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■ LA BIBLIOTHÈQUE DE L’INSTITUT DE

LES FONDS PATRIMONIAUX DE LA BIBLIOTHÈQUE DE L’INSTITUT DE FRANCE

réé en 1795, l’Institut de France dique pour se consacrer presque uni- Cprit la succession des anciennes quement aux sciences humaines. Les académies royales qui remontaient ouvrages anciens y tiennent une pour la plupart au XVIIe siècle. Il se grande place, mais elle continue d’en- compose aujourd’hui de cinq compa- granger des documents contempo- gnies, l’Académie française, l’Acadé- rains dans le cadre d’une rigoureuse mie des inscriptions et belles-lettres, politique d’acquisitions. l’Académie des sciences, l’Académie Sa mission première consiste à des beaux-arts et l’Académie des recueillir les travaux des cinq acadé- sciences morales et politiques, qui pos- mies, ceux qu’elles encouragent, ainsi sèdent en commun une bibliothèque que les œuvres des membres de l’Ins- riche d’environ 1 500 000 ouvrages, titut ou les concernant, y compris 8 000 manuscrits, 1 200 périodiques leurs papiers personnels. « vivants » et 11 000 titres « morts », de Paradoxalement, elle est aussi, par médailles, de photographies et d’ob- tradition, dépositaire de collections jets divers, notamment des épées précieuses sans lien direct apparent d’académiciens. avec les académies, si ce n’est qu’elles Les biens de la bibliothèque appar- constituent des monuments de la cul- tiennent pour les uns à l’État, lors- ture française, l’exemple le plus Une séance de l’Académie française, gravure de P. Sevin, qu’ils ont été confisqués sous la remarquable étant celui de la collec- dans : Père Ménestrier, La Devise du roy justifiée, 1679. Révolution, achetés sur le budget tion Lovenjoul évoquée ci-après. © Bibliothèque de l’Institut de France propre de la bibliothèque ou préemp- tés en vente publique avec des crédits de l’État et au nom de celui-ci, pour Les dotations de l’État les autres à une académie ou à l’Insti- tut dans son ensemble, quand ils pro- La monarchie puis la république, viennent de dons ou de legs. protectrices des académies, eurent le La bibliothèque partagea longtemps souci de les doter en livres, la pre- l’idéal de l’Institut : « Raccorder toutes mière « subvention » consistant en les branches de l’instruction » et repré- 660 ouvrages choisis dans les doubles senter un « abrégé du monde savant ». de la Bibliothèque royale et donnés MIREILLE PASTOUREAU Elle fut longtemps animée d’une en 1673 par Colbert à l’Académie FABIENNE QUEYROUX grande ambition, soutenue par ses française pour avancer l’élaboration ANNIE CHASSAGNE conservateurs qui, jusqu’au milieu du du Dictionnaire. XXe siècle, étaient choisis parmi les On remarque des dotations indirectes, Bibliothèque de l’Institut membres de l’Institut. Elle a renoncé comme l’ancienne bibliothèque de de France aujourd’hui à sa vocation encyclopé- l’Académie royale d’architecture, pla- 41 BBF T. 42 n° 2 1997 ■ LA BIBLIOTHÈQUE DE L’INSTITUT DE FRANCE ■

cée sous la Révolution à la disposition 24 000 livres et les manuscrits de par des bibliothèques plus presti- de l’École d’architecture et installée l’ancienne bibliothèque de la ville de gieuses, il n’en retira bien souvent en 1804, dans le Collège des Quatre- Paris, composée en grande partie du que du « deuxième choix ». De cette Nations, où l’Institut devait emména- legs d’un parlementaire, Antoine époque date aussi la saisie par Bona- ger lui aussi. Elle ne quitta pas ce lieu Moriau. Le mobilier fut lui aussi tiré parte, à Milan, de carnets de dessins lors du départ de l’école vers l’École en partie des dépouilles de l’abbaye scientifiques de Léonard de Vinci, des beaux-arts en 1840. de Saint-Denis et du château de Ver- confiés aux membres de l’Institut afin Avec la création de l’Institut natio- sailles. qu’ils les étudient. nal, en 1795, apparut – dans l’esprit Le bibliothécaire de l’Institut fut des Lumières – une véritable poli- autorisé à aller choisir des livres dans tique pour la bibliothèque. Il fut les dépôts littéraires mais, devancé prévu qu’elle bénéficierait des DÈS LA FONDATION confiscations révolutionnaires et qu’elle s’ouvrirait au public sous cer- DE L’INSTITUT taines conditions, ouverture qui est 1. Les membres de l’Institut et le personnel des 1 Académies sont admis de droit, et, les toujours en vigueur . Dès 1797, on lui chercheurs extérieurs sont également accueillis, APPARAÎT AINSI attribua, comme fonds initial, les sur autorisation. LE SOUHAIT Léonard de Vinci, Machine volante actionnée par un homme. Manuscrit, vers 1500. © Bibliothèque de l’Institut de France CONSTANT DE DOTER LA BIBLIOTHÈQUE D’UNE DOCUMENTATION IMPORTANTE, SAVANTE ET DE QUALITÉ, MAIS NON D’OUVRAGES DE PURE BIBLIOPHILIE

Dès la fondation de l’Institut appa- raît ainsi le souhait constant de doter la bibliothèque d’une documentation importante, savante et de qualité, mais non d’ouvrages de pure biblio- philie. Elle fut conçue, non pas comme une bibliothèque-musée, mais comme une bibliothèque de tra- vail, utile aux membres de l’Institut qui, élus très jeunes, avaient leur œuvre à écrire. Aujourd’hui, la bibliothèque de l’Ins- titut appartient, avec les quatre autres bibliothèques dites « de grands établissements », à la famille des 42 bibliothèques universitaires et, à ce BBF Paris T. 42 n° 2 1997 ■ LA BIBLIOTHÈQUE DE L’INSTITUT DE FRANCE ■

titre, reçoit une subvention de fonc- Les membres de l’Institut donnent Les échanges de publications des tionnement du ministère de l’Éduca- aussi individuellement leurs œuvres cinq académies avec des académies tion nationale, de l’Enseignement (souvent aimablement dédicacées), étrangères sont par tradition vivaces supérieur et de la Recherche. Ce certains ouvrages récents ou d’autres et originaux, car ils apportent une budget ne lui permet guère de réali- encore provenant de leur biblio- production imprimée rare et circu- ser d’importantes acquisitions de thèque personnelle, lorsque la place lant parfois hors des circuits commer- documents anciens. En 1995, vient à y manquer. C’est traditionnel- ciaux. 641 périodiques sont donnés 80 000 francs et, en 1996, moins de lement le cas, à l’instar de Léopold chaque année à la bibliothèque par 50 000 francs leur furent consacrés. Delisle en 1905, des membres de les académies, parmi lesquels 339 Ces achats parmi lesquels on note, l’Académie des inscriptions et belles- proviennent de l’Académie des pour l’année 1995, le manuscrit du lettres, détenteurs d’encombrants sciences. discours de réception de Chateau- mais indispensables ouvrages d’éru- D’une manière générale, 70 % des briand à l’Académie française, un dition. acquisitions de livres et de pério- état inconnu du Dictionnaire de la diques contemporains entrent à la même académie et une gravure bibliothèque par voie de don. ancienne représentant l’Institut à LES ÉCHANGES l’époque du « Palais des beaux-arts », cherchent à compléter des fonds et DE PUBLICATIONS Les dons et legs demeurent en rapport étroit avec l’histoire de l’institution. DES CINQ Les dons et legs de collections pri- vées, destinés à une académie, à l’Ins- ACADÉMIES AVEC titut ou à la bibliothèque elle-même, La participation constituent la source d’enrichisse- des académies et de l’Institut DES ACADÉMIES ment la plus considérable. Les donateurs trouvent dans l’Institut La participation financière des aca- ÉTRANGÈRES SONT de France une institution prestigieuse, démies et de l’Institut aux achats de stable et indépendante des fluctua- la bibliothèque est très faible, peut- PAR TRADITION tions politiques, où leur collection gar- être en raison de la tutelle collégiale dera son unité, comme la collection de exercée sur la bibliothèque par une Maxime Du Camp donnée à l’Acadé- commission de représentants des VIVACES mie française et composée de livres, cinq académies. de manuscrits et de photographies. Des acquisitions notables furent ET ORIGINAUX, Souvent, la collection porte le nom du cependant réalisées dans le passé à la donateur et c’est à une commission suite de grands dons, sans doute dans CAR ILS APPORTENT d’académiciens qu’il revient d’autori- un élan de reconnaissance et de ser à bon escient les consultations et fierté. Ainsi, en 1911, furent acquises, UNE PRODUCTION les publications ultérieures. lors de la vente de la bibliothèque Certaines collections se trouvèrent Metternich et pour la collection IMPRIMÉE RARE fondues dans le fonds général, tels les Lovenjoul, les épreuves de Louis 2 000 volumes de Nélie Jacquemart ou Lambert corrigées par Balzac. L’ou- ET CIRCULANT les 950 livres de la bibliothèque de verture de la bibliothèque Thiers Paul Morand. Mais la plupart des s’accompagna elle aussi de l’achat de PARFOIS HORS grands fonds ont conservé le nom de plusieurs fonds, notamment, en 1917, leur donateur. La place manque ici de la bibliothèque de 6 000 volumes DES CIRCUITS pour les énumérer. L’on ne citera pour de Jules Claretie, administrateur de exemple que le fonds Georges Duples- la Comédie française. COMMERCIAUX sis (1834-1899), directeur du Cabinet Les dons d’ouvrages par les acadé- des estampes de la Bibliothèque natio- mies sont en revanche très impor- nale, membre de l’Académie des tants. Elles déposent à la Parfois, des héritiers souhaitent beaux-arts (5 000 ouvrages), la Biblio- bibliothèque non seulement leurs compléter, par de beaux exem- thèque Bolivar, fondée à Paris à la fin publications, celles des établisse- plaires, la collection des œuvres – y du XIXe siècle par plusieurs états ments sur lesquels elles exercent une compris les tirés à part – d’un d’Amérique du Sud, puis confiée à tutelle (Écoles françaises d’Athènes, membre défunt. Ces dons peuvent l’Institut, et le fonds Karaiskakis relatif de Rome, Casa de Velasquez...), mais aussi concerner un pays étranger, à Paul Valéry, légué à l’Académie fran- aussi de nombreux livres reçus en comme celui de l’impératrice d’Iran, çaise en 1986. hommage. L’Académie des inscrip- Farah Pahlavi, lorsqu’elle fut élue Deux importantes bibliothèques tions et belles-lettres a donné membre associé étranger de l’Aca- furent données à l’Institut de France 344 livres en 1994 et 364 en 1995. démie des beaux-arts. au début de ce siècle : 43 BBF Paris T. 42 n° 2 1997 ■ LA BIBLIOTHÈQUE DE L’INSTITUT DE FRANCE ■

fage – en 1953 – et l’élec- napoléonienne. Victime de sa tricité, en 1962. Elle richesse, elle dut alors affronter des maintint cependant jus- difficultés financières aujourd’hui qu’en 1980 une tradition jugulées au prix d’un train de vie d’achats en ventes modeste. publiques, concernant des auteurs mineurs déjà présents dans la collec- Travaux de recherche tion. A partir de 1959, elle reçut une aide de la Plusieurs travaux récents ont été Direction des biblio- consacrés aux collections de la biblio- thèques pour la reliure thèque. En 1995, un stagiaire de des collections et l’acqui- l’ENSSIB, Daniel Bornemann, a réalisé sition des ouvrages de le catalogue informatisé de 540 livres référence indispensables. de voyages – publiés avant 1800 – qui Plusieurs dons importants seront inclus dans la base de données vinrent compléter la col- Bibliographie de la littérature des lection : le fonds Buloz, voyages en langue française3. En 1996, composé de la correspon- une autre stagiaire, Aude Le Divi- dance administrative de la dich, a consacré son mémoire d’étude Revue des Deux-Mondes à l’élaboration de méthodes d’éva- au XIXe siècle, avec les luation et de mise en valeur du patri- lettres de divers collabora- moine scientifique de la teurs de la revue et la cor- bibliothèque4. Un ouvrage d’Annie respondance de Flaubert, Chassagne sur la bibliothèque de riche de 3 000 lettres, legs l’ancienne Académie royale des de Mme Franklin-Grout, sciences est en préparation5, ainsi nièce de l’écrivain. qu’une thèse d’École des chartes Honoré de Balzac, Épreuves corrigées du Lys dans la Vallée, 1835. – la bibliothèque Thiers, consacrée aux relations du collection- © Bibliothèque de l’Institut de France. Collection Spoelberch de Lovenjoul riche de 130 000 volumes, neur Charles Spoelberch de Loven- 1 500 périodiques, joul avec ses libraires. 40 000 estampes, 450 des- Ces recherches ouvrent la voie à – la collection Spoelberch de Loven- sins et 2 000 manuscrits, appartient à d’autres études inspirées par les joul, léguée à l’Institut en 1907, est la Fondation Dosne-Thiers, legs réa- fonds patrimoniaux de la biblio- consacrée à la littérature romantique lisé en faveur de l’Institut en 1905 par thèque, encore trop peu connus*. française2. Elle se compose de Félicie Dosne, belle-sœur d’Adolphe 1 500 manuscrits, 40 000 livres, Thiers. Elle est établie dans l’hôtel Mireille Pastoureau 900 périodiques relatifs à Balzac, particulier de l’homme d’État, situé Janvier 1997 Théophile Gautier, Sainte-Beuve, place Saint-Georges à Paris et devait George Sand, Musset, Dumas père, être consacrée « à l’histoire moderne Gérard de Nerval, Vigny, etc. et plus particulièrement à l’histoire de Installée à l’origine dans un ancien la France ». Elle demeure aujour- 3. Daniel BORNEMANN, La Bibliographie de la littérature des voyages de langue française à la couvent de Chantilly et aujourd’hui d’hui spécialisée dans l’histoire du bibliothèque de l’Institut, Mémoire d’étude établi e confiée à la bibliothèque de l’Institut, XIX siècle et reste rattachée, selon la sous la direction de François Moureau, ENSSIB, elle fut gérée par d’illustres conserva- volonté de sa fondatrice, à la biblio- 1995. 4. Aude LE DIVIDICH, Défense et illustration du teurs, mais elle n’eut jamais les thèque de l’Institut qui lui délègue un patrimoine scientifique des bibliothèques : étude moyens de mettre en œuvre une conservateur d’État deux jours par et évaluation du fonds scientifique ancien de la ambitieuse politique d’acquisitions. Il semaine. bibliothèque de l’Institu, Mémoire d’étude établi sous la direction de François Dupuigrenet lui fallut d’abord installer le chauf- Des achats et de nombreux dons vin- Desroussilles, ENSSIB, 1996. rent enrichir cette bibliothèque au 5. Annie CHASSAGNE, La Bibliothèque de l’Académie royale des sciences au XVIIIe siècle. A début du siècle. En 1926, le legs paraître fin 1998. considérable de Frédéric Masson, * Cet article ne traite pas de la bibliothèque du 2. Charles Spoelberch de Lovenjoul (1836- historien de Napoléon et secrétaire duc d’Aumale, conservée au Musée Condé de 1907), érudit belge, collectionneur de Chantilly, qui appartient à l’Institut de France documents sur les écrivains romantiques perpétuel de l’Académie française, mais n’est pas rattachée à la bibliothèque de français. en a fait un haut lieu de l’histoire l’Institut. 44 BBF Paris T. 42 n° 2 1997 ■ LA BIBLIOTHÈQUE DE L’INSTITUT DE FRANCE ■

LES COLLECTIONS DE MANUSCRITS DE LA BIBLIOTHÈQUE DE L’INSTITUT DE FRANCE

es collections de manuscrits de la France entre la mi-XVIe et la mi- miciens, le plus souvent donnés ou Lbibliothèque de l’Institut de XVIIe siècle2. Les manuscrits de légués par eux-mêmes ou par leurs France ont pour noyau initial les Moriau, hors fonds Godefroy, for- héritiers, directement à la biblio- « 2 000 manuscrits » rassemblés par le ment aujourd’hui « l’ancien fonds », thèque ou bien à l’académie dont ils procureur Antoine Moriau pour son soit les numéros 1 à 835, plus quelques étaient membres. Parfois ce sont des usage personnel et légués en 1760 à la autres, représentant 11,9 % du fonds ensembles restreints, constitués par ville de Paris avec le reste de sa général3. exemple uniquement de correspon- bibliothèque. A la Révolution, la collection de la dance – ainsi toute la correspon- ville de Paris devenue celle du jeune dance reçue par Jérôme Carcopino a Institut national s’enrichit de manus- été confiée par sa famille à la biblio- L’ancien fonds crits prélevés dans les dépôts litté- thèque –, ou d’un choix de docu- raires. C’est l’occasion de récupérer ments – par exemple, le compositeur quelques épaves des collections des Henri Büsser a fait don de son Plutôt que la collection d’un biblio- anciennes académies royales, princi- vivant d’un certain nombre de phile, il s’agit d’une bibliothèque de palement l’Académie des sciences. manuscrits musicaux. travail : peu de manuscrits médiévaux, e Au XIX siècle, les collections s’accrois- peu de littérature, seulement quelques sent considérablement, par des dons belles reliures, et surtout des textes et legs de particuliers, ainsi que par les fondamentaux, où dominent nette- dons des différentes académies. Les LES MANUSCRITS ment la théologie, le droit et l’histoire 1 premiers achats connus ont lieu au de France . Moriau y avait joint la col- e XX siècle seulement. DU NOUVEAU FONDS lection des Godefroy père et fils, his- Si une fraction non négligeable des toriographes de France entre 1632 et manuscrits n’a pas de provenance ONT DANS LEUR TRÈS 1681, formée de documents originaux répertoriée, et s’il est difficile d’éva- et de copies concernant l’histoire de la luer en particulier la part des saisies GRANDE MAJORITÉ révolutionnaires, on peut cependant estimer que la proportion des achats UN LIEN DIRECT ne représente que 1 % de l’ensemble 1. Alfred FRANKLIN, Les anciennes bibliothèques des manuscrits du fonds général, alors AVEC L’INSTITUT de Paris, t. 3, Paris, 1873, p. 181-300 (Chapitre que les dons et legs constituent au « Hôtel de ville »), en particulier p. 182-189 (legs Moriau). moins 70 %, et les provenances insti- 2. Cette collection a été au XIXe siècle séparée du tutionnelles (dons des académies) fonds général, pour faire l’objet d’un catalogue particulier. Elle comporte 555 numéros. François environ 10 %. Mais parfois ce sont de véritables GÉBELIN, Catalogue général des manuscrits des Actuellement le fonds général com- archives personnelles, formant un bibliothèques publiques de France. Paris, prend 7 707 numéros. Chronologique- fonds complexe : papiers familiaux, Bibliothèque de l’Institut, Collection Godefroy, e e Paris, 1914. ment, le XIX et le XX siècles y dominent documents de travail, manuscrits 3. Marcel BOUTERON et Jean TREMBLOT, Catalogue largement, avec respectivement 42 et d’œuvres, correspondance... C’est le général des manuscrits des bibliothèques 32 %, suivis de loin par le XVIIIe siècle cas des fonds Louis Hautecoeur, publiques de France : Paris. Bibliothèque de e l’Institut, ancien et nouveau fonds, Paris, 1928. Un (15 %) et le XVII siècle (9,6 %). Félix Labisse ou Ferdinand Brunot. premier catalogue de l’ancien fonds avait été établi Il arrive aussi que, pour des raisons au XIXe siècle : Fernand BOURNON, Catalogue des manuscrits de la bibliothèque de l’Institut, Paris, 1890. Un supplément recensant les Le nouveau fonds accroissements du fonds général a paru en 1962 : J. TREMBLOT DE LA CROIX, Catalogue général des manuscrits des bibliothèques publiques de France. Les manuscrits du « nouveau fonds » Tome LIV : Paris, Bibliothèque de l’Institut de ont dans leur très grande majorité 4. Les exemples qui suivent ont été choisis de France, Supplément, Paris, 1962. Le catalogue des 4 préférence parmi les accroissements récents, acquisitions ultérieures est consultable à la un lien direct avec l’Institut . Il s’agit moins connus puisque leur catalogue n’est pas bibliothèque. principalement de papiers d’acadé- publié. 45 BBF Paris T. 42 n° 2 1997 ■ LA BIBLIOTHÈQUE DE L’INSTITUT DE FRANCE ■

donnés par sa des manuscrits politiques inédits de veuve, ou bien Condorcet, en complément du fonds encore la corres- existant, très important, donné par pondance Eliza O’Connor, fille de Condorcet. d’Anna de A cause des prix très élevés atteints Noailles, prove- par les manuscrits, les acquisitions nant de quatre doivent être soigneusement sélec- dons différents, tionnées, après concertation avec les ou encore le autres institutions publiques suscep- fonds dit Wel- tibles d’être intéressées par les lington, composé mêmes documents. de lettres person- nelles adressées Archives ou bibliothèques à Joseph Bona- parte intercep- Pour les chercheurs qui travaillent tées par sur l’histoire de l’Institut ou sur ses Wellington ou membres, il est souvent difficile de perdues lors de faire la différence entre les fonds la bataille de manuscrits de la bibliothèque de Vitoria en 1813, l’Institut et les documents conservés et offertes à l’Ins- par les différents services d’archives titut cent qua- de l’Institut. La distinction est claire rante ans plus pour les archives organiques, conser- tard par son des- vées par les archives de l’Institut ou cendant, le sep- de chaque académie5 ; elle l’est beau- tième duc de coup moins en ce qui concerne les Edouard Vuillard, Croquis et esquisses, 1890-1905 © Bibliothèque de l’Institut de France. Wellington. archives personnelles des académi- La bibliothèque ciens. Ceux-ci, ou leurs héritiers, peu- de l’Institut s’ef- vent choisir de déposer les papiers à intellectuelles ou affectives, les force aussi de collecter la « littérature la bibliothèque ou aux archives. papiers soient répartis entre plu- grise », travaux universitaires français Dans certains cas, la bibliothèque et sieurs institutions. Ainsi Charles et étrangers, portant sur l’histoire de les services d’archives détiennent des Samaran a-t-il attribué lui-même par l’Institut ou des académiciens, et sou- fonds complémentaires, comme pour legs aux archives départementales vent produite à partir de ses propres les correspondances de Ferdinand du Gers tous ses papiers sur l’his- fonds. Elle a recueilli notamment une Fouqué et d’Alfred Lacroix, parta- toire de la Gascogne, et à la biblio- trentaine de thèses et mémoires sur gées entre les archives de l’Académie thèque de l’Institut tout ce qui l’œuvre de Julien Green. des sciences et la bibliothèque6, ou le concernait ses autres domaines d’ac- Enfin, dans la mesure où ses moyens fonds Paul Morand, légué à l’Acadé- tivité. financiers le lui permettent, elle pro- mie française. Parfois aussi, en fonc- Parfois les fonds se constituent en cède à des achats. Ainsi, en 1991, tion des attachements professionnels plusieurs étapes. Le peintre Jacques- 1992, 1995 et 1996, elle a acquis suc- et institutionnels, des papiers d’aca- Émile Blanche a donné à la biblio- cessivement un ensemble de lettres démiciens peuvent être remis à thèque un ensemble de documents de Condorcet à Turgot, des lettres de d’autres institutions, telles que le Col- personnels et familiaux. Après son Condorcet à Guyton de Morveau et lège de France, la Fondation natio- décès, son neveu et exécuteur testa- nale des sciences politiques, la mentaire a remis un important lot bibliothèque du , le Muséum resté entre ses mains, qu’il a com- d’histoire naturelle. plété quelques années plus tard d’un 5. Chaque académie conserve ses propres Dans l’intérêt de la recherche, il est nouveau don, permettant ainsi la archives. Celles de l’Académie des sciences très important d’établir des relations forment un service distinct ; celles de constitution d’un fonds remar- l’Académie française, de l’Académie des avec d’autres services et d’autres ins- quable. inscriptions et belles-lettres, de l’Académie des titutions et de s’efforcer de faire cir- Quelques fonds importants n’éma- beaux-arts et de l’Académie des sciences morales et politiques sont placées sous la culer informations, inventaires et nent pas d’académiciens, mais ont été responsabilité de l’archiviste de l’Institut. catalogues. confiés à la bibliothèque en raison du 6. Voir : Histoire et mémoire de l’Académie des Fabienne Queyroux prestige de l’Institut : par exemple, les sciences : guide de recherches, sous la direction d’Eric BRIAN et Christiane DEMEULENAERE-DOUYÈRE, papiers de René Waldeck-Rousseau, Paris, 1996. 46 BBF Paris T. 42 n° 2 1997 ■ LA BIBLIOTHÈQUE DE L’INSTITUT DE FRANCE ■

LE FONDS SCIENTIFIQUE DE LA BIBLIOTHÈQUE DE L’INSTITUT

e fonds scientifique est une com- lui appartenant dans sa séance du systématique des ouvrages établi en Lposante importante de la biblio- 5 Pluviôse an V (5 janvier 1797). Cette 1764 et complété jusque vers 1784. thèque de l’Institut, tant pour les collection nous est connue par plu- Nous avons ainsi une idée précise de la manuscrits que pour les périodiques sieurs inventaires répertoriant cartes, collection : riche d’environ 1 000 à ou les ouvrages imprimés ; quelques manuscrits, instruments, imprimés et 1 200 titres, elle était composée essen- instruments scientifiques sont même journaux. La bibliothèque de l’Institut tiellement d’ouvrages du XVIIIe siècle, conservés à la bibliothèque. L’histoire conserve en particulier un catalogue de la seconde moitié surtout, et elle de ce fonds se confond avec l’histoire de la bibliothèque en général, elle- Louis Joblot, Observations d’histoire naturelle faites avec le microscope, Paris, 1754-1755. même liée à l’histoire de l’Institut. © Bibliothèque de l’Institut de France

Le fonds initial

Le fonds initial est constitué de trois apports principaux : – Les saisies révolutionnaires : dès la fin de l’année 1796, des autorisations sont données au bibliothécaire de l’Institut pour effectuer des prélève- ments dans tous les dépôts littéraires. Certaines listes d’ouvrages nous sont connues ; elles ne comptent que très peu de documents scientifiques : sur les 2 000 titres prélevés dans les dépôts de la rue de Lille, de la rue Marc, de la rue Antoine et dans celui des Cordeliers, une centaine de titres seulement relèvent du domaine scientifique pur. Nous n’avons pas décompté en effet les nombreux ouvrages de voyages. – Les fonds des anciennes académies royales : on peut considérer l’apport de l’Académie royale d’architecture et celui de l’Académie royale des sciences. D’après les inventaires qui nous sont parvenus, le premier est un fonds modeste d’environ 150 titres (imprimés et manuscrits) ; sur cet ensemble, une vingtaine seulement relèvent du fonds scientifique et ne sont pas forcément tous présents à la bibliothèque de l’Institut, puisqu’une partie du fonds avait été attribuée à l’École centrale des travaux publics, future École polytechnique. Beaucoup plus intéressant est le fonds de l’ancienne Académie royale des sciences, réclamé par l’Institut comme 47 BBF Paris T. 42 n° 2 1997 ■ LA BIBLIOTHÈQUE DE L’INSTITUT DE FRANCE ■

Les domaines de loin les plus impor- tants restent l’histoire naturelle, près de 300 titres, et la médecine, 260 titres si on y ajoute la chirurgie et l’anato- mie. Ces matières sont celles que l’on retrouve dans les manuscrits de l’an- cien fonds, où figurent par exemple plusieurs manuscrits de recettes médi- cales.

Les accroissements au XIXe siècle

Dès sa création, l’Institut national eut à cœur de compléter les collections mises à sa disposition. Joseph-Louis Lagrange (1736-1813), Mécanique et physique. Manuscrit Dans sa séance du 5 germinal an IV © Bibliothèque de l’Institut de France (25 mars 1796), il se préoccupe d’ob- tenir les journaux étrangers lui per- mettant de « connaître l’état des couvrait tous les domaines : mathéma- les volumes reliés, par le sceau sciences et des arts chez les nations tiques, physique, astronomie, voyages, – d’azur à un soleil d’or accompagné éclairées de l’Europe ». Le 5 Pluviôse histoire naturelle, médecine... de trois fleurs de lys du même, deux an V, il demande à chaque classe de Les sciences fondamentales prédomi- en chef et une en pointe. dresser une liste des acquisitions nent ; l’astronomie et les voyages – La bibliothèque de la ville de Paris. nécessaires au travail de chacune d’observation sont très bien repré- Plusieurs catalogues nous sont parve- d’elle ; dès le lendemain, la classe des sentés avec environ 200 titres ; la nus : le catalogue du fonds Moriau, sciences physiques et mathématiques médecine compte 115 titres, l’anato- daté de 1763, et celui de la ville de incite chacune de ses sections à tra- mie 60 ; les arts et métiers, l’économie Paris. Outre un catalogue alphabé- vailler à l’établissement de cette liste. rurale et l’agriculture sont moins tique, il existe des inventaires systé- Dès les premières séances également, riches. matiques ; la classification adoptée sont présentés à l’assemblée les livres Plusieurs collections de journaux, en dans le catalogue Moriau a été remis en hommage par leurs auteurs, particulier ceux qu’éditaient les diffé- reprise dans celui de la ville, et ulté- académiciens ou non, et qui vien- rentes académies françaises ou étran- rieurement par la bibliothèque de dront enrichir les collections de la gères (Académie de Berlin, de l’Institut, et ce jusqu’en 1895. Les bibliothèque. Saint-Pétersbourg, Royal Society de estimations suivantes prennent en Tout au long du XIXe siècle, ces dons Londres...) complétaient cet compte les domaines de la physique, représenteront un accroissement ensemble. Les manuscrits sont très de l’histoire naturelle, de la méde- régulier reflétant les recherches et variés. Ils sont liés à l’activité de l’ins- cine, de la chirurgie, des mathéma- découvertes présentées à l’approba- titution, comme les planches prépara- tiques, de la mécanique, de tion de l’Académie. Les documents à toires à la Description des Arts et l’astronomie et de la navigation ; notre disposition ne nous permettent Métiers, ou il s’agit de papiers person- nous n’avons pas considéré les arts et pas d’évaluer la part des achats dans nels légués à l’Académie, comme le techniques. l’accroissement du fonds de la biblio- registre de relevés météorologiques La partie scientifique du fonds Moriau thèque ; on peut penser cependant de Louis Morin (1635-1715), médecin, se compose de 32 ouvrages du que ce souci était constant, comme en membre de l’Académie des sciences. XVIe siècle, 94 du XVIIe siècle, 111 du témoignent les abonnements à des Tous les exemplaires constituant XVIIIe siècle, soit un total de 237. L’his- périodiques scientifiques. cette collection ne se retrouvent pas toire naturelle y prédomine, avec plus On peut se rendre compte de l’explo- sur les rayons de la bibliothèque de de 100 titres. Les acquisitions de la sion documentaire constituée par le l’Institut ; certains furent sans doute ville de Paris pour les sciences furent XIXe siècle en donnant quelques attribués à d’autres bibliothèques, très importantes, puisque nous pas- chiffres pour certains domaines du comme l’avaient été 200 ouvrages sons de 237 à 975 titres. Si les acquisi- fonds scientifique (les titres de pério- rendus par le Muséum d’histoire tions les plus nombreuses concernent diques sont compris dans ces naturelle à l’Institut national. Les le XVIIIe siècle, elles ne sont pas négli- décomptes, ainsi que les brochures et volumes appartenant à l’Académie geables pour les siècles précédents les tirés à part). sont identifiables grâce au cachet (23 titres pour le XVIe siècle, 74 pour le Les domaines définis ne sont pas tou- 48 rouge apposé sur les feuillets et, pour XVIIe). jours bien respectés ; les ouvrages BBF Paris T. 42 n° 2 1997 ■ LA BIBLIOTHÈQUE DE L’INSTITUT DE FRANCE ■

d’optique par exemple ne sont pas (manuscrits 2420-2435), une partie de représente les deux tiers de l’ensemble systématiquement répertoriés dans la sa bibliothèque, essentiellement faite du fonds général. Ce sont surtout des rubrique « optique », mais peuvent de mémoires et tirés à part, mais papiers de membres de l’Institut : être intégrés à la physique, les obser- aussi une trentaine d’ouvrages mémoires, ouvrages, notes de travail, vations météorologiques se trouvent anciens tels le De re metallica d’Agri- cours suivis ou professés, correspon- parfois en physique, parfois en astro- cola ou l’Action du feu central de dance... Certains ensembles sont très nomie. Les chiffres relevés peuvent Romé de L’Isle. complets, comme les papiers de néanmoins donner une idée du D’autres dons complètent aussi de Cuvier ; d’autres sont moins riches volume de documents présents à la façon rétrospective les fonds anciens : mais cependant importants : on peut bibliothèque (cf. tableau). le don Sénarmont, qui, en 1889, fait citer les noms de Joseph Bertrand, Des dons exceptionnels viennent entrer à la bibliothèque une centaine Augustin Fresnel, Marcelin Berthelot, aussi enrichir le fonds : Achille d’ouvrages, parmi lesquels Le Dis- Joseph Liouville.... Delesse (1817-1881), géologue, aca- cours de la méthode de Descartes démicien en 1879, laisse une collec- avec un envoi autographe de l’auteur Le XXe siècle tion d’environ 500 titres (y compris au Père Mersenne, plusieurs les tirés à part) centrés sur la géolo- ouvrages de Denis Papin, un Traité de Pour le XXe siècle, le nombre de gie. Le fonds Jean-Baptiste Dumas l’équilibre des liqueurs de Pascal manuscrits scientifiques versés à la (1800-1884), membre en 1832 de la ayant appartenu à Nicole... bibliothèque est nettement moins section de chimie, comprend environ La très riche collection de Benjamin important. On peut néanmoins citer 400 titres d’ouvrages de chimie du Delessert, imprimés – 105 titres pour la correspondance du paléobota- XIXe siècle. Alphonse Laveran (1845- le XVIe siècle, 243 pour le XVIIe, 1 606 niste René Zeiller (1847-1915), une 1922) a laissé une centaine de livres pour le XVIIIe et près de 4 000 titres partie de la correspondance du géo- de médecine. Des manuscrits et des pour le XIXe –, herbiers (herbier cinga- logue Ferdinand Fouqué (1828- mémoires imprimés, provenant de lais d’Hermann, herbier de Laponie 1904) et de son gendre Alfred Jean-Baptiste Huzard, directeur de constitué par Linné), manuscrits, tels Lacroix (1863-1948), secrétaire per- l’École vétérinaire d’Alfort, illustrent les dessins de Federico Cesi pour le pétuel de l’Académie des sciences, la vie scientifique de l’Institut au Museo cartaceo de Cassiano dal Pozzo les papiers de Gaston Darboux XIXe siècle. De Gabriel Auguste Dau- et les dessins des plantes d’Amérique (1842-1917), et de Marcel Brillouin brée (1814-1896), membre de la sec- du Père Plumier, complète magnifi- (1854-1948). tion de minéralogie de l’Académie en quement les collections d’histoire Les ouvrages imprimés et les pério- 1861, directeur de l’École des Mines, naturelle du fonds d’origine. diques, témoins de la vie et des la bibliothèque de l’Institut conserve, En ce qui concerne les manuscrits échanges académiques, continuent de outre une très riche correspondance scientifiques, l’apport du XIXe siècle parvenir à la bibliothèque par l’inter- médiaire de l’Académie des sciences. Des dons de bibliothèques scienti- fiques sont également venus enrichir Ancien fonds les collections ; on peut citer celle de Quelques divisions du classement systématique Pierre-Paul Grassé (1895-1985), et l’ensemble des articles d’Alfred Jost XVIe siècle XVIIe siècle XVIIIe siècle XIXe siècle (1916-1991). Physique 16 97 424 4 365 Les acquisitions actuelles concer- Mathématiques 48 138 415 1 770 nent, outre les œuvres des académi- ciens, des ouvrages d’histoire des Mécanique 16 40 92 845 sciences permettant une meilleure Astronomie 54 157 255 1 775 exploitation du fonds. Exceptionnel- Optique 5129 43lement, la bibliothèque peut procé- Navigation 2 10 81 383 der à quelques achats, comme celui, Instruments de tout récemment, d’un herbier de mathématiques 5181471Jean-Baptiste Chomel (1671-1740), Mélanges de médecin du roi, associé botaniste de mathématiques et de physique 10 47 187 2 016 l’Académie royale des sciences. Annie Chassagne

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