Les Années 1980 À Liège. Art Et Culture Avant-Propos
Total Page:16
File Type:pdf, Size:1020Kb
Revue des historiens de l’art, des archéologues et des musicologues de l’Université de Liège Numéro 31/2012 Les années 1980 à Liège. Art et culture Avant-PROPOS Rédacteur en chef et éditeur responsable de la revue En publiant, il y a deux ans, Le tournant des encore lui, à Jean-Pierre Ransonnet et à Léon Jean-Patrick Duchesne, administrateur délégué d’Art&fact années 1970. Liège en effervescence1, trois des Wuidar. Qu’ils trouvent ici l’expression de notre plus fidèles contributeurs à notre revue, Jacques gratitude, laquelle s’adresse aussi aux chevilles Directeur scientifique du numéro Dubois, Nancy Delhalle et Jean-Marie Klinken- ouvrières de « la rédaction », Marie-Sophie Jean-Patrick Duchesne, Professeur d’Histoire de l’Art de l’Époque contemporaine berg ont offert une double opportunité à notre Degard et Marie-Amandine Gérard, ainsi qu’à Julie Bawin, Docteur en histoire de l’art, Service d’Histoire de l’Art de l’Époque contemporaine association : de faire œuvre utile en étendant nos soutiens financiers et logistiques, la Fédé- leur rétrospective aux années quatre-vingt et de ration Wallonie-Bruxelles, Ministère de la Com- Coordination du numéro se replonger dans le contexte de sa naissance. munauté française de Belgique, le Ministère de Marie-Sophie Degard, Marie Amandine Gérard Le lien entre les deux publications ne pouvait la Région wallonne, Division de l’Emploi et de qu’être renforcé par Julie Bawin, qui, après la Formation professionnelle, le Fonds national Graphisme et mise en page avoir collaboré à l’ouvrage précité, a bien voulu de la Recherche scientifique, l’Échevinat de la Chauveheid, Stavelot assumer la co-direction scientifique de cette Culture de la Ville de Liège, l’Échevinat de l’Ur- 31e livraison et par Jacques Dubois, auteur de banisme, de l’Environnement, du Tourisme et Art&fact l’article consacré au Manifeste pour la culture du Développement durable de la Ville de Liège, Association des diplômés des sections d’histoire de l’art, wallonne de 1983. Ethias et le Service des Relations extérieures de archéologie et musicologie de l’Université de Liège l’Université de Liège ainsi que celui de l’Admi- Je ne reviendrai pas ici sur la gestation et l’his- Association sans but lucratif nistration de l’Enseignement et des Études. Université de Liège, Bât. A1 toire d’Art&fact, remarquablement retracées Place du 20-août 7, B-4000 Liège par Isabelle Verhoeven dans le numéro dédié « L’audace des créateurs dont nous parle Le e Tél. : 04/366 56 04 – Fax : 04/366 58 54 au 100 anniversaire des études en histoire de tournant des années 1970. Liège en effer- Courriel : [email protected] l’art, archéologie et musicologie à l’Université vescence, c’est d’arriver à parler de cette ville 2 Site web : www.artfact.ulg.ac.be de Liège et dont elle fournit supra le complé- sans en parler, de gens qui ont réussi à dépasser Compte financier BE88 7925 5240 4241 Code BIC : GKCCBEBB ment, en compagnie de Jean Housen. les terroirs et leur morne incuriosité qui prend les proportions de l’éternité. Tous les pays pri- Même s’il se restreint au champ liégeo-liégeois vés de cette capacité de parler d’eux-mêmes ISSN et à la période contemporaine, le présent recueil sans chauvinisme sont condamnés à mourir non 0774-1863 n’en illustre pas moins les principes fondateurs pas de froid, mais d’un manque de légèreté et de notre entreprise éditoriale. Il fait en effet fi de profondeur. »3. Sans nul doute le jugement Publié avec le soutien de l’Université de Liège – Département des Relations extérieures et de la Com- des hiérarchies académiques en accueillant des de José Fontaine demeure-t-il valable pour la munication et Service Promotion et Information sur les Études, de la Fédération Wallonie-Bruxelles, textes rédigés par une étudiante et des histo- décennie ici revisitée !4 Ministère de la Communauté française de Belgique, du Ministère de la Région wallonne, Division riens de l’art actifs hors du milieu universitaire. de l’Emploi et de la Formation professionnelle, du Fonds national de la Recherche scientifique, de Il illustre le pluridisciplinaire de départ, en abor- l’Échevinat de la Culture de la Ville de Liège et de l’Échevinat de l’Urbanisme, de l’Environnement, du dant à la fois la littérature (Laurent Demoulin, Jean-Patrick Duchesne Tourisme et du Développement durable de la Ville de Liège. Gérald Purnelle), la photographie (Jean-Michel Co-directeur scientifique Sarlet), le cinéma (Dick Tomasovic), la bande En couverture : MacPlus, 1986 © Collection de la Maison de la Métallurgie et de l’Industrie dessinée (Philippe Capart, Erwin Dejasse et Frédéric Paques), la musique (Christophe Notes Pirenne), les arts plastiques (Sébastien Char- 1 Bruxelles, Les Impressions Nouvelles, 2010. lier et Pierre Frankignoulle, Sophie Delhasse, 2 Cfr Art&fact, n° 23, 2004, p. 70-78. Pierre Henrion et Yves Randaxhe, Jean Hou- 3 Jose FONTAINE, Critique : Le tournant des années 1970. sen) et l’histoire culturelle (Jacques Dubois). Il Liège en effervescence (Nancy Delhalle, Jacques Du- décloisonne les métiers de la recherche et de bois, Jean-Marie Klinkenberg) [en ligne], La revue Toudi, la création, non seulement via l’édition de deux 4 juin 2010 [réf. du 8 août 2012], disponible sur http:// « multiples », dont nous remercions chaleu- www.larevuetoudi.org/fr/story/critique-le-tournant-des- ann%C3%A9es-1970-li%C3%A8ge-en-effervescence-nan- reusement Jacques Lizène et Laetitia Lefèvre, cy-delhalle-jacques-dubois-jean. mais en donnant la parole à Jacques Charlier, à 4 En wallon de Liège, « l’îdèye da José Fontaine våt sûre- Patrick Corillon, à Alain Denis, à Jacques Lizène, mint co todi po les an.nêyes cwatrè-vint ». 3 Julie Bawin Docteur en histoire de l’art Enseignante – chercheuse à l’Université de Liège Service d’Histoire de l’Art de l’Époque contemporaine [email protected] Introduction Tantôt qualifiées de décennie dorée, tantôt premières utilisations remonte à 1977 lorsque présentées comme une période de crise, de l’architecte Charles Jencks publie Le Langage désillusions ou de rupture, les années 1980 sont de l’architecture postmoderne. Le mot sera sujettes à des appréciations aussi diverses que ensuite brandi par le philosophe Jean-Fran- contradictoires. S’agissant de retourner sur un çois Lyotard pour signaler l’effondrement des terrain fraîchement foulé, nous aurions vite fait « grands récits » dans son célèbre ouvrage La d’interpréter ces différentes perceptions comme Condition postmoderne (Paris, 1979). Dénon- la difficulté d’opérer une lecture de l’histoire çant l’idéologie du progrès et du principe d’uto- récente, une histoire par ailleurs trop récente pie propre au modernisme, la postmodernité pour prétendre au recul nécessaire qu’imposent se réduit alors au pur et simple relativisme. Il nos disciplines, soucieuses qu’elles sont de devient aussi, sous la plume du théoricien amé- livrer une histoire neutre et scientifique. Or, on ricain Fredric Jameson, « la logique culturelle le sait : l’histoire n’existe pas pure. Elle s’écrit du capitalisme tardif », c’est-à-dire le système selon des présupposés qui ne sont pas moins même du monde actuel1. tranchants que ceux qui dictent le discours sur Les années 1980 constituent donc un temps le présent. Cela étant, il peut s’imposer de ne de passage, passage certes engagé dès les pas faire retomber trop rapidement la poussière années d’après-guerre, mais qui prend à cette soulevée par ce qui se révèle être un contexte époque les allures d’une véritable rupture. Dans aux multiples résonances, tant esthétiques que le domaine des arts, le même scepticisme s’ex- politiques, économiques ou philosophiques. prime et, si l’on ne peut nier un continuum avec Généralement couplée aux années 1990, la la génération précédente, une forme de lassi- décennie 1980 fournit des modèles de pensée tude semble désormais peser sur la création. qui, même lorsqu’ils sont grossièrement décrits, L’historien d’art Paul Ardenne analyse finement ne rencontrent pas la logique d’uniformisation la situation lorsqu’il décrit la postmodernité propre aux années 1960-1970. De celles-ci, on comme une « exaspération à l’égard du culte du ne retient généralement que l’énergie contesta- Nouveau » et « de la quête, toujours aléatoire, taire, l’effervescence artistique et intellectuelle, de l’utopie »2. Cela ne veut pas dire qu’il y ait l’inventivité, le hors-norme et la subversion. En « mort de l’art », thèse pourtant fréquemment revanche, quand il s’agit de qualifier les années soutenue dès le milieu des années 1970. Cela 1980, il est autant question de crise économique signifie, plus simplement, que le climat est à que d’euphorie du marché, de culture alter- présent ouvert aux esthétiques les plus diverses. native que de soutien institutionnel, de pro- Le mouvement cohérent qui avait dominé l’Eu- lifération artistique que de création à bout de rope et les États-Unis à partir de la modernité souffle. La confusion est grande, une confusion de l’Entre-deux-guerres parvient à son point d’ailleurs largement entretenue par un vocable ultime. Il n’est dès lors plus question d’inven- souvent associé à la période qui nous intéresse : tion pure ou de renouvellement incessant, mais le postmodernisme. Depuis au moins vingt ans, de détournement, de citation, de répétition. des points de vue, convergents ou divergents, Rejetant le credo de table rase cher aux avant- sont consacrés à cette notion dont l’une des gardes, les artistes se lancent dans une redé- 5 couverte de ce qui avait été banni jusqu’alors. lin, ce sont en réalité les artistes déjà favorisés des témoignages et des souvenirs, de l’acces- En peinture, ce sera aller du monochrome qui sont avantagés par cette nouvelle conjonc- sibilité aux œuvres et aux textes, chacun a été vers la nuance, de l’abstraction vers la figure, ture3.