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Téoros Revue de recherche en tourisme

Destination : Bas-Saint-Laurent Le déploiement de la villégiature à la confluence Saguenay – Saint-Laurent Serge Gagnon

Mers et littoraux Volume 20, Number 1, Spring 2001

URI: https://id.erudit.org/iderudit/1071908ar DOI: https://doi.org/10.7202/1071908ar

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Publisher(s) Université du Québec à Montréal

ISSN 0712-8657 (print) 1923-2705 (digital)

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Cite this article Gagnon, S. (2001). Destination : Bas-Saint-Laurent : le déploiement de la villégiature à la confluence Saguenay – Saint-Laurent. Téoros, 20(1), 28–33. https://doi.org/10.7202/1071908ar

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Destination : Bas-Saint-Laurent Le déploiement de la villégiature à la confluence Saguenay - Saint-Laurent

Serge Gagnon ans le sillage d’un mouvement de sa Mer. de Murray Bay. de Notre-Dame-du- lubrité urbaine, divers acteurs con­ Portage et de - que l’on dési­ Dvoitent les rivages du Saint-Laurent dèsg lnee globalement du nom de Lower St. Cet article se propose de relativi­ début du XIX' siècle. Une lutte s’engage Lawrence dans les guides touristiques du entre eux, la partie se jouant sur le terrain ser C interprétation classique de la XIXe siècle incarnent la saisie de la de T appropriation territoriale des positions « nature » comme valeur attractive. Les transformation géohistorique et de bas-laurentiennes. Dans cette optique, l’ac­ littoraux et les massifs montagneux sont l'organisation touristique de la tivité économique du tourisme est venue ainsi mis en valeur par les croisières sur confluence Saguenay-Saint-Lau­ rentabiliser une occupation ayant présup­ les fameux « bateaux blancs » (Normand. rent1 . // s'agit de montrer que le posé l’appropriation géopolitique d’un es­ 1997 ; Tittley, 1995 ; Lessard, 1993), déploiement d'une villégiature pace qui était déjà investi de valeurs cultu­ somptuaire dans cette région, au relles liées au courant romantique qui, à l’é­ Kamouraska : le lieu de poque. déferlait sur l’Amérique du Nord. cours du XIX' siècle, représente rendez-vous de l'élite canadienne-française l'accomplissement de programmes Le phénomène touristique, plus précisément d'appropriation. Des motivations la villégiature au Québec, est apparu à la Déjà lors de sa tournée d'inspection en autres que socio-économiques ont Lin du XVIIIe siècle, principalement dans 1X13, Joseph Bouchette identifie Kamou­ contribué à la mise en place de cette la région du Bas-Saint-Laurent ( Beaudet et raska comme étant un centre de villégia­ aire touristique, ainsi qu'à sa va­ Lamothe, 1996 ; Blanchard. 1960 ; Brière. ture. 1967 ; Dubé, 1986 ; Gagnon, F., 1992 ; lorisation. Gagnon, S., 1996 ; St-Amour. 1979 ; Sam- Le village de Kamouraska se trouve son, M.. 1987 et 1988 ; Stafford et Samson. dans un site enchanteur, près du 1986), Les stations touristiques du Bas- chemin principal [.../. On y voit des Sainl-Laurenl. autour de 1850, étaient très familles tout à fait respectables, ainsi populaires ; en effet. Roger Brière (cité par que quelques gros marchands et des F. Gagnon, 1992 : 102) dit de la région artisans ; un ou deux hôtels y don­ qu’elle est « |.,.]‘la’ zone touristique par nent un bon service aux voyageurs. excellence de F Est de F Amérique du Nord Durant l'été, de nombreux touristes britannique ». Selon une étude exhaustive y séjournent pour refaire leur santé, de France Gagnon sur le développement du l'endroit ayant la réputation d'être tourisme au XIXe siècle versus les moyens un des plus sains de la province. de transport (route, vapeur et chemin de fer). C'est aussi une place d'eau où beau­ « Cette région [le Bas-Saint-Laurent| exis­ coup de gens viennent prendre des tait en tant que territoire touristique, dotée bains de mer. Le mu noir, résidence de stations en puissance et d’une clientèle de M. Taché, se trouve en un endroit réelle et potentielle certaines ; la naviga­ de choix, près du fleuve, à une courte tion à vapeur est venue stimuler considé­ distance du village (Paradis. 1948 : rablement un développement déjà amorcé » 168). (idem : 104). Roger Brière désigne Kamouraska comme Les nombreuses stations de villégiature de le lieu de rencontre de l’élite canadienne- Cacouna, de Kamouraska, de Métis-sur- française.

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«. aristocratique » s’y réunit pour discuter de politique et de stratégie. En ce début de siècle, cette élite sent cependant venir le vent de la bourgeoisie et doit trouver de nouveaux défis pour mobiliser la popula­ tion canadienne-françaisc. Jean-Pierre Saint Amour note, à l’égard de la clien­ tèle qui fréquente la station, que « La vallée du Saint-Laurent a connu scs premiers établissements de séjour estival avec l’émergence d’une haute société et d’une élite. Ce fut d'abord à Kamouraska que se rencontrèrent les familles aisées canadien­ nes-françaises du début du dix-neuvième siècle. Il semble que ce fut un des seuls centres fréquentes parles francophones » La Mal baie, le village vers 1900- ( 1979 : 19). De son côté. Brière rapporte Photo : ANQ. les propos d’Arthur Buies et de James MacPhcrson Le Moine, grands chroni­ Le premier séjour d'été auquel se 1827. En 1849, la localité est deve­ queurs et voyageurs de la fin du XIXe donnèrent rendez-vous les familles nue un chef-lieu régional en ac­ siècle. canadiennes-françaises jouissant de cueillant une cour supérieure de quelque'fortune, fut Kamouraska. G' justice (Larocque, 1993 : 52), On s’y rend de Montréal et de Québec bien village e.si le seul rrnt/e^-van.v esfrva? avant que des places d’eau comme Pointe­ dont nous ayons trouvé mention Plusieurs auteurs dépeignent la région ; par au-Pic et Cacou na ne soient connues. Buies avant / âge ^es bateaux à vapeur et exemple, Alexandre Paradis décrit ainsi peut ainsi dire que « les autres endroits ne du chemin de fer [..J. Nulle part ce­ l’aménagement du secteur près du fleuve : comptaient pas » et que le manoir des pendant, les villégiateurs n 'étaient « Tout près de là habite le seigneur, là sont seigneurs Taché « avait reçu pendant un en nombre suffisant pour gu 'on pût les magasins, les hôtels, les quais, les quart de siècle tout ce que le pays renfer­ parler de station de villégiature au hommes de profession et les touristes » mait d’hommes éminents dans la vie pu­ sens actuel. Kamouraska semble (.1948 : 180 ; et Martin, J., 1998). Paul- blique ou distingués par la naissance et la avoir été Fa seule exception, dès fe Louis Martin, pour sa part, décrit le site position ». Pour MacPhcrson Le Moine, premières années du siècle. Ce v/7- de villégiature : « [le front] de mer acci­ « before the area of steamers, in fact even Za^e /u/ en effet le premier du Québec denté et les terrasses rocheuses vont alors as late as 1850, Kamouraska was the à recevoir des citadins en vacances. se peupler de villas, d’hôtels et de résiden­ Brighton of Lower Canada » ( 1967 : 88). Sa célébrité datait de I'époque des ces d’été à l’architecture très caractérisée » seigneurs Taché et des fêtes resplen­ (1996 : 2). Philippe Dubéfait la description Contrôlé par les acteurs canadiens-fran­ dissantes qu 'il y donnai? ( 1967 :86- des équipements typiques d’une station de çais, le si Le de villégiature de Kamouraska 88). bain de mer à l’époque : « Au XIXe siècle, semble avoir été l'endroit où Ton a éta­ les stations de bain de mer doivent obli­ bli le plan de l’appropriation du Saguenay Au début du XIXe siècle, Kamouraska gatoirement comprendre une ou plusieurs aux fins de la colonisation. Il est tentant possède tous les attributs d’une station de auberges, des villas à louer, une église de faire le parallèle entre un Kamouraska, villégiature. LJn mouvement d’évasion, du catholique, un temple protestant, un grand première station touristique fréquentée par centre du village d’origine vers la périphé­ hôtel et une vue sur la mer » (1983 : 220). l’élite aristocratique canadien ne-française, rie en bordure du fleuve, permet d’y or­ et un autre Kamouraska. site stratégique ganiser les premières activités de loisir. Kamouraska est donc la première authen­ des tentatives de conquête du territoire tique station touristique du Canada. Au saguenayen ou j cannois. Le fait que la Ce déplacement géographique f... / début du XIX‘ siècle, le seigneur du lieu, notoriété de cet endroit fashionable ait semble avoir eu des effets bénéfi­ Pascal Taché, qui avait siégé pendant deux périclité, à partir de 1870, signifierait alors ques. Le village a pris de l'ampleur ans à la Chambre d’Assemblée du Bas- que les acteurs aristocrates ont perdu la et, selon Joseph Bouchette, arpen­ Canada (1798-1800), se préoccupe parti­ bataille du Saguenay au profit des acteurs teur-général, était devenu en 1813 culièrement de sa seigneurie où il accueille bourgeois (Gagnon. S,, 1996 : 79-103). un lieu de villégiature recherché. l'élite du temps (Laberge, 1993 : 162). Kamouraska a vu sa population cul­ L'endroit est surtout fréquenté par les Brière décrit ainsi l’abandon de Kamou­ miner à près de 6 000 habitants en Canadiens français de haut rang- L’élite raska : « Malgré la concurrence des sta-

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lions où se déploya la mode anglaise à Bigsby réalise un grand nombre de gravu­ que Ton doit, somme toute, porter haut » partir de 1850-1860., Kamouraska ne pé­ res. publiées dans un ouvrage paru à (1996 : 6-7). Dans cette optique, l’absence riclita que très lentement De nouvelles Londres (1850) et d’autres, comme d’une liaison ferroviaire ci routière pourrait stations devaient acquérir une renommée Livernois, W, Nottnann et fils, Clarence avoir été davantage voulue que subie. dans la seconde moitié du XIXe siècle, en Gagnon et Alexander Young Jackson, L’isolement relatif de la sous-région de particulier Pointe-au-Pîc, Cacouna et perpétueront cette tradition (Des Gagniers, Murray Bay (Pointe-aii-Pic) aurait parti­ Métis » ( 1967 : 88), Dans le même ordre 1994 ; Vczina, 1977 ; Villeneuve, 1996 et cipé d’une mise en réserve d’un territoire d’idées. Paradis note que la popularité de 1999). à valoriser, stimulant ainsi le désir d’une Kamouraska diminue à partir des années clientèle ayant les moyens d’être périodi­ 1850-1860. Un massif de villégiatuie/rLv/n7jnü6/e est quement oisive (Gagnon, S., 1996 et 1998). mis en place à Murray Bay (Pointe-au-Pic) Il ne faut pas oublier les touristes attirés en 1853 (Gagnon. S., 1996 cl 1998), La Le cas de est exceptionnel, dans à Kamouraska par ses paysages sereins, colonisation du Saguenay en est la condi­ la mesure où il a confronte les acteurs son climat salubre, son atmosphère saline, tion d’appropriation et de valorisation aristocratiques et bourgeois d’emblée ses bains de mer. Déjà en 1813, note bourgeoises. L’aristocratie seigneuriale animés par une quête des mêmes valeurs. Bûuchctte, iis viennent nombreux y passer occupe déjà la position convoitée par Fac­ Il pourrait cependant ne pas avoir été la belle saison. Jusque vers 1855, c’est teur bourgeois ei clic contrôle la mobilité unique. A cet égard, le Bas-Saint-Laurent pratiquement l’unique plage à la mode. des populations locales ; l’espace ciblé par a été une zone de rivalité entre des acteurs « Aller à l’eau salée, écrit B nies, veut dire la bourgeoisie n'est donc pas immédiate­ différents, relevant de la bourgeoisie ca­ aller à Kamouraska ». Les familles les plus ment disponible. nadienne. à Taise et les plus distinguées de Québec et d’ailleurs s’y rencontrent. Selon Buies, En organisant la colonisation du Sague­ vers 1873 des enthousiastes projettent de nay, la bourgeoisie parvient ainsi à saper Le Bas-Saint-Laurent : construire un hôtel sur Tune des îles en lace le pouvoir de Facteur seigneurial. Elle au cœur d'une et d’y aménager un quai pour permettre au dévalue temporal renie ni les positions « rivalité » de « rivages » « steaniboat » de faire descendre les convoitées sur le littoral, en offrant une À partir du milieu du XIXe siècle, d’autres villégiateurs. Mais après 1860, avec la avenue de remplacement aux censitaires acteurs sociaux importants entrent en construction de F Intercolonial jusqu’au dont la mobilité était jusque-là contrôlée scène. Ce sont les compagnies de naviga­ Bic et rétablissement d’une ligne mari­ par le pouvoir d’Ancien Régime et ce. tion et de chemin de fer (De Blois-Martin. time qui se rend à la Malbaie, Saint-Ire­ grâce au verrouillage de F arrière-pays du 1997). Deux d’entre elles, lu Compagnie née et Tadoussac, Kamouraska subit une Saguenay décrété à Londres. du Richelieu (R & O) et la St. Lawrence forte concurrence et voit un grand nom­ Steamboal Navigation Cie de la famille bre de ses touristes déserter vers les nou­ La dévalorisation des fiels littoraux facilite Molson (SLSC), se livrent une bataille pour veaux centres 11948 : 185). la formation d’une réserve bourgeoise. le contrôle des positions de la région Lowcr L’investissement de valeurs romantiques St. Lawrence. Rappelons que, dans les Bref, au cours de la première moitié du dans ces domaines devenus disponibles guides touristiques au XIX* siècle, les XIX-' siècle, Kamouraska est un rendez- dé termine une revalorisation foncière, régions de Charlevoix et du Bas-Saint- vous estival de F aristocratie canadienne- laquelle stimule F édification des formes Laurent font partie de l’ensemble touris­ française, aristocratie qui fléchit devant architecturales qui mettent le site en va­ tique ainsi nommé. Ce domaine comprend l’émergence de la nouvelle bourgeoisie leur. En effet, une étude menée par Ray­ aussi le Bas-Saguenay cl la Côte-du-Sud canadienne. mond Malo au début des années 1980, (Tadoussac, Pointe-au-Pic. Cacouna, montre que « les manoirs de villégiature Notre-Dame-du-Portage). C’est le vapeur Le front romantique de Pointe-au-Pic ont évacué des aires Accommodation > propriété de John Mol de Charlevoix : l'émergence agricoles au tournant de ce siècle» et que son, qui fait le premier voyage Montréal- de la bourgeoisie canadienne la spéculation foncière y a sévi dès la Québec en 1809. Dès 1830, le vapeur Au Québec, les artistes ont contribué à seconde moitié du XIX- siècle [...] dans un W/a/cr/w* offre occasionnellement des dé­ diffuser les valeurs associées à certaines coin alors perdu, non relié aux villes, ni parts pour La Malbaie à partir de Québec. formes sensibles de la vallée laurcntienne par la route, ni par chemin de fer » (Ritchot. ci des massifs qui l’enserrent. L’exemple 1981 : 57). Bientôt, deux secteurs situés de part et de Charlevoix est remarquable à cet égard d’autre du grand fleuve rivalisent de po­ (Gagnon, S.» 1998 et 1996 ; Dubé, 1983, Selon Dubé, cela signifie que Charlevoix pularité, ceux de Charlevoix et du Bas- 1985» 1986 et 1995) ; George Heriot.de constituerait « un pôle majeur de défini­ Saint Laurent Les deux grandes ré­ passage à Murray Bay à la toute fin du tion figurative du Canada où le territoire gions de villégiature, dont Rivière-du- XVIIF siècle, en est d’ailleurs un précur­ se travestii volontiers, pour les besoins de Loup et La Malbaie sont en quelque sorte seur. Au milieu du XIXe siècle. John J. la cause, en un emblème national signifiant les charnières, accueillent une clientèle fort

30 bas Piiiiemps 11 Merset itEoiaux F distinguée | ...|. Mais les villages de la rive vre de notre histoire des transports. entreprises intéressées au développement nord ne cèdent rien à leurs rivaux d’en face Au-delà des oppositions apparentes, de ces deux modes de transports. Les (Prévost, 2000:31 et 35). le problème des relations entre les acteurs auraient rivalisé pour s’approprier deux modes de transports devra un les positions convoitées de la région du Un témoin privilégie' de l’époque, James jour, croyons-nous, être également Bas-Saint-Laurent, et non pas pour favori­ MacPherson Le Moine, met en garde la posé du point de vue de la complé­ ser un moyen de transport aux dépens d'un population de Cacouna contre la menace mentarité. autre. de la rive nord : Normand, à qui l'on doit le passage pré­ Voyons maintenant comment la séquence Bons habitants, voulez-vous m'en cédent (1997 : 135). a probablement rai­ des événements rend compte de la rivalité, croire : * Ne tuez pas lu poule qui son. En effet, le jumelage train-vapeur est non pas entre moyens de transport, mais vous pond les œufs d’or »/.../. très populaire dans la région du Bas-Saint- entre acteurs. Dès 1853. au même moment Veillez à ce qu’on lui laisse au moins Laurent, ailleurs aussi : dans les Cantons- où le gouvernement de Londres construit les grosses plumes Iles Mois ont ; de-PEst. « La navigation à vapeur com­ un quai sur pilotis à Pointe-au-Pic (Dubé, autrement, elle s'envolera dans plète le rail tant pour le transport que pour 1986), la compétition se fait sentir sur la K Intercolonial, à Matane, à Gaspé la croisière » (Auger. 1993 : 60). liaison Montréal-Québec : « Les compé­ même, ou par les steamers, à titeurs se multiplient. Molson trouve des Tadoussac, à la Mal baie. N'en vou­ En 1860, le Grand Tronc atteint compétiteurs particulièrement entrepre­ lez pas à un vrai ami. qui a le cou­ Rivière-du-Loup, offrant aux touris­ nants dans la Torrance Line de David rage de vous dire la vérité : il faut tes la possibilité de réduire le temps Torrance [...] mais également dans la tant de courage, ces années-ci. pour de transport entre Montréal et Compagnie du Richelieu » (Titllcy, 1995 : le dire (1872: 331). Québec et les stations du Bas-Saint- 12). La Torrance Line sera absorbée par­ Laurent et du Saguenay ; plusieurs la R & O en 1857, S’agit-il d’une rivalité entre les promoteurs optent en effet pour un trajet jume­ de la navigation à vapeur et ceux du chemin lant le train et le vapeur, rejoignant En 1874. la grande bourgeoisie commence de fer ? Certains commentateurs le pensent. seulement à Rivière-du-Loup les à fusionner les compagnies de navigation. vapeurs sur lesquels ils accomplis­ Le rêve de contrôler la circulation mari­ U y a lieu de s’interroger, après le sent le reste du trajet vers La time sur le Saint-Laurent pointe à l’hori­ deuxième boom ferroviaire des an­ Malbaie, Tadoussac ou le Saguenay. zon. Dans un premier temps, on assiste à nées 1870, sur le sort qui est main­ Par ces progrès dans les communi­ la naissance de la Richelieu and Ontario tenant réservé à la navigation à cations. la région, déjà éveillée à la Navigation Company (R & O) qui permet vapeur dans la faveur des touristes. vie touristique, reçoit un puissant d’offrir des croisières du Niagara jusqu’à Sur les grands ci nuit s que la navi­ stimulant (Gagnon, F., 1992 : 121). Québec. Dans un article récent, Luc Tittley gation à vapeur avait jadis rendu décrit l'ascension rapide de cette compa­ possibles, il y a maintenant des Alors, comment expliquer l'affrontement gnie de navigation qui débute autour de liaisons ferroviaires [...J. C'est réel entre les deux entreprises de naviga­ 186Ü : probablement à cause de cette con­ tion R & O et SLSC ? Comme le soutient currence croissante du train, ajoutée Normand, il existe une complémentarité Le mouvement de consolidation à celle que lui livre une autre compa­ entre le rail et l’eau. I -a rivalité concernerait devait se poursuivre avec des enten­ gnie de navigation (la « Union Li­ plutôt les acteurs qui contrôlaient les tes de partage de marchés avec la ne ») /St. Lawrence S team Naviga­ tion Company de la famille Mo ison/, que la Compagnie du Richelieu ins­ taure, dès le début des années 1870, un trajet de jour entre Montréal et Québec (Gagnon, F.. 1992 : 131).

D'autres commentateurs, en revanche, doutent des répercussions de la compéti­ tion entre les moyens de transport par eau et par rail.

Présumée plus que démontrée, la question de la rivalité rail-eau de­ meure pour tout dire un parent pan- Canadian Steam Navigation Com­ d’autres (Saguenay, Clyde et St. Lawrence) hôteliers que leurs navires de croisière, les pany de Sir Hugh Allan qui desser­ pour faire l'excursion » (Dubé, 1986 : 72). « bateaux blancs », fourniront en clients, rait le Saint-Laurent en amont de ce qui fait dire a Claude Bergeron que : Montréal et te /etc Ontario. Cefîe en- Le prestige qui auréole te tour du Sa* « Ce sont les compagnies de transport qui» t reprise devait éventuellement s'in­ guenqv ne fait qu 'augmenter et. avec pour mieux exploiter leur équipement et tégrera la Compagnie du Richelieu lui, celui des stations jteejr entre multiplier leurs profits, ont construit les en 1874 et donner naissance à la Québec et Chicouîimi. Sous la pré­ grands hôtels de villégiature, comme au Richelieu and Ontario Navigation sidence d'Abraham Joseph. de Qué­ Canada te Canadien Pacifique et la Riche­ Company (Tittley, 1995 : 12). bec, te St, Lawrence Stcam Naviga­ lieu and Ontario Navigation Company, tion Company remplace la Compa­ devenue par la suite la Canada Steamship De son côté, la SLSC acquiert en 1875 la gnie des Remorqueurs du Saint- Lînes » (1989 : 62). La stratégie de la and Trois-Pistoles Steamboat Co., Laurent et offre un service de pre­ R & O est très claire. laquelle assurait le service sur le Sague- mière classe à une clientèle de visi­ nay avec le vapeur dénommé Sagaenay. teurs [..J (Idem : 76), Naturellement, pareille affluence ne Comme la R & O ne dessert pas cette route peut laisser indifférentes les compa­ et s’arrête à Québec. « Les passagers de A la fin du XIXe siècle» les compagnies de gnies de transport. Comme on l'a va» la Compagnie du Richelieu doivent, à cet navigation développent une stratégie qui eex (terteè rev y trouvent Coccarion égard, s’embarquer sur [l'Union] et vise l’appropriation des etablissements d'élargir ta gamme de leurs servi­ ces : elles ouvrent des hôtels là précisément où leurs vapeurs font FIGURE 2 escale, soit à Tadottssae et à La i tws-lourenfien (1330-1386) - __ Mdfbuit', C’est ainsi la Riche­ lieu and Ontario Navigation Com­ 18341 pany prend possession de tout le

>__■•'CJtiT. « ü mi _ terrain qui domine le quai de Pointe­ au-Pic, sur le haut de la falaise, où

r se trouvait justement la Chamard's M irray Ray q. Lomé Hou se

i' ' fi 1 ' iÿn'J111 ’ 'p Conclusion Grâce à L acquisition des lignes du Sague- Ûudtaft nay en 18X6, la R & O contrôle, au tour­ nant du XIXe siècle, la navigation de plai­ sance, des Grands Lacs jusqu’à l’Atlan­ tique, en passant par le Saguenay. La croi­ sière étant partie intégrante de l'évasion, ■'Rivière du lu>«p la réalisation concrète de l'itinéraire aurait Mrantf Liay. : KliLèrE-dlKbMJp Qnwnicr- Eintai en quelque sorte constitué le Saint-La ti­ rent lui-même en « attracteur » et ce, rlUvièreAulIt iirar-.T-KT ■ Eh Jj depuis les Grands Lacs jusqu'à des Ha! Ha! (Richelieu & Ontario Navigation Co., 1896 : Canada Stcamship Line Co., 1945). En 1894,

L'emprise de la R O eonf/nna de

Cünn»»nw4 de narâBiinn s'affirmer sous te présidence (te plus puissant homme d'affaires canadien- > InHirakxûïl lï-qiitii U fa^it UwivftDLju Grand Tn.'Pc fconçois de l'époque, Louis-Joseph *1 Mf. —R &. Ü kiï|ufi< iL-k-àvili XïM t«S ■■.vtMCfrcb iVwjü-ffw’frj Sf«gM€Jwiy SumuxMulcn iît rj«çï(rk' -jjr k Sisiraiy iiuiri Forgef. Celui-ci accorda une place Tn.inç cd fi ni iïJ

QmiMpiii^ r..Tn >■■■;.! ire < plus importante aux services aux passagers sur l'ensemble du réseau et notamment aux croisières sur le Saint-Laurent. En 1898, il fait agran­ Sûûtàëâ : Dubè, I98ô : Gagnon. F 1992 . Tillhy, 1995. Normand. 1997, Prà^l, 2PPQ. dir te vieil Hôtel Tadoussac et, i 'an-

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