Genèse De L'algérie Algérienne
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Genèse de l’Algérie algérienne © EDIF 2000, pour la publication en langue française en Algérie, 2010. ISB N : 978-9961-9662-7-3 Dépôt léga l : 16818-2010 ISB N: 2-912946-68-9 © EDITIONS BOUCHENE , Paris, 2005. CHARLES -R OBERT AGERON Genèse de l’Algérie algérienne Ouvrage publié avec le concours du Centre National du Livre et de l’Ambassade de France à Alger EDIF 2000 Sommaire Présentation Premières négociations franco-algériennes 11 Un mythe politique françai s: Abd El-Kader, souverain d’un «royaume arabe» d’Orient 41 L’Algérie algérienne sous Napoléon III 55 L’émigration des Musulmans algériens et l’exode de Tlemcen (1830-1911) 71 Les troubles insurrectionnels du Sud-Constantinois nov. 1916-janv. 1917 89 Le mouvement Jeune-Algérien de 1900 à 1923 107 L’émir Khaled, petit-fils d’Abd el-Kader, fut-il le premier nationaliste algérie n? 131 La pétition de l’Émir Khaled au Président Wilson (mai 1919) 165 Le premier vote de l’Algérie musulman e: les élections du Collège musulman algérien en 1919-1920 179 L’Association des Etudiants Musulmans Nord-Africains en France durant l’entre-deux-guerres. Contribution à l’étude des nationalismes maghrébins 193 Une émeute antijuive à Constantine (août 1934) 227 Les mouvements nationalistes dans le Maghreb pendant la Seconde Guerre mondiale 245 Ferhat Abbas et l’évolution politique de l’Algérie musulmane pendant la Seconde Guerre mondiale 259 Les populations du Maghreb face à la propagande allemande 285 Regards sur la presse politique musulmane dans l’Algérie «française» 325 Communisme et nationalisme 355 Les classes moyennes dans l’Algérie colonial e: origines, formation et évaluation quantitative 369 Émigration et politiqu e: L’Étoile Nord-Africaine et le Parti du Peuple Algérien 389 8 CHARLES -ROBERT AGERON L’immigration maghrébine en France. Un survol historique 411 Le Parti Communiste Algérien de 1939 à 1943 425 Ferhat Abbas 441 Un manuscrit inédit de Ferhat Abba s: Mon testament politique 447 Les troubles du Nord-Constantinois en mai 1945: une tentative insurrectionnelle? 467 Vers un syndicalisme national en Algérie (1946-1956) 487 Aux origines de la Toussaint 1954 501 Les guerres d’Indochine et d’Algérie au miroir de la «guerre révolutionnaire» 517 L’insurrection du 20 août 1955 dans le Nord-Constantinois. De la résistance armée à la guerre du peuple 535 La «guerre psychologique» de l’Armée de libération nationale algérienne 555 Un aspect de la guerre d’Algérie: la propagande radiophonique du FLN et des États Arabes 577 Une troisième force combattante pendant la guerre d’Algéri e: l’armée nationale du peuple algérien et son chef le «général Bellounis» (mai 1957-juillet 1958) 589 Les supplétifs algériens dans l’armée française pendant la guerre d’Algérie 601 Complots et purges dans l’Armée de libération algérienne (1958-1961) 625 Un versant de la guerre d’Algéri e: la bataille des frontières (1956-1962) 641 Les pertes humaines de la guerre d’Algérie 655 Le drame des Harkis en 1962 663 Les Accords d’Evian (1962) 669 Présentation L’œuvre d’un historien se donne dans une succession d’ouvrages, chacun approfondissant un objet de son espace de recherche. Les travaux de Charles- Robert Ageron sont, à cet égard, exemplaires par leur importance et leur sérieux. Mais à côté de l’œuvre proprement dite, l’itinéraire de l’auteur est jalonné de productions liées à telle circonstance particulière ou à telle demande. On pourrait penser qu’il s’agit-là de textes relevant du journalisme d’idées renvoyant à sa qualité d’historien et à sa signature. Ce serait un jugement expéditif. Charles-Robert Ageron n’est pas un simple chercheur de cabinet. Engagé dans son siècle, ouvert aux problèmes de son époque, il s’est montré attentif aux débats sur les rapports entre le passé et le présent de l’Algérie. À sa manière, et en historien, il participe à la vie intellectuelle dans tous ses aspects. Ce volume porte sur l’évolution de l’Algérie et sur les mutations qu’elle a connues dans le cadre de la colonisation française. Il réunit des textes déjà publiés, représentatifs de l’actualité politique et de l’état de l’information au moment de leur rédaction. Leur élaboration, après une lente maturation, s’est appuyée sur des sources diverses (publications des organisations politiques et syndicales, écrits de dirigeants politiques, témoignages, etc.). Mais pour l’essentiel, ces textes restent fondés sur les archives publiques. Les réponses que Charles-Robert Ageron apporte aux problèmes de méthode nous semblent pertinentes pour les pays où l’état des connaissances balbutie encore. Dans ces conditions, entreprendre une histoire évenementielle qui établit les faits sur des bases solides tout en les ordonnant sur une chronologie sûre permet d’alimenter avantageusement la réflexion historique, de concourir à l’intelligibilité des faits et de tirer tout le parti possible d’une problématique. On apprécie aussi une méthode aux fruits qu’elle donne. Nous sommes dans ce volume en présence d’une histoire critique qui met à nu les légendes pieuses. Dans la démarche de Charles-Robert Ageron l’éthique joue un rôle majeur comme il l’a souligné lui-mêm e: « S’agissant des drames récents dont la mémoire risque d’être transmise déformée aux jeunes générations qui n’ont connu ni l’Algérie de papa ni l’Algérie des colonialistes , les historiens ont le devoir d’être plus prudents encore que leur métier l’exige habituellement. Si l’objectivité est philosophiquement impossible, l’impartialité est une vertu que tout historien peut 10 CHARLES -ROBERT AGERON et doit s’imposer. Et les enfants de France comme les enfants d’Algérie ont un droit semblable à la vérité de l’histoire ». Puisse cette profession de foi rencontrer un écho chez les acteurs politiques des deux côtés de la Méditerranée et aider les historiens à intégrer à l’apport de Charles-Robert Ageron les révélations de l’histoire récente. MOHAMMED HARBI Premières négociations franco-algériennes Deux ans après les accords d’Évian, Français et Algériens trouveront peut-être intérêt à connaître les premières négociations franco-algériennes – si l’on peut appeler ainsi les discussions menées de 1834 à 1839 entre la France et le nouvel État arabe que fondait Abd el-Kader – et les conventions qui en furent l’objet. L’histoire des rapports des représentants français avec l’Émir Abd el- Kader a été longtemps présentée au public de langue française dans une perspective coloniale. Il s’agissait de ménager l’amour-propre des colonisateurs en dénonçant la «duplicité» de l’Émir: mieux valait aussi ne pas trop révéler aux «indigènes» ce qu’avaient été ces négociations et ces traités où la naïveté et la mauvaise foi de nos agents se mêlaient d’une inextricable manière. L’heure est arrivée où l’historien peut et doit reprendre honnêtement le dossier de ces traités aussi célèbres que mal connus: le traité Desmichels et le traité de la Tafna. Précisons qu’il ne s’agit pas ici d’«histoire engagée» dite «anticolonialiste». Nous essaierons, à partir des textes, en nous aidant de divers travaux scientifiques antérieurs, mais aussi en révélant quelques documents originaux, dont certains inédits, d’établir la réalité des faits et leur enchaînement. Notre propos n’est pas polémique: nous ne cherchons ni à convaincre le lecteur non spécialiste ni à juger les hommes du passé; nous voulons seulement – la chose n’est pas si simple – comprendre l’histoire franco-algérienne et l’exposer dans une optique scientifique. Réserve faite de ce que «la modalité des jugements historiques est la possibilité» (Raymond Aron). La négociation du traité Desmichels En 1834, l’occupation française se bornait aux environs immédiats des villes d’Oran, d’Alger, de Bône et de Bougie. À cette date, l’intention des gouvernements français était en effet d’éviter les opérations de conquête et de passer des traités avec les chefs musulmans voisins. C’est pourquoi, rompant avec la politique du général Boyer, son prédécesseur à Oran – politique que le surnom de «Pierre le Cruel» suffit à faire imaginer –, le général Desmichels, qui avait d’ailleurs mesuré personnellement la vanité des expéditions en coups de poing, inaugurait en 1834 une politique d’entente avec Abd el-Kader. Sans doute avait-il déjà traité, le 19 août 1833, avec l’une des tribus du makhzen, c’est-à-dire de * Article initialement paru dans Preuves, 1964. 12 CHARLES-ROBERT AGERON l’ancien gouvernement turc. Mais pour le général Desmichels, hostile au système turc, Abd el-Kader, qu’on avait voulu proclamer dès 1832 sultan des Arabes, était, disait-il, «le seul homme sur lequel je puisse jeter les yeux pour accomplir mon plan de pacification. Son esprit élevé, son énergie, la grande influence qu’il exerçait sur les Arabes par sa naissance, par le respect dont il était entouré en sa qualité de marabout et par la vénération attachée au nom de son père, tout en lui répondait à mes desseins». De son côté, le jeune émir, bien qu’appuyé sur une confrérie religieuse, les Qadirîya, et qu’ayant proclamé le jihâd contre les envahisseurs chrétiens, n’était pas défavorable à un arrangement avec le général qui tenait Oran, Arzew et Mostaganem. Ses adversaires étaient de plus fort nombreux en Oranie même, et il avait intérêt à se poser auprès des Français comme le seul interlocuteur valable. Aux ouvertures de plus en plus précises du général Desmichels présentées en trois lettres successives, Abd el-Kader répondit finalement par une acceptation donnée le 20 janvier 1834. Elle était formulée avec hauteur: si sa religion lui interdisait de demander la paix à un chrétien, du moins pouvait-il l’accepter.