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Le Taiheiki (Chronique de la grande paix)

Wakako Sueyoshi Université d’Osaka Yorio Otaka Université Otemae

The emperor Godaigo objected to the decline of the imperial dynasty, triggered the change of traditional notions of virtues and vices, and brought forth a society of “the low over the high,” where some of the faithful warriors dared die for the cause of their overlord on the battlefield, while others, antisocial and apolitical, warriors, and even religious persons, would live a luxurious life in the “vajra” way. Masashige represents the first category, while Tadaaki, Monkuan and Sasaki belong to the second. The government published in vain the “Articles of Admonitions” to do away with those wrong manners and customs and to keep its power unblemished, upholding the imperial authority.

I. Mourir pour la cause impériale

Wakako Sueyoshi Université d’Osaka

Qu’est-ce que le Taiheiki ?

Le Taiheiki (Chronique de la Grande Paix) est une épopée japonaise du quatorzième siècle, qui décrit en détail l’époque des troubles qui a commencé dès la fin de l’époque de Kamakura (1185-1333) et a duré pendant 60 ans. Malgré le titre de l’ouvrage (parfois traduit Chronique de la grande pacification), qui aspire à un monde en paix, ses rédacteurs montrent les troubles de l’époque et les attribuent à de mauvais rapports entre l’empereur et les vassaux. D’après le Taiheiki, cette époque de désordres a commencé quand les vassaux qui devaient assister l’empereur ont pris le pouvoir et que l’empereur qui s’inquiétait du déclin de sa puissance a voulu la reprendre aux vassaux par la force. Qui a écrit ce récit ? Au minimum, il n’a pas été composé par un seul auteur du début jusqu’à la fin, parce qu’il a fallu environ 30 ans pour l’achever en 40 chapitres. Le texte a une structure polyphonique. L’ouvrage est plein de citations des littératures classiques de la Chine, d’épisodes d’instruction religieuse, d’idées confucianistes. Les récits racontés ne sont pas toujours historiques, puisque leur but semble être celui de construire une œuvre littéraire.

25.1-2 420 Wakako Sueyoshi/Yorio Otaka

Première révolte de l’empereur

L’empereur Go-daigo1 régnait à la fin de l’époque de Kamakura. Mais c’était le régent des shoguns (Shikken) Takatoki Hojo, du gouvernement shogunal (Bakufu), qui gouvernait réellement. Go-daigo, déplorant le déclin de l’autorité du gouvernement impérial (Chotei), voulut reprendre le pouvoir à ce gouvernement shogunal, et fomenta une révolte pour rétablir sa propre puissance. Mais il ne put réaliser ce projet, découvert en 1324.

Entrée en scène de Masashige Kusunoki

Masashige Kusunoki, né dans une riche famille de guerriers de la campagne, jura fidélité à Go-daigo qu’il avait rencontré par une étrange fatalité. Go-daigo avait été forcé de quitter la cour impériale de et de se retirer en 1331 dans la montagne de Kasagi avec une suite peu nombreuse. Un jour, il fit un songe : un arbre toujours vert qui étendait ses branches au sud. Deux enfants lui indiquaient un trône arrangé sous l’arbre et lui disaient : “Asseyez-vous un moment.” En se réveillant, Go-daigo fit venir un guerrier qui s’appelait Kusunoki. Le caractère japonais pour Kusunoki est composé d’“arbre” et de “sud”. Ainsi, Masashige Kusunoki fut convoqué par Go-daigo, qui lui demanda de soumettre tout le pays à sa puissance. Masashige répondit : “Tant que je suis en vie, ayez espoir dans votre bonne fortune.”

Deuxième révolte de l’empereur

De nouveau, Go-daigo leva, en 1331, une armée pour renverser le gouvernement shogunal. Masashige lui-même participa à cette révolte et défendit son château fort d’Akasaka en usant de différentes ruses. (Comme le château d’Akasaka était très petit, l’armée ennemie pensa qu’il serait facilement pris d’assaut.) Le château fort de Kasagi (où s’était réfugié l’Empereur) étant déjà tombé, les guerriers de la grande armée qui vinrent du pays de l’Est contre lui n’entrèrent pas à Kyoto, mais avancèrent vers le château fort d’Akasaka dans lequel Masashige Kusunoki se retranchait. Ils passèrent la campagne d’Ishikawagawara et aperçurent bientôt le château. Il avait l’air d’une construction bâclée, munie de fossés peu soignés et de faibles murailles et flanquée seulement de vingt ou trente tourelles. Les guerriers le virent et dirent : “Quel misérable château ! On pourrait le saisir d’une main et le jeter en l’air ! Espérons que Kusunoki pourra le défendre au moins une journée, pour que chacun de nous puisse se distinguer dans la bataille en coupant des têtes d’ennemis et recevoir une récompense.” Et deux cent mille attaquants marchèrent vers le château, descendirent de cheval, se jetèrent dans les fossés, s’alignèrent sous les tourelles et escaladèrent les murailles. Masashige Kusunoki avait gardé deux cents excellents archers dans le château, et disposé son jeune frère Masasue et un autre dans la montagne avec trois cents chevaliers. Les attaquants, ne s’attendant pas à telles

1 96e empereur du Japon (règne 1318-1339).

Olifant Le Taiheiki 421 ruses, arrivèrent en foule au château de tous les côtés pour le prendre d’assaut d’un seul coup. A ce moment- là, les archers tirèrent du château, et plus de mille attaquants furent tués ou blessés en un clin d’œil. L’armée ennemie fut désappointée : “Dans cet état de choses, le château ne sera pas tombé dans un ou deux jours. Il faut d’abord camper et former des troupes pour combattre avec une tactique.” Les ennemis reculèrent un peu, dessellèrent leurs chevaux, ôtèrent leurs armures, et se reposèrent dans leur camp. Masasue Kusunoki et son compagnon jugèrent que le bon moment pour attaquer était venu en regardant le camp du haut de la montagne ; ils partagèrent leurs trois cents chevaux en deux groupes et ils s’approchèrent du camp de deux directions, avec deux drapeaux. Les trois cents chevaliers de Kusunoki attaquèrent le camp ennemi de toutes parts en poussant des cris de guerre, pénétrèrent au milieu des trois cent mille chevaliers, coururent en tous sens, et dispersèrent les ennemis, si bien que l’armée ennemie ne put se réorganiser. Alors, Masashige ouvrit trois des portes du château en même temps, et plus de deux cents archers bien alignés en sortirent pour tirer en pluie sur l’armée ennemie. Bien que l’armée de ces assaillants soit très grande, les attaquants se troublèrent face à la petite armée de Kusunoki : les uns se mirent en selle sans détacher leurs chevaux et ne purent avancer, les autres oublièrent de tendre la corde avant de décocher leurs flèches et ne purent tirer. Deux ou trois guerriers se disputaient une même armure. Au milieu de ce désordre, les assaillants durent se retirer. Le côté est de ce château fort d’Akasaka donnait sur la rizière, s’étendant jusqu’aux montagnes et rendant l’attaque difficile. Mais les trois autres côtés ouvraient sur des terrains plats. En plus, il n’y avait que des fossés peu profonds et de simples murailles. Les attaquants avancèrent, traversèrent les fossés, s’alignèrent sous les tourelles. Sur le point de déclencher l’attaque, ils n’entendaient toujours aucun bruit dans le château. Les deux cent mille attaquants entourèrent complètement le château et l’attaquèrent. Mais il n’y eut pas de contre-attaque, et on n’apercevait personne dans le château. Les attaquants prirent de l’assurance et commencèrent à escalader la muraille. Mais en fait, il y en avait deux et celle de l’extérieur était une muraille postiche retenue par des cordes. Au moment de l’attaque, les cordes qui la maintenaient en place furent coupées et elle s’effondra. Plus de mille attaquants qui étaient en train de l’escalader furent jetés à terre, à leur vive surprise. Puis l’armée de Kusunoki lança sur eux des troncs d’arbres et de gros rochers, si bien que ce jour-là aussi, plus de sept cents attaquants furent éliminés. L’armée de l’Est voulut alors abandonner après ces deux défaites, et personne n’osa plus attaquer le château. L’armée continua à camper alentour et attaqua de loin pendant quatre ou cinq jours. Tout le monde se disait : “il est honteux que l’armée de huit pays de l’Est ne puisse pas détruire ce petit château qui n’a que quatre ou cinq cents défenseurs, et en soit réduite à l’immobilité dans son camp. Dommage que la postérité nous juge ridicules ! Jusqu’ici, nous avons lancé des attaques sans bouclier ni lance, ni arc ni flèches, en méconnaissant les ennemis, nous nous sommes conduits sans réflexion et nous avons perdu beaucoup de guerriers. Maintenant nous allons changer notre stratégie.” Quelques jours après, les assiégeants attaquèrent en portant le bouclier doublé de cuir. La hauteur de la muraille et la profondeur du fossé n’étaient pas si considérables, et il sembla facile de s’en prendre à la

25.1-2 422 Wakako Sueyoshi/Yorio Otaka muraille. Mais comme l’armée craignait que celle-ci ne soit aussi postiche, tous les attaquants descendirent au fond du fossé et tirèrent sur la muraille avec des râteaux. A ce moment-là, les défenseurs du château leur jetèrent de l’eau bouillante en utilisant de grands puisoirs, et l’armée assaillante se retira en abandonnant boucliers et râteaux. Deux ou trois cents attaquants furent tués. Ainsi, quand l’armée assaillante changeait de stratégie, l’armée du château en faisait autant, et il n’y avait pas moyen de la vaincre. Donc, l’armée de l’Est décida de couper les vivres à l’armée de Kusunoki (Taiheiki, ch. 3). A la suite de cette malheureuse bataille contre l’armée ennemie, l’empereur Go-daigo fut exilé sur l’île d’Oki, et le gouvernement shogunal plaça un autre empereur, Kogon, sur le trône à Kyoto. Masashige battu s’enfuit. Cherchant une occasion de se refaire après la défaite, il rassembla en 1332 une autre armée au château fort de Chihaya dans la montagne de Kongo. L’animosité contre le gouvernement shogunal était répandue dans tout le pays. Et Go-daigo résolut de quitter l’île d’Oki. Takauji Ashikaga2 et Yoshisada Nitta,3 qui avaient attaqué Masashige un an avant, trahirent le gouvernement shogunal, en soutenant cette fois Go-daigo qu’ils conduisirent à la victoire.

Bataille de Minatogawa

Go-daigo remonta sur le trône de Kyoto. Il entreprit la restauration de Kemmu et mit en place un gouvernement impérial. Mais les guerriers (Bushi) ripostèrent et Takauji Ashikaga trahit de nouveau Go- daigo en 1335. Son armée entra à Kyoto, mais en fut chassée vers le sud du Japon par l’armée de l’empereur. En l’année 1336, Takauji, qui était exilé à Kyushu, marcha sur Kyoto pour réattaquer Go-daigo. Go- daigo commanda à Masashige de le contre-attaquer à Hyogo, assez loin de Kyoto. Masashige jugea que son armée ne pouvait pas gagner la bataille à elle seule et proposa à Go-daigo de faire entrer Ashikaga à Kyoto et de le prendre en tenaille entre son armée et celle de Nitta. Mais cette tactique ne fut pas approuvée, et Masashige fut obligé de se rendre à Hyogo. Masashige avait des idées complexes. Comme il avait réalisé l’unification de tout le pays autour de l’empereur, il devait s’engager, coûte que coûte, dans cette bataille, puisque la situation de l’empereur était en danger. Mais il s’agissait d’une bataille sans espoir. Sa tactique pour remporter la victoire ayant été rejetée, il comprit qu’il ne pouvait pas échapper à la mort, et il se dit : “Je ne m’opposerai pas à lui en tout cas.” Masashige se rendit compte qu’il ne pourrait pas accomplir son devoir envers son suzerain. Donc il transmit ses dernières volontés à son fils aîné Masatsura sur le chemin de Hyogo : “Si tu reçois la nouvelle de ma mort sur le champ de bataille, tu sauras que le règne du shogun va venir.” C’est-à-dire qu’après sa mort, le règne de l’empereur finirait et viendrait le règne des guerriers. La mort de Masashige signifiait la fin de la

2 Guerrier, 1er shogun de l’époque de Muromachi (1336-1573). 3 Guerrier (1301-1338).

Olifant Le Taiheiki 423

“bonne fortune” de l’empereur. Mais bien qu’il en soit convaincu, il n’en continua pas moins en disant : “Mais, comme tu dois faire respecter la position de l’empereur, tu dois être fidèle comme un parfait vassal.” Masashige marcha à la bataille à Minatogawa avec son jeune frère Masasue. Ils choisirent de “bons” ennemis qui méritaient d’être vaincus et tués au corps à corps, pour leur couper la tête, tandis qu’ils chassaient et dispersaient les antagonistes qui n’étaient pas dignes de leur attention. Les deux frères pourchassèrent les capitaines ennemis, en se rencontrant sept fois et en se séparant sept fois sur le même champ de bataille. L’armée des ennemis était de cinq cent mille hommes, et celle de Kusunoki seulement de sept cents. Les ennemis de plus en plus encouragés entourèrent les cavaliers de Kusunoki. Ceux-ci engagèrent seize fois des combats corps à corps, qui durèrent six heures. Enfin il ne resta plus que 70 hommes environ de la troupe de Kusunoki. A ce moment-là, les frères Kusunoki décidèrent de se donner la mort et se réfugièrent dans un hameau. Dans une petite maison paysanne, les frères s’entretinrent pour la dernière fois :

“La volonté de l’homme au dernier moment décide s’il peut aller au paradis ou tomber en enfer. Dans les neuf mondes4, où veux-tu aller ? Allons-y tout de suite !” Et Masasue, riant aux éclats, répondit : “Alors, si je peux renaître sept fois, je veux renaître de nouveau tel que je suis et détruire les ennemis impériaux.” Puis Masashige dit : “C’est une idée de criminel capital, qui ne sera pas sauvé ! Mais moi aussi, je pense comme toi. Maintenant, nous allons renaître et réaliserons notre vœu conçu depuis longtemps!” Et les frères se donnèrent un coup d’épée et tombèrent morts en un même lieu (Taiheiki, ch. 16).

Quand Takauji, qui avait battu de la sorte Masashige à Minatogawa, s’approcha de Kyoto, Go-daigo qui s’était réfugié dans la montagne de Hiei laissa la ville de Kyoto aux mains de Takauji. Takauji fit monter sur le trône le frère de l’ex-empereur Kogon sous le nom d’empereur Komyo. Alors vint “l’époque du shogun” (=Takauji Ashikaga), comme Masashige l’avait annoncé à Masatsura. Go-daigo s’échappa de Kyoto et se cacha dans la montagne de Yoshino. Il réussit à établir le gouvernement du Sud (Nancho). Par la suite, les empereurs du gouvernement du Nord (Hokucho), à Kyoto, s’opposèrent à ceux de Yoshino. Cet état de choses marque le commencement de l’époque des gouvernements du sud et du nord (Nanbokucho).

4 Les mondes où l’homme se rend après sa mort (le monde de l’éveil, le monde d’engaku, le monde des bouddhistes qui suivent les enseignements d’un Buddha, le monde céleste, le monde humain, le monde des démons, le monde des bêtes, le monde des affamés, et l’enfer).

25.1-2 424 Wakako Sueyoshi/Yorio Otaka

La mort de Masatsura, fils de Masashige

Après la mort de son père Masashige, Masatsura servit l’empereur du gouvernement du sud. En 1348, il combattit contre des guerriers ennemis sans remporter aucune victoire. Lui et son frère Masatoki se tuèrent par l’épée, comme leur père et leur oncle.

Annexe

Natsume Soseki (1867-1916), grand écrivain du Japon moderne (dont l’image figure sur le billet de banque de 1000 yen), a composé à l’âge de 11 ans un article sur Masashige Kusunoki, dont le style est très archaïque et mêlé de mots chinois. En voici le texte :

En principe, les vassaux ne doivent servir qu’un seul suzerain avec la ferme intention de le sauver du péril et de se consacrer au pays. Autrefois au Japon, il existait un homme appelé Masashige Kusunoki. C’était un guerrier vaillant, loyal et fidèle, avec de l’intelligence et du courage. L’empereur Godaigo, alors exilé par Takatoki, convoqua Masashige, qui lui jura de restaurer son règne impérial. Il assembla ses gens à Kawachi et détruisit un million d’ennemis, tout en défendant son petit château invincible et en combattant de toutes ses forces. Enfin il gagna la victoire, mais son ennemi Takauji se redressa et reprit l’attaque. Et Masashige dut trouver une mort malheureuse sur les champs de bataille. Le fidèle Masashige, calme comme la mer et tranquille comme la montagne, se distingua dans les luttes et resta absolument loyal à l’empereur jusqu’au bout. Cependant, l’empereur n’estima pas ses exploits à leur juste valeur, préféra Takauji qui était victorieux et fit éclater une révolte pour vite reprendre sa puissance. Mais Masashige ne poursuivit pas ses propres intérêts et servit cet empereur ; il ne se déroba pas devant ses infortunes, pas plus qu’il ne s’inclina devant les agents corrompus. Et il fut tué.

Conclusion

Comme je l’ai dit au début, le Taiheiki est une chronique, et en même temps, un roman historique : les idées de l’auteur qui souhaite que le monde soit en paix et ses commentaires sur l’attitude justifiable et inévitable de l’empereur sont insérés dans cette chronique qui décrit une époque de troubles. Cet ouvrage décrit Masashige comme un homme qui a sauvé l’empereur aux prises avec une situation difficile pour avoir tenté en vain de renverser le gouvernement shogunal : il a partagé la “bonne fortune” de l’empereur. Il figure aussi comme un héros qui a voulu résoudre un problème à la fin de l’époque de Kamakura : le problème de supprimer des ennemis guerriers, tout en étant lui-même un guerrier. Pour cette

Olifant Le Taiheiki 425 raison, les combats de Masashige ont été triomphaux, et en fait, il a été un homme idéal aussi bien qu’un vassal fidèle à l’empereur, et il incarne bien l’idée principale du Taiheiki. A l’époque des “bas qui l’emporte sur le haut” (=Gekokujyo5) qui a duré 60 ans dans tout le Japon, il était normal que les guerriers changent sans honte de suzerain suivant les occasions. On n’admettait aucune autorité. Les relations entre seigneur et serviteurs dépendaient de leurs intérêts. Contre le courant de l’époque, Masashige Kusunoki a continué à servir l’empereur Go-daigo, au travers de combats terribles et passionnants, et il a affronté sa dernière bataille tout en sachant qu’il serait battu. Masashige savait bien que les troubles, dès le début de la restauration Kemmu, avaient pour origine la maladresse de la politique de Go- daigo, et qu’il n’avait qu’à attendre une nouvelle génération d’hommes de guerre qui rétabliraient la paix. Mais il pensait que c’était contre “l’esthétique des gens de guerre” de changer ses principes, puisqu’il avait une fois juré fidélité à Go-daigo. Donc il se rendit à Minatogawa en transmettant ses dernières volontés à son fils : “Tu dois assister l’empereur, même si le règne du shogun vient après ma mort.” L’une des deux grandes notions de beauté qu’on rencontre dans le Taiheiki est de “mourir pour la cause impériale”. Masashige Kusunoki est le héros qui l’incarne.

5 L’expression signifie littéralement “le bas l'emporte sur le haut” et décrit les bouleversements sociaux dans lesquels les inférieurs, à tous les niveaux de la société, prennent le pas sur leurs supérieurs.

25.1-2 426 Wakako Sueyoshi/Yorio Otaka

II. Vivre à la manière du vajra

Yorio Otaka Université Otemae

Société La Chronique de la grande paix (Le Taiheiki), oeuvre du XIVe siècle, constitue l’une des principales sources historiques de la période6 et vient après le Roman de Heike, qui est rédigé pendant la première moitié du XIIIe siècle et chante un chant funèbre en l’honneur du clan détruit Heike sur fond d’enseignements bouddhiques déplorant les vicissitudes du destin humain. Et le Taiheiki, qui constitue un chef-d’oeuvre littéraire, raconte, malgré son titre, l’histoire d’une société pleine de troubles. Il a intéressé João Rodriguez, missionnaire jésuite au Japon au XVe siècle, qui le classe parmi la littérature du genre “grave” au même titre que le Roman de Heike.7 Cette oeuvre met en scène deux notions de beauté : vivre à la manière du vajra et mourir pour la cause impériale. C’est en 1336 que le pouvoir du Bakufu8 passe du clan guerrier Hojo, à Kamakura, au clan Ashikaga, à Muromachi. L’empereur Go-Daigo, profitant de cette opportunité, veut reprendre à ce dernier la puissance aristocratique et décide de renverser ce nouveau régime. Les armées guerrières sont divisées : les unes pour le clan Ashikaga et les autres pour l’empereur Go-Daigo. La succession des empereurs elle-même est divisée en deux lignées (chiffres romains indiquant l’ordre de succession), dont Go-Daigo, placé au 9e rang, et qui va inaugurer un gouvernement du Sud qui coexistera avec celui du Nord environ cent ans (1318–1412). Voici les successions bipartites des empereurs :

I. Go-Saga (1242-46) | | II. Go-Fukakusa (1246-59) III. Kameyama (1259-74) | | V. Fushimi (1287-98) IV. Go-Uda (1274-87) | | VI. Go-Fushimi (1298-1301) VII. Go-Nijo (1301-08)

6 Voir Dictionnaire (p. 2584). 7 Voir “Do estilo guveden : Os Monogataris diuidem em dous estilos, hum graue que he historia como de Feique , Feigi monogatari, Taifeiqui, &c.” (Rodriguez, Arte da lingoa de Iapam, p. 185) et aussi “Na quarta esta a historia chamada Taifeiki que he o mais graue & sobido estillo que i ha en Iapaõ” (Rodriguez, Arte breve da lingoa Iapoa, f. 5). 8 Littéralement : “Gouvernement du rideau” – désigne “une forme de gouvernement où le pouvoir était exercé par les guerriers (bushi) ou l’organe central de ce gouvernement” (Dictionnaire, p. 115).

Olifant Le Taiheiki 427

| | VIII. Hanazono (1308-18) IX. Go-Daigo (1318-39) | | X. Kogon (1331-33) |

“Gouvernement du Nord” “Gouvernement du Sud”

Kougon (1331-33) Go-Daigo (1318-39) | | Suukou (1336-48) Go-Murakami (1339-68) | | Go-Kougon (1352-71) Choukei (1368-83) | | Go-Enyuu (1371-82) Go-Kameyama (1383-92) | Go-Komatsu (1393-1412)

Les guerriers et les empereurs concourent à renverser les notions morales traditionnelles et à construire une société appelée celle du “Bas qui l’emporte sur le haut” (Gekokujo). Après les “Articles de pénalités”, code pénal de caractère restrictif, établi en 1232 par l’ancien régime de Kamakura (voir Otaka), le nouveau gouvernement de Muromachi publie les dix-sept “Articles d’admonitions”9, revêtu d’un caractère moins restrictif, de peur de trop inciter les guerriers à se révolter. Ces articles ont en réalité pour but d’étouffer les mauvais comportements largement observés. La préface propose de façon peu autoritaire de transposer les locaux du Bakufu de Kamakura à Kyoto, mais insiste strictement sur l’importance de maintenir la paix. Et le premier article vise à l’interdiction de “vivre à la manière du vajra”, les articles 2, 3, 10 et 11, à la prévention des vices qui en résultent, tandis que l’article 6 propose une mesure pour remédier à cet état déplorable et qu’enfin l’article 16 prévoit la justice contre les religieux, qui peuvent avoir des exigences démesurées. En effet, ce mot de vajra, terme bouddhique sanscrit qui a le sens de “diamant”, la plus précieuse et à la fois la plus dure des pierres, signifie en japonais de l’époque tout ce qui est contraire aux vertus – bravoure, fidélité, modestie ou frugalité – , en même temps que somptuosité, orgueil, vantardise, gourmandise et costume éclatant des guerriers aussi bien que des bonzes. Nous pouvons voir ces maux du vajra enracinés

9 Voir l’annexe. Ils sont rédigés en 1336 par le “général” Takauji Ashikaga sur les avis de deux conseillers Zeen Nikaido et Shinkei Nikaido, et décrivent les principes de son gouvernement.

25.1-2 428 Wakako Sueyoshi/Yorio Otaka dans la vie contemporaine, à témoin le dictionnaire portugais-japonais dudit Joaõ Rodriguez, qui relève encore au XVIe siècle Basarana appliqué au costume.10 Grand nombre d’antisociaux et d’apolitiques sont mécontents de leur sort et désireux de renverser le régime du clan Asikaga. Nous nous sommes référés, entre autres, aux “Articles d’admonitions” suivants (voir aussi l’Annexe), pour développer cet exposé :

Article 1 : Interdiction de la somptuosité Article 2 : Interdiction des grandes festivités et orgies en groupe Article 3 : Interdiction des violences Article 6 : Réanimation des Mujin sen11 et des Dozo12 Article 10 : Interdiction stricte de la corruption Article 11 : Interdiction de faire des présents au “général” et aux palatins Article 16 : Rejet ou acceptation des pétitions des maisons bouddhistes ou shintoïstes

Nous attirerons votre attention sur trois modes de vie du vajra dans le Taiheiki : 1. Cas de Tadaaki Chikusa ( ?-1336) (ch. 12) “Parmi eux se trouve un très haut aristocrate Tadaaki Chikusa... qui aurait dû cultiver les belles lettres, dont l’étude et l’enseignement faisaient la tradition de sa maison. Mais depuis sa jeunesse, il s’adonnait exclusivement à la chasse avec des chiens et à la chasse au tir comme aux jeux et à la luxure... Les gens, qui voyaient ses toilettes et entendaient parler de sa conduite, étaient bien étonnés : son garde-jambes était fait de peau de léopard et de tigre et ses habits étaient de brocart d’or. Ses vêtements étaient composés d’incomparables merveilles chinoises et coréennes, splendides autant qu’éclatantes. Il ne rougissait pas d’agir contrairement aux admonitions de Kong Ankok13, qui dit : ‘Qu’un homme de peu se vête à la manière d’un noble, il est un traître nuisible à son pays.’ Ceux qui voyaient sa façon de vivre étaient scandalisés et disaient à part eux : ‘C’est déplorable.’” (Taiheiki, pp. 365-66). 2. Cas du moine Monkuan (?-1357) (ch. 12) “Il est vraiment bizarre d’entendre raconter la manière de vivre du moine Monkuan. C’est en vain qu’il quitta la vie séculière pour se consacrer aux exercices mystiques, car il ne

10 “Basarana, Açodado, ou desmanchado em suas cousas no vestido, &c.” (Vocabvlario da lingoa de Iapam, p. 20). 11 Mujin sen [“argent illimité”] : sorte de confrérie d’épargne à loterie. 12 Dozo : magasin (fortifié) de terre (pas de bois), prêt d’argent. 13 Kong Ankok : célèbre savant chinois vivant entre -212 et 7, à la 12e génération après Confucius.

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poursuivit que son profit et sa réputation mondaine et oublia le zazen14. Bien au-delà de ses besoins, il amassa des richesses et entassa des trésors dans son propre magasin. Il ne s’occupa pas d’aider les pauvres, et il ne fit que se procurer des armes et former des combattants. Il donna des récompenses à ceux qui, sans exploits, le flattaient assidûment et demandaient à se mettre en bons termes avec lui, si bien que la ville était remplie de ceux qui, au nombre de cinq ou six cents, se proclamaient ses sujets importants et jouaient des coudes avec arrogance. Quand il se rendait au palais impérial, pourtant fort près, un groupe de centaines de gens à cheval entouraient son palanquin passant dans la rue. Ses soutanes étaient salies vite par la poussière que les chevaux soulevaient. Il négligea l’observance des préceptes du moine et s’attira partout des réprobations. On était frappé de stupeur.” 3. Cas de Doyo Sasaki (1296-1373) (ch. 21)

a. “En ce temps-là, Doyo Sasaki profitait du courant de l’époque. Il était de retour de la chasse aux petits aigles, au nord du champ de l’Est à Kyoto. Il étonnait les passants dans chaque rue par la splendeur de ses vêtements éclatants dits basara, avec une suite de gens d’armes habillés de la même manière.” b. “Au moment où Doyo Sasaki et son fils Hidetsuna Sasaki quittaient Kyoto pour un lieu d’exil reculé, quelque trois cents jeunes gens armés marchaient devant et derrière eux, très loin jusqu’au temple Kokubunji à Otsu situé à la frontière administrative, sous prétexte de les suivre des yeux : chacun portait un étui de flèches attaché à l’épaule et un coussin noué aux reins, tous couverts de peau de singe, et même tenait à la main une cage à rossignol. Sur tout le chemin ils organisaient, où bon leur semblait, des banquets ‘boisson (sake) et mets (sakana)’, et s’amusaient avec les femmes de chaque auberge. D’apparence singulière et extraordinaire, ils avaient l’air brillant et splendide. C’était une manifestation du goût de Doyo Sasaki, qui voulait dire : ‘Peu m’importent les décisions du tribunal du Shogun, de la maison suzeraine Hojo et du temple autoritaire Enryakuji, toutes puissantes qu’elles soient.’”

Conclusion

L’empereur Go-Daigo a voulu faire un coup d’état, première et dernière tentative de ce genre dans la longue ligne directe de la dynastie impériale. La société est alors entrée dans une phase de “Bas l’emportant sur le haut”, de négation des rangs sociaux et de renversements des valeurs traditionnelles. Les hommes de guerre ont connu une nouvelle façon de vivre à la vajra, comme en témoignent les cas de Tadaaki, Monkuan et Sasaki. Le gouvernement a publié, sans effet, les “Articles d’admonition”.

14 Zazen : discipline de contemplation qu’on exécute dans une posture assise.

25.1-2 430

ANNEXE

Traduction du texte des “Articles d’admonition” (Kenmu Shikimoku)15

De la place du Bakufu qui doit rester à Kamakura ou se déplacer à un autre endroit. Nombre d’exemples du déplacement sont attestés dans l’ancien temps en Chine et au Japon. Mais aux temps modernes, les troubles rendent le déplacement difficile. Kamakura est un endroit où Yoritomo Minamoto16 a placé son premier gouvernement à l’ère de Bunji17 et où Yoshitoki Hojo18 a réalisé sa domination sur tout le pays à l’ère de Jokyu en 1221. C’est donc le meilleur endroit de bon augure pour les clans de guerriers. Là sont les fiefs nombreux, là est puissant le pouvoir du clan Hojo, mais là aussi s’accumulent les arrogances, les désirs et les maux. Il n’est pas étonnant de les voir enfin périr. Où que soit déplacé le bakufu, si l’on s’engage dans la routine il est évident qu’il s’écroulera. Dans l’ancienne Chine, les dynasties de Chou19 et de Chin20 placèrent leur capitale à Yao Han21 ; la première ne dura que pendant deux générations, tandis que la seconde régna huit cents ans. Les dynasties de Sui22 et Tang23 mirent la leur à Chang An ; la première ne régna elle aussi que durant deux générations, tandis que la deuxième fleurit trois cents ans. C’est donc le bon ou le mauvais régime qui décide de l’ascension ou de la chute du siège du gouvernement, car ce n’est pas la demeure qui provoque la decadence de l’homme. Cependant, s’il y avait vœu unanime de déplacer le bakufu, on devrait l’agréer.

De la politique

Le gouvernement doit se conformer au besoin de l’époque. Doit-on choisir les anciennes lois japonaises ou chinoises ? Doit-on commencer par maintenir le meilleur gouvernement des guerriers à l’apogée de sa grandeur ? Dans ce cas, comme les chefs des vassaux et les conseillers du rang haut et bas sont encore vivants, on ne doit pas hésiter à suivre l’ancien régime. Les anciennes écritures disent que la vertu réside dans le bon régime et que la bonne politique consiste à assurer la sécurité du peuple. Comme on doit prendre rapidement des mesures pour mettre le peuple à l’aise, nous énumérons les plus importantes.

15 De The Laws of the Muromachi Bakufu, Kemmu Shikimoku (1336) & Muromachi Bakufu Tsuikajo, pp. 16- 21). 16 Yoritomo Minamoto (1149-99), le premier général. 17 Ere de Bunji : 1185~1190. 18 Yoshitoki Hojo (1163-1224), le second général. 19 Chou : -1100?~-256. 20 Chin : -222~-206. 21 Yao Han : nom d’une montagne abrupte. 22 Sui : 581~618. 23 Tang : 618~907.

Olifant Annexe 431

Article 1. Interdiction de la somptuosité. Ce qu’on appelle depuis une date récente basara désigne des moeurs extraordinaires ou la jouissance de l’extravagance et de l’excès, telle que l’étoffe croisée et le brocart, l’épée ornée d’argent, les atours élégants. On n’y voit qu’une vraie manie étourdissante. Les riches en sont très fiers, tandis que les pauvres se plaignent, incapables de se l’approprier. On y voit la cause majeure de l’appauvrissement de la population. L’interdiction de la somptuosité doit être stricte.

Article 2. Interdiction de grandes festivités et orgies en groupe. Comme l’interdisent les anciennes lois24, sont défendues strictement les grandes festivités et les orgies en groupe. Cette défense doit s’appliquer aux jeux et, au surplus, à la lascivité excessive comme à cette sorte de réunion de thé et de renga (vers continués) dont les coûts sont incalculables.

Article 3. Interdiction des violences. Les réclamations contre les violences ne cessent pas : intrusion dans la maison privée en plein jour, cambriolage en pleine nuit, meurtres et vols à main armée. Des mesures rigoureuses doivent être prises pour supprimer ces crimes.

Article 4. Interdiction de la réquisition des maisons privées. Les maisons privées bâties par de maigres ressources sont réquisitionnées et détruites sans avis préalable. Les habitants, ne trouvant plus où s’abriter, sont forcés de mener une vie errante et perdent enfin le moyen de gagner leur vie. Cet état de choses est des plus ennuyeux.

Article 5. Rétrocession des terrains inoccupés à Kyoto aux propriétaires. Comme on le voit à présent, plus d’une moitié des terrains à Kyoto sont inoccupés. Ces terrains doivent être restitués sans délai à leurs propriétaires, et la reconstruction des maisons doit y être permise. Le bruit court dans la ville que même la suite de l’empereur en voyage trouve la plupart de ses terrains réquisitionnés sans considération de rang haut ou bas, ni identification exacte, ni investigation préalable. Conformément à la prescription des anciens codes pénaux25, les traîtres, les rebelles, les instigateurs et les poursuivants doivent être bien distingués, examinés à fond et punis différemment. Comme les confiscations de leurs terrains ont été nombreuses après l’époque des luttes entre la cour impériale et les gens d’armes de Jokyu26, les aristocrates de la cour impériale seraient appauvris au cas où les autres terrains seraient confisqués.

Article 6. Réanimation des Mujin sen et des Dozo.

24 C’est-à-dire les lois de Nara et de Heian. 25 C’est-à-dire des codes de Nara et de Heian. 26 En 1221.

25.1-2 432 Annexe

Exiger de lourdes taxes et prévoir d’y déroger semble avoir causé la stagnation des affaires économiques. Les gens de rang haut et bas ne parviennent pas à équilibrer dépenses et revenus et se trouvent obligés de mener une vie de privations. Si les affaires susdites sont vite ranimées, elles leur fourniront des sources de vie aisée.

Article 7. Nomination de “protecteurs provinciaux” (shugo) compétents dans les affaires politiques. À l’heure actuelle, les récompenses des guerriers sont la nomination au poste du “protecteur provincial” ou la donation d’un ou plusieurs domaines (Shoen). Le “protecteur provincial,” qui correspond au “gouverneur” (Rimu) de l’ancien temps, assure la sécurité de chaque province. Par conséquent la nomination d’un “protecteur provincial” de haute qualité assure une vie paisible à toute la population.

Article 8. Interdiction aux courtisans, aux femmes et aux prêtres du dhyana27 d’intervenir dans les affaires politiques.

Article 9. Interdiction aux officiels de négliger leur service et nomination scrupuleuse des dits officiels. Ces deux articles ne sont pas nouveaux, étant déjà mentionnés dans les anciennes lois.

Article 10. Stricte interdiction de la corruption. Bien que cet article ne soit pas nouveau, l’ordre de prohiber la corruption doit être strict. S’il ne s’agit que de cent Mon28, le corrupteur sera destitué définitivement ; et s’il s’agit d’une somme excessive, il perdra la vie.

Article 11. Interdiction d’offrir des présents au shogun et aux palatins. Les inférieurs imitent infailliblement ce que font les supérieurs. Le “général” (ou shogun) doit être intègre et ne doit pas surévaluer les objets rares venus de Chine.

Article 12. Recrutement des familiers du shogun. On dit : “Si l’on ne connaît pas le suzerain, il faut voir ses vassaux ; et si l’on ne connaît pas l’homme, il faut voir ses amis.” Les vertus et les vices du “général” sont révélés inévitablement par ceux de ses vassaux. Le shogun doit recruter ses vassaux parmi les plus qualifiés. La formation de coteries et les diffamations réciproques sont cause de conflits. Bon nombre d’exemples l’attestent au Japon comme en Chine. Les manières vestimentaires, le goût des arts et les préférences personnelles révèlent le fond des coeurs. Le

27 Dhyana : en sanscrit, discipline qui conduit à la sagesse en cultivant la tranquillité de l’âme comme du coeur et en supprimant les passions. 28 Une somme minime.

Olifant Annexe 433 shogun ne doit en aucun cas recruter des criminels pour familiers. Le recrutement de ceux-ci demande la plus grande réflexion.

Article 13. Observance rigoureuse des bienséances et des convenances. Rien n’est plus souhaitable que les bienséances et les convenances pour gouverner le pays. Le suzerain doit garder ses propres conduites convenables et ses sujets, les leurs. Les gens haut situés et les gens bas situés doivent savoir tenir leur rang aussi bien qu’observer les bienséances et les convenances dans leurs actes et leurs paroles.

Article 14. Distribution des récompenses aux gens en reconnaissance de leur probité. La distribution des récompenses est un moyen d’exalter les bons et d’écarter les mauvais. Le shogun doit bien savoir apprécier et déprécier ses sujets.

Article 15. Nécessité de se préoccuper des pétitions des pauvres et des faibles. Les gouvernements de Yao et de Shun de l’ancienne Chine firent le plus de cas de cette préoccupation. Comme le dit le Shu Jing29, les médiocres font peu de cas, mais les sages font beaucoup de cas des complaintes des pauvres et des faibles. Le shogun doit témoigner de sa compassion pour ses sujets pauvres. Et le plus important de ses devoirs est de prêter l’oreille à leurs pétitions.

Article 16. Rejet ou acceptation des pétitions des maisons bouddhistes ou shintoïstes. Les bonzes bouddhistes ou les prêtres shintoïstes menacent, se vantent, se disent extraordinaires et en dehors des lois, ou crient très fort sous prétexte de faire leurs oraisons. Le shogun doit examiner leurs pétitions très attentivement.

Article 17. Nécessité de fixer la date et l’heure du jugement. Rien n’est plus ennuyeux pour les deux parties qu’une procédure retardée. Et le shogun ne doit ni s’empresser de conclure, ni négliger de pénétrer au fond des choses, pour prononcer sa décision sans qu’elle donne lieu à récrimination.

29 Shu Jing : la plus ancienne histoire chinoise écrite entre -1066 et -222.

25.1-2 434 Wakako Sueyoshi/Yorio Otaka

Œuvres Citées

Textes

The Laws of the Muromachi Bakufu, Kemmu Shikimoku (1336) & Muromachi Bakufu Tsuikajo. Ed. with an Introduction by K. A. Grossberg. Trans. K. A. Grossberg and K. Nobuhisa. Tokyo: Monumenta Nipponica Sophia University, 1981.

Rodriguez, João. Arte da lingoa de Iapam composta pello Padre Ioão Rodriguez. Portugues da Cõpanhia de Iesv diuidida em tres livros. Com licença do ordinario, e svperiores em Nagasaqui no Collegio de Iapão da Companhia de IES V, anno M.D.CIV (1604).

——. Arte breve da lingoa Iapoa tirada da arte grande da mesma lingoa, pera os que começam a aprender os primeiros principios della, pello padre Ioam Rodriguez da Companhia de IESV, Portugues de Bispado de Lamege, diuidida em tres livros, com licenca do ordinario & superiores em Amacao no Collegio da Madre de Deos da Companhia de IESV, anno CD.DC.XX (1620).

Taiheiki. A Chronicle of Medieval . Trans. Helen Craig McCullough. North Clarendon: Tuttle, 1979.

Vocabvlario da lingoa de Iapam con adeclaração em portuguez, feito por algvns padres, e irmaõs da Companhia de Iesv, com licença do ordinario & superiores em Nangasaqui no Colegio de Iapam da Companhia de Iesvs, anno M.D.CIII (1603).

Etudes critiques

Dictionnaire historique du Japon. Paris : Maisonneuve & Larose, 2002.

Otaka, Yorio. “‘Articles de la punition’ de la chevalerie japonaise (Goseibai Shikimoku).” Les chansons de geste, actes du XVIe congrès international de la Société Rencesvals pour l’étude des épopées romans, Granada, 21-25 juillet 2003. Ed. C. Alvar et J. Paredes. Granada: Universidad de Granada, 2005. 467- 74.

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