Hugo Loetscher Entre Écriture Et Traduction Plurielles
Total Page:16
File Type:pdf, Size:1020Kb
Revue transatlantique d’études suisses 5 · 2015 ________________________________________________________ Hugo Loetscher Entre écriture et traduction plurielles Jeroen DEWULF, Manuel MEUNE Université de Montréal Revue transatlantique d’études suisses 5.2015 Éditeurs: Jeroen Dewulf ([email protected]) Manuel Meune ([email protected]) Directeur de la revue: Manuel Meune © 2015 - Section d’études allemandes Département de littératures et de langues du monde Faculté des arts et des sciences Université de Montréal ISSN - 1923-306X 2 Revue transatlantique d’études suisses, 5, 2015 SOMMAIRE ___________ Jeroen DEWULF / Manuel MEUNE, « Avant-propos » / « Vorwort » ……………………… p. 4 / 6 1. Articles Marie-Christine BOUCHER / Manuel MEUNE, « Du tischört à la panosse: une ‘marche en crabe’ transatlantique – ou l’art impur de traduire » ……………………………………………... p. 9-26 Jeroen DEWULF, « De l’exiguïté de la Suisse à l’immensité du monde. Le concept loetschérien de ‘Heimat plurielle’, emblème de la nouvelle littérature de Suisse germanophone » ……... p. 27-42 Rosmarie ZELLER, « ‘Ich sammle Grundsituationen, aus denen Gleiches folgt.’ Zu Hugo Loetschers Poetik » ………………………………………………………………………. p. 43-56 Manuel MEUNE, « Langues du monde et désingularisation – le point de vue d’une autre Amérique latine sur la ‘méthode Loetscher’ » …………………………………………... p. 57-76 Waldo GROVÉ, « Von schwierigem jungem Mann zum Penner mit Ersatzherzen. Zu den unterschiedlichen Erscheinungsformen von Hugo Loetschers Figur des Immunen » .….. p. 77-83 Lucas GISI, « Auf der Suche nach dem Nullpunkt. Hugo Loetschers Geschichte der deutschsprachigen Literatur der Schweiz » ……………………….…………………...… p. 85-93 Dominik MÜLLER, « Die Fotoreportagen als Teile von Hugo Loetschers Gesamtwerk. Die Du- Hefte über Salvador da Bahia und Chicago als Beispiele » ……….………………...…. p. 95-110 Patric MARINO, « Tod in der Wunderwelt. Vom Roman zur Hörfolge. Hugo Loetschers Fortschreibung von Wunderwelt in der Erzähltradition der Bänkelsänger » …………. p. 111-125 2. Textes originaux Hugo LOETSCHER / Jeroen DEWULF [Bearbeitung], « Wunderwelt. Ein Hörspiel nach dem Roman Wunderwelt – eine brasilianische Begegnung (1979) » ……………………… p. 127-145 Peter K. WEHRLI, « Vom Entweder/Oder und vom Sowohl/als auch. Ein Zürcher Capriccio » / « Du ‘ceci-ou-cela’ au ‘ceci-et-cela’. Un caprice zurichois » ........................................ p. 146-155 3 Avant-propos Ce numéro de la Revue d'études transatlantiques suisses est consacré à Hugo Loetscher. Né à Zurich en 1929, il appartenait à cette génération d’écrivains suisses qui avaient dû échapper à l'emprise de Max Frisch et de Friedrich Dürrenmatt. Combinant journalisme et écriture fictionnelle, Loetscher a trouvé une voix originale au sein d’une littérature suisse qui s’ouvrait de plus en plus au monde. Au lieu de se lamenter sur l’‘étroitesse’ suisse, il parcourait le vaste monde – en particulier son cher Brésil. Ce désir d’étreindre le monde tout en sachant que ses bras n’y suffiraient pas est devenu un paradoxe très fécond, dont ont émergé plusieurs chefs-d’œuvre. Parmi les plus marquants que nous a laissés Loetscher – mort en 2009 –, on trouve les romans Abwässer (1963, Les égouts, 1985), Noah (1967), Der Immune (1975, Le déserteur engagé, 1989), Wunderwelt (1979, Le monde des miracles, 2008) et Die Augen des Mandarin (1999), ainsi qu’un recueil de poèmes (Es war einmal die Welt, 2004) et une biographie littéraire (War meine Zeit meine Zeit, 2009). Ses nombreuses expériences à l’étranger ont permis à Loetscher d’adopter une perspective internationale pour observer la Suisse d’un œil critique. Le regard extérieur et teinté d’ironie qu’il portait sur son pays, sur sa propre langue et sa propre culture transparaissait dans des chroniques et des nouvelles comme Die Entdeckung der Schweiz (1976) et Der Waschküchenschlüssel (1983, Si Dieu était Suisse, 1991). Ces expériences ont par ailleurs inspiré à Loetscher de nombreuses réflexions théoriques sur le multilinguisme, la mondialisation, l’hybridité, comme dans How many languages does man need? (1982), Vom Erzählen erzählen (1988) ou Lesen statt klettern (2003). Ce numéro propose des textes analysant des aspects variés de l’œuvre de Loetscher (dans une perspective méthodologique, littéraire ou traductologique), mais aussi deux textes inédits. L’accent est mis sur l’intérêt que portait Loetscher à la coexistence de diverses voix, de diverses langues au sein même d’une langue donnée, à l’‘écriture plurielle’, mais aussi à ce qu’on pourrait appeler la ‘traduction plurielle’ – qui intègre la réflexion sur la pluralité des possibilités de traduction. Il y est aussi question, dans un sens plus large, de la traduction comme transposition intermédiale, non seulement entre texte écrit (littéraire ou journalistique) et oral (par exemple radiophonique), mais aussi entre photographie et texte. Toute sa vie, Loetscher s’est penché sur la question de la langue – et de la traduction –, qu’il considérait comme centrale. Jeroen Dewulf se souvient d'une conversation personnelle dans laquelle Loetscher regrettait qu’il ne soit que rarement question de langue dans les discussions avec d’autres écrivains. Chez les photographes et les artistes, disait-il, c’était très différent, il leur arrivait souvent de discuter de l’ombre idéale, du mélange idéal de couleurs. Entre écrivains, il pouvait certes être question de prises de position politiques ou de responsabilité morale, mais il était très rare qu’on parle du ‘métier’ – du travail d’écriture. Or, c’est bien le travail, dans ce qu’il a d’ardu, qui caractérise l’écriture de Loetscher. S’il avait dû s’exiler sur une île en n’emportant qu’un seul livre, avait-il ajouté, il aurait opté pour un dictionnaire... Quiconque a eu l’occasion de rendre visite à Loetscher dans son appartement de Zurich a forcément remarqué les innombrables dictionnaires, car rien ne le fascinait davantage que les possibilités qu’offre la langue. Et on trouve dans ses archives de nombreuses lettres où il se penche sur des questions que lui avaient posées les traducteurs de ses romans. Elles montrent à quel point ce sujet touchait Loetscher, qui aimait faire remarquer avec son ironie coutumière que les traducteurs étaient fermement convaincus que tout ce qu’écrivait un auteur avait un sens. Cette attitude, poursuivait-il, pouvait le mettre quelque peu dans l’embarras, mais il la préférait à celle d’un critique littéraire qui aurait pensé qu’il écrivait sans réfléchir le moins du monde à ce qu’il écrivait... La correspondance entre Loetscher et ses traducteurs témoigne de la grande admiration qu’avait le premier pour le talent et la créativité des seconds – comme ceux de Monique Thiollet, qui proposa de traduire Der Immune (1975) par Le déserteur engagé (1989). Il faut aussi rappeler que Loetscher se faisait parfois lui-même traducteur (du français, du portugais, de l’anglais ou de l’espagnol). Ces deux expériences, son travail de traducteur et le dialogue avec ses traducteurs lui donnèrent l’idée d’ajouter à la nouvelle édition du recueil Vom Erzählen erzählen (1999) un chapitre intitulé « In anderer Sprache » (‘Dans une autre langue’). Loetscher y associe traduction et lecture, se demandant si lire un texte en langue originale n’est pas déjà une façon de le traduire – de l’interpréter. Pour Loetscher, la lecture devient ainsi un acte pluriel au même titre que la traduction – et que l’écriture. Loetscher tenait à relativiser le concept de ‘langue maternelle’ et à souligner l’‘impureté’ de la langue. Et s’agissant de traduction, il était particulièrement fasciné par le fait que dans ce processus, il n’existe pas une possibilité de langue, mais une pluralité de possibilités, aussi bien lors du passage d’une langue étrangère à l’autre qu’au sein même de sa propre langue. Cette fascination reflétait une vision du monde qui rejetait l’orthodoxie et la mythification des interprétations univoques et qui cherchait des alternatives dans les interstices d’un espace hybride. En valorisant le contact culturel et linguistique, Loetscher recherchait de nouvelles possibilités, plus enrichissantes encore, là où règne le joyeux mélange, la coexistence horizontale, et non une hiérarchie verticale rigide – là où chaque culture, chaque langue n’est qu’une variété parmi d’autres. 4 Revue transatlantique d’études suisses, 5, 2015 Le présent numéro commence par un article de Marie-Christine BOUCHER et Manuel MEUNE, consacré à leur traduction en français de l’essai de Loetscher Äs tischört und plutschins (2000), qui réunit divers textes à dimension métalinguistique. Le titre, Une panosse pour poutser – un jeu avec les régionalismes et les germanismes de Romandie – aurait sans nul doute plu à Loetscher, qui avait le purisme linguistique en aversion. En exposant leur stratégie de traduction – celle d’une ‘polyphonie francophone’ –, les auteurs rappellent que dans l’essai, Loetscher ne fait pas qu’aborder sa vision de la Suisse ou les liens entre langue, littérature et nation, mais qu’il se penche aussi sur la question du passage d’une langue ou d’une culture à l’autre – c’est-à-dire de la ‘traduction plurielle’. L’article de Jeroen DEWULF aborde ensuite l’importance de Loetscher pour la jeune génération d’auteurs suisses-allemands. Dewulf considère Loetscher comme un personnage clé dans la littérature suisse de l’après- guerre et il étaie cette thèse en montrant que la conception qu’avait Loetscher de la ‘Heimat plurielle’ a influencé de façon décisive le débat autour de la nation et de la ‘Heimat’ dans la littérature de Suisse germanophone