Cahiers Du Monde Russe, 41/2-3 | 2000, « En Islam Sibérien » [Online], Online Since 15 January 2007, Connection on 19 July 2020
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Cahiers du monde russe Russie - Empire russe - Union soviétique et États indépendants 41/2-3 | 2000 En islam sibérien Stéphane A. Dudoignon (dir.) Electronic version URL: http://journals.openedition.org/monderusse/1167 DOI: 10.4000/monderusse.1167 ISSN: 1777-5388 Publisher Éditions de l’EHESS Printed version Date of publication: 1 April 2000 ISBN: 2-7132-1361-4 ISSN: 1252-6576 Electronic reference Stéphane A. Dudoignon (dir.), Cahiers du monde russe, 41/2-3 | 2000, « En islam sibérien » [Online], Online since 15 January 2007, Connection on 19 July 2020. URL : http://journals.openedition.org/ monderusse/1167 ; DOI : https://doi.org/10.4000/monderusse.1167 This text was automatically generated on 19 July 2020. © École des hautes études en sciences sociales, Paris. 1 Le présent recueil s’offre de répondre à la question suivante: après des décennies de quasi-monopole de l’ethnographie et de la linguistique (dont l’une des finalités est la classification des «ethnies»), est-il possible d’écrire une histoire de l’islam sibérien? En effet, les communautés musulmanes de Sibérie, malgré leur faible importance numérique, sont représentées dans les fonds documentaires par un grand nombre de sources écrites de toute nature. En outre, elles gardent une mémoire vive dans laquelle s’exprime une conscience très mobile du passé proche et lointain. Longtemps dédaigné à la fois par les études russes et par les études islamiques, l’islam sibérien est ici placé sous l’éclairage conjoint de l’histoire et de l’anthropologie. Cette approche nous révèle, en particulier, des phénomènes de construction communautaire d’une grande fluidité. Ces processus, une fois replacés dans diverses durées, nous apparaissent comme le résultat des politiques fiscale, migratoire, religieuse et nationale mises en œuvre successivement en Sibérie par l’État russe, pendant les périodes impériale, soviétique puis fédérale. Le rôle de l’islam lui-même dans ces évolutions ne peut être perçu sans une bonne compréhension de ce contexte général. Or ce contexte a joué, à de nombreuses reprises et jusqu’à nos jours, en faveur de renouveaux islamiques d’autant plus étonnants qu’ils se déroulent dans une apparente périphérie du monde musulman. C’est pourquoi il nous a semblé intéressant de nous pencher sur ce cas particulier d’islam (ultra-)minoritaire et de frontière, non sans ouvrir, dans les annexes de ce dossier «Islam sibérien», une fenêtre vers l’Oural musulman, et une autre vers la République de Yakoutie, extérieure au domaine de l’islam, pour essayer de mieux mesurer ce qui revient à l’État et ce qui revient à la religion dans l’élaboration des consciences communautaires contemporaines. Cahiers du monde russe, 41/2-3 | 2000 2 TABLE OF CONTENTS Avant-propos Stéphane A. Dudoignon Ethnic processes within the Turkic population of the West Siberian plain (sixteenth- twentieth centuries) Nikolaj A. Tomilov Composition ethnique et relations intercommunautaires des Tatars du Moyen-Irtysh (fin XVIIIe-fin XXe siècles) Étude de quelques relevés démographiques et généalogiques Svetlana N. Korusenko Varieties of Islamization in Inner Asia The case of the Baraba Tatars, 1740-1917 Allen J. Frank Die sibirischen Bucharioten Eine muslimische Minderheit unter russischer Herrschaft Christian Noack Les confréries soufies en Sibérie (XIXe siècle et début du XXe siècle) Thierry Zarcone Un islam périphérique ? Quelques réflexions sur la presse musulmane de Sibérie à la veille de la Première Guerre mondiale Stéphane A. Dudoignon Le syncrétisme islam-paganisme chez les peuples türks de Sibérie occidentale Aleksandr G. Seleznev L’islam dans la culture des Qazaqs de Sibérie occidentale Shulpan K. Ahmetova Entre steppes et stèles Territoires et identités au Bachkortostan Xavier Le Torrivellec Le mouvement de conservation d’une ethnie en voie d’extinction, les Youkaguirs Marine Le Berre-Semenov Cahiers du monde russe, 41/2-3 | 2000 3 Avant-propos Stéphane A. Dudoignon « By posting from Tiumen to Tobolsk, we purchased experience of early summer roads ; and in so doing, saw things which I would be sorry to have missed. Among these were several villages peopled exclusively by Siberian Tatars. These people differ in one important respect from most of the other nations living with the Russians in Siberia, in that they have a history, and can look back to great princes who have made a name of themselves in the annals of the world. They are remnants of those who, in the thirteenth and fourteenth centuries, in the days of Genghis Khan and his descendants, overran Northern Asia, and wrested the land of its aboriginal inhabitants. » (Henry Lansdell, Through Siberia, 2e éd., Londres, Sampson Low, Marston, Searle, and Rivington, 1882, 2, pp. 56-57.) 1 Ouvrir le présent volume par cette citation de Henry Lansdell, célèbre théologien de la British Foreign Bible Society, grand arpenteur de la Russie d’Asie et de l’Asie Centrale, c’est prendre quelques risques, tant ce texte nous paraît marqué par les idéologies du XIXe siècle, et plein de morgue à l’égard des peuples supposés sans histoire du Grand Nord. Si cette citation nous intéresse ici, c’est parce qu’elle postule un trait spécifique des populations musulmanes türkophones de Sibérie, auxquelles est consacré ce numéro spécial des Cahiers du Monde russe : le rapport particulier qu’entretiennent ces populations avec l’écrit, et leur haute conscience d’une histoire documentée par une foison de matériaux rarement visités jusqu’à nos jours par les chercheurs. La richesse de ces sources fait de l’islam sibérien un enjeu de la Cahiers du monde russe, 41/2-3 | 2000 4 connaissance sans commune mesure avec son importance démographique actuelle. 2 Car les communautés musulmanes türkophones de Sibérie occidentale ne représentent plus, de nos jours, que des populations très réduites numériquement, noyées depuis le milieu du XIXe siècle dans des vagues successives de peuplement slave. À ce titre, elles n’ont commencé à représenter un enjeu scientifique qu’à une époque assez récente, et sont longtemps restées un domaine dédaigné à la fois des études russes et des études islamiques. La période soviétique, tout à son souci de classification des peuples, en a certes fait un terrain privilégié pour l’ethnographie et pour la linguistique. Mais jusqu’à une date récente, la plupart de ces travaux, indifférents à la notion de durée, procédaient d’une volonté de classification et d’étiquetage parfois substantialiste, et confinaient souvent à une taxinomie ethnique poussée jusqu’à l’absurde. Le présent volume ambitionne de témoigner du renouveau qui s’est produit dans la recherche depuis trois décennies, en Russie même dans un premier temps, puis tout récemment en Europe occidentale et en Amérique du Nord, à la faveur des ouvertures idéologiques et politiques de la fin de la période soviétique. On verra d’ailleurs que ce renouveau est orienté dans des directions sensiblement différentes, qui varient notamment selon que l’on se trouve à Omsk, à Cologne ou à Bloomington. Ces différences seront ici d’autant plus accusées que le présent volume n’est pas le fruit d’une rencontre, colloque ou table ronde, ni d’une collaboration internationale de longue haleine. Il résulte d’un rassemblement d’études personnelles, menées en l’absence de contacts continus entre chercheurs de Russie et d’ailleurs, dont les relations mutuelles sporadiques ont reposé davantage sur des affinités personnelles que sur les exigences d’un programme concerté. Ce numéro des Cahiers du Monde russe témoigne donc, à sa façon, de l’éclatement actuel des études sur l’islam sibérien, lequel est encore loin de constituer une catégorie de la recherche, à l’exception de quelques centres académiques de Sibérie – en particulier l’école historique et ethnographique d’Omsk, dirigée par Nikolaj Tomilov et qui se trouve, depuis la fin des années soixante, à l’origine d’une redécouverte générale des populations musulmanes türkophones de Sibérie. 3 Il faut porter au crédit de l’Université d’Omsk, ainsi que de la Filiale d’Omsk de l’Institut académique sibérien d’histoire, de philologie et de philosophie un très important travail de défrichage en histoire ethnique, poursuivi jusqu’à nos jours, en dépit des conditions épouvantables de la recherche en Fédération de Russie. L’enseignement le plus fécond de l’école d’Omsk résulte peut-être de l’association étroite de l’anthropologie et de l’histoire : depuis quelques décennies, les ethnographes de Sibérie s’efforcent d’avoir recours aux sources écrites les plus variées pour replacer dans la durée plus ou moins longue les phénomènes de construction communautaire particulièrement fluides observés dans cette région au cours du XXe siècle1. Parallèlement, les Cahiers du monde russe, 41/2-3 | 2000 5 travaux plus récents des chercheurs occidentaux ont été orientés vers l’analyse de la place et des fonctions de l’islam dans les différents processus de construction communautaire. Ces diverses approches ont au moins le mérite de nous permettre, aujourd’hui, d’aborder la question des variations du contenu des identités communautaires parmi les populations musulmanes türkophones de Sibérie pendant une période comprise entre la fin du XVIIe siècle et l’époque actuelle. 4 Le lecteur comprendra mieux notre intérêt pour cette région excentrée du monde islamique lorsqu’il lui apparaîtra que, depuis le début de son islamisation au XIVe siècle, la Sibérie a été un melting pot des systèmes économiques et des cultures les plus diverses de l’Eurasie intérieure – en particulier celles de la Transoxiane et de l’Altichahr sédentaires, des steppes nomades mongoles et türkes, de la Russie impériale puis soviétique, sans omettre les communautés sibériennes autochtones dénigrées par Henry Lansdell. Depuis la première conquête russe au milieu du XVIIe siècle, l’islam sibérien a été confronté à une colonisation européenne particulièrement durable, assortie à partir du milieu du XIXe siècle de la domination démographique sans partage de populations slaves et chrétiennes orthodoxes.