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1934 – 1939 Le plan d’aménagement de la région parisienne (PARP) ou plan PROST

Le projet de 1934 Les grandes orientations du plan

Depuis sa création en 1928, le CSAORP a déjà Les orientations du nouveau plan suivent les objec- beaucoup travaillé sur l’aménagement de la région tifs fixés en 1928 par Albert Sarrault quand il installa parisienne. Les équipes constituées autour d’Henri le CSAORP. Après la période de développement Prost et de Raoul Dautry ont mis à jour les cartes du anarchique des lotissements pavillonnaires de la dé- département de la Seine, recensé les lotissements, cennie précédente, l’arrivée de populations déplacées préparé la future loi de 1932 en rencontrant les par la guerre et d’une immigration étrangère, la pen- différentes administrations pour connaître leurs sée des décideurs et réalisateurs du plan est que la projets, en particulier ceux des Ponts et Chaussées. population de la région parisienne ne doit plus s’ac- La loi du 14 mai 1932 donne au comité supérieur un croître et qu’il est nécessaire de dédensifier le cen- délai d’un an pour réaliser le plan d’aménagement de tre. « Le centre doit être décongestionné, l’habi- la région parisienne. Toutefois des difficultés d’ordre tat insalubre résorbé et l’expansion urbaine con- financier et technique allongent ce délai d’une autre tenue dans un cercle de 35 km autour de Paris ». année. Le ministère de l’Intérieur ne disposant pas de service organisé pour effectuer ce travail fait appel Décongestionner le centre à la Ville de Paris ; l’accord est entériné entre l’Etat La concentration des habitants, des industries des et la Ville après une délibération du conseil municipal équipements dans le centre de l’agglomération et prin- du 13 juillet 1933. cipalement de Paris est jugée comme néfaste. Paris accueille 46 % des établissements industriels clas- Le projet d’aménagement régional est élaboré sous sés. Dans les communes limitrophes au , au sud- la direction d’Henri Prost, architecte urbaniste en chef est, au sud-ouest ont été rejetés de très nombreux du comité supérieur, assisté par Pierre Rémaury et établissements nécessaires à la salubrité mais incom- Jean Royer. Participent également M. Jayot, directeur modes pour les habitants et qui donnent à l’agglomé- général des transports, de l’extension et de l’inspection ration, lorsque les conditions météorologiques sont générale, le service technique de la ville de Paris, le « favorables », cette odeur si particulière qualifiée service géographique de l’armée qui fournit les « d’air de Paris ». photographies aériennes et une carte de la région « Le surpeuplement est condamnable au nom de parisienne de grande précision. l’hygiène physique et de l’hygiène morale. Le plan Le plan est présenté en mai 1934. d’aménagement s’efforce de remédier à ce mal dans toute la mesure du possible1 ».

1 Mémoire descriptif général du plan, 15 juin 1935.

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Contenir l’expansion urbaine Conformément à l’article 2 de la loi du 14 mai 1932, les communes faisant partie de la région parisienne à laquelle s’applique le projet régional sont comprises à l’intérieur d’un cercle de 35 km autour de Paris. La liste est fixée par l’arrêté du ministre de l’intérieur en date du 29 juillet 1934. La région parisienne ainsi définie est peuplée d’à peu près 6 300 000 habitants. Elle comprend 6572 communes réparties sur 51 200 hectares dont : - les 81 communes du département de la Seine ; - 386 communes du département de Seine-et-Oise (toutes les communes de ce département ne sont pas intégrées dans cette région en particulier les cantons d’Houdan, Rambouillet, Etampes, Magny- la région parisienne (en orange) définie par en-Vexin…) ; la loi du 14 mai 1932 (DREIF/DUSD/ME/CC) - 107 communes de Seine-et-Marne (les cantons de Meaux, Melun, Montereau, Provins… n’en font pas partie) ; PARP : réglementation de l’utilisation du sol - 83 communes de 5 cantons du sud de l’Oise. en 4 classes

2 Le mémoire descriptif général du plan cite 656 communes.

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Prescrire des règles d’utilisation du sol à travers des parcs boisés, s’inspire du modèle Les communes sont réparties, au point de vue de américain des « park-ways » pour concentrer la l’utilisation du sol et des règlements de construction, circulation sur ces axes et libérer d’une circulation en quatre classes en excluant Paris. (carte p.50) intense les espaces récréatifs proches de Paris. Les nouvelles voies seraient aussi l’occasion de Le projet d’aménagement régional : transformer le paysage par la plantation continue d’un - détermine pour chaque commune un périmètre rideau d’arbres de chaque côté qui aurait aussi comme d’agglomération, c’est à dire la limite du territoire à objectif de cacher la misère architecturale et sociale urbaniser. En dehors de celui-ci, la zone « non de la banlieue. affectée » est réservée plus spécialement à « Les abords de ces voies devront être traités de l’agriculture dans laquelle il n’est permis d’édifier que manière à réaliser pour les touristes ou les des bâtiments servant à l’exploitation agricole, étrangers, une sorte de « paysage routier » qui - affirme des mesures de protection pour certains dissimulera à leurs yeux les quartiers si sites particulièrement remarquables (axe du canal de désordonnés qu’ils doivent traverser [...] la Versailles, de Sceaux, terrasse de Saint-Germain, de malheureuse banlieue parisienne à laquelle 20 Meudon), années d’extension irraisonnée ont imprimé des - prévoit des réserves pour de nombreux espaces marques indélébiles qu’il faudra, avec le temps, libres publics et pour des grands équipements publics s’efforcer d’atténuer ». tels que cimetières intercommunaux, aérodromes… Zoning Circulation, créer de nouvelles infrastructures Le développement des lotissements pavillonnaires est routières perçu sous le double aspect de l’esthétisme et des Le projet d’aménagement définit un programme surcoûts que ces extensions misérables font peser d’opérations routières important avec la création de aux budgets des collectivités : « La dispersion des cinq grandes infrastructures autoroutières partant de lotissements au hasard des spéculations, depuis Paris et permettant de desservir l’aéroport du Bourget la guerre, est une lourde charge qui grèvera en service et celui de en projet, « de gagner pendant très longtemps les finances des toutes les plages de la Manche, de Bretagne et de municipalités de la région parisienne. » l’Océan sans croisement dans la région Des modestes restrictions au droit de lotir sont parisienne », d’accéder rapidement aux grandes énoncées : « il importe que chaque commune routes nationales sans traverser la banlieue : délimite les parties de son territoire qu’elle juge Et d’une voie circulaire, rocade de grande ceinture susceptibles d’être complètement urbanisées à « du noyau parisien, permettant sur une largeur l’aide des ressources dont elle pourra disposer... » de cent mètres de faire le tour de la capitale et de gagner en pleine campagne ses principaux Le programme des servitudes de chaque plan accès ». communal prévoit des quartiers d’industries et organise une zone de transition, sorte de quartier Il faut noter que le projet d’aménagement prend en mixte, entre ces quartiers et les quartiers d’habitation considération un grand nombre de projets déjà étudiés où ne seraient tolérées que les industries susceptibles et prêts à être réalisés comme par exemple l’autoroute de ne causer aucune gêne. de l’Ouest dont les travaux débuteront l’année suivante. Par certaines de ses préconisations, ce plan renforce Les tracés de ces nouvelles autoroutes sont choisis le déséquilibre sociologique entre l’ouest et le nord- pour être rapidement réalisables en recourant le moins est de l’agglomération : possible à des expropriations. Aussi ils empruntent « Certains quartiers industriels existants sont des terrains du domaine public, principalement les bois particulièrement mal placés par rapport à et forêts. Ce qui constitue un avantage, toujours dans l’agglomération parisienne [...] l’aménagement de le contexte de l’époque, d’offrir des voies la rive gauche de la Seine permettrait autoroutières "paysagères" permettant aux vraisemblablement une transformation automobilistes de circuler dans les plus beaux sites progressive mais assurée de toute la région d’Issy- de la région parisienne et de découvrir les grands les-Moulineaux et de Meudon, dont les fumées domaines nationaux de Versailles, Marly, Saint- sont très gênantes pour les quartiers de Passy et Germain. d’Auteuil ; en outre, qu’elles salissent le ciel d’un des plus beaux paysages de la banlieue parisienne Ce projet d’aménagement en traçant les voies rapides vue de Meudon ou de Bellevue… »

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Projet de 1934 : voie triomphale à l’ouest (documentation DREIF)

Projet de 1934 : autoroute de l’est (documentation DREIF)

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Projet de 1934 : voie triomphale à l’ouest (documentation DREIF)

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« Le plan d’aménagement prévoit, pour principaux sites remarquables de la région est l’installation de nouvelles usines et pour affirmée (Versailles, Saint-Germain, Meudon, Marly, l’évacuation de celles trop gênantes par leurs Sceaux... ) odeurs et dangereuses par leur voisinage, une zone spéciale rejetée au nord-est de Certains y voient une volonté de desserrer la l’agglomération ». « ceinture rouge » qui entoure Paris, d’autres, une volonté de rationaliser les longs déplacements avec Des règles de densité des constructions sont proposées ces autoroutes dont le plan décrit d’une façon très avec comme objectif « un desserrement de détaillée leurs tracés prévisionnels. D’autres l’agglomération centrale constituée par la reprochent à la simple lecture du document d’avoir banlieue immédiate de Paris ». oublié les transports en commun. Il convient « La limitation de la surface agglomérée de cependant de rappeler que les projets de transports chacune des communes et la limitation du volume en commun ont été définis quelques années des constructions permettra de remédier à auparavant par le conseil général de la Seine. l’éparpillement des éléments formant la région parisienne et, en même temps, d’en assurer le La consultation développement méthodique ». Le règlement de construction « tend à éviter, dans Ce projet régional est remis au Gouvernement en 1934 l’intérêt de l’hygiène, la hauteur ou l’entassement et soumis à enquête publique le 2 août 1935 dans les exagéré des habitations ». Dans la banlieue immé- 657 communes intéressées. diate, les immeubles doivent y être moins élevés qu’à Le 16 décembre 19353 le préfet de la Seine, Achille Paris et les cours plus larges. Dans les localités for- Villey, porte à la connaissance du conseil général de mant la banlieue moyenne les constructions sont net- la Seine les résultats de l’enquête à laquelle le projet tement moins élevées pour réaliser des « habitations d’aménagement a donné lieu dans son département : saines et agréables à habiter ». Enfin, la banlieue - 8 communes sont favorables sans réserve périphérique doit garder en partie son caractère ru- - 35 communes sont favorables avec réserves ou ral. pour partie - 15 communes ne formulent pas nettement un avis Espaces libres et protection des sites favorable, mais demandent des modifications sur Le plan prévoit la création d’espaces libres nouveaux certains points, « ce qui paraît impliquer une destinés à des promenades publiques, à des terrains adhésion de principe à l’ensemble du projet » de jeux ou l’implantation de services publics. - 23 communes émettent un avis défavorable La protection des espaces boisés existants et des comme celui d’ (ci dessous).

3 Préfecture de la Seine, Mémoire de M. Le préfet de la Seine au conseil général, 1935, archives DREIF 1934 W2.

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La structure générale du réseau routier projeté n’est soigneusement, dans les conférences où toutes les pas critiquée. administrations compétentes auront place ». La traversée du bois de Vincennes et le Suite à cette consultation et aux demandes incessantes franchissement de la Marne par l’autoroute de l’Est des communes pour apporter des modifications, la suscitent des protestations des communes de Saint- mise au point des plans de détails, véritables plans Maurice, de Nogent-sur-Marne contre le projet en d’occupation des sols qui accompagnent le plan viaduc sur la Marne qui altérerait profondément le régional s’enlise pendant près de trois ans. Le site. Gouvernement est amené à prendre des mesures La Commission des monuments naturels et des sites réglementaires pour mettre fin à cette situation. demande que « les bois de Boulogne et le bois de Vincennes doivent être mis hors d’axe et laissés à Approbation du plan en 1939 l’écart des systèmes de pénétration dans Paris [...] que d’une façon générale les voies de grande Dans son rapport préliminaire en date du 13 juin 1939, circulation devraient être conçues de manière à au président de la République, le président du conseil, contourner les massifs forestiers et à ne pas les ministre de la défense nationale et de la guerre, traverser ». Edouard Daladier et le ministre des finances Paul Reynaud précisent l’urgence d’approuver le plan La Commission d’aménagement et d’extension du d’aménagement de la région parisienne : département de la Seine est du même avis en ce qui « Il a donné lieu à des observations qui ont motivé concerne la traversée du bois de Vincennes et des modifications. Mais, comme l’a rappelé un souligne « que les cinq voies réservées nouvelles avis de la section de l’intérieur du conseil d’Etat vont amener aux boulevards militaires des apports en date du 26 juillet 1938, lorsque des considérables de véhicules automobiles ». modifications substantielles ont été apportées au projet postérieurement à l’enquête, ledit projet ne La création des « zones non affectées » provoque peut être approuvé et déclaré d’utilité publique de nombreuses observations et les critiques sont sans une nouvelle enquête. Or, on évalue à deux nombreuses sur le règlement de construction « qui cents environ, le nombre des communes dans portent interdiction pratique aux propriétaires de lesquelles les modifications intervenues peuvent petits terrains d’y élever leur foyer » (Alfortville, être considérées comme substantielles. On se , Epinay-sur-Seine, Ivry-sur-Seine, trouve ainsi conduit à procéder, dans un nombre , Noisy-le-Sec, Pavillons-sous-Bois...). considérable de communes, à la formalité longue et dispendieuse d’une enquête, mais si, comme il L’aspect financier de l’exécution du projet soulève est à prévoir, de nouvelles observations se font de très nombreuses remarques de la part des jour au cours de l’enquête, la nécessité de donner communes, inquiétudes que le préfet de la Seine satisfaction à celles qui seraient reconnues signale dans son mémoire : justifiées peut conduire à des modifications elles- « Les communes de banlieue ont, en grand même substantielles, et imposant une troisième nombre, exprimé leur inquiétude au sujet des frais enquête. Rien ne permet de prévoir la fin d’une qu’entraînera l’exécution du projet procédure qui peut renaître indéfiniment de ses d’aménagement de la région parisienne ». cendres. L’approbation du plan d’aménagement de la En conclusion, si globalement les avis sont favorables région parisienne est pourtant, et à la réalisation de ce plan d’aménagement, le préfet indépendamment du point de vue de l’urbanisme de la Seine, cite le sénateur maire de , M. pur, une nécessité d’ordre économique et Auray, pour dire « que les municipalités étaient national »4. prêtes à apporter à l’œuvre entreprise la collaboration la plus confiante, mais à la Le plan Prost est approuvé par décret le 22 juin 1939 ; condition que l’autorité supérieure ne considérât il comprend une carte générale d’aménagement (en pas comme négligeables les avis qu’elles ont été 6 feuilles) à l’échelle du 1/50 000e, 192 feuilles à sollicitées de donner. Si ces avis contiennent des l’échelle du 1/10 000e et 27 feuilles à l’échelle du 1/ réserves, que celles-ci soient examinées 20 000e.

4 Rapport du Président du conseil, Edouard Daladier au Président de la République en date du 13 juin 1939 introduisant le décret du 22 juin 1939.

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détail de la feuille 3 du plan de 1939 : autoroute de l’Ouest, Voie Triomphale, rocade autour de Paris (archives DREIF)

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carte générale du plan d’aménagement approuvé en 1939 validé en 1941 (archives DREIF)

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Cette approbation est confirmée par la loi validée du Les travaux démarrent avant la Guerre pour une mise 28 août 1941 qui, en même temps, étend les limites en circulation prévue pour la fin 1940. Le 1er de la région parisienne à la totalité des départements septembre 1939, le gros œuvre du tunnel de Saint- de Seine-et-Oise et de Seine-et-Marne. Cloud est à peu près terminé ainsi que les terrassements et ouvrages d’art du tronc commun Le projet de 1939 est un document opposable aux de la branche nord du triangle de Rocquencourt, sur tiers puisqu’approuvé après enquête dans toutes les lesquels les chaussées en béton sont en cours de communes. Il a fait l’objet de deux modificatifs : construction. L’infrastructure de la branche sud (A12) - le premier concernant l’autoroute du Sud et ses est également bien avancée. Durant les mois d’hiver abords, approuvé par décret du 19 décembre 1962, 1939 – 1940, les travaux continuent difficilement du - le second concernant le secteur de la Défense fait de la mobilisation et sont stoppés en juin 1940. approuvé par décret du 20 octobre 1956. Ses dispositions sont restées en vigueur jusqu’au 1er Quelques mois plus tard, ils reprennent dans le cadre janvier 1976 dans les communes où d’autres d’un autre programme de grands travaux de lutte documents plus récents n’ont pas été élaborés. contre le chômage pour s’arrêter une nouvelle fois dans le courant de l’année 1941 à cause de la pénurie de matériaux et de l’interdiction imposée par les Première réalisation, l’autoroute autorités d’occupation. Les chaussées de la branche de l’Ouest nord et du tronc commun sont partiellement exécutées (à l’exception d’une des deux chaussées sur le tronçon En 1934, le ministre du travail Adrien Théodore de 3,5 km entre Vaucresson et Rocquencourt) et Marquet lance un des rares programmes de grands mises en service le 4 octobre 1941 avec un débouché travaux pour lutter contre le chômage lié à la crise provisoire sur la RN185 de Versailles à Saint-Cloud économique dit « d’outillage national ». Dans ce court-circuitant le tunnel de Saint-Cloud. Celui ci, cadre est décidée entre autres la construction de entièrement terminé, à l’exception des installations l’autoroute de l’Ouest en 1935. de ventilation, est réquisitionné par la Kriegsmarine qui l’aménage en dépôt de torpilles.

entrée du tunnel de Saint-Cloud côté Paris début des années 1970, avant le doublement de l’ouvrage (photothèque DREIF)

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DREIF, Claude COTTOUR, septembre 2008 Une brève histoire de l'aménagement de Paris et sa région La planification à l’échelle de la région parisienne Une nouvelle région parisienne D’importants textes réglementaires dans le domaine de l’urbanisme entre 1941 et 1944

Durant l’occupation, un système de commandement Loi du 15 juin 1943 territorial allemand, plus ou moins calqué sur le Jusqu’à la deuxième guerre mondiale, l’urbanisme système administratif français est mis en place en était supervisé par le ministère de l’intérieur dans le plus des unités militaires proprement dites. Allemands cadre de la tutelle sur les communes. et Parisiens relèvent de l’autorité du chef de la Kommandantur de Paris, qui couvre le territoire du La loi de 1943 est la première grande loi qui organise « Groß Paris » (Seine, Seine-et-Oise, Seine-et- la gestion de l’urbanisme d’une manière cohérente Marne)5. en France et donne à l’Etat la maîtrise de l’urbanisme en imposant une réforme en trois grands volets : la La Constitution républicaine et les assemblées création d’une administration spécifique, la refonte parlementaires étant placées en congé illimité, l’Etat des projets d’aménagement et le renforcement des continue de fonctionner sur la base d’aspirations sujétions d’urbanisme. antiparlementaristes. « Les bureaux de Elle codifie et complète les textes antérieurs sur les l’administration en profitèrent pour faire avaliser plans d’aménagement et crée les services d’Etat de des textes qu’ils auraient été difficiles de soumettre l’urbanisme. à la procédure parlementaire antérieure [...] La Elle institue auprès du délégué général à l’équipement facilité avec laquelle se faisait la loi contribua à national7 un comité consultatif, le comité accroître une tendance à légiférer »6. d’aménagement de la région parisienne (CARP) et un service technique : le service d’aménagement de Un certain nombre de ces textes concerne des la région parisienne (SARP). réformes touchant au fonctionnement interne de l’administration comme la création de préfets La délégation générale à l’équipement national régionaux. (DGEN) est chargée d’élaborer une politique géné- rale de l’urbanisme et de la construction immobilière. Des textes réglementaires relatifs à l’aménagement vont être pris dont certains concernent directement la région parisienne : la loi du 2 février 1941 supprime le comité supérieur de l’aménagement et de l’organisation générale de la région parisienne et le remplace par un commissariat aux travaux de la région parisienne.

La loi du 28 août 1941 confirme l’approbation du plan de 1934 et donne une nouvelle définition de la région parisienne qui comprend les départements de la Seine, de la Seine-et-Oise, de la Seine-et-Marne et 5 cantons du département de l’Oise.

5 MARTENS, Stephan, La France sous l’occupation allemande, 1940–1944 DHI PARIS Deutches Historitches Institut Paris ; PAXTON, Robert O., La France de Vichy, Le Seuil « Points », 1997 ; AZEMA, Jean-Pierre, De Munich à la Libération, Le Seuil « Points », 1979. 6 BARUCH, Marc Olivier, Servir l’Etat français L’administration en France de 1940 à 1944 , éd. Fayard, 1997. 7 COUZON, Isabelle, Espaces savants et divisions administratives dans l’invention et la mise en place de la politique d’aménagement du territoire en France (1920-1960), thèse de doctorat préparée à l’EHESS (Ecole des hautes études en sciences sociales), Cybergéo. La DGEN regroupe le commissariat à la reconstruction immobilière (où se trouvent des Ingénieurs des Ponts et Chaussées chargés de la reconstruction) et les architectes urbanistes du ministère de l’intérieur en postes dans les préfectures pour élaborer les plans d’urbanisme des zones sinistrées.

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La réorganisation des services de l’Etat s’accompa- certain (principe encore aujourd’hui en vigueur et qui gne d’une réorganisation de la gestion des projets constitue l’un des piliers du droit de l’urbanisme). d’aménagement. Dans le même temps, la législation sur les lotisse- ments est entièrement refondue et le permis de cons- La loi donne au délégué général à l’équipement na- truire est généralisé et unifié. Il est délivré par le pré- tional la maîtrise des projets d’aménagement : fet au nom de l’Etat. - projets intercommunaux établis dans le cadre de «groupements d’urbanisme» qui regroupent des Après la libération de Paris, le décret du 16 novembre communes liées par un « intérêt commun ». Ces 1944 créé le ministère de la reconstruction et de groupements sont constitués à l’initiative des maires l’urbanisme (MRU) qui regroupe, sous la direction ou du délégué général. de Raoul Dautry8, les services de la délégation - les projets communaux obligatoirement établis dans générale à l’équipement national et ceux du les communes de plus de 10 000 habitants... commissariat à la reconstruction immobilière et intègre le CARP et le SARP au ministère de la La loi renforce les obligations imposées aux cons- reconstruction et de l’urbanisme. tructeurs. Le principe de la non indemnisation des servitudes d’urbanisme est posé, sauf si ces derniè- La Ville de Paris et le Département de la Seine, privés res entraînent une modification de l’état antérieur des d’assemblées élues pendant l’occupation, retrouvent lieux déterminant un dommage direct, matériel et leurs attributions et quelques élargissements mineurs de leurs pouvoirs par une ordonnance du 13 avril 1945.

8 Ministre de la reconstruction et de l’urbanisme du 16 novembre 1944 au 20 janvier 1946, appelé par le général de Gaulle dans ses 3e et 4e gouvernements provisoires.

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DREIF, Claude COTTOUR, septembre 2008 Une brève histoire de l'aménagement de Paris et sa région La planification à l’échelle de la région parisienne La région Parisienne entre 1945 - 1956

Les dix années d’après-guerre sont consacrées à la d’aménagement des futurs plans d’urbanisme de la reconstitution des infrastructures et à la région parisienne : révision du PARP en 1956, plan reconstruction. L’idée du Grand Paris comme celui d’aménagement et d’organisation général de la région des années 1930 ne sera plus évoquée avant parisienne de 1960, et même du schéma directeur longtemps, l’expression a disparu du discours des d’aménagement et d’urbanisme de Paris de 1965. politiques et des techniciens, peut-être rappelle-t-elle trop celui du « Groß Paris » de l’occupation ? L’idée de décentraliser les industries de la région parisienne est antérieure à 1940 puisque déjà en 1938, Dans la région parisienne, 27 000 logements et 300 l’administrateur des usines Renault établissait un pro- usines ont été détruits par les bombardements comme jet de décentralisation de la région parisienne vers à Saint-Ouen ou à Boulogne-Billancourt. Au début Le Mans et Saint-Jean-de-Maurienne. des années 1950, le ministère de la reconstruction Durant la guerre, des cercles de réflexion envisagent d’Eugène Claudius-Petit a pour mission d’organiser la décentralisation industrielle dans le cadre de la la reconstruction des villes et des quartiers sinistrés. défense stratégique du pays, poussée par les bombardements des usines de la région parisienne. En 1951, moins de 10 000 logements sont construits Cette décentralisation doit s’effectuer dans un cadre dans l’agglomération parisienne. Le parc immobilier national pour étudier la localisation des industries, leur du centre de Paris n’a pratiquement pas été renouvelé répartition sur le territoire, la structure des villes, le depuis 1920 et la plupart des logements manque de problème de l’habitat ouvrier et l’interpénétration du confort. monde ouvrier et du monde rural, prônant la création de cités satellites permettant aux ouvriers d’être en La croissance démographique arrêtée depuis 1931 a contact avec la vie rurale et d’échapper à repris et de 1946 à 1954 l’agglomération gagne l’entassement et à la promiscuité des villes10. 600 000 habitants (alors que la population de la France toute entière augmente de 1 million). De plus le Le projet de « villes satellites » est étudié par la nombre de ménages s’est accru plus vite encore que délégation générale à l’équipement national (DGEN) la population. Une terrible crise du logement sévit suite à la loi du 6 avril 1941 relative à l’équipement avec tout son cortège de conséquences ; entassement, national qui établit un « plan d’équipement national ». spéculation et escroqueries, multiplication des conflits, La DGEN regroupe le commissariat à la drames des sans-logis ou des mal-logés. Cet afflux reconstruction immobilière (dans lequel sont présents de population « a de néfastes répercussions pour des ingénieurs des Ponts et Chaussées chargés de la Paris même, pour la province et pour l’ensemble reconstruction) et les architectes urbanistes du de l’économie nationale »9. ministère de l’intérieur en poste dans les préfectures pour élaborer les plans d’urbanisme des zones sinistrées. Décentraliser la région parisienne A la demande de la DGEN, un rapport est rédigé en janvier 1943 concernant « la consultation sur le vers la province problème de la décentralisation industrielle et la décongestion urbaine ». Pour résoudre cette crise en région parisienne, la politique des gouvernements français vise à A la Libération, des fonctionnaires de la DGEN se décentraliser une part d’activités en province pour retrouvent au ministère de la reconstruction et de ne plus attirer de population nouvelle. Cette l’urbanisme (MRU) au sein duquel Jean François préoccupation d’un aménagement tendant à limiter Gravier chargé de mission publie en 1947 « Paris et la croissance dictera les grands principes le désert français », ouvrage qui marquera

9 Allocution du ministre pour l’ouverture de la session de la commission de construction au commissariat général du plan, 1955, A. N. 771 119/05 citée par LEGOULLON (Gwenaëlle) : Regard sur la politique du logement dans la France des années 1950-1960 Centre d’histoire sociale université Paris 1. 10 COUZON, op.cit 7 p.59.

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DREIF, Claude COTTOUR, septembre 2008 Une brève histoire de l'aménagement de Paris et sa région La planification à l’échelle de la région parisienne profondément les futures politiques d’aménagement. industrielle en région parisienne est supérieur à la La planification territoriale française et la planification moyenne française. économique s’efforcent de répartir au mieux les ressources, les moyens matériels et financiers du pays et les populations. L’effort du pays dans le domaine Desserrement de l’industrie de la construction se porte vers la reconstruction des villes sinistrées, dans une période de pénurie de vers la périphérie matériaux et de difficultés de transport. Les usines Renault sont nationalisées en 1945 pour « Le premier plan de modernisation et devenir la régie nationale des usines Renault d’équipement qui fixe les orientations et choix (RNUR) dirigée par Pierre Lefaucheux. La question budgétaires pour l’ensemble des pouvoirs publics se pose du maintien du site de Billancourt français après-guerre est élaboré sous la direction pratiquement détruit par les bombardements. Le de Jean Monnet pour les années 1947-1951. Il Gouvernement est favorable à la décentralisation, donne la priorité aux industries lourdes et non mais la France a des besoins industriels immédiats. au logement, conformément aux obligations qui Billancourt est donc reconstruit. Cependant toutes conditionnent l’obtention de subventions les extensions futures se font sur d’autres sites. américaines dans le cadre du plan Marshall. Le Une nouvelle usine est construite à Flins dans la vallée MRU doit donc appliquer la politique décidée par de la Seine en 1952, à quelques kilomètres des usines le commissariat général au plan, qui est composé Ford de donnant ainsi naissance à un pôle de diverses commissions, dont l’une est consacrée d’activités secondaires de la région parisienne appelé à la Construction. Cette commission est elle-même à se développer également dans le domaine de divisée en groupes de travail : cités-satellite, l’énergie avec la mise en service en 1953 du premier matériaux de construction, objectifs (nombre de pipe-line d’Europe à produits finis entre le Havre et logements à construire par an, financement, main la région parisienne. d’œuvre, industries annexes au secteur du bâtiment »11. Origine d’un pôle scientifique à Saclay et Orsay A la Libération, le Général de Gaulle veut doter la La réorganisation du territoire français, « destinée à France d’un outil de recherche sur l’énergie atomique sauver Paris de l’asphyxie totale qui la menace pour garantir l’indépendance énergétique et militaire ne constitue qu’une étape de l’énorme tâche à du pays. L’ordonnance du 18 octobre 1945 crée le accomplir ». Mais l’ensemble des dispositions ne commissariat à l’énergie atomique (CEA) dirigé par donne pas les résultats attendus. Le rythme des cons- Frédéric Joliot-Curie, commissaire scientifique et tructions industrielles dans la région parisienne reste Raoul Dautry, chargé de l’administration générale. excessif car elle intéresse en particulier les indus- Le CEA est hébergé dans les locaux du fort de tries en expansion. En 1954, les industries électroni- Châtillon où sera mise au point la première pile ques y ont 81,5% de leur effectif, la construction auto- atomique expérimentale française en 1948. mobile 70%, les industries pharmaceutiques 62%… L’équipe du CEA rêve d’un campus à l’américaine ni trop près (le lieu doit être isolé pour des raisons de Un texte d’importance capitale daté du 5 janvier 1955 sécurité), ni trop loin de l’agglomération parisienne est pris en application de la loi sur les pouvoirs spéciaux où est concentrée la matière grise. « Le choix d’un prescrivant que dans la région parisienne et dans emplacement à proximité de la ligne de Sceaux d’autres zones congestionnées, l’autorisation de s’imposait, pour des raisons de commodités de construire des bâtiments industriels d’une surface transport depuis Paris, où de nombreux supérieure à 1 000 m² est subordonnée à un agrément scientifiques avaient des activités, entre autre du ministre du logement et de la reconstruction, après d’enseignement »12 et proche d’un lieu que avis d’une commission interministérielle. Quelques connaissent bien les Joliot-Curie. années plus tard, la moitié des opérations de décentralisation se sont effectuées dans un rayon Le 11 décembre 1946 est publié l’arrêté déclarant compris entre 70 et 250 km autour de Paris. Ces d’utilité publique l’acquisition de terrains sur le plateau opérations concernent des établissements parisiens de Saclay pour y installer les services industriels et qui souhaitent s’étendre, se regrouper ou s’installer scientifiques du CEA. Mais la construction d’une « sur un site plus adapté. Mais le rythme de construction cité atomique », quelques années après les ravages

11 LEGOULLON, Gwenaëlle, op.cit 9 p.61. 12 LEFEBVRE, Véronique, 50 ans de recherche au CEA de Saclay, éd. le Cherche Midi, 2002.

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DREIF, Claude COTTOUR, septembre 2008 Une brève histoire de l'aménagement de Paris et sa région La planification à l’échelle de la région parisienne provoqués par les bombes atomiques sur Hiroshima dépourvus de confort. Les familles doivent cohabiter et Nagasaki ne manque pas d’inquiéter les habitants ou trouver un logement comme elles peuvent. « En du secteur. La perte de terres à blé dans une période 1949, 190 000 Parisiens vivent en garni, ils sont de rationnement et de pénurie de produits alimentaires à nouveau 300 000 en 1954 ! Parmi eux, 41% de base est aussi mal vécue. Pour construire ce d’ouvriers, 15,5% d’employés, mais aussi 13,7% temple de la science, Raoul Dautry et Frédéric Joliot de cadres et professions libérales qui ne trouvent Curie font appel à Auguste Perret, l’homme de la pas à se loger. Tous s’entassent dans un secteur reconstruction de la ville du Havre12. rétréci. On va finir par voir naître les bidonvilles et l’autoconstruction ! De plus, les meublés, qui En 1946 également, le centre d’essais des propulseurs jusque-là ne se distinguaient pas physiquement, (CEPr) relevant de la délégation générale pour vont se dégrader, alors même que le parc de l’armement (DGA) s’installe sur 210 ha du plateau logements et l’hôtellerie de tourisme se de Saclay. En 1954, les laboratoires de physique modernisent. Il y a un décrochage. Et c’est à ce nucléaire de la Sorbonne s’implantent dans un parc moment-là que l’arrivée de familles entières dans de 160 ha acquis à Orsay par le ministère de ces espaces réduits est de plus en plus visible »13. l’éducation nationale. Le point culminant de la crise du logement est atteint durant l’hiver 1954 – 1955 lorsque les températures La crise du logement des années 1950 très rudes mettent en lumière les conditions difficiles des plus démunis. L’abbé Pierre lance un cri d’alerte De 1914 à 1948, les loyers parisiens ont été multipliés qui sera déterminant pour faire agir le Gouvernement par 11 et le coût de la construction par 122. En 1950, en toute urgence, notamment en faveur de tous ces les loyers parisiens sont bloqués depuis la loi du 3 exclus de la politique urbaine qui tentent de survivre août 1914 périodiquement reconduite et amendée. La dans des bidonvilles situés aux portes de la capitale14. loi de 1948 est imaginée pour organiser la libéralisation progressive des loyers et pourtant des dizaines La construction de logements de première nécessité d’années plus tard, elle a permis une modération des pour les plus démunis est entreprise dès 1954 par hausses des loyers. l’association Emmaüs. Mais la réponse à la crise du La construction de logements étant pratiquement logement est la construction massive de grands en- arrêtée pendant 15 ans, la population des zones non sembles qui va être entreprise. sinistrées doit s’entasser dans des logements anciens

bidonville de (photothèque DREIF)

13 WALTER, Emanuelle, Paris obs Nº325_2218, semaine du jeudi 10 mai 2007. 14 DEWEVER, Jean, réalisateur des documentaires La crise du logement (1956) et Des logis et des hommes (1958) qui dénoncent avec virulence des conditions de vie déplorables et la crise du logement.

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Les transports Organisation et planification

Les années 1945 et 1946 marquent l’apogée du trafic En 1948, le comité d’aménagement de la région du métro mais la modernisation et le prolongement parisienne signale l’urgence du problème de de lignes de transport urbain connaissent une période l’aménagement de l’agglomération parisienne. « Il d’immobilisme de près de vingt ans. Seuls les travaux faut également, et parallèlement, remettre de engagés avant guerre se terminent comme le l’ordre dans la région parisienne en supprimant prolongements de la ligne 7 ouvert au public le 1er les banlieues lépreuses et en améliorant mai 1946 et celui de la ligne 13 vers le Carrefour l’équipement de l’immense métropole dont le Pleyel achevé début 1950. Les crédits alloués à la développement s’est effectué sans ordre, sans modernisation des transports en commun discipline, dans des conditions de dispersion et s’amenuisent d’année en année. d’anarchie indignes de la physionomie d’une grande cité. Ce développement de l’urbanisation Les transports de la région parisienne sont réorgani- a donné naissance à une couronne de faubourgs sés par la loi du 21 mars 1948 qui crée, à partir du inorganisés et de cités dortoirs, où la vie locale 1er janvier 1949, la régie autonome des transports est pratiquement inexistante. parisiens (RATP) et l’office régional des transports Pour redonner une structure organique à l’ag- parisiens (ORTP). Le décret du 14 novembre 1949 glomération parisienne, il convient de prévoir fixe l’organisation des transports de voyageurs. d’urgence la formation d’un certain nombre de En 1959 le syndicat des transports parisiens (STP) pôles attractifs, bien répartis autour de Paris, se substitue à l’office régional des transports pari- grâce auxquels la vie locale pourra renaître »15. siens. Le STP, établissement public, constitué de l’Etat, de la Ville de Paris des départements de la Pour tenter de coordonner l’action des services de Seine, de la Seine-et-Oise et de la Seine-et-Marne, l’Etat, un poste nouveau est créé par le décret du 20 est responsable de l’organisation, de la coordination mai 1955 : celui de commissaire à la construction et technique et tarifaire des transports en commun de à l’urbanisme pour la région parisienne. « Cette voyageurs dans la région dite des transports pari- création s’explique par la peur que les hommes siens. Il approuve les projets d’investissement et fixe de la IVe République avait de l’abbé Pierre et qu’il les tarifs. fallait donner l’impression que l’on faisait quelque chose face à la crise du logement »16. Le décret précise dans ses motifs que « le développement de la construction se heurte actuellement, à Paris et dans sa banlieue, à des difficultés qui proviennent essentiellement d’un manque de coordination à l’échelon de l’agglomération parisienne »17. Le conseil municipal de Paris s’étonne et s’indigne de cette dangereuse innovation 18.

C’est dans ce contexte que le plan d’aménagement de la région parisienne est remis en chantier.

bus de banlieue dans les années 1950 (photothèque DREIF)

15 Commissaire à la construction et à l’urbanisme pour la région parisienne avec la collaboration du SARP, de la préfecture de la Seine, des directions départementales du secrétariat d’Etat à la reconstruction et au logement de la Seine, de Seine-et-Oise, de Seine-et- Marne, et de MM. les architectes d’opération, Construction et urbanisme dans la région parisienne, annuaire, septembre 1957. 16 FOURCAUT, Annie, Paris/Banlieues conflits et solidarités, éd. Créathis, 2007, témoignage de Pierre Sudreau p. 288. 17 décret n°55-581 du 20 mai 1955 instituant un commissaire à la construction et à l’urbanisme pour la région parisienne. 18 FOURCAUT, op.cit.15.

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DREIF, Claude COTTOUR, septembre 2008 Une brève histoire de l'aménagement de Paris et sa région La planification à l’échelle de la région parisienne La révision du plan d’aménagement de la région parisienne (PARP) en 1956

L’élaboration de ce document relève du travail des ble de la zone de banlieue... accroissement com- fonctionnaires du ministère de la reconstruction et du pensé par une diminution de la densité de la zone logement dont ceux du SARP qui est mis la disposition centrale »19. de Pierre Sudreau, nommé commissaire à la La décongestion du centre de Paris par élimination construction et à l’urbanisme par le décret du 21 juin de tous les modes d’occupation non valorisants 1955. nécessite la rénovation des quartiers insalubres ou Le décret du 5 juillet 1958 place le SARP sous mal construits. Les maisons de la capitale ont un âge l’autorité du commissaire à la construction et à moyen de 100 ans. « L’entassement de bâtiments l’urbanisme. vétustes sur des parcelles trop petites et mal Le décret du 9 mars 1959 fixe les pouvoirs de ce conformées, l’implantation anarchique d’activités commissaire et confirme que le SARP est placé sous commerciales ou industrielles, le manque son autorité L’établissement des plans d’urbanisme d’équipement en établissements sociaux et jardins de la région parisienne est prescrit. publics, l’insuffisance de la voirie et des possibilités de stationnement, contribuent à L’avenir de Paris tient dans les trois lignes directri- accuser le caractère d’usure et de vétusté de ces du plan d’aménagement de la région parisienne : vastes secteurs de l’agglomération ». - décentraliser l’agglomération parisienne vers la Pour Paris on estime que 180 000 personnes habitent province, dans les îlots insalubres (soit 50 000 logements) et - décongestionner Paris vers sa banlieue, 400 000 personnes sont logées dans des immeubles - régénérer la banlieue par les grands ensembles. hors d’âge (soit 100 000 logements) . A cela s’ajoutent 50 000 autres logements vétustes des départements Le futur plan devra : de la Seine et de la Seine-et-Oise. - donner un cadre rationnel à l’habitat et à son dé- Au total environ 1 500 hectares d’îlots dans Paris veloppement en définissant différentes zones d’ur- (voirie non comprise) abritant 967 000 habitants ont banisme ; été désignés pour une rénovation. - doter la région parisienne de voies de circulation à la mesure de son trafic ; Pour la première fois, le contrôle de la densité de - moderniser et étendre à toute la région le béné- construction fait son apparition dans le plan fice des grands services publics ; d’urbanisme de Paris. Il s’agit explicitement - protéger efficacement les sites. d’empêcher la croissance de population que les règlements précédents rendaient possibles.

Dédensifier la partie centrale Pour faciliter le renouvellement progressif du patrimoine immobilier des quartiers centraux de Paris, de l’agglomération - les plus denses et les plus vétustes, le PARP révisé Rénover les quartiers insalubres souhaite accélérer le départ des établissements industriels nuisants en s’appuyant sur l’agrément Comme dans le plan de 1939, il est admis que la po- préalable défini par le décret du 5 janvier 1955. pulation de la région ne doit pas augmenter. « L’ana- Parallèlement, pour encourager la reconquête de la lyse de l’état actuel des différentes zones de la banlieue plusieurs mesures sont prises. D’abord, le région parisienne conduit à prévoir dans des pé- périmètre d’agglomération, définissant les zones où rimètres d’agglomération plus réduits qu’au plan les constructions seraient autorisées, est de taille plus de 1935 un accroissement de la densité trop fai- limitée que dans le plan Prost. Une zone rurale est

19 GIBEL, Pierre, directeur du SARP, présentant le nouveau projet de plan directeur dans « La vie urbaine », avril-juin 1960.

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DREIF, Claude COTTOUR, septembre 2008 Une brève histoire de l'aménagement de Paris et sa région La planification à l’échelle de la région parisienne créée, ayant « pour but essentiel d’éviter que En décembre de la même année, le gouvernement l’accroissement de la population dans les zones crée l’office central interprofessionnel du logement périphériques de la capitale ne se traduise par (OCIL) pour assurer la collecte du 1% et la maîtrise un étalement en surface, dont les conséquences d’ouvrage de logements. Avant même d’être constitué seraient néfastes pour la collectivité ». officiellement, l’OCIL lance courant 1953 un concours sans site pour sélectionner des équipes de conception La législation nationale permet de simplifier les / réalisation (architectes et entreprises) pour 5 000 procédures de rénovation de ces îlots insalubres. Les logements. Cinq équipes sont lauréates22. Chacune premières destructions commencent en 1955 au cœur construira 1 000 logements en plusieurs tranches. de l’îlot 11, l’un des plus misérables de la capitale, le secteur des Amandiers. Ce n’est que le début de En 1957, une nouvelle politique globale en faveur du vastes opérations d’urbanisme dans Paris où entre logement est tentée avec la loi cadre du 7 août 1957. 1955 et 1960, 15 opérations (40 ha) vont être Cette loi crée les ZUP (zone à urbaniser en priorité) engagées, deux en régie directe par la Ville, deux par qui, pour la première fois, associe la création de la SCIC20 liée par convention, les autres par l’office logements et d’équipements publics nécessaires à ces d’HLM de la Ville. En 1960, 36 ha sont acquis, le logements. Un programme quinquennal de relogement des habitants amorcé, ainsi que la construction est mis en place et prévoit de réaliser reconstruction des îlots remaniant profondément le 300 000 logements HLM par an. La politique mise tissu urbain. « Sur les 1 200 hectares ayant subi en place favorise très nettement le logement locatif. une opération de démolition, de construction entre 1954 et 1974, près de la moitié (4 050 parcelles L’exigence «moderne» d’industrialiser le bâtiment, sur 9 255) furent remembrés »21. énoncée de multiples fois dans les années 1920-1930, va se concrétiser dès le lendemain de la guerre 1939- 1945. Des concours lancés par le ministère de la Régénérer la banlieue par des reconstruction et de l’urbanisme visent à réduire les délais et les coûts de construction des logements. La grands ensembles montée en régime de la construction sera lente alors que la crise du logement ne cesse d’être constatée. Diverses mesures, en premier lieu de financement, L’augmentation du volume des opérations est un font démarrer la construction en 1954. L’industrie du facteur d’amélioration de la productivité qui bâtiment s’organise et s’équipe peu à peu pour une s’accompagne d’efforts en matière de conception production en plus grande série : en 1953, 13 000 technique et de planification. L’utilisation de plans logements sont terminés en France, 25 000 en 1954, types homologués, suscitée par l’Etat au moyen de 42 000 en 1955 et 80 000 en 1959. financements particuliers permet d’aborder la construction répétitive. Quelques opérations sont lancées dès la fin de 1947 comme la cité de la Plaine à avec la création d’un office d’habitations à loyer modéré (HLM). En 1953, Pierre Courant, ministre de la construction fait voter une loi qui met en place une série d’interventions facilitant la construction de logements tant du point de vue foncier que du point de vue du financement et de l’appareil de production. En août 1953, un décret crée le 1% patronal. Cette contribution obligatoire des entreprises à l’effort de construction (1 % de la masse des salaires pour les entreprises de plus de 10 salariés) introduit des ressources supplémentaires pour la réalisation de logements (photothèque Ministère de l’Ecologie, du sociaux. Développement et de l’Aménagement Durables)

20 La société centrale immobilière de la Caisse des dépôts et consignations est la première SEM d’HLM, créée en 1954, dirigée par François Bloch-Lainé. Elle s’est rendue célèbre en édifiant le nouveau . 21 BONVALET, Catherine et LEFEBVRE, Monique, Le dépeuplement de Paris de 1968 à 1975. Quelques éléments d’explication – Population, novembre 1983. 22 Héaume et Persitz, André Gutton, Boileau et Labourdette, Cazaneuve et Peray, Pottier et Tessier.

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En 1959, une étape est franchie avec la naissance délibérée en des sites convenablement choisis, des marchés triennaux qui permettent de lancer des d’ensembles d’habitation étudiés sous tous leurs programmes de 80 000 logements par an. Ainsi la aspects ; continuité des équipes et des techniques, facteur - mettre à la disposition des constructeurs désignés d’associations poussées entre architectes, ingénieurs suivant une procédure fixée par le secrétariat d’Etat et entrepreneurs devient possible. On assiste à une à la reconstruction et au logement, des superficies rationalisation optimale du travail et à l’utilisation de de terrains suffisantes pour permettre la réalisation techniques de pointe. des programmes de construction et pour éviter ainsi la hausse spéculative due au déséquilibre de l’offre « L’essor économique et démographique de notre et de la demande époque nous permet et nous oblige à construire - réaliser des programmes de construction de loge- des villes nouvelles. Nous en avons les moyens ments et des travaux d’aménagement annexes dans techniques. L’échelle de nos réalisations s’est les meilleures conditions de productivité ; transformée en 10 ans. Des chantiers de 10 000 - aider les communes dans leurs tâches d’équipe- logements viennent de s’ouvrir. Mais nous ne ment ; sommes pas seulement en face d’un problème - grouper, en vue de les simplifier et de les accélérer, technique. De nouvelles banlieues, des cités les opérations administratives d’expropriation, d’ap- dortoirs, des alignements de maisons mortes ou probation de programmes, d’octroi de subventions ou de bâtiments sans caractère, toutes ces erreurs de prêts. des générations précédentes doivent être évitées. Les opérations qui s’engagent seront Tandis que les lotissements de l’entre deux-guerres essentiellement au service de l’homme ». s’étaient en général localisés en fonction des gares, Cet humanisme consiste surtout à un effort pour en raison du développement des moyens de transport réaliser des équipements en même temps que des individuel, les collectifs postérieurs à 1954 occupent logements, pour « créer les meilleures conditions les vides du tissu urbain souvent moins éloignés de possibles à l’épanouissement d’une vie urbaine Paris en kilomètres, mais davantage en distance- heureuse »23. temps. L’implantation des grands ensembles est décidée par le secrétariat d’Etat à la reconstruction L’impact médiatique de la crise du logement conduit et au logement sur proposition du commissaire à la le commissaire à la construction et à l’urbanisme à construction et à l’urbanisme, et après études du proposer une politique d’acquisition et d’équipement service d’aménagement de la région parisienne. Ils de grands ensembles. sont répartis en couronne autour de Paris, à faible Les objectifs de cette politique sont de : distance du centre et à proximité des zones industrielles - mettre en oeuvre la politique d’urbanisme déci- les plus denses. dée pour la région parisienne, par l’implantation

Sarcelles va représenter aux yeux de l’opinion, un cas d’espèce où s’affichent les problèmes des aggloméra- tions nouvelles. On va alors parler dans les années 1960 d’une nouvelle maladie de société : la "sarcellite". (photothèque DREIF)

23 SUDREAU, Pierre, ministre de la construction, revue Urbanisme n°62/63, 1er trimestre 1959.

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« Le but n’est pas de créer selon le style L’aménagement de ce quartier commence en 1958 britannique des villes satellites dans la région avec la construction du centre des nouvelles industries parisienne, mais d’insérer dans la banlieue et technologies (CNIT) à l’emplacement des actuelle des villes nouvelles de 20 à 40 000 anciennes usines Zodiac. habitants. Nos urbanistes chercheront la plus pure « L’opération dite de la Défense fut l’objet de et la plus moderne expression du génie français multiples propositions, concours, projets, visant dans l’alliance de la pierre et des arbres [...] Ainsi à marquer une volonté de prolonger vers l’ouest par l’implantation délibérée de plusieurs dizaines le grand axe de Paris : Louvre, Concorde, Etoile25 de milliers de logements, construits avec la qualité repris dans l’avant projet de 1934 d’Henri Prost. que seule permet la quantité, rationnellement Aujourd’hui, l’accord s’est fait sur une réalisation organisés en grands ensembles, reliés entre eux qui marque un premier prolongement vers et aux zones d’activité, aérés par de larges l’extérieur de Paris du mouvement vers l’ouest du espaces verts, dotés de services communs quartier des affaires, mouvement qui a atteint modernes et vivants, va véritablement se révéler l’avenue de la Grande-Armée et se dessine à la création de la ville de notre époque »24. Neuilly. Mais alors que son développement est presque purement linéaire jusqu’à présent, il connaîtrait dans le quartier de la Défense une intensité et un étalement très importants »26.

La Défense Nouveau plan routier

Le plan d’aménagement de la région parisienne de Un nouveau plan pour la révision et l’extension du 1939 a fait l’objet d’un modificatif concernant le projet d’aménagement de la région parisienne de 1939 secteur de la Défense approuvé par décret du 20 est entrepris en 1951 et soumis au ministère des octobre 1956 pour « répondre à la nécessité de travaux publics, des transports et du tourisme. Le construire de grands ensembles correspondant au plan, à l’échelle du 1/100 000e, définit la consistance développement du tertiaire comme cela se fait dans du réseau général et le tracé d’ensemble des grandes les grandes cités du monde et créer un noyau circulations à créer ou à aménager. Comme le projet urbain résidentiel ». de 1939, il prévoit des voies radiales de pénétration rapide vers Paris, distinctes des routes existantes. Il crée de nouvelles rocades et améliore les anciennes. Le tracé de la grande rocade de 1939, par sa position même est abandonné dans un souci d’arrêter l’extension en surface de l’agglomération parisienne. Le plan accepté le 23 mai 1951 par le ministère des travaux publics sert de base au plan routier du projet régional pris en considération le 12 janvier 1956.27

Un ensemble de directives constituant le projet d’aménagement de la région parisienne28 est élaboré par le comité d’aménagement de la région parisienne et le SARP. La révision est prise en considération aménagement du secteur de la boucle de par le ministre de la reconstruction et du logement le Montesson avec la création de parcs 12 janvier 1956. d’exposition permanents et d’un stade olympique (revue Urbanisme 1956, le nouveau plan d’aménagement)

24 SUDREAU, Pierre, Revue Urbanisme Paris et sa région, 1957. 25 Un concours avait été ouvert et jugé en 1931 pour l’aménagement de la voie allant de la place de l’Etoile au Rond-point de la Défense. 26 plan d’aménagement et d’organisation général de la région parisienne de 1960 (PADOG) p.32. 27 PADOG, annexe A, circulation et stationnement. 28 L’ensemble des communes de chacun des départements de la Seine, de Seine-et-Oise, de Seine-et-Marne, ainsi que les communes du département de l’Oise appartenant aux cantons de Creil, Neuilly-en Thelle, Pont-Sainte-Maxence, Senlis et Nauteuil-le-Haudouin constituent un groupement d’urbanisme au sens de l’article 11 du présent code (art 48 du Code de l’Urbanisme et de l’Habitation).

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DREIF, Claude COTTOUR, septembre 2008 Une brève histoire de l'aménagement de Paris et sa région La planification à l’échelle de la région parisienne Le plan d’aménagement et d’organisation général de la région parisienne de 1960 (PADOG)

Après la période des plans de reconstruction, et dee Au 1 janvier 1960, la région parisienne atteint 8,4 travaux pour la révision du plan d’aménagement de millions d’habitants dont 7,2 millions dans la zone ag- la région parisienne, la réalisation d’un nouveau glomérée continue de Paris définie par l’INSEE. Cette document de synthèse est prescrit par le décret du zone agglomérée représente 16% de la population 31 décembre 1958 pour servir de cadre aux différents française et a augmenté de 800 000 habitants depuis plans directeurs d’urbanisme intercommunaux et aux 1954. Ce sont principalement les communes de Seine- plans d’urbanisme communaux. et-Oise autour du département de la Seine qui ont connu une forte augmentation de population alors que L’équipe chargée de la conception de ce plan d’amé- les 11 arrondissements du centre de Paris enregis- nagement et d’organisation générale de la région pa- trent une forte baisse qui touche aussi les 18e et 19e risienne (PADOG) est celle qui a procédé aux ex- arrondissements, Neuilly-sur-Seine et des cantons tensions et aux révisions du PARP en 1950 et en 1956, ruraux de Seine-et-Marne et Seine-et-Oise. sous la direction de M. Gibel, chef du SARP et sous Le rythme d’accroissement annuel de la région pari- la responsabilité du commissaire à la construction, sienne est de 160 000 à 180 000 personnes entre 1954 M. Sudreau puis M. Diebolt. Le PADOG est forte- et 1960 dont 100 000 personnes proviennent de pro- ment inspiré du document de 1956, complété et élargi vince, des départements ou des territoires français à certaines dispositions. L’horizon de ce plan est li- d’Afrique et de l’étranger. mité à 10 ans : « le projet de plan, destiné à rem- placer le PARP 29[...] n’a nullement l’ambition de dessiner le Paris de l’an 2000, mais cherche sim- Les objectifs du PADOG : plement à mieux poser certains problèmes, à af- firmer une volonté d’aménagement et d’organi- Les objectifs du plan sont : sation et à définir un cadre d’action pour les pro- - stabiliser le nombre d’habitants, chaines années »30. - décentraliser les emplois, - aménager la région parisienne elle-même par une La réalisation du PADOG s’inscrit dans une politi- action de déconcentration et de décongestion de que nationale d’aménagement du territoire. Paris, « Aujourd’hui, aux problèmes d’aménagement - loger la population dans les meilleures conditions urbain proprement dit s’ajoutent des problèmes et, dans ce but, veiller à une meilleure répartition d’aménagement du territoire où dominent les ques- des densités de population, tions économiques et sociales, où l’équipement - restructurer et organiser la banlieue, sans prend une place prépondérante et dont l’impor- l’étendre, par une action de rénovation et de tance veut qu’y participent, non seulement Paris reconquête avec la création de pôles d’attraction. et sa région, mais la France entière. « Le noyau central est trop dense et trop lointain En plaçant dans le cadre d’une politique d’amé- de la périphérie de l’agglomération. Il faut à la nagement de l’ensemble du territoire national les fois reconquérir et rénover les noyaux anciens études du nouveau plan d’aménagement et d’or- de la banlieue et aussi créer des noyaux ganisation de la région parisienne […] le gou- nouveaux ». vernement du Général de Gaulle a marqué une nouvelle et importante étape dans l’histoire de Le PADOG reprend donc globalement les objectifs Paris et sa région »31. de ceux du PARP de 1956, guidé par la volonté de

29 PADOG, p.4 30 PADOG, p.2 31 PADOG, introduction p.III.

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DREIF, Claude COTTOUR, septembre 2008 Une brève histoire de l'aménagement de Paris et sa région La planification à l’échelle de la région parisienne décentraliser la région parisienne vers la province, Les grands principes d’aménagement d’accueillir les nouvelles populations dans des grands ensembles en banlieue mais aussi dans les grandes Les objectifs du plan se traduisent en 3 grands prin- villes de la région parisienne et les grandes villes du cipes d’aménagement : bassin parisien. Le plan définit une zone agglomérée - création de quatre centres urbains nouveaux, pla- qui ignore les frontières départementales à l’extérieur cés aux quatre points cardinaux : le Bourget au nord, de laquelle la construction sera limitée et les espaces Montesson-la Défense (700 ha) à l’ouest, Vélizy (700 verts protégés : ha) au sud ; un à l’est dont la localisation n’est pas « L’étendue, la densité, le développement précisée tentaculaire des grandes agglomérations - construction de neuf grands ensembles, relative- urbaines, les conditions d’existence qu’elles ment proches de Paris pour créer des « centres se- imposent, la rapidité de leurs moyens de transport, condaires » représentant un total de 85 000 logements obligent à concevoir largement et à assurer, tout et 200 hectares de zones d’activités : Massy - An- à la fois, la protection, la mise en valeur, tony, Créteil, Alfortville - Maisons-Alfort, Vitry, Stains l’aménagement et la création de ce que l’on est - Saint-Denis - Pierrefitte, , Fontenay-sous- convenu d’appeler les espaces verts parce que Bois, Aulnay-sous-Bois – -Tremblay-les-Go- cette expression englobe les paysages à l’état nesse, Bures-Orsay naturel, les bois, les parcs et les jardins qui, - développement de grandes agglomérations au-delà nécessaires au développement harmonieux d’une des limites de la région parisienne dans des villes si- grande ville, sont indispensables à la santé tuées à 100 km au moins et au plus près des villes physique et morale de ses habitants »32. situées à deux heures de Paris (Rouen, Amiens, Reims, Troyes, Orléans, Le Mans). Quatre hypothèses sont évoquées dans le PADOG, à propos des « noyaux nouveaux » : - des villes nouvelles le long d’une grande voie, Les transports - une extension importante des villes existantes, - des villes nouvelles à 40 ou 50 km de Paris, Dans le domaine des transports ferrés, le PADOG - des noyaux urbains dans l’agglomération. se veut volontariste « des modifications importantes sont nécessaires dans la structure du réseau des L’idée de villes nouvelles est pour la première fois transports en commun. Si la création de nouveaux réellement prise en considération dans un document noyaux urbains, principaux ou secondaires, entre de planification régionale. Mais le choix se porte fi- progressivement en application, si l’on veut que nalement sur la dernière de ces hypothèses : « Autant cette restructuration soit possible et réussisse, il se justifie un desserrement de la partie centrale est indispensable que le réseau des transports de l’agglomération parisienne, autant un regrou- ferrés soit repensé dans l’esprit d’une liaison pement et une densification de la partie périphé- rapide entre différents points de la région, et non rique de l’agglomération dans ses limites actuel- pas seulement dans celui des liaisons convergentes les s’imposent [...] Vaut-il mieux alors continuer à vers le cœur de Paris »33. étendre l’agglomération déjà trop distendue et La création d’un réseau express régional figurant déjà aggraver encore ses maux ou tenter au contraire dans le PARP de 1956 doit être étudiée d’urgence. un effort de réorganisation dans son sein per- Le réseau comprend : mettant ainsi, quand la « pression logement » di- - des transversales nord-sud et est-ouest, minuera, une transformation et une régénération - la liaison Versailles – Villeneuve-Saint-Georges progressives du tissu urbain trop lâche de la ban- par les Invalides et Orsay, lieue en partant de ces noyaux modernes ? ». Ce - la desserte du plateau de Villacoublay tant en choix en faveur du principe de la densification du tissu direction de Versailles que de Paris, existant était déjà pris dans le plan précédent. - la desserte de la région du Bourget et du Mesnil- Amelot - la desserte de la région est par l’incorporation dans le réseau régional des lignes de l’est et de Vincennes au moyen d’une liaison éventuelle à Nogent.

31 PADOG, annexe F, espaces verts. 32 PADOG p.57.

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PADOG : carte générale

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Le parc automobile de la région parisienne passe de ville de Paris qui le complète et précise les dispositions 1 040 000 en 1956 à 1 585 000 en 1960.34 pour le territoire de la capitale. Pour faire face à cet accroissement spectaculaire, les auteurs du PADOG estiment que Paris est déjà En octobre 1959, le conseil municipal de Paris donne saturé. « Malgré les aménagements qui, en tout son avis sur le plan directeur et, en particulier, sur les état de cause, sont nécessaires mais fort coûteux, dispositions concernant le réseau de circulation. Le il est inéluctable que, dans quelques années, les schéma proposé comprend essentiellement deux besoins d’une circulation libre dans certains rocades à grand débit : rocade périphérique et rocade secteurs ne pourront plus être satisfaits et que l’on intérieure. Celle ci correspond aux voies et boulevards est à la veille d’une paralysie partielle plus ou établis sur l’ancienne enceinte des Fermiers moins étendue [...] Dès maintenant, il importe donc Généraux, reliées par des radiales prolongeant les de faire porter un effort maximum sur autoroutes de dégagement : l’une en direction de la l’amélioration des transports en commun, porte de la Chapelle et de l’autoroute du Nord, l’autre notamment par la création d’un réseau souterrain partant de la gare Maine-Montparnasse en direction express régional, dont la rapidité et la fréquence de la porte de la Plaine. justifieraient très souvent pour de nombreux Le conseil municipal souhaite également qu’une automobilistes, la non utilisation de leurs voitures, nouvelle liaison nord-sud soit étudiée entre la gare du tout au moins dans les quartiers centraux, ce qui, Nord et la place d’Italie (sur l’emprise du canal Saint- du même coup, apporterait une solution partielle Martin). aux délicats problèmes de stationnement. Dans la zone de banlieue, il y a une impérieuse nécessité Le PADOG est interministériel et planifie les à décongestionner le tronçon urbain des équipements et aménagements dans les domaines principales routes nationales par la création de concernant la circulation et le stationnement, les nouvelles radiales ou rocades à circulation transports, les établissements scolaires, universitaires privilégiée et rapide de type autoroute ou voie et hospitaliers, l’approvisionnement, les espaces verts, express »35. l’infrastructure aéronautique, la navigation, l’énergie, les ordures ménagères, les cultures spécialisées, les « Les autoroutes de dégagement de la capitale, la grandes installations sportives et les centres rocade périphérique de Paris et la rocade d’exposition, les gisements naturels, l’alimentation en périphérique de l’agglomération, [l’ARISO eau, l’assainissement, les cimetières, le domaine (autoroute de rocade interurbaine de Seine-et-Oise], militaire, les postes et télécommunication. ainsi que certaines liaisons entre ces deux rocades, « Le plan figure avec précision les opérations qui et une voie de liaison nord-sud à travers, paraissent devoir être maintenant retenues pour constituent la trame des voies de circulation rapide en guider l’action des pouvoirs publics et des et à grand gabarit à réaliser dans l’agglomération particuliers au cours des prochaines années. […] parisienne »36. Il sera précisé par des plans inter-communaux et de détail qui devront être mis au point en 1960 et L’autoroute du Sud dont les travaux ont commencé 1961 »38. en 1953 est ouverte à la circulation au printemps 1960 entre Paris et le Plessis-Piquet au delà de Corbeil. Approbation du plan Le prolongement de cette autoroute jusqu’à la RN7, Le document n’est pas opposable aux tiers, ce n’est au nord de Nemours, est déclaré d’utilité publique qu’un document d’intention que seules les par le décret du 3 octobre 1958. « Ce tracé administrations doivent respecter. Il est approuvé par canalisera une circulation rapide actuellement décret le 6 août 1960. dispersée sur diverses voies traversant la forêt Le PADOG est très rapidement critiqué par certains domaniale de Fontainebleau, tout en constituant professionnels pour son manque d’anticipation, pour un utile pare-feu »37. n’avoir pas vu assez grand et pour avoir accordé trop de dérogations au plan d’origine en dehors du Le PADOG s’articule avec le plan directeur de la périmètre d’agglomération.

34 Décomposition du parc des véhicules automobiles dans la Région Parisienne au 1er janvier 1960 d’après l’INSEE bulletin régional de statistique n°2, 1960. 35 PADOG, annexe A : circulation et stationnement. 36 PADOG, p.62 et 63 37 PADOG, annexe A : circulation et stationnement 38 PADOG, p.5

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PADOG : extrait de la carte au 1/50 000 de la zone centrale

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Les dossiers réglementaires soumis à l’avis du comité pour les villes moyennes comprises entre 20 000 et d’aménagement de la région parisienne donnent le 50 000 habitants. chiffre de 10 000 dérogations (pour 60 000 demandes). D’après le SARP, ce chiffre est La politique d’aménagement du territoire vise d’une relativement faible par rapport aux 400 000 logements part à freiner la croissance parisienne en y limitant réalisés en 5 ans et aux 300 à 350 000 logements les créations d’emploi et d’autre part à doter les villes projetés, pour la plupart dans les périmètres des zones de la couronne du bassin parisien d’un pouvoir de urbaines du PADOG.39 rayonnement sur l’ensemble du bassin, plus important que le seul voisinage des zones rurales ou du département.43 La région parisienne au centre L’exemple d’Orléans est ainsi significatif. Prévue pour du bassin parisien être desservie par l’aérotrain44 qui mettra la ville à 20 minutes de Paris, Orléans, capitale administrative, L’aménagement de la région parisienne préconisé par siège d’académie est en pleine expansion. Sur les le PADOG s’articule avec celui du bassin parisien 700 ha du domaine de la Source sont implantés un L’aménagement de cet espace suprarégional, « le campus universitaire, des laboratoires du CNRS, le plus grand Paris » 40 considéré approximativement bureau de recherches géologiques et minières et le dans un cercle de rayon de 200 km autour de Notre- services des Chèques postaux. La ville satellite de la Dame venant non pas se substituer, mais se Source est prévue pour accueillir 35 000 habitants. superposer à celui de la région parisienne.41 Le Mans et Tours accueillent plusieurs compagnies Le bassin parisien devient le grand bénéficiaire de la d’assurance qui ont décentralisé leur service de décentralisation industrielle de la région parisienne. gestion. Entre la fin de la 2ème guerre mondiale et le 31 Les grandes villes du bassin parisien s’équipent pour décembre 1965, il reçoit 40% des opérations et des offrir à leurs habitants des conditions de vie urbaines emplois créés dans le cadre de cette politique, soit riches. Caen, Rouen, Amiens, Reims, Orléans, Tours, 800 opérations. Le Mans accueillent de nouvelles facultés de droit, C’est l’ouest du bassin qui en profite le plus, en lettres, sciences, médecine et pharmacie. particulier le premier arc constitué par les départements de l’Eure et l’Eure-et-Loir où les Des grands hôpitaux sont construits ainsi que des implantations sont importantes, diffuses et diversifiées. équipements sportifs et culturels de qualité comme par exemple à Rouen où le théâtre se classe au 3ème Tous les départements du bassin parisien voient croître rang des théâtres de province. leur population entre 1954 et 1962, principalement dans les villes.42 Pourtant ces centres régionaux qui possèdent un Plusieurs agglomérations du bassin parisien ont un patrimoine architectural de renommée mondiale taux de croissance de leur population supérieur à celui (cathédrales, châteaux, ensembles architecturaux de l’agglomération parisienne (15%) comme par remarquables...) ne jouent pas encore totalement leur exemple : rôle au regard de l’aménagement du territoire. Si la - Caen (35%), Orléans (23%), Le Mans (21,8%), décentralisation de l’emploi industriel est bien amorcée, Tours (20%), Amiens (17,2%), Rouen (16,4%) pour celle de l’emploi tertiaire reste encore timide alors les villes de plus de 100 000 habitants que ce secteur se développe fortement dans la région - Evreux (68%), Dreux (36%) et Chartres (28%) parisienne.

39 GIBEL note à l’attention de M. DELOUVRIER. 40 Schéma directeur d’aménagement et d’urbanisme de la région de Paris de 1965, p.27. 41 Revue Urbanisme n°96/97 Le bassin parisien, 4ème trimestre 1966. 42 BASTIE, Jean, Le bassin parisien existe-t-il ? in revue Urbanisme n°96/97 Le bassin parisien, 4ème trimestre 1966. 43 WEILL, Gérard, Les centres urbains du bassin parisien – Perspectives de développement des activités tertiaires in revue Urbanisme n°96/97 Le bassin parisien, 4ème trimestre 1966. 44 Les travaux de la voie d’Orléans débutent en janvier 1968. Un tronçon de 18 km est construit pour servir de voie d’essais au cours desquels l’engin conçu par l’ingénieur Bertin atteint 430 km/h. Alors que l’on imaginait des possibles liaisons entre Cergy-Pontoise et la Défense, les projets d’aérotrain sont abandonnés en France en 1974.

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