Gustave Monod

Unecertaine idée de l’école Gustave Monod 1 Premièredecouverture:photographie ©collection privée, famille Monod Tous droits de reproduction et de traduction réservés pour tous pays ©Centre international d’études pédagogiques –juillet 2009 GustaveMonod Unecertaine idée de l’école

Tristan Lecoq Annick Lederlé Inspecteur général de l’Éducation nationale Professeur d’histoire-géographie Professeur des universités associé (histoire) àl’Université de Paris Sorbonne Service du développement et Directeur du Centreinternational d’études pédagogiques (CIEP) de la communication (CIEP)

Unecertaine idée de l’école

Il est des hommes qui passent dans leur temps sans le comprendre. Il en est qui le comprennent, sans vouloir s’yengager.Ilenest enfin qui le comprennent et s’yengagent, en une forme singulièredesécularisation fondée sur une conscience de soi, des autres et du monde.

GustaveMonod est de ceux-là.

Issu d’une famille où la culture, la lecture, l’élan spirituel ne font qu’un, il aété, d’un bout à l’autredesalongue vie, un philosophe engagé. Adossé àunhéritage immatériel d’une élévation d’esprit peu commune, convaincu que « …lebonheur ne réside pas dans la liberté, mais dans l’accomplissement d’un devoir », pratiquant dans chacune de ses missions et chacune de ses fonctions publiques le libreexercice de l’intelligence responsable, il aura été un exemple pour beaucoup.

Surtout, il ne se sera jamais trompé dans l’exercice, périlleuxentretous, de l’engagement.

Il n’apas trente ans lorsqu’il s’engage pour servir sa patrie. Simple soldat, il sertdans l’infanterie. La « reine des batailles »!C’est en fait un long et lent calvairedequatreannées. En premièreligne, dans un des régiments les plus meurtris de toute la Grande guerre. Il sert, simple et solide. Il souffre. Il comprend.

Sonengagement au service de l’école est de la même trempe. Il aura enseigné pendant vingt ans. Tous, Inspecteurs généraux,collègues, élèves en attestent :cen’est pas un enseignant comme les autres. Rigoureuxjusque dans l’expression d’une forme de passion froide pour la philosophie, distant àl’égarddes modes, attentif àl’éducation au moins autant qu’à l’instruction, Gustave Monod est un maître. De ceuxdont on se souvient. De ceuxque l’on suit.

Sonengagement de haut fonctionnaireest de la même veine. Arrivé jusqu’au plus haut niveau des responsabilités, celles-là où s’estompe la division entrelepolitique et l’administratif,làoù la décision se prend, il fait preuvedelamême rigueur,delamême détermination, de la même indépendance d’esprit, dans la fidélitéàcequ’il croit juste pour les élèves et pour son temps. Au moment du Front populaireetdans l’immédiat après-guerre, il est là quand tout se joue. S’il ne réussit pas toujours àceque ses idées soient appliquées dans la durée, il participe àune remise en mouvement du système éducatif françaisqui fera date.

Il acompris, plus tôt et plus que d’autres, qu’il faut apprendrecequi durepour comprendrece qui change.

Sonengagement politique se situe dans la même ligne. Militant antifasciste de la premièreheure, il refuse d’êtreunrouage dans la machine que le régime de Vichymet en place, au cours des froides journées de novembre1940,anticipant une politique de persécutiondes Juifs que l’occupant ne lui amême pas imposée, ni suggérée. Les arguments qu’il évoque reposent sur un socle de convictions humanistes qu’une défaite militairenesuffit pas àaffadir.Elles resteront intactes pendant toute l’Occupation, au cours de sa résistance, parce que lui aussi est une figure de « l’illustreacharnement àn’êtrepas vaincu ».

Gustave Monod 5 Unecertaine idée de l’école

Lorsqu’au lendemain de la guerre, au milieu des ruines matérielles et morales, il est chargé des affaires d’enseignement, il fait preuvedelamême vision. Il sait qu’on ne construit pas un système éducatif sans connaître, ni comparer ce qui se passe et ce qui se joue ailleurs. D’emblée, il inscrit la rénovation de l’école dans cette perspective. D’un coup,ilpermet auxprofesseurs français et étrangers de se découvrir et de s’instruireenune féconde réciprocité. Dans le même mouvement, il entend que ce rapprochement s’effectue par la pédagogie, témoignantainsi et une fois de plus de sa fidélité de professeur àses origines :c’est la création du Centre international d’études pédagogiques, le 30juin 1945.

Si faireson devoir n’est pas nécessairement simple, c’est de savoir où il se trouvequi trace une ligne entreles hommes. Durant le demi-siècle qu’il atraversé de sa vie, GustaveMonod aura été un veilleur fidèle et droit, un serviteur de l’État engagé, un acteur vigilant,bienveillant et opiniâtredes réformes de l’enseignement. Il ne s’est jamais trompé, auxmoments les plus excessifs et dans les choixles plus difficiles. Homme de fidélité, serviteur de l’État, passionné par la « pluralité des mondes »:l’exemple qu’il nous laisse est intact.

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Unecertaine idée de l’école

GustaveMonod, un homme de fidélité

Gustave Monod9 Unecertaine idée de l’école

1. GustaveMonod, un homme de fidélité

Gustave(Adolphe, Alphonse) Monod est né le 30 GustaveMonod arriveàl’École des Roches en septembre1885 àMazamet dans une famille de 1911 pour yenseigner la philosophie. Il obtient pasteurs protestants. Il fait partie de la grande l’agrégation le 10août 1912. Pendant deux ans, famille Monod, dont plusieurs représentants il poursuit son initiation aux «méthodes actives » illustrent le patronyme :Gabriel, l’historien ; aux Roches, de 1912 à1914, en tant que «chef Gustave, le professeur de maison ». de médecine, son grand-père;Jacques, GustaveMonod se marie le 30juillet 1919, à le biochimiste, prix Saint-Cloud, avec Marguerite, Marie-Louise Nobel de médecine et Schweitzer.Née àNeuilly-sur-Seine en 1894, Théodore, naturaliste fille d’Auguste Schweitzer,négociant et de et grandvoyageur. Mathilde Hertlé, elle est la cousine germaine du docteur AlbertSchweitzer,fondateur de l’hôpital SonpèreErnest, Jean Lambaréné au Gabon, prix Nobel de la paix Monod, né en 1848, en 1952, et de la mèredeJean-Paul Sartre. pasteur àMazamet et àPau, est le fils du Gustave Monod en famille, 1923 docteur Gustave Monod, chirurgien des hôpitaux de Paris, né en 1802, un des fonda- teurs de l’Académie de chirurgie. Sa mère, Hélène de Heimann, est née en 1852.

Il fait ses études primaires et secondaires à Roubaix et àPau (où il apour condisciple Alexis Léger,futur secrétairegénéral du ministèredes Affaires étrangères et futur Saint-John Perse) et obtient un baccalauréat ès lettres àBordeaux en Gustave Monod et ses enfants, 1925 1904;ilsuit des cours àlafaculté de lettres de Ilsont quatreenfants : Montpellier (licence ès lettres en 1906, diplôme François, Annette, Jean-PierreetOlivier. d’études supérieures de philosophie en 1907) puis àParis.

Gustave Monod àl’École des Roches

1 « La famille Monod s’interroge et ne comprend pas ce séjour dans un établissement aux antipodes de la culturefamiliale. Il est possible que GustaveMonod ait découvertcette institution, engagée dans les méthodes actives et l’éducation nouvelle, par le biais d’un autreprotestant comme lui, Henri Trocmé, qui était chef de maison àson arrivée en 1911 ». Cité dans :Régis de Reyke, L’ École des Roches. Uneécole modèle, un modèle d’école,thèse sous la direction de M. CPociello, Université Paris XI, Orsay,2000,p.338

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L’École des Roches

Fondée en 1899, en Normandie près de Verneuil-sur-Avre, par Edmond Demolins, cette école, privée et laïque àlafois, s’inscrit dans un projet pédagogique, celui de former de futures élites. S’inspirant des méthodes expérimentées dans les écoles nouvelles anglaises d'Abbotsholme et de Bedales, Edmond Demolins introduit le concept d’éducation nouvelle en France àunmoment où l’enseignement secondairefait l’objet de critiques sévères. Si l’éducation nouvelle se présente comme un laboratoirepédagogique d’avant-garde, elle reste indépendante de toute confession comme de l’État bien qu’inspirée des idées réformées. Le successeur d’Edmond Demolins, Georges Bertier,est un catholique fervent et pratiquant, professeur de philosophie, qui s’intéresse àlasociologie. Directeur de l’École des Roches àpartir de 1903, il modifie le projet initial. Les idéaux pédagogiques des Roches -responsabilisation de l’enfant, pédagogieadaptée àses besoins, importance des activités physiques et manuelles -partagés avec le mouvement de l’Éducation nouvelle, sont dès lors combinés àceux du système traditionnel français danslequel les humanités occupent une place consacrée. Il existe, en effet, des liens entreles praticiens de l’école publique et ceux de la «mouvance rocheuse »qui comprend une nébuleuse d’intellectuels conservateurs issus du milieu technocratique ou du catholicisme social dont une partie se retrouveàVichy. Uneautrecomposante provient d’une famille plus laïque et universitairedont GustaveMonod fait partie. Georges Bertier est la clé de voûte de cette relation. Il tisse des liens avec les grands commis de l’État qui vont jouer un rôle dans la réforme de l’enseignement dans la premièremoitié du XXe siècle. Il s’implique dans différentes organisations. Dès 1915, il fait partie du mouvement de l’Éducation nouvelle. En 1919, il adhèreaux «Compagnons de l’Université nouvelle », àlaLigue internationale de l’Éducation nouvelle en 1921. En 1928, il fait partie du Bureau français d’Éducation nouvelle. Il rencontreainsi les principaux acteurs du mouvement réformiste : Henri Piéron, Henri Wallon, Paul Langevin, AlbertChâtelet…. GustaveMonod reste très imprégné de l’expérience de l’École des Roches. Il continue às’y rendrejusqu’en 1921 en tant qu’inspecteur. À partir de 1934, il intègreleConseil d’administration de l’École et fait partie en 1936 des six membres du Comité de direction. « De son passage aux Roches, GustaveMonod découvrecequi resteral’objectif de toute sa vie :donner du sens àl’institution scolaireenlatransformant en une communauté éducativeoùl’autorité professorale s’efface devant l’autorité des règles de vie en collectivité, où l’enfant est appelé àprendredes initiatives et des responsabilités dans le cadred’une éducation de toute la personne. » 2 GustaveMonod souhaitera mettreenœuvrecette «révolution culturelle »aucœur de l’institution. Même s’il est éloigné des personnalités conservatrices liées àl’industrie et aux antipodes de sa conception humaniste, il se situe àlacharnièredusecteurprivé et du secteur scolairepublic.

Modèle d’éducation active, l’École des Roches représente un laboratoirepédagogique et une expérience réussie qui inspirent les réformateursdans le domaine éducatif de 1902 à1947. « Viscéralement attaché àl’école laïque républicaine, le passage et la fidélité aux Roches de Monod doivent se comprendrepar les aspirations qu’il atoujours nourriespour moderniser la pédagogie scolaire(…) et enfin parce qu’il arencontré Georges Bertier,conservateur et néanmoins ami, animé d’une même foi réformiste. » 3 GustaveMonod « n’auracesse de prendrecette école pour modèle dans le cadredes réformes scolaires dont il auralacharge bien des années plus tard ».4 L’École des Roches est pour lui un exemple pour plaider la modernisation du système scolairepublic et pour parvenir àdémocratiser un modèle pédagogique élitiste.

2 Idem, p. 339 3 Idem, p. 346 4 Régis de Reyke, «L’École des Roches, une institution éducativecentenaire», Les Études sociales,n°128, parution nov.-déc. 1998, dactylographié p. 10

Gustave Monod 11 Unecertaine idée de l’école

Un soldat de la grande guerre: Sesétats de service l’ont conduit àrecevoir au service du pays la Croixde guerre1914-1918, la Médaille militaireetcinq citations dont deuxàl’ordre Contemporain de la «génération d’Agathon », de l’Armée. Il est fait chevalier de la Légion il n’est ni du côté de ces pacifistes, ni de celui d’honneur,comme soldat de 2 e classe, le de ces nationalistes qui contribuentàstructurer 16 mars 1921, et élevé àladignité de Grand le paysage politique des années d’avant-guerre. officier de la Légion d’honneur àtitremilitaire, Simplement soucieuxde faireson devoir, par décret du 28 juillet 1960. mobilisé dès le début de la PremièreGuerre mondiale, il passe 44 mois au front (août 1914 Sonexpérience de la guerrelemarquera jusque -avril 1918). Enrôlé le 2août 1914 comme dans sa réflexion d’enseignant et de réformateur simple soldat de 2 e classe, il est infirmier de l’école, et c’est une leçon humaniste et pleine d’ambulance. Asademande, il est affecté au d’espérance pour ses semblables qu’il en retire. 4 e régiment de marche de zouaves. Unité d’élite, Il écrira ainsi, en 1945 « …au cours de ma vie, ce régiment porte les fourragères auxcouleurs j’ai été mêlé àlagrande foule car,pendant les de la Légion d’honneur et de la Médaille quatreannées de la guerrede1914, j’ai été soldat militaire. Il perdra les deux-tiers de de deuxième classe, c’est-à-diretout proche du son effectif àVerdun, et 9351 morts au cours plus humble. C’est la plus profonde expérience du conflit. humaine que j’ai eue àtraverser (…) j’ai trouvé parmi mes camarades de section des trésors de Gravement blessé par un obus le 29 mars 1918, cœur,decaractère, d’intelligence aussi, que les devant Orvillers-Sorel, il refuse d’êtreemmené études primaires n’avaient pas mis àjour et que en ambulance avant que tous ses hommes ne les circonstances de la guerrerévélaient (…) j’aspire soient évacués. Sonmal s’aggrave. Les médecins donc (…) àune pédagogie qui irait au devant sont conduits àl’amputer àdeuxreprises de la des possibilités humaines que chacun porte en jambe droite. Il reste neuf mois àl’hôpital soi (…), qui donnerait àchacun la possibilité et en sortenjanvier 1919. Sa blessureetson de s’élever ». 5 amputation le feront souffrir jusqu’à la fin de sa vie.

Gustave Monod, infirmier d’ambulance au front, 1917

5 GustaveMonod, Cahiers pédagogiques, n°78, in Jacqueline Cambon, RichardDelchet et Lucien Lefèvre, Anthologie des pédagogues français contemporains,Paris, Presses universitaires de France, 1974, p. 293

12 Gustave Monod Gustave Monod portant la Médaille militaire et la Croix de guerre,1919 Unecertaine idée de l’école

Citations militaires

1 ère Citation àl’ordredurégiment ( juin 1916) «Infirmier régimentaire, appartenant depuis le début de la guerreàune ambu- lance du front, aété affecté sur sa demande, au 4 e régiment de zouaves de marche. Arrivé au corps le 5juin 1916, il afait l’étonnement de tous par son calme, son sang-froid et son courage. S’est particulièrement distingué du 5au10juin 1916 où il aété en premièreligne un aide précieux pour les soins àdonner aux blessés. Afait preuveduplus absolu dévouement et de la plus grande intrépidité. »

2 e Citation àl’ordredurégiment ( décembre1916) Drapeau du 4 e zouaves «Infirmier d’un courage et d’un dévouement admirables. S’est fait remarquer àStrasbourg, 1918 dans la période du 14 au 20 décembre1916 par un sang-froid et un zèle au- dessus de tout éloge. Malgré son extrême fatigue, dans un terrain des plus difficiles et dans le poste le plus avancé, aprodigué des soins àdenombreux blessés qu’il allait chercher et panser dans les toutes premières lignes. »

1 ère Citation àl’ordredeladivision ( mai 1917) «Infirmier d’un courage et d’un dévouement sans mesure. Toujours prêt àremplir les missions les plus périlleuses, s’est particulièrement distingué au cours des combats du 16 au 25 avril 1917. Le 25 avril, accompagnant sa compagnie lancée àune contre-attaque, arelevé les blessés, leur aprodigué ses soins, gardant sous un feu des plus violents toute sa présence d’esprit et toute son adresse ;merveilleux exemple de dévouement, de don de soi-même et de mépris du danger. »

Citation àl’ordredel’Armée ( novembre1917) comportant l’attribution de la médaille militaire «Infirmier alliant àune grande habilité professionnelle et àunbrillant courage une haute valeur morale. Déjà trois fois cité àl’ordre, s’est de nouveau distingué dans l’attaque du 23 octobre1917, accompagnant les vagues d’assaut pour yexercer ses fonctions sous un tir de barrage d’une extrême violence, se dépassant ensuite sans mesuredans la recherche et la relèvedes blessés. »

2 e Citation àl’ordredeladivision ( mars 1918) «Infirmier courageux et d’un grand dévouement, modèle du devoir.Blessé grièvement le 29 mars 1918, déjà décoré de la Médaille militaire. »

Gustave Monod décoré de la Médaille militaire après la prise de la Malmaison, 1917

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Un professeur exemplaire: dissertation :lafaireous’en défaire. Vous avez au service des élèves l’obligation de fairevotredissertation, d’aller jusqu’au bout de votreeffort, car socialement GustaveMonod mène une carrièreexem- parlant, vous êtes stériles. Vous ne produisez rien, plaire. Sesdifférents rapports d’inspection en là où beaucoup de jeunes gens de votreâge gagnent témoignent. Il ne cesse de progresser.Ilest déjà leur vie, comme apprentis. Vous devez mettre très vite reconnu par ses pairs. Il enseigne dans dans votretravail scolairel’équivalent de la peine de nombreuses régions et dans des lieux très que leur coûte leur travail manuel. » 6 différents, exemple de mobilité profession- nelle et géographique d’ailleurs assezfréquent Après Marseille, GustaveMonod rejoint ensuite àl’époque, pour les professeurs agrégés. Dans Paris pour des raisons de famille. Il est nommé la suite de sa longue carrière, même lorsqu’il au lycée Michelet en octobre1932 et yrestera aoccupé de hautes fonctions administratives, jusqu’en septembre1933. il ne s’est jamais coupé de sa mission première et de sa passion première:enseigner. Sonpassage par la khâgne de Marseille, àlafin des années vingt, fait de lui un relais en province En 1919, il reprend sa carrièredeprofesseur de de la pensée du philosophe Alain, même si philosophie. Il enseigne àToulon, àAvignon GustaveMonod appartient plus aux lecteurs des puis àReims d’octobre1919 àoctobre1921. Libres propos et des Propos sur l’éducation Il est ensuite nommé àTours, d’octobre1921 qu’«…au cercle des disciples inconditionnels » àoctobre1923, puis àMarseille de 1923 à1932 du philosophe 7 .Mais qui connaît Monod où il assume la charge de préparer les élèves au comprend qu’il ne pouvait êtreinconditionnel. concours de l’École normale supérieure. L’enseignement dans les classes préparatoires représente « …un tremplin pour le philosophe (…) GustaveMonod était très apprécié par ses élèves dont la carrièreest une synthèse de deux des fins de qui le considéraient comme un maître. carrières possibles pour un [professeur] de khâgne : Éducateur ferme, éclairé et exigeant, il concevait l’Inspection générale ou l’administration centrale, et délivrait un enseignement àlafois très les deux filières étant comme dans le cas de Gustave classique et de plain-pied avec la réalité de son Monod étroitement liées et parfois précédées d’un temps, dicté par un sens social très aigu. Il disait passage par les cabinets ministériels ». 8 àses élèves :«Il yadeux façons de faireune

Préparation àl’École normale supérieure de Sèvres, lycée de Versailles, 1937

6 Témoignage de Roger Millieix, élèvedeGustaveMonod dans les années trente àMarseille. Extrait de l’Allocution de M. Roger Millieix, directeur du Centreculturel français de Nicosie, 20mars 1969 (Archives nationales, F/17/17776) 7 Jean-François Sirinelli, Génération intellectuelle. Khâgneux et normaliens dans l’entre-deux-guerres, Paris, Fayard, 1988, p. 442 8 Idem, p. 107

18 Gustave Monod Gustave Monod àson bureau en compagnie de ses deux sœurs :Germaine et Olga, àlaveille de la Grande guerre Unecertaine idée de l’école

Inspection de GustaveMonod par Francisque Vial, àTours, le 25 avril 1923

M. Monod attiredès l’abordlasympathie. Sa qualité d’âme s’est montrée pendant la campagne, par son refus d’accepter une nomination d’officier.Blessé grièvement, il arefusé de se laisser emmener àl’ambulance avant que tous ses hommes, blessés par le même obus, aient été évacués ;etceretardàsefairesoigner aaggravé sa blessure, si bien qu’il afallu l’amputer deux fois. Cette même générosité de sentiments, M. Monod l’aconservée, très simplement dans la vie civile ;elle se montrepar sa bonne humeur,son affabilité,par son attachement àses fonctions, la sincérité et la probité de sa pensée. Aussi exerce-t-il sur ses élèves une action profonde et très saine.

Aces qualités de caractère, M. Monod joint des mérites professionnels très intéressants. Je l’ai entendu fairelecours àses élèves de mathématiques élémentaires sur le fondement de l’induction. Il expose un ensemble d’idées, sollicitant les élèves, les faisant réfléchir et parler :mais, s’il yadelaliberté dans l’alluredececours, il n’yanidivagation, ni lenteur.M.Monod sait où il va,car son plan est arrêté d’avance. L’exposé terminé, un bref résumé dicté, vient en fixer l’essentiel en quelques formules ramassées. La parole de M. Monod est sans éclat, mais simple, juste et agréable.

Ce professeur,très aimé de ses élèves, obtient des résultats excellents.

Gustave Monod parmi ses élèves, lycée de Tours, 1921

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Inspection de GustaveMonod par GustaveBelot, àMarseille, le 16 novembre1928

La 1 ère supérieureoùj’ai vu M. Monod aacquis àMarseille une certaine importance :elle compte aujourd’hui une trentaine d’élèves, exactement 32, dont 6jeunes filles (…). Je ne sais si l’ampleur actuelle de cette classe doit êtremise àl’actif de M. Monod, car il yaroulement entrelui et les deux collègues, pour la diriger.Entous cas, il la gère parfaitement, et d’après les échos qui me sont revenus de source bien informée, c’est lui, qui des trois, aleplus de crédit auprès des élèves, quelles que soient les très estimables qualités des deux autres.

La leçon que j’ai entendue portait sur un sujet vraiment difficile :l’invention. Elle était remarquablement préparée, bien que mon inspection qui commençaitquelques heures après mon arrivée ne pût êtreprévue. M. Monod yutilisait, avec une documentation personnelle et originale, les travaux les plus récents (Delacroix, P. Valery…). Il yfaisait parfaitement sentir la portée philosophique de la question, et, bien que sur un tel problème on ne peut s’attendreàdes conclusions extrêmement précises, les élèves se trouvaient finalement, en présence d’une pensée riche, substantielle, suggestive;ils en recueillaient d’ailleurs l’essentiel avec une attention remarquablement soutenue.Voilà un enseignement vraiment au niveau de ce qu’on peut demander dans une telle classe.

M. Monod, grand mutilé de guerreetqui aduprendreen1925-1926 un congé de santé (des collègues se sont alors partagés son service) souhaiterait voir son service allégé. Il va jusqu’à offrir de reverser le montant des heures dont il serait déchargé (par exemple en mathématiques).

Je lui ai fait comprendrel’impossibilitéd’une telle combinaison, dont je ne fais mention que pour montrer la sincérité et le désintéressement de Monod. Mais ne serait-ce pas justice de lui appliquer le traitement qui aété admis ailleurs et dont le principe avait été posé ;que dans les classes de préparation aux grandes écoles, qui exigent une préparation laborieuse, 4heures fussent comptées pour 6, et le maximum abaissé d’autant ?Si, àl’occasion de l’ouverturedunouveau lycée Périer,laquestion d’une 4 e chairedephilosophie se posait, peut-êtretrouverait-on les moyens d’améliorer la situation ?

Gustave Monodetses collègues, lycée Saint-Charles, Marseille, 1927

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Un précurseur des réformes : au service de l’enseignement

Selon les propos même de Louis Cros, Gustave Monod fut le premier àmettreenœuvre, en France, un projet de réforme scolaireoù l’expérience précédait la législation. Dès son retour du front, c’est àlafois àl’enseignement et àsaréforme qu’il se consacre, comme si l’un et l’autreétaient indissociables pour lui. « Administrateur,restant en contact par tous les moyens avec la vie quotidienne de la classe, il asemé ses idées dans des centaines de circulaires, (…) entretiens, conférences, réunions de commission, présidences de stage, de toutes sortes. » 9

Parallèlement àses activités d’enseignement, GustaveMonod s’engage en effet dans une année de l'école unique devenant une année grande œuvrecivique avec les «Compagnons d'orientation. Les «compagnons »revendi- de l’Université nouvelle »qui mettent en quent l’idée d'une sélection par le mérite sco- avant la nécessité d’une réforme complète laireetnon plus par l'argent. Ilssoutiennent la de l’enseignement. Cette organisation, créée le gratuité du secondaire, alors payant. 10octobre1918, constituée d’universitaires qui s’étaient connus dans les tranchées, a « Nous voulons réaliser la réforme joué un rôle très important dans universitaire, le pays en abesoin. Qui l’élaboration et la propagation des peut, qui doit le faire?Cen’est pas idées de modernisation et de l’État, car il est débordé ;c’est aussi et démocratisation de l’enseignement. surtout le corps enseignant, appuyé sur toute la nation. (…). Il ne faut pas Le «noyau dur »decette organisation seulement que l’enseignement s’adresse abrite en son sein une grande partie àtous, il faut encorequ’il fasse appel des amis de GustaveMonod :Paul àtoutes les facultés.Lecorps et le Langevin, Henri Wallon, principaux caractèrenedoivent pas êtreplus acteurs des réformes àvenir. négligés que l’intelligence. Il faut faire des hommes, non des cerveaux ou des Le manifeste des «Compagnons de machines. » 10 l’Université nouvelle », publié dès L’ Université nouvelle,1919 1918, contient les principauxélé- Les travauxdes «Compagnons de ments de la réforme :lanécessité de donner à l’Université nouvelle »représentent sans conteste tous les Français la même formation de base ; une source d’inspiration des réflexions et la nécessitéd'élever le niveau général d'instruc- instructions ministériellesdel’entre-deux- tion et donc de prolonger une école unique guerres, de la résistance et du plan Langevin- (école primaire) jusqu'à 14 ans ;ladernière Wallon de 1944 mais aussi de nombreuxplans,

9 Jacqueline Cambon, RichardDelchet et Lucien Lefèvre, Anthologie des pédagogues français contemporains,Paris, Presses universitaires de France, 1974, p. 289 10 Manifeste des Compagnons de l’Université nouvelle, Les Cahiers de Probus,n°1, oct. 1918, Paris, Librairie Fischbacher.Cité dans Paulette Armier,Le Centreinternational d’études pédagogiques de Sèvres et l’enseignement en France de 1945 à1975,thèse sous la direction de M. le professeur Snyders, Université Paris VSorbonne, 1983, p. 12

24 Gustave Monod Unecertaine idée de l’école programmes et réformes depuis, même si les révéler les problèmes… àlalimite, et pour les plus «compagnons »ont bien conscience que « …ce grands élèves, d’inquiéter l’intelligence plus que de ne sont pas les professeurs et les idées de 1900 qui la satisfaire. » 12 et plus loin :«Il n’yapas feront la France de 1950 » 11 . d’instruction sans éducation. » 13

Ilsétaient issus des mêmes milieuxet conscients GustaveMonod s’engage également dans le de l’être. Ilssurent, par leur lucidité active, leur soutien àlaSociété des Nations. Il fonde à infatigable volonté réformatrice et leur sens du Marseille avec Louis François, Inspecteur général service public dépasser la seule référence àl’état d’histoire, éducateur dans l’âme et protestant du système éducatif tel qu’il était lorsqu’il les comme lui, la section locale du Groupement avait construits, et qu’ils respectaient cependant universitairepour la SDN, et une «École de la pour cela. Paix», où s’inscrivent les grands élèves, les étudiants et tous ceuxqui mesurent la folie d’une Uneautreclé pour comprendrelaformation guerrecivile européenne. Cette École invite des du projet pédagogique de GustaveMonod se conférenciers tels qu’André Siegfried, Jules trouvedans le rapportqu’il présente dès 1924, Romains et Anatole de Monzie, dont Gustave au Congrès du christianisme social, àMarseille. Monod fait la connaissance àcette occasion Sonprogramme est contenu dans son titre: et qui une fois nommé ministreleprendra « La probité professionnelle dans l’enseignement auprès de lui, au sein de son cabinet, comme secondaire ». Deuxextraits sont particulièrement proche collaborateur. explicites :«Notrerôle est de fairepenser,de

Conférenceàl’École de la Paix Gustave Monod appelé au cabinet d’Anatole de Monzie

11 Les Compagnons : L’Université nouvelle,Paris, Fischbacher,1919, t.1, p12cité par Jean-Michel Chapoulie in PierreCaspard, Jean-Noël LucetPhilippe Savoie (sld), Lycées, lycéens, lycéennes. Deux siècles d’histoire ,Lyon, INRP,2005, p. 145 12 «LaProbité intellectuelledans l’enseignement secondaire»,[rapportdeGustaveMonod présenté au Congrès du christianisme social àMarseille le 1 er novembre1924], Alençon, 1924, p. 6 13 Idem, p. 8

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Louis François, Inspecteur général d’histoire et de géographie, un des plus proches compagnons de Gustave Monod. Entré au réseau «Confrérie Notre Dame » en mars 1942, pseudo Vidal. Il est arrêté le 25 septembre 1942. Déporté, il rentrera des camps le 22 mai 1945.

26 Gustave Monod Unecertaine idée de l’école

Louis François (1904-2002) Agrégé d’histoire-géographie, ami intime de GustaveMonod, il pratique la pédagogie activedès les années 30. En mai 1940,lecapitaine de réserve François devient officier d’état major aux côtés du colonel puis général de Gaulle qui commande, alors, la 4 e division cuirassée de réserve lors de la bataille de France. Résistant, dénoncé en 1942, il est déporté àSachsenhausenpuis àNeuengamme. Il rentreenFrance en 1945. Nommé Inspecteur général, il décide, àlaLibération, de se consacrer àla reconstruction de l’éducation nationale. Il fait avancer des dossiers essentiels :les méthodes actives, les classes nouvelles, l’instruction civique… Il devient le premier secrétairegénéral de la Commission nationalepour l'Unesco.En1949, àSèvres, dans une réunion de chefs d'établissement, le directeur général de l'Unesco, Torres Bodet lui propose la création de clubs d'amis de l'Unesco dont il devint le fondateur.En1950, grâce àsa double autorité d'Inspecteur général et de secrétairegénéral de la Commission française pour l'Unesco, quarante-cinq clubs étaient créés. Il tenait àl'appellation d'origine «Clubs d'études et de relations internationales »:«études »c'est-à-direlaconnaissance, l'information du présent pour former un citoyenayant le devoir et la capacité de participer de façon activeàlavie politique, économique, sociale et culturelle de la cité, de la nation et du monde. Comme GustaveMonod ou Jean Ghéhenno, il rêvad’éducation populaire, d’espaces européens, de jeunes responsabilisés. Il associait étroitement un civisme profondément républicain àladimension internationale, nourrie des idéaux de l'Unesco de justice et de paix. Il fut un initiateurcomme en témoigne le nombred'associations dont il fut le président :les Éclaireurs de France, l'Association nationale des communautés éducatives, les bourses Zellidja, le concours de la Résistance. Il abandonna la présidence activedelaFédération française des Clubs de l’Unesco en 1979. Son engagement n'en faiblit pas pour autant, jusqu'au bout il est resté àl'affût du monde, prêt à s'enflammer,prêt às'indigner,prêt àservir.

Témoignage de Louis François 14

«J’ai connu GustaveMonod lorsque je suis arrivé Nous avions loué un local en plein centredelaville àMarseille comme jeune professeur d’histoireetde qui comprenait bibliothèque, salle de lectureetsalle de géographie. (…) Deux huguenots qui vont vite débats techniques. Nous organisions àl’Opéra, avec les devenir des amis fraternels, car ils vont mener grands ténors de la politique d’alors (de Jouvenel, ensemble des combats successifs pour la “réforme” Monzie, Déat, Siegfried, etc.), des conférences publiques contretoute une série d’orthodoxies. (…) qui avaient lieu dans un ordreparfait, car nous obtenions la neutralité des trublions d’Action française Ce fut, dès 1929, le pour la SDN et pour la par l’entremise de nos élèves qui en étaient membres. paix. Avec des moyens importants, en grande partie C’est ainsi qu’Anatole de Monzie découvrit Gustave fournis par GustaveMonod lui-même, nous fondions Monod et le choisit comme directeur de cabinet. » une École de la Paix àlaquelle bientôt s’inscrivaient les lycéens, les étudiants, les Marseillais de toutes sortes.

14 Louis François (sld), «GustaveMonod par ceux qui l’ont connu », hommage collectif rendu par René Capitant, ClaireRoby, Louis Cros, Suzanne Brunet, Edmée Hatinguais, la radio-télévision scolaire, Cahiers pédagogiques,n°80, février 1969, CRAP,p.2

Gustave Monod27 Unecertaine idée de l’école

En 1933, GustaveMonod est appelé au cabi- C’est au même moment qu’est lancée, dans net d’Anatole de Monzie, ministredel’Édu- l’esprit du temps, l’Encyclopédie française,et cation nationale. Il continue parallèlement Lucien Febvre choisi comme maîtred’œuvrede d’exercer comme professeur de philosophie l’aventure:une décision àlaquelle Gustave àl’école d’application annexedel’École Monod semble ne pas avoir été étranger. 16 normale supérieuredejeunes filles de Sèvres (octobre1933-septembre1934). Lorsqu’il Dès l’été 1932, les correspondances de Gustave quitte le ministère, il est nommé auxlycées Monod en charge du dossier au cabinet du mi- Louis-le-Grand et Condorcet puis àVersailles nistredel’Éducation nationale àSébastien (octobre1934-septembre1936). Charléty,recteur de l’Université de Paris, assignent àl’ Encyclopédie la mission de lutter contrel’irratio- Sonexpérience de cabinet est àl’image nalisme. Elle devra manifester que l’Université de l’homme :fidèle àses convictions et les n’aqu’ « une doctrine :lascience 17». Monzie mettant en application dès lors qu’il exerce des confirma publiquement cette orientation. responsabilités. Ainsi, c’est lui qui conduit le ministreàassister,aulycée Henri-IV,le Du point de vue éditorial, GustaveMonod samedi 1 er juillet 1933, àl’avant -dernier cours propose une conception originale et singulière d’Emile Chartier,dit Alain, pour « …saluer un pour l’époque. L’idée traduit l’ambition d’une membreéminent de la république des Lettres […] grande entreprise d’État. Monod envisage de le professeur qui avait marqué de son empreinte faireconstruireunfichier àlaBibliothèque des générations de khâgneux ». 15 nationale, une «Encyclopédie dynamique », précise-t-il. Il se serait agi en fait d’une «Encyclopédie-fichier », conçue comme une institution«permanente et ouverte », « [un] fichier encyclopédique […] nécessairement international :une manièredebureau international de la science ». Il ajoute :«l’esprit encyclopédique ne serait plus condamné àattendre de telles occasions historiques de se manifester 18». Ce fichier se serait suffi àlui-même et aurait pu êtrevendu auxbibliothèques privées ou publiques.

Au cours de l’été et de l’automne 1933, Lucien Febvre fait progressivement admettreune voie moyenne entrelatraditionnelle encyclopédie- livreetl’innovante encyclopédie-fichier.Cefut le slogan « les pages changent, le livrereste »ou Séance de travail de l’Encyclopédie française, en 1935, comme le disait Henri Berr « une œuvrequi ne de gauche àdroite : vieillirajamais mais connaîtraune refonte Jules Romain (1885-1972), Lucien Febvre (1878-1956), 19 Anatole de Monzie (1876-1947), Sébastien Charléty (1867-1945) perpétuelle ».

15 Jean-François Sirinelli, op. cit.,p.427 16 Idem, p. 108 17 BNF naf25550f° 103p.15 18 BNF naf25550f°111 et suivants (été et automne 1932). C’est le principe des encyclopédies en temps réel sans la technologie de l’informatique !Cité in Marie Jaisson et Eric Brian (sld), «Coup d’œil sur l’Encyclopédie », Le point de vue du nombrede1936, édition critique, Paris, Institut national d’études démographiques, 2005, pp.15-16 19 BNF naf25551 f° (30octobre1932)

28 Gustave Monod Unecertaine idée de l’école

de l’enfant. Les orientations du Havre, telles qu’elles apparaissent dans les vœux finaux mis en forme par GustaveMonod, sont les suivantes :

-limitation de l’effectif à25élèves ; -nécessité d’introduirepartout les exercices pra- tiques et les travaux d’atelier ; -création d’écoles expérimentales pour essayer de coordonner les enseignements ; -intégration de l’éducation physique àlavie sco- Affiche du Congrès du Havre, 1936 laire; C’est aussi GustaveMonod qui, pour -régime souple permettant l’interpénétration des rapprocher la France de l’Allemagne, et dans la disciplines scientifiques et littéraires ; fidélité àses positions en faveur de la Société des -prise de conscience d’un besoin de rénovation Nations et de la paix,propose àlaCommission pédagogique dans toute la France. » 21 du désarmementmoral de la SDN que soit rédigé un manuel d’histoirefranco-allemand, Toutes les réformes de l’enseignement initiativereprise soixante-dixans plus tard, lors du second degré sont en germe dans les du 40 e anniversairedutraité franco-allemand, rapports du Congrès du Havre, et d’abordla le 23 janvier 2003. 20 création des classes d’orientation, en 1937, qui donneront le jour,àlaLibération, aux Au cours de l’année 1936, GustaveMonod «classes nouvelles ». participe auxtravauxdu Congrès du Havre, du 31 mai au 4juin. Cette assemblée se En 1936, GustaveMonod est nommé par Jean proposait de mettreàl’étude « les conceptions Zayinspecteur d’Académie en résidence àParis relatives àl’enseignement secondaire ». La (décret du 16 juin 1936). Il occupe cette présidence est assurée par AlbertChatelet, alors fonction àcompter du 1 er octobredelamême recteur de l’Académie de Lille, avec comme année jusqu’au 12 mars 1941. assesseur Paul Langevin. Mais c’est Gustave Monod qui laisse son empreinte sur les travaux GustaveMonod ne perdjamais de vue son du congrès. rôle en tant qu’acteur de l’enseignement ;il s’engage dans différentes associations qui Descommissions appelées «sections »se prônent son changement et sa réforme. Mais partagent quatregrands thèmes : il est avant tout un visionnairequi saisit le changement profond de la société et la -organisation générale, rapporteur Langevin ; nécessité de faireévoluer le système éducatif, -organisation de l’enseignement scientifique au nom d’une certaine idée de l’école. Il aété expérimental, rapporteur Lemoine ; frappé, en particulier,par la prolongation de -organisation de l’enseignement technique, la scolarité et s’est interrogé sur les moyens de rapporteur Fournel ; l’endiguer et de l’accompagner :«…c’est avec -organisation de l’éducation morale, cette référence nouvelle d’une croissance de rapporteur Monod. la scolarisation -qui semble davantage tenue pour inévitable que pour souhaitable –que fut « L’idée centrale c’est que l’enseignement du se- élaborée la politique scolaireconduite de 1936 à cond degré doit donner une base minimum de 1939, puis de 1944 à1951 ». 22 culturegénérale et développer la personnalité

20 Jean-François Sirinelli, op. cit.,p.108 21 Paulette Armier, Le Centreinternational d’études pédagogiques de Sèvres et l’enseignement en France de 1945 à1975,thèse sous la direction de M. le professeur Snyders, Université Paris VSorbonne, 1983, pp.19-20 22 Jean-Michel Chapoulie «Entrelelycée d’élite et le lycée de masse. Paul Langevin, GustaveMonod et les réformes de l’enseignement secondairede1936-1939 et 1944-1951 »inPierreCaspard, Jean-Noël LucetPhilippe Savoie (sld), Lycées, lycéens, lycéennes. Deux siècles d’histoire .Lyon, INRP,2005, p. 146 Gustave Monod29 Unecertaine idée de l’école

30 Gustave Monod Unecertaine idée de l’école

Anatole de Monzie (1876-1947)

Après avoir fait des études de lettres puis de droit, il devient avocat. Très tôt attiré par la politique, il entame, dès1902, en tant que chef de cabinet du ministredel'Instruction publique une longue carrière politique et administrative. Il fait du Lot son fief politique. Élu àvingt-huit ans, conseiller général de Castelnau-Montratier,ilest député en 1909àCahors, adhérent àunpetit groupe républicain-socialiste. De 1919 à1929, il est sénateur du Lot, puis ànouveau député et enfin mairedeCahors. Dix-huit fois ministre, il totalise près de six ans de présence au gouvernement (marine marchande, finances, justice, travaux publics...). Àdeux reprises, il est nommé àl’éducation, ministredel’Instruction publique en 1925 et, de 1932 à1934, ministredel’Éducation nationale. Sonbrefpassage au ministèrede l'Instruction publique et des Beaux-Arts, en 1925, est marqué par la publication de célèbres Instructions sur l'enseignementdelaphilosophie,le2septembre1925, qui affichent l'ambitiond'un enseignement de la philosophie propreàformer le citoyen. En 1933, Anatole de Monzie, ministredel'Éducation nationale, appelle Marcel Abraham comme chef du bureau politique de son cabinet. Il est le premier àprendrecetitre, substitué àcelui de ministèrede l’Instruction publique. Il avait rendu visite àGustaveMonod avant qu’il ne quitte Marseille, et avait été frappé de ses éminentes qualités. Il yadebonnes raisons de penser que cette visite ne fut pas étrangèreau changement d’appellation du ministèreetàsasignification. Dès sa prise de fonction, en 1932, en tant que ministredel'Éducation nationale, il expliqua ainsi que ce changement d'appellation devait marquer la volonté du gouvernement d'aller vers davantage d'égalité scolaireet, par suite, davantage de gratuité. Dans cette optique, il généralisa, dès 1932, la gratuité de l'enseignement secondairedestiné aux filles. En 1933, il créa le Conseil supérieur de la recherche scientifique et la Fédérationdes parents d’élèves de l’enseignement secondaire.

Jean Zay(1904-1944)

Après des études de droit, il devient avocat en 1928. Inscrit au Partiradical, il est membredelaLigue des Droits de l'Homme et responsable de la Ligue de l'enseignement. En 1932,à28ans, il est élu député du Loiret. Le 4juin 1936, il est membredugouvernement du Front populairecomme ministrede l'Éducation nationale et des Beaux-Arts. Il occupe cette fonction jusqu’en 1939. Jean Zayprépareunprojet de réforme éducative, adopté le 2mars 1937 en conseil des ministres mais qui n’ajamais été voté du fait de la guerre. Ce projet visait àdémocratiser l'enseignement en unifiant l'enseignement primaireetenharmonisant le secondaire, mais aussi àaméliorer la formation des enseignants. Il réorganise le ministèreetprend plusieurs mesures importantes :lascolarité obligatoirejusqu'à 14 ans, la limitation des classes à35élèves, la généralisation des activités dirigées, des classes d’orientation… Jean Zayatenté de créer une École nationaledel’administration mais il s’est heurté àdenombreuses oppositions. Il acherché àdévelopper la recherche scientifique et apréparé, en octobre1939, la création du Centrenational de la recherche scientifique (CNRS). La même année, il donne sa démission pour rallier son poste dans l’armée française. En juin 1940, il partrejoindrelegouvernement en Afrique du nord. Traduit en justice par le gouvernement de Vichy pour désertion en présence de l’ennemi, il est condamné, le 4octobre1940,par le tribunal militaireàla déportation àvie et àladégradation militaire. De sa prison de Riom, il continue àtravailler pendant sa captivité, préparant les réformes qu'il pense pouvoir mettreenœuvreaprès la Libération. Sous prétexte d'un transfertàlaprison de Melun, il est assassiné, le 20juin 1944, dans un bois àMolles, dans l’Allier, par des miliciens de Joseph Darnand. Soncorps est retrouvé en 1945. Il est réhabilité àtitreposthume et cité àl’Ordre de la Nation.

Gustave Monod31 Unecertaine idée de l’école

GustaveMonod mesurait l’ampleur des Chargé de mission auprès du recteur de problèmes quantitatifs et administratifs qui l’Académie de Paris et du directeur de allaient se poser :construction d’établissements, l’enseignement secondairepour les questions création d’emplois. Il savait aussi qu’ils étaient concernant l’organisation de l’enseignement indissociables des problèmes qualitatifs du second degré, il arang et prérogatives pédagogiques :ceuxconcernant la formation des d’Inspecteur général de l’Instruction publique enseignants et la naturedel’enseignement qu’il (décret du 7octobre1937). En cette qualité, il fallait désormais dispenser,auniveau secondaire, est le principal animateur de la création par le non plus seulement àune élite restreinte, mais ministreJean Zaydes «classes d’orientation ». àlatotalité des enfants et adolescents de chaque génération. Les classes d’orientation de la période 1937- 1939, au nombred’une vingtaine, groupaient Adapter l’enseignement du second degré àla 25 élèves, on ypratiquait les méthodes «actives ». diversité nouvelle des élèves et de leur destin, Tout l’état major qui, plus tard, entoura Albert c’était précisément l’objet des classes novatrices Châtelet était déjà àpied d’œuvre, en particu- que GustaveMonod voulut mettreenœuvre. lier Georges Condevaux,Roger Gal, Alfred Weiler.Les classes d’orientation n’ont été ou- Jean Zay,ministredel’Éducation nationale du vertes quepour deuxans. Front populaireétablit, par la loi du 9août 1936, la scolaritéobligatoire jusqu’à quatorze Parune lettreduministreJean Zayauxrec- ans et la nécessité d’obtenir le certificat d’études teurs, en date du 20mai 1939, Gustave àonzeans pour êtreadmis dans le secondaire. Monod est chargé d’une dernièremission, C’est la plus grande réforme depuis Jules Ferry dans les centres scolaires où existaient des et la gratuité et l’obligation de l’école primaire, classes d’orientation, pour tirer les leçons de en 1882. La Troisième République n’avait pas cette expérience nouvelle. créé l’enseignement primaire, mais en avait fait un service public ;leFront populaireentend promouvoir l’unité de l’enseignement primaire Les classes d’orientation et de l’enseignement secondaire, un enseignement «Dès avant 1939 et la Commission Langevin, nous diversifié, individualisé,qui fait une large place avions conçu des classes d’orientation,des classes àl’observation et àl’expérimentation. Dans le indifférenciées où les enfants étaient tous reçus en masse, même temps, la réorganisation du ministère, en soumis àuncertain nombred’épreuves et d’observations. intégrant les écoles primaires supérieures (et leurs Au bout d’un certain temps, on pouvait direàla enseignants) au monde des lycées et des collèges, famille :“Vous feriez mieux de fairefaireàcet enfant ouvrait la voie d’une réforme possible. ceci ou cela.”Jeneprétends pas que l’on fasse de l’orientation au sens objectif et scientifique du mot, C’est pour appliquer cette politique, dans comme si l’on avait repéré chez l’enfant telle ou telle l’esprit des «Compagnons de l’Université aptitude incontestable,mais je prétends que cette nouvelle », et en finir avec le cloisonnement orientation, conseillée, fondée sur des observations, des expériences, est certainement meilleureque celle que des «ordres»del’enseignement que Gustave le hasardouune indication du concierge peut donner Monod est nommé adjoint àtitretemporaire àl’entrée en sixième. » 23 au directeur de l’enseignement secondaireet «Les classes d’orientation étaient caractérisées par qu’il prend en charge l’étude de la coordina- la multiplicité des options offertes aux élèves, disciplines tion des enseignements du second degré et intellectuelles (lettres et sciences), mais aussi enseignements d’un nouvel aménagement des horaires et des techniques qui devaient êtreofferts avec le même sérieux, programmes (arrêté du 8janvier 1937). la même gravité que les premières. (…) » 24

23 GustaveMonod, «Lerégime de l’Enseignement par M. Monod », École nationale d’administration -Stage en France des fonctionnaires des puissances signataires du traité de Bruxelles, Conférence du 24 octobre1950,archives du CIEP 24 Idem

32 Gustave Monod Unecertaine idée de l’école

Gustave Monod33 Unecertaine idée de l’école

34 Gustave Monod Unecertaine idée de l’école

Gustave Monod35 Louis Cros, directeur de l’Institut pédagogique national,1955 Unecertaine idée de l’école

Louis Cros(1908-2000)

Étudiant àlaFaculté des sciences de Montpellier,ilentame une carrièredeprofesseur de sciences physiques au lycée de Niortpuis au lycée Thiers àMarseille (1930-1932), où il fait la connaissance de GustaveMonod. Diplômé de l’Institut des sciences politiques, il est affecté, dès 1932, àladirection de l’enseignement secondaire, puis occupe différents postes àl’administration centrale. En 1938, il devient membreducabinet du ministredel’Éducation nationale, Jean Zay. Mobilisé en 1939, démobilisé en 1940, il reprend ses fonctionsdesous-chef de bureau àladirection de l’enseignement du second degré. Chef de bureau en 1944, il est alors le principal collaborateur de GustaveMonod, nommé directeur de l’enseignement du second degré et créateur des «classes nouvelles »des lycées. Il fonde, àsademande, la revue hebdomadaire L’Éducation nationale dont il assume l’entièrerespon- sabilité jusqu’en 1970. Pour assurer l’édition du journal, il crée le Comité universitaired’information pédagogique (CUIP). En 1949, il est nommé directeur du Musée Pédagogique. Il transforme l’établis- sement en Institut Pédagogique National (IPN), futur INRP. De 1956 à1958, il dirige le cabinet du ministredel’Éducation nationale, de la jeunesse et des sports et rédige un projet de loi portant réforme de l’enseignement. En 1959, il est appelé àladirection de l’administration générale du ministèredel’Éducation nationale. Un an plus tard, il publie un livre-phare L’Explosion scolaire annonçant les évènementsdeMai 68 et la transformation du système éducatif français. En 1964, Louis Crosest nommé Inspecteur général de l’Instruction publique. La même année, il accepte la présidence des Centres d’entraînement aux méthodes d’éducation active(CEMEA), qu’il assumera pendant vingt ans,ainsi que celle du Comité de liaison pour l’Éducation nouvelle (CLEN). En 1976, il se consacreentièrement aux activités du Comité universitaired’information pédagogique. Il disparaît le 3janvier 2000.

Témoignage de Louis Cros

«C’est dès avant guerre–j’en puis porter témoignage des enseignements de culture, d’une masse populaire –que GustaveMonod avait eu cette prescience de pour qui jusqu’ici l’enseignement primaireavait l’avenir en constatant, sur un graphique qu’il m’avait parulaseule scolarité concevable. Il s’en ouvrit à demandé d’établir,que le nombred’entrées en sixième AlbertChâtelet, alors directeur du second degré, augmentait, alors que la natalité était décroissante. àson ami Marcel Abraham, directeur de cabinet, On était dans les années 1936, et les événements ruedeGrenelle, et àJean Zay, ministrede avaient commencé àfaireapparaîtrecertains effets l’Éducation nationale. Àquelque temps de là celui- sociaux du progrès technique. Il vit alors que les ci, dans un discours public, soulignait que le chiffres concrétisaient un événement d’une portée et développement du secondairen’avait rien d’une signification considérables :rien de moins d’accidentel, ni de regrettable. «C’était, dit-il, un –par l’effet des nouvelles conditions de vie et de fait de civilisation, d’importance majeure. » 25 travail –que le début d’une ascension globale, vers

25 Louis Cros(sld), Un pionnier en éducation :GustaveMonod -les classes nouvelles de la Libération,hommage collectif rendu par Georges Canguilhem, Jean Delannoy, Jean Ferrez,Louis François [etc], Comité universitaired’information pédagogique, Paris, CUIP-CEMEA, 1981, p. 20

Gustave Monod37 Unecertaine idée de l’école

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Gustave Monod39 Unecertaine idée de l’école

Les instructions ministérielles de 1938 Tout l’esprit de ces instructions est inscrit dans constituent un temps fortdelapolitique de leur préambule, où l’on reconnaîtra la marque Jean Zayet, partant, du travail de Gustave de Monod :«ce qui donne àl’enseignement du Monod. 26 second degré son caractèreoriginal (…) ce qui lui confèreune unité profonde et organique, que marque la coordination des programmes, c’est qu’il vise àformer l’esprit (…) et à(…) donner une culturegénérale. Son rôle est moins de les pourvoir d’un bagage de connaissances utiles que de favoriser le libreetcomplet développement de leurs facultés (…) en développant chez eux tout ce qui fait l’excellence de l’homme :l’intelligence, le cœur,le caractère, le sens moral, le goût du beau. C’est par cet objet et pas seulement par son contenu que doit se définir un enseignement humaniste ». 28

Cet enseignement de culture, qui se fixedeux priorités :savoir s’exprimer et savoir observer, fait toute sa place àune pédagogie nouvelle et les instructions de 1938 introduisent dans les programmes des «activités dirigées »àraison de trois heures par semaines dans le primaire. Les «classes nouvelles »delaLibération en seront comme un lointain écho.Substituer aux cloisonnements disciplinaires des regrou- pements par activités, faireappel àl’initiative du maître, qui mesure, dirige et contrôle le AlbertChâtelet, en habits de recteur, tableau d’Édouard Selmy, 1933 travail des élèves, développer des exercices –notamment en histoireetengéographie –oùles élèves apprennent àtravailler en- Ces instructions, fruit d’un travail collectif semble, avec une progression des exercices auquel le ministreparticipera lui-même, dans le temps. Savoir et attitudes, au moins associent Marcel Abraham, directeur du cabinet, autant que connaissances :nepeut-on penser AlbertChatelet, directeur de l’enseignement au « socle commun de connaissances et de compé- du second degré, et GustaveMonod. « Il s’agit tences »dudécret du 11 juillet 2006 ? d’un projet pédagogique global (…) parce qu’il porte àlafois sur le premier degré et sur le premier cycle du second »etque les instructions « …valent Pour autant, si l’élèvedevient « …acteur de sa àlafois pour les lycées et collèges et pour les écoles propreformation en même temps que son sens primaires supérieures (EPS) et pour les cours social se développe » 29,«…les instructions de complémentaires (CC). » 27 1938 marquent (…) très nettement les limites qu’il convient d’apporter àlaspontanéité La séparation entrel’enseignement «long »et des élèves »etl’on reconnaîtra aussi Gustave l’enseignement «court»est dépassée au profit Monod lorsqu’elles mentionnent qu’il im- d’une cohérence d’ensemble qui porte, qui plus porte que l’élève«…soit convaincu de la néces- est, sur toutes les matières. sité indispensable du travail, non seulement du

26 Antoine Prost (sld), Jean Zayetlagauche du radicalisme,Paris, Presses de la Fondation nationale des Sciences politiques, 2003, p. 251. Le chapitre12est consacré aux instructions de 1938. 27 Antoine Prost (sld), op. cit., p. 195 28 Idem, p. 197 29 Idem, p. 208

40 Gustave Monod Unecertaine idée de l’école travail attrayant et aisé, mais du travail austère l’enseignement secondaire, qui les mettra en et pénible ». 30 chantier.

Publiées au moment de la conférence de Munich « En juillet 1939, nous étions bien décidés à (29-30 septembre1938), ces instructions ne continuer,nous en avions l’autorisation, toutes furent pas appliquées àtemps et il faudra les forces actives capables de nous soutenir étaient attendrelaLibération pour que d’autres les derrièrenous, mais nous fûmes interrompus par remplacent. Et c’est encoreGustaveMonod, la guerre. » 31 pédagogue « …jamais las de guetter la lueur de l’espérance », cette fois aux commandes de

Marcel Abraham, directeur de cabinet, et Jean Zay, ministre de l’Éducation nationale et des Beaux- Arts

30 Idem, p. 205 31 Louis Cros(sld), Un pionnier en éducation :GustaveMonod -les classes nouvelles de la Libération,hommage collectif rendu par Georges Canguilhem, Jean Delannoy, Jean Ferrez,Louis François [etc], Comité universitaired’information pédagogique, Paris, CUIP-CEMEA, 1981, p. 86

Gustave Monod41

Unecertaine idée de l’école

GustaveMonod, un serviteur de l’État

Gustave Monod43 Unecertaine idée de l’école

2. GustaveMonod, un serviteur de l’État

Un haut fonctionnaireengagé En tant que haut fonctionnaire, chargé de mettre en œuvrelaloi du 3octobre1940concernant En dépit des changements politiques et de le «statut des Juifs »ausein du département l’épurationannoncée àl’automne 1940,sur le ministériel en charge de l’Instruction publique, plan administratif,leministèredel’Éducation GustaveMonod refuse en effet d’appliquer les nationale connaît une grande stabilité dans les mesures anti-juives imposées par le gouvernement premiers mois du régime de Vichy. de Vichy.

En 1940,GustaveMonod, inspecteur de l’Académie de Paris, nommé par Jean Zay,est toujours chargé de mission auprès du recteur de l’Académie de Paris et du directeur de l’enseignement secondairepour les questions concernant l’organisation de l’enseignement du second degré. Il arang et prérogatives d’Inspecteur général.

Il est, àcetitre, le véritable supérieur hiérarchique, sous l’autorité du recteur,del’ensemble de l’enseignement scolaireetsecondairedans l’académie, aussi bien dans le domaine budgétaire que sur le plan pédagogique et de la gestion des personnels, dans une académie équivalente, àl’époque, des trois académies de Paris, Créteil et Versailles aujourd’hui.

Un des fils de GustaveMonod, Jean-Pierre, témoigne :«La famille est rentrée àParis en octobre1940. Logée provisoirement avenue Médicis, elle s’installe rapidement au 14 avenue de l’Observatoireoùmes parents vécurent jusqu’à la mortdemon père, le 25 décembre 1968. » 32

Face auxmesures que va mettreenœuvrele gouvernement de Vichyet au sein du haut personnel administratif,onn’enregistrepas de manifestations ouvertes d’opposition, exception faite du départvolontairedeGustaveMonod. Circulairedusecrétariat d'État à Comme l’atteste Jean-PierreRioux:«Du côté l'Instruction publique et àla du front du refus, GustaveMonod offrel’exemple jeunesse relativeàl'application du > le plus éclatant en tant que chargé de mission statut des Juifs, signée Georges Ripert-21octobre1940. auprès du recteur de l’Académie de Paris et du directeur de l’enseignement secondaire. Il s’illustre donc, au mépris de sa carrière, dans l’opposition aux lois de Vichy. » 33

32 Témoignage du fils de GustaveMonod, Jean-Pierre, lettredu14janvier 2008 33 Jean-PierreRioux(sld), Deux cents ans d’Inspection générale, 1802-2002,Paris, Fayard, 2002, pp.253-254

44 Gustave MonoMonodd

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Le statut des juifs àlaUne du journal «LEFIGARO », 19 octobre 1940

Le 21 octobre1940,Georges Ripertadresse Directeur de l’Académie de Paris, Gustave auxrecteurs et auxinspecteurs d’académie une Monod reçoit, du ministèreenpartie replié à circulairedans laquelle il détaille les modalités Vichy,une instruction enjoignant le rectorat qu’ilconvient de suivreafin de dresser les listes d’avoir àfournir la liste des professeurs juifs. des«membres du corps enseignants »qui sont Il convoque, àlademande du ministre, Georges juifs, en précisant qu’il s’agit « …des Ripert, une réunion des chefs d’établissements fonctionnaires, hommes et femmes, qui de notoriété scolaires parisiens. publique ou àvotreconnaissance personnelle, doivent être, aux termes de l’article 1 er [de la loi Si le rapportqu’il rédige fait partdesatrès du 3octobre1940], regardés comme juifs ». grande réticence vis-à-vis de ces mesures sur le strict plan administratif -GustaveMonod re- vient sur la mention de «notoriété publique » utilisée dans la circulairedeRipertetpropose qu’elle soit remplacée par une déclaration individuelle mentionnant les origines juives -ilcontient surtout un passage àproprement parler inacceptable par les autorités de l’époque, parce qu’il remet en cause le fondement même de leur politique àl’endroit des Juifs. Extrait du Journal officiel du 18 octobre 1940 « Ce rapportfut adressé au recteur Roussy [recteur La définition qu’il donne des «membres du corps de l’Académie de Paris] qui en communiqua la enseignant »est très large puisqu’il entend : teneur àVichy. » 34 les professeurs,les préparateurs, les surveillants, les censeurs,les chefs d’établissements, les inspecteurs et plus généralementtoutes les personnes en contact avec les élèves.

34 Témoignage du fils de GustaveMonod, Jean-Pierre, lettredu14janvier 2008

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Une du journal «L’ŒUVRE » annonçant la fermeture des Facultés, 1940

La cour de la Sorbonne, fin 1940 Tract d’étudiant suite àlamanifestation du 11 novembre 1940

Extrait du rapportdeGustaveMonod, le 5novembre1940

«Jedois d’ailleurs vous rendrecompte, Monsieur le Recteur,del’atmosphèred’émotion graveetdouloureuse dans laquelle s’est déroulé cet entretien. Manifestement les mesures que la loi récente impose ànos Chefs d’Etablissements, non seulement sont contraires àleurs habitudes, mais elles blessent leurs consciences d’administrateurs aussi soucieuses de l’intérêt de leurs élèves que de celui des professeurs qu’ils ont àdiriger.Lenombredes fonctionnaires juifs «de notoriété publique »doit êtredans les lycées parisiens d’environ 80 sur près de 3000, soit moins de 3%.Dans l’hypothèse où il yaurait un enseignement juif particulièrement dangereux, comment admettreque s’exerçant dans de pareilles proportions son influence ne soit pas largement neutralisée ? Mais il est évident qu’il ne s’agit pas ici de nombre. L’émotion que j’ai sentie -etdont certains m’ont dit qu’elle traduisait celle du corps enseignant tout entier -venait de plus loin. Ce qui est aujourd’hui mis en question, c’est le libéralisme universitaire, c’est toute une conception de l’honneur intellectuel qui aété puisée par nous tous au plus profond des traditions françaises, humanistes et chrétiennes, -etqu’il paraît impossible àununiversitairederenier. Je dois àlavérité de dire, Monsieur le Recteur,que je n’ai pas été un bon avocat de la cause administrative, et que bien loin de pouvoir la défendre, j’ai été obligé de m’associer sinon en paroles, du moins dans le secret de ma pensée àtoutes les réservesformulées. Monloyalisme de fonctionnairem’oblige àvous apporter ce témoignage que je vous serais reconnaissant de transmettre àM.leMinistre. » 35

35 Rapport de GustaveMonod sur la réunion des proviseurs et directeurs des lycées parisiens àlaSorbonne le 4novembre1940 (Archivesnationales, AJ /72/251). Reproduit dans l’ouvrage de Claude Singer, Vichy,l’université et les juifs,Paris, Société d’édition les Belles Lettres, 1992, pp.373-374

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Après l’éviction, par le Gouvernement, du 12 mars 1941), il est ensuite nommé àtitre recteur Roussy àlasuitedes manifestations provisoire(arrêté du 30janvier 1941 pour effet d’étudiants du 11 novembre1940,Gustave en date du 14 mars 1941) au Lycée Henri-IV, Monod expose plus clairement encoresa où il exerce de mars àseptembre1941. position au recteur qui vient d’êtrenommé par Vichy,Jérôme Carcopino. Arrêté du 12 décembre1940 Treizeans après les faits, dans ses mémoires, Jérôme Carcopino dit se souvenir d’avoir dissuadé Art1:M.Monod, inspecteur de l’Académie de Paris, est nommé professeur titulaireagrégé de GustaveMonod « …d’entreprendreune démarche philosophie au lycée de Versailles (chairevacante). qui l’eût placé dans une position fausse àl’égarddu ministresans pouvoir modifier celle du ministreà Art2:LeDirecteur de l’Enseignement secon- l’égarddelaloi » 36 et s’êtreengagé, alors, à daireest chargé de l’exécution du présent intervenir auprès du secrétaired’État chargé de arrêté qui aura effet en date du 12 mars 1941. l’Éducation nationale pour que GustaveMonod Le Secrétaired’État àl’Instruction publique, G. Ripert. soit déchargé de ses fonctions.

GustaveMonod est effectivement convoqué peu après par le secrétaired’État Georges Ripert. LettredeGustaveMonod Jean-PierreMonod témoigne :«Quelques jours au nouveau recteur de l’Académie plus tard, mon pèreest convoqué par le ministre de Paris, Jérôme Carcopino, Ripertdepassage àParis. L’entretien fut orageux, le 23 novembre1940 Georges Ripertayant demandé àmon pères’il était juif. Monpèrefut alors dégradé de son poste «Vous savez (…) que je n’adhèreniaustatut des d’inspecteur de l’Académie de Paris et nommé juifs, ni au statut des fils d’étrangers, ni àl’épura- professeur de philosophie au lycée de Versailles, tion que paraît exiger une récente circulaire. fonction provisoireavant sa mise àlaretraite S’il s’agit de contrainte allemande, nous avons anticipée par le triste Ripert. Il avait alors 56 ans . » 37 évidemment tous ànous soumettreetàprendre notrepartrespectivedel’humiliation commune ; En novembre1940,aumoment où l’épuration et notretâche de Français et d’administrateurs est dans l’enseignement suscite plus de d’essayer de composer avec cette contrainte de ma- conformisme administratif que d’actes nièreàlafairepeser le moins lourdement possible d’héroïsme, quelques hommes réagissent, sur le personnel. S’il s’agit au contraired’un ordre comme GustaveMonod qui refuse de rester à nouveau, Français et universitaire, alors je ne dis- un poste où il avait àparticiper àlamise en simule ni mes réservesnimes réticences. application du statut des juifs. Il achoisi son camp.Ilsubit la sanction de Vichy.Ilsevoit (…) Aunmoment où le gouvernement cherche à dans l’obligation de quitter le corps des «épurer »lepersonnel, je ne voudrais pas bénéfi- inspecteurs de l’Instruction publique. Il est cier d’une exception du fait que je suis mutilé de 38 rétrogradé au rang de professeur. guerre. »

D’abordnommé au lycée de Versailles (arrêté du 12 décembre1940pour effet en date du

36 JérômeCarcopino, Souvenirs de sept ans, 1937-1944,Paris, Flammarion, ‘le Temps présent’, 1953, p. 248 37 Idem, Jean-PierreMonod, lettredu14janvier 2008 38 Claude Singer, Vichy,l’université et les juifs,Paris, Société d’édition les Belles Lettres, 1992, p. 101etp.192

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Arrêtédu30janvier 1941 Art1:M.Monod (Gustave), agrégé de philosophie, précédemment nommé au lycée de Versailles, est nommé àtitre provisoire, professeur de philosophie (premièresupérieure) au lycée Henri-IV,enremplacement de M. Alexandrequi acessé ses fonctions par application de la loi du 3octobre1940. J. Chevalier pour ampliation, le Directeur de l’Enseignement Secondaire, pour le Directeur et par ordre, le Chef du 2 e Bureau, M. Lonjon.

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Lettreduproviseur du Lycée Henri-IV àM.leRecteur de l’Académie de Paris, le 13 mars 1941

Le 11 février dernier,vous avez bien voulu me transmettrelacopie du télégramme officiel ci-après : «SECRETAIRE D’ETAT INSTRUCTION PUBLIQUE ET JEUNESSE AMINISTERE INSTRUCTION PUBLIQUE ENSEIGNEMENT SECONDAIRE –PARIS. «MONOD, NOMME PROFESSEUR PHILOSOPHIE LYCEE HENRI IV,REMPLACEMENT ALEXANDRE -STOP-NOMINATION HIPPOLITE ANNULEE. » Monsieur Monod, chargé d’un cours de premièresupérieuredont les élèves étaient privés depuis le 18 décembre, abien voulu prendreses fonctions au lycée Henri-IV immédiatement.

LettreduSecrétaired’État àl’Éducation nationale et àlajeunesse àM.leRecteur de l’Académie de Paris, le 3avril 1941

« En réponse àvotrelettredu15courant, j’ai l’honneur de vous faireconnaîtreque M. Monod, ancien inspecteur de l’Académie de Paris est reclassé dans le cadredes professeurs agrégés de Paris. Je précise que les fonctionnaires, tels les inspecteurs d’Académie récemment replacés professeurs de lycée, ne bénéficient pas de l’indemnité compensatrice prévue par l’article 7dudécret du 12 avril 1922. » Pour le Secrétaired’État et par autorisation P/ le Directeur de l’Enseignement Secondaire

LettredeGustaveMonod àM.leMinistredel’Éducation nationale, le 25 avril 1941

« […] quand j’ai dû quitter la Sorbonne en Novembre1940, j’ai eu la surprise de m’entendredire, de la partdeM.leMinistreRIPERT, que non seulement la mesureprise àmon égardneconstituait pas une sanction, mais même qu’on ne prétendait pas me relever de mes fonctions. En fait, la loi du 17 juillet 1940 ne me fut pas appliquée, et on régla ma situation le 12 décembre1940 par un arrêté «nommant professeur »uninspecteur de l’Académie de Paris. Texte insolite et fragile, mais qui mar- quait bien l’intention de ne pas sanctionner.Dès lors qu’il n’yavait pas sanction, le reclassement ne pou- vait êtreopéré que par la «nécessité de service »àlaquelle se réfèreexpressément l’article 7dudécret du 12 avril 1922 qui accorde l’indemnité compensatrice.

[…] ce qui m’importe plus […] c’est le fait, Monsieur le Ministre, que cette note du 15 avril me donne purement et simplement mon congé. On m’enferme dans le dilemme ou de rester dans les cadres et de travailler… àlaréduction de ma pension de retraite –oudeprendreimmédiatement cette retraite afin de conserverles droits que je me suis acquis. L’hésitation ne m’est pas permise :j’ai donc l’honneur de vous demander de bien vouloir m’admettreàfairevaloir mes droits àlaretraite àladate du 1 er octobre1941.

Ainsi, malgré les assurances que je rappelais plus haut et que je ne demande pas, j’aurai été frappé trois fois :privé de mes fonctions d’inspecteur,privé d’une portion importante de mon traitement, contraint àune retraite prématurée. »

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GustaveMonod est ainsi démis de son grade Enfin, Claude Singer adémontré que la vague d'inspecteur de l’Académie de Paris pour avoir d’épuration avait atteint son apogée lors des refusé d'appliquer les mesures anti-juives. vacances de Noël 1940et au début de 1941 42. Le relèvement de fonction de GustaveMonod Plutôt que d’accepter cette situation et de en fait partie. servir dans des conditions contraires àses idées, GustaveMonod demande sa mise àla Le gouvernement de Vichysignifie cette mise retraite. àlaretraite (arrêté du 30juin 1941 àdater du 1 er octobre1941), officiellement « sur sa Finalement, GustaveMonod est traité au demande et pour ancienneté d’âge et de service », même titreque ceuxqui répondent aux le 1 er octobre1941. critères de la circulairedu21octobre1940et en subissent les conséquences, ceuxlà-mêmes Un texte de la même date lui confèreletitre dont Carcopino aapostillé et transmis au plus d’Inspecteur général honoraire de l’Instruction vite les dossiers àVichyet qui entraient dans publique. Il est paraphé par Jérôme Carcopino, la catégorie « …des clauses de sauvegarde secrétaired’État àl’Éducation nationale et à contenues dans la loi :les admissions àlaretraite, la jeunesse. avec pension, pour les fonctionnaires qui ne seraient ni réinvestis ni parallèlement casés, et, Jean Zay,qu’il avait bien servi, avait déploré pour les autres, les reclassements compensateurs et « …le manque de caractèredont ont fait preuve les réintégrations plénières que la loi n’avait pas tant de hauts fonctionnaires républicains depuis osé désigner par leur nom et qu’elle appelait du juin 1940, la facilité avec laquelle ils ont subi les terme péjorativement voilé, de «relèvement de nouveaux maîtres, assumé sans révolte de conscience déchéance ». 39 toutes les besognes qu’on leur imposait ». 43 Il n’était pas de ceux-là. En effet, Jérôme Carcopino aété, comme recteur,lebras exécutif de l’épuration menée C’est sans doute André Siegfried, qui connaissait par le gouvernement de Vichyau sein du GustaveMonod depuis Marseille et le lycée Thiers, ministèredel’Instruction publique. Il a, qui définissait le mieuxle caractèredelarésistance comme ministre, aggravé les lois d’exclusion de ce dernier,lorsqu’il écrivit, après la guerre«Nous et utilisé son pouvoir discrétionnaire. Il a rencontrons (…) la résistance au pouvoir (…) jugé défendu l’institution avant les hommes. En arbitraireouabusif, car,par ailleurs, le protestant tant que haut fonctionnaire, il autilisé la loi français (…) est imbu d’esprit civique. La société du 17 juillet 1940–réservant les emplois civile, comme la société religieuse, apparaît àses publics auxFrançais nés de pères français et yeux comme une communauté dans laquelle l’État autorisant les relèvements de fonction pour n’est qu’un représentant de l’intérêt commun.(…) tous les agents de la fonction publique, sur le L’idée d’un pouvoir transcendant, comme celui du seul rapportduministre, sans justification – pape ou bien d’un État superposé àlacommunauté, dans l’Académie de Paris « comme moyendese est étrangèreàcette conception. Il n’yapas (…) de débarrasser des fonctionnaires faillibles et citoyenplus consciencieux, plus dévoué que le réformé inefficaces ». 40 (…). Mais attention, que l’État se transforme en bras séculier de l’intolérance, qu’il se fasse persécuteur, Marc Olivier Baruch aétabli que le relèvement persécuteur de n’importe qui, alors la religion protestante de fonction était un élément permanent de la prend un sens politique, celui de la défense de l’individu politique de la fonction publique sous Vichy 41. contrelatyrannie de l’État » 44.

39 Jérôme Carcopino, Souvenirs de sept ans, 1937-1944,Paris, Flammarion, ‘le Temps présent’, 1953, p. 248 40 Stéphanie Corcy-Debray, Jérôme Carcopino,unhistorien àVichy, Paris, L’Harmattan, 2001, p. 167 41 Marc-Olivier Baruch, Servir l’État français, l’administration en France de 1940 à1944,Paris, Fayard, 1997, cité par Stéphanie Corcy-Debray, Jérôme Carcopino,unhistorien àVichy,Paris, L’Harmattan, 2001, p. 174

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42 Claude Singer, Vichy,l’université et les juifs,Paris, Société d’édition les Belles Lettres, 1992, p. 63 43 Jean Zay, Souvenirs et solitude,Paris Julliard1945 p314 cité par Marc-Olivier Baruch, Servir l’État français. L’administration en France de 1940 à1944,Paris, Fayard, 1997 p. 578 44 Marc Boegner et André Siegfried (sld), Protestantisme français,Paris, Plon, 1945, p. 42

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Dans le même temps, Un résistant de la premièreheure 45 GustaveMonod avait pris l’initiativederéu- En 1940,ladéfaite provoque chezGustave nir chezlui des amis, Monod une réaction immédiate :«On ne peut des anciens membres pas en rester là ! »Sablessuredeguerre, qui du Comité de vigilance le rendait trop aisément reconnaissable lui des intellectuels antifas- interdisait de fairedelarésistance active;mais cistes, venant pour la par ses relations de famille, par ses très Journal d’un plupartdela«mou- nombreuses connaissances dans les milieux des premiers groupes vance »pacifiste. Le protestants et universitaires, par l’ascendant de Résistance, le réseau groupe était composé du Musée de l’Homme qu’il conservait sur ses anciens élèves, il fut en de Jean Guéhenno, contact avec beaucoup d’acteurs de la résistance Marcel Bataillon, Louis François. Il avait pris et joua souvent le rôle de «plaque tournante ». le surnom de «LaBelote », surnom de la familleMonod. Les amis se réunissaient sou- GustaveMonod était déjà engagé depuis vent dans un café du boulevardSaint-Michel. longtemps dans les combats contrel’oppression, il avait été l’un des membres actifs du Comité Dès l’hiver 1941, il participe àunautregroupe de vigilance des intellectuels antifascistes aux de résistants constitué d’anciens camarades de côtés du professeur Paul Rivet en 1934. l’École normale comme Maurice Merleau- Insoumis par construction intellectuelle àtout Ponty,deLouis François, etc. Ce groupe était asservissement de quelque sorte qu’il fût, fidèle organisé en cellules rigoureusement fermées àlalongue tradition de ceuxqui refusent qu’on dont les objectifs étaient les suivants :secom- leur impose une vérité révélée, il résista parce muniquer les renseignements obtenus par qu’ainsi que l’avait écrit Charles Péguy« …la chacun et les filtrer très soigneusement ; liberté est un système de courage ». propager chacun de son côté les renseigne- ments ainsi sélectionnés ;distribuer des tracts et préparer la constitution futuredelaFrance.

Imprimerie typographique du journal «Défense de la France »

Dès 1940,GustaveMonod entreenrésistance et devient membred’un groupe connu sous le nom de «réseau du Musée de l'Homme ». Il est ainsi amené àparticiper auxréunions qui se tenaient entremédecins dont le recteur Roussyet dans lesquelles Paul Rivet apportait et distribuait des tracts du «Musée de l’Homme », dans des conditions dangereuses par leur im- prudence (dès août -septembre1940).

45 Ces informations sont reprises d’un document d’archive:Comité d’histoiredelaseconde guerremondiale, témoignages de résistants, dont celui de GustaveMonod, recueilli par H. Michel en janvier 1947 (Archives nationales, AJ /72/58/XIII /pièce 11)

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Témoignage de Jean-PierreMonod, le 14 janvier 2008

«De1940 à1944, GustaveMonod fut le centre Il se mit immédiatement àl’ouvrage, malgré les d’un mouvement de résistance «Défense de la mauvaises volontés d’une partie du ministèrerestée France ». Il s’est efforcé, entouré d’universitaires de vichyste et rétrograde, tout juste remis de l’émotion qualité (Louis François, Alfred Weiler,Henri d’avoir échappé àune sévèreépuration. Usédans ses Wallon, Marcel Bataillon, Jean Ghéhenno,Louis combats quotidiens et par les souffrances de son am- Cros...) de rechercher les bases d’une rénovation de putation, il prend sa retraite en 1951. Le ministère l’enseignement du second degré. La création du de l’époque, contrairement aux traditions ne l’éleva Centreinternational d’études pédagogiques serale pas au grade de Grand Officier de la Légion d’hon- fruit de cette réflexion clandestine. neur.Ses amis indignés, dont Louis François de re- tour de Buchenwald, le firent nommer au titredes Surl’ordreduGouvernement provisoire, il alla phy- anciens combattants ! siquement occuper,àlaLibération, les locaux de la ruedeGrenelle. Il fut proposé comme ministrede Son œuvrederénovation fut considérable. Elle est l’Éducation nationale, poste qu’il refusa au profit de heureusement conservée dans la mémoireduCentre celui de directeur de l’enseignement du second degré. international d’études pédagogiques de Sèvres. »

Paul Langevin Paul Rivet Émile-Auguste Chartier 1872-1946 1876-1958 dit Alain 1868-1951

Le Comité de vigilance des intellectuels antifascistes,ouComité de vigilance, encoreconnu sous son sigle CVIA, était une organisation politique française fondée en mars 1934, avant la Seconde Guerremondiale. Le CVIA aété créé sous le patronage de trois personnalités emblématiques de la gauche dont le physicien Paul Langevin, proche du communisme ;l'ethnologue Paul Rivet, socialiste ; le philosophe écrivain Alain, radical.

Le Groupe du Musée de l'Homme est un mouvement de la Résistance française, créé par des intellectuels et des universitaires, parmi lesquels Anatole Lewitsky et surtout Boris Vildé qui dirige le réseau avec Paul Hauet. Ilsseront rejoints par d'autres groupes en septembre1940 :Raymond Burgard, René Iché, Claude Aveline, Marcel Abraham, Jean Cassou (qui lance le journal Résistance), René-YvesCreston. Germaine Tillion et sa mèreÉmilie Tillion firent également partie de ce premier réseau. Pour ne pas attirer l'attention des Allemands et des services de police français lors de leurs réunions, ils se constituent en une «société littéraire»,Les amis d'Alain-Fournier.

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Gustave Monod, rue de l’Observatoire àParis, 1940

Chaque cellule comprenait cinq membres. Au sein de cette organisation, GustaveMonod Dans celle de GustaveMonod se trouvaient aida beaucoup de familles juives, et plus Maurice Kermogard, le docteur Robert particulièrement celles de Jean RichardBloch Monod, Alfred Weiler et Louis François qui et de Marcel Abraham. en était le père. Le mouvement finit par se dissoudredelui-même après l’arrestation de GustaveMonod fut, aussi, mêlé de près àla quelques-uns de ses membres. création de la ligue antiraciste qui aboutira au journal Fraternité.Denombreuses familles GustaveMonod s’est également trouvé à juives furent sauvées, surtout par l’action du l’origine du mouvement «Défense de la pasteur Vergara. France », notamment par l’intermédiairede ses anciens élèves du lycée Louis-le-Grand, Enfin, au cours des années 1943 et 1944, Gustave Philippe Vianney et RobertSalmon qui Monod eut des relations très fréquentes et venaient fréquemment le voir.C’est lui qui les très suivies avec le «Front national »par mit en relation avec son cousin, le docteur l’intermédiairedeRené Maublanc et de Frédéric Monod. Joliot. Il recevait aussi les Cahiers de l'Organisation civile et militaire (OCM) et tous L’action de ce mouvement aété triple : les exemplaires des Éditions de Minuit et propagande par tracts et journaux ;officine de il travaillait déjà, en liaison constante avec faux papiers, très importante et très utile Paul Langevin, àlaquestion de l’application (GustaveMonod en alui-mêmedonné des des «méthodes active»àl’enseignement du centaines) et enfin, pour une partbeaucoup second degré. plus restreinte, organisation des Forces Françaises de l’Intérieur (FFI).

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Défense de la France est le nom donné àunmouvement de la Résistancefrançaise pendant la Seconde guerremondiale. Développé essentiellement en zone nord, «Défense de la France »sedistingue par une activité centrée sur la diffusion d'un journal clandestin créé, en juillet 1941, par un groupe d'étudiantsparisiens de tendance chrétienne. Ce dernier était réuni autour de Philippe Viannay, fondateur et principal dirigeant, assisté de son épouse Hélène Viannay, ainsi que de RobertSalmon et Jean-Daniel Jurgensen. Avec un tirage de 450000 en janvier 1944, ce journal représente le plus forttirage de toute la presse clandestine. Il continuera d'ailleurs une longue carrièresous le titre France Soir.

Marcel Abraham (1898-1955) Universitaire, écrivain et résistant, il rencontreGustaveMonod alors qu’ilest chef de bureau du cabinet politique d’Anatole de Monzie de Journal «Défense de la France », 1932 à1934. Il est ensuite appelé, de 1936 à1939, comme directeur 22 août 1944 de cabinet par Jean Zay,ministredel’Éducation nationale. En septembre1939, il est engagé volontaire. Révoqué le 1 er octobre1940de son poste d’Inspecteur général de l’Enseignement françaisàl’étranger,enapplication de la loi surlestatut des Juifs du 17 juillet 1940,ilintègreleréseau du «Musée de l’Homme »etparticipe àson journal Résistance (il écrit sous le pseudonyme de Jean Villefranche). En 1941, il se réfugie àToulon et forme le noyau du réseau local de «Franc-Tireur ». Aplusieurs reprises pendant l’Occupation, il trouve refuge dans la résidence de GustaveMonod «Les Pages »dans le Lauragais. Après la Libération, il retrouve sa place àl'Université et rejoint l'Unesco.Iloccupe ensuite les postes suivants :directeur des Affaires culturelles au ministèredel’Éducation nationale, directeur du service universitairedes relations avec l’étranger et président du Bureau international d’éducation.

Le Front national,ou Front national de l'indépendance de la France est une organisationdelaRésistance française de la Seconde guerremondiale. Il prend son nom du Front populaire, alliance politique des partis de gauche de la fin des années trente. Créé en 1941 par le Particommuniste français (, PierreVillon), il était destiné àêtrelareprésentation« politique »des groupes de lutte armée :les Francs-tireurs et partisans français (FTPF). Il se consacra principalement àlapropagande, àlafabrication de faux-papiers, au soutien logistique des clandestins mais aussi au sabotage. Les communistes furent les plus nombreux,mais il compta également, parmi ses militants et ses cadres, des membres de la Section française de Affiche du Front national, 1944 l’internationale ouvrière(SFIO).

L'Organisation civile et militaire(OCM) était l'un des grands mouvements de la Résistance intérieure française en zone occupée. L'OCM afait partie des huit grands réseauxde résistance membres du Conseil national de la Résistance (CNR). L'OCM regroupe essentiellement des hommes d'âge mûr,souvent cadres supérieurs du secteur privé et du secteur public. L'Organisation civile et militaireest fondée en décembre1940àParis, par la fusion de l'Équipe française d'organisation du redressement(EFOR) de l’industriel Jacques Arthuys(le «groupe de la ruedeLogenbach ») et la Confédération des travailleurs intellectuels animée par Maxime Blocq-Mascart. Dès janvier 1941, des fonctionnaires du ministèredes Travauxpublics, renforcent l'OCM, qui recrute aussi dans la bourgeoisie, l’industrie, parmi les commerçants, les anciens combattants, les professions libérales (avocats, architectes), et les universitaires. Deuxtendances politiques sont particulièrement représentées :les conservateurs, souvent maréchalistesau départmais germanophobes et hostiles àla«Révolution nationale»,les socialistes d'autrepart. La première tendance est majoritaireàl'origine, mais la deuxième l'emporte au cours de la guerre. Fin1941, l'OCM ne compte que quelques centaines de membres, contre45000 deuxans plus tard.

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Un acteur du Comité de Libération « J’aurai connu deux périodes de grand élan réformateur :c’est l’année 1936, celle du Front GustaveMonod avait été nommé par Jean Zay populaireetduCongrès du Havre, et c’est l’année en 1937 avec rang et prérogatives d’Inspecteur 1945, celle de la Libération et de la Commission général. Il avait été démis par Vichy.Le Langevin. » 46 Gouvernement provisoiredelaRépublique française (3 juin 1944 -2novembre1945) Entreces deux moments, pendant la guerre, au balaie, d’une part, la promotion par défaut de cœur de la résistance, les compagnons de lutte Carcopino et permet non seulementàGustave et d’intelligence de GustaveMonod se sont Monod de réintégrer son grade et sa fonction préparés àdonner,àlaFrance une fois libérée, mais en fait, d’autrepart, un Inspecteur général un nouveau visage :en1944, ils sont prêts. de l’Instruction publique dans toute la plénitude du grade et de la fonction. S’il existe une continuité entreleCongrès du Havre, le Front populaire, les travaux effectués L’arrêté du 30septembre1945 annule en effet pendant la guerre, en France ou àAlger, lestextes précédents et le réintègredans le cadre « …elle passe par le maintien dans des fonctions des hauts fonctionnaires. GustaveMonod avait de réflexion, d’élaboration des réformes été appelé, ànouveau, au ministèrede et d’administration de GustaveMonod ». 47 l’Éducation nationalepar René Capitant, Al’exception de la période de Vichy,c’est lui qui ministreduGouvernement provisoire, comme fait le lien. directeur de l’enseignement du second degré, le 1 er janvier 1945, soit bien avant sa réintégration.

Arrêté du 30 Septembre1945

Art1:Sont annulés les actes d’autorité de fait se disant Gouvernement de l’État Français dits arrêtés des 12 décembre1940,30janvier 1941 et 30juin 1941 par lesquels M. Monod (Gustave), inspecteur de l’Académie de Paris, était nommé professeur au lycée de Versailles, puis professeur de premièresupérieure au lycée Henri-IV,enfin admis àfairevaloir ses droits àune pension de retraite et nommé Inspecteur général honorairedel’Instruction Publique.

Art2:M.Monod (Gustave) est réintégré dans le cadredes inspecteurs de l’Académie de Paris, àdater du 12 mars 1941.

Art3:M.Monod (Gustave), inspecteur de l’Académie de Paris, chargé des fonctions de directeur de l’Enseignement du second degré, est nommé Inspecteur général de l’Instruction Publique (Enseignement du Second degré), en remplacement numérique de M. Dodier,retraité.

Art4:M.Monod (Gustave), Inspecteur général de l’Instruction Publique, est placé dans la position hors-cadrepour exercer les fonctions de directeur de l’Enseignement du Second degré.

René Capitant

46 Louis Cros(sld), Un pionnier en éducation :GustaveMonod -les classes nouvelles de la Libération,hommage collectif rendu par Georges Canguilhem, Jean Delannoy, Jean Ferrez,Louis François [etc], Comité universitaired’information pédagogique, Paris, CUIP-CEMEA, 1981, pp.86-87 47 Jean-Michel Chapoulie «Entrelelycée d’élite et le lycée de masse. Paul Langevin, GustaveMonod et les réformes de l’enseignement secondairede1936-1939 et 1944-1951 »inPierreCaspard, Jean-Noël LucetPhilippe Savoie (sld) Lycées, lycéens, lycéennes. Deux siècles d’histoire ,Lyon, INRP,2005, p. 147

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Continuité dans la pensée, continuité dans technique pédagogique, qui travaille au l’action, continuité dans les éléments qui ministèreprès de lui. Chaque matin, il réunit constituent le socle des réformes. « Trois courants ceuxqu’on appelait le «brain trust ». d’idées (…) inspirent ces réformes (…) la critique de l’organisation de l’enseignement public de la Sonéquipe pédagogique est composée d’Alfred Troisième République (…) avec pour mot d’ordre Weiler,lebouillonnant géographe, qu’il aplacé la réalisation de «l’école unique »(…), une àlatête du lycée expérimentaldeMontgeron, rénovation pédagogique de l’enseignement, [pour] de ClaireRoby,une mathématicienne ancien accorder une plus grande place aux disciplines chef d’établissement, de Roger Gal, chercheur, exigeant observation et expérimentation (…) et la un des pères de la pédagogie d’après-guerre, question de la répartition des élèves entreles de Georges Petit, professeur de sciences au lycée différentes filières. » 48 Jean-Baptiste Say,chargé de la classe préparatoire «agro»etd’Émile Jolibois, ancien proviseur GustaveMonod veut promouvoir une du lycée Henri-IV pendant l’occupation, fidèle pédagogie nouvelle, s’appuyant sur les travaux depuis Marseille. des psychologues de l’enfance. Il crée le Conseil

L’équipe de conseillerspédagogiques de GustaveMonod

Roger Gal, 1906-1966 Alfred Weiler, 1901-1961

Georges Petit, 1900-1985Émile Jolibois, 1885-1967

48 Idem, pp.148-149

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Parallèlement,GustaveMonod constitue la prévoit un enseignement gratuit et obligatoire Commission pour la réforme de l’enseigne- jusqu'à l'âge de 18 ans. Il définit des ment, dont les membres se réu- conditions idéales pour cet nissent pour la première fois le enseignement :25élèves 8novembre1944. maximum par classe, respect des rythmes biologiques.Ilpréconise Cette Commission est présidée une revalorisation du travail par Paul Langevin jusqu’à sa manuel, allant de pair avec l'accès mort, en décembre1946, puis par de chacun àune solide culture. Il Henri Wallon, éminent psycho- pose le principe d'une éducation logue. Un des secrétaires est populaireaccessible tout au long Alfred Weiler.Onyretrouve de la vie. Il instaureuntronc Lucien Febvre,professeur au commun qui souligne la Collège de France, chargé de la démocratisation de l'enseignement. sous-commission «Éducation générale ». Belle preuvedefidélité pour deux Lorsque la Commission rend son rapporten hommes qui se connaissent depuis l’avant- juillet 1947, le gouvernement aété plusieurs guerreet, de la partdeGustaveMonod, d’es- fois remanié. Sespréconisations ne seront pas time intellectuelle pour un très grand histo- toutes appliquées. Il marquera cependant de rien français. son empreinte profonde, en creux comme en relief,toutes les réformes de l’école qui La Commissionrédige un véritable plan de suivront. réforme:leplan Langevin-Wallon. Le plan

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Paul Langevin (1872-1946) Il entreàseizeans àl'École supérieuredephysique et de chimie industrielles de la ville de Paris (ESPCI) où il suit les cours de PierreCurie. En 1894, il est reçu premier àl’École normale supérieureet àlasortie de l'école, en 1897, une bourse lui permet d'aller travailler un an àCambridge. Il devient docteur ès sciences en 1902. Il succède àPierreCurie au poste de professeur d'électricité générale de l’ESPCI en 1905. Il est nommé professeur de physique générale et expérimentale au Collège de France en 1909etlauréat de la médaille Hughes en 1915. Langevin est àl’origine des congrès Solvay qui réunissent, àpartir de 1911, tous les grands physiciens de l'époque. Langevin enseigne également àlasection des électriciens de l’Association philotechnique (sorte de cours du soir), àl'École normale supérieuredeSèvres (pour jeunes filles), àl’Université ouvrière avec Romain Rolland et Henri Barbusse. Homme de gauche, il participe àlaSociété des Nations, créée après la PremièreGuerremondiale et se positionne nettement contreles armes chimiques et biologiques. Il accède au poste de directeur de l'École supérieuredephysique et de chimie industrielles de la ville de Paris en 1925. Sestravaux sur le magnétisme lui valent la médaille Copley en 1940. Résistant, il est àl’origine de la création du Comité de vigilance des intellectuels antifascistes. Il adhèredans la clandestinité au Particommuniste français et fait partie du Comité parisien de la Libération. Libéré en septembre1944, il revient assurer la direction de l' ESPCI. De 1936 à1946, il a présidé le Groupe français d'éducation nouvelle et aété, notamment, chargé de la réforme de l'enseignement qui sera connue sous le nom de «plan Langevin-Wallon ». Il décède le 19 décembre1946.

HenriWallon (1879-1962) Entré àL'École normale supérieureen1899, il s'oriente vers la psychologie. Mobilisé comme médecin entre1914 et 1918, il s'intéresse àlaneurologie. Chargé de cours àlaSorbonne, en 1920,ilest ensuite nommé directeur d'études àl'École pratique des hautes études en 1927. Il crée le laboratoirede psychobiologie de l'enfant. Il est nommé au Collège de France.

Résistant, il est interdit d'enseignement par le gouvernement de Vichy.Nommé en 1944 secrétaire général de l'Éducation nationale, il préside une commission de réforme de l'enseignement qui marque durablement l’éducation sous le nom du projet Langevin-Wallon.

Directeur de l'Institut de psychologie de l'Université de Paris, il crée en 1948 la revue Enfance.Ilest président du Groupe français d'éducation nouvelle de 1946 àson décès en 1962.

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GustaveMonod, un homme de «lapluralité des mondes »

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3. GustaveMonod, un homme de «lapluralité des mondes »

Le pèredes «classes nouvelles », des Elles s’inscrivent autant dans la continuité de conseils intérieurs, de la réforme du l’avant-guerreetdes réformes dont le conflit n’a recrutement des maîtres pas permis qu’elles soient appliquées, qu’en référence aux travaux de la Résistance, et dans Placé dans une position hors cadre, Gustave l’esprit de la Libération. Monod est nommé par René Capitant -ministre de l’Éducation nationale du Gouvernement provisoire-,directeur de l'enseignement du La naissance des classes nouvelles er second degré, le 1 janvier 1945, poste qu’il «Unlundi matin de la fin du mois de mai 1945, il er occupera jusqu’à sa retraite le 1 octobre1951. annonça sur un ton àlafois graveetjoyeux :nous avons travaillé avec Paul Langevin durant la journée d’hier. Décret du 1 er octobre1945 Nous ouvrirons des classes nouvelles en octobreprochain. Unepremièrecirculaireconcernant ces classes nouvelles Vu l’ordonnance du 3juin 1943 portant était signée le 3juillet, après une note du 2juillet. » 50 institution du Comité français de la Libération nationale, ensemble les ordonnances des 3 juin et 4septembre1944 ; Vu le décret du 13 août 1945 fixant le nombre Les classes nouvelles des emplois de chaque catégorie au Ministère de l’Éducation nationale ; «Ces classes sont une institution d’enseignement du Vu le décret du 18 août 1945 portant second degré, institution demandée par la Commission organisation de la direction générale de de l’Enseignement, dite Commission Langevin. En effet, l’Enseignement ; une des difficultés majeures dès l’entrée dans l’Enseignement du second degré, c’est l’affectation d’un Art1:M.Monod (Gustave, Adolphe), élèvede11ans dans telle ou telle branche. Inspecteur général honorairedel’Instruction Publique est nommé directeur de l’Ensei- gnement du second degré àcompter du À11ans, l’enfant entreaulycée. Où va-t-on l’inscrire? 1 er janvier 1945. Va-t-il fairedulatin, du moderne, du technique ?La C. DE GAULLE plupartdutemps, en France, il yavait et il yaparfois encore ParleGouvernement provisoiredela le désir très précis des familles de faire, de l’enfant, un République française, le Ministredel’Édu- futur polytechnicien,unfutur médecin, etc. Alors, on le cation nationale, René CAPITANT met au lycée, il va entrer en sixième classique, la famille voudrait beaucoup qu’il fasse du latin, même si ses aptitudes sont contraires àcet enseignement. Mais les AlaLibération, les «lycées pilotes »voient le classes de 6 e sont remplies, il se peut que cet enfant jour et servent de modèles aux quelque sept fasse du moderne ;ilmonteradans le moderne comme cents classes expérimentales 49 que Gustave on montedans un autobus :certes la ligne 83 ou 84 Monod met en place, dès le 2juillet 1945 :ce ne va pas aux mêmes endroits mais, enfin on est monté sont les «classes nouvelles »destinées àrénover dans l’autobus… » 51 les méthodes pédagogiques. Ces «classes nouvelles »constituent une des premières réformes de l’enseignement àlaquelle le nom de GustaveMonod reste attaché.

49 Ludivine Bantigny «Delamodernité dans le lycée des années 50 »inPierreCaspard, Jean-Noël LucetPhilippe Savoie (sld), Lycées, lycéens, lycéennes. Deux siècles d’histoire ,Lyon, INRP,2005, p. 270 50 Louis Cros(dir.), Un pionnier en éducation :GustaveMonod -les classes nouvelles de la Libération,hommage collectif rendu par Georges Canguilhem, Jean Delannoy, Jean Ferrez,Louis François [etc], Comité universitaired’information pédagogique, Paris, CUIP-CEMEA, 1981, p. 42 51 GustaveMonod, «Lerégime de l’Enseignement par M. Monod », École nationale d’administration -Stage en France des fonctionnaires des puissances signataires du traité de Bruxelles, Conférence du 24 octobre1950, archives du CIEP

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Le fonctionnementdes classes fussent toujours respectés :les lettres, enseignées nouvelles se fonde sur quatre par un seul et même enseignant, les sciences principes :une orientation aussi. Nouvelle répartition des services. positive, une équipe éducative, Concertation entreenseignants et avec les une éducation activeetun familles. C’est par voie de conséquence vers un enseignement global. Les établissement de type nouveau qu’on s’achemine «méthodes actives »modifient également, parce que GustaveMonod porte, profondément le statut de sur le lycée de l’époque, un jugement sévère. 52 l’élèveausein de la classe :il devient avant tout acteur plus Le préambule de la circulairedu20août 1945 qu’auditeur ou que spectateur, sur la «nouvelle sixième », dont la rédaction dans l’esprit retrouvé des doit beaucoup àGustaveMonod, s’achèvesur instructions ministérielles de ces phrases qui n’ont pas pris une ride :«…ce 1938, du temps de Jean Zay. n’est pas seulement l’individu qui doit bénéficier de cet effortpour l’élever et l’enrichir,c’est aussi la Cette expérience auncarac- société. L’enseignement du second degré (…) cherche tèreàlafois profondément àlui trouver dans la vie sociale la fonction à révolutionnaireetvision- laquelle il est le mieux adapté. Parses fins dernières, naire. Àune pédagogie où le l’enseignement du second degré est professionnel 53 Méthodes actives :l’élève devient savoir est reçu passivement, au sens large du mot ». acteur, lycée pilote de Sèvres GustaveMonod veut substi- tuer une pédagogie active– C’est aussi l’esprit de « …la grande rénovation c’est l’expression que l’on retiendra de «mé- scolaireinspirée par la commissionLangevin- thodes actives », souvenir de l’École des Roches Wallon de 1945 et concrétisée dans le second degré -qui sollicite davantage la créativité, l’initiative par l’expérience des «classes nouvelles » 54 que des et la collaboration des élèves :une pédagogie services pédagogiques de pointe sont créés, plus ouverte, moins strictement livresque, inci- pour articuler fortement l’enseignement, la tant les élèves àexplorer le milieu environnant, recherche et la pédagogie, àl’École normale àvisiter les lieuxoù s’accomplit la vie de chaque supérieuredeSaint-Cloud. Elle est alors àla jour.Ildemande qu’on laisse auxélèves la pos- fois l’héritièreetlesommet de l’ordreprimaire, sibilité de faireensemble certains travaux,que en voie de transformation en École normale l’on s’efforce de réduireladichotomie entrele supérieurepréparatoireàl’enseignement du travail manuel et le travail intellectuel par l’in- second degré :«…l’École de Saint-Cloud était troduction dans les cours de séances de travail bien présente au nouveau rendez-vous historique de type artisanal. Dans le dessein de permettre de la pédagogie et de la France 55 ». Les années un meilleur brassage social des élèves, Gustave qui suivirent montrèrent que ce travail était Monod rend le latin facultatif dans les classes nécessaire. nouvelles. Il l’est toujours. Dans le même esprit, l’enseignement était aussi bien assuré par des instituteurs, des professeurs Dès octobre1945, des «6es nouvelles »sont de l’enseignement technique et du secondaire, ouvertes dans 140établissements. Les 5 es,les 4 es sans que les rattachementsdisciplinaires ne et les 3 es nouvelles suivent d’année en année.

52 Jean-Michel Chapoulie «Entrelelycée d’élite et le lycée de masse. Paul Langevin, GustaveMonod et les réformes de l’enseignement secondairede1936-1939 et 1944-1951 »inPierreCaspard, Jean-Noël LucetPhilippe Savoie (sld), Lycées, lycéens, lycéennes. Deux siècles d’histoire ,Lyon, INRP,2005, pp.153 -154 53 Bulletin officiel, n° 42, du 20août 1945, Enseignement du second degré, p. 3027 54 Jean-Noël LucetAlain Barbé, DesNormaliens. Histoiredel’École normale supérieuredeSaint-Cloud,Paris, Presses de la Fondation nationale des Sciences politiques, 1982, p. 201 55 Idem, p. 201

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GustaveMonod institue également dans les lycées les «conseils intérieurs »dont le rôle devait avant tout êtreéducatif :«Je rappelle que la tâche essentielle du conseil intérieur est d’aménager le milieu scolairedetelle manière Travail dirigé dans une classe de 6 e nouvelle, lycée expérimental de Sèvres qu’il exerce sur les élèves une action éducatrice positive. »(Circulairedu16novembre1944). Des«stages », notamment ceuxorganisés au «Centreinternational d’études pédagogiques » GustaveMonod préconise le travail par créé dans cette intention en furent au niveau équipe, et non le simple travail par groupe : national le principal instrument. « Le groupe risque de devenir troupeau sous la conduite de deux ou trois meneurs. L’équipe au La circulairedemai 1952 mettra définitivement contrairesuppose coopération et donc division fin à«l’expérience »des classes nouvelles en du travail avec responsabilité distribuée et l’étendant àtout l’enseignement français. possibilité pour chacun de mettresamarque sur l’œuvredetous. » 56. GustaveMonod restait àlafois très attaché auxclasses nouvelles et, jusqu’à la fin de sa vie, Louis Croscommente ainsi ce projet :«Ces mécontent de ce qu’il nomma leur «échec ». mesures d’ordreadministratif et quantitatif Sans doute les résistances de l’administration étaient pour lui indissociables de la réforme avaient-elles conduit àétendrel’expérience quantitativeetpédagogique des études. Ases sans leur donner,vraiment, les moyens qu’il yeux, un enseignementsecondairedemasse aurait fallu. Sans doute la nécessaireadhésion impliquait nécessairement une pédagogie des familles avait-elle, parfois, manqué. Peut- rénovée, fondée sur la coopération des maîtres, êtreenfin le travail commun que Gustave parents et élèves, associant aux activités de l’école Monod appelait de ses vœuxentre celles de la vie et s’appuyant sur elles. La création enseignants, entreenseignants et familles, des conseils intérieurs des lycées tendit àfavoriser entreenseignants et encadrement du système cette coopération. Avec les classes nouvelles, éducatif,était-ce trop demander en ces temps GustaveMonod voulut davantage ;ilaspirait à difficiles de l’immédiat après-libération ? un enseignement secondairequi ne se bornât pas Toujours est-il que l’élan avait été donné. àladistillation d’une élite restreinte d’esprits brillants, mais qui fasse mûrir en chacun, selon C’est bien la prise en compte de l’accroissement son rythme et ses tendances propres, la totalité des de la durée de la scolarisation qui est àlabase valeurs intellectuelles et manuelles, esthétiques et de ces idées et de ces réformes. Si Gustave pratiques, sociales et morales, qui font l’homme Monod demeurefidèle, dans le fond, àun complet et le citoyenéclairé. » 57 mode d’enseignement destiné àl’élite, mais rénové et qu’il veut ouvrir auxmeilleurs Unecaractéristique essentielle des «classes de toutes les catégories sociales, une nouvelle nouvelles »fut –dès avant et tout au long de période s’ouvrenéanmoins qui conduira vers leur mise en œuvre–lesouci de la l’«enseignement de masse », terme qu’il concertation entreles enseignants et entre n’employajamais. Find’une époque, début ceux-ci et l’administration organisatrice. d’une autre?Sans doute. 58

56 Louis Cros(sld), Un pionnier en éducation :GustaveMonod -les classes nouvelles de la Libération,hommage collectif rendu par Georges Canguilhem, Jean Delannoy,Jean Ferrez,Louis François [etc], Comité universitaired’information pédagogique, Paris, CUIP-CEMEA, 1981, p. 104 57 Idem, p.178 58 Jean-Michel Chapoulie «Entrelelycée d’élite et le lycée de masse. Paul Langevin, GustaveMonod et les réformes de l’enseignement secondairede1936-1939 et 1944-1951 »inPierreCaspard, Jean-Noël LucetPhilippe Savoie (sld), Lycées, lycéens, lycéennes. Deux siècles d’histoire .Lyon, INRP,2005, pp.156 -157

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Conseils intérieurs «Que de fois, par exemple, pendant la guerre, nous promenant le long des allées du Luxembourg, au cours d’une conver- sation avec René Maublanc en 43-44, avions-nous été plusieurs àdéplorer l’absence dans notrevie scolaired’un «esprit d’équipe ». Professeurs pleins de titres, mais isolés dans nos chaires, nous ignorions la vie de nos établissements ;bien plus, nous ne savions même pas coordonner,auprofit d’un même groupe d’élèves, l’effortd’instruction et d’éducation :nous nous ignorions les uns les autres, nous n’avions aucun projet collectif de l’action àexercer.C’est ainsi que fut élaboré le statut des conseils intérieurs. Le conseil intérieur devait donner vie et unité àces collectivités disloquées :ilorganiserait le travail d’ensemble sur tous les plans, intellectuel et matériel ;ilirait jusqu’à associer les grands élèves aux efforts de leurs maîtres… » 59

Lycée de Lille, 4 e nouvelle, vérification d’un travail d’équipe

59 GustaveMonod, «Lerégime de l’Enseignement par M. Monod », École nationale d’administration -Stage en France des fonctionnaires des puissances signataires du traité de Bruxelles, Conférence du 24 octobre1950, archives du CIEP

Gustave Monod77 Unecertaine idée de l’école

GustaveMonod veut créer un climat nouveau l’intense scolarisation des années 1945-1950 dans l’enseignement. Secondé par Louis Cros, appelle donc des réponses d’ensemble, qui dirige alors le 3 e bureau de la direction de spécifiques, immédiates en matièrede l'enseignementdusecond degré, il poursuit son recrutement des maîtres. action et transforme la structureducorps des professeurs. Il commence par simplifier le statut GustaveMonod et ses conseillers mirent en des enseignants. L’époque était, en effet, marquée place un nouveau mode de recrutement des par une réelle diversité du corps enseignant qui professeurs certifiés des lycées et des collèges : impliquait une très grande différence de le CAPES, certificat d’aptitude au professorat traitement. Conscient de la nécessité de recruter de l’enseignement du second degré (décret du de plus en plus d’enseignants, GustaveMonod 1 er avril 1950). Il s’agissait de leur proposer une obtient que soit généralisé, sous forme d’un formation pédagogique complémentaire. «cadresupérieur », puis d’un «cadreunique », l’ancien «cadredeParis ». « Après une premièresélection, portant sur les aptitudes générales des candidats àlacarrièrede « La premièreréforme aconsisté àfaireaccéder à professeurs, ils effectuaient un stage dans un poste l’échelle indiciaireducadredeParis (indice 630) d’enseignant comportant au moins six heures des professeurs agrégés exerçant dans les lycées de d’enseignement et une étude surveillée. Au cours province (indice 510). La deuxième phase de la de la deuxième année de stage, les candidats réforme fut celle du «cadreunique », tous les subissaient les épreuves pratiques en présence des agrégés, sans aucune sélection, accédaient ainsi élèves. Ce stage, qui apportait avec l’aide d’un àl’échelle 630. » 60 conseiller pédagogique, professeur chevronné, la formation en situation face aux élèves représentait Ce fut la premièremesurededéconcentration une réelle nouveauté.»62 descarrières universitaires, et, compte tenu de l’érosion monétaire, la seule revalorisation efficace Dans l’esprit de GustaveMonod, c’est et durable de la fonction enseignante, « …une des cependant toujours l’agrégation qui constitue réformes les plus importantes de la Libération ». le sommet de la hiérarchie enseignante, celui qui confère, àl’enseignement secondaire, son GustaveMonod entreprit également de favoriser unité et sa légitimité. C’est par l’agrégation que et d’améliorer le recrutement des maîtres. Depuis s’opère«…la convergence des différentes formes 1942, les professeurs de collège étaient recrutés du système secondairefrançais » 63.Elle est, disait par le Certificat d’aptitude àl’enseignement Jean Zayen 1937, « …la clef de voûte de notre dans les collèges (CAEC). Les concours des enseignement » 64. CAEC portaient sur deuxdisciplines. Le principe de ce concours le situait « …à mi-chemin entre C’est pourquoi il autorise, en 1948, l’École celui de l’agrégation et celui du professorat des normale supérieuredeSaint-Cloud àouvrir écoles normales » 61.Ils’agissait après la Libération une quatrième année, àl’intention de certains d’accueillir et de scolariser les générations de ses élèves qui veulent passer l’agrégation. montantes. Les besoins étaient importants et « L’ administration de l’École était gagnée au en augmentation constante, alors que le vivier projet. GustaveMonod, directeur du second degré d’enseignants était de faible capacité, et que le au ministère, yest, lui aussi, favorable (…) » 65. recrutement continuait àsefairedans les classes d’âge àfaible effectif,correspondant auxclasses Le ministre, Marcel-Edmond Naegelen, an- creuses d’avant-guerreetdelaguerre. cien élèvedel’École, donne son accord. « Saint-Cloud adésormais sa place àcôté de la rue S’il existe, depuis Jean Zay,un«enseignement d’Ulmcomme l’un des grands centres de du second degré », qui englobe les écoles préparation au concours.»66 L’officialisation at- primaires supérieures, les collèges, les lycées, tendra encorehuit ans.

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Journal Officiel,du2avril 1950,instituant le CAPES

60 Jean Ferrez, Au service de la démocratisation –Souvenirs du ministèredel’Éducation nationale, 1943-1983,Lyon, INRP,2004, p. 49 61 André Chervel, Histoiredel’agrégation. Contributionàl’histoiredelaculturescolaire, Paris, INRP,éditions Kimé, p. 209 62 Jean Ferrez, op. cit., p. 55 63 André Chervel, op. cit.,p.170 64 Idem, p. 256 65 Jean-Noël LucetAlain Barbé, DesNormaliens. Histoiredel’École normale supérieuredeSaint-Cloud,Paris, Presses de la Fondation nationale des Sciences politiques, 1982, p. 324 66 André Chervel, op.cit.,p.207

Gustave Monod79 Unecertaine idée de l’école

Le fondateur du Centreinternational Le Centreinternational d’études pédagogiques d’études pédagogiques :leCIEP (CIEP) accueille les professeurs investis dans les classes nouvelles, des éducateurs, des Quand GustaveMonod, au lendemain de la psychologues mais aussi des Inspecteurs Libération, enclenche la réforme de l’éducation, générauxde l’Instruction publique qui en sur les bases de l’avant-guerreetdes travauxdu feront leur «deuxième maison », des Front populaire, quand il met représentants de l’administration en œuvrel’expérience des classes centrale du ministère. Il illustre nouvelles, il réalise un rêve ainsi l’idée de continuité et de ancien conçu avec ses mission au sein du service public compagnons de tranchées, àlaquelle GustaveMonod est élaboré avec Jean Zaysous le très attaché. Il dépasse, ainsi, la Front populaire, affirmé pendant summa divisio entrelachaîne la Résistance et défini àla pédagogique et la chaîne Libération :celui d’une administrativequi façonne le rénovation profonde et radicale. système d’éducation français Pour la mener àbien et la depuis le XIXe siècle. diffuser sur l’ensemble du territoire, il abesoin d’un lieu Le CIEP accueille également les qui soit un centrederencontres réunions de l’Unesco.En1949, à et d’échanges, qui permette de l’initiativedeGustaveMonod, le fédérer les enseignantsetdeleur directeur général de l’Unesco, le fairepartager une même Gustave Monod en Mexicain Torres Bodet, s’adresse conception de la pédagogie dans Grande bibliothèque, àune assemblée de chefs d’établis- un cadred’emblée ouvertsur les CIEP,1952 sements et d’inspecteurs et expériences étrangères et les contacts avec les suggère«la création de clubs d’amis de l’Unesco autres systèmeséducatifs. Il ne conçoit la pour fairepénétrer plus largement les idéaux réforme de l’enseignement que dans, par et de l’organisation et éveiller les jeunes àla grâce àlacomparaison des systèmes entreeux. nécessité d’œuvrer pour un monde de paix et de solidarité ». 67 Il choisit Sèvres et crée le Centreinternational d’études pédagogiques. Dès le départ, il donne àceprojet une dimension internationale : « Ce centreserachargé d’organiser des échanges universitaires au cours desquels les professeurs étrangers seront initiés aux méthodes françaises d’éducation, et les professeurs français instruits des expériences étrangères. »

Il confèreàl’établissement un rôle singulier dans le paysage de la République, sur le sol français et àl’étranger.

Il est également très sensible au fait de créer des dynamiques et une continuité entreles acteurs administratifs et pédagogiques. Gustave Monod au CIEP,janvier 1952

67 Jean-PierreRioux(sld), Deux cents ans d’Inspection générale, 1802-2002,Paris, Fayard, 2002, pp.271-272

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Unecertaine idée de l’école

Les missions du CIEP ont évolué :missions de étrangères et européennes, Culture, Emploi… coopération éducative, missions de service –ainsi qu’avec de nombreuxpartenaires – public, missions de rayonnement du système postes diplomatiques àl’étranger ;bailleurs éducatif françaisau-delà de nos frontières, dans internationaux,tels que la Commission euro- un cadreeuropéen et international. péenne, la Banque mondiale. ou nationaux, Établissement public national depuis 1987, le comme l’Agence française de développement ; CIEP est aujourd’hui l’opérateur public de experts nationaux,internationauxou issus de référence de la coopération internationale en paysbénéficiaires des projets. éducation,dans l’enseignement scolaireetdans l’enseignement supérieur. C’est un établissement reconnu àl’étranger qui met son expertise, celle du système éducatif Deuxresponsabilités lui ont été confiées français et de ses partenaires étrangers, au service depuis 2007qui résument et concentrent son de projets de coopération éducative, susceptibles action :valoriser l’expertise française àl’étran- de déboucher sur des recommandations en ger dans les domaines de l’éducation et de la termes de politiques publiques. formation, et participer àl’effortd’attracti- vité de la France et àl’internationalisation de Les orientations nouvelles s’inscrivent cependant son système éducatif. dans la continuité d’un débat en mouvement autour des grandes questions de l’éducation, Le CIEP est un centreouvertqui travaille au qui donnent tout leur sens au travail de ses quotidien avec d’autres ministères –Affaires agents en France comme àl’étranger.

68 Louis François (sld), «GustaveMonod par ceuxqui l’ont connu », hommage collectif rendu par René Capitant, ClaireRoby,Louis Cros, Suzanne Brunet, Edmée Hatinguais, la radio-télévision scolaire, Cahiers pédagogiques,n°80,février 1969, CRAP,p.10 69 Idem, p. 11 70 Jean Auba, «Lieuxde Vie(1917-2002) », Revue de l’Association des membres de l’ordredes palmes académiques,n°155 (janvier 2002)

82 Gustave Monod Unecertaine idée de l’école

Le Centreinternational d’études pédagogiques vu par …

Edmée Hatinguais, directrice du CIEP de 1945 à1967 « C’était un rêveréalisé, un vieux rêvedejeunesse conçu dans les tranchées de la guerrede1914, alors qu’il souhaitait une pédagogie inspirée par «leculte de l’Homme », qui irait au devant des possibilitéshumaines, donnant àchacun le moyendes’élever.Cet appel pressent, c’est celui qu’entendirent les pionniers des classes nouvelles. Mais M. Monod ne se contenta pas de les convier par circulaires ;ilsentit le besoin de les grouper au départpour fixer les buts àatteindreet rassembler des bonnes volontés. Le lieu choisi fut Sèvres et par là même fut créé le Centreinternational d’études pédagogiques, dans les locaux de l’ancienne École normale supérieure. Unevieille tradition universitairehantait ces murs ;ledirecteur en fit le berceau de la pédagogie nouvelle. Du 17 au 27 septembre1945, 180 chefs d’équipe des futures Sixièmes nouvelles furent ainsi réunis :ils’agissait, non de répandreune doctrine mise au point et soigneusement élaborée, mais de se mettred’accordsur un esprit et de convier les professeurs àchercher eux-mêmes leur méthode. Sèvres, au lendemain de la guerre, offrait alors bien peu de confort, les chambres étaient délabrées, le mobilier bien pauvre, mais ce qui comptait pour les stagiaires, c’étaient le beau parcaux frondaisons dorées par le soleil d’automne, les longs couloirs propices aux interminables discussions pédagogiques ;c’était surtout la grande bibliothèque aux boiseries anciennes, offrant un asile vaste et plein de dignité, où le directeur les accueillaient. » 68

Suzanne Brunet, stagiairede1945, professeur au lycée Édouard-Herriot, Lyon « Au centredelatable, tournant le dos aux grandes fenêtres et aux glaces qui reflétaient l’auditoire, M. GustaveMonod présentait ses projets de sa voix graveetchaleureuse. (…) Quand il quittait la salle des séances, appuyé sur sa canne, il nous intimidait certes par sa distinction de grand universitaire, mais nous étions prêts àlui fairepartdenos espérances et de nos inquiétudes,sûrs d’êtrecompris. »

Edmée Hatinguais, directrice du CIEP de 1945 à1967 « Il fut décidé qu’un stage bilan se réunirait pour fairelepoint. Uneexpansion progressivecaractérise les années suivantes, chaque rentrée scolairemarque une nouvelle étape :1946 fixel’organisation des Cinquièmes nouvelles, 1947, celle des Quatrièmes, 1948, celle des Troisièmes. Ce ne sont pas seulement les professeurs des classes nouvelles qui ont eu le bonheur de profiter,àSèvres, de ces rencontres fructueuses avec le directeur.Laformule semblant heureuse, bien d’autres réunions groupèrent àSèvres des administrateurs, des professeurs de disciplines spécialisées ou jumelées, des éducateurs, des psychologues, des stagiaires d’enseignement…» 69

Témoignage anonyme « Il acréé le Centreen1945 devant la nécessité de trouver un lieu de réunion qui permette de rassembler les éducateurs qu’on allait lancer dans l’expérience pédagogiquedes classes nouvelles. Au lendemain même de la guerre, les locaux de l’ancienne ENS n’étaient plus occupés, l’école ayant été transportée àParis –M.Monod songea àutiliser cette maison riche de souvenir,d’abordManufactureroyale créée par Mme de Pompadour,avant d’êtrel’ENS. Elle offrait un décor séduisant en même temps qu’une tradition intellectuelle. M. Monod asurtout songé àavoir une possibilité de contact personnel,dans un lieu toujours le même qui permette que des souvenirs s’yattachent. C’était une possibilité pour le mouvement des classes nouvelles de s’attacher àune maison. Il concevait l’éducation comme une totalité, faite pour former un homme, et aussi pour dépasser les frontières. Il avoulu le centre, dès le début, international. Il aaccueilli les étrangers, avec l’idée que si tous les gens, de tous les pays, ne travaillaient pas àune réforme profonde, la guerreserait toujours àl’horizon. »

Jean Auba, Inspecteur général et directeur du CIEP de 1967 à1983 «Sèvres devait être, en liaison avec le Ministère, le véritablemoteur de cette révolution pédagogique. Aussi les professeurs des classes nouvelles participèrent-ils àSèvres àdes stages où ils rencontrèrent les représentants du Ministèreetles Inspecteurs généraux. Ilseurent avec eux de libres discussions pour confronter les idées et les expériences. D'autrepart GustaveMonod pensait que les enseignants ne doivent pas s'isoler dans leur classe, leur établissement ou même leur pays, mais participer àdenombreux échanges avec leurs collègues d'autres pays. On reçut donc àSèvres des professeurs étrangers. Le lieu de ces réunions ou rencontres était tout trouvé. » 70

Gustave Monod83 Unecertaine idée de l’école

Un passeur d’idées Si GustaveMonod est finalement totalement réhabilité en 1945 (un arrêté du 30septembre L’engagement de GustaveMonod s’inscrit 1945 le réintègredans le cadredes inspecteurs dans le contexte de l’immédiat après-guerre, de l’académie de Paris, et le nomme Inspecteur du vaste chantier de reconstruction qui général de l’Instruction publique), sur le plan commence, animé par l’esprit du Conseil pédagogique, ses actions ont été continues et national de la Résistance. L’éducation est à variées :élaboration d’une pédagogie d’éveil et rebâtir.L’éducation populaireconnaît un d’incitation de l’intelligence ;individualisation vivant essor. des méthodes ;nécessité de l’orientation ; création du Centreinternational d’études GustaveMonod aété un acteur engagé de la pédagogiques àSèvres ;développement des pédagogie nouvelle comme enseignant. Les lycées-pilotes et des classes nouvelles…mais il différents postesderesponsabilité qu’il a aégalement innové dans le domaine des occupés lui ont permis de concevoir,de œuvres péri- ou postscolaires. donner un cadreadministratif et de mettreen œuvredes réformes. Militant engagé et passeur L’instruction civique et morale d’idées, il aparticipé àlafondation de Cette question préoccupe beaucoup Gustave plusieurs revues, encoreactives aujourd’hui, et Monod comme toute question touchant à àlavie de plusieurs associations parascolaires. l’éducation morale. Les arrêtés des 26-27 juin 1945 créant l’instruction civique et morale dans Lesrevues le premier cycle de l’enseignement secondaire En 1944, GustaveMonod afondé L’Éducation prévoient de consacrer une heurehebdomadaire nationale,une revue hebdomadairequi àcet enseignement et définissent un programme s’adressait àtous les ordres de l’enseignement. comprenant deuxparties :une initiation àlavie Il s’agissait de créer une revue universitairequi morale et une partie relativeàlavie politique ferait une partégale auxinformations et et économique s’échelonnant de la commune explications du ministèreetauxidées et àl’État. expériences des membres de l’enseignement. Ce fut l’origine de l’hebdomadaire L’Éducation GustaveMonod rédige lui-même ces textes de nationale,aujourd’hui L’Éducation.Cesouci 1945 :«…ilnes’agit pas seulementdefairede premier d’un dialogue paritaireétait alors la classe une démocratie en modèle réduit, il s’agit entièrement nouveau. Les Commissions de ce d’en faireunprototype de ce que pourrait être nom n’existaient pas encore. Les syndicats l’état social futur ». 71 sortaient àpeine de la clandestinité. Sonami fidèle, Louis François, qui revient des En 1945, il aencouragé la création des Dossiers camps –ilaété déporté àSarrebruck, pédagogiques,dont il aété un temps président Sachsenhausen et àNeuengamme, participe du comité de rédaction.Cette revue aété un àleur mise en œuvre. « GustaveMonod, devenu moyen de perpétuer le mouvement des classes directeur de l’enseignement du second degré, nouvelles. Elle aété animée dès le départpar lui demande de prononcer le 11 juillet 1945 François Goblot, professeur de philosophie le discours de la distribution des prix du concours lyonnais. GustaveMonod apréféré laisser le général sur le thème du «Retour àlaliberté ».72 soin àunacteur engagé et du sérail d’animer « Parl’arrêté du 27 mars 1948, de nouvelles une sorte de bulletin de liaison entretoutes les dispositions s’étendent au second cycle sixièmes nouvelles. Chacun yracontait en l’enseignement de l’instruction civique àraison toute liberté ce qu’il avait voulu et pu faire. d’une demi-heurepar semaine dans toutes les Les Dossiers pédagogiques sont ainsi devenus les classes. Cesmesures constituent une véritable Cahiers pédagogiques. innovation. » 73

71 G. Monod, Cahiers pédagogiques,n°78, in Jacqueline Cambon, RichardDelchet et Lucien Lefèvre, op. cit.,p.294 72 Jean-PierreRioux(sld), Deux cents ans d’Inspection générale, 1802-2002,Paris, Fayard, 2002, p. 270 73 Idem, p. 274

84 Gustave Monod Unecertaine idée de l’école

L’étude du milieu est un thème passionnant qui permet au professeur d’amener ses élèves àprendre conscience des grandes lois naturellesetsociales, même si elle doit, au début, se contenter d’enquêtes ou d’études locales.

Gustave Monod85 Unecertaine idée de l’école

Les associationspériscolaires En 1949, il fonde, avec Louis Cros, le Comité universitaired’information pédagogique Sonrôle d’animation ou de soutien yaété (CUIP) qui avait pour objectif de recueillir très efficace. Il aparticipé àlamise en œuvre tous les documents et informations de structures et d’associations qui ont accom- concernant l’enseignement et l’éducation des pagné l’application de ses réformes et qui jeunes et des adultes, de les diffuser et de s’adressaient àdes publics très différents :les favoriser toutes les activités d’études et de parents, les enfants inadaptés, l’éducation liaison dans le domaine scolaireetpostscolaire. populaire, le scoutisme dans cette vieille tradi- tion qui réunit les Protestants, la République Alors qu’il est àlaretraite depuis dixans, il va et l’École. Il s’agissait d’expliquer les réformes, continuer àencourager les projets d'éducation et de faireensorte que les lecteurs de ces nouvelle. En 1961, il constitue une association textes en deviennent les acteurs. de loi 1901etfonde le Centrederecherche de pédagogie active(CRPA) qui conduit àla création de l'école nouvelle d'Antony.Ilrestera président honorairedecette association jusqu’à son décès en 1968. « […] l’histoirese souviendraque c’est lui- GustaveMonod -qui mit en œuvrelapremièreréforme scolaireoùla préoccupation pédagogique commandait et déterminait la forme des institutions. S’il eût été mieux compris et suivi, la France eût peut-être évité la crise universitaireactuelle. » 74 Les combats de GustaveMonod

GustaveMonod aété toute sa vie un homme de convictions et de combats. Il s’est engagé dans une réforme profonde de la pédagogie et de la structuredel’enseignement. Quels que soient les postes ou les fonctions qu’il occupe, il se consacred’un seul et même mouvement àses missions.

GustaveMonod aété àl’origine de la création Il défend l’idée du doute pour éveiller les d’une bibliothèque populaire.Ilaété membre consciences, la sensibilité comme prise de de l’«École de la paix», il aprésidé l’organisa- conscience individuelle, l’esprit critiquepour tion des «Éclaireurs de France ». Il afondé forger un esprit libre, la connaissance du passé l’ «École des parents », il aparticipé àlamise pour mieuxappréhender le présent. en place de l’Association nationale des com- munautés d’enfants (ANCE) qui s’occupe GustaveMonod saisit d’un coup l’ensemble d’enfance handicapée. Il aanimé la république desenjeuxd’une société en mouvement qui d’enfants de Moulin Vieux,ilafait partie devait réformer son enseignement pour éviter du club des Amis de l’Unesco, il aété membre l’échec et l’éviction de nombreuxtalents. Mais de la Commission nationale provisoirepour au-delà du projet éducatif,ets’adossant àlui, l’éducation,lascience et la culture(décret du c’est évidemment àlamise en mouvement 3août 1946). de la société toute entièrequ’il aspire, à « …fonder une société d’hommes libres ».

74 Louis Cros, «GustaveMonod n’est plus », L’Éducation,9janvier 1969, p.6

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C’était il yalongtemps. Bien longtemps. Trop de la premièredemi-heure, et tour àtour acteur longtemps. En un temps où le principe et responsable de l’école, de sa réforme et de sa d’obéissance –base des corps constitués,ferment rénovation. de la continuité de l’État, garant de la Nation –necoïncidait pas exactement avec l’éthique de Il aura passé sa vie en premièreligne. Il aura conviction. Sous couvertde«Révolution consacré son temps, son action, sa carrièreà nationale»,une politique de guerrecivile cette école qui l’avait fait tel qu’il était, et dont couverte, puis ouverte, dressait les Français les il ne cessa de lui rendrecequ’elle lui avait donné. uns contreles autres. Politique d’exclusion puis complicité d’extermination devenaient le GustaveMonod appartient bien àun«protes- quotidien des lâchetés ordinaires. Comment, tantisme français historique »que décrit Patrick dès lors, continuer d’incarner les valeurs de la Cabanel lorsqu’il évoque « …unhabitus République ?Comment demeurer un exemple protestant, une culturehistorique résiduelle qui alors que sévit le vichysme « …entendu non continue àdésacraliser et, iconoclaste, préfèrel’écrit comme une catégorie historique, mais comme virus àl’image, la pédagogie des professeurs àl’écran des du comportement »?75 politiciens, la morale un peu raide àlaroyale plasticité » 76.Ilaura profondément marqué son Aucune réponse n’est simple, mais il en est qui temps, l’École et la République. Conscient au sont droites. Alamesured’une vie toute entière. plus haut point que c’était la République qui Celle de GustaveMonod. avait créé l’École, il savait que c’est aussi l’École qui fait la République. GustaveMonod aura donc pu êtrepleinement et successivement, tout en demeurant fidèle àses Honorer sa mémoire, son esprit et son action est idées, un combattant exemplairedelaGrande donc, pour le Centreinternational d’études guerre,unmilitant de la paixpendant l’entre- pédagogiques qui lui doit tant, êtrecomme deux-guerres, un antifasciste engagé face le fleuve, fidèle àses sources àlamontée des périls, un résistant lorsqu’il va vers la mer.

75 Marc Lambron, «Levichysme, un virus du comportement », Le Point,20septembre1997, p. 60 76 Patrick Cabanel, Les Protestants et la République,Bruxelles, éditions Complexe, 2000,p.244

Gustave Monod87 Unecertaine idée de l’école GustaveMonod par lui-même Unecertaine idée de l’école

Éveiller l’intelligence –septembre1950 « On ne peut pas éveiller une intelligence, l’exercer,lamobiliser sans que la sensibilité soit en jeu. Bien plus, cette activité de la pensée serad’autant plus intense et d’autant plus efficace qu’elle s’exerceravers les fins qui émeuvent le sujet et provoquent son intérêt. Aforce d’inattention, on risque de manquer des destinées humaines et de laisser des talents enfouis. La pédagogie de l’orientation aprécisément pour tâche d’inventorier ces richesses et souvent de les révéler àcelui qui les porte. » 77 La culture–novembre1950 « La culturenaît d’une méthode et non d’un enseignement ;elle comporte certes acquisition, mais acquisition active, prise de possession par conquête… Elle naît d’événements intérieurs, de réactions personnelles par lesquelles l’acquis est assimilé, intégré, au moi. C’est alors un élargissement de l’horizon, une conscience qui s’épanouit et renouvelle sa vision du monde avec ce qu’elle sait du passé et du présent. » 78 Les grands chocs –novembre1950 « […] je sais très bien d’où est venue la secousse initiale :j’étais un petit lycéen du lycée de Pau, en rhétorique, je crois, et le vendredi à4heures, il yavait au Palais d’Hiver, des «Concerts Classiques ». Un vieux chef d’orchestre, qui ressemblait àWotan, nous initiait àWagner.Or, voici qu’un jour (j’avais 16 ans), l’orchestrejoua la «Mortd’Yseult »:stupeur,aliénation, choc intérieur que je ressens encore […] C’est pourquoi, multipliez pour vosenfants les rencontres, les chocs avec de grandes œuvres, dans les classes, les musées, les voyages. Vous ne saurez jamais quand viendra le moment. Mais vous le provoquerez… » 79 Apprendreàlirelejournal –juin 1960 « J’évoque ce mot de Paul Langevin devant un horaired’enseignement qu’il trouvait trop chargé : «Quand aurons-nous le temps d’apprendreàces enfants àlireleur journal ?» Apprendreàlireson journal, avec tout ce que cela suppose, et tout ce qu’il peut s’ensuivre, voilà une des raisons, et il yenabien d’autres, pour lesquelles Paul Langevin demandait une plus longue présence à l’école car il faut certainement moins de temps pour former un technicien, ou pour initier àlascience, que pour forger un homme. » 80 Forger un esprit libre–été 1965 « Comment instruire, donc élever un enfant ?Non pas pour qu’il devienne le serviteur d’un parti, mais pour en fairececitoyenfrançais qui […] serait capable de «lireson journal quotidien ». Savoir lireson journal quotidien, c'est-à-direêtreinformé par lui, mais non embrigadé ;c’est savoir discerner le commentairetendancieux de la nouvelle authentique ;c’est rester un esprit libreque ni le rang social ni la profession ne peuvent domestiquer. Il faut insister sur ce point :l’instruction –etsingulièrement celle qui est donnée dans ce qu’on appelait le second degré –n’a pas tant pour objet de préparer àlavie, au sens pratique du mot, que d’aider l’individu àdégager l’homme qui est lui. La vraie réforme est là ;elle est dans la refonte de la notion d’État :l’État doit viser àfonder une société d’hommes libres. » 81

77 Louis Cros(dir.), Un pionnier en éducation :GustaveMonod -les classes nouvelles de la Libération,hommage collectif rendu par Georges Canguilhem, Jean Delannoy, Jean Ferrez,Louis François [etc], Comité universitaired’information pédagogique, Paris, CUIP- CEMEA, 1981, pp.59-60 78 Idem, p. 56 79 Idem, p. 61 80 Idem, p. 67 81 Idem, pp.75-76

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Y-a-t-il une crise de l’Enseignement secondaire?–décembre1948 «Oui, et je vais préciser son caractère. (…) Je voudrais vous direcequi nous manque et dont nous souffrons :Nous manquons de crédits… Nous manquons de locaux et de maîtres. Mais il yabien pis que cela :c’est l’institution elle-même qui manque àson objet, et sur ce point, je vais insister.Elle n’atteint pas son objet parce qu’elle n’est pas assez organisée pour l’orientation des enfants d’une partet que d’autrepartelle n’est pas assez diversifiée quant aux débouchés qu’elle offre. Il faut diversifier les portes de sortie de l’enseignement secondaire, les multiplier pour répondreàlafois àladiversité des aptitudes et aux nécessités sociales. Unemesurecapitale consisterait àmultiplier les sections d’études qui caractérisent le second cycle àpartir de la seconde, pour aboutir àdes baccalauréats dont les différentes mentions seraient beaucoup plus nombreuses qu’aujourd’hui. Mais comment orienter ?C’est ici qu’interviennent les classes nouvelles. L’une des portes, c’est la cultureclassique qu’il faudrarénover. Il faut penser aussi àlasection moderne. Les sciences expérimentales ne sont pas suffisamment cultivées dans le secondaire. On nous propose une forme de section moderne dont l’objet serait la connaissance du monde présent,sociale et économique. Parlacréation de ces diverses sections, le baccalauréat ouvriraànos enfants des possibilités, des perspectives plus larges et nous aurons travaillé àunmeilleur rendement social comme àunmeilleur épanouissement de l’individu. » 82 L’échec des classes nouvelles –mars 1968 «Cette expérience aéchoué faute de moyens financiers suffisants, sous la pression de la montée des effectifs et en raison de résistances psychologiques de la partd’une partie du corps enseignant, mais dans ses principes, elle atenté de porter remède àdes maux que le temps arendus, depuis, évidents àtous. La coexistence des classes nouvelles et des classes traditionnelles aaussi contribué àl’échec des premières. Echecs parce que je ne réussis que très tardivement auprès des Finances àfaireinscrireces conseils dans l’horairerémunéré et parce qu’il yeut chez les professeurs une forte résistance. Chacun asaclasse, chacun asaméthode. J’eus ensuite autant de peine àinstituer ces conseils de professeurs et àles faire fonctionner.Surtout àinstituer ce qu’on appelle aujourd’hui «l’esprit d’équipe ». De 1947 à1951, cinq ministres de l’Instruction publique se sont succédés ruedeGrenelle :Henri Wallon –René Capitant -Marcel-Edmond Naegelen –ÉdouardDepreux -YvonDelbos -Pierre Olivier Lapie. J’ai demandé ma retraite avant André Marie. Ceshommes politiques avec qui j’ai travaillé apportèrent àleur tâche une bonne volonté certaine. Chacun d’eux croyait en toute loyauté inaugurer une èrenouvelle. Mais j’ai le sentiment qu’aucun n’avait lu avec l’attention nécessairelerapportd’Henri Wallon. Presque chaque ministrevoulait avoir son projet personnel ou du moins le projet qui aurait pu êtreattribué àson parti. » 83

82 GustaveMonod, «Défense de l’enseignement secondaire»,conférence de presse donnée le 15 décembre1948, archives du CIEP 83 Louis Cros(dir.), op. cit.,p.87

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92 Gustave Monod Biographie

Unecertaine idée de l’école Biographie

30 septembre1885 :naissance de Gustave les questions concernant l’organisation de Monod àMazamet dans une famille de l’enseignement du second degré avec rang et pasteurs protestants. prérogatives d’Inspecteur général de l’Instruction publique (décret du 7octobre1937). 1911-1914 :ilenseigne àl’École des Roches à Verneuil-sur-Avre. Décembre1940 :ilest démis de ses fonctions pour avoir refusé d’appliquer les mesures anti- Août 1912 :ilest reçu agrégé de philosophie. juives décidées par le gouvernement de Vichy et rétrogradé au rang de professeur (arrêté du Août 1914 -janvier 1919 :infirmier pendant 12 décembre1940). toute la durée du conflit, il est gravement blessé en avril 1918. Il est amputé d’une jambe. Il devient membreduréseau «Défense de la France ». 1919 :ilreçoit la Croixde guerreaveccinq citations. Il reprend sa carrièredeprofesseur Octobre1941 :GustaveMonod est contraint de philosophie. àfairevaloir ses droits àlaretraite en date du Il fonde avec Louis François, agrégé d’histoire, 1 er octobre1941 (arrêté du 30juin 1941). une «École de la Paix». 1945 :l’arrêté du 30septembre1945 annule De 1919 à1933,iloccupe divers postes les textes précédents, réintègreGustave d’enseignant de philosophie en lycée, àToulon, Monod comme inspecteur d’Académie de Avignon, Reims, Tours, Marseille puis Paris. Paris et le nomme Inspecteur général de l’Instruction publique àcompter du 1 er janvier Septembre1933 :ilentreaucabinet d’Anatole de la même année. Placé dans une position de Monzie, ministredel’Éducation nationale. hors cadre, il est nommé par René Capitant - Il poursuit parallèlement sa carrièredeprofesseur. ministredel’Éducation du Gouvernement provisoire-,directeur de l'enseignement du Mars 1934 :iladhèreauComité de vigilance second degré, le 1 er janvier 1945 (décret du desintellectuels antifascistes. 1 er octobre1945). Il lance l’expérience des «classes nouvelles ». Il crée le Centreinterna- Juin 1936 :ilest nommé inspecteur de tional d’études pédagogiques. l’Académie de Paris par Jean Zay,ministre de l'Éducation nationale et des Beaux-arts Août 1946 :ilest nommé membredela (décret du 16 juin 1936). Il participe aux Commission nationale pour l’éducation,lascience travauxdu Congrès du Havre. et la culturepar Georges Bidault, président du Gouvernement provisoiredelaRépublique française Janvier 1937 :ilest nommé adjoint àtitre (décret du 3août 1946). Il jette les bases de la temporaireaudirecteur de l’enseignement Commission pour le futur plan Langevin-Wallon. secondairepour l’étude et la coordinationdes enseignementsdusecond degré et du nouvel Octobre1951 :ilprend sa retraite (décret du aménagement des horaires et des programmes 9juillet 1951) et continue àencourager (arrêté du 8janvier 1937). les projets d’éducation nouvelle jusqu’à la fin de sa vie. Octobre1937 :inspecteur de l’Académie de Paris, il est chargé de mission auprès du recteur et 25 décembre1968 :décès de GustaveMonod. du directeur de l’enseignement secondairepour

Gustave Monod95 Unecertaine idée de l’école

96 Gustave Monod Références Unecertaine idée de l’école

Distinctions Officier d’académie, juillet 1922 ;Officier de l’Instruction publique, juillet 1928 ;Commandeur des Palmes académiques, 2juillet 1956. Grand officier de la Légion d’honneur,àtitremilitaire, 28 juillet 1960(Commandeur àtitrecivil du 16 janvier 1947, Officier àtitrecivil du 9février 1933).

Homme d’action, GustaveMonod asurtout laissé des écrits divers (rapports, discours, préfaces) exposant ou appuyant ses idées, reproduits dans des revues ou des études.

Textes de GustaveMonod -«La Probité intellectuelle dans l’enseignement secondaire»,[rapportdeGustaveMonod présenté au Congrès du christianisme social àMarseille le 1 er novembre1924], Alençon, 1924, 28 p. -«L’Indépendance de l’Université », [conférence de GustaveMonod], Cahiers laïques n°19, janvier -février 1954, 16 p. -«Jacques Pécaut (1892-1906) », [Allocutions de Guyde la Rochette et de GustaveMonod], Paris, 1947. -«Éducation et instruction », [contribution de GustaveMonod à] l’Encyclopédie française,t.X, 42, pp.1-2, 1935. Sources

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Témoignages, mémoires, souvenirs -Jérôme Carcopino, Souvenirs de sept ans, 1937-1944,Paris, Flammarion, “le Temps présent”, 1953, 702p. -Louis Cros(sld), Un pionnier en éducation :GustaveMonod -les classes nouvelles de la Libération, hommage collectif rendu par Georges Canguilhem, Jean Delannoy,Jean Ferrez,Louis François [etc], Comité universitaired’information pédagogique, Paris, CUIP-CEMEA, 1981, 178 p. -Jean Ferrez, Au service de la démocratisation-Souvenirs du ministèredel’Éducation nationale, 1943- 1983, Lyon, INRP,2004, 266 p.

98 Gustave Monod Unecertaine idée de l’école

Thèses -Paulette Armier, Le Centreinternational d’études pédagogiques de Sèvres et l’enseignement en France de 1945 à1975,thèse sous la direction de M. le Professeur Snyders, Université Paris VSorbonne, 1983, 619 p. -Régis de Reyke, L’École des Roches. Uneécole modèle, un modèle d’école,thèse sous la direction de M. C. Pociello, Université Paris XI Orsay,2000,429 p.

Articles -Jean Auba, «Lieux de Vie»(1917 -2002), Revue de l’Association des membres de l’ordredes palmes académiques,n°155 (janvier 2002). -Louis Cros, «GustaveMonod n’est plus », L’Éducation,9janvier1969. -Louis François (sld), «GustaveMonod par ceux qui l’ont connu », hommage collectif rendu par René Capitant, ClaireRoby, Louis Cros, Suzanne Brunet, Edmée Hatinguais, la radio-télévision scolaire, Cahiers pédagogiques,n°80,février 1969, CRAP,pp5-11. -Marie Jaisson et Eric Brian (sld), «Coup d’œil sur l’Encyclopédie », Le point de vue du nombre de 1936,édition critique, Paris, Institut national d’études démographiques, 2005, pp 9-24. -MarcLambron, «Levichysme, un virus du comportement », Le Point,20septembre1997, p60.

Documents d’archives -Comité d’histoiredelaSeconde guerremondiale, témoignages de résistants, dont celui de GustaveMonod, recueilli par H. Michel en janvier 1947 (Archives nationales, AJ /72/58/ XIII /pièce 11). -Circulairedusecrétariat d'État àl'Instruction publique et àlajeunesse, adressée aux recteurs et inspecteurs d'académie, en date du 21 octobre1940,relativeàl'application du statut des Juifs dans son administration (Archives nationales, AJ /16/7129). -RapportdeGustaveMonod sur la réunion des proviseurs et directeurs des lycées parisiens àla Sorbonne le 4novembre1940(Archives nationales, AJ /72/251). -GustaveMonod, «Défense de l’enseignement secondaire»,conférence de presse donnée le 15 décembre1948, archives du CIEP. -GustaveMonod, «Lerégime de l’Enseignement par M. Monod », École nationale d’administration -Stage en France des fonctionnaires des puissances signataires du traité de Bruxelles, conférence du 24 octobre1950,archives du CIEP. -Allocution de Roger Millieix, directeur du Centreculturel français de Nicosie, 20mars 1969 (Archives nationales, F/17/17776 )

Crédits photographiques Collection privée famille Monod ©p.1,p.4,p.7, p. 8, p. 10hg hd, p. 12 mb, p. 13, p.14 mb, p. 18 mb, p. 19, p. 20mb,p.22mb, p.24 hd, p. 25 bd, p. 42, p. 62 mh, p. 70,p.87, p. 88, p. 92, p. 100 Archives de l’École des Roches ©p.10mb, Collection privée, Julien Villaume ©p.14hd, Archives nationales ©p.15, p.16, p.17, p. 21, p. 23, p. 33, p. 34, p. 35, p. 38, p. 39, p. 45, p. 46, p. 47, p. 50,p.51, p. 52, p.53, p. 55, p. 56, p. 59, p. 66, p. 67, p. 73, p. 79 Collection privée, Laurent Gutierrez ©p.24mb Agence Roger-Viollet ©p.25bg, p.28 bg, p. 30hd mb,p.69b Collection privée, Camille Hermange ©p.26 Archives départementalesduPas-de-Calais ©p.29hg Archives du CIEP©p.65, p. 68 hb,p.74, p. 75, p. 76, p. 77, p. 80mh bd, p. 81, p. 82, p. 85, p. 96 Collection privée, Mme Louis Cros©p.36 Collection privée,Jean-François Condette©p. 40hg Collection privée, In Memoriam Marcel Abraham ©p.41 Collectionprivée, Henri Thyssens ©p48mhbg Mémoire78SL©p.49 Musée de la Résistance nationale ©p60bg hd 2007Memoresist ©p.63hdmg Archives des Éclaireuses et ÉclaireursdeFrance ©p.86

Gustave Monod99

Table des matières

Unecertaine idée de l’école

Table des matières

1 -GustaveMonod, un homme de fidélité p. 9

Un soldat de la Grande Guerre:auservice du pays p. 12 Un professeur exemplaire:auservice des élèves p. 18 Un précurseur des réformes :auservice de l’enseignement p. 24

2 -GustaveMonod, un serviteur de l’État p. 43

Un haut fonctionnaireengagé p. 44 Un résistantdelapremièreheure p. 60 Un acteur du Comité de Libération p. 64

3 - GustaveMonod, un homme de «lapluralité des mondes » p. 71

Le père des «classes nouvelles » p. 72 Le fondateurduCIEP p. 80 Un passeur d’idées p. 84

GustaveMonod par lui-même p. 90 Biographie p. 93 Références p. 96

Gustave Monod103 Remerciements

Nous tenions àremercier chaleureusement la famille de GustaveMonod et plus particulièrement ses deux fils, Jean-PierreetOlivier,pour leurs témoignages, les documents qu’ils nous ont transmis et leurs photographies personnelles. Ilsnous ont témoigné leur enthousiasme, dès l’initiativedeceprojet et nous ont soutenus jusqu’à la publication. Nous remercions aussi vivement Monsieur Guy Caplat pour ses précieux conseils, Monsieur Jean Auba pour ses observations, Madame Sylvie Le Goëdec et Monsieur Christian Oppetit pour nous avoir facilité l’accès aux sources et pour nous avoir accompagnés dans cette recherche. Toute notregratitude va à Monsieur Jacques Julien et àMadame Chantal Dufour qui nous ont communiqué de nombreuses pièces en provenance des archives nationales.

Quatrième de couverture:citation François Goblot, in Louis Cros (dir.), Un pionnier en éducation :Gustave Monod -les classes nouvelles de la Libération,hommage collectif, Paris, CUIP-CEMEA, 1981, p. 41

Imprimé en France par Bialec -n°71823 Directeur de publication :Tristan Lecoq Maquette :Jérôme Champlois, Service du développement et de la communication Dépôt légal juillet 2009 « Il avait quelquechose qui manque un peu de nos jours : une certaine conviction, la conviction que tout se tient et que la partie qui se joue est celle de l’humanité. »

ISBN :978-2-85420-579-4

-:HSMIPE=WUZ\^Y: Centreinternational d’études pédagogiques 1, avenue Léon-Journault -92318 Sèvres Cedex www.ciep.fr