Manager À L’Heure Des Recompositions Coordination Territoriales Laurent Rieutort

Manager à l’heure des recompositions Coordination territoriales Laurent Rieutort

Qu’ils soient administratifs ou issus de projets, les territoires se recomposent rapidement et l’action publique tente de réduire les disparités en favorisant un développement harmonieux et équilibré. Toutes les formes spatiales (de l’hyper-ruralité aux métropoles) et Manager toutes les échelles (de la commune à l’Union européenne) sont concernées en France. Cet ouvrage fait le point sur le repositionnement des trois fonctions à l’heure des publiques (État, territoriale, hospitalière) face aux transitions territoriales. Quels sont les effets en termes de pilotage, de management territorial et de formation ? Comment agir dans le champ de Laurent Rieutort (coord.) l’ingénierie territoriale en étant facilitateur ou même coordonna- • recompositions teur ? Il s’agit ici d’appréhender les méthodes et savoir-faire qui favorisent l’innovation et la co-construction et permettent l’adaptation au changement. Les études de cas, éclairages et mises en perspectives abordent des questions aussi variées que les terri- territoriales toires de santé, les fractures sociales et territoriales, la transition écologique, la convergence avec les politiques européennes ou le renforcement de la décentralisation. Des chercheurs et praticiens, issus des différents secteurs de la fonction publique, ouvrent des pistes concrètes aux acteurs publics pour mettre en place de nouvelles stratégies de régénération des territoires. Coordination Ce livre a été conçu et coordonné par Laurent Rieutort, agrégé de Laurent Rieutort géographie, professeur à l’université Clermont-Auvergne et direc-

teur de l’Institut d’Auvergne-Rhône-Alpes du développement des serviceprofession cadre public territoires.

Préface de Jean-Pierre Raffarin La collection « Profession cadre service public » s’inscrit dans le contexte de la complexité croissante de l’action des services publics, de la mobi- lité interinstitutionnelle et de la nécessité d’une formation tout au long de la vie. Directeur de collection : Alain Bouvier, ancien recteur, professeur associé à l’université de Sherbrooke. Manager à l’heure des recompositions territoriales territoriales des recompositions à l’heure Manager

17,9 0 €

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Manager à l’heure des recompositions territoriales

Coordination Laurent Rieutort

Préface de Jean-Pierre Raffarin

2020 PRESSES DE L’ÉCOLE DES HAUTES ÉTUDES EN SANTÉ PUBLIQUE

12652_.indb 1 27/10/2020 17:12:47 Composition du comité scientifique de la collection « profession cadre service public »

Alain Bouvier Ancien recteur, professeur associé à l’université de Sherbrooke

Olivier BACHELARD, professeur à l’emlyon business school, psychologue, docteur HDR en sciences de gestion Annie BARTOLI, professeure des universités en sciences de gestion, directrice du laboratoire Larequoi de l’UVSQ Hélène CHERONNET, chercheuse en sociologie à l’ENPJJ, membre du laboratoire CLERSE, université de Lille 1 Dominique COPIN PERRIAU, administrateur des finances publiques adjoint, ENFIP Didier CULTIAUX, préfet de région honoraire, conseiller-maître honoraire à la Cour des comptes François DARRIBEHAUDE, directeur adjoint de l’ENSV, docteur HDR en droit public Delphine ESPAGNO-ABADIE, maître de conférences à Sciences Po Toulouse Nathalia GHIZZONI, éditrice aux Presses de l’EHESP Patrick LACLÉMENCE, professeur à l’université de technologie de Troyes, directeur du centre de recherche de l’ENSP Fabrice LARAT, directeur du centre d’expertise et de recherche administrative de l’ENA Philippe MARIN, professeur à l’EHESP, docteur en droit de l’université de Bordeaux François MEYER, directeur de projet auprès du directeur général du CNFPT Romuald NORMAND, professeur de sociologie à l’université de Strasbourg, codirecteur du CFCIE Philippe RAIMBAULT, président de l’université de Toulouse, professeur agrégé de droit public Ollivier VACCHINO, directeur régional adjoint de l’URSSAF de Franche Comté

Le photocopillage met en danger l’équilibre économique des circuits du livre. Toute reproduction, même partielle, à usage collectif de cet ouvrage est strictement interdite sans autorisation de l’Éditeur (loi du 11 mars 1957, code de la propriété intellectuelle du 1er juillet 1992). © 2020 Presses de l’EHESP, 2 av. Gaston Berger - CS 41119 - 35011 Rennes Cedex ISBN : 978-2-8109-0903-2 www.presses.ehesp.fr

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Préface, Jean-Pierre RAFFARIN 5 

Introduction, Laurent RIEUTORT 7 

Études de cas 13  ➊ Val de Briey : une commune nouvelle 15 ➋ L’intelligence pour tous les territoires : les défis des usages numériques 23 ➌ Nouvelle collectivité régionale à la conquête d’un nouveau management : l’exemple de la région Occitanie 33 ➍ La modernisation de l’activité juridictionnelle du juge administratif entre proximité et médiation : un modèle ? 41 ➎ Le territoire de santé : d’un cadre d’organisation à un espace de prise en charge 47 ➏ Les nouvelles intercommunalités : management, mutualisation et projet 57 ➐ Métropoles : la nouvelle donne ? 65 ➑ Des territoires de projet pour la coopération territoriale 75 Éclairages 83  ➊ Une nouvelle ingénierie face aux fractures sociales et territoriales 85 ➋ Économie régénérative et ingénierie du développement territorial 95 ➌ La nouvelle donne de la politique régionale européenne 103

12652_.indb 3 27/10/2020 17:12:47 Perspectives 111  ➊ Collectivités territoriales : acte IV de la décentralisation, profonds changements ou quasi-statu quo ? 113 ➋ La lente fabrique des territoires durables et l’urgence de la transition écologique 125 ➌ L’adaptation aux nouvelles données du management territorial 133 ➍ Le défi de la formation des cadres territoriaux 143 10 idées clés 151 

Conclusion, Laurent Rieutort 153 

Biographies des auteurs 159 

Glossaire 165 

Bibliographie 169 

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e suis très heureux et honoré d’avoir été pressenti par les auteurs de cet ouvrage qui entre dans mes préoccupations constantes, ce dans June collection déjà mature de dix années et utile pour les collaborateurs des services publics et les étudiants qui se préparent à le devenir. Chacun connaît la fierté et la fidélité de mes origines poitevines. Mes racines sont dans le Poitou : j’y suis né, j’y habite et j’y ai œuvré tant dans le secteur privé – ce qui est souvent oublié – qu’en exerçant des respon- sabilités publiques subordonnées au choix des électeurs. Même si ma carrière politique m’a mené vers des rivages lointains, dont la Chine qui me passionne par sa civilisation et son évolution contemporaine, mon intérêt est toujours resté porté sur notre belle France, si ancienne et innovatrice, et son organisation territoriale. Je suis un « Girondin raisonné » car j’ai toujours pensé que, par souci d’efficacité et de proximité, l’État, tout en conservant des prérogatives de souveraineté, de stratégie et de solidarité, doit appliquer le principe de subsidiarité et confier aux collectivités territoriales, selon leur vocation, des compétences appropriées. J’ai initié l’Acte II de la décentrali- sation avec l’adoption de la loi constitutionnelle de mars 2003. Tout en défendant la cohabitation des régions et des départements, complémen- taires dans leurs attributions, je reste préoccupé par la complexité du mille-feuille territorial qui déroute nombre d’élus et, a fortiori, nos concitoyens. Indiscutablement, la décentralisation est une œuvre inachevée, exigeant une concertation intense et loyale, pour la mener à son terme dans un souci commun de clarification. Mais les institutions n’ont guère d’enracinement et de force si elles ne sont pas servies par des collaborateurs à la hauteur des défis territoriaux, dans la mutation actuelle qu’ils subissent en partie et qu’ils doivent maî- triser en gérant au mieux, sous la direction de leurs exécutifs élus. C’est là qu’intervient le management, cet anglicisme que j’ai découvert avec Michel Barnier à l’École supérieure de commerce de Paris, et un art que j’ai tâché de pratiquer dans plusieurs entreprises, avant de m’engager dans la vie politique. J’en retiens, pour les lecteurs, la nécessité d’un pilotage d’unités humaines selon des objectifs partagés, avec la mise en

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œuvre de moyens humains et matériels, pour tendre à une organisation optimisée. À la lumière de mon expérience et de la contribution des rédacteurs de cet ouvrage, je voudrais que nous partagions ensemble trois idées clés : • La première est que, chacun à sa place, les agents publics ont un rôle majeur à jouer dans un ensemble, national et territorial, qui doit être réformé et amélioré d’abord par des réponses systémiques, et ensuite par des initiatives de terrain. Le « up-down » et le « down-up » doivent se compléter, outre la coordination horizontale. • La seconde idée est que les besoins de la population et les attentes de nos concitoyens doivent être pris en considération à tous les niveaux : la crise de confiance dans notre pays, tantôt latente tantôt explosive, est due, pour une grande part, à un manque suffisant d’écoute et de proximité. Ne nous y trompons pas ! Cela nous interpelle en termes communs d’éthique et d’efficacité de service public : nous devons mobiliser le savoir-être et le savoir-faire. • La troisième idée est que nous évoluons dans un monde mouvant, entre générations, territoires, nations et organisations internationales. Comment les acteurs pourraient-ils rester statiques sur une scène qui bouge ? À dire vrai, il nous faut non seulement nous adapter, mais bien plus anticiper et coopérer. L’ingénierie territoriale, notamment dans l’ère numérique, va connaître une profonde mutation. Il faut s’y pré- parer et l’organiser méthodiquement. Cet ouvrage apporte sa précieuse pièce à la nouvelle architecture en cours d’édification et à la gestion afférente. Mon propos trouve sa conclusion et son illustration dans le traitement collectif de l’épidémie récente de coronavirus. La première manifestation de l’union nationale, dans un État de droit, a été la complémentarité de la chaîne de décision et de solidarité entre l’État, les collectivités territoriales et le système de santé et l’engagement exemplaire des différents agents mobilisés. La vocation de bien commun des trois fonctions publiques en a été raffermie. Si doute il y avait, s’expriment aujourd’hui la volonté et l’espoir de nous former et d’agir au mieux, au service de la France et de ses territoires. Jean-Pierre RAFFARIN, Ancien Premier ministre, Président de la Fondation Prospective et Innovation

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endant longtemps, on a considéré que le territoire était une forme d’organisation de l’espace destinée à mieux administrer les choses Pet les hommes. Le territoire était alors institutionnel et reposait sur un découpage « administratif », essentiel à l’exercice d’un pouvoir politique ou de fonctions socio-économiques. La période contemporaine a vu la discussion de ce territoire « prescrit ». De nouvelles approches ont souligné l’importance de limites floues et mouvantes, variables selon les contextes, les relations ou les pratiques individuelles et collectives, maté- rielles comme symboliques. Le territoire, espace approprié, est donc aussi le produit d’un « construit social ». Or, ces territoires aux dimensions individuelles, voire psychologiques, qui les rapprochent des « espaces vécus » (Antheaume, Giraut, 2005) s’administrent moins facilement ; les logiques sont différentes et les stratégies dites « territorialisées » peuvent soit décliner à l’échelon local une politique publique régulée au niveau central, soit tenter d’infléchir les réalités locales et conduire le changement « par le bas » et l’émergence de projets « ascendants ». Quelles que soient les acceptions du terme, les territoires se transfor- ment profondément et rapidement, touchant l’ensemble des fonctions publiques. Ces reconfigurations territoriales créent ou tentent de corriger des inégalités voire des fractures spatiales, et touchent également d’autres pays européens, y compris ceux qui possédaient des États centralisés. Dans cet ouvrage, nous avons surtout cherché à appréhender les effets des récentes mutations institutionnelles relatives à l’architecture territoriale, et des nouveaux défis de l’espace géographique, sur les modes d’action et de gestion déployés par les administrations et services publics.

Recompositions territoriales

Sous les effets de changements globaux, les territoires se recomposent avec, en simplifiant, l’affirmation de cinq dynamiques interreliées. En premier lieu, une double logique d’agglomération et de métropo- lisation s’impose. Cette logique, capitale, débouche sur une nouvelle géographie économique et des risques de fragmentation, notamment

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entre les cœurs métropolitains où les « économies d’agglomération » jouent à plein et où se concentrent les emplois, et les zones périurbaines ou les espaces ruraux, moins denses et progressivement éloignés des effets d’entraînement des grandes villes. L’armature des petits organismes urbains est aussi remise en question, notamment du fait des fragilités des commerces et services au public ou de difficiles reconversions indus- trielles. Vulnérables, certaines zones hyperrurales sont menacées par la déprise, le vieillissement ou l’atonie économique, tandis que se dessine ce que Richard Florida (2017) appelle une « nouvelle crise urbaine », avec des cités devenant inabordables et inégalitaires. Deuxièmement, conjointement avec ce processus, il faut aussi comp- ter avec l’explosion des mobilités des personnes en lien notamment avec la dissociation entre les lieux de travail et de résidence. Ces mouvements résidentiels bouleversent les équilibres territoriaux, tandis que la transition numérique conduit à une horizontalité des modes de fonctionnement, à la diffusion instantanée d’une information abondante, à des formes nouvelles de travail à distance et à l’émergence d’une société du partage de données et de services, encourageant les interdépendances, coopérations et co-constructions. Dans ces conditions, on assiste à une modification des échelles de temps et d’espace, à une multiplication des flux, et donc à l’affirmation des réseaux et d’autres formes de territoires, plus « réticulaires » (Vanier, 2015). En troisième lieu, face à la mondialisation et à la recherche de com- pétitivité, on a pu aussi parler du tournant de l’« économie territoriale » (Campagne et Pecqueur, 2014). Dans un contexte de fortes turbulences économiques globalisées, la capacité d’un territoire à pouvoir s’appuyer sur cette « base locale », à se réapproprier ses ressources spécifiques (maté- rielles et immatérielles), non délocalisables, constitue un atout précieux et est à l’origine d’un cercle vertueux de valorisation économique et de compétitivité. Les enjeux du changement climatique et de la transition énergétique ainsi que la multiplication des risques environnementaux, sanitaires, économiques et sociétaux, débouchent sur une quatrième dynamique, mêlant peur du changement et recherche d’autonomie ; cette dernière peut conduire à une stratégie visant à maîtriser les « coûts du territoire » (immobilier, déplacements, énergie, alimentation, dépenses publiques) et à organiser des « boucles locales » et circuits de proximité. Enfin, un cinquième processus touche à des dimensions psychoso- ciales avec l’individualisation des modes de vie, la maîtrise de son destin et les changements rapides dans le rapport à l’État et amène à des modifications de la relation aux espaces vécus et aux collectifs, à l’expression

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de nouveaux besoins de services publics, à une remise en cause du processus de décision que l’on souhaite plus partagé, davantage participatif…

Réformes à foison

À ces profondes mutations touchant le fonctionnement socio-écono- mique des espaces à différentes échelles s’ajoute une « révolution institu- tionnelle » en France avec la série des lois de 2014 à 20171, qui visent à conforter les métropoles, à mettre en place de vastes régions et de grandes intercommunalités, ou à créer des « communes nouvelles ». Parallèlement, la réforme des services de l’État (révision générale des politiques publiques – RGPP – de 2007 à 2012, modernisation de l’action publique – MAP – de 2012 à 2015, réforme de l’administration territoriale de l’État – RéATE de 2015 à 2016) s’est accompagnée d’une tentative de déclinaison à l’échelle locale des différentes politiques publiques (éduca- tion, santé, etc.) et d’un renforcement des compétences des collectivités territoriales. Il en résulte des changements profonds dans les métiers de l’ingénierie publique au contact du terrain et des usagers. Même si l’évaluation rigoureuse des effets de ces réformes est encore partielle, nous insisterons sur quelques conséquences en matière de territoires et d’ingénierie. Un premier effet tient à la question de l’accessi- bilité aux services publics et de la proximité géographique. En effet, l’élargissement des périmètres d’intervention (communes, intercommu- nalités, régions et métropoles) entraîne inévitablement des recompositions dans les rapports de force politico-administratifs et dans les systèmes de gouvernance. Outre de délicates réorganisations dans les ressources humaines et les organigrammes, et malgré les promesses de nouvelles méthodes de travail « décentralisées » ou valorisant les outils numériques, on observe un éloignement entre les lieux de décision et les lieux de vie des habitants. Au-delà de la rhétorique de la territorialisation qui annonce une proximité avec les usagers, l’échelon stratégique reste

1. Loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles (dite loi MAPTAM). Loi n° 2015-29 du 16 janvier 2015 relative à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral. Loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République (dite loi NOTRe). Loi n° 2017-257 du 28 février 2017 relative au statut de Paris et à l’aménagement métropolitain.

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bien souvent national, voire régional (les agences régionales de santé – ARS – en sont un bon exemple). De plus, ces remaniements institutionnels et territoriaux sont complexes et difficiles à partager auprès des citoyens – les nouveaux périmètres ne relevant pas toujours d’un substrat culturel ou historique –, les réservant à quelques experts bien informés.

Contestations et crises

La conception et l’écriture de cet ouvrage ont été stimulées par deux événements majeurs : la contestation des Gilets jaunes et la crise – sani- taire mais aussi sociale et économique – liée au coronavirus. Dans les deux cas, les problématiques territoriales sont très présentes et les cadres des services publics fortement interrogés. La nature profonde du mou- vement de contestation de l’automne-hiver 2018 n’est évidemment pas facile à analyser2. S’agit-il de la confirmation des « fractures territoriales » et de l’opposition entre une France des métropoles et une « France péri- phérique », selon l’expression – discutée – de l’essayiste Christophe Guilluy. Ou bien, plus que des catégories sociales ou spatiales, la crise n’exprimerait-elle pas, selon les mots de Samuel Dépraz3, « le problème de la mobilité contrainte vers des emplois devenus surtout urbains, vers des commerces regroupés en périphérie des agglomérations importantes et des services absents ou dématérialisés, témoignant d’une perte de sociabilité et de présence de l’action publique dans les territoires ». De son côté, la crise systémique de la Covid-19 a révélé non seulement l’ampleur des inégalités sociales, mais aussi les exigences de coordination des acteurs publics et privés, le défi de territorialisation des mesures de prévention et de contrôle de l’épidémie –, et le besoin de collaboration entre les parties prenantes. L’engagement des différents agents, la conti- nuité du service public dans la durée et une bonne allocation spatiale des ressources se sont révélés vitaux tout comme la nécessaire complémen- tarité entre l’État, les collectivités territoriales et le système hospitalier.

2. Les chercheurs en sciences sociales ont déjà beaucoup écrit ; une recension est proposée sur le site de l’École normale supérieure de Lyon : http://geoconfluences. ens-lyon.fr/actualites/veille/revues-de-presse/gilets-jaunes 3. Depraz S., 2019, « Le grand retour de la question rurale : Gilets jaunes et mobilisation territoriale ? », Horizons publics, hors série, automne, Berger-Levrault, p. 22-25. Voir aussi l’analyse d’Aurélien Delpirou, « La couleur des Gilets jaunes », La Vie des idées, 23 novembre 2018.

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Finalement, ces deux crises ne poseraient-elles pas, d’une autre façon, la question de l’organisation territoriale du pays, et ne révèleraient-elles le besoin des citoyens d’être mieux associés à la vie de la nation, faisant ressurgir les questions de décentralisation, de proximité, de démocratie directe et participative, de prise en compte de l’expérience des usagers ? Autant de thèmes que l’on trouvera en filigrane dans ces pages.

Manager les territoires et manager dans les territoires

L’objectif de cet ouvrage est de faire le point sur les recompositions en cours des territoires et de voir comment les différentes fonctions publiques se repositionnent face à ces modifications aux conséquences majeures. Quels en sont les effets et résultats en termes de pilotage, de management territorial ? Comment les fonctions publiques peuvent-elles agir dans le champ de l’ingénierie territoriale ? Quels défis doivent-elles relever, notamment en matière de formation initiale et continue, et d’adaptation au changement ? Comment faire converger les politiques de l’État avec celles conduites par les collectivités territoriales ou l’Union européenne ? Doit-on aller vers davantage de décentralisation ? Il s’agira d’apporter des réponses à ces questions en s’inscrivant dans une dynamique temporelle et en croisant trois niveaux de réflexion : découpage des territoires, compétences exercées dans les territoires et modes de management déployés par les administrations et services publics. Évidemment, compte tenu de l’extrême diversité de ces thématiques et échelles, le présent ouvrage ne saurait être exhaustif et toutes les dimensions ne pourront être approfondies – on pense en particulier à la question vive de la présence de l’ensemble des services publics (santé, éducation, intervention sociale, etc.) dans les territoires ou aux très nom- breux enjeux de formation au sein du Réseau des écoles de service public. Nous tenterons toutefois de croiser des études de cas, choisis en fonction de différents types de territoires – institutionnels ou de projets – et de diverses thématiques (justice, santé, numérique), et des apports plus réflexifs (fractures sociales et territoriales, développement économique, enjeux européens) ou prospectifs (renforcement de la décentralisation, transition écologique, nouvelles données du management territorial, défi de la formation des cadres territoriaux). Laurent RIEUTORT

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12652_.indb 11 27/10/2020 17:12:47 12652_.indb 12 27/10/2020 17:12:47 Études de cas

Val de Briey : une commune nouvelle 15 

L’intelligence pour tous les territoires : les défis des usages numériques 23 

Nouvelle collectivité régionale à la conquête d’un nouveau management : l’exemple de la région Occitanie 33 

La modernisation de l’activité juridictionnelle du juge administratif entre proximité et médiation : un modèle ? 41 

Le territoire de santé : d’un cadre d’organisation à un espace de prise en charge 47 

Les nouvelles intercommunalités : management, mutualisation et projet 57 

Métropoles : la nouvelle donne ? 65 

Des territoires de projet pour la coopération territoriale 75 

12652_.indb 13 27/10/2020 17:12:47 Dans la même collection aux Presses de l’EHESP

Gillet A. (dir), Travailler dans les services publics : la nouvelle donne, juin 2020. Bachelard O., Espagno-Abadie D. (dir.), La formation professionnelle dans les services publics. Nouveaux enjeux, nouvelles pratiques, octobre 2019. Marin P., Tenne Y. (dir.), Devenir cadre dirigeant, octobre 2018. Espagno-Abadie D., Peneranda A. (dir.), Fonction(s) publique(s) : le défi du changement, mars 2018. Bachelard O. (dir.), Le bien-être au travail, avril 2017. Larat F., Chauvigné C. (dir.), Vivre les valeurs du service public, novembre 2016. Trosa S., Bartoli A. (dir.), Les paradoxes du management par le sens, avril 2016. Assens C. (dir.), Les réseaux de service public : menace ou opportunité pour l’action publique ?, août 2015.

aux Éditions CANOPÉ

Roudière J. (dir.), Mobilité des cadres et administration. La modernisation de la gestion publique des ressources humaines, mai 2015. Bachelard O., Normand R. (dir.), Vers un leadership au service du management public. Favoriser l’émergence de compétences collectives, octobre 2014. Cultiaux D., Raimbault P. (dir.), Les cadres publics et l’État de droit. Prévenir les risques juridiques, juin 2014. Vacchino O. (dir.), Vers l’e-gouvernance. Pour une nouvelle administration numérique, mai 2013. Brunetière J.-R., Chanut V., Vallemont S. (dir.), L’imagination mana gériale des cadres publics. Un talent à cultiver, mars 2013.

12652_.indb 175 27/10/2020 17:12:54 Conception : Presses de l’EHESP Réalisation : STDI Achevé d’imprimer en novembre 2020 Sepec numérique à Peronnas N° d’impression : N10715201007 Imprimé en France

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teur de l’Institut d’Auvergne-Rhône-Alpes du développement des serviceprofession cadre public territoires.

17,9 0 €

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