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Sommaire | décembre 2016-janvier 2017 Éditorial 4 | Tocqueville ou la critique de la démocratie › Valérie Toranian Grand entretien 8 | François Bayrou. « Le saccage de l’école est un crime social » › Franz-Olivier Giesbert et Valérie Toranian Dossier | Tocqueville, la démocratie face à ses démons 24 | Tocqueville, homme de gauche › Michel Onfray 37 | Tocqueville, les Français et les passions démocratiques › Ran Halévi 48 | Un passeur entre deux mondes › Brigitte Krulic 55 | Quelque chose en nous de Tocqueville › Jacques de Saint Victor 67 | Alexis, reviens ! Ils sont devenus fous ! › Laurent Gayard 74 | Tocqueville, le Coran, l’islam et la colonisation › Jean-Louis Benoît 87 | Quelques règles inspirées de Tocqueville confiées à la réflexion de nos chers leaders › Brice Couturier 92 | Rousseau, Chateaubriand, Tocqueville, l’État et la religion › Jean-Paul Clément 101 | Culture et démocratie › Robert Kopp 108 | Le dilemme de Tocqueville › Frédéric Verger Études, reportages, réflexions 114 | Gardes, emmenez-la ! › Marin de Viry 119 | Comment la contrefaçon gangrène l’économie mondiale › Annick Steta 126 | La novlangue dans la pensée militaire › Gilles Malvaux 2 DÉCEMBRE 2016-JANVIER 2017 Littérature 134 | Sometimes a start is all we ever get › Lila Azam Zanganeh 142 | Après nos batailles › Sébastien Lapaque 147 | Le Luxembourg, nid de fâcheux › Marin de Viry 155 | Journal › Richard Millet Critiques 162 | LIVRES – Les sortilèges de la love doll › Lucien d’Azay 165 | LIVRES – Le futur proche d’un nouvel Holocauste ? › Eryck de Rubercy 168 | LIVRES – Qu’est-ce qu’un sigisbée ? › Michel Delon 171 | LIVRES – Un « national-socialisme en gélules » ? L’Allemagne sous speed › Olivier Cariguel 174 | LIVRES – Camus et Malraux › Stéphane Ratti 177 | EXPOSITIONS – Oscar Wilde, impertinent ou subversif ? › Jean-Pierre Naugrette 181 | EXPOSITIONS – L’effet Caravage › Stéphane Guégan 184 | EXPOSITIONS – L’œil de Baudelaire › Stéphane Guégan 187 | EXPOSITIONS – Les images pensives de Magritte › Bertrand Raison 190 | DISQUES – Opéras : « maîtres en scène » › Jean-Luc Macia Notes de lecture DÉCEMBRE 2016-JANVIER 2017 3 Éditorial Tocqueville ou la critique de la démocratie Oserais-je le dire au milieu des ruines qui nous environnent ? Si les citoyens continuent à se renfermer de plus en plus étroitement dans le cercle des «petits intérêts domestiques [...] je tremble, je le confesse, qu’ils ne se laissent enfin si bien posséder par un lâche amour des jouissances présentes, que l’intérêt de leur propre avenir et de celui de leurs descendans disparaisse, et qu’ils aiment mieux suivre mollement le cours de leur destinée, que de faire au besoin un soudain et énergique effort pour le redresser. » C’est par ces lignes qu’Alexis de Tocqueville concluait en 1840, dans la Revue des Deux Mondes, son article « Des révolutions dans les sociétés nouvelles », un extrait en avant-première du second tome de De la démocratie en Amérique. Au moment où la démocratie est en crise, où le populisme triomphe, où les valeurs républicaines sont attaquées et où beaucoup interrogent la capacité de l’État à préserver à la fois nos libertés et notre sécurité, la parole de Tocqueville, philosophe prophétique des dangers de la démocratie moderne, est plus que jamais d’actualité. 4 DÉCEMBRE 2016-JANVIER 2017 L’auteur de l’Ancien Régime et la Révolution avait (presque) tout pré- dit : l’émergence de la « tyrannie douce », l’abnégation de la volonté au profit d’une tutelle étatique qui « fixe le citoyen dans l’enfance », la pro- fessionnalisation de la politique, l’irruption de l’individualisme, du maté- rialisme, de la passion égalitariste qui s’accommode du renoncement aux libertés, la haine des privilèges dévoyée en haine de l’excellence… Difficile de classer cet aristocrate normand, arrière-petit-fils de Malesherbes, héritier de la classe des « vaincus » de la Révolution mais convaincu que rien n’arrêtera la marche démocratique. Tocqueville n’a cessé de prendre ses contemporains à contre-pied, dit l’historien Ran Halévi : « trop démocrate aux yeux des royalistes, trop prompt à accepter l’égalité suivant les dévots de l’Ancien Régime, bien trop aristocrate pour les gardiens du temple républicain »... Ce qui explique peut-être qu’il a subi un long purgatoire dans l’en- seignement secondaire, avant d’être sorti de l’oubli dans la seconde moitié du XXe siècle par Raymond Aron et François Furet. Un refou- lement, expliquait le philosophe Jean-François Revel, qui venait du désir de défendre le mythe selon lequel le libéralisme, c’est la droite et le socialisme, c’est la gauche (1) ! Pour Michel Onfray, « cet homme de gauche récupéré par la droite ne fut d’aucun parti. [...] Sa lecture démythologisante de la révolution française, son refus des filtres idéologiques, sa critique de la centrali- sation parisienne, son analyse chirurgicale du rôle néfaste des intellec- tuels déconnectés de la réalité, son éloge des pouvoirs communalistes des provinces comme résistance à la domination issue de la tradition jacobite » en fait le défenseur d’un programme libertaire cher au cœur du philosophe. L’historien Jacques de Saint Victor souligne, lui aussi, la complexité du personnage, qui se définissait comme un « libéral d’un genre nouveau » et non comme le gourou du capitalisme qu’ont voulu en faire certains. La déresponsabilisation du citoyen, redoutée par Tocqueville, est actuellement à son apogée, constate François Bayrou. Mais c’est contre le dogme égalitariste qui a conduit au saccage de l’école que l’ancien ministre de l’Éducation a les mots les plus violents : « si j’avais su ce que son gouvernement [celui de François Hollande] ferait de l’Éduca- DÉCEMBRE 2016-JANVIER 2017 5 éditorial tion nationale, je ne lui aurais jamais donné ma voix. [...] C’est un crime social ». « Quand je pense que c’est un gouvernement dit de gauche qui a supprimé les humanités classiques [...], un gouverne- ment qui ose se réclamer de Léon Blum, de Jean Jaurès, de Victor Hugo, de Voltaire [...] C’est un sujet qui me donne envie de monter sur des barricades… » Tocqueville avait-il prévu l’émergence du fait religieux ? Au XIXe siècle, lorsque légitimistes et républicains cherchaient à protéger ou à contenir l’influence prépondérante de l’Église catholique, Tocque- ville, sollicité sur la question coloniale en Algérie, étudie le Coran et l’islam. Dans les Notes sur l’islam, rappelle l’historien Jean-Louis Benoît, « il explique comment et pourquoi les origines historiques, géogra- phiques et sociales de cette religion de pasteurs ont imposé un culte et des pratiques aussi simples que possible et une absence de corps sacerdo- tal. Elle est étroitement liée à une pratique belliciste aussi bien des tribus les unes par rapport aux autres qu’à l’égard des infidèles ; elle a surtout pour faiblesse principale de lier ensemble et de confondre des “ordres” différents, ce qui a pour conséquence de figer la société musulmane, de lui interdire l’accès à la modernité et de l’entraîner vers une décadence inéluctable. » Ce refus de la modernité n’a pas abouti à la décadence que prévoyait Tocqueville. Ou plutôt cette « décadence » a accouché d’une phase de renouveau islamiste avec à son extrême une frange belliciste, anti-occidentale, qui ensanglante aujourd’hui les démocraties. Tocqueville avait vu juste sur l’explosion des droits individuels et l’avènement du communautarisme qui, après l’Amérique, a gagné l’Europe et la France. Sur le populisme également. Le trumpisme, comme le rappelle Laurent Gayard, n’en est-il pas l’ultime illustra- tion ? La désinhibition des passions d’un peuple galvanisé par la colère prêt à étouffer les institutions démocratiques censées le protéger. Notre démocratie trouvera-t-elle en son sein les personnes capables de lui réinsuffler le sens et le courage qui lui manquent ? Valérie Toranian 1. Jean-François Revel, Fin du siècle des ombres, cité dans Henri Astier, Jacques Faule et Pierre Boncenne, l’Abécédaire de Jean-François Revel, Allary Éditions, 2016. 6 DÉCEMBRE 2016-JANVIER 2017 GRAND ENTRETIEN 8 | François Bayrou : « Le saccage de l’école est un crime social » › Franz-Olivier Giesbert et Valérie Toranian « LE SACCAGE DE L’ÉCOLE EST UN CRIME SOCIAL » › Entretien avec François Bayrou réalisé par Valérie Toranian Déresponsabilisation du citoyen, prolifération administrative, blocages, trahison du projet éducatif républicain… Le président du MoDem et ancien ministre de l’Éducation nationale dresse le portrait d’une démocratie à bout de souffle et redit son amour des livres, qui sont « sa drogue et sa substance ». Revue des Deux Mondes – Vous êtes un lecteur pas- sionné. Comment les livres vous aident-ils dans la vie politique ? François Bayrou Envisager de faire de la politique «sans être immergé dans les grands textes, les grandes pensées qui ont façonné notre pays et le monde qui nous entoure m’est inimaginable. Je lis et je relis les auteurs de ma vie, Péguy, par exemple, que je n’ai jamais quitté depuis mon adolescence… Je reste toujours émerveillé par cette intelligence au laser qui voit tout du monde qui va naître. Au tournant de l’année 1900, Péguy comprend tout : le parti intellectuel, la sociologie qui remplace l’histoire, la dévaluation de la mystique républicaine… Les livres m’ont fabriqué, m’ont constitué ; ils sont ma drogue et ma substance. 8 DÉCEMBRE 2016-JANVIER 2017 DÉCEMBRE 2016-JANVIER 2017 grand entretien Revue des Deux Mondes – Comment faites-vous pour lire un livre par jour ? François Bayrou Je lis le matin très tôt, le soir très tard, et au déjeuner quand je suis seul. J’ai beaucoup diminué la lecture des journaux, je préfère garder du temps pour les livres. Quand j’observe mes enfants – de très bons lecteurs – et leurs amis, je m’aperçois que la presse écrite les captive peu. C’est François Bayrou est président du dommage, et c’est aussi la preuve qu’il y MoDem, qu’il a fondé.