Harold Tarry, Un Polygraphe En Algérie : Météorologie, Astronomie, Archéologie Et Récréations Mathématiques
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Bulletin de la Sabix Société des amis de la Bibliothèque et de l'Histoire de l'École polytechnique 64 | 2019 Polytechniciens en Algérie au XIXe siècle Harold Tarry, un polygraphe en Algérie : météorologie, astronomie, archéologie et récréations mathématiques Évelyne Barbin Édition électronique URL : http://journals.openedition.org/sabix/2567 DOI : 10.4000/sabix.2567 ISSN : 2114-2130 Éditeur Société des amis de la bibliothèque et de l’histoire de l’École polytechnique (SABIX) Édition imprimée Date de publication : 1 décembre 2019 Pagination : 73-92 ISSN : 0989-30-59 Référence électronique Évelyne Barbin, « Harold Tarry, un polygraphe en Algérie : météorologie, astronomie, archéologie et récréations mathématiques », Bulletin de la Sabix [En ligne], 64 | 2019, mis en ligne le 01 février 2020, consulté le 08 septembre 2020. URL : http://journals.openedition.org/sabix/2567 ; DOI : https:// doi.org/10.4000/sabix.2567 © SABIX Harold Tarry, un polygraphe en Algérie : météorologie, astronomie, archéologie et récréations mathématiques Évelyne Barbin* arold Tarry (X 1857, 1837-1926) de ses écrits. Ainsi, son intérêt pour les phé- est né à Paris, il entre à l’École nomènes météorologiques fait suite à deux polytechnique en 1857. Dans expériences de cyclone qu’il y a vécu dans les cette École, il est moins connu années 1869-1870. Dès 1870 et jusque dans Hcomme élève que par les fonctions d’archi- les années 1910, il publiera sur la météoro- viste, qu’il exerça après sa retraite1, et de logie et l’astronomie et il appartiendra à rédacteur de l’Annuaire de l’École polytech- diverses sociétés savantes, en France et en nique pour l’an 18942. Après l’École il devient Algérie. En 1880, il est appelé, comme délé- adjoint à l’Inspection des finances en 1861, gué du ministère des Finances, à participer il sera inspecteur des finances en 1863 puis au projet du chemin de fer transsaharien, qui percepteur à Nantes et à Aubervilliers en le conduit dans la région encore peu explo- 1886, avant d’être « mis à la retraite d’office rée de Ouargla. Il y entreprend des fouilles en 1887 »3. En 1877, il est nommé officier de archéologiques qui vont le rendre célèbre, l’Ordre tunisien de Nichan Iftikhar puis cheva- ceci dans le contexte d’un autre projet : celui lier de la Légion d’honneur4. Après sa retraite, du creusement d’une « mer intérieure » en en dehors d’un séjour prolongé à Paris dans Algérie. À Alger, Tarry retrouve son frère les années 1890, Harold Tarry habitera en cadet Gaston Tarry (1843-1913), un inspec- Algérie. teur principal des contributions diverses qui est amateur de mathématiques5. Dès 1876, il Sa profession a conduit Tarry à accomplir des publie une brochure sur les carrés magiques à missions en Algérie, à l’occasion desquelles il Alger, et, vingt ans plus tard, son attrait pour voyage dans le pays. Il est alors captivé par dif- les récréations mathématiques restera vivace. férents questionnements, qui sont au départ Harold Tarry exprime ses espoirs météorolo- * LMJL, UMR6629, Université de Nantes. 1. [Bayle et Billoux, 1985, 75] (Ndlr : dans cet article comme dans le reste du bulletin, les références entre crochets corres- pondent à la bibliographie donnée en fin d’article). 2. [Tarry, 1894a] & [Karvar, 1995]. 3. [Cardoni et al., 2012, 941]. 4. [Archives nationales]. 5. [Barbin, 2017]. 73 giques, relate ses fouilles pionnières, présente ment en Italie, pour l’observation spectrosco- ses explorations sur le jeu de Go-Bang avec pique de la lumière solaire, l’opinion qui fait l’enthousiasme d’un ingénieur du XIXe siècle. remonter aux phénomènes d’activité extraor- Il écrit sur nombre de sujets, qui attisent sa dinaire de notre astre central l’origine des curiosité et où peut s’exercer son imagination aurores polaires peut s’appuyer sur des faits fertile. nombreux et précis. »8. Ces notes sont caractéristiques des concep- tions de Tarry, qu’il expose dans un long Harold Tarry, météorologiste mémoire présenté à l’Académie de Linci à « des extrêmes » et astronome Rome en juillet 1872. Ce mémoire est retrans- crit dans l’Année scientifique et industrielle, Dans les années 1870, la météorologie est revue créée en 1856 et rédigée par Louis une science déjà bien organisée autour de Figuier (1819-1894) qui expose des travaux services nationaux d’observations et de socié- scientifiques, des inventions et des applica- tés. Le réseau météorologique français a été tions de la science à l’industrie et aux arts. constitué en France dans les années 1840, Le « savant météorologiste de Brest »9 Tarry et Urbain Le Verrier (X 1831, 1811-1877) a y distingue deux branches de la météorolo- assuré une publicité aux observations dès gie : la climatologie, qui détermine le climat 18566. En 1870 et en 1872, Tarry envoie à d’une région à partir de moyennes sur des l’Académie des sciences des notes sur les observations météorologiques régionales, cyclones dans les régions équatoriales, pour et la prévision du temps, qui concerne des « faire connaître que cette loi, en vertu de « phénomènes extraordinaires », comme laquelle les cyclones qui descendent de l’Eu- orages, tempêtes, cyclones, inondations, rope vers l’Afrique éprouvent invariablement, simouns du désert. Cette prévision du temps dans les régions équatoriales, un mouve- doit s’appuyer, non sur des moyennes, mais ment de recul qui les fait revenir d’Afrique sur des extrêmes, en se basant sur des obser- en Europe, chargées du sable qu’elles ont vations simultanées sur tous les points du soulevé dans le Sahara, s’est déjà vérifiée à globe10. Cette « toute nouvelle » branche la fin de décembre 1870 ». Il ajoute que, « si veut contredire l’opinion de l’astronome Fran- la loi est exacte, le cyclone qui est descendu çois Arago (X 1803, 1786-1853), qu’il cite : sur l’Europe du 8 au 10 janvier la retraversera « jamais, quels que puissent être les progrès du sud au nord, à partir du 16 janvier, tan- des sciences, les savants de bonne foi et sou- dis qu’on observera au sud de l’Europe une cieux de leur réputation ne se hasarderont à pluie de sable à cette date »7. Une seconde prédire le temps ». Ainsi, pour les cyclones, note de 1872 concerne la « périodicité du il faut réunir sur des courbes toutes les don- phénomène atmosphérique des pluies de nées barométriques obtenues chaque jour et sable observées au sud de l’Europe ». Une à la même heure dans toutes les principales troisième porte sur « les relations qui existent villes européennes et observer leurs change- entre les aurores polaires, les protubérances ments de forme et leurs déplacements, car : et taches solaires et la lumière zodiacale », car « grâce à l’entente qui existe entre les « Lorsqu’on aura pu suivre ainsi la marche astronomes des divers observatoires, notam- d’un grand nombre de cyclones, les lois de 6. [Locher, 2008, 23-43]. 7. [Tarry, 1872a]. 8. [Tarry, 1872b]. 9. [Tarry, 1872c, 151]. 10. [Tarry, 1872c, 151]. 74 I Bulletin SABIX n° 64 leur mouvement de translation finiront par ressortir avec évidence, les périodes « Même dans ces grands bouleverse- se dessineront (peut-être sont-elles éten- ments de l’atmosphère qui, jusqu’à pré- dues), l’admirable régularité qui règne sent paraissaient défier la sagacité des dans tous les phénomènes de la nature hommes, il y a des lois constantes et cer- éclatera dans les mouvements de l’air, taines, qu’une observation attentive nous réputés si inconstants, comme dans ceux fera tôt ou tard connaître, et qui nous de la mer, qui sont liés par une loi mathé- permettront de prédire les mouvements matique aux mouvements des astres »11. de l’air et les variations du temps, avec la même précision que les oscillations Tarry explique en détail comment cette périodiques de l’Océan et la hauteur des « science nouvelle » s’est imposée à lui lors grandes marées »14. de son voyage d’exploration en janvier 1869 au Souf, région saharienne proche de la Tuni- En 1873, Tarry est vice-secrétaire de la sie, puis après avoir assisté à un « cyclone Société météorologique de France et il est épouvantable » deux mois plus tard à Stora, admis au sein de la Société de géographie dont il a la curiosité de suivre la route, qui avec l’appui de Charles Maunoir (1830-1901) atteint Touggourt en mars. Lorsque les et Henri Duveyrier (1840-1892). Toujours en journaux annoncèrent que des pluies de 1873, Maunoir présente à cette dernière le sable étaient tombées à Rome et à Naples, rapport du capitaine Parisot sur l’expédition il « pense de suite que ce sable vient du menée de Ouargla à El-Goléa, mentionnant Sahara ». La répétition du phénomène l’an- l’oued Mya. Tarry est présent et il offre de lire née suivante à Rome, où il est présent, le per- une lettre du général Gaston de Gallifet qui suade qu’il existe une loi du mouvement d’os- conduit une colonne expéditionnaire dans cillation des cyclones. Il indique que « depuis, le Sahara. Le général écrit qu’il a utilisé un plusieurs vérifications nouvelles de la loi du baromètre anéroïde que Tarry avait envoyé mouvement d’oscillation des cyclones, entre l’année précédente à Ouargla : « les obser- l’Europe et l’Afrique, à certaines époques de vations qui ont été faites trois fois par jour l’année, n’ont fait que confirmer ma manière avec cet instrument donneront de précieuses de voir »12. Mais il ajoute que ceci reste hypo- indications sur l’origine de la tempête qui est thétique par manque d’observations baromé- venue d’Afrique en Europe au commence- triques dans le Sahara. Dès 1873, il militera ment de février »15.