Hé ! Comment ça se fait que ce soit moi le parrain de son enfant ? (21) (Letchi) Tu ne connais pas la technique de certains parents ! Ils nomment parrain ou marraine quelqu’un de suffisamment riche pour être sûrs que leurs enfants auront toujours de beaux cadeaux ! - (22) n Le rôle du parrain et de la marraine ne se limite pas uniquement aux cadeaux, ils sont surtout là pour aider l’enfant dans sa quête spirituelle et sont à ces côtés durant toute la cérémonie. (23) /‘Le rôle du parrain’/ (24) (Malbar) Bon, je t’explique en tant que parrain, j’ai besoin de connaître 2 choses, à quelle heure est la messe ? Et dans quelle église il faut que je me pointe ? Si tu pouvais me préciser si l’enfant est un garçon ou une fille aussi… - (25) /‘La messe’/ (26) n La messe peut aussi être une redécouverte joyeuse pour le parrain ou la marraine qui n’a l’habitude d’aller à l’église. Avec ses rituels… (27) (Malbar) On s’assoie, on se lève, on s’assoie, on se lève, c’est fatiguant votre truc là, je n’ai pas pris un abonnement à Moving (salle de sport). (28) n …ses chansons… (29) /‘musique’/ (30) n …et ses sermons… (31) (voix externe prêtre) …dans notre société où les enfants manquent de repères et ont toujours le nez rivé vers les écrans, il est important de les aider à trouver la spiritualité et ceci fait partie de votre rôle en tant que parrain ou marraine… (32) (Malbar) Yes ! J’ai battu mon score à Angry Birds ! - (33) n Une fois la cérémonie terminée… (34) (Papa casquette) C’est bon, gars, je peux « faire péter » mon champagne ? 137

(35) n Non, pas tout de suite, il y a d’abord les photos… (36) /‘Les photos’/ (37) (Letchi) Le parrain avec l’enfant, la marraine avec l’enfant, les parents avec l’enfant, le prêtre avec l’enfant, l’enfant devant l’autel, l’enfant devant l’église, l’enfant derrière l’église… (38) (Malbar) Décale-toi sur la droite Sergio, non sur ma droite, décale-toi comme ça… Monsieur de derrière, bougez-vous, je ne vois pas mon filleul ! Voilà, maintenant ne bouge plus Sergio. (39) (Papa casquette) Gars, c’est bon ? On a tout fait ? Je peux faire la fête ? (40) n Oui, si tu veux, vas-y ! - (41) n Donc, au niveau de la ‘’fête’’, il y a deux solutions (pour le repas), soit on fait appel à un traiteur, soit on exploite sa famille. (42) /‘Le repas’/ (43) (Papa casquette) Tatie, t’as fini de préparer les achards (salade épicée) ? Dépêche-toi, maman a fini avec ses samoussas (spécialité d’origine indienne mais épicé). Moi, je vais chercher le gâteau… Tonton, t’as fini de tuer le cochon ? Poule ? Lapin ? (référence à la chanson en fond sonore) - (44) n Et c’est pareil pour la décoration ! (45) /‘La décoration’/ (46) (Letchi) Attends, il y a certaines communions et des confirmations qui ont carrément un thème ! (47) ‘5 mois avant la première communion de Sergio’ (48) (Papa casquette) Sergio, qu’est-ce que tu veux comme un thème pour ta Première Communion ? … Spiderman ? (49) (Letchi) Ce qui peut causer des mélanges très bizarres. (50) (voix Sergio) Voilà Monsieur, comme on avait dit, une pièce montée rouge avec des toiles d’araignée et le logo de Spiderman et un ‘’Joyeuse Première Communion’’ écrit sur le dessus. J’ai mis aussi un petit enfant de chœur avec une bougie, ça ira ? (51) (Papa casquette) C’est bon, Madame, merci ! - (52) n Vient ensuite un moment très attendu par un enfant. Le déballage des cadeaux ! (53) /‘Les cadeaux’/ (54) (Letchi) Je n’ai pas besoin de vous dire que c’était la seule motivation de l’enfant pour faire sa Première Communion ! (55) n Et là s’est posé une grande question : qu’est-ce qu’il faut offrir à un enfant qui a fait sa première communion ou sa confirmation ? (56) (Letchi) Je pense que vous avez tous eu droit comme cadeau au petit objet religieux inutile, voire carrément moche ! Vous voyez de quoi je parle ? (57) (Malbar) Non, je ne vois pas de quoi tu parles, j’ai eu droit à une Playstation 2 pour ma première communion. - (58) (Letchi) Pour ne pas se casser la tête, le cadeau le plus facile, c’est encore une enveloppe ! (avec de l’argent liquide dedans) (59) /‘L’enveloppe’/

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(60) (Papa casquette) Oui, gars, bonjour, merci… quoi ? Ah, tu lui donne une enveloppe, c’est gentil… Oui, mets-toi là-bas à côté de notre table à côté du gâteau ! Tu seras bien là ! Tu peux te mettre là-bas, t’en fais pas ! …. Oui, bonjour, toi aussi tu vas bien ? Tu vas bien, ok, une enveloppe aussi… merci, merci… ouais, (il y en a moins dedans)…Oui, toi tu te mets là-bas, juste là, à côté des toilettes, oui, à côté de ma belle-mère alcoolique… (61) (Letchi) A force d’avoir des enveloppes, tu ne penses pas que l’enfant va y prendre goût et finir par travailler à la Poste ? (62) (Papa casquette) Gars, si peu… ? - (63) n La fête se poursuit avec ses danses, sa musique, ses repas, ses discussions et elle peut durer très longtemps. Très très longtemps… : (64) (Letchi) Ce qui peut surprendre le « zorèy » fraîchement débarqué à La Réunion ! (65) /‘Ceci est un « zorèy »’/ (métropolitain) Hier soir, j’ai été étonné, hein, chez mon voisin, il y avait un festival de musique, ils ont pas arrêté jusqu’à 7 heures le lendemain matin. C’est ça que vous appelez un « kabar » à La Réunion (fête avec du maloya) ? (66) (Letchi) Non, je pense plutôt qu’il s’agissait d’un Première Communion à côté de chez toi. (67) (métropolitain) Ah non, ça ne pouvait pas être ça, parce qu’après il y a eu les flics qui sont venus pour calmer deux hommes qui étaient ivres et qui se battaient à coup de machette (on dit ‘sabre’ à La Réunion) (68) /‘On dit ‘sabre’ pas ‘machette’’/ (69) (Letchi) Oui, c’est ça, c’était bien une Première Communion. - (70) n Le lendemain, les invités, en plus d’avoir la gueule de bois, l’envie de vomir le carry « bisik » (plat de poisson) pas frais et 2 ou 3 cicatrices sur le visage garderons un souvenir mémorable de cet événement grâce aux petits ballotins de dragées ! (71) /‘Le ballotin de dragées’/ (72) (Letchi) Ballotin que les parents donneront aussi aux gens qu’ils n’ont pas voulu inviter pour la Première Communion. (73) (Papa casquette) Tiens, gars ! C’est un ballotin de la communion de Sergio… Oui, ça c’est bien passé, oui, il était content… Je ne t’ai pas invité ? Non, mais c’est pas parce que je ne t’aime pas, gars ! Gars, tu sais que ce n’est pas ma faute si t’es en prison ! - (74) n Bref, la (Première) Communion reste un événement très important à La Réunion que ce soit pour les enfants… (75) /‘Le lendemain’/ (76) (Papa casquette) Il est où Sergio ? Quelqu’un aurait vu Sergio ? (77) n …ou pour les parents ! (78) (Papa casquette) Qu’est-ce qu’elle me veut encore la banque ? //Languète xxx// (juron) (79) (Letchi) Ton enfant fait sa Première Communion ? Pense à faire un crédit à la Sorefi (société réunionnaise de crédit).

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(VID11/13) Le bus réunionnais (7:44) https://www.youtube.com/watch?v=qmQZhP__cPk (1) n Question : Qui selon vous, prend le plus souvent le bus ? Est-ce que ce sont les écologistes qui ont le mal d’oxygène ? Les petites vieilles qui ont du mal à se déplacer ? Ou les lycéens qui n’ont pas encore leur scooter ? La réponse… (2) (Letchi) Ce sont les gens pauvres ! (3) (Papa casquette) Gars, la police m’a pris mon permis pour conduire en état d’ivresse, je ne peux plus conduire ma voiture. Maintenant, je suis obligé de prendre le bus ! (4) (Letchi) Et aussi ceux qui n’ont plus de permis… - (5) /Le Letchi Amer – le bus réunionnais/ (6) n La voiture est au cœur des déplacements à La Réunion, il suffit de voir le nombre de fric qui est dépensé par les réunionnais dans leurs bagnoles. Entre les vitres teintées, les jantes alu, la nouvelle peinture, l’autoradio… (7) (Letchi) Et le fameux autocollant « arrèt’ plèr’dessi » (arrête de pleurer sur ma voiture). (8) n Oui ! N’oublions pas cet autocollant original et indispensable qui fera de votre 206 une voiture qui vous ressemble… (9) (Letchi) Comment on peut être original su tu as le même autocollant que tout le monde ? (10) (Malbar) ‘‘Arrête de ral’ le cœur’’ et ‘’travaille pour pouvoirs acheter’’ (deux autres autocollants très répandues). (11) (Letchi) Toi c’est plus un autocollant « Merci papa » qui te faudrait. - (12) n Sur cette île où la voiture est un objet de culte, les transports en commun n’ont pas vraiment leur place. Il suffit de voir la réaction d’un de vos collègues quand vous lui dites vous venez au travail en bus le matin. : (13) (Malbar) Quoi ? T’as passé de fric pour t’acheter une voiture ? T’as pas le permis ? C’est quoi ton problème ? (14) (Letchi) Non, c’est juste que j’en ai marre des embouteillage et que l’essence commence à me revenir chère ! - (15) n S’en suivra alors une succession de justifications plus ou moins bancales pour expliquer pourquoi lui ne prend pas le bus. : (16) (Malbar) Ouais, mais aussi, j’aurais pris le bus, sauf que les arrêts… il n’y en a pas un seul à côté de ma kaz. Il y a toujours beaucoup de monde dans le bus et que les horaires ne me conviennent pas. (17) (Letchi) T’aurais quand même pas voulu que la CINOR mette un arrêt juste devant ta kaz pour venir te chercher toi tout seul, à l’heure que tu veux t’emmener juste devant ton lieu de travail. C’est pas un bus ça, c’est un taxi ! - (18) n Certaines personnes qui ont la possibilité de prendre les transports en commun le matin, préfèrent s’énerver dans les embouteillages… (19) (Malbar) Avance ta bagnole espèce de con ! (20) n …plutôt que de se ‘’salir’’ à prendre le bus. Pourtant, prendre le bus c’est formidable. Je vais vous expliquer les attraits du bus réunionnais. Prenez par exemple un Citalis (bus de la région Nord). (21) (Letchi) Déjà quand tu vois la tête du bus, t’as pas trop envie.

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(22) n Tu préfères un Alternéo (réseau de bus la région Sud) ? (23) (Letchi) C’est moi ou ils ont un petit peu exagéré sur la couleur rose ? Il y avait une promotion ? (24) (Papa casquette) Le bus rose fait honte aux gars du sud… - (25) n Donc, un Citalis c’est formidable, cela permet de rallier plusieurs points de Saint-Denis en très peu de temps, grâce à un truc génial appelé le TCSP. (26) (Letchi) Je crois qu’il a falloir que tu expliques le mot TCSP Jamy, parce que je sens que le public nous lâche… (27) n Mais bien sûr Fred ! Le TCSP signifie transport en commun en site propre c’est-à-dire que le bus possède sa propre voie pour circuler et qu’il n’est pas bloqué avec les autres voitures dans les voies normales, il y a 4 lignes de bus qui empruntent cette voie. (28) (Letchi) Ouais, il suffit qu’un seul bus soit en panne sur cette voie pour que tous les bus de Saint-Denis soient bloqués. (29) n C’est pas faux ! (30) (Papa casquette) Donc c’est vrai ! (31) (Letchi) Faites gaffe aussi à la ligne que vous choisissez quand vous prenez le bus, essayez d’éviter la ligne 5. (32) n Pourquoi ? (33) (Letchi) C’est la ligne qui passe au Chaudron (quartier chaud de St-Denis). (34) (Papa casquette) Gars, c’est quoi votre problème avec les gens du Chaudron ? (35) n Un mélange de stéréotypes plus au moins vérifiés… (36) (Letchi) Un exemple, c’est toujours dans ce bus que tu trouveras un ado avec un portable au volume maximum en train d’écouter un ragga dance halle. (37) n Non, mais ça tous les jeunes le font dans le bus, ce n’est pas spécialement les jeunes du Chaudron ! (38) (Letchi) Ah bon ? (39) n Tu préfères la radio que met le chauffeur de bus ? (40) (voix radio) : « Les avis des décès avec la mutuelle ‘’s’occup’ du mort’’ souscrire à la mutuelle ‘’s’occup’ du mort’’ : c’est un geste d’amour’. Freedom, on nous pris d’annoncer le décès de Mme Hoareau Colette, décès de Mme Hoareau Colette, dite Cocotte… décès survenu lundi à l’âge de 95 ans. Le convoi mortuaire… » - (41) n Donc, cher ami si tu veux prendre le bus, il va falloir que tu ramènes tes écouteurs et ton lecteur mp3. (42) (Letchi) Surtout, ramènes pas un livre… (43) (Papa casquette) Gars, t’as pas assez d’argent pour t’acheter un iPod ? (44) n Même Twilight ? (45) (Letchi) Surtout Twiligiht ! - (46) n La faune du bus est bien évidemment composée de lycéens et de collégiens… (47) (étudiant réunionnais 1) Gars, je te jure, mon père ne veut pas me passer une de ses motos pour que je puisse venir au lycée avec, c’est trop la honte de prendre le bus, quoi ! (48) (étudiant réunionnais 2) Gars, le salop de prof m’a mis un 2 sur 20 à son contrôle, je ne vais plus à son cours à présent…

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(49) n Mais voici un petit top 3 des usagers que je préfère dans le bus. (50) /‘Letchi junior : cobaye désigné pour prendre le bus’/ (51) (Letchi junior) Quoi, c’est encore à moi le cobaye là ? - (52) /3 – La femme à poussette/ (53) /Numéro 3, la femme avec une poussette ! / (54) (jeune maman 1) Pardon, excusez-moi, laissez-moi passer, je suis avec une poussette. Pardon, laissez-moi passer, j’ai un enfant dans une poussette ! Je vous jure, ces gens ! (55) (Letchi junior) Il ne manque plus que le gamin pleure. (56) (jeune maman 1) Ben, voilà, maintenant mon enfant pleure. Pleure mon enfant, pleure ! Pour que tout le monde dans le bus t’entende, je ne ferais de toute façon aucun effort pour te calmer, afin que tout le monde t’entende et comprenne à quel point c’est insupportable d’avoir un gamin qui pleure toute la journée. - (57) /2 – La vieille qui cherche une place assise/ (58) /Numéro 2, les petites vieilles qui veulent ta place assise dans le bus. N’essayez pas de faire semblant de dormir ou de ne pas les avoir vues, hein, ça ne marche pas avec elle. / (59) (vieille femme) Ah, vous tous êtes témoins ! Vous l’avez tous vu ! Ce marmaille fait semblant de dormir pour ne pas me laisser sa place assise dans le bus ! Il est jeune, il peut encore bien tenir debout et il fait semblant pour ne pas me laisser m’asseoir ! Une vieille femme s’asseoir, mes os me font mal et ne me tiennent plus, je vais bientôt mourir et il ne me laissera pas sa place dans le bus. Il préfère faire semblant de dormir, vous tous ici êtes témoin de la méchanceté de ce marmaille ! (60) (Letchi junior) Va faire une réclamation à « mémé, pépé lé la ». (référence à une association sociale « momon, papa lé la ») - (61) /En numéro 1, mon usager préféré du bus/ : (62) /1 – L’ouvrier du BTP qui sent la transpiration/ (63) (Letchi) Le gars qui travaille dans le BTP qui a passé toute sa journée à transpirer sous le soleil. (64) (Letchi junior) Monsieur, c’est pas que je ne respecte pas votre travail d’ouvrier, tout ça… mais dans votre chantier, il n’y aurait pas quelques douches pour que vous puissiez vous laver avant de rentrer chez vous ? - (65) n Mais il ne fait pas que ces personnes vous empêchent de prendre le bus à l’occasion ! (66) (Letchi) Tu sais, parfois c’est le bus qui ne veut pas qu’on le prenne. : (67) (Letchi junior) Bonjour Mme l’argent de la gare routière ! Je souhaiterais prendre le bus le matin pour aller au travail et j’aurais voulu savoir quel était l’itinéraire ? (68) (Mme routière) Bonjour Monsieur, alors c’est très simple, vous prenez le 302 en direction de la gare routière, ce bus passe à peu près toutes les heures, donc il faudra pas le rater… Vous arrivez à la gare, il faut patienter environ 30 minutes pour prendre le car jaune en direction de Saint-Denis. Le trajet dure une heure environ, arrivé à la gare de Saint-Denis, vous prenez un bus direction de la « Mairie annexe du Chaudron » et à partir de là vous prenez le 26A… Attention ! Le 26A et pas le 26 ! Direction de « Mangoustans ». Et normalement, le bus s’arrête à peu près 800 mètres de votre lieu de travail, il vous restera donc à marcher un tout petit peu pour y arriver… (69) (Letchi junior) D’accord, et combien de temps ça va me prendre de faire ça ? 142

(70) (Mme routière) Alors, si vous sortez de chez vous à 4 heures et demi du matin vous devrez y être à peu près à 9 heures. (71) (Letchi junior) C’est… cool ! - (72) (Malbar) Tu comprends pourquoi je préfère prendre ma voiture ? (73) n Non, mais il y a des situations aussi om c’est pas possible ! - (74) (Mme routière) Ah, oui Monsieur, faites gaffe de bien prendre la ligne F et pas la ligne G ! (75) (Letchi junior) Pourquoi ? (76) n Jamais, jamais, prendre la ligne G ! Elle fait tous les arrêts entre Saint-Benoît et Saint-Denis. (52 arrêts) Tous les arrêts ! (77) (Letchi) Tu vas découvrir des coins de l’Est que tu ne connaissais même pas. (78) n Il est préférable de prendre des lignes express, même si c’est un peu plus cher. (79) (Letchi) Et si vous voulez aller à Saint-Pierre, je vous conseille de prendre un ‘’Car Jaune/Kangoo’’, euh non, un ‘’Z’éclair’’ ( mini-bus de 7 places). - (80) (Letchi junior) Finalement, je crois que je vais abandonner l’idée de prendre le bus. (81) (Mme routière) Monsieur, vous ne pensez pas ce que vous dites ! Monsieur, prenez votre itinéraire ! Monsieur, pensez au développement durable, Monsieur ! - (82) n Voilà, j’espère que cette petite présentation, vous motivera à sauter le pas et à prendre le bus plus souvent ! Ca vous évitera d’ailleurs le stress de la conduite ! (83) (Malbar) Je ne vois pas de quel stress de conduite tu parles !... Mais bouge ta caisse connard, tu ne vois pas que le feu est vert ! (84) (voix radio animateur) Nous vous signalons une voiture en panne sur la route du littoral ce qui provoquerai un embouteillage monstre dans Saint-Denis. Notre témoin sur place, nous en dit plus sur la situation. (85) (voix auditeur radio) Ouais, ben là, il y une voiture en panne sur la route du littoral, il y a un embouteillage, les gens n’avancent plus !

(VID12/13) Manifs syndicales (5:45) https://www.youtube.com/watch?v=8UCMAYP7UNY (1) (syndicaliste) Travailleuse, travailleur… camarades ! Nous sommes à nouveau aujourd’hui réunis pour manifester. Oui, je sais qu’on le fait tous les mois, oui, je sais que vous êtes fatigués d’être habillés en rouge et oui, je sais que vous voyez plus souvent la préfecture que votre lieu de travail. Mais camarades, cette fois-ci, nos revendications seront entendues, d’ailleurs à ce sujet, j’ai demandé à la Commune de Saint-Leu de nous prêter les tentes Quechua qu’ils n’utilisaient plus pour qu’on puisse camper devant la préfecture. J’ai aussi demandé à certains camarades de ramener ‘’zanbrocal, rougail saucisses, carry volaille’’ (chanson réunionnaise) pour qu’on puisse pique-niquer dans la Rue de Paris. On ne lâche rien. Nos revendications seront entendues. C’est la lutte finale, groupons-nous et demain l’Internationale sera le genre humain ! -

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(2) /Manifestations syndicales/ (3) n En ce beau mois de mai où le vent de l’hiver austral entre lentement dans les cases créoles constructions c’est aussi un vent de contestation qui souffle dans les rues réunionnaises. Comme à chaque début du mois de mai nous avons droit à des manifestations syndicales. (4) (Papa casquette) Gars, cette fois-ci ce n’est pas ma faute, promis je n’ai pas manifesté. (cf. manifs de la Rivière des Galets) (5) (Letchi) Ca ne risquait pas d’être toi cette fois-ci, pour être dans une manifestation syndicale, il faut être dans un syndicat et pour être dans un syndicat, il faut déjà avoir un travail… Par contre, il y a une chose qui m’échappe, si le 1er mai est un jour férié pour les travailleurs, pourquoi est-ce qu’on resterait pas chez nous au lieu de battre le pavé dans les manifestations et se prendre le soleil ? (6) (syndicaliste) Toi camarade, je te vois rarement aux réunions syndicales ! (7) (Letchi) Et moi, je ne te vois pas souvent au travail. De toute façon, en tant que représentant syndicale, si j’ai un problème avec mon patron, tu dois me défendre qu’importe ma situation. (8) (syndicaliste) Ca dépend, est-ce que t’as voté pour moi en tant que représentant syndicales ? (9) (Letchi) Regardes moi ça… c’est plutôt un ‘’camarade camarons’’. (expression signifiant l’hypocrisie de certains amis) - (10) n De toute façon cette année, il n’y a pas eu grand monde dans les manifestations syndicales de La Réunion. (11) (syndicaliste) Camarade, qu’est-ce que tu racontes ? On était plus de 30 000 à Saint-Denis. (12) n 2 000 personnes maximum selon la police. Et 200 selon les « grammoun » qui habitent rue de Paris (axe historique de Saint- Denis menant à la préfecture). (13) (Letchi) Ah ! Il y a une sacrée différence de chiffre ! Sans vouloir charrier, est-ce qu’une personne a eu brevet de mathématique ? - (14) n Pour l’anecdote, on notera cette petite manifestation des partisans du Front National de La Réunion (oui, il existe) qui sont allés devant la statue de Jeanne d’Arc de Saint-André y déposer une gerbe de fleur, histoire d’imiter ce qui est déjà réalisé à Paris. Une petite commémoration pour la jeune fille vierge qui entendait des voix. (15) n chantant C’est quelqu’un qui m’a dit d’aller sauver la France… (16) (Letchi) C’est quoi encore que cette histoire ? Depuis quand les gens de Saint-André sont devenus extrémiste ? Il pleut tellement là-bas que l’eau a fini par leur niquer le cerveau ? (il pleut beaucoup sur la commune de Saint-André). (17) (syndicaliste) Oh oh oh ! On peut revenir sur moi là ? (18) n Oui, d’accord. Outre la manifestation syndicale annuelle, la dernière grève en date c’est celle des pompiers de La Réunion. (19) (Letchi) Au feu les pompiers, v’là la maison qui brûle ! Au feu les pompiers, v’là la maison brûlée ! (20) n La raison de leur mécontentement ? La suppression de primes illégales qu’ils toucheraient depuis plusieurs années et dont le montant s’élèverait à plus de 1,5 millions d’euros (au total). (21) (syndicaliste) Bon les gars… euh… je veux camarades ! Pourquoi est-ce qu’on grève cette fois-ci ? Pour les pompiers ? Voyons voir cela… Camarades, vous aviez 3 primes illégales ? Une prime logement, une prime de risque et une prime ‘’feu’’ ? Une prime de feu ?? Bon, je ne te cache pas que ce sera compliqué de conserver tout ça… Vous voulez être augmentés un plus ? Bon, camarade, la lutte sera longue, la lutte sera difficile… -

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(22) (Letchi) Une prime de feu ? Mais pourquoi une prime de ‘’feu’’, le feu c’est leur métier ! Dans ce cas, les professeurs vont demander une prime pour la craie, les facteurs une prime pour le port des colis. Je ne sais pas, on peut inventer une quantité de primes inutiles de ce genre. (23) (Papa casquette) Gars, dans ce cas, moi aussi je demande une prime à Pôle Emploi alors ! Je gaspille l’encre pour remplir les formulaires, j’arrive à l’heure aux stages et je n’insulte pas ma conseillère. (24) n Oui, et moi je demande une prime pour le port des lunettes ! (25) (Letchi) Dans ce cas-là, je suis partisan pour la création de primes inutiles pour tout le monde ! - (26) n Notons que la prime feu, s’élève à 400 euros, ce qui permet aux pompiers d’avoir un salaire mensuel de 2 700 euros… (27) (Papa casquette) 2 700 euros par mois ?? Gars, quel concours il faut pour devenir pompier ? (28) n l y a un truc que je ne comprends pas, c’est que avant quand t’avais le feu chez toi, t’appelais les pompiers, aujourd’hui il faut appeler le SDIS. Alors est-ce qu’ils ont aussi changé de numéro de téléphone. C’est plus le 18 mais le 10. (29) (Letchi) Ben, bravo ! Bravo, t’as réfléchit longtemps pour cette blague ? - (30) (syndicaliste) Camarades, pour faire entendre notre voix, j’ai demandé à deux autres camarades de ramener ‘’roulèr’’ et ‘’kayamb’’ (instruments de musique). (31) (Letchi) C’est une manifestation ou un kabar que vous préparez ? (kabar – fête musicale) (32) (syndicaliste) Au fait, avez-vous pensé à ramener le Camarade Johnny ? Hein ? Ah, il est là ! Je ne l’avais vu ! Je le cherche depuis toute à l’heure (Johnny Walker – whisky). (33) (Letchi) Alors là, je ne m’en fais pas pour vous, vous allez passer une bonne manifestation ! - (34) n Le plus difficile pendant ces manifestations c’est encore de pouvoir rencontrer les élus en questions… (35) (Letchi) S’ils continuent leur Kabar et à chanter faix dans leur mégaphones. Forcément, les politiciens vont finir par descendre les rencontrer. Et si c’est pas les politiciens, ce sera les policiers pour tapage. N’empêche avec la grève des pompiers, c’était peut-être le bon moment pou aller fout’ de feu au Maïdo (cf. incendies de 2011) - (36) n Bref ! Bon mois de mai à vous et prenez soin de votre petit muguet ! (Je parle de la plante…) (37) (Letchi) Je tiens à préciser que le muguet est une plante toxique et qu’il ne faut surtout pas la manger ! Par contre, vous pouvez l’utilisez pour vous débarrasser de votre belle-mère ou de votre femme… (38) (Papa casquette) Gars, ça marche aussi sur les marmailles ? Parce que là, j’ai un surplus d’enfants… (39) (syndicaliste) Camarades, on ne lâche rien tant que nos revendications ne seront pas entendues ! Bon, maintenant, finis les conneries, qui a un verre ? Personne ? Pas grave…

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