Trente-troisième année N°139 Décembre 2012 (4ème trimestre) 6 Euros Les Nouvelles d’

spécial

ISSN 0249-0072 ISSN Afghanistan- Editorial Les Nouvelles d’Afghanistan SOMMAIRE N°139

Afghanistan et Pakistan deux destins indissociables d’une histoire commune Dépasser les malentendus par Pierre LAFRANCE 3

Pourquoi tant d’acharnement ? par Zia FARHANG 12 On sait qu’une des clefs du problème se trouve au Pakistan. Nous Les ambitions du Pakistan en Afghanistan avons donc décidé d’ouvrir dans ce numéro le dossier des relations entre le par Homayoun Chah ASSEFY 15 Pakistan et l’Afghanistan. Dossier bien délicat. Pierre Lafrance montre dans son étude approfondie de la préhistoire de ces relations, combien les siècles La Ligne Durand par Léa MÉRILLON 18 ont fait bouger les peuples et les dynasties, au point que Pakistan et Afghanis- tan sont héritiers d’une histoire commune, tout en se disputant une partie de Survol des relations économiques cet héritage. Ah qu’il est difficile d’être frères sur des terres si voisines ! afghano-pakistanaises Notre dossier n’épuise pas le sujet. Bien d’autres aspects auraient pu être par Daood MOOSA 20 étudiés : par exemple les relations entre tribus pachtouns des deux côtés de la Les relations indo-pakistanaises frontière. Certes, la ligne Durand est le fait d’un arbitraire colonial. Mais il serait et l’Afghanistan intéressant d’étudier s’il y a des différences entre les Pachtouns d’Afghanistan par Olivier BLAREL 23 et ceux qu’on appelle Pathans côté pakistanais. Nous pourrons compléter ce dossier dans nos numéros à venir. L’évolution des Etats-Unis à l’égard Les auteurs afghans de certains des articles qui suivent ne sont pas très de l’Afghanistan, du Pakistan et de l’Inde par Chahir ZAHINE 27 tendres avec le Pakistan. Il ne s’agit pourtant pas de la part des Nouvelles d’Afghanistan d’écrire un dossier d’accusation à charge contre le grand voisin Chronologie des relations Afghanistan- de l’Afghanistan. On sait au contraire que notre souci sera toujours de ne rien Pakistan faire qui puisse compromettre la recherche de la paix. Bien loin donc de notre par Léa MÉRILLON 30 pensée l’idée de mettre de l’huile sur le feu. Pourtant, il faut savoir que ce que ces auteurs écrivent est le reflet de ce que pensent beaucoup d’Afghans. Il est donc nécessaire qu’ils puissent l’exprimer, et que nous puissions l’écouter. Taire les contentieux n’est pas le meilleur chemin vers la paix. DERNIERES NOUVELLES Chronologie, brèves, bibliographie 32 Les Afghans, et cela n’apparaît malheureusement pas dans les pages qui suivent, ont pu pendant les années de la résistance antisoviétique se mettre à l’abri au Pakistan. Même si l’aide des Pakistanais n’a pas été forcément désin- L’action d’Afrane téressée ni impartiale, elle a été réelle, et les Afghans leur en sont redevables. en Afghanistan en 2012 40

A la fin de la lecture de ce dossier, la question principale demeure bien sûr ouverte. Comment faire en sorte que la relation tendue pakistano-afghano- indienne, se transforme peu à peu en une entente devenant progressivement confiante ? La voie est certainement étroite et difficile. Mais il semble clair que le Pakistan a besoin de garanties internationales et régionales pour sortir de Photo de couverture : Afghanistan et Pa- kistan et la Ligne Durand. Zone gris bleu son complexe de forteresse assiégée. C’est quand il sera pleinement rassuré hachurée : prédominance pachtoune ; sur son avenir que le Pakistan cessera de mener une politique incertaine et zone gris bleu : prédominance baloutche. dangereuse, et d’entretenir des foyers de tension en Afghanistan.

Etienne GILLE Les Nouvelles d’Afghanistan bénéficient d’une aide financière 17 janvier 2013 de l’ambassade de en Afghanistan

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2 Les Nouvelles d’Afghanistan n°139 Afghanistan et Pakistan Deux destins indissociables d’une histoire commune

par Pierre LAFRANCE* Retraçant à grands traits l’histoire complexe de la région, P. Lafrance montre combien les histoires des territoires qui sont devenus l’Afghanistan et le Pakis- tan actuels sont imbriquées, ce qui n’est pas sans conséquence pour l’analyse des conflits d’aujourd’hui.

Le bassin de l’Indus, vaste plage migratoire où se sont Indo Européens pratiquant des langues très anciennes et dont échouées des vagues humaines venues du Nord-Ouest n’est certains s’établiront dans de hautes vallées appelées à être guère accessible par le plein nord himalayen par trop abrupt. pour eux des refuges, et cela dans les parties les plus sep- Il l’est par l’ouest, puisque certains des hauts plateaux qui tentrionales du bassin. Ils furent suivis par les Arya ou Indo l’entourent prolongent ceux de l’Iran, et par l’est, du fait Européens de l’Est parlant des langues relevant d’un groupe même de sa proximité avec le bassin du Gange. Or, curieu- caractérisé portant leur nom. Ceux-ci prirent possession sement, la plaine indo-gangétique est une réalité plus géo- peu à peu de toutes les montagnes actuellement afghanes et graphique qu’historique. En effet, pour des raisons relevant des régions planes du bassin de l’Indus pour aller jusqu’au des sciences humaines, la ligne de partage des eaux entre Gange et au-delà. On sait quel fut leur rôle dans l’édification l’Indus et le Gange n’a été franchie par des migrants ou des de formes de civilisation d’une importance mondiale. Or, il conquérants que de façon sporadique. Il semble, au contraire, s’établit peu après l’an mille avant JC une distinction entre que les nombreux cols et cours d’eaux permettant le passage deux aires linguistiques aryennes : l’iranienne au nord, l’in- de populations entre les grands espaces de l’Asie centrale, le dienne au sud. Ces deux groupes eurent pour grands textes plateau iranien et le monde de l’Indus ait servi de voies de de référence l’Avesta pour le premier, les Vedas pour le se- conquête depuis des temps très anciens. cond, se récitant respectivement en vieux perse et en sanscrit. On ne peut donc comprendre les événements actuels si on Initialement, les deux langues étaient très proches l’une de ne garde pas en mémoire les symbioses récurrentes entre ce l’autre au point que, de nos jours, tout spécialiste de l’Avesta qu’on nomme à présent Afghanistan et Pakistan tout en sa- et du Mazdéisme est aussi un sanscritiste. chant que cette symbiose put prendre maintes fois un tour La différenciation des parlers s’accentua sans doute sous extrêmement fécond mais aussi parfois invasif, conquérant, l’influence de ceux déjà en usage dans les territoires conquis. conflictuel. Ainsi, qualifie-t-on d’iraniennes ou iraniques les langues En examinant d’un peu plus près l’histoire régionale on d’un espace, et d’indiennes celles de l’autre. Or, la frontière découvre des faits saillants riches de conséquences. entre les deux groupes linguistiques se situe dans les mon- tagnes de l’Afghanistan oriental et même plus au sud dans les monts Soleiman (tandis que, vers l’ouest, le baloutche de formation tardive relève sans conteste du groupe iranien). De Histoire de langues part et d’autre de la démarcation linguistique ainsi esquissée, Dès le IIIème millénaire avant notre ère, la civilisation les sociétés s’organisèrent selon un système tribal du coté de l’Indus, celle des sites de Harappa et de Mohenjo Daro iranien et selon un système de caste du coté indien. On peut essaime vers le nord-ouest pour atteindre l’Asie centrale, et donc considérer qu’une frontière indéniable bien que mou- vers l’ouest jusqu’au Makran. Elle ne s’étend pas vers l’est vante sépare l’espace à présent afghan de celui pakistanais où où se construisent sans doute des formes de civilisation se pratiquent principalement l’ourdou, le pendjabi et le sindi, autres. Elle ne passe donc pas de l’Indus au Gange. Lorsque autant de langues du groupe indien. se confirmera le déclin de cette forme de civilisation, peu Le Pakistan est donc situé entre deux frontières plus his- avant le premier millénaire, on verra arriver, par vagues, des toriques que géographiques, l’une le séparant du monde gangétique, l’autre du monde iranique ou iranien (selon les * Ambassadeur de France dont la carrière s’est déroulée notamment en terminologies). Afghanistan, au Pakistan et en Iran. Si l’on sait que ce pays compte des populations de lan-

Les Nouvelles d’Afghanistan n°139 3 gues du premier groupe (Baloutches et Pachtounes appelés un rayonnement prodigieux dont témoignèrent les statues aussi Pathans) occupant la moitié de son territoire mais ne géantes du Bouddha à Bamyan, des monastères comme ceux représentant que 15% du nombre de ses habitants, on mesure de Hadda (Afghanistan) et de Takht-e Bahi (Pakistan), sans la complexité de son identité. Il est en tout cas compréhen- oublier les stoupa ou reliquaires monumentaux comme ce- sible que ce pays puisse avoir du mal à établir sa frontière, lui qu’on peut voir près des ruines de Mohenjo Daro dans le tant avec son voisin de l’est, l’Inde, qu’avec celui du nord- Sind. ouest, l’Afghanistan. Or, entre les trois espaces considérés, les mouvements d’allée et venue marquèrent l’histoire et laissèrent des traces profondes. Et vents du nord A cette époque, survint un changement lourd de consé- quences. La grande steppe eurasiatique, longtemps apanage Vents d’ouest, vents d’est d’Indo européens, surtout aryens, fut occupée par d’autres Tandis que la parole d’un prophète surnommé l’Homme cavaliers venus de ses franges orientales. Ils parlaient des au vieux chameau - Zarathoustra en ancien perse - donnait langues asiatiques comme le turc ou le mongol et leur aspect sa forme cosmogonique et normative à la pensée mazdéenne, physique les apparentait aux peuples d’Extrême orient. Aux des empires iraniens animés par elle se constituaient. Ce fu- espaces iranien et indien, vint donc s’en ajouter un autre, le rent ceux des Mèdes puis des Perses. Ces derniers, sous la turc. dynastie achéménide parvinrent à conquérir une partie de Après quelques incursions victorieuses de l’empire perse l’Asie centrale ainsi que les actuels Afghanistan et Pakistan sassanide, la région connut au Vème siècle, l’arrivée des sans s’aventurer plus à l’est. Dès lors ces deux pays furent premiers proto-turcs, les Huns blancs ou Hephtalites. Leurs inclus pour près de deux siècles dans un grand empire al- conquêtes furent, dans l’ensemble, destructrices. Après avoir lant du Nil à l’Indus. Au IVème siècle, cette domination dut adopté pour eux-mêmes l’hindouisme, ils laissèrent dépérir s’effacer devant une autre, celle de la civilisation grecque l’ensemble des institutions bouddhistes qui parvinrent cepen- portée par une langue indo européenne occidentale. L’empire dant à survivre près de Bactres ou Balkh au nord de l’Afgha- d’Alexandre engloba en effet Afghanistan et Pakistan sans nistan actuel. s’étendre jusqu’à ce qu’on nomme à présent Inde. Les Huns finirent par développer, aux 6ème et 7ème Cependant, le temps d’une revanche conquérante indienne siècles, une forme de civilisation d’une vitalité certaine dans s’amorça sous la dynastie des Maurya qui engloba le bas- des royaumes répartis entre le Cachemire, le Potohar (pla- sin de l’Indus et les montagnes le bordant au nord-ouest et à teau proche d’Islamabad) et Kaboul en Afghanistan. En ce l’ouest. Son rôle fut considérable en matière de civilisation. dernier lieu, s’établit une dynastie, celle des Hindouchahi ou Le plus célèbre empereur de cette dynastie adopta le boudd- Turkichahi qui devaient résister pendant près d’un siècle à hisme. Du nom d’Açoka (Achoka), il laissa des édits gravés 1 la conquête musulmane pourtant victorieuse presque partout, dans le roc en grec et prakrit , textes préfigurant les grands notamment en Asie centrale à proximité de la Chine et dans principes du droit contemporain reconnaissant la liberté et la basse vallée de l’Indus. l’inviolabilité des personnes. Le rôle majeur de cet empereur fut d’introduire la pensée bouddhiste dans les zones partiel- lement hellénisées correspondant à l’Afghanistan et au Pa- kistan actuels. Peu après, la prépondérance d’une autre dynastie venue La conquête musulmane d’inde et révérant l’hindouisme, celle des Gupta, ne devait Dès la fin du VIIème siècle en effet, les armées arabes in- pas remettre en cause l’adhésion des populations de la zone vestirent la région par le nord et par le sud. Sous l’autorité comprise entre Oxus et mer d’Oman au bouddhisme. Quant des califes omeyades puis abbassides, des émirats se formè- au nouvel empire qu’allaient établir dans cette même région rent, notamment à Moultan sur l’Indus, en Asie centrale et des nomades aryens venus de la steppe, il devait donner à en Iran. De grandes dynasties comme celles des Samanides cette forme de spiritualité un éclat sans précédent et une im- ayant fait de Bokhara l’une de leurs capitales contribuèrent à portance décisive. l’immense éclat d’une nouvelle forme de civilisation, celle En effet, les derniers cavaliers aryens encore maitres de la de l’Islam. steppe envahirent un vaste espace de civilisation sédentaire. Si l’arabe devint alors pour tous les pays musulmans de Ce furent, d’ouest en est, les Parthes, les Saces et les Yue langues aryennes le véhicule de la révélation religieuse, de la Tché ou Kouchan. Ce sont ces derniers qui établirent aux pre- pensée abstraite et des sciences diverses, un persan dérivé du miers siècles de notre ère un Etat et une forme de civilisation moyen-perse et empruntant de multiples vocables à l’arabe inspirés par le bouddhisme et comportant un art, notamment devint langue de communication courante. Ce fut l’ancêtre une peinture et une sculpture restées célèbres sous le nom de direct du persan moderne qui se répandit dans toutes les po- la province où elles furent particulièrement florissantes, le pulations de plaines ou de vallées fertiles tandis que celles Gandhara. Au sein d’un même empire, furent réunis pendant montagnardes ou nomades de l’Iran ou de l’actuel Afghanis- trois siècles une partie de l’Oxiane et les actuels Afghanis- tan conservaient leurs idiomes propres tels le lori, le kurde tan et Pakistan sans extension ni vers l’est ni vers l’ouest. (sans doute dérivé du mède), le gilaki et peut être un proto- L’art du Gandhara se signala par ses emprunts aux traditions baloutche à l’ouest et, plus à l’est, le pachto très important perses, grecques et locales tout en se distinguant très nette- par le nombre de ses locuteurs, l’ormouri et le pachai sans ment de l’art, raffiné lui aussi, de l’Inde d’alors. Au demeu- parler des langues dardes pré-aryennes du Nouristan et du rant, le bouddhisme connut dans cette dernière contrée une Chitral. Au sud-est, les langues du groupe indien apparentées régression au profit de l’hindouisme tandis que, dans- l’es au sanskrit manifestèrent une très grande vitalité. Tel fut le pace considéré à présent comme pakistano-afghan, il acquit cas du pandjabi, du sindi et du goudjrati. Tandis que la langue

4 Les Nouvelles d’Afghanistan n°139 des Tadjiks s’unifiait sous sa forme écrite, elle restait dialec- des provinces de l’ancien empire ghaznévide et laissèrent talisée selon les régions. deux monuments impressionnants : le minaret de Djam dans La fin du Xe siècle de notre ère se signala par deux évo- la province de Ghor dont ils étaient issus et le Kutb minar de lutions majeures : ce fut, d’abord l’émergence d’un nouveau Delhi dont on date la construction aux environs de l’an 1200. persan régulier et grammatical nommé dari à l’est et farsi plus à l’ouest comme langue littéraire avec les œuvres poé- tiques de Rudaki et de Ferdowsi et aussi comme langue d’ad- ministration fort commode dans un environnement majoritai- La tourmente mongole rement tadjik. Ce fut, d’autre part, l’arrivée massive de tribus Sur ces entrefaites, une autre vague turque migratoire et turques converties à l’Islam et relevant des groupes Tiou kié conquérante celle des Kara khitaï devait établir à partir de et Oghouz qui devaient être les vecteurs d’une nouvelle ex- la Transoxiane ou Khwarezm un nouvel empire d’un éclat pansion de l’Islam comme religion et aussi comme moda- culturel et économique incontestable qui finit par englober lité de civilisation. Cette seconde expansion devait être plus les actuels Iran, Afghanistan, Pakistan et même une partie de brutale et nettement moins respectueuse des cultures locales l’Inde. A nouveau la langue de cour fût le persan ou dari. que ne l’avait été la première, celle conduite par les Arabes. Survinrent alors les terribles années 1221 et 1222, celles Toutefois, les Turcs surent apprécier le persan en pleine re- de l’invasion résolument destructrice des Mongols, ethni- naissance et se révélant d’un usage commode pour l’adminis- quement et linguistiquement proches des Turcs. Pendant tration des populations. ces périodes de violence s’amorça la migration d’un certain Les tribus turques attachées avant tout au pouvoir militaire nombre de tribus pachtounes en direction des plaines irri- et à l’ordre social se divisèrent en deux grands ensembles guées de l’Indus. Or ces mouvements de populations seront vite dominants : les Seldjoukides à l’ouest dont une branche appelés à s’accentuer et à jouer un rôle déterminant dans la devait donner naissance quelques siècles plus tard à la dynas- problématique politique de notre époque. Les Baloutches se tie ottomane et, à l’est, les Ghaznévides ainsi nommés parce constituèrent en peuple dans la région de Kerman. Des Turcs qu’installés à Ghazni dans l’actuel Afghanistan. Cette capi- de diverses appartenances tribales et dialectales commencè- tale vite brillante et largement persanophone, leur servit de rent à se rassembler dans le centre de l’Afghanistan actuels. base de conquêtes en direction du sud est. Ils y adoptèrent la langue des Tadjiks qui s’y trouvaient déjà A partir de cette époque, les califes de Bagdad n’eurent et formèrent sans doute le premier noyau de la population plus comme auxiliaires provinciaux des émirs toujours ten- hazara. Le fait le plus important peut-être fut le progressif tés par l’autonomie sans la revendiquer ouvertement mais investissement des plaines et hauts plateaux de l’actuel Pakis- furent secondés par de grands notables tribaux et guerriers tan ainsi que des monts Soleïman par des tribus pachtounes qui accaparèrent l’essentiel du pouvoir temporel en prenant utilisant les voies que leur ouvraient certaines vallées comme le titre de sultans. En même temps, la pensée islamique qui celles de la Kaboul, de la Gomal, du fleuve Zhob et des cols avait évolué auparavant en englobant toutes les modalités de comme ceux de Khaybar et Paywar Kandao. Ce furent essen- l’activité intellectuelle tendit à se figer dans des formes d’or- tiellement les Prangui et les Sour, les premiers s’établissant à thodoxie s’accordant à l’ordre public. Elle connut toutefois Tank Rori et les seconds à Diaban Chaudhwan. un essor considérable dans l’approche gnostique et mystique La tourmente mongole, qui eut pour séquelle durable l’er- de la piété. Ce mouvement fut illustré par de nombreux pen- rance de bien des tribus menacées de famine, accentua les seurs, notamment Abdul Qader el Gilani à Bagdad et Abdul- mouvements de populations. C’est sans doute au temps des lah Ansari à Hérat. Cela fut riche de conséquences tant dans souverains gengiskhanides que les Baloutches concentrés en le Khorassan englobant l’est de l’Iran et le futur Afghanistan Iran central, au sud des déserts du Kavir et du Lout, entre- que dans la vallée de l’Indus où bien des familles se récla- prirent leur vaste conquête des montagnes arides et des oa- mèrent de l’ascendance de grandes figures mystiques tels les sis plus orientales qui à présent constituent le pays baloutche Gilani aussi présents et influents de nos jours en Afghanistan comprenant toute la partie occidentale du Pakistan mais aussi qu’au Pakistan. d’important territoires en Iran et en Afghanistan. Cette migra- Cependant, les sultans turcs Alptégin et Soubuktégin éta- tion dura environ deux siècles et les Baloutches issus de tri- blis à Ghazni (ou Ghazna selon la prononciation) se dotaient bus turbulentes rivales entres elles et fortement hiérarchisées comme on l’a vu des instruments d’un pouvoir impérial et se constituèrent en aristocratie guerrière appelée à acquérir commençaient la conquête de territoires relevant du bas- des terres et à s’entourer de milices en pays sindi et pandjabi. sin de l’Indus et même de tout le sous-continent indien. Ils D’importants hommes politiques pakistanais tels que les Pré- imposèrent dans les espaces qu’ils s’approprièrent une ad- sidents Leghari et Zardari sont ainsi d’origine baloutche. ministration efficace et un Islam rigoureux, n’hésitant pas à Par ailleurs, la population hazara rassemblant divers élé- convertir par la menace. Dans leur mouvement conquérant, ments turcs s’enrichit de nouveaux venus au point de former ils entrainaient à leurs côtés non seulement des tribus turques au cœur même de l’Afghanistan, dans des régions de mon- mais des Tadjiks dont ils appréciaient et pratiquaient la lan- tagnes et de hauts plateaux, un peuple industrieux et com- gue et aussi des Pachtounes tels que les Ghilzaï dont les tribus batif. Convertie dans sa grande majorité au chiisme duodé- se seraient formées selon certains historiens par fusion avec cimain cette population de phénotype nettement asiatique des éléments turcs. Atteignant sans doute un apogée sous le devait être assimilée dans l’imaginaire populaire aux hordes sultan Mahmoud, les Ghaznévides installèrent leur capitale de Gengis Khan. Massée au nord des zones pachtounes, elle principale à Delhi pour dominer presque toute l’Inde. Leurs contraignait leurs habitants en quête de nouvelles terres ou de dissensions internes, leurs déficiences dans le gouvernement nouveaux fiefs à émigrer vers le sud-est. De fait du XIVe au d’un immense empire entrainèrent leur déclin. Ils seront rem- XVIe siècle les invasions afghanes au nord de l’Indus allaient placés au début du XIe siècle par les Ghorides d’ascendance se succéder. Ce fut le cas des Niazi qui imposèrent leur su- à la fois turque, tadjike et même lointainement kouchane ai- prématie jusqu’à Lahore, puis des Lodi qui finirent par fonder dés par des tribus pachtounes. Ceux-ci unifièrent l’ensemble

Les Nouvelles d’Afghanistan n°139 5 une dynastie à Dehli et enfin des Suri. Une autre tourmente marquée de violences et de destruc- tions mais aussi, au fil des ans par un véritable effort de re- naissance intellectuelle et artistique, celle des Timourides descendants du redoutable Timour-e Lang ou Tamerlan se voulant émule et successeur de Gengis Khan, devait marquer toute la partie occidentale du Khorassan d’alors, c’est-à-dire l’est de l’Iran et l’Afghanistan. Une des capitales de cet em- pire fut Hérat qui devint un des hauts lieux des sciences, de l’architecture et surtout de la miniature, art qui fut porté à un degré de raffinement sans précédent au XVIe siècle. La littérature ne fut pas en reste avec les grands poètes de langue persane Djami et Nezami. Sur ces entrefaites, naissait une nouvelle dynastie turque se réclamant elle aussi de l’héritage de Gengis Khan et dési- gné d’ailleurs du nom générique de grand Moghols. Elle fut fondée par un chef de guerre Babour ou Babar selon l’ortho- graphe. Chassé d’Asie centrale par les nouveaux et derniers envahisseurs turcs, les Ouzbeks, ce prince établit son autorité sur l’Afghanistan actuel et choisit Kaboul comme capitale. De là, il parvint à conquérir presque toute l’Inde. A nouveau, les espaces afghans et pakistanais se trouvaient fondus dans Guerriers pachtounes dans les montagnes entre Afghanistan et Pakistan. Gravure anglaise un ensemble commun. Naturellement, le nouvel empereur du 19ème siècle. s’entoura de Pachtounes pour mener à bien sa conquête. La langue qu’il adopta à sa cour et dans son administration fut présence d’un hobereau afghan parmi les ancêtres connus. d’abord le persan auquel devait se substituer plus tard l’our- Cette sorte de gentry afghane se trouva grossie des différents dou, lingua franca de l’armée et des bazars. Proche du pand- conseillers d’origine pachtoune. jabi et riche d’emprunts lexicaux au persan, ce fut assez vite Dès lors, de nombreux Afghans devenus influents se sen- une langue littéraire de haut niveau. tirent parfaitement « chez eux » ou comme «chez eux » dans certaines provinces fertiles et centrales de l’empire tout en restant attachés aux vallées irriguées et aux montagnes semi- arides ayant été l’apanage de leurs ancêtres depuis des temps immémoriaux. Tribus pachtounes Au XVIIIe siècle, les Afghans ou Pachtounes formaient C’est à cette époque que les chroniqueurs commencèrent un ensemble unifié et conscient de son identité tout en res- à parler d’Afghanistan pour désigner les régions peuplées de tant agité par des querelles de tribus et de chefs. Toutefois Pachtounes. On les désignait en effet comme Afghans par ce monde se trouvait réparti entre deux grands empires : le référence à un ancêtre mythique dont l’identité est mal éta- Perse safavide dominant les tribus entourant Hérat et Kan- blie. Il devint courant de répartir les tribus afghanes entre dahar et celui des grands Moghols de Delhi. Ne pouvant trois grands groupes : les Abdali se disant les plus authen- tourner leurs forces vers un centre solidement tenu par les tiquement afghans et installés dans l’ouest du pays près de ni vers l’est soumis à une autorité impériale puis- , les Karlanri évoluant plus au centre et les Ghilzaï sante, les tribus afghanes voulurent s’affranchir de la tutelle vers l’est. Tous comportaient certains éléments nomades et d’un pouvoir iranien alors chancelant. Regroupées autour de d’autres sédentaires alliés à des métayers tadjiks et avides chefs Ghilzaï et de certains Abdali elles proclamèrent l’indé- de terres arables, si possible irrigables. Leur expansion en pendance des zones occidentales vis-à-vis du pouvoir safa- direction du fleuve Indus et de ses affluents occidentaux se vide. L’artisan de cette émancipation, Mir Waïs eut pour suc- poursuivit. cesseur Mahmoud qui, par delà l’autonomie acquise, se lança Les tribus dont la migration marqua les mémoires furent dans l’expansion territoriale. En 1722, les tribus afghanes in- les Waziri, les Chinwari, les Mohmand et les Khattak qui ap- vestirent l’Iran central et finirent par prendre Ispahan tentant parurent comme les fidèles de l’empereur Akbar, assurant la ainsi de substituer leur propre autorité à celle des empereurs stabilité et la sécurité entre Peshawar et le confluent de la safavides. Kaboul et de l’Indus. S’y ajoutèrent les Babar et enfin les Les Iraniens supportèrent très mal ce pouvoir exercé par Youssoufzaï qui au nord est de la Kaboul investirent peu à des sunnites résolument rigoristes. Avisé et conciliant au dé- peu une bonne partie de la vallée de Swat. Une mention par- but de son règne Mahmoud finit par sombrer dans une sorte ticulière mérite d’être réservée aux Souri qui profitant d’une de délire obsidional qui l’entraîna dans des massacres et vacance du pouvoir impérial fondèrent une dynastie éphé- autres actes de barbarie. Dès lors, ce premier empire afghan mère à Delhi, défiant ainsi les grands Moghols. ne dura pas longtemps. Une grande tribu turque iranisée, Plus encore que ces migrations collectives se multiplièrent celle des Afchar, se constitua en puissance de reconquête. les aventures individuelles de Pachtounes entreprenants en- Sous la conduite d’un stratège remarquable, Nader, elle tourés d’escortes armées qui se taillèrent des domaines voir fit renaitre une nouvelle forme d’empire perse. Des unités des fiefs dans l’ensemble de l’Inde septentrionale où certains chiites reconnaissables à leurs bonnets rouges les Qizilbach acquirent le titre de Nawwab équivalent à celui de Raja ré- se révélèrent d’une grande efficacité militaire. Nader eut par servé aux hindous. De là le nombre des noms de famille qui ailleurs l’habileté de rallier à lui certaines fractions de tri- au Pakistan, se réduisent au titre de Khan et suggèrent la bus afghanes rivales des Ghilzaï et cela, notamment, parmi

6 Les Nouvelles d’Afghanistan n°139 tables se proclamant afghans mais d’un nombre ne pouvant justifier leur suprématie politique. La population était com- posée dans sa grande masse, en zone de plaines et près de l’océan, de Sindis et surtout de Pandjabis musulmans ou hindouistes organisés en castes et portés à secouer le joug afghan comme le joug moghol. Les artisans de la réaction prévisible furent, au premier chef, les Mahrates et aussi les Sikhs adeptes d’une religion nouvelle s’inspirant des spiri- tualités hindoues et musulmanes, et astreignant ses membres à une discipline toute militaire. Les dirigeants de cette confession ne se recrutaient pas dans la caste prestigieuse des guerriers Rajpouts mais principalement dans celle immé- diatement inférieure et de vocation plutôt agraire des Djats. Soucieux sans doute d’égaler voire de dépasser en prestige les Rajpouts, les Sikhs surent très vite s’organiser en unités combattantes pratiquant le harcèlement ou même la guérilla. Si Ahmad Chah eut raison des Mahrates il ne put venir à bout des Sikhs. Après la mort du monarque afghan, ces derniers reprirent l’offensive sous la conduite d’un éminent stratège Ranjit Singh et avec l’aide d’officiers français issus de notre Soldats dourranis. Gravure anglaise du 19ème siècle. « grande armée » chargés, tel le Général Allard, de soute- nir toute force militaire capable d’endiguer la colonisation britannique qui prenait alors son essor dans la péninsule in- les Abdali de Hérat où certains chefs membres de la fraction dienne. Ayant restauré leur centre spirituel et intellectuel à sadozaï s’étaient établis. La « grande armée » réunissant des Amritsar et leur capitale à Lahore, ils s’avancèrent en pays Turcs, des Iraniens et des Afghans se révéla peu résistible. pachtoune non sans peine. et finirent par s’emparer de Pes- Nader, qui prit assez vite le titre de Chah parvint à conquérir hawar dont ils reconstruisirent le fort en suivant les indica- non seulement les provinces iraniennes perdues mais aussi tions d’officiers français du génie. la plus grande partie de l’Afghanistan d’alors. Réussissant Ce nouvel Empire, qui bousculait les croyances admises à grossir ses rangs d’un nombre croissants de guerriers au tant chez les musulmans que chez les hindous, notamment fur et à mesure de son avancée, il s’engagea dans la vallée celles consacrant la pérennité des castes, eut assez vite des de l’Indus et poussa encore plus loin. En 1739, il pilla Delhi opposants. Il parvint cependant à se maintenir face à tous où il prit possession du diamant Koh-e Nour symbole de ses adversaires, en particulier les Britanniques déterminés à royauté. Il apparut comme l’égal des grands Moghols sans étendre leur influence. Ces derniers, après divers combats et contester leur légitimité ni prétendre les remplacer. même une guerre en règle, parvinrent à assujettir le royaume Après la mort de celui que certains historiens nommè- sikh puis à en intégrer les éléments à leur Empire nommé rent le « Napoléon iranien », son immense empire se divisa couramment Raj. aussitôt. Le commandant en chef de ses troupes afghanes, Ce qui restait des possessions d’Ahmad Chah Dourrani Ahmad Abdali descendant des Sadozaï de Moultan, rassem- constituait un ensemble solidement retranché en zone mon- bla autour de lui, au prix d’une action militaire et diploma- tagneuse. La capitale afghane qui avait été d’abord Kandahar tique aussi habile que rapide, les tribus pachtounes de toutes et secondairement Peshawar fut transférée à Kaboul à la fin appartenances et même certaines unités de Qizilbach pour du XVIIIème siècle. constituer à son tour une armée redoutable que le pouvoir Pour autant, le nord de l’espace actuellement afghan était iranien se garda de défier sans pour autant se soumettre à elle. menacé par les Khans de Bokhara, et dans une plus faible mesure, par les Turcomans ou Turkmènes, autre ethnie restée partiellement nomade et dirigeant ses raids vers l’ensemble du Khorassan surtout dans sa partie perse. Le contrôle de Les Dourranis la ville de Hérat devenait dès lors pour les Chahs Qadjars, Fort de l’approbation d’une Loya Djirga ou grande assem- comme pour les Emirs Dourrani, un enjeu majeur. Les se- blée de tous les chefs de tribus pachtounes à Kandahar, il di- conds devaient finir par confirmer leur souveraineté sur cette rigea ses forces vers le sud-est en 1756 et fut bientôt à la tête ancienne capitale non sans l’aide des Britanniques. d’un empire englobant l’Afghanistan et le Pakistan actuels, réunis une fois de plus. Reconnu comme Dourr Dourrani ou perle des perles par la Loya Djirga, il transférera ce titre à toute sa tribu qui cessa d’être celle des Abdali pour devenir L’Afghanistan enclos celle des Dourrani dans le langage courant. Ainsi naissait un La stabilisation des frontières était, pour les monarques pouvoir monarchique afghan aux mains de Dourranis, pou- afghans, d’autant plus urgente que la chrétienté européenne voir qui se maintint sous des formes diverses jusqu’au coup se faisait très agressive. Sous son aspect continental et russe, d’Etat communiste de 1978. elle commençait à investir l’immense domaine des steppes Une puissance nouvelle était donc appelée à jouer un rôle où Turcs et Mongols avaient régné en maitres pendant plus majeur dans la géostratégie régionale, celle des monarques d’un millénaire. Or, la progression des armées slaves, sou- afghans. Le Bassin de l’Indus déjà partiellement dominé par tenue par leur redoutable cavalerie auxiliaire mi-turque des aristocraties pachtounes et baloutches relevait dès lors mi-slave, celle des Cosaques, semblait irrésistible bien que d’un empire défendu par des princes et des guerriers redou-

Les Nouvelles d’Afghanistan n°139 7 lente. L’autre face de la chrétienté conquérante était mari- tous et partagée. Il n’est pas étonnant que la culture populaire time, commerçante et volontiers colonisatrice. Elle était en- afghane se fit de plus en plus frustre et combattive. Les jeux core plus redoutable car elle parvenait à parachever pour son les plus prisés dans le pays furent et sont encore les com- propre compte l’œuvre des empires musulmans tout en vas- bats d’animaux et les paris. Un monarque parvint à limiter salisant les principautés locales. Bénéficiant des ressources les dommages subis par son pays en jouant de l’ouverture techniques les plus récentes, elle levait des armées dirigées vis-à-vis de ses trois grands empires voisins tout en exerçant par ses propres officiers mais constituées dans leur masse par un rôle d’arbitre entre les hobereaux et autres chefs de guerre des indigènes de tradition guerrière. Ces troupes étaient re- du pays. Ce fut le sage, l’obstiné, le frugal Dost Mohammad marquablement entrainées et disciplinées. dont le règne de 1843 à 1863 laissa le souvenir d’un temps Après l’éviction laborieuse des Français, les Britanniques relativement béni. Il fonda une nouvelle branche dynastique, assurèrent leur domination sur le monde majoritairement celle des Mohammadzaï. hindou de l’Inde péninsulaire qu’ils nommaient d’ailleurs Cependant, les pressions externes et les tensions internes Hindoustan pour ensuite établir leur suprématie à l’ouest, s’accentuant, il fallut un autre mode d’unification du pays, c’est-à-dire sur une terre d’empire que se disputaient Sikhs et celui de la manière forte indissociable du développement Afghans dans la vallée de l’Indus. Après avoir neutralisé les marqué de l’armée royale. Tel se dessina donc le rôle de premiers, les Anglais occupaient Peshawar en 1818. l’Emir Abdul Rahman qui assagit avec une énergie féroce Condamné à devenir essentiellement défensif, l’Emirat les tribus pachtounes et en déplaça plusieurs vers le nord du afghan se trouva confiné aux régions qu’il avait pu soustraire pays. Il convertit et assujettit les Pachaï et surtout les Ka- à ses puissants voisins. Il cessa peu à peu de jouer son rôle lach montagnards parlant une langue darde et pratiquant un traditionnel de trait d’union commercial et culturel entre les culte polythéiste original. On leur imposa de transformer leur divers pays de la région. Son activité déclina fortement selon montagne nommée Kafiristan, pays des infidèles en Nouris- le témoignage de divers voyageurs. Ses villes se dépeuplè- tan, pays de la lumière. Cela n’alla pas sans massacre. L’ac- rent progressivement. C’était la rançon du rôle de tampon qui tion la plus dramatique fut la mise au pas des principautés lui était laissé. Au sein de sa société, la culture de la rapine hazaras dont les sujets, cavaliers rapides et chiites fervents, propre au Yaghestan ou « royaume de l’insolence » exerçait étendaient leur influence sur tout le centre du royaume. Trois un effet, au total, néfaste même si la persistance de traditions guerres éclatèrent entre eux-mêmes et le pouvoir central, et, guerrières lui permettait de résister aux conquêtes. La société par trois fois, ils faillirent enlever Kaboul. Après l’ultime vic- se fit de plus en plus hiérarchisée dans toutes les ethnies. Les toire de l’armée royale, les Hazaras durent abandonner leur successions au titre d’Emir furent presque toujours le fruit de fierté traditionnelle. Ils furent réduits à une condition subal- combats entre princes factieux. Réduit au « chacun pour soi » terne dans le meilleur des cas mais, le plus souvent, servile. dans l’espace qui était le sien, le monde afghan devenait une Beaucoup émigrèrent dans l’Empire des Indes, formèrent des mosaïque de communautés rivales et armées. communautés assez prospères près de Quetta et s’engagèrent Observant le caractère problématique et mouvementé des en grand nombre dans l’armée impériale britannique où l’un successions au trône de Kaboul, les Anglais furent tentés par d’entre eux fut général. Actuellement, au Pakistan, les Haza- l’immixtion dans l’espoir de placer à la tête du pays un prince ras, bien introduits dans l’administration et l’armée, sont sou- à leur dévotion et de faire entrer dans leur orbite une impor- vent jalousés et parfois suspectés de double appartenance car tante marche de leur Empire. Cette entreprise se révéla très ils restent fidèles au chiisme, n’ont pas désappris le persan coûteuse tout au long du XIXème siècle sans être totalement et sont en contact avec ceux des leurs restés en Afghanistan. infructueuse. L’armée des Indes subit en Afghanistan deux En cette fin du XIXème siècle, Russes et Britanniques revers militaires majeurs qu’elle crut devoir effacer par des après de multiples négociations sans suite décisive finirent expéditions de représailles victorieuses mais ravageuses. Au par s’entendre sur les limites de leur zone d’influence res- terme de chaque combat important, les Anglais parvenaient à pective. La géopolitique européenne les conduisait à s’allier obtenir des Afghans un abandon progressif de leur autonomie et non plus comme naguère à se faire concurrence. Il fut en matière de politique extérieure même si le royaume de entendu que l’Afghanistan serait un Etat tampon entre les Kaboul restait hors du Raj. Tels furent le cas du traité de 1854 trois empires russe, chinois et soviétique. Aussi une impor- et de son supplément de 1857 mais surtout du traité de Gan- tante langue de terre, c’est-à-dire une vallée relevant du haut domak signé en 1879 et limitant la souveraineté afghane tout bassin du Pamir, fut concédée au pays : c’est le corridor du en jetant les bases d’un accord frontalier favorable au Raj. Wakhan, peuplé de Tadjiks Wakhis et de Kirghizes. A l’ouest, Pendant ce temps l’Empire des Tsars prenait possession l’Afghanistan restait le maitre reconnu de Hérat. d’un grande partie de l’Asie centrale et tentait de faire entrer Le plus difficile, le plus litigieux, ce qui reste à l’origine l’Afghanistan, voie d’invasion très ancienne vers l’Inde et de la plupart des troubles actuels fut le tracé au sud du pays les mers chaudes, dans sa sphère d’influence. Les misères d’une ligne qui, sans être formellement reconnue come fron- de la géopolitique des grandes puissances s’abattaient donc tière, délimitait les domaines tribaux relevant respectivement sur l’Afghanistan sous la forme du « grand jeu » décrit par des autorités afghanes et britanniques. La négociation fut très Rudyard Kipling. Il s’imposait à la monarchie afghane de ba- rude, elle aboutit à un tracé auquel le secrétaire aux affaires tailler pour être inféodée ni à l’un ni à l’autre de ses grands indiennes, Sir Mortimer Durand, donna son nom. Cette ligne voisins impériaux et assurer dans une fière pauvreté sa propre dont le tracé fut officiellement esquissé en 1893 lors de la unité. visite de ce dernier ministre à Kaboul fut ensuite dessinée Sa cohésion était menacée par la multiplicité de ses eth- sur les cartes par une commission mixte d’experts afghans nies et aussi par la prolifération des chefs de guerre, laquelle et britanniques. Elle séparait les tribus pachtounes en deux sanctionnait la paucité des ressources du pays et le besoin masses d’importance à peu près égale dont l’une la plus des communautés de s’affronter pour s’assurer d’une part de peuplée dépendait de la couronne britannique et l’autre de la richesse dès lors que celle-ci ne pouvait être assurée pour l’Afghanistan. Abdul Rahman aurait pu refuser cet accord

8 Les Nouvelles d’Afghanistan n°139 liste d’un journal paraissant sous le nom de Seradj Ul Akhbar (lumière de l’information) dont le lectorat s’étendit hors du pays, notamment dans le nord de l’Inde britannique. Il s’agis- sait de Mahmoud Beg Tarzi qui fut le conseiller souvent très écouté mais parfois injustement négligé des souverains Ha- bibullah et Amanullah. C’est notamment sur ses conseils que l’Afghanistan parvint à préserver sa neutralité lors de la pre- mière guerre mondiale. A l’issue de cette dernière, en 1919, l’émir Amanullah par- venu au pouvoir épousa la fille de Mahmoud Tarzi et fit de ce dernier son principal conseiller. Son premier souci fut de libérer l’Afghanistan de la tutelle britannique. Ayant lancé ses troupes au-delà de la ligne Durand il remporta quelque succès face à une armée des Indes éprouvée par la grande guerre. Seule l’intervention de la Royal Air Force parvint à limiter l’ampleur de son offensive. Des deux côtés on fut prêt à négocier. Au terme de longs pourparlers dans lesquels Mahmoud Tarzi, chef de la délégation afghane, joua un rôle éminent, les premiers accords furent signés à Rawalpindi. L’Afghanistan était reconnu comme totalement maître de sa L’Afghanistan pris entre l’ours russe et le lion britannique, fin 19ème siècle. politique étrangère. Les acclamations populaires ayant ac- cueilli alors la délégation afghane dans les territoires appelés à former le Pakistan occidental quelques décennies plus tard donnèrent la mesure de l’influence potentielle de l’émirat de- mais il comprit qu’il n’avait pas la capacité de faire face à venu un peu plus tard royaume au terme d’une proclamation ses redoutables voisins. Il se garda toutefois de reconnaitre à de l’émir Amanullah. Les négociations se poursuivirent mais la ligne Durand le caractère d’une frontière pérenne. Unifié ne permirent pas d’aboutir à un accord frontalier en bonne par la force et de plus en plus militarisé, l’Afghanistan ne bé- et due forme, l’Afghanistan refusant d’admettre la pérennité néficiait ni des quelques avantages accordés à des colonisés et encore moins l’intangibilité de la ligne Durand. Il restait (travaux d’infrastructure, réseau scolaire, amorce d’indus- à effacer les traces laissées dans la société afghane par un trialisation) ni de ceux acquis par les pays conquérants. siècle de repli identitaire farouche et à constituer une armée Les Britanniques, quant à eux, peu soucieux d’en dé- réellement moderne, capable de relayer l’autorité royale. Se coudre avec les tribus pachtounes turbulentes officiellement hâtant, avec excès peut être, de moderniser son pays, le roi incluses dans le Raj, accordèrent à beaucoup d’entre elles, Amanullah finit par perdre beaucoup de sa popularité. Il fut les plus montagnardes et les plus farouches, un statut de semi renversé par une série de complots inspirés par le conserva- autonomie sous le simple contrôle d’agences politiques res- tisme populiste tant en pays pachtoune que dans des régions pectant leurs institutions traditionnelles et surtout soucieuses tadjikes. C’est en ces dernières qu’un prédicateur enflammé, d’arbitrer leurs querelles éventuelles. Ainsi furent créées les Habibullah Qazi nommé par dérision Batcha Saqao (le com- zones tribales, tandis que toute la partie du bassin de l’Indus mis porteur d’eau) parvint à soulever les foules et à s’empa- où les Pachtounes étaient dominants par le nombre furent in- rer du trône de Kaboul. Le roi Amanullah, forcé d’abdiquer clus dans une entité spécifique, la Province Frontière du Nord en 1929, finit par se réfugier en Italie tandis que Nâder Khan Ouest. réussissait à restaurer en neuf mois, avec l’appui de tribus fidèles, la dynastie des Mohammadzaï. En cette période où l’islam était instrumentalisé comme force anticoloniale mais aussi antimoderne avec sans doute Une difficile entrée pour cela la bénédiction d’empires coloniaux malmenés par les cercles intellectuels nationalistes, un élément stabilisateur dans la modernité exerçait son influence sur la piété populaire dans les mon- Malgré les rigueurs de sa condition d’Etat enfermé, tagnes comme dans les plaines : il s’agissait de la quête spi- l’Afghanistan eut, à la fin du XIXème siècle et au début du rituelle pratiquée dans deux grandes confréries, la Qadirya et XXème, le surprenant mérite de se donner, peu à peu, les la Naqchbandya. Tant en Afghanistan que dans ce qui allait moyens d’entrer de son propre mouvement dans la moder- devenir de nos jours le Pakistan, les pouvoirs politiques au- nité. Djamalouddin, théoricien d’un renouveau de la pensée raient sans doute été sages de s’appuyer sur elles plutôt que islamique, familier des cercles intellectuels parisiens, était-il de céder à la tentation de la puissance. vraiment afghan d’Assadabad comme il l’affirmait ? Toujours Les deux décennies qui suivirent furent celles de l’ambi- est-il que c’est bien à lui que se référèrent plusieurs grandes guïté délétère dans les rapports entre le royaume et le Raj. familles pachtounes et tadjiks soucieuses de faire participer Le premier jugeait certes irréaliste de reconstituer l’empire leur pays à la vie intellectuelle du monde. Ainsi se consti- d’Ahmad Chah Dourrani mais souhaitait garder dans sa clien- tua à Kaboul, Djalalabad et Kandahar, une élite proprement tèle les tribus pachtounes incluses dans le Raj avec l’idée de afghane dont la pensée était proche de celle de Mohammed les faire entrer quelque jour dans l’orbite du royaume. Du Eqbal, poète et essayiste, concepteur de l’idée pakistanaise et côté britannique, on s’appuyait sur ces mêmes tribus pour chantre d’un renouveau de l’Islam. Elle fut parfois capable fournir des cadres et des soldats à l’armée des Indes. Elles d’une audace encore plus grande peut-être. Le penseur mo- pouvaient faire contrepoids aux éventuelles turbulences de derniste le plus influent et réputé fut le fondateur et éditoria- certaines ethnies ou castes guerrières comme les Baloutches,

Les Nouvelles d’Afghanistan n°139 9 les Rajpouts ou les Mahrates. mation et le renforcement de son armée selon une politique périlleuse engagé par le Daoud longtemps premier La naissance du Pakistan ministre du roi Zaher, l’Afghanistan devait résister aux em- Après la très sanglante et douloureuse partition de l’Inde, pressements très intéressés de son grand voisin du nord dont en 1947, lorsque le Pakistan nouvellement constitué en Etat il espérait pouvoir cultiver l’amitié sans entrer pour autant sollicita son admission parmi les membres des Nations unies, dans son orbite. la délégation afghane fut la seule à émettre un vote néga- C’est dans ce souci de prévenir tout alignement irréver- tif. Les Afghans ne pouvaient en effet admettre que la ligne sible qu’on peut trouver l’une des motivations ayant conduit Durand, démarcation provisoire entre l’empire britannique et Zulfiqar Ali Bhutto à se faire l’artisan d’une conférence is- l’émirat d’Afghanistan pût devenir une frontière entre deux lamique dont la principale vertu devait être, à ses yeux, de Etats constitués comme tels. Ainsi s’amplifia une querelle faire surgir une sorte de troisième force dans un monde met- dont les effets se font sentir de nos jours. Piqués au vif, les tant la plupart des nations en demeure de se choisir un camp. stratèges pakistanais émirent volontiers l’idée que leur pays L’autre motif était sans doute aussi de trouver les voies d’un comptant un plus grand nombre de Pachtouns que l’Afgha- dépassement des contradictions agitant le monde musulman, nistan avait vocation à s’agrandir aux dépens de son voisin lequel cédait à des tentations nationalistes dans des litiges, du nord-ouest, sinon à l’englober. Ces polémiques de carac- des tensions, des crises liées aux exigences identitaires et au tère essentiellement rhétorique n’ont pas eu d’effet durable droit des peuples. De fait, Zulfiqar Ali Bhutto se trouvait en- dans les relations bilatérales gouvernées par le réalisme. Ka- gagé avec virulence dans la défense du droit des Cachemi- rachi reste pour l’Afghanistan le principal port, et pour un ris à l’autodétermination, exigence exprimée par le Pakistan pays souffrant d’arriération économique, cette ouverture est depuis sa naissance comme Etat. Pour autant, il eut la peine vitale. De son côté, l’Afghanistan était déjà pour le Pakistan que l’on sait à admettre le droit du Pakistan oriental à s’éri- un utile lieu de transit avant même la levée du rideau de fer. ger en Etat séparé pour devenir le Bengladesh, tout comme il Par ailleurs les imbrications de familles et plus généralement répugnait à tout compromis avec le particularisme pachtoune de populations que l’histoire a créées entre les deux pays font défendu dans sa propre Province du Nord-Ouest par le parti qu’un nombre non négligeable de Pakistanais entretiennent Awami, auquel le prince Daoud, d’abord comme premier des liens personnels avec l’Afghanistan qu’ils considèrent ministre puis comme président de la première république comme une lointaine patrie d’origine. Certes, dans les années afghane, avait proclamé son soutien. cinquante et soixante, les relations entre les deux pays furent Après les accords de Simla de 1974 entre l’Inde et le Pa- tendues dans la mesure où l’Afghanistan apportait un sou- kistan, on vit se dessiner une volonté de rapprochement entre tien constant au mouvement autonomiste pachtoune du Pa- ce dernier pays et l’Afghanistan. Ce mouvement avait déjà kistan. Cependant, ce dernier pays reconnaissait à son voisin été esquissé lors des dix années les plus heureuses du règne du nord-ouest le grand mérite de rester une sorte de bouclier du roi Zaher (1963-1973), années de stabilité politique dans protecteur face au développement de l’influence soviétique. l’alternance gouvernementale et d’un meilleur équilibre des On peut dire que l’Afghanistan et le Pakistan avaient pouvoirs garanti par la toute nouvelle constitution de 1964, longtemps été les protagonistes d’une longue histoire dont années aussi d’une diplomatie prudente, équilibrée, mais les plus glorieux moments leur avaient été communs. Dans penchant plutôt en faveur du monde occidental. les deux pays, les populations ne pouvaient qu’en avoir une Toutefois, en Afghanistan comme au Pakistan, l’impa- certaine conscience, assez claire chez les érudits mais diffuse tience couvait devant la lenteur des changements écono- dans les masses populaires. En tout cas, le sentiment de par- miques et sociaux. L’accélération attendue fut amorcée par tager de multiples intérêts quels que fussent les contentieux les deux hommes d’Etat naguère adversaires, Mohammed bilatéraux existait. Daoud et Ali Bhutto, désormais unis dans une même re- A cela s’ajoutaient les hantises partagées, celles notam- cherche d’investissements productifs et d’un non-alignement ment, de se trouver inféodé à des grandes puissances quand se justifiant par une commune fidélité à l’Islam. Cela les sévissait encore la guerre froide. Entré dans le système d’al- amenait à devenir clients des monarchies pétrolières, ce qui liance du CENTO, le Pakistan redoutait de devenir un satel- entraina dans leurs pays respectifs, par contrecoup, le déve- lite des Etats-Unis. Tourné plutôt vers l’URSS pour la for- loppement d’un certain « salafisme » diffusé dans la plupart des lieux d’enseignement à caractère religieux, subvention- nés par les « pétrodollars ». Cela se faisait à la satisfaction Le prince Turki al Faiçal d’Arabie saoudite, chef des services de renseignements, le président afghan , Nawaz Sharif, premier ministre pakistanais et Gulbuddin Hek- des Etats-Unis et au grand mécontentement de l’URSS. matyar, chef du Hezb-e Islami et premier ministre afghan, lors de la signature des accords de paix, Islamabad, 1993. Photo Reuters L’émergence du Tâleb Il ne faut donc pas s’étonner qu’après l’instauration pré- cipitée et brutale d’un régime communiste en Afghanistan, puis l’intervention des troupes soviétiques pour le maintenir en place, le Pakistan ait accordé une aide sans réserve aux résistants afghans et que Peshawar soit devenu un lieu de rassemblement pour tous les partisans d’un Islam piétiste et traditionnel s’opposant aux injonctions d’une sorte de diri- gisme matérialiste de la pensée et de la croyance imposé par le nouveau régime de Kaboul. Dès lors, des volontaires mu- sulmans venus du monde entier se rassemblaient à Peshawar

10 Les Nouvelles d’Afghanistan n°139 soutien fidèle. Ces derniers restent pour lui une arme de dis- suasion dans un contexte où, par l’effet de la nucléarisation des armées en présence, les batailles revêtent rarement l’as- pect d’engagements frontaux et s’en tiennent à des actions de guérilla ou de contre-guérilla. Il peut d’autant moins renon- cer aux alliances discrètes voire secrètes qu’il entretient avec des groupes fondamentalistes pachtounes, soit afghans soit pakistanais, que ceux-ci l’assurent de leur hostilité foncière à l’égard de l’Inde toujours aussi intraitable dans l’affaire du Cachemire. Percevant tout l’intérêt que présenterait pour lui un Afghanistan stable jouant à nouveau, après la fin des Em- pires, son rôle de trait d’union aux multiples fonctions entre «Il ne faut donc pas s’étonner si les Pakistanais ont été portés à soutenir des mouvements l’Iran, l’Asie centrale et le sous-continent indien, il redoute nettement fondamentalistes». The News, 11/10/2000 cependant l’émergence d’un régime afghan solide mais en- tretenant une coopération privilégiée avec l’Inde. Le Pakis- tan pourrait alors redouter de se voir pris en tenaille entre où l’aide venant d’Arabie Saoudite et d’autres monarchies deux pays hostiles. leur était distribuée. Il fut alors naturel de voir un héros de lé- De son côté l’Inde ne peut se résigner à une quelconque gende en la personne d’un jeune saoudien d’origine yéménite détente avec le Pakistan si ce pays lui apparait comme le prin- apte à galvaniser et orienter les jeunes énergies musulmanes. cipal animateur d’un « arc islamique » pouvant s’étendre du Il se nommait, comme on sait, Oussama Ben Laden. Baloutchistan jusqu’aux confins des mondes chinois et turc Au moment où naissait en Iran une forme inusitée d’Is- dans le Xinjiang. L’Afghanistan, quant à lui, peut d’autant lam révolutionnaire, peu dissociable du chiisme professé moins supporter les ingérences pakistanaise dans ses affaires dans ce pays, et comme ce mouvement rejetait la supréma- intérieures que l’histoire comme la géographie humaine les tie des grandes puissances et en particulier celle des Etats- rendent aisées. Il a toute raison de redouter d’être l’otage des Unis, ces derniers crurent bons de favoriser à Peshawar tous clientèles que le Pakistan essaierait de conserver au sein de les groupes se réclamant d’un sunnisme fondamentaliste, sa population en s’appuyant à la fois sur le djihadisme et le conservateur et rigoriste. Derrière le Modjahed se profilait trafic de drogue sans parler de divers réseaux de corruption. donc déjà le grand adversaire conservateur des forces mon- Entre deux pays que l’histoire a rendus familiers l’un à diales prépondérantes, c’est-à-dire le Tâleb. l’autre sans pour autant les faire participer d’un même en- Les Pakistanais, conscients du rôle politique potentiel- semble, les relations restent empoisonnées par les arrière- lement dévolu à leur population pachtoune s’en remirent pensées. La seule voie pouvant leur permettre de vivre en tout naturellement à des militants pachtounes religieux pour bonne intelligence est celle consistant à ne rien cacher des concevoir, organiser et développer la résistance afghane. Les attentes et aspirations respectives et à tenter de les concilier écoles coraniques au sein desquelles se recrutaient tant au dès lors qu’elles sont contradictoires, et cela dans une déli- Pakistan qu’en Afghanistan les combattants les plus déter- bération excluant les ruses et les non-dits. Un tel programme minés face aux implacables actions répressives de l’armée semble prométhéen et pourtant un certain nombre d’exi- soviétique étaient en majorité installées en pays pachtoune. gences doivent être impérativement prises en compte. Il ne faut donc pas s’étonner si les Pakistanais ont été por- • Le Pakistan ne peut supporter d’être tenu à l’écart de tout tés à soutenir des mouvements nettement fondamentalistes processus tendant à rétablir en Afghanistan un minimum comme le Hezb-e Islami de , puis les d’entente nationale, de saine administration et de renonce- Tâlebân lorsque la guerre civile entre factions afghanes ré- ment aux violences. sistantes fit place à celle menée contre l’occupant soviétique, • Il ne saurait pour autant se prévaloir d’une entente retrouvée lequel avait quitté le pays dès la fin des années quatre-vingt. avec les Afghans pour faire pression sur l’Inde qui redoute Un autre élément vint alors accentuer le soutien que le les effets d’une union trop étroite entre les deux pays et réa- Pakistan apportait à des combattants salafistes. Après la dis- girait avec vigueur, fût-ce en sous-main. solution de l’Union Soviétique et, pouvait-on espérer la fin • Les Afghans ne peuvent, quant à eux, ignorer l’ampleur du soutien indéfectible au sein du Conseil de Sécurité des du contentieux indo-pakistanais et devraient se garder de représentants de Moscou aux positions indiennes dans l’af- démonstrations d’amitié avec l’Inde telles qu’elles réveille- faire du Cachemire, les populations de la partie contrôlée par raient à Islamabad la « hantise de l’étau ». l’Inde relancèrent leurs revendications d’autodétermination Au prix de telles précautions, les deux pays pourraient et furent durement réprimées par l’armée indienne. Le Pakis- trouver un avantage commun dans une expansion rapide de tan se trouvait dès lors conduit à soutenir dans ce territoire l’économie légale en Afghanistan, économie fondée à la fois agité, lieu de violence voire d’atrocités, des modjahedin dé- sur la création de richesses et sur les transits commerciaux. terminés proches de ceux dont ils s’étaient fait une clientèle Enfin une accalmie durable ne pourrait apparaitre dans leurs en Afghanistan. relations que s’ils s’entendaient à gérer conjointement les A l’heure présente, le Pakistan se trouve ligoté par ses dynamiques dont certaines restent hautement dangereuses multiples engagements parfaitement contradictoires. Tou- comme celle propre à l’Islam politique que, de part et d’autre, jours allié des Etats-Unis malgré l’exaspération de sa popu- on a contribué à vivifier au point de le rendre intraitable. lation face aux brutales maladresses et autres dégâts collaté- raux dont l’armée américaine porte la responsabilité tant au Le 21 décembre 2012 Pakistan qu’en Afghanistan, dans les zones pachtounes des deux pays, il ne peut tourner entièrement ses forces contre les mouvements fondamentalistes dont il a été longtemps un

Les Nouvelles d’Afghanistan n°139 11 Pourquoi tant d’acharnement ?

par S. Zia FARHANG*

Comme l’historique précédent le montre bien, Pakistan et Afghanistan ont des histoires tellement imbriquées qu’ils devraient pouvoir trouver des terrains d’entente et de coopération pour construire un avenir respectant les intérêts de chacun. Pourtant, vu du côté afghan, les contentieux sont nombreux et sont apparus dès le jour de la création du Pakistan comme nation indépendante. Son analyse peut paraître très sévère mais correspond à des points de vue que l’on entend très fréquemment en Afghanistan. En apparence le mot «Pakistan» signifie «le pays des Ouest, seuls 50% des électeurs participèrent au vote et à peine purs», ce qui constitue non seulement un affront aux non- un peu plus d’un électeur sur deux choisit le rattachement du musulmans mais également, et je dirai surtout, à tous les mu- territoire au Pakistan2. En ce qui concerne le Cachemire, ma- sulmans non pakistanais ! Cependant ce nom ne se rapporte joritairement musulman, le maharaja Hari Singh, désireux de pas à une religion mais plutôt à un projet politique. proclamer l’indépendance de son territoire, finit par se ravi- L’idée de la création d’un Etat musulman sur une partie ser et décida de rejoindre l’Union indienne. Cette décision fut du territoire indien fut avancée pour la première fois au 19e à l’origine de la première guerre indo-pakistanaise (1946-47) siècle par un certain Saïd Ahmad Khân, juriste et politicien qui se termina grâce à un arbitrage des Nations unies. Selon indien. Elle fut reprise, en 1933, par Choudhari Rahmat Ali, cet arbitrage, en attendant un référendum populaire d’autodé- étudiant de l’université de Cambridge, qui dans un petit pam- termination, l’administration des deux-tiers de la province fut phlet intitulé «Maintenant ou jamais»1 proposa la création confiée à l’Inde et celle du tiers restant au Pakistan. A ce jour d’un Etat musulman qu’il baptisa le «Pakistan». Dans l’esprit le référendum en question n’a toujours pas eu lieu. de ce Choudhari cette nouvelle entité devait être composée des territoires du Pandjâb, de l’Afghanistan, du Cachemire, du Sind et du Baloutchistan. Le nom qu’il proposait était composé de la première lettre du nom des quatre premières régions et des trois dernières lettres du cinquième qui, jux- Les contradictions existentielles taposées dans cet ordre, composent en langue ourdou le mot du Pakistan Pakistan. Plus tard, en 1947, lors de la création du Pakistan, C’est ainsi que surgit au voisinage de l’Afghanistan un Mohammad Ali Jinnah, le leader des musulmans indiens, en nouveau pays, bicéphale, dont les deux composantes étaient annonçant le nom du nouveau pays lui attribua très précisé- distantes de 1700 km, dépourvu de racine historique, sans ment la signification proposée par le susmentionné Choud- véritable nation et sorti du néant. Ce pays commença son hari Rahmat Ali. existence dans le concert des nations par une inimitié vis- Selon le plan de partition de l’Inde britannique dit «plan à-vis de deux de ses voisins. Et dès sa création, le Pakistan, du 3 juin» la province dite du Nord-Ouest (de population fut confronté à d’innombrables contradictions lesquelles ont pachtoune) devait se prononcer par référendum pour décider fini par déboucher sur sa situation actuelle que nous pouvons de son adhésion à l’un des deux pays. Quant aux Rajas des résumer comme suit : trois Etats princiers indiens, dont le Cachemire, ils avaient • Sur le plan social le pays fait face à une très forte mésen- obtenu la possibilité d’opter pour l’indépendance ou de déci- tente ethnique. Tandis que les Pachtounes et les Sindîs se sen- der de leur rattachement à l’un des deux Etats nouvellement tent exploités par les Pandjâbis, les Baloutches s’estiment, créés. quant à eux, spoliés par le gouvernement central qui exploite Lors du référendum organisé dans la province du Nord- leurs richesses minières. Ils parlent de plus en plus de défec- tion et d’indépendance. * Diplômé de l’Ecole Nationale des Travaux Publics de l’Etat à Paris. Vit • Sur le plan démographique, le Pakistan avec une popula- actuellement à Kaboul où il a fondé un bureau de Conseil dans le domaine du bâtiment. tion de près de 188 millions d’âmes pour une superficie totale

12 Les Nouvelles d’Afghanistan n°139 Oussama Ben Laden, un cadeau empoisonné. «On dit que les terroristes ont réussi à s’infil- trer à l’intérieur des organes de sécurité pakistanais». Dawn 01/11/2000 Visite au Pakistan de Hâmed Karzaï, le 16 février 2012. «Le Pakistan porte toute son atten- tion sur l’Afghanistan qu’il considère désormais comme sa seule planche de salut». Photo DR d’un peu plus de 796 000 km2, soit une densité de l’ordre de 236 habitants par km2 (contre un peu plus de 46 pour l’Afghanistan), est un des pays parmi les plus peuplés du Pakistan oriental), un budget militaire insupportable pour son monde. Ils sont nombreux les spécialistes qui pensent que économie, une course aux armements avec l’Inde, la fabri- le pays atteindra vers les années 2050 le seuil de la tolérance cation de la bombe atomique et de fusées à longue portée au-delà duquel les conflits sociaux seraient inévitables. etc. En conséquence plus des trois quarts de sa population, • Sur le plan politique, contrairement à l’Inde, le Pakistan soit environ 141 millions de personnes, vivent aujourd’hui n’a pas su perpétuer l’héritage d’une vie démocratique reçu avec moins de 2 dollars par jour (selon la Banque Mondiale des Anglais et se mua en une terre de coups d’Etat. Le quar- - 2009), le déficit budgétaire est de près de 7%, la dette pu- teron de généraux, Ayoub Khân, Yahyâ Khân, Zia ul Haq et blique atteint les 70% de son PIB et l’inflation a un rythme Parweiz Musharraf, en fomentant des coups et en transférant annuel de l’ordre de 15%. Selon l’agence de notation Stan- le pouvoir des civils aux militaires finirent par leur permettre dard and Poor’s le pays est désormais classé très spéculatif de créer un Etat dans l’Etat. Ainsi, les institutions démocra- (B-). tiques de l’Etat se sont petit à petit transformées en autant de • Concernant le terrorisme, obnubilés par leur lutte acharnée coquilles vides. contre l’Inde au sujet de Jammu et Cachemire et par la néces- • Sur le plan religieux, pour maintenir sa cohésion nationale sité considérée comme vitale d’inclure l’Afghanistan dans et pour exacerber les sentiments anti indiens de sa population, leur zone d’influence, les responsables pakistanais ont cru le Pakistan décida de pratiquer un islam rigoriste. Les consé- trouver dans le terrorisme une armée efficace et bon marché. quences sociales de cette politique, toujours en vigueur, sont Dès lors ils ont encouragé les terroristes de tout poil à opérer désastreuses. Les assassinats fréquents de groupes de gens depuis leur territoire. Pour ce faire ils les ont autorisés à y appartenant à la minorité chiite et les brimades auxquelles établir leurs bases et des camps d’entrainement. Al-Qaeda, font face les chrétiens pakistanais en sont des exemples. Lashkar-e Taïba, Lashkar-e Jangwï, Jaïsh-e Mohammadi, Ta- • Sur le plan économique, bien que bénéficiant des infras- hrik-e -e pakistani, Comité de Quetta, réseau Haqâni, tructures laissées sur place par l’Angleterre et possédant un Harakat-e Islâmi-e Ouzbekistan, Sepâh e Sahâba et bien grand port maritime, un réseau ferroviaire, un réseau routier d’autres encore ont pu ainsi s’y implanter et se développer. et un système d’irrigation, le Pakistan n’a pas su se déve- Les dirigeants pakistanais ont cru qu’ils pourraient aisément lopper tel qu’attendu. La raison en est à rechercher dans une contrôler et manipuler tout ce beau monde par leurs services politique économique déséquilibrée au profit des Pandjâbis secrets dont le fameux ISI. Cependant il est de plus en plus (qui constitua une des raisons principales de la séparation du évident que le pays lui-même est devenu la cible des terro- ristes et qu’une partie de ces hôtes encombrants a désormais Haqâni, dont le réseau a établi ses bases au Pakistan. Photo DR déclaré la guerre à Islamabad elle-même. On dit aussi que les terroristes ont réussi à s’infiltrer à l’intérieur des organes de sécurité pakistanais. Ceci explique peut-être le fait qu’Ous- sama Ben Laden ait pu vivre en toute quiétude dans une des villes garnisons du pays et de surcroit au voisinage immédiat de l’une de ses installations militaires parmi les plus presti- gieuses. • Sur le plan des relations extérieures, la position géopolitique exceptionnelle du Pakistan lors de la guerre froide et plus tard pendant l’invasion de l’Afghanistan par les Soviétiques permit aux Pakistanais de se poser en amis et protecteurs de l’Occident. Prenant la posture de «rempart» face à l’hégémo- nisme russe dans la région ils entreprirent de concrétiser en sous-main leurs objectifs politiques propres. Ainsi, sous cou- vert d’aider et d’organiser la résistance afghane, ils ont réussi à convaincre l’Occident de leur confier la tutelle de celle-ci. Dès lors, profitant de cette aubaine, ils ont pris les disposi-

Les Nouvelles d’Afghanistan n°139 13 tions nécessaires pour mettre en place à Kaboul, le moment pantes et la pauvreté qui en découle, le fondamentalisme et venu, un gouvernement qui leur serait inféodé. La guerre ci- les crimes odieux qu’il engendre, la ségrégation ethnique et vile imprévue qui, à la suite de la chute du régime commu- l’exploitation des uns par les autres, le terrorisme et sa pro- niste, éclata en Afghanistan provoqua dans un premier temps gression rampante au sein de la société, la création d’un Etat l’échec de cette politique. Cependant, mettant habillement dans l’Etat par les militaires et leur mainmise, dit-on, sur les à profit le désintérêt de la communauté internationale quant trois quarts de l’économie nationale, la corruption générali- à la question afghane après la chute de l’Union Soviétique sée qui touche jusqu’au président de la république, et enfin et le chaos qui régnait en Afghanistan, le Pakistan mit sur son isolement et sa perte de crédibilité sur le plan internatio- pied une force rétrograde formée principalement de sunnites nal constituent autant d’éléments susceptibles de provoquer à fondamentalistes afghans baptisée les «Tâlebân» qu’il aida terme sa désintégration. à prendre le pouvoir à Kaboul en 1996. Ainsi, semblait-il, il Face à cette situation critique les dirigeants pakistanais avait enfin atteint son but et avait réussi à faire, de facto, de ne restent évidement pas sans réaction. Dans la mesure où l’Afghanistan s cinquième région. Cependant l’amateurisme, l’emporter sur l’Inde pour mettre la main sur le Jammu et l’ignorance et l’incompétence des Tâlebân, qui accueillirent Cachemire ne semble plus être à sa portée, le Pakistan porte le réseau Al Qaeda sur le sol afghan et, à la suite des attentats toute son attention sur l’Afghanistan qu’il considère désor- du 11 septembre 2001, accordèrent leur protection à son chef, mais comme sa seule planche de salut : son espace vital. Oussama Ben Laden, provoquèrent leur chute et ruinèrent du C’est pourquoi il remet à nouveau sur le tapis ses thèmes même coup les espoirs pakistanais. En effet, la chute des Tâ- d’antan et évoque ses «intérêts nationaux» dès qu’il s’agit de lebân, si durement installés à Kaboul, fut le point final de trouver une issue à la crise afghane. Un comportement qui cinquante ans d’effort et d’investissement intense qui s’en nous replonge dans un passé pas si lointain où il nous ser- sont allés en fumée sous les bombes de la coalition. vait son invention de «profondeur stratégique» pour évoquer Le double jeu des responsables pakistanais depuis onze l’Afghanistan. ans, le soutien de ses services secrets aux terroristes qui opè- rent en Afghanistan, l’encouragement discret prodigué par le gouvernement pakistanais aux franges les plus extrémistes de sa population à se montrer de plus en plus anti occidentale Les grands axes finirent par rendre le pays définitivement suspect aux yeux de ses amis occidentaux qui le regardent désormais comme un de la politique pakistanaise «Etat terroriste». Pour réussir à concrétiser ses aspirations, dès 2002, le Pa- kistan a entrepris de : 1- Héberger et apporter son aide aux Tâlebân afghans. 2- Accorder un appui sans réserve au réseau Haqâni. Les attitudes russe et chinoise 3- Assigner aux deux organisations précitées la mission de La Russie, bien qu’internationalement en concurrence déstabiliser l’Afghanistan et de tuer autant de soldat étran- avec la Chine et les Etats-Unis, se méfie et garde ces dis- gers qu’ils le peuvent afin de retourner l’opinion publique tances avec le Pakistan. En effet, les Russes craignent parti- des pays de la coalition présente en Afghanistan et en faire culièrement l’influence et l’infiltration des islamistes dans les un moyen de pression sur leur gouvernement. républiques de l’Asie Centrale qui les mettraient aux prises 4- Empêcher les négociations directes entre le gouvernement directes avec le terrorisme international. de Kaboul et les Tâlebân en faisant disparaître tout chef tâleb La Chine, qui a quelques sérieux différends avec l’Inde, qui en manifesterait le désir. est un des rares pays qui affiche haut et fort son amitié pour 5- Provoquer l’assassinat des personnalités politiques le Pakistan. Cependant par delà des déclarations de façade, afghanes qui œuvrent pour la paix avec les Tâlebân. elle montre des signes de méfiance à l’égard de ses «amis» 6- Manipuler les éléments les plus extrémistes de la société pakistanais. En effet, confronté au problème posé par les afghane pour faire croire à un rejet massif des étrangers par revendications des Ouïgours, ce pays, qui investit massive- les Afghans alors que les sondages réalisés auprès de la po- ment en Afghanistan, ne voit pas d’un bon œil la possibilité pulation afghane prouvent le contraire. de l’instauration d’un régime fondamentaliste à Kaboul. Les 7- Donner au monde l’impression d’une insécurité grandis- récentes déclarations d’un responsable chinois des affaires sante en Afghanistan. économiques affirmant que rien ne pourra plus stopper le dé- 8- Bombarder, aux confins de l’Afghanistan, des régions en- veloppement économique afghan peuvent être interprétées tières proches de leur frontière pour les vider de leurs habi- comme un message destiné au Pakistan pour lui signifier que tants et y installer vraisemblablement les réseaux terroristes dans sa politique afghane il devra désormais tenir compte des qui se trouvent actuellement sur son propre sol et accrédi- intérêts chinois. ter ainsi la thèse de l’existence de sanctuaires terroristes en Afghanistan et non chez eux. De tout évidence le but ainsi poursuivi est de convaincre la communauté internationale de lui sous-traiter la gestion de la question afghane et de retrouver ainsi, avec quelques amé- Une situation critique nagements de façade, la situation d’avant septembre 2001. Ce qui précède nous montre que de nos jours le voisin aventurier austral et oriental de l’Afghanistan vit dans des conditions particulièrement difficiles aussi bien à l’intérieur 1- Now or Never,1933, Cambridge. qu’à l’extérieur et fait face à d’énormes difficultés. Une 2- Le référendum fut boycotté par le parti «Khodâï Khedmatgâr» (Les vo- population très dense, mécontente et souvent antagoniste, lontaires) proche du Congrès qui exigeait que l’on pose également la ques- tion de l’autodétermination de la province. l’insécurité grandissante, les difficultés économiques galo-

14 Les Nouvelles d’Afghanistan n°139 DÉVELOPPEMENT

Les ambitions du Pakistan en Afghanistan

par Homayoun Chah ASSEFY*

Observateur très proche de la scène afghane, souvent acteur direct, Homayoun Assefy fait une analyse de la politique afghane qui rejoint en beaucoup de points celle de Z. Farhang. Il en appelle à la sagesse des dirigeants des deux pays.

Depuis la Création du Pakistan, les relations de ce pays que sept articles ne parle pas de frontières mais plutôt de avec l’Afghanistan ont été conflictuelles. Après l’invasion zones d’influence et de non-ingérence. L’accord Durand di- soviétique en Afghanistan et la guerre civile qui a suivi, la vise le groupe ethnique pachtoun d’une façon arbitraire. La politique pakistanaise d’une façon continue a consisté à do- population pachtoune vivant actuellement au Pakistan est es- miner la politique afghane et faire de ce pays une sorte de timée à près de 40 millions d’habitants. «protectorat». Le gouvernement central du Pakistan, dominé par les En 1994 un important général pakistanais, avec une fran- Pandjabis, a toujours combattu avec vigueur les nationalistes chise peu habituelle, me résumait ainsi les ambitions et la po- pachtouns et baloutches. Leurs dirigeants étaient pourchas- litique de son pays envers l’Afghanistan : la reconnaissance sés et souvent privés de liberté. de la ligne Durand, un gouvernement « ami » c’est à dire Après le coup d’Etat communiste d’avril 1978, suivi par «obéissant» à Kaboul. Ce gouvernement ne devra pas avoir l’invasion soviétique de décembre 1979, le rapport de forces de relations privilégiées avec l’Inde et devra soutenir les po- a dramatiquement changé en faveur du Pakistan. Le gouver- sitions d’Islamabad concernant le conflit du Cachemire face nement d’Islamabad a voulu profiter de l’invasion soviétique à l’Inde et il devra enfin garantir un droit de libre passage pour combattre le nationalisme pachtoun et baloutche. Il a vers les pays d’Asie Centrale. favorisé l’intégrisme islamique avec l’ambition de mettre au Il y a peu, l’ancien président du Pakistan, Parvez Mushar- pouvoir à Kaboul, après le retrait soviétique, un gouverne- raf déclarait dans une interview accordé à Hindustan Times ment à sa solde. Le général président Zia Ul-Haq, lui-même le 17 novembre 2012 : « Nous devons installer à Kaboul intégriste, a essayé, et dans une grande mesure réussi, à deve- un gouvernement qui soit dominé par le Pakistan… ». La chute des Tâlebân et la présence des forces internationales en Afghanistan n’ont pas permis la réalisation de cet objectif. Parvez Musharaf. «Nous devons installer à Kaboul un gouvernement qui soit dominé par le Pakistan». Photo DR

Le problème du Pachtounistan En 1947, lors de l’accession du Pakistan à l’indépendance, les gouvernements successifs afghans ont revendiqué le droit à l’autodétermination pour les populations pachtounes et ba- loutches se trouvant dans le nouvel Etat. Ils ont contesté la validité et la légitimité de la ligne Durand. Le gouvernement Karzai a lui aussi mis récemment la validité de cet accord en question. Cette ligne a été établie suite à un accord en 1883 entre Mortimer Durand le ministre des Affaires étrangères de l’Inde britannique et Amir Abdul Rahman Khan roi de l’Afghanistan. Cet accord d’une seule page et ne contenant

* Ancien diplomate et homme politique.

Les Nouvelles d’Afghanistan n°139 15 Peshawar, le 17 janvier 1987. Réunion de l’Union des Moudjahedin afghans en réponse au cessez-le-feu proposé par le régime prosoviétique de Kaboul. On reconnait, au centre, Pir Sayed Ahmad Gailani, Burhanuddin Rabbani, Sebghatullah Modjaddedi, Mohammad Nabi Mohammadi, Maolawi Younos Khales, Rassoul Sayyaf et Gulbuddin Hekmatyar. «lLs Pakistanais ont systématiquement avantagé les organisations fondamentalistes au détriment des courants nationalistes afghans» Photo Jeanne Robin nir l’acteur principal de la vie politique afghane. gouverneur de la province du Nord-Ouest du Pakistan, se Après l’invasion soviétique, des millions d’Afghans se vanta publiquement d’avoir « recruté » personnellement les sont réfugiés au Pakistan. Des organisations de modjahedin chefs fondamentalistes des modjahedin afghans. D’ailleurs ont été créées sur le territoire pakistanais. Pour atteindre ces l’un des plus importants chefs fondamentalistes afghan« re- objectifs, les Pakistanais ont encouragé et soutenu les par- cruté » disait qu’après le retrait soviétique : nous allons for- tis fondamentalistes des modjahedin, tout en exerçant un mer une fédération avec le pays frère Pakistan et nous allons contrôle strict sur eux. Après le retrait soviétique d’Afgha- « jeter la ligne Durand dans l’Amou Daria ». nistan en 1989, le gouvernement d’Islamabad a tout fait pour Les partis fondamentalistes afghans au Pakistan et no- déstabiliser le gouvernement de Kaboul, en encourageant les tamment le Hezb-e Islami de Hekmatyar avaient les mains conflits armés entre les groupes de modjahedin. libres au pays d’accueil : ils avaient leurs propres prisons et Les évènements de septembre 2001 et la présence des n’hésitaient pas à éliminer leurs adversaires politiques. Mon forces internationales en Afghanistan a changé la donne. ami et collaborateur, l’écrivain et poète afghan, Bahauddin Madjrouh, Aziz Ulfat et tant d’autres en ont été les victimes.

Fondamentalisme islamique L’ISI incontournable contre nationalisme afghan Pour bien les contrôler, les autorités pakistanaises n’ont L’armée et une partie des forces politiques pakistanaises jamais voulu que ces différentes factions s’unissent et for- ont pensé qu’en jouant la solidarité islamique, un régime ment un véritable front uni. Le tout puissant ISI exerçait une fondamentaliste à Kaboul, à la solde d’Islamabad, donnerait tutelle stricte sur toutes les matières militaires, politiques et au Pakistan une « Profondeur Stratégique » contre l’Inde et logistiques. Il est à noter que dans le système pakistanais, empêcherait une alliance Inde-Afghanistan. l’armée est en fait indépendante du pouvoir politique, no- Même avant l’invasion soviétique dans les années 70, tamment pour les affaires concernant le conflit du Cachemire les services secrets pakistanais avaient commencé à nouer et l’Afghanistan. des relations avec les jeunes islamistes afghans, mécontents Dans les années 90, lors d’un séjour au Pakistan, j’ai eu du président Daoud et de l’influence grandissante des - par l’occasion de rencontrer un ministre fédéral. Ce ministre tis communistes à Kaboul. D’ailleurs un certain nombre de avec beaucoup de franchise et probablement de sincérité m’a ces islamistes s’étaient réfugiés au Pakistan avant même le dit que « les affaires afghanes » sont exclusivement du res- coup d’Etat communiste d’avril 1978. Ces jeunes, armés par sort de l’armée et de l’ISI, et m’a avoué que seulement dans l’ISI (service secret de l’armée pakistanaise) ont essayé de de rares cas l’avis du gouvernement fédéral était sollicité. fomenter des troubles contre le régime de Daoud, mais sans Dans toutes les réunions importantes des modjahedin, un re- résultats tangibles. La population afghane ne les pas suivis. présentant de l’ISI était présent, et il avait très souvent le Dès le début de la résistance afghane contre l’Union so- dernier mot. viétique, les Pakistanais ont systématiquement avantagé les Quant aux contacts internationaux et aux négociations, organisations fondamentalistes au détriment des courants na- c’est le ministère des Affaires étrangères du Pakistan qui tionalistes afghans. Les partis fondamentalistes de Gulbud- s’en chargeait. Même lors des négociations de Genève sur le din Hekmatyar, Burhanuddin Rabbani, Younos Khales et retrait des Soviétiques en Afghanistan, les partis afghans ont Rassul Sayaf recevaient la majorité de l’aide destinée aux été représentés par des diplomates pakistanais. modjahedin. La politique américaine a aussi favorisé les formations En 1992 lors d’un séminaire à l’Université de Peshawar, le fondamentalistes et leur dépendance par rapport aux services Général Nassir Babor, ancien ministre de l’Intérieur et ancien secrets pakistanais. Une grande partie de l’aide américaine

16 Les Nouvelles d’Afghanistan n°139 la destruction d’une grande partie de Kaboul et des milliers de morts. Après l’échec du Hezb-e Islami, en 1996 ce sont les Tâle- bân qui avec l’aide de Pakistan, ont occupé une grande partie de l’Afghanistan. Après la défaite des Tâlebân en 2001 par les forces inter- nationales et notamment les Américains, cette politique de domination a continué avec beaucoup de duplicité. La Chou- ra de Quetta, le groupe Haqani et accessoirement le Hezb-e Islami de Hekmatyar sont devenus les bras armés de l’ISI.

Après septembre 2001 Après les évènements du 9 septembre 2001 (l’assassinat de Massoud) et la présence de plus de cent mille forces in- ternationales, l’Afghanistan est sorti de son isolement. Plu- sieurs pactes et traités stratégiques viennent d’être signés par l’Afghanistan avec différents pays, dont les Etats-Unis, La France, la Grande Bretagne, l’Inde…. etc. Il est question qu’après 2014 l’année du départ des forces internationales du Hâmid Gul, ancien directeur de l’ISI dans les années 1990. Photo DR pays, les Américains gardent au moins pour dix ans quelques bases militaires et des milliers de soldats. D’autres pays oc- cidentaux se sont engagés à former les forces de sécurité pour les modjahedin passaient par l’ISI. Les Américains vou- afghanes et à continuer leur aide économique. Cette nouvelle laient que la guerre entre les modjahedin et l’Armée Rouge situation crée des « obstacles » à l’ingérence pakistanaise en apparaisse comme une guerre idéologique entre l’Islam Afghanistan. et le communisme. Certains milieux américains pensaient Le Pakistan espère toujours qu’après 2014, avec le retrait aussi à former une « Ceinture Verte » dans les régions sud des troupes internationales, la situation évoluera en sa fa- de l’URSS, sans attacher d’importance à ses conséquences veur. Depuis ces dix dernières années, l’influence politique ultérieures, pour l’Afghanistan et la région. Cette politique et économique de ce pays est restée non négligeable. Sur six américaine a sans doute réussi à encourager les populations milliards d’importations afghanes plus de la moitié est d’ori- d’Asie Centrale à se dresser contre le communisme. gine pakistanaise. Dans beaucoup de provinces voisines du En 1983, l’ancien roi Zaher Chah a envoyé au Pakistan Pakistan, beaucoup des affaires sont payées avec la monnaie une délégation, dont je faisais partie, pour essayer de consti- pakistanaise la Roupie. Dans le même temps, les traités de tuer un front uni de la résistance. Les autorités pakistanaises, transit de 1965 et de 2010 sont souvent violés par le Pakistan malgré une politesse apparente, ont tout fait pour que cette dans le but d‘exercer des pressions politiques sur le gouver- délégation ne reste pas longtemps au pays et n’arrive pas à nement de Kaboul. renouer des contacts avec la population et notamment avec L’aide aux oppositions armées du gouvernement de Ka- les courants nationalistes de la Résistance. boul continue, notamment aux Tâlebân, au groupe Haqani et L’hostilité du gouvernement pakistanais vis à vis du ré- au parti de Hekmatyar. Le Pakistan veut que tout accord de gime monarchique de Zaher Chah et par la suite avec le ré- paix éventuel entre le gouvernement de Kaboul et les groupes gime du président Daoud était motivée par la politique pro- armés soit conclu à ses conditions et sous son égide. pachtoune de ces derniers et leurs relations amicales avec Mais le Pakistan en voulant jouer avec « le feu du fon- l’Inde. Après l’indépendance du Pakistan, le parti nationa- damentalisme » commence à brûler ses propres doigts. Les liste pachtoune « National Awami League », dirigé par la fi- Tâlebân pakistanais commencent à menacer la sécurité de ce gure historique de Khan , revendiquait le pays. La situation de la sécurité à Peshawar est plus mauvaise droit à l’autodétermination pour la province du Nord-Ouest qu’à Kaboul. Le fait que Ben Laden ait été trouvé près d’un du Pakistan. Le gouvernement du Pakistan soupçonnait les centre militaire du Pakistan a mis en lumière la duplicité de gouvernements afghan et indien de soutenir ce mouvement. la politique de ce gouvernement concernant le terrorisme. En 2002, même après la chute des Tâlebân, le Pakistan n’a Cette « découverte » a largement contribué à l’isolement de pas voulu que l’ancien roi joue un rôle important dans la vie ce pays. L’économie du Pakistan est au bord de faillite. Des politique afghane. conflits armés dans le Baloutchistan menacent l’intégrité du Dès le retrait soviétique en 1989, le Pakistan à essayé, Pakistan. sans succès, que les partis « favorables » à sa politique pren- Tous ces problèmes ont amené le Pakistan à un certain « nent le pouvoir à Kaboul. C’est en effet le commandant Mas- assouplissement » de sa politique vis à vis de l’Afghanistan. soud qui, en 1992, avec l’aide d’une partie des communistes Il y a quelques jours, le ministre des Affaires étrangères du afghans et la bénédiction de l’Iran et de la Russie mais contre Pakistan a déclaré que la paix et la stabilité dans son pays le vœu du Pakistan, est arrivé le premier à Kaboul et a pris le dépendent de la paix et de la stabilité en Afghanistan. Sans pouvoir tout au moins dans la capitale. aucun doute, l’Afghanistan et le Pakistan sont dans une pé- Dès cet instant, toujours dans le but de « dominer » la riode très tourmentée de leur histoire. L’avenir de ces deux vie politique afghane, l’ISI a encouragé le Hezb-e Islami de pays dépend de la « sagesse » de leurs dirigeants. Hekmatyar et certains autres éléments « favorables » à Isla- mabad à attaquer le nouveau gouvernement. Le résultat fut

Les Nouvelles d’Afghanistan n°139 17 La Ligne Durand

par Léa MÉRILLON*

Alors que la Ligne Durand n’a été reconnue par aucun gouvernement afghan depuis 1949, les tensions régulières entre l’Afghanistan et le Pakistan et l’évo- lution de la conduite de la guerre en font désormais une question-clé de la sta- bilisation de la région. Clarifier le flou juridique entourant la frontière afgha- no-pakistanaise est une condition de la normalisation des relations entre les deux voisins.

Pour éviter que leur rivalité ne se transforme en guerre de cette proposition par le Pakistan entraina alors tensions, aux confins de leurs deux empires, Britanniques et Russes ruptures temporaires des relations diplomatiques et heurts convinrent à la fin du XIXè siècle de délimiter définitivement frontaliers, événements qui ont miné et dégradé durablement les frontières de l’Afghanistan. C’est ainsi que fut tracée ce les rapports entre les deux pays. qu’on appelle la ligne Durand définissant la limite de l’em- pire britannique des Indes. L’accord Durand, accepté sous la contrainte par l’Emir 1947 : le début de la contestation Abdur Rahman Khân, obligea les autorités afghanes à concé- Les velléités autonomistes des tribus trouvèrent leur ex- der de vastes territoires aux Britanniques, dont le Swât, le pression la plus achevée dans la propagande pro-pachtoune Bâdjaur, le Tchitrâl, le Wazirestân, et la région de Tchaman. initiée par Kaboul à cette époque. Centre névralgique et vec- Après la signature de l’accord, les délégations désignées pour teur de la contestation, la capitale afghane usa et abusa de jalonner la ligne frontalière durent essuyer de nombreuses at- l’amalgame entre « Afghans » et « Pachtounes » pour diffu- taques des tribus de la région. La partition de la population ser l’idée de la création d’un « Grand Afghanistan », surtout pachtoune de part et d’autre de la frontière entraina l’émer- lorsque Daoud exerça la fonction de Premier Ministre entre gence d’un profond sentiment nationaliste qui se manifesta 1953 et 19634. C’est dans cette perspective qu’il faut com- par des troubles frontaliers à partir de 1897. Cette date cor- prendre l’opposition résolue des autorités afghanes à l’entrée 1 respond en effet à la première grande révolte des frontières , du Pakistan à l’ONU en 1947. A partir de cette date, l’Afgha- suivie par d’autres soulèvements sporadiques des popula- nistan utilisa également la tribune de l’ONU pour faire en- tions de la ceinture tribale. tendre sa voix. Il y prôna l’adoption d’une résolution dans Cependant, malgré les diverses démonstrations de l’irré- le but de contraindre le Pakistan à accepter des concessions dentisme pachtoune, le gouvernement afghan confirma à plu- territoriales en faveur du Pachtounistan. La modification de sieurs reprises l’accord fondateur de la Ligne Durand. Ce fut la Ligne Durand permettrait à l’Afghanistan de gagner un ac- par exemple le cas en 1919 lorsque le gouvernement afghan cès précieux aux « Mers chaudes », et de favoriser de ce fait 2 signa le traité de Rawalpindi , qui précisait dans son article V son ouverture sur le monde. que l’Afghanistan « acceptait la frontière indo-afghane déjà Dès lors, aucun dirigeant afghan, quelle que soit son orien- admise par l’ancien Emir ». Cette clause fut également enté- tation politique, n’a jamais reconnu la légitimité juridique de 3 rinée dans le traité de Kaboul de 1921 . En fait, c’est à partir la Ligne Durand ; pas même les Tâlebân, pourtant soutenus de la proclamation de l’indépendance du Pakistan en 1947 énergiquement par le gouvernement pakistanais et ses ser- que Kaboul commença à contester la légitimité juridique de vices secrets, entre 1996 et 2001. La Ligne Durand constitue la Ligne Durand. Considérés comme caducs et illégaux, les un véritable imbroglio juridique, où l’abondance des règles traités concernant la Ligne Durand furent rejetés dans leur de droit s’entremêle à de fortes incertitudes qui entretiennent intégralité par une Loya Djirga, et le gouvernement afghan la confusion. exigea la tenue d’un référendum. Son idée était de rattacher Pour certains, l’accord Durand ne liait les Afghans qu’avec les territoires de la ceinture tribale à l’Afghanistan, ou tout les Britanniques ; dans cette logique, dès lors que l’Etat pa- du moins de créer un « Pachtounistan » indépendant. Le rejet kistanais fut créé, le traité devint nul. D’autres surenchéris- sent, en soulignant que le traité Durand n’était de toute façon 5 *Etudiante en Magistère Relations internationales et Action à l’étranger. valable que pendant une période limitée de cent ans . Les

18 Les Nouvelles d’Afghanistan n°139 Poste frontière afghano-pakistanais à Soin Boldak (province de Kandahar). Photo DR

tions de la limite frontalière entretiennent un sentiment de méfiance envers le Pakistan ; s’il n’est pas communément partagé par la société afghane, il se retrouve néanmoins dans toutes les catégories sociales, comme l’a souligné le journa- liste afghan Hafizullah Gardesh : « Tout le monde, du chauf- feur de taxi au président a quelque chose à dire sur la Ligne Durand, et les sentiments sont loin d’être positifs »8. Dès lors, quelles solutions pourraient être envisagées pour régler définitivement le litige frontalier ? La proposition d’Is- lamabad en 2007 de miner et de clôturer la frontière pour em- pêcher les infiltrations terroristes s’apparentait plutôt à une La Ligne Durand et le Pachtounistan tentative de régler une fois pour toute la question de la Ligne Durand. Mais ériger des « murs entre les hommes »9 n’a ja- Pakistanais, de leur côté, insistent sur le fait qu’il n’existe mais permis d’atténuer les tensions entre les Etats, comme le précise l’expression anglaise « bads fences make bad neigh- aucune précision de ce type dans les textes officiels; mais la 10 découverte en 2003 d’un document confidentiel britannique bours » . En finir avec l’unilatéralisme des gouvernements par Ludwig W. Adamec semble faire pencher à nouveau la afghans et pakistanais demeure donc un préalable nécessaire balance du côté afghan. En effet, ce document précise que à la résolution du problème, et l’ouverture de négociations « l’Afghanistan aurait pu mettre en œuvre l’annexion de la pourrait alors jeter les bases d’un futur accord. Si certains zone tribale sur sa frontière sud-est »6 avec le consentement préconisent la reconnaissance officielle de la frontière par le de la population de la ceinture tribale. N’ayant pas revendi- gouvernement afghan dans les conditions du traité de 1893, d’autres la subordonnent à l’obtention d’un couloir territo- qué ce rattachement territorial dans les années qui ont suivi 11 la signature de l’accord, c’est l’adage populaire « qui ne dit rial d’accès à la mer . Reste la question des indépendantistes mot consent » qui a triomphé. Le silence afghan et celui des chevronnés, qui exigent le rattachement de tout le territoire tribus concernées a été considéré comme une acceptation ta- pachtoune pakistanais à l’Afghanistan. Quoi qu’il en soit, cite du statut juridique des zones tribales, et a fortiori de la sans un règlement pacifique du différend frontalier, la nor- frontière 7. A ce flou juridique s’ajoutent les grands principes malisation des relations entre l’Afghanistan et le Pakistan du droit international du XXè siècle, parfois incompatibles demeurera à l’état embryonnaire. entre eux, tels que le « droit des peuples à disposer d’eux- mêmes » et le principe « d’intangibilité des frontières ». En- 1- Voir M. Sediq FARHANG, Afghanistan, les cinq derniers siècles, du fin il faut également noter l’influence sous-jacente des enjeux XVIè siècle à 1919, CEREDAF, Paris, 2011, p.303-304. de politique intérieure, les gouvernements ayant bien du mal 2- Traité de paix signé entre le Royaume-Uni et l’Afghanistan le 8 août 1919, à montrer des « signes de faiblesse » envers leurs électeurs. dans lequel les Britanniques reconnaissent l’indépendance de l’Afghanistan. 3- Les amendements et ajouts au traité de Rawalpindi sont regroupés au sein Difficile donc de faire émerger un consensus entre les autori- du traité de Kaboul, qui consacre l’indépendance effective de l’Afghanistan. tés afghanes et pakistanaises. 4- Voir l’article de Florence TOIX, « Réveil islamiste du Pachtounistan ? », Outre-Terre, n°24, 2010, p 365-383. 5- Ludwig W.ADAMEC, « Le problème juridique de la Ligne Durand », Les Nouvelles d’Afghanistan, n°103, Décembre 2003, p 15-18. Une frontière de facto 6- ADAMEC, op.cit. Pourtant, force est de constater que la Ligne Durand est 7- ADAMEC, op.cit. une frontière « de facto », partiellement matérialisée par 8- Hafizullah GARDESH, “Bad fences make bad neighbours”, ARR Issue, n°193, 20 novembre 2005. Disponible sur le site web de l’ Institute for war des postes frontaliers, représentée dans la cartographie ré- and peace reporting. gionale et internationale, et reconnue internationalement. 9- Voir l’ouvrage d’Alexandra NOVOSSELOFF et Frank NEISSE, Des C’est d’ailleurs sous cette limite territoriale que le Pakistan murs entre les hommes, La Documentation française, Paris, 2007. et l’Afghanistan ont fait leur entrée à l’ONU. Mais si la fron- 10- « Les mauvaises barrières font de mauvais voisins ». tière existe bel et bien sur le terrain, le gouvernement afghan 11- Voir par exemple l’interview de Saïffuldin Saïhoun, professeur à l’Uni- n’a pas pour autant révisé ses prétentions. Les représenta- versité de Kaboul, diffusée dans le Deutsche Welle, le 15 février 2007.

Les Nouvelles d’Afghanistan n°139 19 Survol des relations économiques afghano-pakistanaises

par Daood MOOSA*

La relation afghano-pakistanaise comporte une dimension économique forte, ne serait-ce que parce que l’essentiel du commerce afghan transite par le Pakistan et est à la merci des restrictions administratives que ce pays peut promouvoir selon le climat politique.

• L’accord ne concernait que le transit (import-export) de Durant de nombreux siècles la route de la soie, dont marchandises entre l’Afghanistan et le Pakistan (à cette quelques branches passaient par l’Afghanistan, constitua époque il n’existait aucun transfert de marchandises entre le l’unique voie d’échanges économiques entre l’Est et l’Ouest Pakistan et l’URSS via l’Afghanistan). (l’Asie et l’Europe). L’ouverture des voies maritimes à la fin • Pour prévenir le détournement sur le territoire pakistanais du 15e siècle grâce aux Portugais et aux Arabes et l’abandon des marchandises afghanes celles-ci devaient traverser le Pa- de la route de la soie qui en découla provoquèrent l’isolement kistan par rail dans des wagons plombés. des territoires traversés par ladite route. Dès lors le champ • Les camions afghans ne pouvaient assurer le transport que des activités commerciales des commerçants afghans ne dé- jusqu’à et depuis les villes de Peshawar et Tchaman où s’ar- passa guère les territoires iranien, indien et transoxian. C’est rête le réseau ferroviaire pakistanais. seulement depuis le début du 20e siècle que les échanges • L’accord garantissait l’exportation et l’importation afghanes économiques avec les marchés plus lointains ont repris via vers l’Inde via le passage frontalier terrestre de Wâga. Ce- les ports maritimes de l’Inde et plus tard du Pakistan. pendant, dès le début, le gouvernement pakistanais autorisa seulement le passage de fruits frais afghans vers l’Inde et très exceptionnellement le passage de marchandises à destination de l’Afghanistan. L’accord de transit de 1965 • L’accord ne prévoyait pas de mécanisme arbitral en cas de Au milieu du siècle passé les relations politiques de l’Afgha- litige. nistan et du Pakistan se sont détériorées au point d’aboutir à la fermeture des frontières entre les deux pays voisins1. Ce fait porta un coup très sévère à l’économie afghane très lar- gement dépendante des voies d’accès pakistanaises. Dans la mesure où ces événements se déroulaient durant la période Les nouvelles dite de la «guerre froide» l’Union Soviétique, poursuivant une politique de rivalité avec l’Occident et notamment, dans voies commerciales la région, avec le pacte de Bagdad, manifesta un intérêt tout Le temps passant, la région a connu des développements particulier pour l’Afghanistan et lui ouvrit une voie com- dont l’accord précité ne tenait pas compte. Les plus impor- merciale à travers son territoire. Ceci inquiéta beaucoup les tants en sont : responsables pakistanais qui voyaient ainsi mises en danger • L’émergence de pays indépendants en Asie centrale les sommes colossales récoltées par les réseaux maritimes créant ainsi un nouveau marché pour les produits manufactu- et ferroviaires ainsi que par tous les intermédiaires de leur rés pakistanais. Situation qui nécessitait la refonte de l’accord pays en relation avec le transit des marchandises afghanes. de 1965 et son adaptation à la nouvelle donne économique. C’est pourquoi en 1965, enfin, un accord de transit de mar- • Compte tenu des progrès importants de l’économie pa- chandises put être signé entre les deux pays dont les points kistanaise depuis la fin de la seconde guerre mondiale le ré- essentiels peuvent de résumer ainsi : seau ferroviaire de ce pays n’était plus en mesure de faire face à la demande globale. Aussi le gouvernement pakista- nais décida de faire appel aux camions de la section logis- * Conseiller sénior à Chambre internationale de commerce tique du ministère de la Défense nationale pour acheminer la

20 Les Nouvelles d’Afghanistan n°139 La Passe de Khyber, principal lien routier commercial antre l’Afghanistan et le Pakistan Port de Karachi au Pakistan où des centaines de containers destinés à l’Afghanistan sont Photo DR bloqués. Photo DR marchandise afghane. Cette solution s’avéra inefficace. merce en Afghanistan, particulièrement après la chute des • Depuis quelques décennies, en raison de la pénurie de Tâlebân, a obligé les gouvernements afghan et pakistanais à moyens de transport, des centaines, voire des milliers de conclure en 2011, au terme d’un an et demi de négociations containers appartenant aux commerçants afghans sont blo- intenses, un nouveau traité dit « Afghan-Pak Transit Trade qués pour un long moment dans le port de Karachi. Cela leur Agreement – (APTTA)». Ce traité, qui n’est toujours pas en- occasionne évidement de lourdes pertes sous forme de péna- tré en application, introduit les modifications suivantes par lités, de frais de gardiennage, de vols etc. rapport au précédent : • Constatant ces difficultés, l’Inde, l’ennemi héréditaire • Le territoire afghan constitue à son tour une voie de tran- du Pakistan, a décidé d’en profiter et de briser le monopole sit pour le commerce (import – export) pakistanais vers les du transit afghan via le Pakistan. En collaboration avec le républiques de l’Asie centrale2. gouvernement iranien, il a entrepris l’amélioration des instal- • Les camions de chaque pays peuvent circuler librement lations du port de Tchabahâr se trouvant dans le sud iranien sur les routes pré définies de l’autre pays. sur le golfe d’Oman. Selon les Iraniens ce port raccourcit de • Les marchandises doivent être transportées dans des quelque 700 km le cheminement des marchandises afghanes containers. par rapport au port iranien de Bandar Abbas. Par ailleurs, • La partie pakistanaise accepte d’ouvrir la frontière de pour faciliter l’accès au port de Tchabahâr, l’Inde a construit, Wâga uniquement pour permettre les exportations afghanes3. à ses propres frais, la route de Zarandj qui relie la frontière • Le Pakistan accorde à l’Afghanistan une voie de transit iranienne à la route principale Hérat-Kandahâr à la hauteur vers la Chine. de la localité de Del-Ârâm. • Obligation est faite aux transporteurs de chaque pays de • Le gouvernement pakistanais de son côté, réagissant aux fournir une garantie bancaire équivalant aux frais de douane menées indiennes, a achevé la construction du port de Gawa- du véhicule et de son chargement conformément aux législa- dâr situé à environ 100 km au sud du port de Tchabahâr. Ce tions de l’autre pays. port constitue l’accès maritime le plus proche pour l’Afgha- • Les formalités douanières sont harmonisées entre les nistan mais la route le reliant à la frontière afghane ne peut deux pays. actuellement supporter la circulation des poids lourds. • Les camions transportant les marchandises en transit doi- Concernant les ports de Tchabahâr et de Gawadâr, il vent pouvoir être positionnés à tout instant par des moyens convient de relever qu’ils sont, l’un et l’autre, victime d’une électroniques. même difficulté qu’on peut qualifier de cercle vicieux. En • Est créé un nouvel organisme appelé APTTCA compre- effet, de nos jours, il faut plus de 100 000 dollars pour qu’un nant des représentants des deux gouvernements et devant se bateau de marchandises de taille moyenne jette l’ancre dans réunir tous les six mois afin de mettre au point les détails un port. Aussi, pour qu’un bateau accoste dans un port il doit d’exécution du traité. Cependant à ce jour la partie pakista- être sûr de pouvoir y débarquer rapidement une pleine car- naise a toujours refusé de participer à une telle réunion. gaison et en embarquer autant. Or pour le moment, dans ces • Enfin, le traité prévoit aussi un mécanisme destiné à ré- deux ports, les commerçants n’envoient pas leurs marchan- soudre les éventuels litiges. dises tant qu’il n’y a pas de bateau, quant aux bateaux, ils n’y viennent pas tant qu’ils ne sont pas sûr d’y trouver de quoi réembarquer. Autrement dit, il faudra encore beaucoup de temps avant que les ports en question deviennent opéra- Le commerce illicite tionnels. Signalons au passage que les difficultés rencontrées par entre les deux pays l’Afghanistan pour accéder au marché international avaient Actuellement, sur le plan commercial (licite + illicite) amené les autorités iraniennes, déjà du temps des Tâlebân, à l’Afghanistan est le premier partenaire du Pakistan. Depuis ouvrir la route de Bandar Abbas au commerce afghan. Cette l’accession du Pakistan à l’indépendance en 1946 les diri- décision diminua quelque peu la dépendance afghane vis-à- geants de ce pays ont tout mis en œuvre pour permettre l’in- vis du Pakistan. Cependant le développement rapide du com- dustrialisation de leur pays et assurer son autosuffisance éco-

Les Nouvelles d’Afghanistan n°139 21 identique. La différence consiste dans le fait que l’Afghanis- tan est inondé par des produits de qualité très médiocre fa- briqués au Pakistan tandis que le Pakistan reçoit des biens de qualité supérieure qu’il ne peut fabriquer lui-même. Ajoutons toutefois que ce commerce illicite bilatéral, estimé à plus de 3 milliards de dollars, bénéficie non seulement aux commer- çants, aux transporteurs et autres artisans et professionnels des régions concernées mais aussi aux autorités politiques et gouvernementales pakistanaises lesquelles, passent pourtant leur temps à se lamenter face au problème posé par la contre- bande ! Pour illustrer ce propos citons les faits suivants: 1- Les tribus pachtounes des régions dites autonomes, adja- centes à l’Afghanistan, dont la contrebande constitue l’acti- vité principale ne désirent en aucune façon la déstabilisation de leur région et donc contribuent à sa stabilisation. Pour l’Afghanistan, la grande majorité des biens importés transite par le Pakistan. Photo DR 2- Le fait que quotidiennement plusieurs centaines de ca- mions chargés de produits de contrebande puissent circulent nomique. Pour atteindre leurs objectifs, ils ont eu évidement librement sur les routes pakistanaises n’est possible que par recours à des mesures protectionnistes notamment l’inter- la complicité des plus hautes autorités de ce pays. Pire en- diction d’importation ou encore l’augmentation des taxes et core, les marchandises d’un certain nombre de camions de des droits de douane frappant un certain nombre de produits transport afghans se volatilisent chaque jour sur les routes manufacturés. Les gouvernements afghans de l’époque, de pakistanaises. Les bénéfices en résultant vont dans les poches leur côté, décidèrent de favoriser l’importation des mêmes d’un petit nombre et privent ainsi les deux pays d’une partie produits en Afghanistan en réduisant au minimum les taxes de leurs rentrées douanières. douanières correspondantes. En conséquence ces produits Concernant les difficultés faites par la partie pakistanaise importés en Afghanistan ont été réintroduits, en contrebande, quant à l’utilisation du poste frontalier de Wâga par les com- sur le marché pakistanais occasionnant ainsi des milliards de merçants afghans il convient aussi de noter que l’ouverture dollars de perte pour ce pays. Malgré les demandes répétées de cette frontière peut avoir pour le Pakistan les consé- du Pakistan la situation est restée inchangée jusqu’à il y a quences collatérales suivantes : dix ans4. • Compte tenu du raccourcissement des distances, les pro- Pour faire face à ce problème, le gouvernement pakistanais duits manufacturés indiens de qualité supérieure aux pro- établit durant le règne des Tâlebân une liste de neuf articles duits pakistanais peuvent concurrencer avantageusement ces appelé « Negative List» et en interdit le transit à destination derniers sur le marché de l’Asie centrale. En effet, cette route de l’Afghanistan tout en autorisant leur importation à un prix permettrait aux camions indiens d’atteindre les pays d’Asie élevé via l’Iran. Ces produits représentaient les principaux centrale entre quatre et sept jours contre deux à trois mois articles introduits via l’Afghanistan en contrebande dans ce actuellement par voie maritime. pays et comprenaient entre autres les pièces détachées pour • Le problème insoluble et permanent de la disparition pure voiture, l’essence, les appareils électroniques, les cigarettes, et simple de camions transportant les marchandises afghanes le thé et les pneumatiques. De nos jours, seuls trois articles peut se répéter avec les marchandises indiennes dont les ca- figurent encore sur la liste en question. Il s’agit des pièces mions risquent à leur tour de connaître le même sort. détachées pour voiture, des appareils électroniques et des • Ajoutons que le Pakistan craint également qu’en mettant à pneumatiques. Notons que le nouveau traité APTTA ne pré- profit ces transits le gouvernement indien achemine des pro- voit aucune limitation en dehors des phytosanitaires non ho- duits explosifs sur son territoire. mologués et des armes. Malgré ces difficultés et au prix d’importants efforts, le Pakistan a finalement réussi à développer suffisamment son 1- Les relations diplomatiques entre le Pakistan et l’Afghanistan furent rom- tissu industriel pour pouvoir, à son tour, inonder le marché pues le 6 septembre 1961 afghan en produits pharmaceutiques, denrées alimentaires 2- Les républiques de l’Asie centrale ne bénéficient pas pour l’instant des et autres articles qui sont introduits sur le territoire afghan mêmes avantages. Cependant APTTA en prévoit d’ores et déjà la possibilité. 3- Selon le traité de 1965 les camions transportant les fruits frais afghans principalement… en contrebande. C’est par exemple le cas devaient décharger leur marchandise soit à Peshawar soit à Tchaman après y des tissus en coton dont les besoins du marché afghan sont avoir accompli les formalités douanières. La marchandise en question était entièrement couverts par la production pakistanaise. C’est la ensuite transportée par des camionneurs pakistanais jusqu’à Wâga. Ici aussi, raison pour laquelle depuis la chute des Tâlebân aucune fa- dans la mesure où les camions pakistanais ne peuvent traverser la frontière, brique de tissu n’a pu voir le jour en Afghanistan et pendant les cartons de fruit sont transportés un à un par des porteurs au côté indien de ce même laps de temps plus de quinze usines de produits la frontière où les camionneurs indiens les prennent en charge. Il est évident plastiques y ont dû fermer leur porte. que dans cette opération qui durait en moyenne trois jours, les fruits, expor- tés nécessairement par temps chaud, arrivaient à destination dans un état très Notons par ailleurs qu’actuellement plus de 3,5 millions dégradé. Les nouvelles dispositions qui raccourcissent considérablement les de tonnes de ciment pakistanais sont exportées annuellement délais de livraison des fruits sur le marché indien permettent donc une offre en Asie centrale via l’Afghanistan. à de meilleurs prix. Ce d’autant plus que les camions afghans ont désormais Il n’est bien sûr pas aisé d’identifier tous les produits l’autorisation de traverser la frontière et de décharger directement sur le ter- échangés en contrebande entre les deux pays, ni d’estimer ritoire indien. l’importance de cette échange. Cependant selon des sources 4- L’auteur ne veut pas sous-entendre que la pratique en question s’est ar- bien informées la valeur des biens qui traversent ainsi la rêtée il y a dix ans mais que depuis cette époque elle est devenue tout sim- plement bilatérale ! frontière afghano-pakistanaise dans les deux sens est presque

22 Les Nouvelles d’Afghanistan n°139 Les relations indo-pakistanaises et l’Afghanistan

par Olivier BLAREL*

Est-il abusif de dire qu’il n’y aura pas de paix en Afghanistan sans amélioration de la relation indo-pakistanaise ? La compréhension de celle-ci est de toute ma- nière nécessaire si l’on veut décrypter la politique afghane du Pakistan.

De l’Inde britannique progressivement vers l’URSS au nord pour garantir la conti- nuité de son commerce extérieur. Afin de ne pas froisser son à la Guerre froide nouvel allié, Washington prive Kaboul d’une aide militaire L’Inde britannique était protégée par un système d’Etat- substantielle. Par conséquent, à la dépendance économique tampons situés à sa périphérie afin d’éloigner les menaces de l’Afghanistan envers l’URSS vient se joindre une dépen- extérieures. Les despotes de ces protectorats administraient dance sécuritaire. Entre 1956 et 1978, 3725 officiers afghans librement leur territoire mais remettaient la conduite de leur suivent une formation en Union soviétique alors que seule- politique extérieure entre les mains des autorités indo-britan- ment 487 prendront le chemin des Etats-Unis1. niques en échange d’une rente annuelle et d’un soutien poli- L’Inde et l’Afghanistan entretiennent des relations ami- tique. Ce système défensif permit à l’Afghanistan de n’être cales au sein du mouvement des non-alignés mais ces liens absorbé ni par l’Empire des Indes ni par la Russie tsariste bilatéraux sont dépourvus de substance stratégique. L’inter- puis soviétique. position pakistanaise et le modèle économique auto-centré En 1947, la fin de la tutelle britannique et la partition de l’Inde limitent les échanges et les perspectives commer- de l’Empire entre l’Inde et le Pakistan remettent en cause ciales. Malgré une inimitié partagée envers le Pakistan, les l’équilibre impérial prévalant. Qui allait hériter de la gestion deux Etats se montreront prudents dans la gestion commune de l’édifice sécuritaire du défunt Empire ? L’Inde de Nehru, de leur relation avec Islamabad. Ainsi, Kaboul n’apportera apôtre du non-alignement, de la lutte anti-coloniale et de la pas de soutien à New Delhi sur la question du Cachemire et solidarité pan-asiatique ? En pleine Guerre froide, les Etats- réciproquement l’Inde se gardera de se prononcer ouverte- Unis enrôlent le Pakistan dans le pacte de Bagdad, entreprise ment sur la question du Pachtounistan2. de «containment » dirigée contre Moscou. Le Pakistan voit dans cette alliance un moyen de contrebalancer la puissance Le roi Zaher Chah et Nehru. «L’Inde et l’Afghanistan entretiennent des relations amicales au régionale du rival indien auquel il dispute la province du sein du mouvement des non-alignés» Photo DR Cachemire. Obnubilés par la lutte globale contre le commu- nisme, les Etats-Unis ne se soucient guère des calculs stricte- ment régionaux du partenaire pakistanais. Privée de sa rente mais aussi de la tutelle coloniale, l’Afghanistan réveille la question du Pachtounistan qui me- nace l’intégrité territoriale du Pakistan. Cette confrontation empoisonnera les relations entre les deux Etats, et le Pakis- tan, fort du soutien américain, ferme à plusieurs occasions ses frontières avec l’Afghanistan, exerçant ainsi un blocus de fait sur le pays enclavé. Plusieurs fois au bord de l’as- phyxie économique, l’Afghanistan est contraint de se tourner

* Doctorant à Sciences Po. Il est aussi affilié à l’Institut de Recherche Stra- tégique de l’Ecole Militaire (IRSEM) et au Centre de Sciences Humaines de New Delhi.

Les Nouvelles d’Afghanistan n°139 23 Jusqu’aux années 1970, les rivalités indo-pakistanaises boul et réoriente le djihad vers le Jammu-Cachemire indien et pakistano-afghanes demeurent dissociées. Toutefois, l’ab- en pleine insurrection. Les autorités pakistanaises et plus sence de résolution de ces antagonismes bilatéraux rend la particulièrement l’armée pakistanaise cherchent à asseoir à région extrêmement vulnérable à la logique des blocs de la Kaboul leur protégé islamiste Gulbuddin Hekmatyar et son guerre froide3. Hezb-e-Islami. Il est perçu par ses mentors comme le contre- poids aux factions nationalistes sensibles à la cause du Pach- tounistan. Sur le front indien, les services secrets pakistanais canalisent les militants du djihad afghan déclinant vers la Le renversement des équilibres région indienne du Cachemire qui connait des troubles in- ternes depuis 1987. En 1989, année du départ des troupes régionaux dans les années 1970 soviétiques d’Afghanistan, la contestation politique dans la En 1971, le Pakistan se disloque à la suite d’une inter- province himalayenne glisse vers l’insurrection armée. vention militaire indienne qui précipite l’indépendance du L’Inde est quant à elle désemparée par la chute brutale du Bangladesh. New Delhi accède alors à une position de puis- régime de Nadjibullah. Désinhibée par le retrait des troupes sance régionale incontestée suite à la conclusion des accords soviétiques, New Delhi était devenu le premier soutien exté- de Shimla4. L’essai nucléaire indien de 1974 et l’arrivée au rieur de Nadjibullah qui se fait d’ailleurs arrêter à l’aéroport pouvoir en Afghanistan de Mohammed Daoud Khan, chantre de Kaboul alors qu’il fuyait vers New Delhi. L’arrivée au de la cause du Pachtounistan, renforce le sentiment de vulné- pouvoir de modjahedin en avril 1992 est un échec cuisant rabilité d’Islamabad qui cherche à défaire ce nouveau statu pour la diplomatie indienne qui avait soutenu et reconnu les quo régional qui lui est défavorable. Le coup d’Etat militaire différents gouvernements communistes afghans depuis 1978 du général Zia ul-Haq en 1977 et l’exécution de Zulfikar Ali (l’Inde est le seul pays non-communiste dans ce cas). Bhutto l’année suivante isolent davantage un Pakistan déjà La stratégie pakistanaise ne porte pas ses fruits : Hekma- exsangue. tyar ne parvient pas à s’emparer de Kaboul, toujours aux L’intervention soviétique en Afghanistan change la donne mains du commandant Massoud, et use ainsi la patience régionale. L’aventurisme de Moscou vient finalement donner de ses « mécènes » qui espèrent une fin rapide au désordre de la substance à l’alliance pakistano-américaine. Les Etats- afghan. Lassé de l’interminable conflit, le gouvernement Unis promeuvent le Pakistan au rang d’ « Etat de première Bhutto, élu en 1993, se lance dans sa propre initiative. Alors ligne » (frontline state), dernier barrage antisoviétique, et que le Pakistan connait un marasme économique sans pré- lui confèrent le rôle de gestionnaire du djihad afghan contre cédent, l’apparition des républiques d’Asie centrale aux l’envahisseur. Islamabad profite de l’aide financière améri- populations musulmanes et riches en matières premières re- caine et de la mansuétude de Washington pour développer présente une opportunité commerciale et politique inespérée. son programme nucléaire et soutenir les groupes insurgés de Mais le chaos afghan demeure une barrière infranchissable. son choix. Les enjeux globaux viennent alors s’agréger aux En 1994, le gouvernement pakistanais apporte son soutien à intérêts régionaux du Pakistan. une milice religieuse dont les jeunes membres sont majori- New Delhi connait une fortune inverse : elle s’était rap- tairement issus des madrassas deobandis pakistanaises gé- prochée de Moscou durant les années 1970 afin de se pré- rées par le Jamiat Ouléma Islami, allié politique de Benazir munir d’une éventuelle menace chinoise et se trouve donc Bhutto. Afin de court-circuiter l’Etat-major, le gouvernement embarrassée par l’intervention soviétique dans un pays voi- civil à travers le soutien de troupes paramilitaires sous les sin, ami et non-aligné. La position indienne oscille entre un ordres directes du gouvernement civil pakistanais assiste la refus de condamner ouvertement l’intervention militaire so- milice taleb qui parvient en quelques semaines à s’emparer viétique et une volonté de voir la crise afghane prendre fin au du sud du pays. Un an plus tard, en septembre 1995 le mou- plus vite5. New Delhi se sent menacée par le rapprochement vement des Tâlebân dont les effectifs gonflent avec l’apport américano-pakistanais qui permet à Islamabad de moderni- continu d’étudiants des madrassas pakistanaises s’empare ser son appareil militaire et de poursuivre impunément son de Hérat. Le corridor Pakistan-Asie centrale est finalement programme nucléaire pendant les dix ans que dureront la pré- sence militaire soviétique en Afghanistan6. Tâlebân dans le sud de l’Afghanistan. «La prise de Kaboul par les Tâlebân en septembre 1996 est accueillie avec ferveur et soulagement à Islamabad». Photo IWPR

Du djihad anti-communiste à la guerre contre le terrorisme Au début des années 1990, le retrait des troupes sovié- tiques d’Afghanistan est réciproquement suivi d’un désen- gagement américain. L’Union soviétique périclite et les Etats-Unis, vainqueurs de la guerre froide, perdent de vue l’Afghanistan et l’Asie du Sud où les dynamiques régionales peuvent à présent reprendre le dessus. Afin de ne plus revenir à la situation d’infériorité vis-à- vis de l’Inde des années 1970, le Pakistan souhaite prolon- ger son ingérence dans les affaires afghanes en l’adaptant à ses intérêts propres. Islamabad soutient donc les groupes modjahedin les plus à même de relayer son influence à Ka-

24 Les Nouvelles d’Afghanistan n°139 réalisé. Toutefois, l’aide du gouvernement pakistanais n’est pas suffisante pour conquérir Kaboul et les Tâlebân subis- sent leur premier échec aux portes de la capitale à l’automne 1995. L’armée pakistanaise craint d’avoir perdu l’initiative en Afghanistan au profit de son rival, le pouvoir civil. Son protégé Hekmatyar est évincé par la « milice religieuse ». Opportunistes, les généraux adoubent les Tâlebân, leur oc- troyant ainsi un avantage militaire décisif sur Massoud. C’est ainsi que la prise de Kaboul par les Tâlebân en septembre 1996 est accueillie avec ferveur et soulagement à Islamabad. L’Inde quant à elle ferme son ambassade et se refuse à re- connaitre le nouveau régime, opérant un rapprochement avec l’Alliance du Nord qui s’arc-boute et résiste à la poussée tâ- leb. Dès 1994, le Pakistan subit une pression de la communauté internationale pour le faire revenir sur son soutien ostensible au terrorisme international dirigé contre l’Inde mais aussi contre l’Occident. Il est contraint à déplacer les camps d’en- trainement des groupes djihadistes pakistanais et étrangers de l’autre côté de la ligne Durand en territoire afghan afin d’échapper aux sanctions internationales. Lorsque les Tâle- Hâmed Karzaï et Manmohan Sing en Inde, le 28 août 2005. «New Delhi craint en effet que bân conquièrent ces territoires limitrophes, ils « héritent» de l’armée pakistanaise cherche une « profondeur stratégique » en Afghanistan» Photo DR ces camps terroristes7. L’arrivée au pouvoir des Tâlebân n’a pas d’effet tangible sur l’insurrection au Jammu-Cachemire mais l’establishment indien est prompt à dénoncer l’influence De plus, les autorités tâlebân sont rétives et ne se plient pas néfaste des nouveaux maîtres de Kaboul perçus comme le vé- aux injonctions d’Islamabad qui cherchent à promouvoir in- hicule de l’ingérence pakistanaise en Afghanistan. New Del- ternationalement le régime fondamentaliste. Le Pakistan est hi craint en effet que l’armée pakistanaise cherche une « pro- empêtré dans le conflit afghan duquel il ne parvient pas à fondeur stratégique » en Afghanistan. Ce concept envisage s’extirper. L’Inde qui considère la situation afghane comme l’utilisation de l’Afghanistan comme base arrière à l’armée une menace sur sa sécurité nationale n’a pas les moyens d’in- pakistanaise dans l’éventualité d’une invasion du longiligne fluencer la situation sur le terrain et est exclue des principales mais étroit territoire pakistanais. Au-delà du conflit conven- initiatives de médiation internationale. La rivalité indo-pa- tionnel, cette stratégie prévoit un contrôle du régime à Ka- kistanaise exacerbe le conflit afghan dans lequel aucun des boul et une utilisation du territoire afghan comme sanctuaire deux protagonistes n’a une réelle marge de manœuvre. pour les camps d’entrainement des groupes djihadistes anti- indiens, permettant ainsi à Islamabad de « saigner l’Inde» tout en se défaussant de la moindre responsabilité. Dans un conflit localisé à Kargil dans le Cachemire indien La lutte contre le terrorisme durant l’été 1999, l’armée pakistanaise renouvelle la tactique L’intervention américaine et de l’OTAN en Afghanistan utilisée lors des deux précédents conflits du Cachemire (en consécutives aux attentats du 11 septembre 2001 réactive la 1947-48 et en 1965) en déployant des troupes irrégulières concurrence indo-pakistanaise. Les deux Etats s’empressent afin de contrer la supériorité conventionnelle de l’armée de proposer leurs services à l’OTAN afin de s’isoler mutuel- indienne. L’Inde explique cette situation par un « déborde- lement. Le général Musharraf opère une volte-face spectacu- ment » du conflit afghan sur son territoire avec le soutien laire afin de déjouer la stratégie indienne qui vise à exposer actif de l’armée pakistanaise. En décembre 1999, un avion une complicité pakistanaise avec le djihadisme international d’Indian Airlines est détourné par des militants cachemiris basé en Afghanistan. Comme lors de l’intervention sovié- vers Kandahar. New Delhi se plie aux conditions des pre- tique en Afghanistan, Islamabad redevient l’allié idéal aux neurs d’otages et libère des ressortissants pakistanais arrêtés yeux de Washington, son relais régional dans sa campagne au Jammu-Cachemire. Le gouvernement indien condamnera internationale contre le terrorisme. Toutefois, le Pakistan ne la complaisance des Tâlebân avec les preneurs d’otages et semble pas pour autant abandonner les objectifs régionaux l’instigation du « mentor pakistanais ». En réponse, l’Inde de son revirement : dans une allocution télévisée, le 19 sep- renforce son soutien à l’Alliance du Nord aux côtés de la tembre 2001, le général Musharraf explique sacrifier la cause Russie, de l’Iran et des Républiques d’Asie centrale. afghane pour sauver celle du Cachemire. La relégation de A la veille des attentats du 11 septembre 2001, la stratégie l’Inde à un rôle périphérique n’est que de courte durée car pakistanaise en Afghanistan est un échec patent. Le renver- New Delhi parvient à s’immiscer dans la nouvelle configu- sement du gouvernement élu de Nawaz Sharif par l’armée ration afghane notamment en participant activement à la re- garantit la primauté des objectifs militaires sur les intérêts construction afghane, base de départ d’une politique afghane généraux du Pakistan dans la gestion de la politique afghane. ambitieuse. Ce surinvestissement pakistanais l’isole sur la scène interna- De 2002 à 2012, l’Inde a promis près de deux milliards tionale et lui aliène les républiques d’Asie centrale anxieuses de dollars de dons, ce qui la hisse au rang de 5e contributeur devant l’émergence d’un pouvoir islamiste à leur frontière. de l’effort international en Afghanistan, le premier de la ré- L’éphémère mirage économique devient évanescent. Les es- gion et sans présence militaire. Ce programme d’assistance sais nucléaires de 1998 et le coup d’Etat militaire du géné- et de reconstruction couvre des projets dans les grandes et ral Musharraf en 1999 ne font que renforcer cette tendance. petites infrastructures, dans le système éducatif et médical, et

Les Nouvelles d’Afghanistan n°139 25 Signature d’accords entre l’Inde et l’Afghanistan, en février 2007. Cette présence indienne croissante en Afghanistan explique le soutien d’Islamabad aux insurgés. Photo DR notamment dans la formation de fonctionnaires afghans. Au- insurgés et le régime de Kaboul. La dégradation vertigineuse delà du programme d’assistance, New Delhi dont l’appétit des relations américano-pakistanaises au cours de l’année économique ne cesse de croitre se montre intéressée par des 20118 a considérablement nui aux efforts de réconciliation investissements à long terme, notamment minier, présageant et a sérieusement entamé la crédibilité accordée au parte- un engagement dans la durée en Afghanistan. naire pakistanais par les pays occidentaux. Parallèlement, Islamabad dénonce l’utilisation de cette présence huma- l’Inde a poursuivi l’approfondissement de son engagement nitaire et économique par l’Inde comme couverture pour fo- en Afghanistan, devenant le premier partenaire stratégique menter des troubles sur son territoire via les consulats indiens de l’Afghanistan en octobre 2011. Elle s’est ainsi engagée à à Djalalabad et à Kandahar. Pour sa part, l’Inde dénonce la renforcer sa présence économique et à former des officiers de responsabilité pakistanaise derrière les attentats contre son l’armée afghane, présageant une présence stratégique accrue ambassade à Kaboul en 2008 et 2009 et pour les attaques dans l’Afghanistan post-OTAN. Dans le même esprit, New répétées contre ses chantiers humanitaires ou de développe- Delhi a initié en 2012 des dialogues trilatéraux avec d’un côté ment et ses consulats. l’Iran et l’Afghanistan et de l’autre les Etats-Unis et l’Afgha- Vu de New Delhi, l’abcès s’est déplacé du Cachemire à nistan afin de mieux coordonner la transition afghane,- ex l’Afghanistan à la suite de l’intervention internationale. La cluant sciemment le Pakistan de ces initiatives. Une synergie diplomatie indienne a donc pour objectif d’éviter un retour dans les politiques afghanes indienne et pakistanaise n’est au scénario des années 1990 dans lequel le territoire afghan pas à l’ordre du jour, et il apparait plutôt que l’une se fait à avait servi de base arrière du djihad contre son propre terri- l’exclusion de l’autre, n’augurant pas un répit de la rivalité toire. indo-pakistanaise en Afghanistan. L’isolement progressif du Les puissances occidentales se sont progressivement in- Pakistan l’oblige à faire des concessions, notamment avec quiétées de l’intensification de la rivalité indo-pakistanaise l’extradition vers l’Afghanistan de cadres tâlebân. sur le sol afghan et ont cherché à limiter la présence indienne Le départ progressif des troupes de l’OTAN semble pré- afin de tempérer l’anxiété du Pakistan. Ainsi, le rapport du sager un retour à une compétition régionale en Afghanistan. général McChrystal de 2009 explique le soutien d’Islamabad Dans ce cadre, la nature des relations indo-pakistanaises dé- aux insurgés en Afghanistan par la présence indienne crois- terminera dans une large mesure l’évolution de la stabilité sante. Limiter cette dernière faciliterait la stratégie occiden- afghane. tale. Les objectifs initiaux du représentant américain « Af- Pak » Richard Holbrooke vont dans le même sens : ils voient 1- BRADSHER, Henry. Afghanistan and the . Durham, Duke dans la résolution des différends indo-pakistanais un préa- University Press, 1983. 24-25. lable à la stabilité afghane et donc au retrait des troupes inter- 2- JAFRI, Hasan Ali. Indo-Afghan Relations 1947-67. New Delhi: Sterling nationales d’Afghanistan. L’Inde s’alarme que le Cachemire Publishers, 1976. soit perçu par l’OTAN comme une porte de sortie inespérée 3- DE RIENCOURT, Amaury “ and Pakistan in the Shadow of Afgha- du bourbier afghan, car elle s’est traditionnellement opposée nistan”, Foreign Affairs, vol.16 n°2 (hiver 1982), 423 à une médiation internationale sur la question de cette pro- 4- COHEN, Stephen. India : Emergent Power ? New York, Crane Russak, vince disputée. 1978. 5- HORN, Robert “Afghanistan and the Soviet-Indian Influence Rela- La Conférence de Londres en janvier 2010 marque une tionship”, Asian Survey, vol. 23 n°3 (mars 1982), 247 victoire diplomatique du Pakistan et un échec cuisant pour 6- Ibid, 255. New Delhi. Cette dernière réfute une distinction entre des 7- VAN LINSCHOTEN, A., KUEHN, F. An Enemy We Created. «bons » et des « mauvais » Tâlebân et craint qu’un processus Londres,Hurst, 2012. 134-135 de réconciliation avec une section « modérée » des Tâlebân 8- En janvier 2011, un agent présumé de la CIA abat deux Pakistanais à revienne à accorder sa « profondeur stratégique » à Islama- Lahore, provoquant une vague d’anti-américanisme au Pakistan. En mai, bad et ainsi à légitimer son ingérence en Afghanistan. Ben Laden est abattu lors d’une opération militaire américaine en territoire pakistanais soulevant des doutes sur la fiabilité d’Islamabad comme parte- L’arrestation et la détention de négociateurs tâlebân po- naire dans la guerre contre le terrorisme. Finalement, en novembre 2011, tentiels et les assassinats ciblés de négociateurs afghans par une attaque américaine à la frontière pakistano-afghane conduit à la mort de des groupes réputés proches des services secrets pakistanais 28 soldats pakistanais, provoquant une interruption du transit du matériel de semblent trahir les velléités de certains acteurs pakistanais l’OTAN par le territoire pakistanais. d’avoir une forme de contrôle sur les pourparlers entre les

26 Les Nouvelles d’Afghanistan n°139 L’évolution des Etats-Unis à l’égard de l’Afghanistan, du Pakistan et de l’Inde

par Chahir ZAHINE* Le choix stratégique fait par les Etats-Unis en 1947 d’une alliance forte avec le Pakistan a déterminé depuis lors pour une part la politique des différents acteurs de la région. Les évolutions dans la politique mondiale qui ont eu lieu depuis 1990 conduisent à des contradictions et peut-être à l’établissement d’un meilleur équilibre des relations des Etats-Unis avec le Pakistan et l’Inde. L’Afghanistan est bien sûr un des enjeux principaux de cette recherche d’équi- libre.

Après la création du Pakistan en 1947 les Etats-Unis ont lam en Tanzanie, on peut être certain que l’administration du très tôt favorisé sa relation avec le Pakistan aux dépens de Président Clinton avait totalement oublié l’existence même celle avec l’Afghanistan. Le Pakistan devenait membre du du conflit qui sévissait en Afghanistan et le nid de terroristes pacte militaire CENTO (Central Eastern Treaty Organiza- qui s’y développait. A partir de cette date-là et de l’attaque, tion) allié des Etats-Unis tandis que l’Afghanistan faisait le le 12 octobre 2000, contre le destroyer USS Cole dans le choix du Mouvement des Pays non alignés et était soutenu port d’Aden au Yémen, les Etats-Unis ont pris conscience militairement par l’Union Soviétique. d’une nouvelle réalité qui sortait de leurs schémas habituels Avec l’invasion, le 27 décembre 1979, de l’Afghanistan de guerre. Mais, il a fallu attendre le 11 septembre 2001 et par l’URSS, le jeu stratégique mondial et régional changea l’attaque contre les tours de New-York sur le sol américain totalement de configuration. L’Afghanistan devint un pays pour que la machine diplomatique et de guerre américaine envahi et assisté avec le tiers de sa population fuyant vers prenne réellement la mesure de son adversaire et de ses ra- les terres voisines (surtout l’Iran et le Pakistan), tandis que le mifications. Pakistan gagnait le statut d’allié privilégié de l’Ouest et des La tête pensante de ces ramifications (Oussama Ben La- pays musulmans qui étaient dans le camp opposé aux Sovié- den et Aymen Al Zawahiri) se trouvait, en septembre 2001, tiques. Toute l’aide pour les Afghans, que ce soit humani- en Afghanistan, mais l’appareil de soutien et de logistique taire, financière, militaire ou occulte, transitait par le Pakistan se trouvait au Pakistan. A partir de ce moment et jusqu’au- et ses différents départements. jourd’hui les relations de confiance, d’amitié et de coopéra- Après la chute du régime du Dr. Najibullah en 1992, la tion qui unissaient les Etats-Unis et le Pakistan n’ont jamais situation ne s’améliora aucunement ! L’Afghanistan dispa- réussi à retrouver leur sérénité d’antan. rut des centres d’intérêts globaux mais pour le Pakistan, en revanche, l’aubaine était inestimable. S’en suivirent les ingé- rences patentes contre le régime de Kaboul de Modjaddedi/ Rabbani (1992-1996) puis un soutien ouvert et total au ré- La dégradation graduelle gime des Tâlebân. Jusqu’au 7 août 1998 et le double attentat contre les am- de la relation bassades des Etats-Unis à Nairobi au Kenya et à Dar-al Sa- Etats-Unis/Pakistan Dès le 12 septembre 2001 l’administration américaine * Entrepreneur et homme de presse, fondateur du groupe de presse The Kilid s’est vue confrontée à un dilemme sans précédent dans ses group. relations extérieures : l’allié de toujours était maintenant

Les Nouvelles d’Afghanistan n°139 27 Oussama Ben Laden. «La tête pensante d’Al Qaida se trouvait, en septembre 2001, en Afghanistan, mais l’appareil de soutien et de logistique se trouvait au Pakistan». Photo DR Obama avec les présidents d’Afghanistan et du Pakistan. Aujourd’hui le Pakistan est considéré comme un paradis pour les différents groupes islamistes et terroristes estime le Congrès américain. Photo DR dans le camp ennemi et pour mener cette guerre contre le terrorisme il fallait faire avec cet allié. D’où le fameux dis- cours du Président George W Bush : « Vous êtes avec nous ou fin 2001. Les Américains annoncent leur mécontentement sur vous êtes contre nous ! ». Le Président pakistanais, en 2001, le manque de coopération pakistanaise dans le domaine d’un le Général Musharraf, fit de son mieux pour accommoder les arrêt des opérations militaires des Tâlebân et d’Al Qaida de- subtilités de sa relation avec les Etats-Unis aux nécessités puis le sol pakistanais. De leur côté les Pakistanais s’élèvent de ses services d’espionnage qui continuaient à soutenir des publiquement contre les interventions militaires américaines organisations terroristes. en territoire pakistanais et chauffent leur opinion publique Au fur et à mesure que les Américains s’engageaient dans contre les Etats-Unis. La dernière erreur significative a été la guerre en Afghanistan le double jeu des services pakista- le bombardement de deux postes frontières pakistanais, le nais devint de plus en plus évident. Un nombre important de 26 novembre 2011, par l’aviation de l’OTAN, qui a tué 24 terroristes d’Al Qaida ont été interpellés sur le sol pakistanais militaires pakistanais et en a blessé 13 autres. A la suite de ou ont été tués par les avions sans pilote américains, toujours cet incident les Pakistanais ont décidé un arrêt indéfini de au-delà de la frontière afghane, au Pakistan. De leur côté les l’approvisionnement de l’OTAN via le Pakistan. Afghans engagés, en même temps que les Etats-Unis, dans Les Etats-Unis et leurs alliés, depuis le 11 septembre cette guerre ne perdirent pas de temps pour démontrer la du- 2001, sont très irrités par l’usage que les services pakistanais plicité du Pakistan. Le 7 octobre 2001 quand les Etats-Unis font de groupes terroristes pour mener la guerre en Afghanis- et leurs alliés ont commencé leur guerre contre le régime des tan et en Inde au profit de leurs intérêts stratégiques et pour Tâlebân et Al Qaida, ils ont fait le choix de se battre aux contrer l’influence de l’Inde en Afghanistan. Les Américains côtés des combattants de l’Alliance du Nord. Quand l’Auto- et les autres membres de l’OTAN perdent des soldats et des rité Intérimaire Afghane prit le pouvoir, le 7 décembre 2001, civils chaque jour du fait des attaques venues du Pakistan, de à Kaboul, les services de sécurité et d’intelligence afghans la même manière que les Afghans et dans une moindre pro- sont automatiquement tombés aux mains des responsables portion les Indiens. Cet usage stratégique du terrorisme par de l’Alliance du Nord qui avaient des souvenirs tout récents le Pakistan a été au centre de toutes les discussions/tensions de leurs combats contre le Pakistan et leur allié tâlebân. Ce entre le Pakistan d’un côté et l’OTAN/Afghanistan et l’Inde ressentiment à l’égard du Pakistan/ISI, net à ses débuts, a de l’autre. persisté jusqu’aujourd’hui et le dernier chef du DNS (Direc- torat National de Sécurité) Assadullah Khaled vient d’être gravement blessé, le 6 décembre 2012, victime d’une attaque suicide de Tâlebân (attaque organisée selon le gouvernement L’Inde dans cette équation afghan à partir du Pakistan). Les services afghans ont, toutes Dans les premières années du gouvernement de M. Kar- ces années, essayé de démontrer, avec plus ou moins de suc- zai l’Inde apparut comme le grand gagnant, régional, de la cès, les relations qui liaient les Tâlebân et autres terroristes guerre d’influence en Afghanistan. En effet, l’Inde avait, dès aux services pakistanais. Ces démonstrations ont, certaine- le début, investi dans deux importantes directions ; la re- ment, eu leurs effets dans la dégradation de la relation Etats- construction de l’infrastructure (comme la route relayant le Unis/Pakistan. Depuis l’attaque du 11 septembre 2001, plu- port iranien de Tchâbahar à l’Afghanistan, donnant ainsi au sieurs pays d’Europe (Royaume-Uni, Espagne, France, Pays pays une route d’approvisionnement alternative aux routes Bas…) ont été par ailleurs victimes d’attaques terroristes qui passant par le Pakistan) et le développement des ressources ont été directement ou indirectement connectées au Pakistan. humaines du pays (chaque année, des milliers d’étudiantes et Quand dans la nuit du 1 au 2 mai 2011 les soldats améri- d’étudiants partent en Inde pour faire des études supérieures cains ont attaqué, à Abottabad tout près de la capitale pakista- et des formations techniques). Des consulats indiens ont été naise, la résidence du leader d’Al Qaida Oussama Ben Laden ouverts dans les quatre grandes villes du pays (Hérat, Kanda- et l’ont tué, la relation Etats-Unis/Pakistan a probablement har, Djalalabad et Mazar-e Charif) et le Président Karzai (qui reçu le coup de grâce. Depuis la découverte de « la cachette a fait des études supérieures de langue en Inde juste avant » de Ben Laden, les relations Etats-Unis/Pakistan font face à l’invasion soviétique) est allé en Inde ou a reçu les gouver- une nouvelle phase où les deux côtés montrent, ouvertement nementaux indiens à bras ouvert. Le Pakistan pour sa part et directement, leur désenchantement et pas du tout sous les accusait auprès de qui voulait l’entendre les Indiens et les formes mielleuses et diplomatiques qui avaient cours depuis Afghans d’armer des groupes de militants baloutches qui mè-

28 Les Nouvelles d’Afghanistan n°139 nent une guerre d’insurrection dans la province pakistanaise adroit pour tirer son épingle du jeu en assurant une relation du Baloutchistan. L’Inde, du fait de sa supériorité industrielle fluide avec ses alliés occidentaux et en rassurant les deux et commerciale, semble pourtant plus préoccupée d’avoir un pays voisins à savoir l’Iran et le Pakistan que leurs intérêts ne voisin pakistanais stable plutôt que de déstabiliser le Pakis- sont pas menacés par l’Afghanistan. tan. Un Pakistan instable avec un arsenal nucléaire n’a rien D’autre part, la relation des Etats-Unis avec le Pakistan en d’attrayant pour l’Inde. premier lieu et aussi dans le contexte Afghanistan/Pakistan et La relation de l’Inde avec les Etats-Unis n’a jamais était régional doit passer par une réévaluation totale. Il est entendu aussi fructueuse et stable que depuis fin 2001. L’Inde avec que le leadership militaire et politique du Pakistan ne va pas ses presque 300 millions de classes moyennes représente un se suicider à la demande des Etats-Unis. Qu’il s’agisse d’une marché alléchant de consommateurs pour le commerce exté- réforme de ses services de sécurité ou d’une position plus ra- rieur de l’Amérique. Les Indiens et les Américains ont signé, dicale contre les groupes/éléments extrémistes/terroristes sur le 18 juillet 2005, un accord de coopération civile et militaire leur sol, des progrès ne seront pas faciles à obtenir. dans le domaine de l’énergie thermonucléaire avec des cen- Pour leur part, les Etats-Unis ne peuvent plus passer sous trales thermonucléaires américaines à livrer, clé en main, à silence les agissements du Pakistan contre leurs intérêts na- l’Inde. Ces relations font de l’Inde un allié privilégié et de tionaux et de sécurité. Un rapport du Congrès américain, fin taille pour les Etats-Unis dans le sud asiatique et par la même mai 2012, a estimé : « Aujourd’hui le Pakistan est considéré occasion font rugir les Pakistanais qui, par le passé, avaient comme un paradis pour les différents groupes islamistes et pourtant bénéficié de ce même statut pendant plusieurs dé- terroristes, et c’est [le Pakistan], dans le monde, le plus ra- cennies et ce au détriment de l’Inde ! pide proliférateur des armes nucléaires, une combinaison qui Quant à sa relation très spéciale avec l’Afghanistan l’Inde le place en haut de l’agenda de la sécurité internationale1. a été le premier pays à signer, en octobre 2011, un accord de Les Etats-Unis sont arrivés à une situation, vis-à-vis du partenariat stratégique avec l’Afghanistan. Pakistan, où il ne leur reste pas beaucoup de choix : Le Président Obama lors de sa visite à Kaboul, en mai • Trouver une entente, de court/moyen terme, avec les Pa- 2012, pour signer l’agrément de partenariat stratégique avec kistanais pour un engagement minimal sans illusion, chacun le pays a mentionné que l’Afghanistan, l’Inde et les Etats- faisant de son mieux, laissant la situation actuelle durer en- Unis se retrouvaient de facto comme un triangle de coopé- core pour un certain temps. Les Américains garantiraient un ration stratégique régionale. Cette annonce n’a pas trouvé soutien à l’économie du Pakistan en contrepartie de l’ouver- beaucoup d’écho en Inde qui ne veut, en aucun cas, augmen- ture de la route d’approvisionnement de l’OTAN de Karachi ter la paranoïa pakistanaise et préfère garantir sa présence en via Torkham et en laissant en l’état la situation des activités Afghanistan en gardant un profil bas. militaires américaines sur leur sol. Mais, cette situation serait intenable ; les partisans américains de la coopération avec le Pakistan ne peuvent plus justifier le coût de l’opération face à l’échec flagrant des Pakistanais. Cette entente finirait par échouer et pourrait être même contre-productive L’Afghanistan • Prendre le taureau par les cornes et s’engager dans une à la croisée des chemins politique de changement à long terme qui inclurait la réforme Depuis le premier accord, en octobre 2011, de partenariat de l’ISI, l’assurance de la sécurité des installations nucléaires avec l’Inde, l’Afghanistan a signé d’autres accords straté- du pays, la consolidation de l’appareil démocratique et un giques avec les autres pays amis et alliés comme la France le changement radical au niveau de l’hébergement et du sou- 26 janvier 2012, l’Italie le 27 janvier 2012, le Royaume-Uni tien aux extrémistes islamistes et aux groupes terroristes. le 28 janvier 2012, les Etats-Unis le 2 mai 2012, l’Allemagne Pour arriver à ce résultat, Washington doit agir avec doigté le 16 mai 2012, l’Australie le 21 mai 2012. La Chine a parlé et à plusieurs niveaux : 1/ diminuer l’aide militaire et civile d’un accord semblable il y a quelque mois tandis que les au Pakistan et agiter la menace de sanctions économiques 2/ pourparlers en direction d’un accord en 2013 ont commencé montrer sa force de frappe militaire présente en Afghanistan avec Islamabad. 3/ utiliser le pouvoir de personnalités d’influence au sein de La relation entre l’Afghanistan et les Etats-Unis passe l’establishment pakistanais 4/ utiliser la pression des alliés par les sauts d’humeur du Président Karzai qui continue à les plus proches du Pakistan (la Chine et l’Arabie Saoudite reprocher aux Américains leur soi-disant soutien pour son en premier lieu et la Turquie en seconde lieu) opposant, Dr. Abdullah, lors des dernières élections pré- Tout au long de ces dix dernières années, les Etats-Unis sidentielles. Mais le peuple afghan durant la Loya Djirga n’avaient pu trouver de bâton approprié pour compenser la Consultative de novembre 2011 a, de façon unanime, de- carotte (24 milliards de dollars d’aide militaire et civile pour mandé à l’Etat afghan de signer un accord de partenariat le Pakistan). Il faudrait trouver ces leviers qui faciliteraient stratégique avec les Etats-Unis et les autres pays importants les transformations préconisées plus haut. Et comme per- pour nos intérêts. sonne ne veut d’un Pakistan instable, aux prises avec l’ex- Cette relation avec les Etats-Unis doit, en principe, assurer trémisme montant et à la portée du terrorisme nucléaire, il la pérennité du soutien au pays après 2014 et surtout doit pré- devient urgent d’aider les dirigeants politiques et démocra- venir l’aventurisme du Pakistan dans les affaires de l’Afgha- tiques du Pakistan à prendre une autre direction. La paix et nistan. La réalité est tout autre. Les services du Pakistan et la prospérité de la région, pour l’Afghanistan et pour l’Inde de l’Iran coopèrent en effet discrètement dans le soutien aux en premier lieu et pour les Etats-Unis au niveau du globe, insurgés et font leur possible pour que les Tâlebân et autres nécessitent ces changements au Pakistan. groupes insurgés soient assurés d’une présence dans le futur règlement du conflit en Afghanistan. 1- Pakistan-U.S. Relations, CRS, K. Alan Kronstadt, Specialist in South Dans ce contexte, l’Etat afghan doit être suffisamment Asian Affairs, May 24, 2012

Les Nouvelles d’Afghanistan n°139 29 Chronologie des relations Afghanistan-Pakistan

établie par Léa MÉRILLON

12 novembre 1893 : les contours de la « Ligne Durand », nistan» mène à la fermeture de l’ambassade et du consulat frontière de près de 2500 kilomètres séparant l’Afghanistan afghans au Pakistan. du Raj britannique, sont fixés par un accord entre l’émir Ab- 6 septembre 1961 au 28 mai 1963 : rupture totale des rela- dur Rahman Khan et Sir Mortimer Durand. tions diplomatique entre le Pakistan et l’Afghanistan. 1919 : Le traité de Rawalpindi mettant fin à la troisième 1er juillet 1964 : lors d’une rencontre à Kaboul, Mohammed guerre anglo-afghane comprend l’acceptation par le gouver- Ayoub Khan, président du Pakistan, et Zaher Chah s’accor- nement afghan de la frontière entre l’Inde et l’Afghanistan. dent sur la nécessité de traiter la question du Pachtounistan 15 août 1947 : partition des Indes britanniques, le Pakistan par voie diplomatique. devient un Etat indépendant. Aout 1971 : le gouvernement afghan lance un appel interna- 30 septembre 1947 : l’Afghanistan est le seul pays à s’expri- tional à l’aide alimentaire, après une sécheresse sans précé- mer contre l’entrée du Pakistan à l’ONU. dent. Le Pakistan est l’un des Etats à répondre le plus géné- Décembre 1947 : l’Afghanistan demande l’organisation reusement. d’un référendum sur la création d’un Pachtounistan indépen- Juillet 1973 : la République est instaurée en Afghanistan. dant dans la Province de la frontière du Nord-Ouest (Pakis- Daoud Khan, le nouveau président, appuie fermement les tan). mouvements sécessionnistes pachtounes des provinces du Février 1948 : l’Afghanistan et le Pakistan échangent des Nord-Ouest du Pakistan. ambassadeurs. 20-24 aout 1976 : Daoud Khan se rend à Islamabad afin de Juillet 1949 : une Loya Djirga rejette en bloc tous les traités trouver une solution au problème du Pachtounistan. Le 7 no- signés avec les Indes britanniques, dont le traité instaurant la vembre le Premier ministre pakistanais, , «Ligne Durand». se rend à Kaboul. Les deux pays s’engagent à respecter les 4 janvier 1950 : signature d’un traité d’amitié entre le gou- principes de l’intégrité territoriale et de non-ingérence dans vernement indien et le gouvernement afghan. les affaires intérieures. 29-31 mars 1955 : des manifestations anti-pakistanaises 2 mars 1977 : un accord est signé entre l’Afghanistan et le sont organisées à Kaboul, Kandahar et Djalalabad, lors des- Pakistan sur la question du Pachtounistan en vue de favoriser quelles les drapeaux pakistanais sont baissés. En représailles, la négociation et la normalisation des relations afghano-pa- des manifestations à Peshawar le lendemain entrainent la kistanaises. violation du consulat afghan. Ces événements provoquent un 27 avril 1978 : le Parti Démocratique du Peuple Afghan ins- incident diplomatique d’envergure. taure une République démocratique, satellite de l’URSS. Le 13 septembre 1955 : en signe d’apaisement, les autorités Pakistan ne reconnait pas le nouveau régime. afghanes décident de hisser le drapeau pakistanais à l’am- 27 décembre 1979 : L’armée soviétique pénètre en Afgha- bassade pakistanaise de Kaboul. nistan. Le gouvernement pakistanais et l’Inter Services In- Août 1956 : Iskander Mirza, le président du Pakistan, sé- telligence soutiennent activement la Résistance afghane et journe quatre jours dans la capitale afghane. Mohammed favorisent certaines factions de modjahedin, dont le Hezb-e Daoud Khan, le premier ministre afghan, se rend au Pakistan Islami de Gulbuddin Hekmatyar. en novembre. Juin 1983 : le nombre de réfugiés afghans au Pakistan s’élève 1er février 1958 : le roi Zaher Chah se rend en visite offi- à plus de 2,5 millions de personnes. cielle au Pakistan. Les relations afghano-pakistanaises sem- Fin août 1984 : des négociations ont lieu à Genève, sous blent se normaliser. les auspices de l’ONU. Le ministre afghan des affaires étran- Fin aout 1961 : le contentieux sur la question du «Pachtou- gères et son homologue pakistanais ne discutent pas directe-

30 Les Nouvelles d’Afghanistan n°139 24 avril 1992 : les différents partis afghans signent l’accord de Peshawar, au Pakistan. L’Etat islamique d’Afghanistan naît de cet accord. 1992-1996 : guerre civile entre les factions rivales. Le Pakis- tan soutient les hommes d’Hekmatyar. Juillet 1994-février 1995 : montée en puissance des Tâlebân avec le soutien du Pakistan, qui voit en eux le moyen de sécu- riser les routes commerciales vers l’Asie centrale. 3-4 mai 1995 : réouverture des missions diplomatiques in- dienne et pakistanaise. 6 septembre 1995 : des manifestants pro-gouvernementaux saccagent l’ambassade pakistanaise, tuent une personne et en blessent 26. 27 septembre 1996 : prise de Kaboul par les Tâlebân, grâce au soutien décisif du Pakistan. Mai 1997 : le Pakistan est le premier pays à reconnaître offi- ciellement le régime tâlebân, bientôt suivi par l’Arabie Saou- dite et les Emirats Arabes Unis. 11 septembre 2001 : attentats aux Etats-Unis, quatre avions de ligne sont détournés et atteignent le World Trade Center et le Pentagone. 12 septembre 2001 : le Pakistan affirme soutenir, et ce de façon illimitée, « la lutte contre le terrorisme ». 7 octobre 2001 : début de l’opération «Liberté immuable». 21 novembre 2001 : le gouvernement pakistanais ferme l’ambassade des Tâlebân à Islamabad. 7 décembre 2001 : Kandahar, dernier bastion tâlebân, tombe. Une grande partie des Tâlebân vont se réfugier au Pakistan. 16 mars 2004 : des combats éclatent au Waziristan, entre des Tâlebân et l’armée pakistanaise. Cet épisode marque le début du conflit armé du Nord-Ouest du Pakistan. 13 décembre 2006 : face à la montée en puissance des vio- Afghanistan et Pakistan. Zone grisée hachurée : prédominance pachtoune. Zone grisée : lences, Hamed Karzaï accuse le gouvernement pakistanais de territoire du «Pachtounistan». soutenir la rébellion tâlebân. 27 mars 2009 : Obama annonce la nouvelle stratégie amé- ment, mais par l’intermédiaire de Cordovez. Ils ne parvien- ricaine qui devra désormais se concentrer sur « l’AfPak » nent cependant pas à trouver une solution au conflit. (Afghanistan-Pakistan). 15 février 1989 : fin du retrait soviétique d’Afghanistan. 11 février 2010 : le chef militaire des Tâlebân afghans, le 5 mars 1989 : début de la bataille de Djalalabad, qui se solde mollah Baradar, est arrêté à Karachi, au Pakistan. par une victoire communiste. L’ISI, considéré comme le Octobre 2011 : Signature d’un partenariat stratégique entre maître d’œuvre des opérations militaires, en sort déstabilisé. l’Afghanistan et l’Inde.

Les Nouvelles Afrane Permanence: 16 passage de la Main d’Or -75011 Paris d’Afghanistan Tel. : (33) 01.43.55.63.50 La revue LES NOUVELLES D’AFGHANISTAN est une revue trimes- L’association Amitié Franco-Afghane (Afrane) a été fondée au début trielle éditée par AFRANE (Amitié Franco-Afghane). Les opinions de 1980, en réponse à l’occupation militaire de l’Afghanistan par les émises dans les articles n’engagent que leurs auteurs. Titres et sous- Soviétiques. Organisme d’aide humanitaire, Afrane ne souhaite qu’ai- der les Afghans et ne se situe dans la mouvance d’aucun pati politique. titres sont de la responsabilité de la rédaction. Elle soutient à présent prinicpalement des projets éducatifs. Abonnement France et U.E. - 4 numéros ...... 22 € Adhésion avec abonnement à la revue Abonnement de soutien France et U.E. - 4 numéros ...... 40 € Les Nouvelles d’Afghanistan ...... 48 € Abonnement France et U.E. - 8 numéros ...... 42 € Adhésion de soutien à partir de ...... 60 € Autres pays -4 numéros ...... 32 € Adhésion seule (sans abonnement) ...... 28 € Autres pays -8 numéros ...... 60 € DON (déductible de l’impôt dans les limites prévues par la loi) (un reçu sera adressé sur demande) ...... € NOM ...... Prénom...... Adresse...... NOM ...... Prénom...... Tél ou email...... Adresse...... Tél ou email...... Tout règlement à l’ordre d’AFRANE, merci. Les Nouvelles d’Afghanistan n°139 31 Dernières nouvelles

Chronologie moins six personnes à proximité du QG de l’OTAN à Kaboul, en majorité de jeunes marchands ambulants. Des heurts opposent également des Pandjchiris à des Hazâras mécontents des célébrations à la gloire de Massoud. Le ministère afghan des Affaires étran- sistait à des funérailles fait au moins vingt gères déclare que ceux qui proposent de Septembre 2012 morts et une cinquantaine de blessés. diviser l’Afghanistan en régions autonomes - Le 1er : L’USAID financera, pour 65 - Le 5 : La Banque mondiale accorde une comme solution politique au conflit ne sont millions de dollars, des projets agricoles subvention de 125 millions de dollars pour pas sains d’esprit. Un député britannique a dans 16 provinces et la réhabilitation de améliorer l’accès à une éducation de base suggéré en effet le découpage de l’Afgha- sept fermes de recherche dans les provinces de qualité, surtout pour les filles. nistan en huit zones, une partie du territoire de Kaboul, Kandahâr, Hérat, Koundouz, L’Afghanistan, le Pakistan et les Etats- étant concédée éventuellement aux Tâle- Nangarhâr, Paktia et Balkh. Unis discutent de la protection du passage bân. Un double attentat suicide coordonné sur des Tâlebân afghans, qui souhaitent re- - Le 10 : Plusieurs responsables du mou- une base américaine dans le Wardak tue joindre le processus de paix. vement tâleb sont prêts à négocier un accord douze personnes, dont deux policiers, et Les ministres afghan et iranien des Af- de paix autorisant une présence militaire fait 80 blessés dont 68 civils. Les Tâlebân faires étrangères signent un accord qui américaine à long terme en Afghanistan, revendiquent les attentats. permettra à l’Afghanistan l’accès au port mais s’opposent au maintien de l’adminis- - Le 2 : Le commandement des forces iranien de Tchabahâr. tration Karzaï, rapporte The Guardian . Les spéciales américaines en Afghanistan sus- Des centaines de soldats afghans présu- Tâlebân, seraient disposés à rompre avec pend temporairement l’entraînement d’un més peu sûrs ont été arrêtés ou expulsés de Al-Qaïda et à entamer des discussions sur millier de policiers afghans récemment re- l’armée afghane. l’éducation des filles. Ils pourraient même crutés dans l’attente de vérification d’iden- - Le 6 : Les forces américaines continue- accepter la poursuite des opérations antiter- tités, pour éviter toute infiltration tâleb. ront de détenir des prisonniers en Afgha- roristes américaines contre Al-Qaïda. Bismillah Mohammadi est nommé, en nistan, même après le transfert de leur 21 personnes, dont des civils, sont tuées remplacement d’Abdoul Rahim Wardak, et principal centre de détention aux autorités lorsqu’un kamikaze se fait exploser à Gholam Mujtaba Patang ministre de l’In- afghanes. Koundouz. térieur. Assadullah Khaled est nommé chef L’ancien procureur général Dj. Sabet, L’équipe nationale afghane de football de la Direction nationale de la sécurité, et kidnappé à Tcharasiab en octobre 2011 est féminin enregistre sa première victoire Hadji Din Mohammad, nouveau ministre libéré. officielle au championnat sud-asiatique de des Affaires tribales et des Frontières. Ces - Le 7 : Mme Clinton affirme son inten- football à Colombo, en battant le Pakistan nominations doivent recevoir l’aval du Par- tion de désigner le réseau Haqqani comme 4 à 0. lement. « entité terroriste mondiale ». Un respon- Les États-Unis ont transféré 3 182 pri- Un contrat de 67 millions de dollars pour sable des services de sécurité pakistanais sonniers aux autorités afghanes à la prison la confection d’uniformes est annulé par le estime que ce «ne sera pas un bon signe de Bagram. Environ 50 détenus étrangers bureau anti-corruption. L’entreprise incri- pour l’avenir des relations entre le Pakistan et plusieurs centaines de détenus afghans minée aurait fait un cadeau de 3 millions de et les Etats-Unis». restent aux mains des Américains. Karzaï dollars à deux députés. H. Karzaï exhorte tous les érudits reli- déclare que la décision de Washington de - Le 3 : La Nouvelle-Zélande confirme gieux à condamner les attentats suicides en retarder le transfèrement de ces détenus le retrait de ses troupes (145 soldats ba- Afghanistan, affirmant que leur silence est est une «violation grave» de leur accord de sés dans la province de Bâmiyân) fin avril injuste. Des religieux répondent que Karzaï mars. 2013, six mois avant la date prévue. a lui-même sa part de responsabilité quand Les Tâlebân se disent déterminés à tuer Le président Karzaï affirme qu’une mis- il qualifie les Tâlebân de «frères». le prince Harry, pilote d’hélicoptère dans sion dans la province d’Orouzgân durant - Le 8 : Onze kamikazes sont arrêtés l’armée britannique, de retour en Afgha- laquelle deux hommes ont été tués le 31 dans les districts de Koh-e , Bagram, nistan pour une deuxième mission. « Nous août n’a pas reçu le feu vert des autorités Djabul-Seradj, Sayed Khel et Tcharikar ne cherchons pas à le kidnapper, mais à le locales, mais le ministre australien de la (Parwan). Selon la police, ils voulaient tuer ». Défense dément. faire exploser des bombes lors du 11e an- - Le 11 : Quatre agents de sécurité - Le 4 : Début d’une campagne nationale niversaire de la mort d’Ah. Chah Massoud. afghans sont tués et un hélicoptère détruit de sensibilisation visant à améliorer la ca- A l’occasion de cet anniversaire, le vice- par le tir d’une roquette sur la base améri- pacité des agents de police et des procu- président Fahim déclare que les modjahe- caine de Bagram. reurs à lutter contre les violences faites aux din doivent combattre les insurgés là où Al-Qaïda confirme la mortde son numéro femmes. les forces afghanes sont incapables d’as- deux, Abou Yahia al Libi. Les Etats-Unis Un attentat suicide visant le gouverneur surer la sécurité. Il est soutenu par Sayaf. avaient annoncé en juin qu’il avait été tué du district de Dur Baba (Nangarhâr) qui as- Peu avant, un adolescent kamikaze tue au par un drone dans le Nord-Ouest pakista-

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nais. Il s’était évadé en 2005 d’une prison Nour), du Helmand, de Hérat et du Nanga- plusieurs dizaines de coups de fouets pour américaine en Afghanistan. rhâr (Gol Agha Cherzoï). avoir eu “des relations illicites” avec un L’OTAN annonce que Mollah Hazrat, Le gouverneur de Ghazni se dit préoc- garçon. l’organisateur présumé de l’attaque des Tâ- cupé par le nombre croissant d’insurgés - Le 25 : La Corée du Sud approuve un lebân qui a tué dix soldats français en 2008 étrangers (notamment pakistanais) dans sa plan visant à déployer pour un an 70 soldats dans la vallée d’Ouzbin (Kapissa) a été tué province. chargés de protéger les travailleurs huma- lors d’un bombardement dans la province - Le 19 : Le président Karzaï va révoquer nitaires dans la province de Parwan. du Laghman. certains gouverneurs provinciaux, jugés Le Conseil des ministres approuve le plan - Le 12 : Le gouvernement afghan or- corrompus ou au bilan trop maigre. de privatisation de la New Bank, ex donne le blocage du site de YouTube pour Treize camions transportant des four- Kabul Bank. empêcher la diffusion du film hostile à l’is- nitures pour l’ISAF sont incendiés sur la Le président pakistanais déclare devant lam «L’innocence des musulmans». route Kaboul-Kandahâr. les Nations unies que son pays a assez souf- - Le 13 : Des Tâlebân décapitent en pu- Sayyaf dénonce les kamikazes, qualifiant fert dans sa lutte contre le terrorisme et ne blic deux policiers près de Baghlan. Le 18 leurs actions d’impardonnables par Dieu devrait plus être invité à faire plus. Zardari la police arrêtera six insurgés responsables lui-même. estime que les problèmes du Pakistan dé- de cette décapitation et de la pose d’une Les Tâlebân s’attribuent la paternité coulent de décennies de régime militaire, vingtaine de bombes. d’un changement stratégique de l’OTAN, quand l’Ouest courtisait ses dictateurs. La responsabilité de la sécurité de la pro- qui a décidé la veille de limiter ses opéra- Les autorités afghanes saluent la décision vince de Faryâb est transférée par les forces tions conjointes avec les forces afghanes à américaine de juger devant une cour mar- norvégiennes aux forces afghanes. la suite de nombreuses «attaques de l’inté- tiale deux Marines américains qui ont uriné - Le 14 : Un accident entre un autocar et rieur». «C’est un succès pour les modjahe- sur les corps d’insurgés tués. un camion d’essence fait 50 morts dans la din, qui ont réussi à créer de la méfiance au - Le 27 : Hâmed Karzaï, son homologue province de Ghazni. sein des forces de l’ennemi. » déclare leur pakistanais et le Premier ministre britan- - Le 15 : Quinze Tâlebân habillés d’uni- porte-parole. nique conviennent de travailler ensemble formes de l’armée américaine attaquent - Le 20 : Le gouvernement chinois fait pour une paix et une stabilité durables dans le camp de la province du Helmand où se don de 100 ambulances, d’une valeur de la région. trouve le prince Harry. Deux soldats amé- 4 millions de dollars, au ministère de la L’Afghanistan et le Pérou nouent des re- ricains sont tués, six avions de combat sont Santé. lations diplomatiques. détruits et deux endommagés. - Le 21 : Les 33 000 militaires américains Sima Samar, militante des droits de Le Parlement approuve la nomination de envoyés en renfort en Afghanistan à par- l’homme, est primée aux « Nobels alterna- Bismillah Mohammadi comme ministre tir de la fin 2009 ont tous quitté le pays. tifs ». de la Défense, Ghulam Patang Mujtaba Il reste dorénavant 68 000 militaires amé- La plupart des forces de l’OTAN ont comme ministre de l’Intérieur et Assa- ricains en Afghanistan ainsi qu’environ 40 repris les opérations conjointes avec les dullah Khaled comme chef de la Sécurité 000 hommes de l’ISAF. forces afghanes. mais rejette celle de l’ancien gouverneur de 50 personnes trouvent la mort dans un Les présidents afghan et pakistanais ac- Kaboul Hadji Din Mohammad comme mi- accident entre un bus et un camion-citerne ceptent de signer un accord de coopération nistre des Affaires Frontalières et tribales. dans la province de Ghazni. stratégique. - Le 16 : Dans la province de Ghazni, des - Le 22 : Les autorités afghanes interdi- - Le 28 : Le ministre ouzbek des Affaires chefs religieux condamnent une jeune fille sent l’importation et la lecture des jour- étrangères avertit l’Assemblée générale des de 16 ans à recevoir 80 coups de fouet pour naux pakistanais dans les provinces du Nations unies que des problèmes difficiles «relation illicite» avec un jeune homme, le- Nangarhâr, du Kounar et du Nouristan car pourront survenir après le départ des forces quel est condamné à payer l’équivalent de les informations qu’ils contiennent « sont internationales d’Afghanistan en 2014. 1 600 dollars comme punition. contraires aux normes morales islamiques - Le 29 : Le Conseil anti-corruption dé- Des insurgés infiltrés au sein de la police ainsi qu’aux valeurs culturelles et natio- clare qu’il hésite à soumettre des cas de afghane tuent quatre soldats américains, nales de l’Afghanistan». corruption au procureur général en raison dans le sud. Des centaines d’étudiants de l’université de son inaction. Selon lui «la loi n’est pas Des étudiants manifestent le16 et les de Kaboul protestent contre l’annonce pré- appliquée aux fonctionnaires de haut rang». jours suivants dans plusieurs villes contre sidentielle de donner à leur université le Le ministre de l’Éducation annonce que 75 le film américain anti-islam. nom de Burhanuddin Rabbani. De telles nouvelles écoles seront construites dans le Le Pakistan permet aux réfugiés afghans manifestations se reproduiront les jours pays avec le soutien de l’UNICEF. de rester dans le pays encore trois ans. suivants. - Le 30 : L’armée française quitte sa base - Le 18 : Douze personnes, dont huit Sud- Zhou Yongkang, neuvième dans la hié- de Tagâb dont elle a cédé le contrôle aux africains, sont tuées à Kaboul dans un at- rarchie du Parti communiste chinois, troupes américaines. Dans le même temps, tentat perpétré par une femme kamikaze et rencontre le président afghan à Kaboul, cent quatre-vingt militaires français partent revendiqué par le Hezb-e Islami qui pré- première visite en Afghanistan d’une per- en Afghanistan pour six mois pour assurer tend venger ainsi la diffusion du film déni- sonnalité politique chinoise depuis près de les flux logistiques nécessaires au retrait grant le prophète Mahomet. cinquante ans. français du pays. Le premier championnat professionnel - Le 23 : Le nouveau ministre afghan de de football débute à Kaboul sous la forme l’Intérieur déclare qu’il va renforcer les d’un tournoi opposant huit équipes. forces de sécurité le long de la frontière Le président Karzaï empêche l’envoyé afghano-pakistanaise. Octobre spécial américain pour l’Afghanistan et le - Le 24 : Une centaine de femmes ma- - Le 1 : Des parlementaires afghans dé- Pakistan, Marc Grossman, de rencontrer les nifestent à Kaboul pour dénoncer le fait clarent que tout travail concernant l’accord gouverneurs de Balkh (Atta Mohammad qu’une fille de 16 ans a été condamnée à stratégique envisagé entre l’Afghanistan et

Les Nouvelles d’Afghanistand’Afghanistan n°139 n°139 33 Brèves économiques Chronologie

Gesticulations A peine la communauté internationale s’inquiète-t-elle de la corruption que les contrefeux s’allument et les gesticulations se déclenchent : les parlementaires se soucient de l’utilisation personnelle de véhi- Iran cules d’Etat… Cela n’aidera guère à savoir qui a accaparé 1,25 millions d’hectares de terre ces dernières Les sanctions économiques décrétées années et où se sont volatilisés les 200 millions de dollars de l’armée afghane. En attendant, en 2012, par les pays de l’Union européenne et et pour la première fois depuis 11 ans, il est probable que plus d’Afghans auront quitté le pays qu’il n’y les Etats-Unis contre l’Iran affectent en sera revenu (rubrique Migrants). A noter le timide retour d’une rubrique Agriculture. L’absence de l’Afghanistan, en réduisant le com- dépêches consacrées à ce secteur clef de l’économie afghane constitue un élément d’interrogation. Ré- merce transfrontalier de ce pays avec vélateur, dans un contexte d’insécurité croissante, d’une perte de contact avec les campagnes ? Quelle Téhéran. Au cours des six premiers a été cette année la production de blé ? Régis Lefevre mois de l’année afghane en cours, les Corruption revenus de la douane de la province - Le 30 septembre, Hâmed Karzaï a accusé les Etats-Unis d’en faire trop sur la corruption en de Hérat ont diminué de 15%. Le rial Afghanistan, bien qu’il accepte le problème au sein de son gouvernement. A CBS News, Hâmed Karzaï ayant perdu plus de 60%, les Iraniens a déclaré que les pratiques américaines en matière de gestion et d’attribution d’importants marchés aux souhaitent commercer en dollars avec entreprises afghanes en étaient responsables. (Tolo News 01/10) leurs collègues afghans. De son côté, - Le 17 novembre, les parlementaires ont déclaré que les fonctionnaires de l’Armée nationale et le ministère afghan des Finances a la police nationale abusent de leurs privilèges professionnels en utilisant les biens du gouverne- limité cette année à 20 000 dollars ment à des fins personnelles (utilisation des véhicules de l’Etat pour leurs besoins privés et familiaux). le montant des devises convertibles (Tolo News 17/11) pouvant être sorties du pays, ce qui a - Le 22 décembre, Hâmed Karzaï a accusé les étrangers d’alimenter la corruption administrative pratiquement paralysé le commerce dans le pays, espéré que celle-ci baisserait après 2014 et souligné l’incapacité de son gouvernement à faire respecter le droit. « La corruption dans notre administration est faible, mais la majorité de la transfrontalier. Le gouvernement ira- corruption qui implique des centaines de millions de dollars n’est pas la nôtre. Elle a été imposée » a-t-il nien a interdit d’exporter 67 types de estimé. (Pajhwok Afghan News 22/12) produits, entravant encore plus les - Le 29 décembre, la nouvelle commission sur la supervision des activités du gouvernement, échanges commerciaux entre les deux formée par le Parlement, a déclaré que 1,25 millions d’hectares de terres ont été confisquées pays. Cette interdiction qui frappe entre illégalement au cours des dernières années dans le pays, par des personnages puissants. La Com- autres le blé, la farine, l’huile végétale, mission a déclaré que, rien qu’à Kaboul, 11426 hectares de terres ont été accaparés illégalement par le bétail sur pied et la viande, les four- 11 personnages puissants. « Pourquoi ne pas divulguer leurs noms? » a demandé le parlementaire rages et les haricots de soja a sérieu- Ramazan Bachardoust. (Tolo News 29/12) sement affecté le marché afghan qui - Au ministère de la Défense, plus de 200 millions de dollars, donnés par l’OTAN, destinés à l’achat de carburant pour l’armée afghane sont portés disparus selon un rapport rendu public le 20 dé- manque de ces produits. (Ria Novosti cembre. (Stars and Stripes 21/12) 30/10) - Le 14 novembre, l’ancien président de la Kabul Bank, Sherkhan Farnoud, a accusé Hâmed Karzaï d’avoir pris 20 millions de dollars de la banque pour sa campagne présidentielle en 2009, contri- buant à sa quasi-faillite en 2010. S. Farnoud accuse aussi d’autres fonctionnaires tels le ministre afghan gèrent la sécurité. L’armée belge se retire. des Finances Omar Zakhilwal et l’ambassadeur d’Afghanistan au Pakistan Omar Daoudzaï de pratiques - Le 2 : Selon un journal russe V. Pou- de corruption. (Tolo News 14/11) tine n’irait pas à Islamabad dans la crainte Après plusieurs mois d’attente, le procès de la Kabul Bank s’est enfin ouvert. Vingt-deux per- d’aggraver les relations avec l’Inde et aussi sonnes comparaissent devant le tribunal de Kaboul. Des responsables de la banque mais pas le frère du président Hamid Karzaï, ni celui du vice-président. Tous deux sont des anciens actionnaires de la Kabul suite au refus du Pakistan de concéder à Bank. Une décision éminemment politique, s’insurge le Comité indépendant d’évaluation et de contrôle Gazprom un contrat de construction de la anti-corruption, un rassemblement d’experts afghans et internationaux. (RFI 30/11) partie pakistanaise du gazoduc Iran-Inde. Un chef du réseau Haqqani, soupçonné Migrants d’avoir organisé un attentat qui a tué deux - En 2012, pour la première fois depuis onze ans, plus d’Afghans quitteront le territoire qu’il n’en reviendra, selon les prévisions de la CIA. Entre janvier et octobre, quelque 27500 Afghans ont ainsi soldats américains le 26 septembre dans le demandé l’asile politique dans 44 pays industrialisés, évalue le HCR. Soit quatre fois plus qu’en 2005. district de Pol-e-Alam (Logar), est arrêté. D’après Shaharzad Akbar, «la classe moyenne actuellement employée» grâce aux fonds internationaux - Le 3 : L’Institut français d’Afgha- «pense qu’après 2014, l’Afghanistan s’assèchera, qu’il n’y aura plus rien», plus d’économie. Et d’assurer nistan accueille la deuxième édition du : «ce que le gouvernement doit faire, c’est les rassurer!» pour que l’Afghanistan, confronté à une baisse ‘Sound central festival. «L’idée de cet évè- de l’aide internationale, ne se retrouve pas à nouveau privé d’élite, dont l’importance est primordiale pour sa reconstruction. (AFP 14/12) nement, c’est de faire de la musique pour les Afghans, qui en ont soif, explique le Pays voisins fondateur australien du festival. Nous vou- - Les sanctions économiques décrétées par les pays de l’Union européenne et les Etats-Unis lons aussi montrer que l’Afghanistan, c’est contre l’Iran affectent l’Afghanistan, en réduisant le commerce transfrontalier de ce pays avec Téhé- plus qu’un pays en conflit. il y a aussi une ran, rapporte le 30 octobre l’agence afghane Pajhwok. Selon l’agence, au cours des six premiers mois de l’année afghane, les revenus de la douane de la province occidentale de Hérat ont diminué de 15%. culture.» Le rial ayant perdu de plus de 60%, les Iraniens souhaitent commercer en dollars avec leurs collègues - Le 4 : Le gouverneur de la province de afghans. De son côté, le ministère afghan des Finances a limité cette année à 20000 dollars le montant Ghor sort indemne d’un attentat à Tchaght- des devises convertibles pouvant être sorties du pays, ce qui a pratiquement paralysé le commerce charan. transfrontalier. En riposte aux nouvelles sanctions économiques de l’UE, le gouvernement iranien a inter- Le président Karzaï déclare que l’élec- dit d’exporter 67 types de produits, dont des denrées alimentaires ainsi que des produits pétrochimiques, entravant encore plus les échanges commerciaux entre les deux pays. (Ria Novosti 30/10) tion présidentielle aura bien lieu en 2014 et Note : Ces brèves économiques sont extraites du Bulletin du CEREDAF. qu’il ne restera pas un jour de plus à son poste, car cela ferait de son équipe un gou- vernement «illégitime». «Je pense que la chute du gouvernement le Pakistan devrait être suspendu jusqu’à ce lemagne et l’Australie. n’est qu’une question de temps. En 2014, que le Pakistan arrête ses bombardements Transfert d’autorité sur l’aéroport de 2015, c’est le chaos et la violence qui ré- sur les régions orientales du pays. Kaboul : soixante-dix soldats de l’armée gneront à Kaboul», affirme un membre du Le parlement afghan approuve les ac- française assurent désormais le comman- groupe de réflexion International Crisis cords de coopération stratégique avec l’Al- dement alors que Hongrois et Portugais en Group. Dans un rapport de la fondation

3434 LesLes Nouvelles Nouvelles d’Afghanistan d’Afghanistan n°139n°139 Brèves économiques Chronologie

Transports - Les commerçants afghans ont réitéré leurs plaintes concernant les problèmes posés par le ricaines pour ne pas avoir éradiqué le terro- manque d’électricité et de wagons standards pour importer des matières premières afin de pro- duire à l’intérieur du pays. Le chef adjoint de la Chambre afghane du Commerce et de l’Industrie de la risme en Afghanistan et pour ne pas avoir province de Balkh a fait remarquer que la ligne de chemin de fer Hairatan/Mazar-e Charif a bien été aidé le pays contre les tirs de roquettes construite, mais qu’il n’y a pas de wagons pour le transport des matériaux. (Tolo News 01/11) pakistanaises sur le Kounar. Le secrétaire - La deuxième phase du chemin de fer Hairatan-Mazar-e Charif va bientôt commencer avec de américain à la Défense répond que H. Kar- nouveaux tronçons qui relieront Mazar-e Charif à Andkhoy (province voisine de Faryâb), 230km plus à zaï devrait reconnaître les sacrifices des l’ouest. (Tolo News 08/11) forces américaines dans son pays au lieu de Agriculture s’en prendre à elles. - La production de riz dans la province de Koundouz a augmenté de 54000 tonnes cette année pour - Le 5 : Un dignitaire religieux afghan atteindre 375 000 tonnes. Cette année les rendements ont été plus élevés et les conditions climatiques de Hérat offre une récompense de 400 000 plus favorables. Le riz est vendu aux commerçants de la province de Balkh, et à Kaboul et exporté au dollars pour qui tuera le producteur du film Pakistan. (Pajhwok Afghan News 13/11) - Les agriculteurs de la province du Nangarhâr qui sont passés de la culture du pavot à celle du américain islamophobe et le dessinateur safran grâce à un programme pilote du ministère de l’Agriculture ont déclaré que leurs revenus français auteur de caricatures de Mahomet. ont plus que doublé. La production de safran sur un demi hectare leur rapporte jusqu’à 1 200 dollars - Le 7 : Dans le district d’Edgah (Gha- contre 400 pour une même surface en pavot. La culture du safran a débuté il y a six ans dans la province zni), deux écoliers (16 et 9 ans) sont tués de Hérat et est maintenant répandue dans 20 des 34 provinces afghanes. (Tolo News 20/11) par des insurgés, leur père ayant refusé de Safran : Les exportations de safran ont augmenté de 14% les neuf premiers mois de l’année afghane comparé à la même période de l’an passé. Les agriculteurs de la province orientale du Nanga- quitter son emploi de policier. rhâr qui sont passés de la culture du pavot à celle du safran ont déclaré que leurs revenus ont plus que - Le 8 : Le gouvernement iranien inter- doublé. La production de safran sur un demi hectare leur rapporte jusqu’à 1 200 dollars contre 400 pour dit depuis une dizaine de jours tout transit une même surface en pavot. La culture du safran a débuté il y a six ans dans la province de Hérat et est de camions vers la province du Nimrouz. maintenant répandue dans 20 des 34 provinces afghanes. (Tolo News 20/11 et 5/1) En conséquence, mille camions attendent - Le 12 décembre, les autorités afghanes ont déclaré que la culture du safran d’Afghanistan a été classée à la première place pour sa qualité, parmi seize pays, lors de l’Exposition internationale d’entrer en Afghanistan. Leurs réservoirs du safran qui s’est tenue en France. Le climat du pays est adapté à la culture du safran. (Tolo News ne seraient pas aux normes. 12/12) - Le 9 : Dans la province du Kounar, un Pavot : La production d’opium en Afghanistan a diminué d’un tiers, selon un rapport des Nations homme est condamné à mort par la Cour unies, alors que les surfaces de terres utilisées pour cultiver le pavot ont augmenté de 18%. Davantage d’appel provinciale pour le viol et la déca- d’agriculteurs sont tentés de cultiver le pavot, le prix de l’opium ayant augmenté. La baisse de la récolte est attribuée essentiellement aux intempéries et aux maladies. Il y a toujours 17 provinces libres de pavot pitation d’une femme de 18 ans qui avait sur 34. (BBC 20/11) refusé de l’épouser. - Le 10 : A Bruxelles, le chef de l’OTAN Mines déclare que l’Afghanistan ne doit pas être Selon le ministère des Mines, le processus d’appel d’offres pour l’importante mine de cuivre de préoccupé par l’après 2014 parce que Balkhab dans la province septentrionale de Sar-e-Pol a été finalisé et l’exploitation pourrait com- mencer au début de 2013. En attendant, les habitants du district de Balkhab ont demandé au gou- l’OTAN continuera à aider. La mission de vernement afghan de reconstruire la route Balkhab-Sar-e-Pul avant que le processus d’extraction ne soutien de l’OTAN pourrait compter de commence. (Khaama Press 01/11) 10000 à 20000 personnes. - L’Afghanistan devrait signer un accord avec un consortium indien Steel Authority of India en Le chef du district de Dand (province de janvier 2013 concernant l’exploitation de la mine de fer de Hadjigak (province de Bâmiyân), après Kandahâr) expulse trente imams originaires l’aval du gouvernement. (Afghanistan News.Net 05/12) de la province pakistanaise de Quetta car Industrie et services ces imams encourageaient la population à - Une société russe va construire une usine à Kaboul pour produire des modules préfabriqués s’engager dans la guerre sainte contre le d’habitations à bas prix, le premier investissement majeur d’une société russe depuis la chute du gouvernement afghan. gouvernement prosoviétique de Nadjiboullah dans les années 90. La société qui devrait construire 100 Imran Khan, ancien champion de cricket 000 logements au cours des trois prochaines années va fournir des emplois à plus de 3000 personnes. (Tolo News 27/12) et haut responsable politique pakistanais, - Une raffinerie de pétrole sera construite dans le nord de l’Afghanistan par une entreprise améri- déclare la guerre sainte contre l’occupation cano-afghane, grâce à un investissement de 700 millions de dollars. L’installation pourra raffiner 60 000 étrangère en Afghanistan pour protester barils de pétrole par jour lorsque l’usine ouvrira en 2016. (Tolo News 30/12) contre les frappes de drones américains. -Télécoms. Il y a dix ans, l’Afghanistan avait peu ou pas accès à Internet et le réseau téléphonique était Un Canadien et une Américaine sont en- en plein désarroi.. Selon la Banque mondiale, l’Afghanistan n’avait que 57 000 abonnés fixes et mobiles en 2002. Cinq opérateurs se partagent désormais environ 18 millions d’abonnés. Les réseaux mobiles levés sur la route reliant Ghazni à Kaboul. couvrent plus de 85% de la population. Mais la pénétration d’Internet dans le pays reste faible. Il y a La femme est retrouvée sans vie. un peu plus d’un million d’utilisateurs d’Internet en Afghanistan. Un manque d’ordinateurs, les pénuries - Le 11 : Le retrait des troupes de la coa- d’électricité en sont quelques-unes des raisons. lition pourrait déstabiliser la situation en Le secteur des télécommunications en Afghanistan a attiré environ 1,8 milliards de dollars en investis- Asie centrale, estime le directeur de re- sements étrangers. Les autorités déclarent que cela a entraîné la création de près de 200 000 emplois. Ce secteur en pleine expansion est l’une des rares réussites dans le pays. Mais la situation n’est pas cherche en charge de la Russie à la Heritage totalement rose. La détérioration de la sécurité est une source de préoccupation majeure. Les Tâlebân Foundation. s’attaquent parfois aux infrastructures des télécommunications (destructions d’antennes). (BBC) Des autorités religieuses participent à Note : Ces brèves économiques sont extraites du Bulletin du CEREDAF. la Journée Internationale de la fille pour mettre fin au mariage précoce des enfants. Selon les Nations unies, 40% des filles ma- riées en Afghanistan ont moins de 18 ans, Carnegie pour la paix, Gilles Dorronsoro pays en annonçant l’apocalypse et le retour et 15% ont moins de 15 ans. prévoit lui aussi l’effondrement du gouver- des Tâlebân. «Je crois que le but est d’in- Pour la première fois depuis seize ans, un nement à Kaboul. Hâmed Karzaï accuse les fluencer les futurs accords sur le nombre de camion-citerne de 250 tonnes de carburant médias et les analystes occidentaux de me- bases militaires américaines. entre en Afghanistan par le port de Haïra- ner une «guerre psychologique» contre son Hâmed Karzaï condamne les forces amé- tan, sur l’Amou-Daria.

Les Nouvelles d’Afghanistand’Afghanistan n°139 n°139 35 Chronologie Brèves

L’Afghanistan accuse le Pakistan d’avoir Guerre Victimes : L’Armée nationale afghane a perdu 830 soldats au cours des sept derniers mois, contre 568 violé l’accord de transit commercial de l’an dernier pour le même période. (Pajhwok Afghan News 20/11). En revanche, le nombre de soldats 2010 entre l’Afghanistan et le Pakistan en de la coalition internationale tués a baissé en 2012. Les statistiques du site icasualties pour les cinq refusant l’accès au fret au poste frontière de dernières années sont les suivants : 2008 : 295 ; 2009 : 521 ; 2010 : 711 ; 2011 : 566 ; 2012 : 405. Wagah avec l’Inde et aux ports maritimes Ils ont dit : «Si l’OTAN se retire complètement, je suis certaine qu’une guerre civile va éclater», dit de Karachi et de Ben Qassem. Habiba Sarobi, gouverneure de Bamyan. Dans les années 90 après le retrait des troupes soviétiques, une période noire a suivi le désengagement des Occidentaux d’Afghanistan. «S’ils font encore la même - Le 12 : Sept soldats britanniques sont erreur, ce sera un vrai désastre», craint-elle. (AFP 02/11) arrêtés, soupçonnés d’avoir commis un meurtre en Afghanistan en 2011. Education - Le 13 : Le parlement afghan déclare - Enseignement agricole : Le 6 novembre à Kaboul, le ministre de l’Éducation a inauguré le Centre que la date du 6 novembre marquera désor- national d’enseignement agricole, financé par les Pays-Bas, qui formera des enseignants afghans pour mais la mémoire des 72 victimes de l’atten- le secteur agricole. (Pajhwok Afghan News 06/11) tat de Baghlan en 2007. - Bourses : Une vingtaine d’étudiants afghans seront envoyés en bourses en France l’an prochain pour y suivre maîtrises et doctorats. (Pajhwok Afghan News 11/11) Un membre du renseignement afghan se - Université : L’université de Bâmiyân compte plus de 2600 étudiants, dont 560 filles. (Tolo News 21/10) fait exploser, tuant deux agents de la CIA Scolarisation : Depuis 2003, plus de 5000 bâtiments scolaires ont été réhabilités ou construits, mais et quatre membres des services secrets 42% des enfants en âge scolaire ne sont pas scolarisés. Un peu plus de la moitié des écoles du pays afghans, dans le district de Marouf (Kan- manquent de bâtiments. Selon l’UNESCO, 37% des enfants scolarisés sont des filles et 31% du corps dahâr). Les autorités afghanes nient que enseignant sont des femmes. (The Huffington Post 10/10) l’attaquant soit un membre des services de renseignement. Economie - Hérat : Dans la province de Hérat, l’investissement étranger est en hausse avec plus de 100 millions de - Le 14 : Le gouvernement pakistanais dollars dans le parc industriel provincial cette année, dont la société IBM. (Tolo News 30/10) promet de reprendre les travaux de réhabi- - Loyers : Le retrait prochain des forces de l’OTAN a entraîné à Kaboul une baisse de 20% des prix litation de la route entre le poste frontière immobiliers. (Pajhwok Afghan News 28/10) de Torkham et Djalâlâbâd, après un arrêt de - Internet : Le ministère des Communications et des Technologies de l’information a annoncé que plus deux ans. de 80% de la population afghane aura accès à internet d’ici deux ans. Le ministère vient de délivrer un permis de service Internet à trois fournisseurs privés dans le pays. (Tolo News 19/11) Un convoi de gardes du corps du deu- - Tapis : En 2007, les tapis étaient la principale exportation de l’Afghanistan, pour un montant d’environ xième vice-président, Mohammed Karim 261 millions de dollars. En 2011, les exportations ont chuté à 46 millions de dollars, selon la Chambre de Khalili, est attaqué par des insurgés dans Commerce et Industries d’Afghanistan. (BBC 05/10) le district de Cheikh Ali (Parwan). Huit - Pétrole : Selon l’accord pétrolier signé avec la société chinoise CNPC, la production de pétrole extraite gardes sont tués. cette année devrait être de 150 000 barils d’ici mars 2013. Environ 1,6 million de barils sont attendus au cours de la deuxième année, 3,9 millions de barils la troisième année, 7,4 millions de barils la quatrième - Le 16 : 17 insurgés, dont 15 Pakistanais, année, et 12,3 millions la cinquième année. (Tolo News 06/09) sont tués lors d’un raid aérien dans la pro- vince de Ghazni. Santé - Le 17 : Un attentat suicide blesse 45 - Polio : 26 cas de polio ont été enregistrés en Afghanistan l’an dernier. (Pajhwok Afghan News 14/10) soldats afghans dans le district de Zormat - MSF : Les activités médicales de Médecins Sans Frontières ont repris à la maternité de Khost. Elles (Paktia). avaient été suspendues à la suite d’une explosion à l’hôpital en avril 2012. (MSF 17/10) - Personnes âgées : Certains sénateurs se sont opposés à la construction, par le Croissant rouge - Le 18 : H. Karzaï souhaite mettre fin à la afghan, d’un foyer pour personnes âgées à Kaboul avançant que l’idée, occidentale, était en conflit avec présence d’étrangers dans la Commission les traditions afghanes et les principes islamiques. Le Croissant-Rouge afghan a prévu le centre après des plaintes électorales, qui surveille le pro- avoir constaté qu’un grand nombre de mendiants âgés dans les rues de Kaboul n’avaient pas de famille. cessus électoral. Selon lui, «cette ingérence (Pajhwok Afghan News 02/10) dans le processus électoral est contraire à la - Aveugles : Quelque 400 000 Afghans sont aveugles et 25 000 perdent leur vue chaque année. (Xinhua 14/10) souveraineté de l’Afghanistan». - Troubles psychiques : 400 soldats français sont revenus d’Afghanistan atteints de troubles psy- Le vice-premier ministre russe déclare chiques, selon le service de santé des armées. 60 000 soldats français ont été déployés depuis 2001 que la Russie exige que l’OTAN remplisse en Afghanistan. (AFP 23/10) ses obligations en Afghanistan, même après le départ de ses forces. Moscou continuera Religion à coopérer avec elle parce que la Russie a - Complexe islamique : L’Arabie Saoudite va financer un projet de construction d’un grand centre des intérêts graves en Asie centrale. islamique au centre de Kaboul. Le complexe, dont le coût est estimé à près de 100 millions de dollars, - Le 19 : Une bombe tue 19 civils se ren- devrait se composer d’une mosquée d’une capacité de 15 000 fidèles, d’une université pouvant accueillir jusqu’à 5000 étudiants, d’un hôpital et d’un complexe sportif. Selon les autorités afghanes, le Centre dant par minibus à un mariage dans le dis- Islamique permettra aux imams et mollahs afghans de se former en Afghanistan et ainsi d’éviter le trict de Daolatabad (Balkh). Pakistan. (Ajib.fr 29/10) - Le 20 : La Mission d’assistance des - Hindous : Des membres de la communauté minoritaire hindoue ont manifesté contre les habitants du Nations unies en Afghanistan exhorte les quartier Qalatcha à Kaboul qui s’opposent à la crémation des corps de leurs proches. (Pajhwok Afghan Tâlebân à bannir l’usage des mines antiper- News 16/11) sonnel. En 1998, Mollah Omar avait déjà Note : Ces brèves économiques sont extraites du Bulletin du CEREDAF. interdit l’usage de ces mines les qualifiant de non-islamiques. Laurent Fabius arrive à Kaboul pour et l’obstétrique à l’hôpital français pour baisse dans les zones transférées aux forces discuter de la mise en œuvre du traité enfants de Kaboul. afghanes. d’amitié et de coopération entre la France - Le 21 : L’entreprise chinoise National Mollah Abdul Rahman, haut responsable et l’Afghanistan. Il inaugure une biblio- Petroleum Corp commence à extraire du du mouvement tâleb, est capturé dans le thèque au lycée Malâlaï puis lance les tra- pétrole dans le bassin de l’Amou-Daria. district de Tchar Darah (Koundouz). Il était vaux d’une aile destinée à la gynécologie - Le 23 : Selon l’ISAF la violence est en impliqué dans l’aggravation de l’insécurité

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dans les provinces de Koundouz, de Takhâr est impossible d’organiser des élections Un contrat sera notamment signé concer- et du Badakhchân. transparentes en raison de la présence de nant l’exploitation d’une mine de fer par - Le 24 : A l’occasion de la fête de l’Aïd, troupes étrangères dans le pays. une compagnie indienne. L’Inde est le pre- mollah Omar déclare que tant que les forces - Le 3 : Les travaux de construction du mier investisseur asiatique en Afghanistan étrangères resteront en Afghanistan et tant port commercial de Cher Khan (province devant la Chine. que les Tâlebân ne seront pas au pouvoir il de Koundouz) sont lancés. Il comptera 2 - Le 10 : Des parlementaires dénoncent n’y aura pas de paix dans le pays. 000 unités résidentielles et centres com- l’initiative d’Ismaël Khan de mettre en Hâmed Karzaï préside la première réu- merciaux. place un conseil de modjahedin car cela ou- nion du Haut conseil économique, nouvel- - Le 4 : Gulbuddin Hekmatyar déclare vrirait la voie à une nouvelle vague d’ins- lement formé. Il est décidé notamment que que son parti participera à la prochaine tabilité. Le 12, des milliers de personnes le gouvernement financera la construction élection présidentielle si elle est équitable manifestent à Hérat contre ce projet. de plus d’usines de ciment, que l’exporta- et transparente. - Le 12 : Des bombardements de l’armée tion de vieux métaux vers l’étranger sera Le Sénat afghan approuve l’accord de afghane sur le territoire pakistanais tuent 5 interdite, que le contrat d’uniformes de coopération stratégique entre l’Afghanis- civils, dont 2 enfants, dans le Sud-Waziris- l’armée nationale sera accordé à une so- tan et l’Allemagne. tan. Le Pakistan proteste auprès du gouver- ciété afghane. La police saisit près de 1600 kilos d’opium nement afghan. - Le 26 : Les forces de sécurité afghanes dans le district de Khachrod (Nimrouz). L’Afghanistan et l’Union européenne si- neutralisent un kamikaze tentant de faire Mario Monti, premier ministre italien, gnent un accord de financement de 60 mil- exploser un dortoir de police de Baghlan. rend visite au contingent italien basé à Hé- lions d’euros pour soutenir les programmes L’accord définissant le point de jonction rat et déclare que l’Italie ne quittera pas prioritaires nationaux sur «la gouvernance entre les frontières de la Chine, du Tadji- l’Afghanistan, mais transformera sa mis- efficiente et efficace» et «la justice pour kistan et de l’Afghanistan est adopté par sion, en 2014. tous». l’Assemblée populaire chinoise. - Le 5 : Au moins trente véhicules sont Le FMI estime que les perspectives éco- Un attentat suicide fait au moins 42 détruits dans une explosion à Tcharikar au nomiques de l’Afghanistan sont globale- morts (20 membres des forces de sécurité nord de Kaboul. Aucune victime n’est si- ment positives. La croissance et l’inflation afghanes et 22 civils) et une cinquantaine gnalée. ont été meilleures que prévues grâce à de de blessés dans une mosquée de Maïmana La police découvre sept tonnes d’explo- bonnes récoltes. au premier jour de fête de l’Aïd al-Adha. sifs, importés du Pakistan, dans la province Le gouverneur de Balkh, Atta Moham- Le 28, Hâmed Karzaï se rend à Maïmana de Koundouz. mad Nour, déclare qu’il sera candidat à la pour présenter ses condoléances aux fa- Le Conseil de sécurité des Nations unies prochaine élection présidentielle. milles des victimes. décrète des sanctions contre le réseau Ha- Une délégation afghane, composée de - Le 29 : Les partis politiques afghans qqani. membres du Haut conseil afghan pour craignent que les cartes de vote utilisées La responsabilité de la sécurité dans la la paix, se rend au Pakistan pour deman- lors des dernières élections donnent lieu à province de Badghis est remise aux forces der l’aide du Pakistan pour entamer des une fraude électorale généralisée. afghanes. Seul restera un petit contingent contacts avec les Tâlebân afghans. - Le 30 : Hamid Rahimi, boxeur afghan de troupes espagnoles pour assurer un sou- - Le 13 : Le réseau Haqqani, fait savoir de 29 ans, remporte sa 21ème victoire en tien. qu’il serait prêt à participer à des pour- 22 combats, le premier disputé depuis 30 - Le 6 : Le vice-ministre iranien du pé- parlers de paix avec les États-Unis, mais ans à Kaboul. trole déclare que l’Iran va construire un seulement sous la direction de leurs chefs Des sénateurs demandent au président oléoduc afin de faciliter l’exportation des tâlebân afghans. Karzaï de réviser sa stratégie vis-à-vis des produits pétroliers de l’Iran vers l’Afgha- Les procureurs militaires américains Tâlebân parce que les Tâlebân n’ont aucun nistan. réclament la peine de mort à l’encontre du respect pour le peuple afghan. Ces appels - Le 7 : Le « Conseil du Djihad » dirigé sergent Robert Bales accusé du meurtre de viennent après l’attentat-suicide du 27 oc- par Ismaël Khan commence à distribuer 16 villageois afghans en mars. tobre. des armes à ses membres dans la province Trois roquettes sont tirées sur Kaboul, Un responsable de la commission électo- de Hérat. Une trentaine d’unités auraient faisant un mort et deux blessés. rale annonce que la prochaine élection pré- été formées. - Le 14 : La communauté internationale sidentielle aura lieu le 5 avril 2014. Douze missiles auraient été tirés depuis s’engage pour un montant de 150 millions - Le 31 : Le chef de la commission électo- l’Iran dans la province de Nimrouz ces de dollars pour les prochaines élections rale laisse entendre que les groupes armés deux derniers jours. présidentielles et provinciales en 2014. opposés au gouvernement pourront présen- Les Tâlebân invitent Barack Obama à - Le 15 : Le Pakistan libère neuf prison- ter des candidats à l’élection présidentielle. profiter de sa réélection pour prendre acte niers tâlebân à la demande de l’Afghanis- de sa défaite en Afghanistan et retirer im- tan pour appuyer le processus de paix. médiatement l’ensemble des troupes amé- - Le 16 : 17 civils qui se rendaient à un ma- ricaines du pays. riage sont tués et 14 blessés par une bombe Novembre - Le 8 : Au 5ème Forum de la Démocratie dans la province de Farâh. - Le 1 : Le ministère de l’Intérieur in- de Bali, Hâmed Karzaï juge non démocra- - Le 17 : Le Haut conseil pour la paix dique qu’il émettra environ 6,5 millions tique la structure du Conseil de sécurité des déclare que les responsables tâlebân qui se de cartes d’identité électroniques avant les Nations unies. joignent à des négociations de paix avec le élections d’avril 2014. - Le 9 : H. Karzaï fait une visite de trois gouvernement afghan verront leurs noms Des Tâlebân empoisonnent à mort six po- jours en Inde afin de signer plusieurs retirés de la liste noire des Nations unies liciers dans la province de Kandahâr. contrats. L’Inde va offrir une nouvelle aide et obtiendront l’immunité contre d’éven- - Le 2 : Le Hezb-e Islami déclare qu’il de 100 millions de dollars à l’Afghanistan. tuelles poursuites. Les membres du conseil

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International des Tâlebân connu sous le nom Choura de - Etats-Unis : Les Etats-Unis ont entamé des négociations avec Kaboul, afin de définir le nombre de Quetta, accueillent favorablement les ac- troupes américaines maintenues après 2014. Washington et Kaboul sont en désaccord sur la respon- cords signés au Pakistan par le Haut conseil sabilité pénale des militaires américains stationnés en Afghanistan. Hâmed Karzaï souhaite mettre fin à l’immunité des militaires américains devant la loi afghane. (Reuters 15/11) pour la paix. - Iran : Selon Ahmad Saeedi, analyste politique et ancien diplomate, l’influence de Téhéran est de plus - Le 19 : Il y a deux mois, l’Iran a exécuté en plus présente en Afghanistan. «Aujourd’hui, nous pouvons capter six chaînes de télévision pro-ira- au moins treize ressortissants afghans. Un niennes, 21 stations de radio et un grand nombre de publications pro-iranien sont disponibles à Kaboul certain nombre de proches des victimes se » a-t-il déclaré. (VOA 27/11) rassemblent près du siège du gouvernement - Amitié : Le traité dit «de coopération et d’amitié» entre France et Afghanistan a été ratifié par les députés afghans en septembre (voir notre précédent numéro). Mais le Sénat afghan, tout en donnant provincial de Hérat pour obtenir le transfert son accord début octobre, a suggéré au ministère des Affaires étrangères que la mention d’»amitié» des corps en Afghanistan. Selon eux, ces entre les deux pays soit retirée de son titre et remplacée par le mot «relation». «Certains sénateurs ont adolescents s’étaient rendus en Iran pour y expliqué que, d’après les principes de la charia, le mot amitié ne pouvait être utilisé avec des infidèles». chercher du travail et ne sont pas des trafi- (AFP 20/10) quants de drogue. - Comité suédois : Le Comité suédois pour l’Afghanistan s’est engagé à poursuivre son aide au dé- veloppement social à Kaboul pour les prochaines décennies. Son budget annuel est de 40 millions de La peine d’Abdul Sabor, qui a abattu cinq dollars, et il pourrait augmenter de 50%. (Pajhwok Afghan News 01/11) militaires français dans une base de Ka- - Ligne Durand : Le gouvernement afghan a fermement rejeté une déclaration de l’envoyé spécial pissa en janvier 2012, et a été condamné à américain pour l’Afghanistan et le Pakistan, Marc Grossman, sur la frontière séparant les deux pays. Le mort en juillet, est confirmée en appel. 21 octobre, Marc Grossman, sur une chaîne de télévision privée à Kaboul, avait déclaré que Washington Lors du forum d’Halifax sur la sécurité reconnaissait la ligne Durand comme frontière internationale entre l’Afghanistan et le Pakistan. (RFE/RL 23/10) Le 23 octobre, l’administration Obama a déclaré que la ligne Durand était une frontière internatio- internationale un panel de chefs d’entre- nalement reconnue entre l’Afghanistan et le Pakistan. (Pajhwok Afghan News 24/10) prises et d’hommes politiques afghans met en garde la communauté internationale Note : Ces brèves économiques sont extraites du Bulletin du CEREDAF. contre le «chaos et la guerre civile» si les États-Unis et les alliés de l’OTAN quittent le pays. - Le 20 : Le Sénat afghan rejette la pré- de ces affrontements. de mariage refusée par la famille d’une sence de deux experts étrangers dans la - Le 25 : L’administration américaine adolescente de 15 ans, sont arrêtés pour Commission des plaintes électorales. veut conserver environ 10 000 soldats en avoir égorgé la jeune fille. Les Tâlebân appellent l’ensemble des pays Afghanistan après la fin des opérations de La plupart des 170 travailleurs chinois membres de l’OTAN à suivre l’exemple combat en 2014, rapporte le Wall Street qui avaient fui les attaques à la roquette sur français de retrait anticipé d’Afghanistan, Journal. Ces forces mèneront des opé- le projet minier de Mes Aïnak (Logar) se- quelques heures après le départ des troupes rations de formation et d’antiterrorisme. raient rentrés en raison de l’amélioration de françaises de Kapissa. Washington dit ne pas être à la recherche la sécurité. - Le 21 : Six policiers sont empoisonnés de bases permanentes en Afghanistan. Le secrétaire britannique à la Défense dans le district de Qaisar (Faryâb). - Le 26 : Environ 500 étudiants manifes- déclare que les détenus capturés par les Le 20 et le 21, exécution par pendaison tent à Djalalâbâd pour demander que le sol- forces britanniques en Afghanistan ne peu- de quatorze «criminels et terroristes» à la dat afghan qui a tué cinq militaires français vent actuellement être transférés aux auto- prison de Pol-e Tcharkhi. Peu avant, les en janvier et a été condamné à mort ne soit rités afghanes en raison du risque de mau- Tâlebân avaient menacé Kaboul de re- pas exécuté. vais traitements. présailles si des prisonniers issus de leur Human Rights Watch critique la décision - Le 30 : L’Afghanistan demande au Pa- mouvement étaient exécutés. L’Union eu- du Haut conseil pour la paix d’accorder kistan de libérer plus de prisonniers tâlebân. ropéenne exprime sa préoccupation. Les l’amnistie aux responsables insurgés qui se Ouverture du procès de la Kabul Bank. Tâlebân exhortent les Nations unies, l’Or- joindraient aux négociations de paix, décla- ganisation de la Coopération islamique et rant que c’est une violation de la conven- le Comité international de la Croix-Rouge tion internationale régissant les crimes de Décembre à faire pression sur l’administration Karzaï guerre. - Le 1 : Un responsable du Mouvement en vue d’arrêter ces exécutions. Le Comité - Le 27 : Des insurgés remettent aux vil- islamique d’Ouzbékistan (impliqué dans parlementaire pour les affaires féminines lageois du district de Watapur (Kounar) les l’attentat du 26 octobre dernier à Maymana souligne pour sa part que les Tâlebân exé- corps de cinq civils du Conseil du Dévelop- est tué. cutent régulièrement des gens sans procès pement local enlevés deux jours plus tôt. - Le 2 : Un commando de Tâlebân mène formel. Le 23 la France condamne les exé- Le Sénat approuve le budget du gou- une attaque complexe contre la base afgha- cutions. vernement pour l’année prochaine. Le no-américaine de Djalalabad. - Le 23 : Un attentat suicide revendiqué prochain budget passera de 244 milliards - Le 3 : H. Karzaï ordonne une enquête par lesTâlebân, en représailles à l’exécu- d’afghanis à 360 (7 milliards de dollars). pour savoir si les Britanniques détiennent tion de prisonniers par le gouvernement - Le 28 : Le Conseil des Oulémas des prisonniers en Afghanistan. Un com- afghan, fait 2 morts et 90 blessés à Maïdan d’Afghanistan demande à Hâmed Karzaï à muniqué présidentiel indique qu’ « aucun Chahr. être mieux pris en considération et à établir étranger n’a le droit de détenir des Afghans - Le 24 : Un étudiant afghan est tué et de une nouvelle Dar al-Ifta en Afghanistan - en Afghanistan ». nombreux blessés lors de heurts entre sun- institut habilité à émettre des décrets basés Un kamikaze se faisant passer pour un nites et chiites à l’université de Kaboul qui sur la charia. messager de paix blesse grièvement Assa- ont lieu quand des étudiants chiites veulent Le contingent géorgien de l’ISAF sera dullah Khaled, chef des Services secrets faire le rite de l’Achoura dans un dortoir. presque doublé (passant de 800 à 1 570). afghans. Le meurtrier avait apparemment Le 25, quatre grandes universités publiques - Le 29 : Dans la province de Koundouz, caché sa bombe dans l’aine. A. Khaled est seront fermées pendant dix jours à la suite deux hommes, dont un avait vu sa demande soigné à l’hôpital américain de Bagram

3838 LesLes Nouvelles Nouvelles d’Afghanistan d’Afghanistan n°139n°139 Chronologie

avant d’être transféré aux Etats-Unis. Pakistan. Le Pakistan rejette l’accusation. par les Tâlebân cinq jours plus tôt est li- - Le 4 : Une jeune afghane de dixième Sheikh Khaled Bin Abdul Rehman Al- béré par une opération de sauvetage dans classe est assassinée en revenant de l’école Hussainan, considéré comme le numéro laquelle un soldat américain est tué. dans la province de Kapissa. Elle partici- 2 d’Al Qaida est tué par un drone au Pa- - Le 12 : Les députés votent la révocation pait aussi comme volontaire à une cam- kistan. de onze ministres qui n’ont pas dépensé la pagne de vaccination contre la polio. - Le 9 : Le président Karzaï dit qu’il moitié du budget qui leur a été alloué. Le Conseil des Ministres afghan ap- pourrait accorder l’immunité aux soldats - Le 15 : Les derniers soldats français prouve la nouvelle loi électorale, suppri- américains qui resteraient en Afghanis- combattants quittent l’Afghanistan. mant la Commission des plaintes. tan au-delà de 2014 si la souveraineté de - Le 8 : H. Karzaï affirme que l’attentat l’Afghanistan est pleinement reconnue. (Source principale : Bulletin du CEREDAF) contre Assadullah Khaled a été planifié au Un médecin américain kidnappé à Sarobi

BIBLIOGRAPHIE

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Les Nouvelles d’Afghanistand’Afghanistan n°139 n°139 39 L’action d’AFRANE en Afghanistan en 2012 Mieux qu’un long discours, les photos de cette page donnent un aperçu du travail effectué par AFRANE en Afghanistan en 2012. Grâce à des financements plus im- portants, et à la générosité de nos adhérents et donateurs, nous avons pu avancer nos programmes dans de bonnes conditions. A Tcharikar, Djalalabad, Kaboul, Wa- ras (Bamyan) et Hérat, nous avons apporté notre pierre à l’édification du système éducatif afghan. Pour répondre à l’afflux d’élèves dans les écoles, constructions, équipements et formation des professeurs sont plus que jamais indispensables. De jeunes professeures en formation pendant l’hiver à Waras

Construction d’une école à Qawm Mirzâ (province de Bamyan)

Formation de professeurs de sciences dans un lycée de Dacht-e Bartchi (Kaboul) Match de basket à Tcharikar sur un Construction d’un bâtiment terrain construit par AFRANE pour le lycée Abou al Walid (Hérat)

Pupitres fournis par AFRANE

Un formateur français de Genlis Une partie de l’équipe d’AFRANE dans une classe de Tcharikar

Il reste à faire ! Une classe de filles à l’air libre à Djalalabad

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