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1870 – 1914 Développement de la banlieue

Les réformes législatives et La loi du 14 avril 1871 fixe les nouvelles dispositions concernant Paris : l’assemblée parisienne est les institutions composée de 80 membres élus par scrutin individuel à la majorité absolue à raison de 4 par arrondissement. Après le départ de Haussmann, l’abrogation du régime Il est également prévu un maire et 3 adjoints par d’exception qui privait Paris de liberté communale arrondissement choisis par le chef du pouvoir exécutif est réclamée dès le mois de février 1870 par les de la République. républicains. Jules Ferry, Gambetta et Arago déposent Les communes à l’exception de Paris sont soumises un projet de loi sur l’organisation municipale de Paris. au régime général de la loi du 4 avril 1884 sur En mars 1871, Paris, encore soumis au siège de ses l’organisation municipale dont les principales fortifications par les troupes prussiennes, se soulève dispositions sont : contre la décision de la nouvelle assemblée - l’élection au suffrage universel du conseil municipal parlementaire, élue un mois plus tôt, de la désarmer. désigné pour une durée de 4 ans et renouvelable Pendant 70 jours, jusqu’au 20 mai 1871, la Commune intégralement (en 1929, la durée du mandat municipal de Paris, où sont représentées toutes les tendances est portée à 6 ans) politiques républicaines et socialistes, administre la - l’élection du maire par le conseil municipal, ce qui ville. Son action législative est considérable, même si fait du maire le premier représentant de la commune la plupart des mesures prises sont abolies à sa chute. - la tutelle du préfet, à la fois sur le maire et sur les actes de la commune. Après l’épisode de la Commune, le Gouvernement estime qu’il est trop tôt pour réformer et seuls les Démographie de la région parisienne conseils municipaux des communes des arrondissements de Saint-Denis et de Sceaux sont La population de la banlieue augmente régulièrement : replacés sous le régime électif (loi du 17 juillet 1870). 607 381 habitants en 1886, 688 969 en 1891, 796 378 La Commune fait progresser l’idée de doter Paris en 1896, 885 762 en 1901, 1 182 379 en 19112 . d’un maire et d’un conseil municipal élu (propositions L’essentiel de cette explosion démographique est du de loi de Clémenceau de mars 1871 puis de 1875 aux communes limitrophes de Paris. alors qu’il occupait la présidence du conseil municipal) La première phase de peuplement de la banlieue entre mais suscite aussi la méfiance du Gouvernement à 1870 et 1880 concerne une population contrainte de l’égard de cette ville révolutionnaire : « le parlement quitter Paris car les loyers y sont beaucoup plus élevés de l’époque demeurait hanté par le souvenir de et la vie plus chère que de l’autre côté des la Commune et la crainte de l’autonomie fortifications (Paris est toujours soumis aux taxes de fédéraliste qui avait triomphé pendant cette l’octroi et le sera jusqu’en 1943)3. période »1. 1 Préfecture de la Seine, Préfecture de Police d’après Maurice FELIX, Le régime administratif et financier de la ville de Paris et du département de la Seine, Histoire des administrations parisiennes, Evolution de l’agglomération parisienne – 1957, la Documentation française, tome 1 p .145 (documentation DREIF 5093.1). 2 BRUNET, Jean-Paul, Immigration, vie politique et populisme en banlieue parisienne (fin XIXe – XXe siècles), éd. l’Harmattan, 1995. 3 CLAUSTRE, Pierre-François, L’octroi de Paris (1798 – 1943), Bilan historiographique et perspectives de recherche, revue Recherches contemporaines, n° 6, 2000-2001.

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Cette installation de population modeste concerne ouvrier est aussi localisé près des établissements pratiquement toutes les communes limitrophes de la industriels dans le secteur des Moulineaux, tandis que capitale. le centre de la commune et les coteaux reçoivent Ce mouvement vers la banlieue se double de celui de une population plus aisée. De nombreux ateliers ou classes sociales parisiennes plus aisées : employés, granges sont transformés en chambres. Des étages petite ou grande bourgeoisie qui ont fait ce choix supplémentaires sont rajoutés aux maisons existantes. volontairement. Les résidences de villégiature d’été «Ainsi apparaît la banlieue grise, basse, se transforment en résidences principales. Des embouteillée. C’est un ensemble hétéroclite de nouveaux quartiers destinés à la bourgeoisie sont bâtis maisons et d’immeubles jetés çà et là, en îlots sur les coteaux face à Paris ou aux fleuves (Saint- bizarres »8. Cloud, Meudon, à l’ouest ; Vincennes, Saint- Mandé, Nogent-sur-Marne, Le Perreux à l’est ; Au delà des communes limitrophes de Paris de la Epinay-sur-Seine, Enghien, Montmorency au ... première couronne, des petits lotissements appelé En terme d’importance de population, cette aussi parfois « villas » se développent « la Scala implantation n’est pas négligeable4. villa » et le « Moulin de Bellevue » à , « la Villa Daguerre » à Bry-sur-Marne, « le Village Cette première période de peuplement de la banlieue parisien » de Champigny-sur-Marne, « la Villa par une population parisienne est rapidement suivie, montmartroise » de Villiers-sur-Marne, la « Villa des à partir des années 1880, par l’arrivée de provinciaux Gravilliers » à Athis-Mons 9... tout au long du XXe siècle (au recensement de 1891, 55,6% des banlieusards sont nés en province, en 1911, Au début du XXe siècle un vaste brassage des ils étaient 51,1%)5. populations s’opère entre les natifs de province, de Paris et de banlieue. La population se répartit suivant Saint-Denis, qui est déjà la commune la plus peuplée une géographie complexe dans laquelle il est de banlieue avec près de 32 000 habitants en 1872, impossible de distinguer un habitat spécifique à telle connaît une augmentation de 3% par an jusqu’en ou telle catégorie. Les grandes tendances du 1896, avec des pointes de plus de 6% entre 1876 et déséquilibre sociologique de Paris entre un nord-est 1881 dues à un fort flux migratoire. Ce ne sont plus défavorisé et un ouest aisé, amorcées dès le premier les populations de l’Est (Alsace, Lorraine, Allemagne Empire se prolongent en banlieue. ou Suisse) attirées par l’industrie textile qui arrivent mais une immigration venue du sud et de l’ouest de En 1901, Paris compte 2,7 millions d’habitants et la France (en particulier de l’arrondissement de l’ensemble de la région parisienne 4,7 millions. Guingamp en Bretagne)6 et de l’étranger (Italie)7. L’urbanisation qui s’est développée dans les Ce nouveau flux migratoire est augmenté par un taux communes limitrophes de Paris recouvrant de natalité élevé principalement chez les familles pratiquement tout leur territoire s’étend maintenant bretonnes et italiennes. dans une seconde couronne, le long des vallées Cette population jeune occupe les emplois les moins desservies par le chemin de fer (bords de Marne, Le qualifiés (manœuvres, terrassiers…) dans les Raincy, Neuilly-sur-Marne, Neuilly-Plaisance, bords nombreuses usines ou chantiers. Les derniers arrivés de la Seine au sud-est, vallée de , Versailles, doivent s’installer dans les quartiers les plus pauvres Le Pecq, Le Vésinet, Saint-Germain-en-Laye, vallée à proximité immédiate des nouvelles usines. de Montmorency...) Autre exemple, à Issy-les-Moulineaux, l’habitat

4 FARCY, Jean-Claude, Banlieues 1891 : les enseignements d’un recensement exemplaire, in les premiers banlieusards in FAURE Alain (sous la direction de), Ed. Créaphis, 1991, p.46 et suiv. 5 FARCY, Jean Claude, L’immigration provinciale en banlieue au début du XXe siècle in Immigration, vie politique et populisme en banlieue parisienne (fin XIXe – XXe siècles) éd. l’Harmattan, 1995. 6 FARCY, op.cit. 4. 7 BLANC-CHALEARD, Marie-Claude, Les italiens en banlieues Est : âges migratoires et type d’intégration in Immigration, vie politique et populisme en banlieue parisienne (fin XIXe – XXe siècles), éd. l’Harmattan, 1995. 8 BECCHIA, Alain, Issy-les-Moulineaux, Histoire d’une commune suburbaine de Paris, c.a., 1977 et Issy-les-Moulineaux dans la seconde moitié du XIXe siècle, maîtrise Université Paris IV-Centre d’Histoire du XIXe siècle, 1974, Bibliothèque municipale d’Issy- les-Moulineaux. 9 CUEILLE, Sophie, Les stratégies des investisseurs : des bords de ville aux bords de mer in revue Inventaire du Ministère de la Culture, 2004.

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urbanisation de la région parisienne en 1900 (source SDAU 1965) Développement des municipalités - Cachan en 1922 (division d’ - Cachan) - Villeneuve-la-Garenne en 1929 (division de de banlieue ). Les limites communales fluctuent également comme Le nombre de communes suburbaines du département par exemple celles de Montrouge qui annexe en 1875 de la Seine a varié suivant les époques : de 80 en quelques hectares du territoire de Châtillon et 1859, il est ramené à 69 après l’expansion de Paris Bagneux... qui en a supprimé 11. Devant l’urbanisation galopante, certaines communes de banlieue doivent faire face à Dans les années 1880, les communes du département des mouvements séparatistes d’habitants passés de la Seine hors Paris sont encore très mal équipées brutalement de modestes hameaux au stade de petites en services publics communaux ou d’Etat. Il y a peu villes et réclamant plus d’autonomie et d’équipements. de postes de police, de casernes de gendarmerie, de On assiste ainsi à la création de 11 nouvelles bureaux de perception des contributions directes... communes entre 1860 et 192910 : En 1890, les communes du département de la Seine - Levallois-Perret en 1866 (regroupement de (hors Paris) ne comptent que treize crèches. territoires soustraits à Neuilly et Clichy) ; - en 1867 (regroupement de territoires Pendant un quart de siècle, entre 1876 et 1908, devant soustraits à , et ) ; le développement urbain, les communes de banlieue - en 1883 (division de ) remplacent leur ancienne mairie-école par des - en 1885 (division de Maisons-Alfort) édifices majestueux affichant la représentation - Le Perreux-sur-Marne en 1887 (division de imposante du pouvoir municipal et du triomphe Nogent-sur-Marne) républicain. - Bois en 1896 (division de Colombes) Suite à l’application de la loi Jules Ferry du 28 mars - Le Kremlin-Bicêtre en 1896 (division de Gentilly) 1882 sur l’enseignement primaire obligatoire, le - Les Pavillons-sous-Bois en 1905 (division de nombre d’enfants scolarisés augmente très fortement. ) Cela nécessite la construction d’écoles et pèse - La Garenne-Colombes en 1908 (regroupement lourdement sur les finances locales en terme de territoires soustraits à Colombes et à Bois- d’investissement et de fonctionnement. Colombes) La scolarisation des enfants entraîne également la

10 A partir de cette date, le département de la Seine compte donc 81 communes.

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DREIF, Claude COTTOUR, septembre 2008 Une brève histoire de l'aménagement de Paris et sa région Le Grand Paris à l’échelle du département de la Seine mise en place de cantines scolaires, de garderies, puis Au delà des différences politiques et idéologiques, après 1910 de colonies scolaires durant les vacances des structures se mettent en place pour gérer au d’été pour les enfants de parents nécessiteux. Le quotidien et en commun des problèmes qui débordent personnel municipal augmente de façon très largement des frontières communales. Il s’agit des importante : instituteurs, enseignants spécialisés, commissions départementales présidées par le préfet personnel pour surveiller les études, de service pour de la Seine où se rencontrent des représentants de l’entretien des locaux et la cantine. Des bibliothèques l’Etat et des élus : municipales sont créées, qualifiées par le maire de - commission de surveillance de l’épandage des eaux Pantin « d’œuvre moralisatrice appelée à exercer d’égouts de Paris (1912), une heureuse influence sur le développement - commission administrative du port de Paris (1916 – intellectuel et moral des populations 1917), laborieuses »11. - conseil d’hygiène publique et de salubrité du département de la Seine, - commission de contrôle des réseaux départementaux Vie politique de tramway (1910), Jusqu’à la fin du XIXe siècle, le pouvoir municipal est - commission du déclassement de la zone militaire de resté principalement administratif avant de devenir Paris (1919), politique. Après les élections de 1884, la majorité des - comité consultatif des transports en commun (1920) élus deviennent républicains, le plus souvent radicaux. - conseil d’administration de l’office public En 1887, Saint-Ouen est la première mairie de départemental d’habitations à bon marché (HBM) banlieue gagnée par les socialistes. D’autres suivent : (1921) Saint-Denis de 1892 à 1896 puis de nouveau à partir de 1912 , Ivry et le Kremlin-Bicêtre en 1896, Enfin, en février 1909, 16 maires radicaux et radicaux Alfortville et le Pré-Saint-Gervais en 1904... socialistes de communes de banlieue de la Seine se En 1912, sur les 78 communes de la Seine, 13 regroupent pour donner naissance à l’Union amicale communes sont socialistes (9 socialistes SFIO, 4 des maires du département de la Seine14. socialistes indépendants). En 1914, les candidats du parti socialiste SFIO dépassent 30% des voix12. Implantation en banlieue de services de la ville de Paris Les conquêtes municipales des socialistes introduisent des différences dans la façon de gérer les communes L’implantation de grands équipements indispensables dans des domaines aussi variés que ceux de la santé, au fonctionnement de Paris nécessite de grandes des loisirs, des équipements culturels et sportifs et de emprises disponibles uniquement en banlieue. La l’habitat. Les revendications pour obtenir une capitale construit à l’extérieur de son territoire : meilleure équité de leur représentation au conseil - ses usines d’alimentation en eau potable (Ivry, Saint- général de la Seine deviennent plus soutenues. Maur-des-Fossés) ; - des cimetières (Saint-Ouen en 1872, Ivry en 1874, Pantin- en 1884, Bagneux en 1886, Les débuts de l’intercommunalité dans les années 1920), - des hôpitaux, des hospices (Clichy-sur-Seine, Le Le premier syndicat intercommunal concerne le gaz Kremlin-Bicêtre, Issy-les-Moulineaux ); le dépôt de de banlieue et est fondé par décret le 31 décembre mendiants à (1875 – 1883) 1903, après l’action du maire radical de Bagneux, - des gares de triage (Saint-Denis, Pantin, Noisy-le- Théodore Tissier. Puis suit celui des Pompes Sec, Vitry, Chatillon-Montrouge) ; funèbres... Au total 12 syndicats sont créés entre 1903 - ses usines de traitement ou d’incinération des et 193913. ordures ménagères (Saint-Ouen, Ivry, Issy-les- Moulineaux, Romainville) ;

11 BELLANGER, Emmanuel, MICHEL, Geneviève, Pantin Mémoire de ville, mémoires de communaux 19e – 20e siècle, archives municipales de Pantin, 2001. 12 GIRAULT, Jacques, Vers la banlieue rouge, du social au politique in Immigration, vie politique et populisme en banlieue parisienne (fin XIXe – XXe siècles), éd. l’Harmattan, 1995. 13 BELLANGER, op.cit. 11. 14 Asnières, Boulogne-Billancourt, Clichy, Montreuil, Nogent, , Saint-Denis.

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L’alimentation de Paris en eau de source (DREIF/DERU/Michel Thomachot)

- ses champs d’épandage d’eaux usées (Clichy-sur- vient de Verneuil et capte les rivières de l’Avre et Seine, Gennevilliers, puis Achères, plaine de de la Vigne ; , plaine de Triel). - 1900 : mise en service de l’aqueduc du Loing et du Lunain, dans la région de Nemours ; En 1904 les épandages s’étendent sur 5 300 - 1925 : mise en service de l’aqueduc de la Voulzie. hectares répartis entre les régions de Gennevilliers, Achères, Carrière-Triel et Méry-Pierrelaye. Les Après 1925, toutes les disponibilités pratiques du pétitions des habitants ou les procès des villes de bassin de la Seine en eaux de sources sont banlieue contre Paris se succèdent. « Une fois que considérées comme captées. L’idée déjà avancée la ville de Paris aura mis un pied chez nous, quels sous Louis XIV pour alimenter Versailles de dériver que soient les inconvénients qui pourront en des eaux de la Loire sur Paris ou de les capter est résulter, il nous faudra intenter procès sur procès reprise. pour nous débarrasser de ces inconvénients »15. Le captage dans la nappe phréatique entre la Charité- En 1929, devant l’accroissement des besoins, la sur-Loire et Gien, à 150 km de Paris, est déclaré construction d’une station d’épuration est décidée sur d’utilité publique en 1931. Mais les difficultés l’emprise des terrains soumis jusqu’alors aux financières et l’opposition des populations ligériennes irrigations dans le parc agricole d’Achères. La ajournent constamment la réalisation16. première station d’épuration moderne à boues activées On peut citer le projet ambitieux de capter l’eau dans est construite à Achères en 1938. le lac Léman pour approvisionner Paris, présenté au conseil Municipal en 1898, puis remis à l’examen en Pour satisfaire les besoins en eau potable (de source) 1913. Le projet est définitivement abandonné quand d’une population de plus en plus importante, il est des analyses mettent en évidence une mauvaise nécessaire de rechercher cette ressource de plus en qualité bactériologique des eaux de ce lac. plus loin au delà des limites de la région parisienne. Il est décidé de prélever l’eau dans la Seine et la Le programme de captage de nombreuses sources Marne et la filtrer Les deux établissements filtrants dans un rayon de 150 km autour de Paris défini par de Saint-Maur (Joinville) sur la Marne, et d’Ivry sur Belgrand sous le Second Empire est poursuivie : la Seine sont mis en service en 1896 et en 1900. - 1874 : mise en service de l’aqueduc de la Vanne qui transporte jusqu’au réservoir de Montsouris l’eau En dehors de Paris, l’approvisionnement en eau est de la Vanne captée au-delà de Sens assurée dans chaque commune à partir des eaux - 1893 : mise en service de l’aqueduc de l’Avre qui superficielles les plus proches.

15 Travaux du comité de défense contre les projets de déboisement et d’irrigation de la forêt de Saint-Germain-en-Laye – Saint- Germain-en-Laye, Eaux d’égout de Paris, Chap. IV, Irrigations pratiquées à Gennevilliers et leurs conséquences, 1879, documentation DREIF. 16 MOGARAY, André, L’alimentation en eau et l’assainissement, in Les grandes enquêtes Où va Paris, éd. Morvan n°18 – 21, décembre 1966 – septembre 1967.

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L’industrialisation de la région parisienne

A partir de 1880, l’augmentation de la population s’accompagne du développement industriel de la région parisienne.

Après 1871, le territoire des nouveaux arrondissements de Paris n’est pas encore totalement urbanisé. A partir de 1880, de grandes entreprises industrielles s’y développent, en particulier dans le 13e, 15e et 19e arrondissements. Cette poussée de l’industrialisation déborde également des limites de la capitale.

On peut distinguer trois périodes : - 1870-1880 : maintien des industries traditionnelles, gazomètres du Cornillon à Saint-Denis déclin des secteurs anciens comme l’industrie textile (photothèque DREIF) - 1880-1895 : transformation et modernisation de certaines activités comme la chimie ; apparition de Les installations nécessaires à la vie de la capitale la métallurgie, du travail des métaux, de la qui mobilisent de grandes emprises sont implantées construction métallique et mécanique aux limites de la ville soit dans les arrondissements - 1890-1914 : essor de la construction mécanique périphériques soit en banlieue (implantation soumise dans le domaine de l’automobile, de la construction à l’autorisation du préfet de police de Paris par le électrique (moteurs, machines, téléphones), de la décret de 1810). Ce sont les secteurs de la Plaine chimie, de la production d’énergie (dépôts et Saint-Denis, Saint-Ouen, des bords de Seine à Ivry- distillation du pétrole, usines à gaz, centrales Vitry et à Issy-les-Moulineaux qui accueillent thermiques). majoritairement les activités les plus dangereuses, les plus bruyantes, les plus sales, les plus polluantes, celles L’industrie à Paris et dans les communes limitrophes qui rejettent des vapeurs acides chargées de métaux en 1880 lourds ou déversent directement leurs effluents dans « Paris devient un centre industriel de premier les fossés ou caniveaux. ordre et a accumulé autour de ses murs les usines de toute espèce »17. L’industrie à Paris et dans les communes limitrophes en 1895 Plus de 7 300 établissements industriels soumis à autorisation ou déclaration18 sont recensés dans le département de la Seine. Le XIe et les arrondissements extérieurs de Paris accueillent le plus grand nombre d’établissements de classe 2 et 3. Le nombre de grands établissements industriels diminue dans la capitale passant de 489 entreprises de plus de 100 personnes en 1873 à 307 en 1914 ; le quart des grandes entreprises existant à Paris à la fin du second Empire a disparu avant 1900.

Nombre d’établissements de classe 1 en 1880 (DREIF/DUSD/ME/CC)

17 BERARD M., Infection provenant des usines incommodes autres que celles qui exploitent les matières de vidanges Rapport de la sous-commission nommée par M. le ministre de l’agriculture et du commerce en vue de rechercher les causes de l’infection produite dans le département de la Seine, 1880, documentation DREIF. 18 Préfecture de Police de Paris, liste par arrondissement et par commune des établissements classés autorisés dans le département de la Seine, 1895.

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Apparition de nouvelles industries - Enfin l’industrie électrique se développe e e automobile, aéronautique, électricité, considérablement à la fin du XIX et au début du XX siècle. Les établissements de grande taille sont e au début du XX siècle dispersés dans la région parisienne. On en trouve à Paris dans le XVe, à Colombes, à Clichy-sur-Seine, à En 1900 la première voiture de grande série sort des Issy-les-Moulineaux, à Ivry-sur-Seine, à Romainville, usines de Dion-Bouton de Puteaux. La production à Saint-Denis et à Saint-Ouen. automobile française place la France au premier rang mondial cette année là. Un tiers de la production est destiné à l’exportation19. La guerre 1914 - 1918 – conséquences C’est à l’ouest de Paris, le long de la Seine, que sur l’industrialisation de la proche banlieue s’installent les nombreux constructeurs, dans les quartiers en arrière des Champs-Élysées, vitrine de La guerre assure l’accroissement durable du potentiel l’industrie automobile, à proximité d’une clientèle industriel de l’agglomération parisienne. aisée20. Dès l’ouverture des hostilités en août 1914, l’industrie Les premiers clients sont fortunés, aristocrates privée française est appelée, au nom de « l’Union internationaux désireux d’échanger leur attelage sacrée » proclamée par Poincaré à soutenir l’effort contre une automobile. Un véhicule coûte cher à de guerre. La mobilisation industrielle s’appuie sur l’achat car réalisé à l’unité, et cher à l’entretien. C’est l’industrie lourde et les grandes entreprises. L’Etat donc une industrie de luxe où le constructeur est passe commande à des groupes de fabrication souvent un monteur qui assemble des pièces réalisées dominés par les grands industriels. A la tête du groupe par des spécialistes sous-traitants. des industriels de Paris se trouve le Comité des Forges Levallois-Perret est la commune qui accueille le plus et Louis Renault. grand nombre de sites de fabrication, puis Boulogne- L’industrie automobile, chimique, aéronautique, les Billancourt, Puteaux, Neuilly-sur-Seine, , constructions mécaniques, l’appareillage électrique Courbevoie… travaillent pour la Défense nationale. Nombre de ces A la veille de la première guerre mondiale Renault et établissements se reconvertissent dans la fabrication Peugeot se détachent nettement de la concurrence. de munitions, de douilles, d’obus, de grenades et Le nombre de sites de production a progressé dans torpilles, de canons, de tanks, de fil de fer barbelé, de la banlieue ouest qui concentre les 9/10 des sites dont toiles goudronnées… 20% à Levallois-Perret. Renault à Boulogne- Billancourt est devenu le leader français avec 16% La France devient le plus important producteur de part du marché national. d’armes des Alliés : début 1918, environ 1 000 canons sortent par mois des usines d’armement ; 260 000 Tout comme l’automobile, la construction d’avions obus, 3 000 fusils et 6 millions de munitions d’infanterie démarre dans l’ouest parisien. Les grands sortent chaque jour des usines. L’industrie de guerre constructeurs sont : Blériot à Levallois-Perret puis emploie alors 1 600 000 personnes contre 50 000 en Suresnes, Nieuport à Suresnes et Issy-les- 1914. Malgré la proximité du front, l’agglomération Moulineaux, Voisin également à Issy-les-Moulineaux, parisienne devient, grâce à son infrastructure, la Levavasseur à Puteaux, Potez à Courbevoie, Esnault- première région productrice d’armement. Les Pelterie à Boulogne-Billancourt, Ballot- Hispano-Suiza prouesses de l’industrie de guerre s’accompagnent et SPAD à Paris… de la reprise de l’activité dans les autres secteurs pour nourrir et vêtir l’armée, pour faire vivre et Le développement de l’aviation nécessite des terrains. travailler les civils. Le terrain de manœuvre de l’armée d’Issy-les- Les grandes entreprises se développent en superficie Moulineaux devient à partir de 1907 le théâtre d’une et recrutent du personnel. Le développement de série d’essais et d’exploits. Mais il s’avère rapidement l’appareil productif entraîne des créations trop petit pour les performances des avions. Les d’entreprises comme celle de Citroën, quai de Javel constructeurs en créent de nouveaux : Saint-Cyr- à Paris dans le XVe arrondissement en 1915. L’Ecole, Buc, Bois-d’Arcy, Châteaufort, Toussus-le- Boulogne-Billancourt qui comptait une vingtaine Noble, Villacoublay, Satory, , Juvisy... d’usines en 1914 en compte 104 à la fin de la guerre.

19 Répertoire de la Chambre syndicale de l’automobile. 20 LOHR, Évelyne, L’usine et la ville : le cas de l’ouest parisien au XIXe siècle (Chaillot, Bas-Passy, Ternes, Batignolles) - Thèse de l’école nationale des Chartes soutenue en 2002.

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Les transports urbains21 La réalisation la plus spectaculaire dans le domaine des transports publics est l’apparition du métropolitain en 1900. Dès le milieu des années 1840, était née Le transport fluvial de passagers sur la Seine connaît l’idée de relier entre eux les grands réseaux de chemin sa période la plus faste entre 1880 et 1914. Le nombre de fer pour la desserte des halles centrales. Mais annuel de passagers passe de 26 millions à 42 millions immédiatement deux conceptions de ce futur moyen en 1900, à l’occasion de l’Exposition Universelle où de transport s’opposaient : le trafic fluvial atteint son apogée. Puis, avec la - celle de l’État et des grandes compagnies de chemin multiplication des lignes de tramway à traction de fer qui voulaient raccorder les lignes de banlieue, mécanique et l’ouverture des lignes de métro, le en souterrain ou non, par des lignes radiales et une transport fluvial de passagers diminue : 22 millions circulaire, privilégiant ainsi la pénétration des trains en 1902, 16 millions de passagers en 1916. En 1917, de banlieue, comme le premier réseau londonien au le trafic est devenu insignifiant et les bateaux parisiens gabarit des chemins de fer; sont supprimés. - celle de la Ville de Paris qui souhaitait un chemin de fer strictement municipal, intra-muros, avec des Le réseau des tramways à traction animale se stations rapprochées pour une desserte fine des développe dans les années 1880 sous l’égide de quartiers. multiples compagnies concurrentes. La CGO exploite 16 lignes. Les Tramways du Nord et du Sud ont En 1895, la Ville de Paris obtient gain de cause pour chacun en charge 11 lignes. Après des tentatives de la construction d’un réseau purement urbain : l’État motorisations diverses, les motrices électriques concède à la Ville la conception et la maîtrise s’imposent à partir de 1900. d’ouvrage d’un chemin de fer métropolitain municipal, Au début du XXe siècle 118 lignes de tramways sont ne dépassant pas les portes de Paris, classé d’intérêt exploitées par de nombreuses compagnies22. En local et non plus général. dehors de Paris, quelques villes de banlieue disposent Le 30 mars 1898 est promulguée la loi déclarant de leur réseau de tramway comme Versailles, d’utilité publique la réalisation dans Paris d’un réseau Montmorency, Villiers-le-Bel, Fontainebleau, Melun... de six lignes de chemin de fer à voie normale. Par Après la période d’euphorie des années 1900 qui avait contre, les souterrains ont un gabarit réduit pour vu se multiplier les entreprises de transport, de empêcher la circulation éventuelle des trains des nombreuses sociétés éprouvent des difficultés compagnies de chemin de fer. financières quelques années plus tard. En 1910, la Le 19 juillet 1900, la ligne n°1 est mise en service région parisienne est encore desservie par une dans une certaine discrétion. Les ouvertures des quinzaine de compagnies de tramways dont les deux autres lignes se succèdent… pour créer un réseau plus importantes sont la CGO et la compagnie des important dès 1913. tramways de Paris et du département de la Seine (TPDS).

Paris va connaître d’importants travaux de voirie avec l’électrification des lignes de tramways, des voies à double sens.

Les réseaux d’omnibus hippomobiles évoluent et augmentent leur capacité. En 1902 la Compagnie Générale des Omnibus (CGO) dispose d’un réseau de 42 lignes. Puis, à partir de 1906, les voitures à traction animale sont remplacées par des omnibus automobiles ; le succès est immédiat. Plus de 1 000 autobus sont mis en exploitation entre 1910 et 1914.

21 ROBERT, Jean, Les transports dans les villes de France, c.a., 1974 et GAILLARD, Marc, Du Madeleine-Bastille à Météor, histoire des transports parisiens, éd. Martelle, 1991. 22 la CGO (34 lignes), la Cie des Tramways de l’Est Parisien (13 lignes), la Cie des tramways de Paris et du Département de la Seine (21 lignes), la Cie Générale des Tramways (13 lignes), la Cie des Tramways Mécaniques des Environs de Paris (6 lignes), la Cie des Chemins de Fer Nogentais (9 lignes), la Cie Electrique des Tramways Rive Gauche de Paris (2 lignes), la Cie des Tramways de l’Ouest Parisien (5 lignes), la Cie des Tramways électriques Nord Parisiens (2 lignes), la Cie du Chemin de Fer du Bois de Boulogne (1 ligne), la Cie du Chemin de Fer sur Route de Paris à Arpajon (1 ligne), le funiculaire de Belleville.

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Le chemin de fer

Le réseau de chemin de fer se modernise, les gares Après la défaite de 1870, il apparaît urgent de créer parisiennes sont agrandies, comme celle de hors de l’enceinte de Paris un chemin de fer Montparnasse en juillet 1900 pour recevoir les trains permettant d’éviter le transit par les gares intérieures Paris Bordeaux. On quadruple les voies entre Paris pour des besoins tant civils que militaires. Les liaisons et Clamart et on supprime des passages à niveau en entre les réseaux autour de Paris sont stratégiques. 1903. Le terminus des lignes de la Compagnie des La ligne est construite en arrière des nouveaux forts Chemins de fer d’Orléans est reporté à la gare dont le parlement a voté en 1874 les crédits d’Orsay pour l’exposition Universelle, le 14 juillet nécessaires pour réaliser cette série d’ouvrages23. 1900. La Grande Ceinture est réalisée de 1877 à 1883 et De nouvelles lignes ou raccordement voient le jour : complétée en 1886 par une ligne dite « stratégique » lignes du Champs de Mars, Courcelles – Passy – de Villeneuve-Saint-Georges à Massy- par Champs de Mars, Issy-les-Moulineaux – Viroflay, . Puteaux – Issy-les-Moulineaux...

La grande ceinture (DREIF/DUSD/ME/CC)

23 FOURNIER, Pierre, Rapport entre fortifications et chemins de fer en Ile-de-France, fortifications et patrimoine militaire en Ile-de- France – mémoire, obsolescence, conservation, réutilisation ? in Cahiers du CRESPIF (Centre de Recherches et d’Etudes sur Paris et l’Ile-de-France) n°48, septembre 1994.

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DREIF, Claude COTTOUR, septembre 2008 Une brève histoire de l'aménagement de Paris et sa région Le Grand Paris à l’échelle du département de la Seine 1910 – 1919 – Premiers projets d’un Grand Paris à l’échelle du département de la Seine

En France, dès la fin du XIXe siècle, des personnalités les conditions d’un concours pour dresser le plan d’appartenances politiques diverses se retrouvent au d’extension de Paris et des communes limitrophes. sein du Musée social, créé en 1894 par le Comte de La création de cette commission, créée par arrêté du Chambrun pour militer en faveur de la diffusion de 26 juin 1911, marque un début de volonté de déborder l’hygiène et du progrès social en particulier vers les du cadre strictement parisien et d’intégrer notamment classes populaires. Se situant au carrefour du privé la question des transports. « On commence à et du public, le Musée social fait pression pour le comprendre en effet que Paris et sa banlieue ont déclassement des fortifications de Paris pour y créer les mêmes intérêts au point de vue de la circulation, des espaces verts. Son président, Jules Siegfried, est de l’hygiène, de l’esthétique »26. un ardent militant auprès des parlementaires d’un Les travaux de cette commission sont stoppés par la aménagement rationnel des agglomérations urbaines. première guerre mondiale. La ville, symbole de la concentration ouvrière est considérée comme source d’insalubrité et d’épidémies Dès la fin de celle-ci, la loi du 14 mars 1919 (dite comme la tuberculose. Comme son expansion est Cornudet) qui reprend nombre de propositions du inéluctable, il est nécessaire de rationaliser les espaces Musée social, impose aux villes de plus de 10 000 urbains et de contrôler la densité humaine. Nombre habitants de se doter d’un plan de développement d’architectes, qui ont appartenu à ce mouvement, se urbain à long terme. regroupent en 1913 au sein de la Société française Le 23 avril 1919, M. Autrand, préfet de la Seine, crée des architectes urbanistes24. la direction de l’extension de Paris. A la même époque les conseils municipaux et le conseil général Les premières expériences d’un aménagement des du département de la Seine créent un bureau d’études villes viennent de l’étranger : « C’est aux environs de l’extension qui se voit confier l’élaboration des de 1910 que se manifestent les premières projets de plans d’aménagement et d’extension pour tendances à élaborer une politique de l’extension. toutes les collectivités de ce département qui en Le mot, comme la chose, sont dans l’air et expriment le désir. préoccupent les congrès d’urbanistes et Un concours est lancé auprès d’architectes pour la d’hygiénistes. A l’étranger, en Allemagne, en définition de ce plan sur la région parisienne en leur Suisse, dans les pays scandinaves, l’aménagement demandant d’intégrer les communes du département raisonné des villes est en faveur, et partout il n’est de la Seine, et même, s’ils le jugent nécessaire, des question que de répartition par zones, de parties des départements voisins. Ce concours règlements gradués ou différentiels. L’Angleterre comporte trois sections : vient d’adopter « the housing town planning act » - les projets d’aménagement d’ensemble de la région en 1909 et la première expérience de cité-jardins, parisienne, celle de Letchworth, vient d’être réalisée »25. - les projets portant sur l’aménagement des fortifications Le 31 décembre 1910, le conseil municipal de Paris - les projets ponctuels hors de Paris invite le préfet de la Seine à constituer une « commission d’extension de Paris » composée de Le lauréat de la première section, Léon Jaussely27, membres du conseil municipal, d’architectes, Grand prix de Rome en collaboration avec Roger- d’ingénieurs et de fonctionnaires, chargée d’élaborer Henri Expert et Louis Sollier, propose d’assurer les

24 CHAMBELLAND, Colette, Le Musée social et son temps, Paris PENS, 1998. 25 LATOUR, François, L’aménagement du Grand Paris – Où en sommes nous ? Etude documentaire, (1934). M. Latour (1886 – 1963) est élu du quartier Montparnasse de 1919 à 1941, républicain de gauche, avocat à la cour d’appel de Paris, il apparaît comme le théoricien du projet urbain du Grand Paris, auteur d’une note avec un autre élu Georges Delavenne sur l’état actuel du programme d’extension de Paris en 1924. 26 LATOUR, Op.cit. 25. 27 Léon Jaussely (1875 – 1932), Grand Prix de Rome en 1903, premier prix du concours internationnal pour l’agrandissement de l’agglomération de Barcelone, a réalisé les plans de Carcassonne, Pau, Vittel, Tarbes, Grenoble, Toulouse.

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DREIF, Claude COTTOUR, septembre 2008 Une brève histoire de l'aménagement de Paris et sa région Le Grand Paris à l’échelle du département de la Seine migrations quotidiennes par l’extension du réseau également dans le programme du concours de 1919. ferré et celles des pondéreux par des canaux. Il L’avenir de ces immenses emprises mal utilisées entre suggère la construction d’une série d’autoroutes Paris et la banlieue constitue un enjeu très important paysagées et le transfert en banlieue de grands pour une nouvelle extension de Paris établissements, tels la faculté des Sciences ou les Halles. Pionnier du « zoning », son agglomération Dix ans après le siège de 1870 – 1871, le républicain idéale comprend un centre désencombré rendu aux Martin Nadaud dépose à la Chambre une motion affaires, tandis qu’un réseau de transports rapides demandant la désaffection de l’enceinte fortifiée de permet d’éloigner à la périphérie les quartiers Paris : « la grande ville étouffe dans sa camisole industriels et d’habitation afin de répondre aux de force, et retarder plus longtemps le remblai de objectifs de fonctionnalisme, d’hygiène et ce fossé devenu deux fois inutile depuis la d’esthétisme. construction d’une seconde ligne de défense, c’est méconnaître les intérêts de la capitale et sacrifier Il faut noter que dans le cadre de la section portant ceux de sa vaillante et laborieuse population »29 . sur les projets ponctuels hors Paris, plusieurs équipes d’architectes proposent la création de véritables villes Les motions et projets demandant ce déclassement nouvelles dont une sur le plateau des Lilas - se succèdent durant de nombreuses années, butant Romainville et surtout une autre28 au sud-ouest de soit sur les projets des militaires, soit sur l’estimation l’agglomération (Le Plessis-Robinson, Châtenay- du coût des terrains appartenant à l’Etat. Ce n’est Malabry, Vélizy-Villacoublay). finalement que le 19 avril 1919 qu’est votée la loi sur La question du déclassement des fortifications et de le déclassement, quelques semaines après la loi l’aménagement des terrains entourant Paris figure Cornudet.

Projet Jaussely

28 Projet présenté par MM. De Rutté, Bassompierre, Sirvin, Payret Dortail. 29 NADAUD, Martin, proposition de loi (1882) extrait cité dans l’ouvrage de Jean-Louis COHEN et André LORTHIE, Des fortifs au périf, éd. Picard, 1992 publié à l’occasion de l’exposition « les seuils de la ville, Paris, des fortifs au périf ».

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DREIF, Claude COTTOUR, septembre 2008 Une brève histoire de l'aménagement de Paris et sa région Le Grand Paris à l’échelle du département de la Seine Période 1920 – 1939 :

Le Comité supérieur de l’aménagement et de l’organisation générale de la région parisienne (CSAORP)

Avec 2,9 millions d’habitants, la population de Paris organiser la région parisienne, à instituer dans atteint son point culminant en 1929. En 1936, la cette région, il faut oser le dire, un régime population de la région parisienne s’élève à 6,8 millions d’exception. Il faut tout d’abord définir, tracer d’habitants dont 4,963 millions pour les 81 communes autour de Paris une ligne à l’intérieur de laquelle du département de la Seine. certaines choses, permises ailleurs seront L’afflux considérable de population entre 1920 et 1930 interdites. dans la région parisienne se traduit par une C’est ensuite seulement que vous pourrez aborder densification de la zone centrale avec des problèmes les taches constructives. Vous aurez d’autant plus d’insalubrité, du développement de foyers de maladies d’autorité pour le faire que, dès le principe, vous mortelles comme la tuberculose. aurez pris plus nettement position contre cet excès Aux alentours de Paris, des lotissements de maisons de liberté qui, dans une vaste agglomération individuelles se bâtissent au hasard de vastes parcelles comme la notre, conduit toujours au désordre. découpées en lots sans équipement, sans voirie Vous tracerez à ce désordre de légitimes adaptées, sans raccordement aux égouts, sans barrières ». branchement à l’eau potable, à l’électricité, au gaz. Le CSAORP, dont les bureaux sont au ministère de l’intérieur, ne dispose pas d’agence de travail ni de Organisation administrative crédits d’études. Sous la présidence de Louis de la région parisienne Dausset, il organise son travail en 5 sections. La centralisation des études de plans se fait sous la La loi du 19 juillet 1924 institue une commission direction d’Henri Chardon, président de section au d’aménagement de l’extension du département de la conseil d’Etat auquel se sont joints Henri Prost et Seine qui, par l’action d’un bureau d’études Raoul Dautry, directeur des Chemins de fer de l’Etat. départemental, doit coordonner les projets Des vastes locaux sont ainsi mis à disposition d’Henri communaux d’aménagement, d’embellissement et Prost à la gare Saint-Lazare. C’est aussi au personnel d’extension des territoires situés dans le département. du service des chemins de fer de l’Etat qu’est confiée la mission de reporter les nouveaux lotissements sur Devant l’ampleur de la tâche pour coordonner des les cartes d’état-major, tâche qui durera 2 ans, mettant actions débordant de plus en plus le cadre en évidence la disparition de massifs forestier comme départemental, la nécessité d’un organisme central celui de la forêt de Bondy. s’impose. Aussi, en 1928, le gouvernement Poincaré crée le comité supérieur de l’aménagement et de Jusqu’en 1932, le régime du département de la Seine l’organisation générale de la région parisienne n’est pas modifié mis à part le mode de nomination (CSAORP) dont les travaux aboutissent à la loi du des conseillers. Mais de nombreux projets vont tenter 14 mai 1932 prescrivant l’élaboration d’un projet de réorganiser le département de la Seine d’aménagement régional. conformément au droit commun. Certains tendent à doter le département de la Seine d’une organisation Pour la première fois les notions d’agglomération et particulière comme celui d’Henri Sellier30 : « Pour de région s’imposent. [Henri Sellier], il ne paraît exister aucun Les objectifs du CSAORP sont fixés par le ministre organisme pour gérer les problèmes relatifs aux de l’intérieur Albert Sarrault : « Vous avez à intérêts généraux de l’immense agglomération que

30 LINDET, Robert, Henri Sellier et la question urbaine, éd. du Linteau, 1998 : Henri Sellier maire de Suresnes s’est spécialisé dans les questions urbaines dans le sillage d’Albert Thomas qui a rédigé en 1920 une brochure sur « Les banlieues urbaines et la réorganisation administrative du département de la Seine » dans “ Les documents du socialisme”.

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DREIF, Claude COTTOUR, septembre 2008 Une brève histoire de l'aménagement de Paris et sa région Le Grand Paris à l’échelle du département de la Seine renferme le département de la Seine. Il y a, en Maintenant la commune et le département comme effet, considère-t-il, pour cette agglomération, unités administratives fondamentales, la première deux catégories de problèmes nettement distincts : pour les questions plus étroitement locales, la les uns qui ont un caractère purement local et seconde pour les intérêts généraux, il estimait que n’intéressent que les habitants d’une zone l’agglomération parisienne toute entière devrait déterminée, les autres qui ont, au contraire, une être gérée comme l’est un département et que les portée générale, intéressent non seulement une limites du Département de la Seine devraient, au commune déterminée, non seulement Paris ou non fur et à mesure de l’évolution du Grand Paris, seulement la Banlieue, mais aussi l’agglomération être progressivement confondues avec les siennes ; toute entière et à la solution desquels est liée la en même temps, le régime communal de droit prospérité de toutes les parties de cette commun serait étendu à la Ville de Paris dont agglomération [...] chacun des arrondissements constituerait une unité municipale particulière »31.

Le CSAORP

Le comité est constitué de la manière suivante : les maires des communes du département de Seine- 1° Six sénateurs élus par le sénat, six députés élus et-Marne comprises dans la région parisienne, telle par la chambre des députés, le vice-président du qu’elle est définie à l’article 2, et élus par le conseil conseil d’Etat et quatre conseillers d’Etat en service général de Seine-et-Marne, sur l’initiative du préfet ; ordinaire nommés par le ministre de l’intérieur ; Un maire, non conseiller général, pris parmi les maires 2° Les préfets des départements de Seine, Seine- des communes du département de l’Oise comprises et-Oise, Seine-et-Marne et Oise ou leurs dans la région parisienne, telle qu’elle est définie à représentants l’article 2, et élus par le conseil général de l’Oise, 3° Quatorze conseillers généraux élus pour la durée sur l’initiative du préfet ; de leur mandat, respectivement : sept par le conseil Quarante membres, nommés pour trois ans par le général de la Seine, quatre par le conseil général de ministre de l’intérieur, parmi les juristes, Seine-et-Oise, deux par le conseil général de Seine- fonctionnaires, urbanistes, techniciens et autres et-Marne et un par le conseil général de l’Oise. personnalités particulièrement qualifiées. Trois au moins des conseillers généraux de la Seine devront représenter des cantons suburbains : ceux Font en outre, partie du comité, le préfet de la Seine des autres départements doivent être désignés parmi et un certain nombre de hauts fonctionnaires relevant les cantons compris dans la région parisienne telle de son autorité, le directeur général des transports, qu’elle est définie à l’article 2 ; de l’extension et de l’Inspection générale, le directeur 4° Quatorze représentants des communes général des travaux de Paris, le directeur des intéressées désignés pour la durée de leur mandat, finances, le directeur du contrôle central, l’ingénieur dans les conditions ci après : en chef des Ponts et Chaussées du département de Trois membres désignés par le conseil municipal de la Seine Paris ; quatre maires, non conseillers généraux, pris parmi des communes du département de la Seine et Le comité supérieur comprend, de plus, des élus par le conseil général de la Seine, sur l’initiative rapporteurs et des conseillers techniques nommés du préfet ; par le ministre. Quatre maires, non conseillers généraux, pris parmi Le président est nommé par décret. les maires des communes du département de Seine- et-Oise comprises dans la région parisienne, telle Le CSAORP prépare la loi et le concours qui ouvrent qu’elle est définie à l’article 2, et élus par le conseil la voie à l’élaboration du plan d’aménagement de la général de Seine-et-Oise, sur l’initiative du préfet ; région parisienne. Deux maires, non conseillers généraux, pris parmi

31 Préfecture de la Seine, Préfecture de Police d’après Maurice FELIX, Le régime administratif et financier de la ville de Paris et du département de la Seine, la Documentation française, Evolution de l’agglomération parisienne – 1957, Histoire des administrations parisiennes, tome 1, documentation DREIF 5093.1 - citant le livre d’Henri Sellier Les banlieues urbaine et la réorganisation administrative du Département de la Seine, 1920.

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André Morizet, maire socialiste de Boulogne- Après les élections municipales de 1935 sur les 80 Billancourt, développe une conception proche de celle communes du département de la Seine hors Paris, 26 de son ami Henri Sellier dans son livre paru en 1932 sont dirigées par un maire communiste. « Du vieux Paris au Paris moderne » : il estime Quelques semaines après les élections municipales, « que les villes de l’agglomération parisienne sont 25 conseillers communistes sur les 50 de banlieue mal placées pour connaître des questions qui sont élus au conseil général de la Seine. intéressent la collectivité entière et qu’il convient Aux élections législatives de 1936, 32 députés de donner au département la gestion des intérêts communistes sont élus dans le département de la communs, laissant à la commune le soin des Seine tandis que le communiste Georges Marrane, intérêts locaux ». Il est également partisan de maire d’Ivry est élu président du conseil général de supprimer le conseil municipal de Paris « qui répond la Seine le 1er juillet 1936. mal aux besoins de la ville et dont le conseil général grignote lentement toutes les attributions ». Il propose de diviser Paris en 20 Le logement communes distinctes pour que disparaisse la « ville Mammouth » face aux 80 communes suburbaines de On peut estimer à plusieurs centaines de milliers, la la Seine. Il souhaite également renforcer l’autorité population des mal logis dans la région parisienne. En du préfet de la Seine dans l’intérêt de l’aménagement 1936 l’Echo du Grand Paris rapporte que « dans les 32 de l’agglomération . IIe, IVe, Ve arrondissements de Paris, il y a des Suite aux propositions d’André Morizet et d’Henri maisons qui abritent près de 100 personnes en Sellier, le gouvernement du Front populaire signe un 20 chambres ; 10 000 familles de la capitale ayant décret le 7 septembre 1936 qui modifie l’organisation 3 enfants n’ont pour tout logement qu’une seule administrative du CSAORP, ramenant le nombre de pièce »34. conseillers de 91 membres à 46. Mais cette modification reste bien modeste, car le Gouvernement Un centre de Paris insalubre n’accorde pas plus d’autonomie à ce comité. De 1894 à 1904, les employés du Service du casier sanitaire des maisons de Paris, au sein du Bureau de La ceinture rouge l’assainissement de l’habitation de la préfecture de la Seine visitent toutes les maisons de Paris, décri- Le pouvoir municipal s’affirme, s’oppose ou négocie vent les conditions sanitaires et notent les décès sur- avec le pouvoir des préfets. L’union des conseillers venus par maladies contagieuses. municipaux socialistes de la Seine est fondée en 1919. Les maires modérés s’organisent au lendemain du Ce travail d’enquête aboutit à la délimitation de six Front populaire dans une « Entente des municipalités îlots de maisons insalubres, où la mortalité par tuber- républicaines ». culose dépasse de près du double la moyenne pari- sienne. Face aux revendications de leurs nombreux En 1918, la poursuite de l’enquête aboutit à déclarer administrés, aux scandales des lotissements insalubre une maison qui a connu dix décès par tu- défectueux, aux industriels peu soucieux du bien-être berculose depuis 1894 et à dresser un plan de dix- du voisinage de leurs établissements, le maire et ses sept îlots, où la proportion des maisons infectées est services municipaux se mobilisent fortement pour particulièrement importante. On y retrouve les 6 déjà apporter leur soutien aux plus démunis. repérés dans le premier recensement.

La ceinture rouge autour de Paris annoncée par Paul Ce plan des dix-sept îlots insalubres dicte l’action Vaillant-Couturier dans l’Humanité du 13 mai 1924 à future des transformations urbaines de la capitale la suite du premier tour des élections législatives se pendant tout le XXe siècle même si les travaux de dessine. « C’est autour de Paris une large tache rénovation furent lents en raison des coûts et de la rouge qui s’étend… Paris, capitale du capitalisme, difficulté des procédures d’expropriation. est encerclée par un prolétariat qui prend conscience de sa force »33.

32 MORIZET, André, Du vieux Paris au Paris moderne, Haussmann et ses prédécesseurs, éd. Hachette, 1932. 33 L’Humanité du 13 mai 1924. 34 L’Echo du Grand Paris n°68 du 16 février 1936.

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Les habitations à bon marché (HBM) juillet 1930 destinés pour partie à assurer le relogement des locataires d’immeubles expropriés, en vue de Depuis la loi Strauss de 1906, les communes et les l’exécution des opérations de rénovation. départements sont autorisés à employer leurs ressources propres en prêts, obligations et actions qui « Ainsi une ville est née aux portes de Paris, sont ensuite offertes aux HBM. Ils peuvent aussi faire qu’encerclait autrefois une muraille grise et sans des dons sous forme de terrain. Les HBM deviennent vie, coupée seulement de portes étroites et peu obligatoires dans chaque département. accueillantes... Une ville est née qui fait à la Avec la loi Bonnevay de 1912, « les pouvoirs publics capitale un vivant anneau de constructions et de ont non seulement le droit mais le devoir verdure, car l’on a prévu largement les espaces d’intervenir résolument ». Cette loi prévoit la création libres […] d’offices publics communaux et départementaux A la périphérie des arrondissements du nord, de d’HBM. l’est, du sud-est, du sud, du sud-ouest, des groupes imposants d’habitations à bon marché, du type En décembre 1912, au terme d’une convention entre ordinaire ou du type dit « amélioré », d’immeubles l’Etat et la Ville de Paris, la propriété des terrains des à loyers moyens ont été édifiés. Les espaces libres fortifications est cédée pour 100 millions de francs à projetés ne sont pas encore, pour beaucoup, la Ville de Paris. Cette convention est approuvée par aménagés ; cependant plusieurs squares sont une loi du 19 avril 1919. La surface concédée est de ouverts aux habitants. Citons : un square dans le 444 hectares, la loi prévoit que 60 hectares soient XXe arrondissement, à la porte de Bagnolet ; le réservés à la construction d’habitations à bon marché square Marcel Sembat, et le square d’Alsace, dans et d’immeubles à loyers modérés. le XVIIIe arrondissement ; deux squares en bordure du boulevard Lefèbvre, dans le XVe En 1924, commence la démolition de l’enceinte. La arrondissement ; un square en bordure du crise du logement qui commence à sévir rend boulevard Masséna, dans le XIIIe arrondissement nécessaire la construction d’immeubles d’habitation etc. par les soins de la Ville ou d’organismes substitués à C’est à l’ouest que l’œuvre réalisée est elle mais agissant sous son contrôle. La loi du 13 juillet particulièrement frappante et qu’elle apparaît 1928 oblige Paris à intensifier son effort de comme particulièrement heureuse, car elle a construction. Faute de terrains disponibles à l’intérieur permis de préserver et même d’accroître elle porte son effort sur les terrains des anciennes l’élégance de certains quartiers qui comptent fortifications. Un programme de 20 000 logements parmi les plus beaux »35. est décidé par délibération du conseil municipal le 7

Les HBM au sud de Paris dans les années 1980 (photothèque DREIF)

35 LATOUR, op.cit. 25 p.36.

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Les cités jardins

Les cités jardins sont des lotissements intégrant des habitations généralement à usage social et la voirie à des espaces verts publics ou privés. La construction de cités-jardins est réalisée au Plessis- Robinson, Châtenay-Malabry, Arcueil, Gennevilliers, Suresnes.... L’importance quantitative de ces cités- jardins en région d’Ile-de-France est relativement réduite (environ 25 000 logements sur plus de 4 millions), mais leur importance historique est considérable : d’abord par l’idéologie du mouvement des cités-jardins qui apparaît en France dès 1903 avec cité jardin de la Butte Rouge à Chatenay-Malabry la fondation de l’Association des Cités-Jardins sous (photothèque DREIF) le parrainage du Musée social ; ensuite indirectement 1920 à 193938, d’une centaine à plusieurs milliers de par les développements ultérieurs sur l’urbanisation. logements situées à quelques kilomètres de Paris

Les réalisations de l’Office Public d’HBM Les programmes et l’architecture subissent une nette de la Seine évolution de 1920 à 1939 : les premières cités, relativement petites, composées en majeure partie Le principal promoteur des cités-jardins en région d’habitats individuels et directement inspirées des d’Ile-de-France est l’Office Public d’HBM de la cités-jardins anglaises (, Arcueil, Les Lilas, Seine, créé en 1916 par Henri Sellier36. Personnalité Gennevilliers) cèdent la place à des cités composées « reconnue » dans le domaine de l’urbanisme parisien en majorité d’habitats collectifs comprenant un vaste Henri Sellier prend fait et cause pour l’amélioration programme d’équipements, et où se fait sentir de l’habitat des populations défavorisées37. L’Office l’influence du mouvement moderne (Le Plessis- lance dès la fin de la Première Guerre une grande Robinson, Le Pré-Saint-Gervais, Champigny). politique d’acquisition foncière, et réalise 15 cités de Ces cités, dont certaines sont terminées après 1945, et dont d’autres sont aujourd’hui totalement ou partiellement détruites, jouent un rôle de modèle vis- à-vis des autres maîtres d’ouvrage.

Les réalisations de l’office public d’HBM de la Seine-et-Oise

L’office public d’HBM de la Seine-et-Oise a réalisé quant à lui une trentaine de cités, dispersées dans toute la région. Elles présentent une organisation urbaine plus rudimentaire, inspirée des cités-jardins anglaises, et avec une moins grande recherche architecturale. Les cités sont dispersées dans toute la région parisienne : , Arpajon, Athis-Mons, Beauchamp, Beaumont-sur-Oise, Bernes-sur-Oise, Le Blanc-Mesnil, Chatou, Etampes, La Ferté-Alais, cité jardin du Plessis-Robinson dans les années 1980 Le Chesnay, Goussainville, Livry-Gargan, Montgeron, (photothèque DREIF)

36 Henri Sellier (1883 - 1943) maire de Suresnes de 1919 à 1941 ; sénateur de la Seine de 1927 à 1940 ; Président du Conseil général de la Seine en 1937 ; Ministre de la Santé Publique dans le gouvernement de Front Populaire entre 1936 – 1937 ; créateur et administrateur de l’Office d’habitations à bon marché de la Seine de 1914 à 1942, professeur à l’Institut d’urbanisme de l’Université de Paris. 37 En 1921, Henri Sellier publie la crise du logement et l’intervention publique en matière d’habitat populaire, puis devient le fondateur de l’Association Française pour l’urbanisme. Il a également publié Les banlieues urbaines et la réorganisation administrative du Département de la Seine. 38 Arcueil, Cachan, Châtenay-Malabry, Le Plessis-Robinson, Suresnes, Nanterre, Gennevilliers, Stains, , Drancy, Les Lilas, Le Pré-Saint-Gervais, Champigny-sur-Marne, Bagnolet.

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Neuilly-sur-Marne, , Pontoise, Rambouillet, obligatoire pendant la durée du prêt. Les salariés Saint-Germain-en-Laye, , Versailles. peuvent trouver l’argent nécessaire pour devenir propriétaire. Cela intéresse tout particulièrement les Divers maîtres d’ouvrages publics ou privés réalisent provinciaux transplantés souvent habitués à vivre aussi des cités jardins de toutes tailles selon divers dans une maison individuelle, même modeste et qui modèles d’urbanisation : s’adaptent mal aux étroits logements parisiens ou - sociétés coopératives ou anonymes d’HBM (Vitry- qui éprouvent des difficultés pour trouver un toit. sur-Seine, Orly), - compagnies de chemins de fer (Mitry-Mory, « Ce n’est plus seulement la cherté des loyers qui Trappes, Montgeron, Villeneuve-Saint-Georges), pousse les travailleurs à chercher en banlieue le - compagnies industrielles (Créteil, Epinay-sur- coin de terre où ils pourront édifier leur modeste Seine, Vélizy-Villacoublay). demeure : c’est surtout la crise du logement, qui ne laisse aux nouveaux venus aucun espoir de se Le premier « grand ensemble » fixer dans la capitale. C’est encore la loi de huit heures, l’institution de la semaine anglaise, qui, C’est en 1935, qu’apparaît l’expression grand en leur laissant à la belle saison de longues ensemble dans un numéro d’Architecture heures de loisir, les incite à louer ou à acheter à d’aujourd’hui39 consacrée à la cité de la Muette à tempérament un petit carré de terrain, dont la Drancy des architectes Marcel Lods et Eugène culture leur sera un délassement à la fois Beaudouin. Les bâtiments sont réalisés entre 1933 agréable et utile, en attendant qu’ils puissent y et 1935 en ayant recours d’une façon intensive à la faire construire la maison de leurs rêves. D’où le préfabrication d’éléments standardisés pour réduire foisonnement des lotissements et des constructions les coûts de construction calamiteuses, établies sans ordre, sans viabilité L’objectif est de construire à bon marché des préalable, au hasard d’une publicité agressive et habitations, bien ordonnancées, regroupées tentatrice »41. ensembles en réaction aux lotissements pavillonnaires car « la liberté individuelle a conduit au taudis ». Entre 1920 et 1930, plus de 15 000 ha sont ainsi L’ensemble des immeubles collectifs sociaux urbanisés par des lotissements (alors qu’entre 1850 construits à cette période représente environ 85 000 et 1914 seulement 3 000 ha avaient été lotis) sur des logements alors que l’on peut évaluer à 250 000 terrains à bon marché, situés parfois très loin en logements les constructions réalisées à cette époque banlieue, au hasard des grandes propriétés découpées en lotissements. Les locataires de ces immeubles en lots. sociaux, moins de un million en 1939, sont « des ouvriers et employés laborieux, rangés, économes Les conditions de vie ainsi créées pour les «mal-lotis» et capables de payer un loyer ou les mensualités sont tellement catastrophiques, que le Parlement est d’accession à la propriété »40. conduit entre 1924 et 1945 à prendre sous la pression de l’opinion publique des dispositions législatives et financières importantes pour chercher à y remédier. Les lotissements pavillonnaires La loi Cornudet de juillet 1924 impose aux lotisseurs de réaliser les travaux de viabilité et d’assainissement A partir de 1908, des pavillons modestes commencent préalables. Mais la crise est trop forte et l’article 12 à s’édifier sur des terrains lotis par des personnes de cette loi permet aux préfets d’autoriser les ventes, peu fortunées qui en deviennent propriétaires grâce locations ou constructions avant la réalisation des à la loi Ribot du 24 août 1908. Cette loi permet travaux prévus aux projets sous «la garantie certaine d’emprunter au faible taux de 3,5% la majeure partie de leur exécution», garantie illusoire bien sûr! Les de l’argent nécessaire à la construction d’une maison travaux ne seront pas exécutés. De plus cette loi ne destinée au logement personnel de l’emprunteur et règle pas le sort des lotissements déjà existants. de sa famille. Les prêts sont remboursables par annuités constantes à peine plus onéreuses qu’un La loi du 15 mars 1928, dite loi Sarrault, sur loyer, garantis pour la femme et les enfants en cas l’aménagement des lotissements défectueux permet de décès du chef de famille par une assurance vie aux associations syndicales de ces lotissements

39 ROTIVAL, Maurice, Les grands ensembles, in Architecture d’aujourd’hui, juin 1935. 40 GUERRAND, Roger-Henri, Le temps des mal-lotis et des zoniers, revue Urbanisme, mars avril 1996. 41 LATOUR, op.cit 25 p.36.

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lotissement pavillonnaire au Blanc-Mesnil (photothèque DREIF) d’assurer l’exécution des travaux nécessaires pour construites, baraques en planches, hangars où donner à leurs habitants les mêmes conditions de s’amalgament tant bien que mal les matériaux les vie que ceux des lotissements plus récents en plus imprévus, domaine des pauvres hères que viabilisant les voies et en construisant ballottent les remous d’une vie sans discipline, l’assainissement. Les associations syndicales des voilà la banlieue ! Sa laideur et sa tristesse sont lotissements antérieurs à juillet 1924 peuvent la honte de la ville qui l’entoure. Sa misère qui contracter des emprunts et obtenir des subventions oblige à gaspiller les deniers publics sans le (entre 33 à 50% du coût des travaux). contrepoids de ressources fiscales suffisantes, est La constitution des associations syndicales est une charge écrasante pour la collectivité. Les difficile car les propriétaires des terrains se sont déjà banlieues sont l’antichambre sordide des villes »42. endettés pour construire leur maison. De plus comment réaliser l’égout alors qu’il n’existe pas de canalisation communale ou départementale. La Les transports commune n’accepte de classer une voie privée même si cette voie est l’épine dorsale d’un La STCRP (société de transports en commun lotissement que lorsque les travaux ont été réalisés. en région parisienne) Elle ne veut pas se substituer aux riverains. Ces dispositions expliquent la rancœur et le A la fin de la guerre 1914 – 1918, les compagnies de mécontentement des mal-lotis qui ont été souvent transports en commun de surface par concession de dupés par un lotisseur connaissant les failles de la la Ville de Paris et du Département sont en très grande législation. Ainsi des terrains à usage de jardins sans difficulté financière. Le 1er janvier 1921, le viabilité sont vendus à des personnes qui souhaitent Département de la Seine fusionne 6 réseaux de quand même y construire leur maison. Mais dans ce surface43 pour créer la STCRP qui obtient la cas la responsabilité du lotisseur est complètement concession du réseau de transport de surface pour dégagée. 30 ans. Dans les années qui suivent la STCRP absorbe de nouveaux réseaux et fait de la Cette affaire de lotissements défectueux va concurrence au métro dans Paris44 et aux trains en stigmatiser la banlieue en général et lui donner une banlieue. image négative pas toujours objective. « Les Les quartiers périphériques sont desservis par les banlieues ne sont souvent qu’une agglomération tramways dont le réseau assure un bon service. Mais de baraques où la viabilité indispensable est l’augmentation de la densité de population et des difficilement rentable. Maisonnettes mal migrations domicile-travail, nécessitent l’extension

42 Le CORBUSIER, La Charte d’Athènes, proposition.22. 43 - CGO : Cie Générale des Omnibus, - TPDS : Cie des Tramways de Paris et du Département de la Seine, - CGPT : Cie Parisienne de Tramways, - EP : Cie de Tramways de l’Est Parisien, - SFN : Cie de Chemin de fer Nogentais, - RG : Cie électrique des tramways de la Rive Gauche. 44 La STCRP et la CM (Compagnie du Métropolitain) fusionneront après-guerre pour donner naissance à la RATP.

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DREIF, Claude COTTOUR, septembre 2008 Une brève histoire de l'aménagement de Paris et sa région Le Grand Paris à l’échelle du département de la Seine d’un réseau ferré lourd, en particulier dans la petite Un seizième prolongement est envisagé de la porte couronne. Des projets de lignes de tramways en site d’Auteuil au pont de Saint-Cloud. propre sont élaborés par la STCRP, qui ne voient jamais le jour. La nécessité d’instaurer une autorité organisatrice en région parisienne apparaît dès les années 30. Un La fin des tramways45 décret-loi du 12 novembre 1938 instaure le comité Quelques années plus tard, les tramways rendus des transports parisiens, au sein duquel les responsables des encombrements du centre de la représentants de l’Etat sont majoritaires. Le 31 août capitale, sont progressivement supprimés et remplacés 1937 est signé le décret-loi approuvant la convention par des autobus. Dans son rapport soumis le 28 concernant la constitution de la SNCF avec le statut novembre 1927 au Comité consultatif des transports d’une société d’économie mixte dans laquelle l’État de surface, M. Jayot, directeur général à la préfecture détient la majorité et la nationalisation des réseaux à de la Seine, préconise pour Paris « la suppression partir du 1er janvier 1938. dans la zone délimitée par les anciens boulevards extérieurs de toutes les lignes de tramway, L’automobile auxquelles suppléeraient le Métropolitain, dont A la fin de la guerre 1914 – 1918, les industries le réseau est actuellement en voie d’achèvement, travaillant pour la défense nationale se et les autobus »46. reconvertissent. Certains constructeurs automobiles En 1929 le conseil municipal de Paris décide la reprennent leurs anciennes activités comme Panhard suppression totale des tramways intra-muros et en ou Renault qui était déjà en tête des constructeurs 1932 le département de la Seine décide à son tour la avant guerre et qui a considérablement développé son suppression totale de toutes les lignes de tramways, potentiel industriel pendant le conflit. D’autres y compris celles circulant sur plate-forme reconvertissent leur production comme Citroën qui indépendante. Ainsi disparaît la totalité de ce qui avait transforme ses usines d’obus en chaînes de montage été le plus vaste réseau de tramways unifié du monde. automobiles ou Gabriel Voisin ses usines d’avions en fabriques d’automobiles... Extension du métro en banlieue Les grands constructeurs français implantés en région Dès 1927, le principe de prolonger les lignes de métro parisienne agrandissent et modernisent leurs usines dans les communes limitrophes est proposé. et leurs chaînes de montage comme Renault qui Parallèlement, apparaît l’idée d’un réseau ferré s’étend sur l’île Seguin. En 1938, le site de Billancourt régional, réunissant les grandes radiales ferroviaires s’étend sur 70 hectares, emploie 38 000 salariés et de banlieue. produit alors près de 60 000 véhicules par an. En juillet 1928, le conseil général de la Seine fixe la liste des prolongements du réseau métropolitain en La production automobile française, concentrée dans banlieue : la région parisienne, atteint un pic en 1929 avec - ligne1 jusqu’au fort de Vincennes à l’Est et au pont 254 000 exemplaires (pic qui ne sera dépassé qu’en de Neuilly à l’ouest 1949). Plus de 1 100 000 voitures roulent en France - ligne 3 au pont de Levallois et la région parisienne est sillonnée tous les jours par - ligne 4 au carrefour de la Vache Noire (Bagneux) 400 000 voitures automobiles48. - ligne 7 au cimetière Parisien de Pantin au nord et à « A l’intérieur [de Paris], le mouvement de la rue la mairie d’Ivry au sud-est s’intensifie, avec des encombrements toujours plus - ligne 8 au pont de Charenton sensibles. Au dehors, les allers et retours - ligne 9 à la mairie de Montreuil et au pont de Sèvres quotidiens des habitants de la banlieue qui ou pont de Saint-Cloud travaillent dans la capitale, sans compter les - ligne 11 au fort de Rosny provinciaux et les étrangers, obstruent les rubans - ligne A47 (Nord-Sud) à l’église de Saint-Denis et à périphériques, tout autant que les boulevards. Il la mairie d’Issy se produit à chaque pas des embouteillages - ligne B (Nord-Sud) au pont de Clichy et à la mairie continuels, aggravés par les multiples goulots des de Saint-Ouen. communes suburbaines collées à la métropole. Le mal est bien connu. Vues étroites, voies étroites »49.

45 LAEDERICH, Pierre, Les tramways de chez nous, éd. MDM, 1998. 46 LATOUR, op.cit. 25 p.36. 47 Lignes A et B : actuelle ligne 13. 48 Mémoire descriptif général du plan, 15 juin 1935. 49 DAUSSET, Louis, Président du Comité supérieur, Introduction au projet de plan d’aménagement de la région parisienne de 1934.

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L’aviation se prête fort bien à la construction ». Seul subsiste Les exploits d’aviateurs téméraires annoncent déjà le problème du transport à une période où la tendance le début de l’aviation commerciale et des grandes n’est pas de prolonger les lignes de tramway mais de liaisons transatlantiques pour lesquelles des les supprimer. Ce projet ne verra pas le jour. gigantesques hydravions sont construits. Il faut Seules quelques cités jardins sont réalisées réserver des bassins d’amerrissage et des aéroports ponctuellement au gré des opportunités foncières pour ce nouveau moyen de transport. L’aéroport n’empêchant pas l’étalement anarchique des transatlantique de Trappes « est destiné à assurer lotissements pavillonnaires. les lignes desservant l’Amérique et l’Afrique. Il sera essentiellement composé par un vaste plan Parallèlement à ces travaux, de nombreuses réflexions d’eau destiné à l’amerrissage des hydravions. sont émises sur l’aménagement de Paris et son [...] L’emplacement voisin de Trappes a été choisi agglomération. Auguste Perret imagine la construction d’une cen- à cause de la nature du sous-sol favorable à la taine de « maisons-tours » de 150 à 200 m de hau- constitution d’un vaste plan d’eau par extension teur ceinturant Paris, à l’emplacement des ancien- des étangs existants actuellement. D’autre part nes fortifications, et de 200 autres, le long d’une la hauteur du plateau de Trappes au-dessus de avenue allant de la porte Maillot à la Croix de Noailles la région parisienne permettra l’envol sans dans la forêt de Saint-Germain-en-Laye51. crainte d’obstacles dans la brume »50. En 1925, Le Corbusier participe à l’Exposition Internationale des Arts Décoratifs de Paris où il expose un plan pour le centre de Paris, nommé Plan Planification urbaine Voisin. Dans la présentation de ce plan, résultat de ses réflexions sur un possible « Grand Paris » il Quelques années après le concours de 1919, le conseil souligne que la ville aura une configuration clairement général de la Seine dresse un vaste projet ségréguée, c’est à dire, que le zonage sera un des d’urbanisation pour accueillir 1,5 million d’habitants principes d’élaboration du projet : le plan “comprend dans des villes nouvelles d’au moins 30 000 habitants la création d’éléments neufs essentiels : une cité chacune, dont une à de 100 000 d’affaires et une cité de résidences [...] La gare habitants, desservies par chemin de fer électrique. centrale se trouve entre la cité d’affaires et celle La commission d’aménagement de la banlieue établit des résidences [...] La cité des résidences située un avant projet schématique d’une agglomération à l’ouest de la nouvelle gare apporterait au centre nouvelle sur une superficie d’environ 760 ha situés de Paris des quartiers magnifiquement aérés, où sur les communes d’, la Courneuve, Le se dresseraient sur 30 ou 40 mètres de haut, les Bourget, Dugny, Stains et Saint-Denis. 400 ha de sièges du commandement politique : les ministères terrains sont acquis par le Département mais pas d’un regroupés. Les salles de réunion, de groupement, seul tenant. Un concours est organisé en 1924 par le puis les salles de divertissement. Enfin, les grands département de la Seine pour aménager ces terrains hôtels de voyageurs ». auquel participe entre autres Raoul Dautry en La nouvelle grande traversée est – ouest que Le collaboration avec l’urbaniste Jacques-Marcel Corbusier imagine, est l’épine dorsale de la ville, Auburtin. Faute d’une législation foncière appropriée parallèle à l’axe des Champs Elysées elle se pour exproprier les terrains nécessaires, la réalisation prolongerait jusqu’à Saint-Germain-en-Laye en d’un aménagement global de villes nouvelles ne se gigantesque projet de “Route Triomphante”. fera pas. Cette avenue ne serait pas comme un axe d’extension de la ville mais plutôt comme un facteur de L’opération dite de Belle Epine au sud de Paris écarte densification du centre permettant de limiter la les difficultés rencontrées dans l’opération ville croissance de l’urbanisation. « Paris aujourd’hui, nouvelle à la Courneuve en choisissant un domaine délire, engorgé, sans but et sans programme, d’un seul tenant ne présentant pas d’enclaves et ne meurt. Et les tentations sont là : des mots ! « Le nécessitant pas le recours à l’expropriation. Elle GRAND PARIS », 30, 50 kilomètres de diamètre : couvre 235 ha dont 212 situés dans le département folie. Je réponds : resserrer Paris, en VILLE de la Seine sur les communes de Rungis et Chevilly- RADIEUSE »52. Larue « sur un plateau salubre, aéré et dont le sol

50 PROST, Henri, Projet de plan d’aménagement de la région parisienne de 1934. 51 Illustration du 12 août 1922, La Science et la vie n° 102 de 1925, Architecture d’Aujourd’hui (1932). 52 Le CORBUSIER, La Ville radieuse, 1935.

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projet de ville nouvelle de Rungis de 1931 (archives DREIF)

Le Corbusier, plan Voisin de 1925

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Projet d’aménagement de la porte Maillot d’Emile Louis Viret et Gabriel Marmorat pour le concours officiel de 1931

En 1930, Léonard Rosenthal, promoteur de galeries marchandes sur les Champs-Elysées lance un concours d’idées sur l’aménagement d’une emprise englobant la porte Maillot. En 1931, la Ville de Paris et le Département de la Seine lancent à leur tour un concours officiel d’idées pour la voie allant de la place de l’Etoile au rond-point de la Défense. 35 projets sont remis. Le projet primé est celui de Paul Bigot et des sculpteurs Landowski et Bouchard qui se concentre sur la Défense « acropole nationale ».

projet d’aménagement de la porte Maillot d’Henri Sauvage en 1931 Centre d’archives d’architecture du XXe siécle

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