Visages De La Colère Judiciaire: Répondre À L'appel
Visages de la Colère Judiciaire: Répondre à l’Appel∗ Marie-Claire Belleau, Rebecca Johnson et Valérie Bouchard∗ “La colère est fatale à la raison, comme d’ailleurs la justice.” (J. FERRON, Cotnoir) “L’homme est un animal raisonnable qui se met régulièrement en colère lorsqu’on lui demande d’agir en accord avec les préceptes de la raison.” (O. WILDE, The Critic as Artist) Introduction La légende des fondations mythiques du droit, celle qu’il s’écrit et se conte, est une histoire manichéenne où l’émotion joue le rôle de la vipère et la raison, celui du sauveur. Le droit n’est pas le seul à emprunter cette façon de raconter: la tendance à marquer la dichotomie entre la raison et l’émotion -et à privilégier la première au détriment de la seconde- remonte loin dans la pensée des Lumières. Que l’histoire soit celle de la horde primitive de Freud1 ou du contrat social de Rousseau,2 la passion est le lieu des décadences humaines, femme fatale et irrésistible dont le sombre dessein est d’obscurcir la pure raison de l’homme. Livré à l’émotion, il n’a alors d’égal que la bête: fougue brûlante, instinct tribal et désordonné que seule la froide raison du droit peut contenir et élever. La justice, posée, regarde la tourmente humaine exacerbée par les passions, et l’apaise par sa réflexion libre et disciplinée. Ainsi, le juge qui rend la justice n’aime pas, ne hait pas, ne pleure pas, ne rie pas, en somme, il ne sombre pas. Il évalue, réfléchit, décide, impose, sans aucun battement du cœur, immaculé.
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