Trente-troisième année N°139 Décembre 2012 (4ème trimestre) 6 Euros Les Nouvelles d’AFGHANISTAN spécial ISSN 0249-0072 ISSN Afghanistan-Pakistan Editorial Les Nouvelles d’Afghanistan SOMMAIRE N°139 Afghanistan et Pakistan deux destins indissociables d’une histoire commune Dépasser les malentendus par Pierre LAFRANCE 3 Pourquoi tant d’acharnement ? par Zia FARHANG 12 On sait qu’une des clefs du problème afghan se trouve au Pakistan. Nous Les ambitions du Pakistan en Afghanistan avons donc décidé d’ouvrir dans ce numéro le dossier des relations entre le par Homayoun Chah ASSEFY 15 Pakistan et l’Afghanistan. Dossier bien délicat. Pierre Lafrance montre dans son étude approfondie de la préhistoire de ces relations, combien les siècles La Ligne Durand par Léa MÉRILLON 18 ont fait bouger les peuples et les dynasties, au point que Pakistan et Afghanis- tan sont héritiers d’une histoire commune, tout en se disputant une partie de Survol des relations économiques cet héritage. Ah qu’il est difficile d’être frères sur des terres si voisines ! afghano-pakistanaises Notre dossier n’épuise pas le sujet. Bien d’autres aspects auraient pu être par Daood MOOSA 20 étudiés : par exemple les relations entre tribus pachtouns des deux côtés de la Les relations indo-pakistanaises frontière. Certes, la ligne Durand est le fait d’un arbitraire colonial. Mais il serait et l’Afghanistan intéressant d’étudier s’il y a des différences entre les Pachtouns d’Afghanistan par Olivier BLAREL 23 et ceux qu’on appelle Pathans côté pakistanais. Nous pourrons compléter ce dossier dans nos numéros à venir. L’évolution des Etats-Unis à l’égard Les auteurs afghans de certains des articles qui suivent ne sont pas très de l’Afghanistan, du Pakistan et de l’Inde par Chahir ZAHINE 27 tendres avec le Pakistan. Il ne s’agit pourtant pas de la part des Nouvelles d’Afghanistan d’écrire un dossier d’accusation à charge contre le grand voisin Chronologie des relations Afghanistan- de l’Afghanistan. On sait au contraire que notre souci sera toujours de ne rien Pakistan faire qui puisse compromettre la recherche de la paix. Bien loin donc de notre par Léa MÉRILLON 30 pensée l’idée de mettre de l’huile sur le feu. Pourtant, il faut savoir que ce que ces auteurs écrivent est le reflet de ce que pensent beaucoup d’Afghans. Il est donc nécessaire qu’ils puissent l’exprimer, et que nous puissions l’écouter. Taire les contentieux n’est pas le meilleur chemin vers la paix. DERNIERES NOUVELLES Chronologie, brèves, bibliographie 32 Les Afghans, et cela n’apparaît malheureusement pas dans les pages qui suivent, ont pu pendant les années de la résistance antisoviétique se mettre à l’abri au Pakistan. Même si l’aide des Pakistanais n’a pas été forcément désin- L’action d’Afrane téressée ni impartiale, elle a été réelle, et les Afghans leur en sont redevables. en Afghanistan en 2012 40 A la fin de la lecture de ce dossier, la question principale demeure bien sûr ouverte. Comment faire en sorte que la relation tendue pakistano-afghano- indienne, se transforme peu à peu en une entente devenant progressivement confiante ? La voie est certainement étroite et difficile. Mais il semble clair que le Pakistan a besoin de garanties internationales et régionales pour sortir de Photo de couverture : Afghanistan et Pa- kistan et la Ligne Durand. Zone gris bleu son complexe de forteresse assiégée. C’est quand il sera pleinement rassuré hachurée : prédominance pachtoune ; sur son avenir que le Pakistan cessera de mener une politique incertaine et zone gris bleu : prédominance baloutche. dangereuse, et d’entretenir des foyers de tension en Afghanistan. Etienne GILLE Les Nouvelles d’Afghanistan bénéficient d’une aide financière 17 janvier 2013 de l’ambassade de France en Afghanistan Adresse E-mail [email protected] Les Nouvelles d’Afghanistan Site internet: www.afrane.asso.fr 16, passage de la Main d’Or -75011 Paris 2 Les Nouvelles d’Afghanistan n°139 Afghanistan et Pakistan Deux destins indissociables d’une histoire commune par Pierre LAFRANCE* Retraçant à grands traits l’histoire complexe de la région, P. Lafrance montre combien les histoires des territoires qui sont devenus l’Afghanistan et le Pakis- tan actuels sont imbriquées, ce qui n’est pas sans conséquence pour l’analyse des conflits d’aujourd’hui. Le bassin de l’Indus, vaste plage migratoire où se sont Indo Européens pratiquant des langues très anciennes et dont échouées des vagues humaines venues du Nord-Ouest n’est certains s’établiront dans de hautes vallées appelées à être guère accessible par le plein nord himalayen par trop abrupt. pour eux des refuges, et cela dans les parties les plus sep- Il l’est par l’ouest, puisque certains des hauts plateaux qui tentrionales du bassin. Ils furent suivis par les Arya ou Indo l’entourent prolongent ceux de l’Iran, et par l’est, du fait Européens de l’Est parlant des langues relevant d’un groupe même de sa proximité avec le bassin du Gange. Or, curieu- caractérisé portant leur nom. Ceux-ci prirent possession sement, la plaine indo-gangétique est une réalité plus géo- peu à peu de toutes les montagnes actuellement afghanes et graphique qu’historique. En effet, pour des raisons relevant des régions planes du bassin de l’Indus pour aller jusqu’au des sciences humaines, la ligne de partage des eaux entre Gange et au-delà. On sait quel fut leur rôle dans l’édification l’Indus et le Gange n’a été franchie par des migrants ou des de formes de civilisation d’une importance mondiale. Or, il conquérants que de façon sporadique. Il semble, au contraire, s’établit peu après l’an mille avant JC une distinction entre que les nombreux cols et cours d’eaux permettant le passage deux aires linguistiques aryennes : l’iranienne au nord, l’in- de populations entre les grands espaces de l’Asie centrale, le dienne au sud. Ces deux groupes eurent pour grands textes plateau iranien et le monde de l’Indus ait servi de voies de de référence l’Avesta pour le premier, les Vedas pour le se- conquête depuis des temps très anciens. cond, se récitant respectivement en vieux perse et en sanscrit. On ne peut donc comprendre les événements actuels si on Initialement, les deux langues étaient très proches l’une de ne garde pas en mémoire les symbioses récurrentes entre ce l’autre au point que, de nos jours, tout spécialiste de l’Avesta qu’on nomme à présent Afghanistan et Pakistan tout en sa- et du Mazdéisme est aussi un sanscritiste. chant que cette symbiose put prendre maintes fois un tour La différenciation des parlers s’accentua sans doute sous extrêmement fécond mais aussi parfois invasif, conquérant, l’influence de ceux déjà en usage dans les territoires conquis. conflictuel. Ainsi, qualifie-t-on d’iraniennes ou iraniques les langues En examinant d’un peu plus près l’histoire régionale on d’un espace, et d’indiennes celles de l’autre. Or, la frontière découvre des faits saillants riches de conséquences. entre les deux groupes linguistiques se situe dans les mon- tagnes de l’Afghanistan oriental et même plus au sud dans les monts Soleiman (tandis que, vers l’ouest, le baloutche de formation tardive relève sans conteste du groupe iranien). De Histoire de langues part et d’autre de la démarcation linguistique ainsi esquissée, Dès le IIIème millénaire avant notre ère, la civilisation les sociétés s’organisèrent selon un système tribal du coté de l’Indus, celle des sites de Harappa et de Mohenjo Daro iranien et selon un système de caste du coté indien. On peut essaime vers le nord-ouest pour atteindre l’Asie centrale, et donc considérer qu’une frontière indéniable bien que mou- vers l’ouest jusqu’au Makran. Elle ne s’étend pas vers l’est vante sépare l’espace à présent afghan de celui pakistanais où où se construisent sans doute des formes de civilisation se pratiquent principalement l’ourdou, le pendjabi et le sindi, autres. Elle ne passe donc pas de l’Indus au Gange. Lorsque autant de langues du groupe indien. se confirmera le déclin de cette forme de civilisation, peu Le Pakistan est donc situé entre deux frontières plus his- avant le premier millénaire, on verra arriver, par vagues, des toriques que géographiques, l’une le séparant du monde gangétique, l’autre du monde iranique ou iranien (selon les * Ambassadeur de France dont la carrière s’est déroulée notamment en terminologies). Afghanistan, au Pakistan et en Iran. Si l’on sait que ce pays compte des populations de lan- Les Nouvelles d’Afghanistan n°139 3 gues du premier groupe (Baloutches et Pachtounes appelés un rayonnement prodigieux dont témoignèrent les statues aussi Pathans) occupant la moitié de son territoire mais ne géantes du Bouddha à Bamyan, des monastères comme ceux représentant que 15% du nombre de ses habitants, on mesure de Hadda (Afghanistan) et de Takht-e Bahi (Pakistan), sans la complexité de son identité. Il est en tout cas compréhen- oublier les stoupa ou reliquaires monumentaux comme ce- sible que ce pays puisse avoir du mal à établir sa frontière, lui qu’on peut voir près des ruines de Mohenjo Daro dans le tant avec son voisin de l’est, l’Inde, qu’avec celui du nord- Sind. ouest, l’Afghanistan. Or, entre les trois espaces considérés, les mouvements d’allée et venue marquèrent l’histoire et laissèrent des traces profondes. Et vents du nord A cette époque, survint un changement lourd de consé- quences. La grande steppe eurasiatique, longtemps apanage Vents d’ouest, vents d’est d’Indo européens, surtout aryens, fut occupée par d’autres Tandis que la parole d’un prophète surnommé l’Homme cavaliers venus de ses franges orientales.
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