REVUE BELGE DE NUMISMATIQUE

ET DE SIGILLOGRAPHIE

PUBLIÉE SOUS LES AUSPICES DE LA SOCIÉTÉ ROYALE DE NUMISMATIQUE ET SUBSIDIÉE PAR LE ~'IrNrsTÈRE Tm L' IN~TRUC:TroN l'lJHI,IQUF.

DIRECTEURS:

NIAHCEL HOC, Dr JULES DESNEUX,

PAUL NASTER, JACQUELINE LALLEMAND

TOME CV - 1959

BRUXELLES 5, RUE DU MUSÉE POSTUME ET LÉLIEN GOUVERNEURS DE LA GERMANIE INFÉRIEURE?

Comme pour la plupart des usurpateurs du milieu du Ille siècle, nous savons fort peu de choses sur les origines de M. Cassius Lati­ nius ; mais l'examen des monnaies émises au début de son règne va peut-être nous permettre de proposer une hypothèse sur la situation qu'il occupait en 258, à la veille de sa rébellion. Toutes les sources écrites signalent que Postume tenait un rang important en Gaule à cette époque. Un premier groupe, constitué par la version de l'Histoire Auguste, le considère comme le gouverneur de toutes les Gaules, un magistrat supérieur aux pouvoirs exceptionnels et presque aussi étendus que ceux de l'em­ pereur (1). Il aurait cumulé cette magistrature élevée, ce poste de vice-empereur, avec la tutelle et la garde de Salonin, le fils de Gallien, et sa compétence se serait étendue à tout l'Occident (2). La plupart des érudits modernes se contentent de ces données maigres et incertaines (3) sans tenir compte du fait que ces détails sont em-

(1) XXX Tyr., 3, 9: Transreuani (sic) Ilmitls ducem ct Galliae praesidem Poslumum fccimus... (2) XXX Tijr., 3, 1 : Hic vir in hello îortissimus, in pace constantissimus, in ornni vila gravis, usque adeo ut Saloninum Iillum suum eidem Gallienus in Gallia positum crederet quasi custodi vitae et morum et aetuum imperalium instîtutol'i...; Vila Aureliani, 8, 2 : Culpas me familiarihus Iitterls, quod Pos­ tumo filium meum Gallienum magis quam Aureliano cornmlserim, curn utique severiorl et puer credendus fuerit et exercitus. (3) Th. MOMMSEN, Rômische Geschichle, V, 1933, p. 149; E. THÉVENOT, Les Gallo-romains, p. 103; C. JULLIAN, Histoire de la Gaule, t. V: La civilisation gallo-romaine, état matériel, p. 571 et 578 ; P. H. WEBB, R(oman) I(mperial) C(oinage), 1. V, vol. 2, p. 310; COHEN, Description... des monnaies frappées sous l'empire romain... , VI, p. 14; M. BESNIER, L'empire romain de l'avènement des Sévère au Concile de Nicée (= G. GLOTZ, Histoire générale, Histoire romaine, VI (1), Paris, 1937), p. 175; E. ALBERTINI, L'empire romain (= HALPHEN et SAGNAC, Peuples el Civilisations, IV, Paris, 1929) p. 293 ; G. BLOCH, La Gaule romaine (= E. LAVISSE, Histoire de France, I, Paris, 1900), p. 256; A. BLANCHET, 26 PAUL VAN GANSBEKE pruntés à des anecdotes certainement apocryphes, forgées pour les besoins de la cause: la glorification et le panégyrique d'un haut personnage, peut-être l'empereur Julien l'Apostat (4); les affir­ mations de l'Histoire Auguste relèvent souvent de la plus haute fantaisie, particulièrement lorsqu'elles affublent Postime d'un commandement extraordinaire: « dux Transrenani (sic) Iirnitis et Galliae praeses . (5). TUen, ou presque, n'est à retenir de cette littérature farcie d'erreurs et d'anachronismes. D'après l'autre groupe, un commandement aurait été confié à Postume à la suite des premières grandes invasions germaniques, c'est-à-dire au plus tôt en 256/7. Il ne s'agissait nullement d'une fonction extraordinaire; Gallien dirigeait personnellement les opé­ rations sur le Rhin lorsque, en 258, il fut rappelé dans le Nord de l'Italie pour défendre la péninsule d'une invasion alémanique (6). A la tête des troupes de Gaule, il laissait Silvanus (ou Albanus), probablement son préfet du prétoire C), qui exerçait le pouvoir civil et militaire au nom de Salouin, résidant à Cologne (8). Malgré

L'avènement de Postume à l'empire, dans Reoue des ÉLudes Anciennes, XIV, 1913, p. 295. (4) Cf. l'importante Iittératurc née des controverses autour de la valeur his­ torique de l'Histoir-e Auguste, en particulier: E. HOl-IL, Dus Problem der Historia Auqusia, dans Neue Juhrbùchcr [ûr die Philologie, XXX Il I, 1914, p. 698 sqq.: N. H. BAY:-iES, The H istoria Auçusla: its note and Purpose, Oxford, 1926; H. PETER, Die soqenannlen drcissiq Turanncll, dans Abhatui. d. Sachsischeti Gesellsclia]i d. WisscJlscha/1. XXVI[, 6, 1909, p. 181~206; W. SOLTAU, Die echleti Kaiserbloqraplien, Der We.'! zur LiîslIJl{J lies Problems des S.H.A., dans PM loloqus, LXXIV, 1917, p. 348-4-15. (5) XXX Tsjr., 3, 9. Cette [oncLion n'a jamais existé et on n'en retrouve aucune trace dans d'autres documents. (6) ZOSIJ\IE, 1, 38: 'End M sca]. [JOI1TOVflOÇ ûex1)v èv Kektoù; aT.(!r.1TtWTWv iJ1su:ntl1T.GVflivo~ è ; TO veWT e(!{I1(ll :T.Qo'I1r.1h) .. , ; PI EHHE LE PATIll CE, fgt. 6: ùÀÀ' ùJloÀÀe,uÉvuç 'l'ri; Ènrl(!r-Ütç Twha; 1'no ooû TaXfJd; (Jtal1w!:,Stv, êaoso a : AURELHlS VICTOR, 3:i, 8 : Namquo primus omnium Postumus qui forte barbarls pel' Gallium praesidcbat. .. ; ZO:-:AHAS, X II, 24, I, p. 632 A: llOI1TOVflOÇ Of! elç rpvÂuxi}v TOV

son imprécision, cette deuxième tradition textuelle confirme que Postume, vers les années 257/8, exerçait un commandement sur les rives du Rhin, en Germanie, aux environs de Cologne, mais elle lui dénie tout caractère exceptionnel. Il est possible, croyons-nous, de préciser par la numismatique la province oit stationnait Postume et peut-être aussi son grade. Il y a quelques années, ce problème attira déjà l'attention de P. Le Gentilhomme CI). L'érudit français remarquait d'abord, parmi les nombreuses émissions du début du règne de l'usurpateur, un certain nombre de pièces figurant au revers l'image de Minerve; toutes sortent de l'atelier de Lyon, c'est-à-dire qu'elles furent émises au plus tard en 263/4 (10). Elles représentent la déesse cou­ rant à gauche, tenant une branche d'olivier, une lance et un bouclier; comme légende: MINERVAE FAVTHICI (11). Un sujet sem­ blable se retrouve dans le monnayage de Gallien pour commémorer la Iegio 1 Minervia, ainsi qu'en fait foi l'inscription: LEG 1 MIN VI (ou VII) P VI (ou VII) F; au revers, Minerve porte un trophée(l2). Il y a de fortes chances que les types à la Minerve de Postume se rapportent également à cette légion, d'autant plus qu'ils sont ex­

pliqués par cette singulière dédicace: {~ Minervae fautrici I}, à Mi­ nerve notre partisane! Nous avons de bonnes raisons de croire. avec P. Le Gentilhomme, que la legio 1 Minervia, cantonnée à Bonn en Germanie Inférieure, fut l'une des premières à se soulever en faveur de Postume ; sinon, pourquoi aurait-il. tout au début de son règne, émis des monnaies popularisant la divinité tutélaire de cette troupe? D'autres faits monétaires préciseraient encore mieux la position exacte de Postume. Toujours au début de son règne, il fit battre un très grand nombre de pièces à l'effigie d'Hercule Deusoniensis (13)

rov vtov; ZOSIi\Œ, I, 38. Il est probable que cette tradition s'Inspire large­ ment de Dexippe, logographe athénien qui vivait à l'époque de ces événements. (9) Le désastre cl'Alltun en 269, dans Revue des Éludes Anciennes, 1943, p. 233 sqq. (10) nic, v, 2, p. 357, 255 : PM TR P VII COS III PP; p. 360,285: CCAA COS lIII; 286: COL CL AGRIP COS 1111. (11) J. DE WITTE, Recherches sur les empereurs qui oni régné dans les Gaules au III" siècle, Paris, 1868, pl. XXI, 159, 160, 162. (12) RIC, V, 2, p. 93, 322-323. (13) ütc, v, 2, p. 338, 20-22 (aurei); p. 342, 64-66 (antonlniani) ; p. 345, 28 PAUL VAN GANSBEKE et n'hésita pas, le cas échéant, à s'identifier au robuste dieu (14). Hercule Deusoniensis était particulièrement honoré dans tout le Nord de la Gaule, surtout en Germanie Inférieure. « La proclama­ tion de Postume se trouve (donc) en relation étroite avec cette di­ vinité, ou, plutôt, avec les troupes de Germanie Inférieure chez qui ce culte était particulièrement en faveur) (15). Mais la legio 1 Minervia n'était pas la seule à défendre la province; quelle fut l'attitude de l'autre, la XXX Ulpia Victrix? Postume semble également y faire allusion dans son monnayage. D'après les pièces de son successeur Victorin, le symbole qui accompagne la glorification de la XXX Ulpia Victrix est le dieu , debout à gauche, regardant à gauche, tenant le sceptre et le foudre; à ses pieds gît un capricorne (16). Dans la série légionnaire de Gallien, le symbole de cette troupe est également un capricorne (17). Mais sur un autre type de cette même série, on a représenté Neptune debout à droite, tenant un trident et un dauphin (18). Il semble donc que les divinités protectrices de la legîo XXX Ulpia Victrix soient Jupiter et Neptune. Le monnayage de Posturne ne manque de représentations ni de l'un ni de l'autre dieu. Commençons par le maître de l'Olympe; à Lyon, on frappa des revers portant la légende IOVI PROPVGNA­ TORI, figurant le dieu marchant, tenant le foudre et l'aigle (19). De Cologne provient le type IOVI VICTOHI où l'on voit la divinité marchant à gauche en se retournant et tenant le foudre et le sceptre; dans le champ, on remarque sept étoiles; l'aigle est sur le sol, entre les jambes du dieu (20). Un autre type, de même revers, porte comme légende: VIRTVS AVGVSTI (21).

98-99 (denarli) ; p. 348, 130-134 (sestertti) ; p. 353, 200~202 (dupondii) ; p. 356, 247 (as), frappés à Lugdunum; p. 365, 343, denarius de Cologne. (14) RIC, V, 2, p. 358, 259-264. (15) P. LE GENTILHOMME, dans Revue iles Élue/es Anciennes, 1943, p. 236. (16) J. DE WITTE, op. cil., pl. XXVII, 44-46 (aurel). (17) RIC, V, 2, p. 97, 367. (18) RIC, V, p. 97, 368. Un certain nombre de pièces portant au revers soit l'îmage de Neptune, soit celle d'un navire serait une allusion aux victoires maritimes sur les Germains vers 260. Cf. notre article, Les invasions qerma­ niques en Gaule sous le règne de Postume (259-268) el le témoignage des monnaies, dans RBN, 98, 1952, p. 12 sq. (19) DE WITTE, op. cit., pl. VIII, 122·126. (20) iu«. 345. (21) tus., 346-347. POSTUME ET LÉLlEN 29

Les pièces de Neptune ne sont pas moins nombreuses. Tantôt elles représentent le dieu. debout à gauche posant le pied sur une proue et tenant un dauphin et un trident; la légende est: NEPTVNO COMITI (22). Les autres portent NEPTVNO REDVCI et décrivent le dieu debout à gauche tenant le dauphin et le trident, avec, par­ fois, à ses pieds, la prone d'un navire (23). Presque toutes sortent de l'atelier de Lyon. Étant données les légendes qui accom­ pagnent ces sujets: Jovi propugnatori, Jovi comiti, Jovi victori, Neptuno comiti (cf. Minervae fautrici), Neptune reduci, Virtus Augusti, il ne serait pas impossible que nous ayons affaire à des allusions à la révolte de 258 et à la legio XXX Ulpia Victrix, iden­ tifiée par ses divins protecteurs, Jupiter et Neptune. Notre présomption se renforce de l'examen d'autres monnaies. Il s'agit de celles portant comme devise: VIRTVS EXERCITVS ou VIRTVS M"ILITVM, représentant Hercule debout à droite, portant la massue et vêtu d'une peau de lion; il tient en main quatre pommes ou un arc (24). Incontestablement, il s'agit d'une nouvelle allusion à Hercule Deusoniensis et à la Germanie Inférieure. Dans la même catégorie, nous rangerons les monnaies représentant Hercule capturant une biche (25), également de Lyon, et, de Cologne, Hercule, vêtu de la peau d'un lion et s'appuyant sur la massue (26). D'autres types de Lyon, illustrés des mêmes légendes, représentent Jupiter marchant et regardant derrière lui, brandissant le foudre et lançant l'aigle (27) ; toutes commémoreraient également la legio XXX Ulpia Victrix. Et nous avons déjà mentionné cette monnaie à la légende VIRTVS AVGVSTI, montrant Minerve debout à gauche, tenant une branche d'olivier et une épée (28), allusion à la 1 Minervia. D'après ces groupes de monnaies, nous pourrions dé­ celer des allusions à la Germanie Inférieure et particulièrement aux deux légions qui la défendaient: l Minervia et XXX Ulpia Victrix. Notons encore ce point curieux qui ne se retrouve que sur des monnaies émises à Lyon, c'est-à-dire avant 263/4, au début du

(22) RIC, V, 2., p. 343, 76 ct p. 354, 214-217. (23) RIC, V, 2, p. 344, 92. (24) RIC, V, 2, p. 356, 241 ; p. 357, 253. (25) RIC, V, 2, p. 364, 233. (26) RIC, V, 2, p. 352, 178; p. 356, 237. (27) RIC, V, 2, p. 356, 238 (Lyon). (28) RIC, V, 2, p. 342, 59 ; p. 348, 124-128. 30 PAUL VAN GANSBEJ{E règne. Leur légende témoigne de la fidélité des soldats: FIDES MILI­ TVM; elles représentent Fides debout à gauche, tenant en main deux enseignes (29). D'autres encore, à la légende FIDES EXER­ CITVS, portent le même sujet au revers (ao) : encore une allusion à la révolte, mais en insistant sur le rôle important qu'y auraient pris deux légions; selon notre hypothèse, il 5'agirait des vexilla de la 1 Minervia et de la XXX Ulpia Victrix. Mentionnons une dernière pièce, un médaillon jadis conservé au Cabinet de Paris (31). Au revers, l'usurpateur harangue ses sol­ dats, debout sur un tribunal; deux de ses auditeurs dressent des vexilla; à l'exergue ce simple mot: ADLOCVTIO; au-dessus de l'inscription, on aperçoit un trophée de boucliers polygonaux qui, suivant A. Blanchet, seraient une des premières représentations des armes franques (32). Ce médaillon confirmerait la véracité de la tradition de Zonaras (33) contre celle de l'Histoire Auguste. Quant à l'adlocutio, il s'agit de la proclamation de l'empereur devant les troupes au moment de son accession au pouvoir ou encore de son ordre du jour avant ou après une bataille. {( Normalement, l'adlocutio se tient dans le camp et de telle manière que l'empereur s'adresse aux troupes du haut d'une tribune, en armes et tenant une liste ou une lance » (34). Les deux porte-drapeaux figurés sur la pièce ne représenteraient-ils pas les deux légions dont nous re­ trouvons les symboles sur les monnaies, la 1 Minervia et la XXX Ulpia Victrix? Et, soulignons-le, ce médaillon, d'après la légende du droit, ne peut avoir été frappé qu'à Lyon, c'est-à-dire encore au début du règne, entre 259 et 263/4. Les deux vexilla sont encore figurés sur d'autres pièces; mais c'est Fides qui les dresse cette fois (35), nouvelle allusion à la fidélité des troupes que commandait Postume au moment de sa révolte.

(29) RIC, V, 2, p. 353, 196-197. (30) XXX Tyr., 5, 8. (31) A. BLANCHET, dans Revue des Études Anciennes, 1912, p. 297. Ce médail- lon fut volé, avec d'autres pièces, peu avant 1914. Il n'est pas décrit dans RIC. (32) BLANCHET, u: (33) ZONARAS, XII, 24, J, p. 632 A. (34) CICHORlUS. dans PAULY-VhssOWA. R.E., s.o. adlocutio, l, 1, col. 375-6. (35) RIC, V, 2, p. 342,59 ; p. 346, 105 ; p. 347, 123-128 ; p. 353, 197; p. 356, 245. Au revers: FIDES MILITVM. Fides debout à gauche tendant deux en­ seignes (émis à Lyon). Une troisième légion sc serait jointe après coup à la rébellion: certaines monnaies de Lyon représentent Postume il cheval haran- POSTUME ET LÉLIEN 31

Nous sommes obligé de reconnaître que les monnaies concordent fort bien avec les données du deuxième groupe de sources que nous avions distingué au début de cet exposé. Sa validité en est ren­ forcée aux dépens de l'Histoire Auguste. Il est donc certain que Postume exerçait un commandement en Germanie. Il ne serait pas impossible qu'il Iùt même gouverneur d'une province, car les textes le désignent parfois comme praeses ou aexW1J ('6). Mais laquelle? Probablement la Germanie Inférieure; en effet, nous en retrouverions des allusions monétaires dès les premières années du règne. Le dieu qui paraît avoir connu la plus grande faveur fut, à cette époque, Hercule Deusoniensis, particu­ lièrement révéré en Germanie. Plusieurs autres monnaies, sorties également de l'atelier de Lyon, évoquent Minerve, déesse tuté­ laire de la legio 1 Minervia, comme la partisane de l'usurpateur. Neptune et Jupiter, protecteurs de la XXX Ulpia Victrix, se parent des qualificatifs cornes, redux, propugnator, victor. Et lorsqu'un médaillon ou des monnaies semblent commémorer la prise de pou­ voir, on y figure le plus souvent deux soldats portant des vexilla. Il est donc tout à fait vraisemblable que Postume ait exercé une charge en Germanie Inférieure et peut-être en fu t-il le leqalus Va /e­ riani Gallien ique .A uquslorutn pro praeiore. Il aurait été nommé à cette fonction soit à l'époque de l'association de Saloninus au pouvoir, vers 257, soit au moment du départ de Gallien pour l'Italie. au milieu de l'année 258.

Les textes sont encore plus discrets au sujet de C. Ulpius Cor­ nelius Laelianus qu'à celui de Post.ume ; à peine témoignent-ils de sa basse extraction et de son manque de noblesse (37). Quoique son règne ne fût guère long, il eut le temps de battre des monnaies. L'une d'elles retiendra particulièrement notre attention. Nous n'en connaissons que deux exemplaires, l'un découvert en Campine, près d'Anvers, l'autre à Bresle, dans le Nord de la France. Elle

guant trois soldais tenant chacun une enseigne (R le, v, 2, p. 346, 116) ; légende: EXERCITVS AVG S C. Sujet semblable: nic. v, 2, 117 et 192. Dans cc cas, aux deux légions précitées, il faudrait joindre l'une des deux légions de Germanie Supérieure. soit la V II Augusta, soit plus probablementTa XX II Primigcnla. cantonnée à Mayence. (36) P.e:: AURELIUS VICTOR, 33, S (prttesideblll); ZOSil\lE. I, 38 ; etc. (37) RBN, 1865, p. 210. 32 PAUL VAN GANSBEKE nous permettra peut-être de préciser le poste occupé par LéIien en 267. L'inscription du revers est VIRTVS MILITVM (38). Elle fait sans doute allusion à la fidélité des troupes qui appuyèrent le soulèvement, comme celles à la même légende frappées sous Postu­ me. Le motif représente une femme drapée de longs vêtements flottants, debout à gauche et tenant un vexillum sur lequel on peut lire le chiffre XXX. Comme le remarque fort justement M. Alfôldi, à qui nous empruntons ces renseignements, cette femme ne personni­ fie pas la Virtus rnilitum, mais la province de Germanie; et, ajoute l'érudit hongrois, il n'est pas rare, sur une monnaie, de voir la re­ présentation d'une province accompagnée du numéro de la légion chargée de la défendre. C'est le cas de la Dacie sur une monnaie de Gallien. Or, sur le vexillum de notre monnaie, nous lisons le chiffre XXX; il faut comprendre: legio XXX Ulpia Victrîx. C'est dans cette légion, vraisemblablement, que Lélien fut acclamé empereur. Si nous revenons aux textes relatifs à cette insurrection, il parvint à s'emparer de Mayence et de Cologne (39). Le camp de base de la XXX Ulpia Victrix était à Vetera (), Le fait que Lélien se soit emparé de Cologne et de Mayence laisse supposer que l'autre légion de Germanie Inférieure, la 1 Minervia, cantonnée à Bonn, fit cause commune avec les mutins. En Germanie Supérieure, seule la légion de Strasbourg, la VII Augusta, restait fidèle à Postume, tandis que celle de Mayence, la XXII Primigenia, passait à la muti­ nerie. Il y a donc de fortes chances que Lélien exerçât de hautes fonctions en Germanie Inférieure. Peut-être en était-il le gouver­ neur, le Postumi Augusti pro praetore. A dix ans d'intervalle, l'histoire se répétait. Le gouverneur de la Germanie Inférieure se révoltait contre l'autorité centrale. Mais, en 268, la sédition fut matée et Lélien périt devant Mayence. Quel­ ques jours plus tard, Postume, dont les débuts de carrière avaient été semblables, se laissait massacrer dans la ville reconquise qu'il ne voulait pas donner en pillage à ses soldats.

Bruxelles. Paul VAN GANSBEKE.

(38) A. ALFOLDI, Die Gertnania aIs Sinnbild der krieqerischen Tugend des rômischen Beeres, dans Germania, 1937, p. 99. (39) JEAN D'ANTIOCHE, FBG, IV, fgt. 9; AURELIUS VICTOR, 33, 8; EUTROPE, IX, 9; PAUL OROSE, VII, 22, 10.