Livret Jeune
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Ils ont vécu à l’époque de l’Ancien Monde. Quand il n’y avait pas d’avions, pas de trains et pas de voitures ; quand il n’y avait pas de téléphone, encore moins d’ordinateur ; quand les bateaux n’étaient pas encore à vapeur ou à moteur, mais à voile ou à rames. Quand chaque voyage sur les mers était une aventure, où chacun jouait sa vie. Sindbad, Ibn Jubayr, al-Idrisi, Marco Polo, Ibn Battuta, Zheng He, Ahmad ibn Majid, Vasco de Gama… Qu’ils soient navigateur, savant, marchand ou simple voyageur, tous ces hommes ont une relation particulière avec la mer et l’océan. Ressurgis du passé, ils viennent ici raconter leur histoire et leurs aventures sur les mers… Une coproduction Sindbad MON NOM EST SINDBAD DE LA MER. Je suis un personnage des Mille et Une Nuits. Je n’ai jamais existé ailleurs que dans la bouche des conteurs arabes. Le conteur qui a imaginé mes aventures s’est inspiré des riches marchands qu’il avait croisés à Bagdad, ceux qui faisaient fortune en sillonnant l’océan Indien. J’ai navigué sur cet océan 3 de très nombreuses fois, et pourtant, à chaque fois que l’envie de voir le monde et le désir de m’enrichir me poussent à m’embarquer, je découvre des îles dont j’ignorais jusqu’alors l’existence et, sur ces îles, toujours de 2 nouvelles merveilles. Nous avons débarqué un jour sur une île déserte semblable au paradis : charmé, je me suis assoupi auprès d’une rivière, à l’ombre d’un arbre chargé de fruits, bercé par le chant des oiseaux. Quand je me suis réveillé, j’étais seul. Le bateau était parti sans moi. Saisi d’angoisse, j’ai exploré l’île en tous sens et j’ai fini par découvrir une immense construction blanche et ovale. Puis soudain le soleil a disparu, ! Grand pot à eau. éclipsé par les ailes d’un oiseau gigantesque. C’était l’oiseau Rukhkh qui arrivait sur l’île pour y XVIe siècle, Deccan, Inde. couver son œuf immense. Vite, j’ai défait mon turban pour l’attacher à la patte de l’oiseau. Et le ! Coupe. lendemain, quand le Rukhkh s’est envolé, je me suis retrouvé suspendu dans les airs, si haut que XVIe siècle. Kirman, Iran. - Oiseau Rukhkh. j’ai cru toucher le ciel. Il m’a ensuite déposé sur une île aride et sans vie, où m’attendaient de e Début du XVII siècle, Iran ou Inde. nouvelles aventures : la profonde vallée en son centre abritait les plus gros diamants du monde ! 2 Pichet à décor de bateaux. 1570-1585, Iznik, Turquie. Jonas JE M’APPELLE JONAS. En arabe, mon nom se dit Younous. Mon histoire, très fameuse, est racontée dans la Torah des juifs et dans le Coran des musulmans. Un jour, Dieu a exigé que je devienne son prophète. Mais j’ai eu si peur de cette mission si difficile que je me suis enfui le plus loin possible. J’ai voyagé jusqu’au port de Jaffa et je me suis embarqué sur un navire marchand. 5 Alors que nous étions en pleine mer, une tempête terrible s’est levée. Le capitaine, certain que la tempête était un signe de la colère de Dieu, décida qu’il fallait jeter quelqu’un à l’eau pour l’apaiser. Trois fois de suite on m’a tiré au sort, et le capitaine a donc ordonné qu’on 4 me jette à la mer. Dès l’instant où je suis passé par-dessus bord, la tempête a cessé. J’ai nagé aussi longtemps que j’ai pu et, au moment où j’allais perdre tout espoir, un énorme poisson m’a avalé. Durant les trois jours et trois nuits que j’ai passées dans le ventre du monstre, j’ai beaucoup réfléchi et j’ai compris que je devais accepter la mission que Dieu m’avait confiée. J’ai alors prié de toutes mes forces : Dieu m’a entendu et il a exaucé mes prières. Il m’a accordé son pardon et a donné l’ordre au poisson de me recracher sur la plage. 7 Jonas et la baleine. Miniature tirée de Jami al-tawarikh de Rashid al-Din, 1314-1315, Tabriz, Iran. 7! Mahi maratib, étendard ' Vlétif ou licorne de mer. en forme de tête de poisson. Illustration de la Cosmographie universelle d’André Thévet, 1575, Paris. XVIIIe siècle, Deccan, Inde. al-Idrisi ON M’APPELLE AL-IDRISI CAR JE DESCENDS DE LA FAMILLE DES IDRISIDES. Cette famille est issue d’Ali, l’époux de Fatima, qui était la fille du prophète Muhammad. Les historiens ne savent pas exactement où je suis né, peut-être au Maroc à Ceuta, ou peut-être en Sicile à Palerme. Ce qui est sûr, c’est que j’ai fait mes études à Cordoue en Andalousie et qu’en 1138 j’ai accepté l’offre du roi Roger II de Sicile pour devenir son géographe officiel. 7 Roger était un roi chrétien, grand admirateur des scientifiques musulmans de langue arabe, qui étaient les meilleurs à cette époque. Qui plus est, il parlait lui-même très bien l’arabe. Décrire et nommer les différentes parties du monde, cela intéressait beaucoup Roger : il 6 avait compris que c’était un excellent moyen d’affirmer son pouvoir. Il m’a donc demandé d’écrire le Livre du divertissement de celui qui désire découvrir le monde, un livre de géographie contenant des cartes et des textes qui décrivent les villes, les caractéristiques des pays et les itinéraires à emprunter. ' Carte de la péninsule Arabique. Extrait de Kitab al-masalik wa al-mamalik (Livre des routes et des royaumes) d’Al-Istakhri, 1306-1307, Ispahan, Iran. - Olifant de Saint-Orens. XIe-XIIe siècle, Amalfi ou Salerne, Italie. al-Idrisi Pour rédiger ce livre, qu’on a appelé plus tard le Livre de Roger, je ne me suis pas contenté de relire les célèbres géographes arabes qui m’ont précédé, comme Ibn Hawqal ou al-Bakri. J’ai aussi utilisé des informations plus récentes, tirées de rapports de missionnaires envoyés dans plusieurs contrées avec un questionnaire précis. Il faut dire que la Sicile a une place centrale en Méditerranée, et c’est pourquoi j’ai pu recueillir les renseignements fournis par les nombreux voyageurs qui ont fait escale ici. J’ai également innové dans la façon de dessiner les cartes. Par exemple, pour représenter les îles, j’ai abandonné le contour symbolique à partir de formes géométriques pour adopter une forme réaliste qui respecte le véritable tracé des côtes. Et puis, mon livre ne se limite pas aux pays musulmans, mais il décrit aussi l’Europe, l’Inde et la Chine. Néanmoins, j’ai repris la division en climats, jadis établie par le grec Ptolémée, et j’ai gardé le point de vue de mes prédécesseurs arabes, en plaçant le sud en haut de la carte. - Aiguière en cristal de roche appartenant au trésor de Saint-Denis. 1000-1015, Égypte. - - Planisphère pour Roger II de Sicile. Extrait du Livre de Roger d’Al-Idrisi, fac-similé de l’original du XIIe siècle, 1875, Italie. Ibn Jubayr 6 Plat à décor héraldique de Ferrare. JE SUIS MUHAMMAD IBN JUBAYR. Milieu du XVe siècle, Manises, Espagne. ' Bateau de pèlerins traversant la mer d’Oman. Je suis né en 1145 à Valence, en Espagne. En 1183, j’ai décidé Extrait d’Anis al-hajjaj (Le compagnon du pèlerin) de Safi ibn Vali, v. 1677-1680, Inde. d’entreprendre le pèlerinage à La Mecque comme 2 Ancre taillée abbasside. chaque musulman doit l’accomplir une fois dans Xe siècle, Proche-Orient ou Iran. sa vie. De l’Andalousie jusqu’à l’Arabie, c’est un 11 long voyage, et qui n’est pas sans risque ! Grâce à la protection de Dieu tout-puissant, je suis rentré chez moi sain et sauf… deux ans et deux 10 mois après mon départ ! Pourtant, chaque fois que j’ai dû prendre la mer, j’ai bien cru y laisser la vie. Quelle peur j’ai eu en traversant la mer Pharaonique, que vous appelez la mer Rouge, entre l’Égypte et l’Arabie ! On dit que cette mer est parmi les plus dangereuses au monde Ibn Jubayr Nous avons pris la mer sur une jalba, un petit bateau qu’utilisaient les habitants d’Aydhab - Le naufrage du bateau de Kamarup. pour transporter les pèlerins désireux de se rendre à La Mecque. Mais ces gens n’ont aucun Extrait de Kamarup va Kamalata d’Abd Allah Kotbshah, 1834-1835, Lahore, Pakistan. scrupule : poussés par l’appât du gain, ils entassent le plus grand nombre possible de pèlerins - - Le prophète Khwaja Khizr Khan, invoqué sur les barques, si bien qu’un simple coup de vent peut envoyer tout le monde à la mort. particulièrement en cas de danger sur les mers. Extrait de Miniatures, portraits et modèles d’écriture Nous avons mis une semaine pour faire la traversée. Le deuxième jour nous avons été surpris des Indes, vers 1760, Inde moghole. 13 par un orage effrayant. Saisi d’effroi, chacun a fait ses adieux aux autres et s’est mis à prier, jusqu’à ce que les vents se calment et que nous parvenions à accoster sur une petite île que l’on nomme l’Île-Obstacle-aux-Navires. Sachez que la mer Pharaonique est truffée d’îlots minuscules et de périlleux récifs. Ces innombrables obstacles obligent les capitaines et les marins à réaliser des prouesses à la barre. Un conseil : avant d’embarquer, assurez- vous que le capitaine a de l’expérience et qu’il connaît bien les dangers des mers sur lesquelles il vous mène.