Résistant De La Première Heure. Entretiens
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pierre villon résistant de la première heure Tous droits de reproduction, de traduction, d'adaptation réservés pour tous pays © 1983. Messidor/Editions sociales, Paris. pierre villon membre fondateur du CNR résistant de la première heure entretien réalisé par Claude Willard préface d'André Lajoinie en annexe : entretien avec Jacques Debû-Bridel correspondance de prison (octobre 1940-décembre 1941) éditions sociales notre temps/mémoire préface d'andré lajoinie Cet ouvrage consacré à Pierre Villon est important à plusieurs titres. Certes, ce livre n'a pas la prétention d'une biographie exhaustive qui exigerait un tout autre format pour décrire une vie si bien remplie. Mais il apporte en premier lieu un éclairage intéressant et combien émouvant sur les motivations de ce jeune architecte d'avant-garde qu'était à l'époque Roger Ginsbur- ger (Pierre Villon était le pseudonyme qu'il portait comme membre du CNR et qu'il garda après la Libération). Voilà un architecte déjà connu, ayant publié deux livres, qui s'aperçoit que, pour, hâter la réalisation de ses projets de logements agréables et accessibles à tous, il y a mieux à faire que de les dessiner, car le système capitaliste s'oppose à la réalisation de cet objectif. Sa décision est prise : il va mettre toute son énergie à militer dans le Parti communiste français, pour abattre les obstacles s'opposant à ses projets généreux. Jamais Pierre Villon ne regrettera cette décision. Le deuxième grand mérite de cet ouvrage a trait au rôle considérable joué par Pierre Villon pendant la Résistance. Au travers de l'interview réalisée par Claude Willard, quelque temps avant la mort de Pierre, les historiens et l'ensemble du public, soucieux de mieux connaître cette période cruciale de notre histoire, trouveront des témoigna- ges précieux venant non seulement d'un témoin mais surtout d'un acteur mêlé aux événements au plus haut niveau. Membre fondateur du Conseil national de la Résistance, président de son comité d'action militaire, Pierre Villon, incontestablement, a pesé de manière décisive à plusieurs reprises sur les décisions. Ce fut le cas dans l'adoption du programme du CNR qui, sur sa proposition, alliait les objectifs de libération nationale à ceux de réformes démocratiques qui furent en partie réalisées à la Libération. Ce fut le cas en général dans la lutte contre l'attentisme préconisé par Londres pour la résistance intérieure. C'est grâce à des hommes comme Pierre Villon, que fut, au sein du CNR, repoussée cette tactique démobilisa- trice, qui, sans cela, n 'aurait pas permis cet élan remarqua- ble de la lutte libératrice de la Résistance française, apprécié justement par l'état-major allié. Une seule raison à cette obstination, comme l'explique Pierre Villon : le souci de l'intérêt national français. Sans la participation maximum de la Résistance française, l'effort des alliés aurait été très contrarié, retardé, conduit à une tactique employée dans d'autres pays, d'avance par rouleau compresseur multipliant les dégâts matériels et humains par rapport aux coûts, déjà lourds, de la Résis- tance. L'exemple de la lutte de Pierre Villon contre les manœuvres de trêve avec le commandement allemand de Paris, est tout à fait illustrant. De ce point de vue, l'histoire a donné raison aux communistes et à Pierre Villon. Elle leur a également donné raison sur cette idée très forte, qu'un peuple ne peut pleinement mériter un gouvernement indépendant que s'il lutte lui-même pour sa libération. Par delà sa crainte du peuple en armes et de l'influence des communistes dans ce mouvement, cette idée finalement s'imposa à de Gaulle, car il savait bien que sans cela, la tentation des alliés d'imposer leurs créatures aurait été plus forte. Cet ouvrage, notamment par la publication de lettres de prison de Pierre Villon à sa compagne Marie-Claude Vaillant-Couturier, nous révèle des traits de caractère et de comportement que nous lui connaissions bien, mais qui méritent d'être soulignés. Au plan historique, les lettres de prison de Pierre Villon, comme les motifs de son arrestation en 1940, montrent un communiste engagé de toutes ses forces dans la lutte libératrice, faisant litière de toutes les fables sur l'attentisme des communistes avant l'entrée en guerre de l'URSS en 1941. Cette correspondance confirme bien le courage tranquille de Pierre Villon qui, malgré les privations, la promiscuité, gardait une combativité inébranlable, comme l'atteste son évasion. De même nous trouvons le même Pierre Villon passionné à convaincre, parvenant à retourner en faveur des communistes tout un groupe de gardiens ! Combativité des communistes, ce livre en témoigne. Mais aussi loyauté vis-à-vis des engagements pris, et efforts permanents pour rassembler les forces en vue de vaincre. Ces traits, nous les trouvons dans l'attitude de Pierre Villon, nous les trouvons dans le comportement du Parti communiste français à toutes les époques. En ce sens, cet ouvrage est un morceau d'histoire du PCF. Pierre Villon, intellectuel révolutionnaire, engagé dans la lutte politique pour vaincre les injustices sociales, dirigeant national du Parti communiste français, responsa- ble national de la Résistance, ne peut être séparé de Pierre Villon député de l'Allier pendant près d'un tiers de siècle. Bien que les dimensions de cet ouvrage ne permettent pas de développer cette partie de la vie de Pierre Villon, elle n'en représente pas moins un élément essentiel. Il devait en parler lui-même dans l'interview de, Claude Willard qui a été interrompue par sa mort. Il n'est pas exagéré de parler d'un mariage d'amour entre cet Alsacien et cette population bourbonnaise aux riches traditions démocratiques. Pierre Villon était l'héritier de cette Alsace indomptable, gagnée dans ses fibres profondes à la patrie française au travers de la grande Révolution française. On retrouve dans toute l'activité de Pierre cet amour de la patrie, et pas seulement au moment de la Résistance où il n'hésita pas à risquer sa vie à tout instant. Les électeurs de l'Allier surent reconnaître en Pierre Villon ce patriote courageux et passionné, cet homme de progrès, cet humaniste, en l'élisant en 1945 et en le réélisant jusqu'à son retrait volontaire en 1978, à une seule exception de 1962 à 1967. En dehors de la juste politique du Parti communiste français et de ses organisations de l'Allier, cette fidélité exceptionnelle d'un électoral à son député s'explique par deux raisons qui se rejoignent. D'abord Pierre Villon, ce dirigeant national important qui avait marqué l'histoire de son pays, devint vite un excellent parlementaire, sachant allier ses interventions à l'Assemblée nationale sur les grandes questions comme la lutte contre le réarmement allemand, pour la paix et le désarmement, les problèmes de la sécurité de la France, à la défense des revendications sociales de la population, des ouvriers, des paysans, des petites gens. Pierre Villon a été 1. Je dois une partie des informations qui suivent à Jean-Claude Mairal et André Sérézat, de la Fédération de l'Allier du PCF, qui ont interviewé des personnes ayant bien connu Pierre Villon au cours de cette période de sa vie. membre actif, après en avoir été le président, de la commission de la Défense nationale où il a contribué à faire avancer nos propositions d'une Défense nationale garantissant l'indépendance et la souveraineté de la France. Nul plus que lui était attentif aux problèmes agricoles, ceux des communes rurales — il en avait 130 dans sa circonscription — les questions de l'emploi, de l'école, la défense du potentiel économique du département et notamment l'exploitation des ressources du sous-sol (char- bon, minerais polymétalliques). Ce dévouement du député communiste trouvait un terrain favorable parmi la population de l'Allier. En effet, ce département qui recouvre à peu près l'ancienne province du Bourbonnais, berceau des rois de France, a une longue tradition démocratique. Aux élections législatives de 1849, une des premières au suffrage universel décidée par la Deuxième République, les électeurs de l'Allier placèrent le département en tête en France pour le score de la gauche de l'époque. Les petits paysans, métayers pour la plupart, voulurent traduire par leur vote politique, leur lutte sociale contre les gros propriétaires fonciers (anciens aristocrates ou bourgeois parvenus) et contre les fermiers généraux, intermédiaires rapaces. A travers des hauts et des bas, cette tradition de lutte sociale des paysans, qui fusionna très tôt avec le mouvement ouvrier dans le bassin industriel de Montluçon-Commentry, trouva sa traduction politique, d'abord dans le vote socialiste du temps de Jaurès et de Guesde — la municipalité de Commentry est la première ville de France à avoir eu un maire socialiste il y un siècle, en 1881 — et ensuite dans le vote communiste. Pierre Villon sut admirablement comprendre cette popu- lation bourbonnaise, de comportement calme et tranquille, mais animée d'une vive sensibilité envers les injustices et d'un grand intérêt vis-à-vis des luttes sociales en France et dans le monde. Je me souviens de conversations avec des élus, des militants communistes et non communistes, dans la circons- cription où j'ai eu l'honneur de lui succéder. Ils me parlent de Pierre Villon avec ce regret d'avoir perdu un ami cher, un compagnon de combat. Ils me racontent avec attendrissement ces réunions avec Pierre Villon où celui- ci, emporté par sa vaste culture et sa connaissance du monde autant que par sa passion pour toutes les luttes de libération sociale, nationale et pour la paix, donnait à la plus modeste assemblée de village le caractère d'un tour d'horizon des problèmes du monde.