Fonds Jean Longuet (1865-1995)
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Fonds Jean Longuet (1865-1995) Répertoire numérique détaillé de la sous-série 671 AP (671AP/1-671AP/52) par Odile JURBERT, Caroline PIKETTY et Victoire PINCHON, avec la collaboration de Christian OPPETIT et d'Isabelle ARISTIDE-HASTIR 1ère édition électronique à partir de l'instrument de recherche imprimé, plus détaillé : Fonds Jean Longuet. Répertoire numérique détaillé de la sous-série 671 AP, par Odile Jurbert,Archives Caroline nationales Piketty (France) et Victoire Pinchon...., Paris, ArchviesPierrefitte-sur-Seine nationales, 2013. 2013 1 https://www.siv.archives-nationales.culture.gouv.fr/siv/IR/FRAN_IR_056654 Cet instrument de recherche a été rédigé dans le système d'information archivistique des Archives nationales. Ce document est écrit en françaisanglais. Conforme à la norme ISAD(G) et aux règles d'application de la DTD EAD (version 2002) aux Archives nationales. 2 Archives nationales (France) Préface C’est dans une grande bibliothèque noire, qui avait d’abord été celle de Paul Lafargue et dont Jean Longuet a hérité, que reposait la plus grande partie de ces archives qui entrent à présent dans la mémoire nationale. Notre père, Karl-Jean, son second fils, puis notre mère, Simone Boisecq, ont toujours eu à cœur d’ouvrir ces archives aux historiens qui se manifestaient et les échanges amicaux avec Gilles Candar nous ont conduit à l’idée d’en faire donation, afin qu’en soient facilités conservation et classement. Ceci n’est évidemment qu’une partie d’un fonds, éclaté pour des raisons d’histoire et de partage familial. Mais cette dispersion apparente ne fait que mieux percevoir la position extraordinairement mobile et conséquente de celui qui s’est donné toute sa vie à ce que Gilles Candar nomme « l’humanité vivante ». Des premiers papiers du tout jeune étudiant collectiviste du Calvados sur les grèves de 1897 à Condé-sur-Noireau, à l’appel à l’« unité culturelle de l’Europe brisée » quelques jours avant sa mort en septembre 1938, et à la dénonciation de ce qui devait aboutir aux accords de Munich, il aura toujours été minoritaire, certes, mais comme on aimerait l’être nous-mêmes face à l’Histoire. Jaurès le dit joliment déjà en avril 1903, au congrès de Bordeaux : « leur politique d’anathème a commencé avec l’affaire Dreyfus […] contre vous et contre moi, contre Longuet Jean et contre Jaurès Jean… ». Cela se poursuit à la mort de Jaurès, pendant la guerre, Longuet, chef des minoritaires à la Chambre, traité de « quart de boche » parce qu’il combat le bellicisme, minoritaire encore quand il dénonce en septembre 1919 la ratification du traité de Versailles dont il prévoit les funestes conséquences, minoritaire quand il rend hommage en janvier de la même année aux figures de Rosa Luxemburg et Karl Liebknecht, minoritaire quand il salue la révolution russe sans accepter l’« internationalisme russe » comme il l’appelle, et la scission de Tours lui passe sur le corps, pourrait-on dire, minoritaire sur la question coloniale et la défense du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes dès ses premiers engagements militants, minoritaire quand il dénonce en 1933 ce qui se passe en Allemagne, avocat internationaliste sur tous les fronts des réfugiés politiques de plus en plus nombreux, puis favorable à l’intervention auprès des républicains espagnols mais sans écho auprès du Front populaire, enfin, quelques jours avant sa mort accidentelle en septembre 1938, incitant Léon Blum, sans être entendu, à la fermeté contre le fascisme menaçant. Au-delà de la psychologie et de ce qui a pu être dit de son caractère extrêmement affable, chaleureux, de son infinie gentillesse, il faut garder et regarder à présent ce que ces positions de minoritaire ont représenté de liberté, de clairvoyance, de courage et de fidélité à une certaine idée de l’humanité militante, et reconsidérer la faiblesse de l’influence d’alors comme la force d’analyse d’aujourd’hui. Grâce à ces archives et au travail exemplaire d’Odile Jurbert et de Christian Oppetit, la route des historiens s’ouvre plus largement encore pour qu’il soit possible de se remettre dans les pas de celui qui avait pour devise : « Rien de ce qui est humain ne m’est étranger ». Puissent les questions posées hier par et avec lui, éclairer les nôtres, celles d’aujourd’hui et de demain ! Anne LONGUET MARX Jean Longuet, un politique à redécouvrir La donation des archives de la famille Longuet Marx doit permettre de réévaluer le souvenir de la vie et de l'œuvre de Jean Longuet. Pour diverses raisons, Longuet est longtemps resté cantonné dans une histoire du socialisme ou de la politique parlementaire un peu interne, privilégiant l'entre-soi... Il fut même un temps où « longuettiste » était une appréciation péjorative dont le sens pouvait être connu par beaucoup de personnes qui ignoraient tout en revanche de la personnalité de celui qui était à l'origine du qualificatif... Certes, des historiens érudits et spécialistes évoquaient Jean Longuet, mais le plus souvent de manière assez marginale ou périphérique. Cette situation avait ses raisons. Pris isolément, chacun des champs de l'activité multiforme de Longuet le donne à voir dans une position qui n'est pas dominante. Dans le socialisme français d'avant 1914, il reste dans l'ombre de Jaurès. Au congrès de Tours, Blum ou 3 Archives nationales (France) Paul Vaillant-Couturier, voire Cachin et Frossard, ont plus sûrement la vedette. Dans la SFIO maintenue, il est ramené à un rang secondaire dont il semble fort bien s'accommoder. Comme élu local, il agit dans le sillage d'Henri Sellier. Nous pourrions multiplier les exemples. Pour prendre toute la mesure du personnage, il faut en fait considérer l'ensemble, et là l'originalité, la marque de sa présence dans la politique française et internationale apparaissent beaucoup plus nettement. Le fonds Longuet des Archives nationales ne permet sans doute pas de faire le tour du personnage, mais, destiné par définition à servir de pivot aux études sur Jean Longuet, il porte beaucoup plus loin et a vocation à devenir un passage incontournable des recherches sur la politique extérieure et coloniale de la France, sur sa politique intérieure et sur maints aspects de la vie sociale et culturelle des premières décennies du XXe siècle comme sur bien des aspects du socialisme comme phénomène planétaire et des relations internationales. De Marx à Jaurès Né le 10 mai 1876, Jean Longuet est d'abord le fils aîné de Charles Longuet et de son épouse, Jenny Marx. Son père, membre de la Commune, vit en exil à Londres, où il a épousé, le 9 octobre 1872, la fille aînée de Karl Marx. Il est donc aussi le beau-frère de Paul Lafargue qui a épousé en 1868 la sœur cadette de Jenny, Laura. On sait que la dernière fille des Marx, Eleanor (1855-1898), aurait sans doute épousé Prosper-Olivier Lissagaray sans l'opposition de ses parents à ce troisième « mariage français ». Comme tous les enfants, gendres et petits-enfants de Marx, Jean Longuet bénéficie de la généreuse et bienveillante attention de Friedrich Engels. S'il a peu connu son grand-père, décédé avant qu'il ait atteint ses sept ans, il avait conservé de précieux et importants souvenirs de sa tante Eleanor qui l'initia aux principes fondamentaux du marxisme. Mais son éducation n'eut rien d'univoque. Jean Longuet connaît aussi l'enseignement d'élite de la République, aux lycées Condorcet à Paris et Malherbe à Caen. Son père n'est pas ce qu'on pourrait appeler un « marxiste orthodoxe » et Jean Longuet est donc très tôt confronté à la diversité des théories et pratiques du socialisme et de la gauche républicaine. Charles Longuet a été fortement influencé par Proudhon, il passe pour l'inventeur du vocable « radical-socialiste » et il est un des plus proches collaborateurs du chef de l'extrême-gauche radicale, Georges Clemenceau, rédacteur en chef de La Justice qui est le support politique de son mentor avant L'Aurore. La carrière politique personnelle de Charles Longuet reste un peu en demi-teinte : il est fréquemment candidat à des élections législatives et même au Sénat. Il parvient cependant à être conseiller de Paris pour le quartier de la Roquette entre 1886 et 1893. C'est un homme de culture, qui fréquente Anatole France, écrivains et artistes, cafés et brasseries aussi, sans doute un peu nonchalant, mais aussi homme libre et fier, qui a dû transmettre un certain goût de l'idéal chevaleresque à ses enfants. Ceux-ci connaîtront des destins différents (tous ne seront pas militants), mais chacun saura manifester une réelle indépendance d'esprit. Le rôle de Charles Longuet a dû être d'autant plus important que les enfants Longuet ont peu connu leur mère, prématurément décédée d'un cancer à 38 ans après avoir eu six enfants, dont quatre survécurent. L'aîné de ces derniers, Jean, n'avait lui-même que six ans lors de cette disparition. Nous savons peu de choses de la vie familiale des Longuet, même avec le début des Mémoires que Jean Longuet avait commencé à rédiger pendant l'été 1938 avec le journaliste Jacques Calmy et qui font partie de cette donation. Malgré tout, la correspondance assez fournie des enfants de Marx et d'Engels nous confirment que les deux tantes maternelles de Jean Longuet et de ses frères et sœurs, toutes deux sans enfants survivants, Laura et Eleanor, furent très présentes dans son éducation. Il semble bien que Jean Longuet ait conservé une tendresse particulière pour sa tante « Tussy » de Londres qu'il présenta aussi comme sa première « professeure de marxisme ». En revanche, nous savons très vite que Jean Longuet se passionne pour la politique.