COMMUNICATION INTERCULTURELLE ET LITTÉRATURE

NR. 1 (20) / 2013

Littérature et exil

Coordination: Alina Crihană

Institutul European 2014

Prezentul volum cuprinde o selecţie a lucrărilor Colocviului Internaţional Scriitura feminină şi exilul în spaţiul cultural francofon (Galaţi, 15-16 noiembrie 2013) şi a lucrărilor Workshop-ului Literatură şi exil (Galaţi, 4 iulie 2014). Volumul a fost publicat cu sprijinul financiar al Proiectului „Performanţa sustenabilă ȋn cercetarea doctorală şi post doctorală” – PERFORM, POSDRU/159/1.5/S/138963 (http://www.perform.ugal.ro/), cofinanţat din Fondul Social European prin Programul Operaţional Sectorial Dezvoltarea Resurselor Umane 2007-2013 - Axa Prioritară 1, „Educaţia şi formarea ȋn sprijinul creşterii economice şi dezvoltării societăţii bazate pe cunoaştere”, Domeniul Major de Intervenţie 1.5 „Programe doctorale şi post-doctorale ȋn sprijinul cercetării”.

Contact: Centrul de Cercetare Comunicare Interculturală şi Literatură, Facultatea de Litere, Universitatea „Dunărea de Jos” Str. Domnească, nr. 111, Galaţi; Cod poştal: 800001 Telefon: +40-236-460476; Fax: +40-236-460476

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Cuprins

Literaturi francofone şi repere ale scriiturii feminine 7 a exilului

L’exil comme espace d’une émancipation de l’écriture 8 féminine : lecture de Femme nue, femme noire de Calixthe Beyala Léa Nyingone

Représentation des subsahariennes dans la franco- 17 migritude de Léonora Miano : un antidestin de femmes marginalisées Guy Aurélien NDA’AH

Taos Amrouche : Le recours à l’autofiction comme 31 stratégie d’émancipation Alice Froger

Adina Kenereş, Îngereasa cu pălărie verde – trepte în 47 configurarea universului interior Doiniţa Milea

Identité, totalitarisme et résistance. Sorana Gurian, Les 59 Mailles du filet Elena Filote (Panait)

Agota Kristof: langue et écriture dans le contexte de l’exil 78 Iryna Sobchenko Voix féminines de l’exil roumain en France : Monica 98 Lovinescu Mihaela Rusu

Martha Bibescu and the Inside of ’s domestic 109 Policy Valeriu Bălteanu

La création lyrique et gnomique de Julie Hasdeu, une 114 adoration des « neiges d’antan » Mirela Drăgoi

Începuturile scrisului feminin românesc in exil: 124 Memoriile Elenei Văcărescu Lucia-Luminiţa Ciucă

Réflexions (post)totalitaires, exil et double dans la 133 dramaturgie d’Anca Visdei Elena Iancu

Exil şi interferenţe culturale 145

Étapes de la fictionnalisation de l’égo : H. Müller, La 146 bascule du souffle Violeta-Teodora Iorga (Lungeanu)

The Exile of the Japanese Adolescence 158 Andreea Ionescu

Romania as Exile: Stereotyping the Other in Maude Rea 171 Parkinson’s Twenty Years in Roumania Oana Celia Gheorghiu

Dimitrie Bolintineanu’s Exile within the Francophone 182 Cultural Space Floriana Popescu

The foreigner on the margin and the game of multitudes 197 with two of S. Rushdie’s novels Isabela Merilă

A Reflection of Experience and Autobiography in Fay 205 Weldon’s Fiction Adela Cornelia Iancu (Matei)

Varia 211

Image de la femme dans les lettres d’amour de Leonid 212 Dimov Alina Ioana Bako

Un jurnal pieziş al tranziţiei culturale – Dan C. Mihăilescu, 229 Ce mi se-ntâmplă Simona Antofi

Mărturisiri ad-hoc şi ireverenţiozităţi literare – interviurile 235 lui Ştefan Agopian Laurenţiu Ichim

A sta închis în sine sau despre generaţia pierdută a 246 literaturii basarabene Liliana Doscalo Grosu

L’art épistolaire de Mme de Sévigné 254 Ana-Elena Costandache

Exil şi literatură în manualele alternative de liceu 262 Marian Antofi

Site-ing the Translator 267 Alexandru Praisler

Recenzii 275

Laura Eveline Bădescu, Mentalităţi, retorică şi imaginar 276 în secolul al XVIII-lea românesc. Cărţile de blestem, ISBN 978-973-167-124-6, Editura Muzeului Naţional al Literaturii Române, Colecţia Aula Magna, Bucureşti, 2013 Simona Antofi

Le récit intime en tant que témoignage dans « Le pays de 278 l’absence » de Christine Orban Angelica Vâlcu

Date despre autori 281

Literaturi francofone şi repere ale scriiturii feminine a exilului

8 Communication interculturelle et littérature

L’exil comme espace d’une émancipation de l’écriture féminine : lecture de Femme nue, femme noire de Calixthe Beyala

Léa Nyingone

Résumé : Cet article tente d’examiner la question de l’exil comme espace d’émancipation de l’écriture féminine dans le roman Femme nue, femme noire de Calixthe Beyala. L’exil n’est plus simplement perçu comme un prétexte d’éloignement, mais devient l’espace dans lequel la plume féminine se déploie, se libère en essayant d’aspirer à la reconstruction d’une posture féminine déliée de la tutelle masculine. C’est le personnage d’Irène Fofo qui permet ici cette réalisation. Mots-clés : écriture féminine, exil, émancipation, reconstruction, interculturel.

L’écriture féminine n’est plus aujourd’hui considérée comme un fait inédit au regard de l’importante production littéraire des romancières francophones. Cependant, sa particularité réside dans le sentiment qui anime chaque écrivaine à remodeler l’image de la femme longtemps stéréotypée et figée par les premiers auteurs. Au travers donc de cette écriture, c’est toute une littérature qui se construit autour d’une véritable posture féminine laissant désormais cet être souvent qualifié de sexe faible ou encore sexe dominé éprouver le besoin d’incarner son propre rôle dans la société. Dès lors que les femmes « commencent à affirmer concrètement leur indépendance1 » et en tant que sujet, elles passent dorénavant du « pilon à la machine à écrire2 », survolant ainsi différentes aires géographiques et culturelles dans l’espoir, de se poser là où la parole peuvent leur être donnée librement sans craindre la censure et l’autocensure. L’écrivaine camerounaise Calixthe Beyala déclarait à ce propos, lors d’une interview accordée en 1994 « avoir besoin de la liberté totale de penser3 ». Son œuvre reflète, en effet, ce besoin inconditionnel d’émancipation individuelle et collective. Publié aux éditions Albin Michel en 2003, Femme nue, femme noire se présente comme une œuvre érotique voire pornographique à Literaturi francofone şi repere ale scriiturii feminine a exilului 9

l’allure révolutionnaire. En effet, le roman met en avant le personnage d’Irène Fofo, adolescente de seize ans, à la sexualité débridée qui ne sait faire que deux choses : « voler et faire l’amour »4 , deux actes qui lui procurent une sensation d’extrême liberté. Sa vie bascule lorsqu’ayant volé un sac à main contenant le cadavre d’un bébé, elle rencontre Ousmane qui décide de la recueillir dans son foyer. Quittant son quartier pour un itinéraire plutôt errant, elle (re)découvre les affres du plaisir du corps sous la tutelle de Fatou, l’épouse d’Ousmane. Faisant ainsi de la sexualité une thérapie contre tous les maux qui minent la société, Irène prend réellement conscience de la pauvreté physique, matérielle et psychologique dont souffrent ceux qui l’entourent et déplore spécifiquement les conditions de vie des femmes. Le titre du roman a été retenu par l’auteure en hommage au recueil Chants d’ombre5 de Léopold Sédar Senghor, qui dans le poème « Femme noire » rendait hommage à l’Afrique et à la négritude, en glorifiant la femme noire, nue et sans artifice, à la fois protectrice, douce, soumise, réconfortante et pleine de spiritualité.

Femme nue, femme noire Vêtue de ta couleur qui est vie, de ta forme qui est beauté J’ai grandi à ton ombre; la douceur de tes mains bandait mes yeux Et voilà qu’au cœur de l’Eté et de Midi, Je te découvre, Terre promise, du haut d’un haut col calciné Et ta beauté me foudroie en plein cœur, comme l’éclair d’un aigle.

Pourtant, la lecture attentive du roman laisse envisager que dans la réexploitation de Femme nue, femme noire, l’intention de l’auteure est de dévaloriser cette image de la femme dans l’espace culturel africain et d’en faire une antithèse de la vision senghorienne, voire de dévoiler les réalités existantes, les injustices persistantes et les échecs d’une société qui reste encore fermée au monde. En substance, le roman lève le voile sur la misère et les conditions de vie des femmes dans une société vouée à l’échec. Dans cet univers oppressant, c’est la narratrice qui en fait le constat désolant d’une réalité camouflée : « J’ai attendu quinze ans pour lier connaissance avec le sexe dans les ruelles nauséabondes aux senteurs de pot de chambre. J’ai attendu quinze ans dans ce bidonville où l’homme semble avoir plus de passé que de futur »6. En fait, grâce au matériau littéraire qu’elle exploite dans une perspective psychanalysante, Beyala peut décrire et décrier les insuffisances qui accablent l’intégralité du continent africain. Partant 10 Communication interculturelle et littérature

de sa position d’exilée, Calixthe Beyala développe un style qui s’imprègne de son contexte de création pour mettre en évidence de nouvelles modalités tant dans la forme que dans le fond. Et, en effet, cultivant à la fois le confort de l’éloignement et l’angoisse de la rupture que lui procure son exil à travers un langage cru, subverti et provocateur, elle expose les problématiques osées et presque inconvenantes en toute liberté. Le tout, apparaissant comme une approche innovante de son écriture, voire de l’écriture féminine. Notre analyse se propose ici d’étudier la question de « l’exil comme espace d’une émancipation de l’écriture féminine » autour de trois axes principaux : D’abord l’éloignement en vue d’une libération, ensuite la construction et reconstruction d’une posture identitaire féminine et enfin l’exil dans une perspective d’ouverture interculturelle.

1. S’éloigner pour se libérer

Dans ce récit au style érotico-sensuel, l’auteure suit la trajectoire initiatique d’une rebelle libertine en désaccord total avec son espace vital : « Pour l’instant, je dois encore vivre dans ce quartier aux maisons éclopées où, chaque matin les femmes mettent à sécher au soleil les matelas troués, décorés de taches de menstrues, de fornication et de pisse ».7 Ici, Beyala procède à la description de la misère sociale aussi inéluctable qu’intolérable, à l’origine de l’exaspération d’Irène. Cela suscite au personnage un espoir implicite d’un éventuel départ vers un environnement décent, où la misère ne s’afficherait pas comme un postulat inévitable. A l’évidente représentation des réalités du continent africain que fait minutieusement l’auteure, se mêle clairement le sentiment d’une douleur partagée, la voix de la narratrice étant subjectivée par l’emploi du pronom personnel « je ». C’est à ce niveau que surgit dans l’écriture ce que Michael Kohlhauer appelle le paradoxe de l’exilé, « attaché à mieux dire le pays perdu ou laissé derrière soi, précisément parce qu’il s’en est éloigné »8. Ainsi, le malaise inscrit dans le roman demeure de façon insidieuse celui de l’Afrique. Loin de son continent d’origine, la romancière ne peut pas rester indifférente : « je suis en quête de l’Afrique dans et à travers mes livres. J’essaie de comprendre9 ». Literaturi francofone şi repere ale scriiturii feminine a exilului 11

Ce n’est pas anodin que l’éloignement de la narratrice dans le texte apparaisse comme une arme libératoire : être loin permet une ouverture d’esprit et un déliement de la langue. En ce sens, lorsqu’ Irène Fofo s’éloigne de son quartier natal, son départ est vécu comme un affranchissement qui la guidera vers l’inattendu : « Je suis là, en exploratrice, libérée des entraves et des obligations10 ». En d’autres termes, l’exil ne se dévoile pas simplement comme un lieu d’errance mais se révèle le moyen de briser le silence d’une adolescente, le moment propice pour une prise de conscience car en traversant cette ville inondée de réalités et contradictions, Irène acquiert, par le biais de l’exil, une indépendance d’esprit qui la conduit à poser des actes qui sans l’exil seraient jugés déraisonnables : « De la braise brûle dans ma poitrine. Je ne respire plus. Bonheur et malheur ont l’art de vous couper le souffle11 ». Aussi Annie Ernaux n’a-t-elle pas reconnu durant son expérience littéraire que « la prise de conscience, si elle ne résout rien en elle-même, est le premier pas de la libération, de l’action »12. Le personnage dont Calixthe Beyala propose le parcours n’est pas une simple figuration. Elle est un véritable sujet, désireux de se faire entendre et d’exposer sa désolation face une réalité présente du point de vue discursif :

Soudain, il s’arrête en plein milieu d’un quartier miteux. Ici, la laideur, sublimée par l’intelligence humaine, explose sous le ciel en un désordre cataclysmique […] Je sais ce qu’ils pensent de moi, je comprends leur attitude, mais ne l’approuve pas. Alors je gueule plus fort, bruyante comme une foule. Ils continuent leur ovation parce que je suis dangereuse13.

L’observation faite par la narratrice en plein milieu d’un quartier miteux ne la freine dans sa démarche car de son point de vue, c’est cette situation miséreuse et calamiteuse qui justifie la mentalité des habitants de New Bell. Seule de tous à prendre conscience de la précarité qui les accable et qu’elle juge « cataclysmique », Irène Fofo lutte et dénonce, acceptant l’étiquette d’une aliénée que le monde entier et Ousmane en particulier lui accolent : « Il me croit folle, je suis sa folle et je ne m’en étonne pas. C’est l’ordre naturelle des choses14 ». Pour atteindre son objectif, la jeune fille assume pleinement son rôle de révoltée, se soulevant seule, hurlant pour atteindre l’impact d’une mutinerie de la foule. Elle espère que sa 12 Communication interculturelle et littérature

démarche permettra à sa voix de trouver un écho et d’atteindre cette liberté tant recherchée : « Je cherche par où m’enfuir, je ne trouve pas : Où cours-tu ainsi ? […] Trouver la liberté15 ». L’exil se fait donc ici plus particulièrement la voix de libération. Pourtant, la libération n’est que le premier pas vers une réhabilitation identitaire : la liberté recouvrée de l’être peut enfin se reconstruire.

2. Construction ou reconstruction d’une posture féminine

Irène Fofo, figure littéraire à multiples facettes16 est sans doute bien plus encore l’expression d’une volonté émancipatrice : elle semble bien permettre aussi à l’écriture féminine d’aboutir à une construction où à une construction de l’identité féminine perçue sous la tutelle masculine. Profitant de son éloignement de la maison maternelle et surtout de sa libération de toute tutelle, la jeune fille tente non seulement une construction de son propre être, mais plus largement une construction identitaire des femmes qu’elle rencontre : cette femme qu’elle reconstruit, elle la qualifie de « femme éduquée » et l’illustre par les cas de Fatou et de sa mère. Pour prétendre à une reconstruction de la posture féminine, la narratrice passe d’abord par une remémoration d’un passé écoulé, en particulier celui des femmes, des actes posés et vécus, un véritable retour en arrière avant d’aspirer à la réhabilitation de son être. Chez Irène, la nouvelle identité sexuelle qu’elle affiche est visiblement un premier pas vers l’émancipation féminine car elle conçoit la sexualité comme un moyen pour la femme d’exercer sa suprématie sur l’homme « Sa voix est une arme d’un érotisme féroce »17. Pour motiver la femme à retrouver son intégrité au sein du foyer conjugal, l’adolescente incite Fatou à s’élever contre l’oppression qui s’exerce sur elle : « As-tu conscience de ton pouvoir ? Moi, par exemple, je peux obtenir de la plupart des gens ce que je veux […] Soit on est victime, soit on ordonne »18. A travers cet échange entre les deux femmes, il est remarquable de voir que la narratrice adopte désormais la posture de la femme émancipée et tente de l’inculquer à son interlocutrice. Les femmes se doivent de ne plus se soumettre aux tâches quotidiennes mais se devraient au contraire de renverser les rôles jusque-là dévolus à leur sexe. Literaturi francofone şi repere ale scriiturii feminine a exilului 13

A l’évidence, l’exil injecte dans l’écriture féminine un langage assez osé qui peut parfois choquer où déranger, tout en participant à la mise en œuvre de sa singularité. Derrière un langage provocateur, au fond d’une présence obscène et débridée se cache une âme en pleine reconstruction identitaire consciente et fière d’être en pleine reconstruction identitaire : « je suis quelque chose de nouveau »19. Cette réalisation se confirmera plus loin :

Je suis accablée par un terrible sentiment de culpabilité. Je n’ai rien fait de ma vie. Pour me sauver, je m’abandonne à de faux fantasmes : je reprends mes études là où elles n’ont jamais commencé… je rencontre un jeune diplômé de l’université20.

Fortement ancrée dans le roman, la sexualité a pour rôle de conforter l’idée selon laquelle le sexe dit faible, ne doit plus être considéré comme tel. La femme devient au contraire un leader révolutionnaire, consciente et debout, désormais déliée de l’autorité masculine et maîtresse de son propre destin.

La démesure de mon dessein me galvanise. Je m’engloutis dans mon imaginaire pour mettre au point la réalisation de mon projet érotique. J’y déploie des trésors de sophistication sexuelle pour anéantir, à moi seule, tous les maux dont souffre le continent – chômage, crises, guerres, misère21.

3. L’exil pour une ouverture interculturelle

Il nous faut cependant admettre que cette émancipation féminine passe aussi par la reconnaissance du pouvoir aliénateur de l’homme que la narratrice de Femme nue, femme noire entend renverser par ruse :

Dans son regard chaviré, je perçois sa faiblesse, cette malléabilité des hommes. Mais aussi que j’ai un corps aux possibilités insoupçonnées, que désormais, il faut compter avec ses gestes. J’ai un sentiment de puissance sans fin. Je suis alpha et oméga, le début et la fin de toute chose22.

Comme nous pouvons bien le percevoir à travers ces mots, le corps de la femme face à l’homme lui confère une liberté et une puissance illimitées, infinies, conçues dans les termes habituellement consacrés à 14 Communication interculturelle et littérature

l’éternité divine. C’est davantage qu’avec le simple exil géographique, avec la réappropriation entière de son corps que la narratrice réussit à renverser l’ordre des choses sous le contrôle de son personnage. A la fois physique et spirituel, l’exil, en tant qu’éloignement des traditions aliénantes, devient à la fois sensation de détachement avec un passé déconcertant et motivation vers un avenir rêvé où se reconstruisent réciproquement la femme et le continent noir. Par ailleurs, on a pu observer à bien des égards que l’exil n’apparaît plus uniquement dans les textes féminins francophones comme l’endroit idéal et favorable à la production des œuvres et à la reconstruction de l’être, mais qu’il s’avère également un espace d’ouverture culturelle, où la rencontre avec l’altérité est prévisible. Chez Beyala, de façon générale cette ouverture au monde se détermine dans la façon dont les personnages de ses œuvres en particulier les femmes, prennent pour modèle prioritaire, « la » femme occidentale, cultivée, libre et émancipée. Les femmes noires, désormais, se savent susceptibles de rencontrer un conjoint, de reprendre leurs études et surtout d’acquérir une grande liberté d’expression. Elles parviennent ainsi, selon Jean Soumahoro Zoh, à « entrer en contact avec le féminisme occidental et/ou adopter leur théorie »23. Dès lors, on se rend bien compte que le dialogue culturel existe et permet sans doute aux personnages de se développer autrement et d’avoir une vision du monde plus élargie et élaborée. Toutefois, contrairement aux premiers romans de l’auteure, dans lesquels se déploient clairement la fascination de ses personnages féminins pour l’Occident et la rencontre directe avec l’Autre et sa culture, dans Femme nue, femme noire, il est plutôt question d’une ouverture externe sans nécessairement une référence directe au contact physique. Les seuls personnages qui y font mention estiment que leur monde serait différent s’ils parvenaient à côtoyer d’autres univers : « Tu sais, je souhaite inconsciemment un monde ouvert à tous les vents, où, l’on fait ce que l’on aime quand on veut, où on veut »24. Saisissant, ce propos l’est incontestablement, en ce sens qu’il implique une véritable ouverture culturelle. Pour la narratrice, une société fermée est une société au sein de laquelle les mentalités restent trop traditionnalistes, fragiles si bien qu’il n’est pas possible d’y envisager un avenir : « peut- être que notre société est si fragile que le moindre vent menace de la détruire ? »25. Pour conclure, l’exil se révèle une source particulièrement enrichissante pour certaines écritures féminines qu’il incite à se libérer Literaturi francofone şi repere ale scriiturii feminine a exilului 15

d’un certain nombre de contraintes, parmi lesquelles le silence des femmes et leur soumission dans un milieu miséreux. La hantise d’Irène Fofo face à la précarité qui frappe la société et l’impitoyable condition des femmes finissent par la transformer en rebelle libertine, errante et insoumise, qui tente, au-delà de ses craintes de comprendre et de conscientiser les principaux concernés « je crains que cette situation ne s’arrête un jour »26. C’est toutefois grâce à son audace, à la liberté, ainsi qu’à toutes les facilités que lui offre l’exil que Calixthe Beyala remanie son écriture, qui au-delà de son aspect subversif, dérangeant, déstabilisant ou purement choquant, se veut reconstructive et libératrice, à travers de l’inspiration des différentes cultures dont elle se nourrit et s’enrichit.

Bibliographie

Beyala, Calixthe, Femme nue, femme noire, Albin Michel, Paris, 2003. Calixthe Beyala: entre le terroir et l’exil, interview réalisée par Emmanuel Matateyou à l’Université de Yaoundé I (Cameroun), 1994. De Beauvoir, Simone, Le deuxième sexe II, Gallimard, Paris, 1976. Ernaux, Annie, L’écriture comme un couteau, entretien avec Frédéric-Yves Jeannet, Gallimard, Paris, 2011. Hoarau, Stéphane, Ecritures de l’exil, exil des écritures, Cornell University, 2009, thèse de doctorat disponible à l’adresse : http://as.cornell.edu/ departments/french-t/files/sanspapier/S%20Hoarau%20sans%20papier% 20April%2009part1.pdf Kohlhauer, Mickael, « A la rencontre de l’Autre. Eléments d’une xénologie Bernanosienne », dans Max Milner (dir.), Exil, errance et marginalité dans l’œuvre de Georges Bernanos, Presses Sorbonne Nouvelle, Paris, 2004. Senghor, Léopold Sédar, Chants d’ombre, Seuil, Paris, 1945. Soumahoro Zoh, Jean, « La représentation de l’exil chez Calixthe Beyala », dans Loxias, Loxias 34, URL : http://revel.unice.fr/loxias/index.html? id=6794. Sow Fall, Aminata, cité par Herzberger-Fofana Pierrette, dans Littérature féminine francophone d’Afrique Noire, suivi d’un dictionnaire des romancières, L’Harmattan, Paris, 2000.

Notes

1 Simone de Beauvoir, Le deuxième sexe II, Paris, Gallimard, 1976, p.9 2 Aminata Sow Fall, cité par Herzberger-Fofana Pierrette, dans Littérature féminine francophone d’Afrique Noire, suivi d’un dictionnaire des romancières, Paris, L’Harmattan, 2000, p.7. 16 Communication interculturelle et littérature

3 Calixthe Beyala: entre le terroir et l’exil, interview réalisée par Emmanuel Matateyou à l’Université de Yaoundé I (Cameroun), 1994, p. 613 pour le texte écrit. 4 Calixthe Beyala, Femme nue, femme noire, Paris, Albin Michel 2003, p.55. 5 Léopold Sédar Senghor, Chants d’ombre, Paris, Seuil, 1945. 6 Calixthe Beyala, op. cit., p.12. 7 Ibidem, p.13. 8 Micheal Kohlhauer, « A la rencontre de l’Autre. Eléments d’une xénologie Bernanosienne », dans Max Milner, (dir.), Exil, errance et marginalité dans l’œuvre de Georges Bernanos, Paris, Presses Sorbonne Nouvelle, 2004.p.160. 9 Calixthe Beyala: entre le terroir et l’exil, op.cit.p.612. 10 Idem, p.14. 11 Ibidem, p. 26. 12 Annie Ernaux, L’écriture comme un couteau, entretien avec Frédéric- Yves Jeannet, Paris, Gallimard, 2011.p.94. 13 Calixthe Beyala, op. cit., pp.27-30. 14 Ibidem, p.27. 15 Ibidem, p.37 16 Stéphane Hoarau, Ecritures de l’exil, exil des écritures, Cornell University, 2009, thèse de doctorat disponible à l’adresse : http://as.cornell.edu/departments/french- t/files/sanspapier/S%20Hoarau%20sans%20papier%20April%2009part1. pdf, p.6. 17 Ibidem, p.79. 18 Ibidem, p.43. 19 Calixthe Beyala, op. cit., p.63. 20 Ibidem, p.77. 21 Ibidem, p.78. 22 Ibidem, pp.41-42. 23 Jean Soumahoro Zoh, « La représentation de l’exil chez Calixthe Beyala », dans Loxias, Loxias 34, URL : http://revel.unice.fr/loxias/ index .html?id=6794 24 Calixthe Beyala, op. cit., p. 181. 25 Idem, p. 181. 26 Calixthe Beyala, Femme nue, femme noire, p.124 Literaturi francofone şi repere ale scriiturii feminine a exilului 17

Représentation des subsahariennes dans la franco-migritude de Léonora Miano : un antidestin de femmes marginalisées

Guy Aurélien NDA’AH

Résumé : Un débat a cours en ce moment dans les milieux universitaires africains au sujet du rôle et de la place de la littérature diasporique au regard d’une représentation biaisée, défigurée, qu’elle ferait généralement du continent. D’aucuns parlent d’afro-pessimisme, d’autres pensent déjà à une redéfinition du concept même de littérature africaine, tant ces auteurs exilés brillent par un descriptif peu élogieux du continent, quand il n’est tout simplement pas caricatural. L’écriture féministe n’échappe pas à cette critique, car par bien des pages, elle donne à voir une gente féminine exclue des cercles décisionnaires, chosifiées à l’occasion. C’est du moins ce qui paraît d’une première lecture de la situation de la femme dans l’œuvre de Léonora Miano, écrivaine d’origine camerounaise vivant en France. Son texte donne à vivre l’exclusion ainsi que la maltraitance de la femme à toutes les strates de la société. Pourtant une analyse plus approfondie laisse entrevoir une perspective moins orageuse. Notre communication se propose d’examiner comment cette écriture migrante du chaos, loin de désespérer fonde l’espoir de la renaissance de la femme subsaharienne, celle qui défie toute la stéréotypie du déterminisme. Mots-clés : déterminisme, subsahariennes, marginalisée, subversion, antidestin.

Le mot marginal dans sa forme substantivale désigne une personne vivant en marge de la société. La marginalisation peut correspondre à un choix, un mode de vie, mais aussi, elle peut-être le résultat d’une contrainte, d’un rejet social. Dans ces conditions, on parlera alors d’exclusion qui s’étend quelquefois à la racisation, avec ce que cela comporte de méprisant, de dédaigneux et de xénophobe. Ce qui engage la présente communication à une analyse de l’image des femmes subsahariennes opprimées, exclues dont la réalité est souvent reléguée au second plan dans le champ des études littéraires. Notre propos vise donc à répondre à deux 18 Communication interculturelle et littérature

préoccupations essentielles : quelle représentation de la femme subsaharienne se fait les auteurs diasporiques, Miano en l’occurrence ? Cet accent mis sur l’exclusion, doit-il faire croire à une volonté de donner une image dépréciative du continent Noir ? Trois articulations doivent nous permettre de cerner les contours de ce questionnement. La première portera sur les fondements des discriminations de la femme ; la seconde fera le point sur la typologie et les différentes strates de marginalisation ; et la dernière mettra un point d’honneur sur la significativité d’une telle représentation de la marginalité de la gente féminine dans la prose romanesque de Léonora Miano.

1. Du déterminisme exclusionnel

La marginalisation de la femme dans la prose de Léonora Miano procède d’un ensemble de considérations antérieur à sa venue au monde, du moins à sa prise de conscience en tant qu’être à part entière. Au rang de ces conditions de marginalisation, on citera les stéréotypes et le poids de la signification des noms qui lui sont attribués.

1.1. Les stéréotypes sexismes de la vulnérabilité féminine

Considéré comme une croyance ou une opinion, le stéréotype relève toujours du préconstruit et s’apparente au préjugé. Même si le stéréotype est un élément doxique obligé de la catégorisation, de la construction de l’identité et de la relation à l’autre, il n’empêche qu’il est, à en croire Ruth Amossy, affecté d’un fort coefficient de péjoration : il manifeste la pensée grégaire qui dévalue la doxa aux yeux des contemporains1. L’œuvre de Miano recèle de nombreuses considérations fondées sur un modèle culturel préexistant, qui participe de la construction d’une image réductrice de la femme, faisant d’elle un réduit. Il s’agit d’un ensemble de pesanteurs socioculturelles dont la plus importante semble être la phallocratie. L’oppression sexiste s’inscrit dans un système patriarcal assez fort : les patriarches jouissaient du pouvoir suprême [L’intérieure de la nuit : 17]. C’est à la femme qu’incombe les tâches les plus pénibles du foyer, d’autant plus que c’est à elle que revient la charge d’éduquer les enfants, ainsi que toute la gestion du foyer, les hommes étant le Literaturi francofone şi repere ale scriiturii feminine a exilului 19

plus souvent absents. C’est ce qui explique que le personnage Eké soit pris pour un exemple d’homme féminisée pour avoir osé aider sa compagne : -L’autre jour, Eké ne s’est pas contenté de l’accompagner à la source. Il y est allé à sa place ! Comme une femme ! [L’intérieure de la nuit : 17]. Normale qu’une attitude aussi inhabituelle choque, d’autant que les habitants d’Eku étaient maintenus dans un système de croyance qui faisait de la femme un éternel subalterne condamné à une soumission taciturne : lorsqu’ils passaient par le village, ce n’était que pour déposer des miettes, faire tonner leurs voix en distribuant des consignes dont ils ne pourraient superviser l’application. Et les femmes restaient là avec le monde sur les épaules. [L’intérieure de la nuit : 14]. Il y a dans cet exemple un choix minutieux des termes qui disent bien l’inconsistance de la contribution des hommes (miettes), pire encore leur inconscience de la charge familiale. On en voudra pour preuve la facilité à donner des consignes (distribuant). Le poids des coutumes et des traditions a confiné les femmes dans cette posture autarciste que symbolise leur prison physique et mentale : les filles, quant à elles, demeuraient sur place…Nul n’avait jamais eu l’idée saugrenue de les faire étudier [L’intérieure de la nuit : 14]. Tout le système de domination masculine fonctionne normalement comme si un sort aveuglant avait été jeté à la gente féminine. Il ne serait pas exagéré de parler d’une malédiction de femme d’autant que le système de croyances est un véritable carcan emprisonnant celle-ci. Outre le poids que lui imposait sa place de gestionnaire du ménage, elle devait encore accepter sans broncher, que leur soit imposer une ou plusieurs coépouses. Ce silence n’avait d’autre vue que la préservation supposée de l’intérêt supérieur de la communauté. Plus qu’un sujet tabou, la tradition avait su en faire motif de soulagement :

Que les hommes aient plusieurs femmes ne les dérangeait pas… Pour elles, le fait de partager avec d’autres un homme pour lequel on n’avait pas de sentiments était un soulagement. On pouvait, si on était futée et qu’on s’entendait bien, se repartir les tâches… Rien de tout cela ne remplaçait la liberté. La vraie. Mais lorsqu’on était membre d’un clan, d’une communauté, seule comptait la cohésion du groupe [L’intérieure de la nuit : 38-39].

L’obligation de préserver les lois du clan condamnait les femmes à se plier au mutisme, même lorsqu’un forfait commis par leur homme 20 Communication interculturelle et littérature

devait les éclabousser : Il avait rendu l’âme en expulsant ses fluides dans le ventre de sa maîtresse du moment. La honte avait alors foncé sur la veuve, comme un épervier sur une souris [L’intérieure de la nuit : 40-41]. Visiblement cet homme n’était pas à son premier acte adultérin. On en voudra pour preuve le groupe substantival sa maîtresse du moment. En plus de supporter ses aventures extra- conjugales, son épouse doit devenir la risée de son entourage. Un bien triste sort qu’on retrouve chez la jeune fille. Naître une fille est déjà en soit un crime, car les règles établies par la tradition vous condamnent à suivre un chemin tout tracé, tout aussi ténébreux que celui de la femme. On est en fait condamnée à un traitement moins laudateur que celui du garçon. Tenez par exemple, les garçons dans le village d’Eku peut espérer faire des études en deçà de l’âge de douze ans ; les filles pour leur part, demeuraient sur place à tourner et à retourner la terre qui ne laissait pousser que ce qu’on lui arrachait [L’intérieure de la nuit : 14]. Notons la rudesse du travail auquel est soumise la jeune fille. Ce n’est pas tant dans fait de retourner le sol qu’elle est le plus à plaindre, mais dans la stérilité de ce dernier, ce qui implique un supplément de travail que d’ordinaire et pour quel résultat. Cette situation de forcenée, la jeune fille devra l’endurer du berceau au crépuscule de ses jours. Le déterminisme statutaire de la jeune fille l’installe dans un cycle chaotique qu’elle devra suivre scrupuleusement, leurs mères leur apprenant à vivre comme elles- même l’avaient fait: Les dents serrées, le dos bien rigide, l’espérance vaincue. Les filles se marieraient, enfanteraient, se tairaient. Leur vie passée à ruminer des rêves irréalisables s’écoulerait à grands flots d’amertume muette. Comme leurs mères, elles ne verraient absolument aucune raison de souhaiter autre chose aux filles qui leur naîtraient, de se battre pour leur offrir une autre vie [L’intérieure de la nuit : 14-15]. Le narrateur installe la jeune fille dans un cycle infernal de déterminisme absolu au même titre que les noms de ses personnages.

1.2. Du déterminisme onomastique

Nommer c’est définir l’identité d’un être ou d’un objet, c’est ôter à ce dernier toute la neutralité qu’il avait ou qu’il aurait pu avoir s’il n’avait pas été ainsi défini. Il est donc important d’établir une correspondance entre certains patronymes et leur fonctionnement Literaturi francofone şi repere ale scriiturii feminine a exilului 21

sémantique dans le réseau actantiel de marginalisation féminine. En claire, il existe une adéquation entre les choses et leur désignation qui permet de valider le principe de transcendance et de déterminisme nominal. Les noms revêtent une signification capitale dans le déterminisme des marginalisées chez Miano. Dans de nombreuses civilisations, y compris en l’Afrique, le nom renferme un mystère pouvant, au-delà de la singularisation de l’être, impliquer une équivalence réelle entre l’essence et la substance. C’est pourquoi la signification littérale d’un nom peu influencer le devenir de l’être qui le porte. Le nom apparaît donc comme un élément de conditionnalité existentiel d’un personnage. Se comprendre mieux alors que le personnage d’Ayané soit une marginalisée de part son nom : Elle maudit sa bouche qui se refusait toujours à prononcer les trois syllabes du prénom d’Ayané. Puisqu’elle ne pouvait l’appeler, elle devait la rejoindre. Avec un nom pareil, quels ancêtres la reconnaîtraient ? [L’intérieure de la nuit : 29]. L’interrogation qui vient clore cette occurrence traduit bien l’importance accordée au nom dans nos sociétés africaines. En donnant à leur enfant un nom qui n’avait pas de signification dans l’onomastique douala, les parents d’Ayané en ont fait une marginale, s’inscrivant dans une rupture ancestrale. Il n’est donc plus étonnant qu’elle soit considérée comme une étrangère dans son village. Ce qui ne sera pas sans conséquences dans sa difficile sociabilisation. Le nom peut donc se révéler être un élément affecté d’une significativité tragique. Dans le roman de Miano, le patronyme est un élément déterminant de la destinée du personnage. Prenons le cas de Musango, héroïne de Contours du jour qui vient. En effet, Musango signifie en langue douala paix. Mais ce personnage qui est en réalité une fillette vit les pires formes de maltraitance que peut connaître une enfant. Elle est en réalité victime de la signification de son nom, car en fait, le caractère pacifique que suggère celui-ci se transforme en véritable passiveté. Pareillement, Ayané donc le nom n’a de signification est condamnée à une incapacité à définir son identité. A la question de savoir où elle pense avoir le plus de légitimité pour s’exprimer, elle répond : Nulle part, je crois. J’ai renoncé à toute appartenance [L’intérieure de la nuit : 204]. Quelle tragédie de n’avoir aucune identité, méconnue des siens, ignorée de l’occident. La significativité des noms des héroïnes de Miano les installe dans un inconfort définitionnel de leurs dimensions d’individu, prenant contrôle de leur destinée. Ce qui peut se vérifier à plus d’un niveau d’appréciation. 22 Communication interculturelle et littérature

2. Strates et typologie d’exclusions

La marginalisation des subsahariennes dans la prose de Léonora Miano emprunte des formes multiples et subsume toutes les strates des sociétés fictionnelles qu’elle met en scène.

2.1. Trois niveaux de marginalité féminine

Vivre en marge de son groupe social et des conventions de ce groupe peut s’avérer être un acte volontaire ou involontaire qui, dans les romans de Miano, peut s’observer au niveau familial, du clan et de la société. Il est communément admis que la cellule familiale est le socle de toute société et c’est à son image que pourrait se définir cette dernière si les comportements venaient à être généralisés. Malheureusement, ici encore, on retrouve un cas de marginalisation le plus criard, celle d’êtres les plus vulnérables : la jeune fille et la mère. Le plus saisissant c’est le lien de parenté qui unit le marginalisé et son bourreau. Prenons le cas de Mousango l’héroïne de Contours du jour qui vient. Cette fillette, drépanocytaire innocente, est perçue par sa mère comme étant la cause du décès de son amant. Sésé, la prétendue voyante avait soutenu qu’elle se sentait mieux uniquement quand son père n’était plus. Cette enfant n’avait jamais connu d’affection maternelle, on en voudra pour preuve ce qu’elle dit après une caresse sur sa joue : Je pense que personne ne m’avait jamais touchée de cette façon [Contours du jour qui vient : 30]. Comment une mère pouvait-elle devenir le bourreau de sa propre fille au point de la chasser de la maison en l’accusant de sorcellerie [Contours du jour qui vient : 30]. Ce traitement odieux d’un parent n’est pas l’apanage de cette mère. Les fils peuvent être plus cyniques encore. C’est ce spectacle désolent que donne à voir Ces âmes chagrines. Le jeune Antoine dit Snow, accusant sa mère d’être responsable de son enfance malheureuse, parce qu’ayant voulu préserver sa relation avec son amant, cherche à se venger d’elle en lui accordant peu de considération, du mépris à la limite. Ayané est le prototype de la jeune fille marginalisée par son clan. Puisqu’issue d’une union peu ordinaire dans son village et pour avoir osé briser le tabou d’aller à l’école, plus grave faire des études en occident, elle ne pouvait qu’être vue étrangement. Ce qui fait dire au Literaturi francofone şi repere ale scriiturii feminine a exilului 23

narrateur que très tôt, Ayané avait compris que ses parents et elle ne faisaient pas partie de ce groupe [L’intérieure de la nuit : 39]. Quand on parle marginalité, on y voit souvent aussi l’incapacité du marginalisé à s’adapter à son milieu. Il a un regard étrange sur la société et réciproquement. C’est le cas d’Epoupa, la folle de l’Intérieure de la nuit qu’on retrouvera dans Les aubes écarlates. C’est dire que la femme marginalisée se recrute à toutes les strates sociétales impliquant une variété formelle dense.

2.2. Les formes de marginalité

Plusieurs formes de marginalisations sont présentes dans le roman de Léonora Miano, mais les plus poignantes semblent être empruntées à la violence physique, psychologique et sexuelle à l’endroit des femmes. La brutalité à l’endroit des personnages féminins fait d’elles des marginales. Les figures de la mère et de la jeune fille sont les plus pathétiques. La mère, lorsqu’elle a vieilli, attend de ses enfants une attention à la dimension de l’amour qu’elle leur a porté. Ce qui ne semble pas être le cas d’Antoine qui, pour se venger de sa mère Thamar, se donne du plaisir à la voir croupir sous le poids de la misère et de l’errance : Ce qu’il désirait, c’était la voir ainsi devant lui sale, démunie [Ces âmes chagrines : 27]. Une ligne de description de son logis suggère une puanteur putride : son matelas bouffé aux mites, rempli de punaises [Ces âmes chagrines : 29]. Il est même triste lorsque son frère décide de donner une vie plus commode à leur maman. L’errance de Musango en est comparable. La haine de sa mère à son endroit étonne plus d’un : Si ta mère te hait à se point, elle seule sait pourquoi, déclare sa grand-mère [Contours du jour qui vient : 23]. Comment une mère sensée peut-elle attacher à un manguier et bastonner son enfant de sept ans en l’accusant de sorcellerie, allant jusqu’à l’expulser de la maison ? Le dénuement dans lequel elle déambule dans les rues de Sombè la fait passer pour folle. C’est sans parler des injures qu’elle aura subi auparavant. La violence verbale procède de paroles persuasives qui choquent la sensibilité, des mots qui relèvent de la cacophonie, un univers nébuleux de la maldisance dont le rapport à la violence est patent2. L’outrance langagière se manifeste dans notre corpus par des insinuations calomnieuses et diffamatoires. La plus courante étant la 24 Communication interculturelle et littérature

sorcellerie. La petite Mousango subit des sévices corporels sans précédent de la part de sa mère pour, dit-elle, extirper le démon qu’elle abrite en elle et qui cause notre malheur [Contours du jour qui vient : 17]. Accuser sa propre fille de sorcellerie, les femmes d’Eku en font de même avec la mère d’Ayané et c’est l’enfant qui le reçoit sur le visage : leur jeu favori était de lui rapporter ce que disaient leurs mères de la sienne : - C’est une sorcière, lui lançait-on. - Elle a fait manger de ses propres excréments à ton père, ajoutait-on [L’intérieure de la nuit : 39]. Ce qui est très proche de ce que vit Thamar dans son couple : Elle gémissait tandis que Pierre l’injuriait, le souffle court, avant de pousser un hurlement. Cela ne s’arrêtait que pour recommencer un peu plus tard [Ces âmes chagrines : 29]. L’impudeur et le grotesque font partie de ce vocabulaire choquant à l’endroit de certaines femmes considérées comme des êtres inférieurs. Dans la prose de Miano, la masculinité fonde un mythe symbolique de sa suprématie sur la femme, faisant de cette dernière son marche pied. C’est le cas de cette interprétation de la bible que fait Colonne du Temple : Ce n’est pas l’homme en effet qui a été tiré de la femme, mais la femme de l’homme ; et ce n’est pas l’homme qui a été créé pour la femme, mais la femme pour l’homme. […] Les dames de l’assistance portent toutes un foulard, les filles aussi. [Contours du jour qui vient : 101]. Le foulard qu’abhorre la gente féminine dans cet exemple est sans contexte le symbole d’une subordination notoire. Il est important de remarquer que cette soumission aveugle au principe d’aliénation de la femme emprunte même au coutumier. On l’a vu avec les femmes d’Eku qui, sous le poids des traditions, demeurent par essence des êtres inférieurs aux hommes. Il y a là une forme d’aliénation. Parce que posant des actes incompréhensibles ou ayant leur logique à eux, les fous sont considérés comme des marginaux. L’effondrement psychique du personnage est incarné par une femme : Epupa. L’internement psychiatrique au Mboasu est réservé aux plus fortunés. Pourtant, si Epupa marche presque nue, en route depuis deux ans, c’est simplement parce que sa famille l’a chassée [L’intérieure de la nuit : 211]. Personne ne souhaite en prendre soin, ironie du sort elle se trouve enceinte. Ce qui n’est pas extraordinaire, on en avait vu d’autres : Cela n’aurait pas été la première fois, qu’une femme égarée Literaturi francofone şi repere ale scriiturii feminine a exilului 25

était engrossée par un homme qui ne la trouvait pas si folle au moment de la posséder [L’intérieure de la nuit : 213]. Celle qu’on considère comme étant la folle la plus célèbre de Sombè, conserve encore une part de raison, du moins la sienne. On l’avait vue étrangler son nourrisson, ne supportant pas d’avoir mis au monde un enfant mâle [Contours du jour qui vient : 22]. L’abus sexuel sur les femmes peut se transformer en véritable commerce, faisant de la femme un objet marchand. La femme apparaît à plus d’un titre comme un objet de curiosité : il n’aurait pas deux semaines à consacrer à cette petite [Ces âmes chagrines : 118]. La femme est pour Snow juste une proie, un être qu’il pourrait malmener [Ces âmes chagrines : 121]. Cela semble être héréditaire, son géniteur ayant fait de même avec sa maman : C’était là, au cœur de l’Intra-muros, un soir de printemps, qu’il l’avait larguée enceinte dans la petite chambre d’hôtel qu’ils avaient occupée ensemble [Ces âmes chagrines : 27]. Normal, que ferait un occidental issu de la bourgeoisie avec une femme de couleur sans réputation, le passe temps s’arrêtait alors. Une curiosité à exhiber, un élément de son costume d’aventurier : une Noire à son bras, c’est tout ce qu’était Thamar pour Pierre. Ce que les jeunes filles de Sombè n’avaient pas compris et continuaient à dégainer plus vite que leur ombre sur le moindre visage pâle qui bougeait [L’intérieure de la nuit : 213]. Elles étaient prêtes à se contenter d’un mari couleur local s’il était fortuné. Les subsahariennes sont présentées comme des objets marchands : Alors Siliki avait été vendue à un trafiquant de Nasimapula [Contours du jour qui vient : 55]. Ce qui fait dire à Musango que ses bourreaux pratiquent la traite des femmes. Les mères ne sont pas toujours innocentes dans ce type de pratiques : Celle qui a fait un enfant à son beau père ? […] C’est plutôt lui qui le lui a fait et la mère de la gamine a pratiqué un avortement à mains nues. La môme a eu une crise mystique [Contours du jour qui vient : 83]. Les féticheurs avançaient de telles âneries détruisant l’existence des jeunes filles : Il fait venir un des jeunes gens […] Il doit coucher avec elle le plus de fois possible dans la journée. [Contours du jour qui vient : 87] pour dit-on, nettoyer l’âme souillée d’Endalé. Ce tableau grave doit-il faire croire à un désengagement de la femme, à un stoïcisme passif ? Les femmes vont-elles se résilier ou plutôt opter pour une solution radicale, tenter d’inverser le cours des choses ?

26 Communication interculturelle et littérature

3. Résilience des subsahariennes marginalisées

Résister aux forces qui tentent de les écraser est l’option pour laquelle les subsahariennes marginalisées de la prose de Léonora Miano optent dans la plupart des cas. C’est le lieu d’interroger les différentes formes qu’emprunte cette subversion et d’approcher une interprétation plus générale du phénomène dans l’esthétique de l’œuvre de cette auteure.

3.1. Subversions et valeurs d’un antidestin

Dans le corpus qui nous intéresse, plusieurs figures féminines aspirent à vivre différemment des clichés qui ont toujours dictés l’existence de femmes. Pour y arriver elles vont commencer par déconstruire les mythes de leur emprisonnement et adopter des valeurs leur permettant de se forger un antidestin. Tout commence par une prise de conscience de son potentielle à changer les choses qu’on leur a longtemps imposées. A ce sujet, l’exemple de Musango est patent : J’ai douze ans. Je pense. Je respire. Je me soulève. Je suis la fin des temps qu’ils ne voient pas venir, le jour où on saura que le singulier surplombe le pluriel, que le second n’a de chance que s’il a permis l’émergence du premier. [Contours du jour qui vient : 90, 91]. Elle comprend qu’elle a la force de changer les choses, de renverser tout un système qui exploite la misère des pauvres et considère la femme comme une vulgaire marchandise. Cette force elle la trouve enfin en elle : pour une fois j’ai dormi et voyagé en moi-même [Contours du jour qui vient : 131]. Pareillement, Ayané décide de rester pour comprendre ce qui l’échappait dans son village, au lieu de rentrer en France finir sa thèse. Elle pense que son pays, et surtout son village où elle passe pour étrangère, ont besoin d’elle. Elle jouera un rôle de première importance dans le retour à l’équilibre de son village. On ne saurait en dire moins d’Epupa qui sert de courroie de transmission entre les ancêtres et les vivants qui œuvrent au retour des fils d’Eku. Tout cela ne serait possible sans un esprit de pardon et de la compassion. C’est par solidarité qu’Ayané est restée œuvre dans l’humanitaire au Mboasu et penser le devenir d’Eku. Alors que tout le monde fuit Literaturi francofone şi repere ale scriiturii feminine a exilului 27

Epupa, la traitant de folle, l’ignorant et lui marchant dessus, Ayané va vers elle, lui parle. Mieux encore elle communie avec elle : Sans savoir pourquoi, Ayané ressentit le besoin de se joindre à elle. Alors, elle étreignit la jeune femme et, comme elle, cria de toutes ses forces [L’intérieure de la nuit : 214]. Musango pour sa part avait compris que la colère est vaine. Elle ne fait pas passer le chagrin [Contours du jour qui vient : 127]. En dépit de toutes les souffrances que lui avait fait subir sa mère, elle ne demeurait pas moins la seule qu’elle oserait appeler maman : Je lui ai dit que cela m’était impossible. Sans vouloir lui manquer de respect, j’avais déjà une mère [Contours du jour qui vient : 61] avait-elle précisé à celle qui s’occupait pourtant d’elle comme une maman et qui connaissait bien son histoire. L’attachement à sa mère dont fait preuve la narratrice dans cet exemple est presque ahurissant. Sa mère qui l’a traitée comme une ennemie, avec le plus grand dédain compte toujours autant pour elle. Plus étonnant, sa bataille pour la survie n’a de raison que le besoin de retrouver sa mère, cette mère qu’elle aime malgré tout. C’est donc dire que pour avancer, les subsahariennes marginalisées savent faire peau neuve pour se réinventer un chemin. Loin du pessimisme qui les condamne dans la voie du routinier, les installant dans la passivité, elles prennent la décision courageuse de se donner une existence qu’elles se seront choisie. C’est ainsi qu’Ayané ayant quitté son village pour poursuivre ses études en ville ne se laisse pas emportée par cette existence de prostitution que mène ses camarades étudiantes. Elle est le prototype de l’anticonformisme et de la croyance en soi-même. C’est cette sensation, cette capacité à penser différemment qui pousse Musango à essayer la résilience : la sensation des viscères et du sang qui s’échappaient de leurs corps m’instruisait sur la réalité de ma puissance. Ils mouraient et je vivais. Les choses me sont apparues sous un autre angle [Contours du jour qui vient : 61]. Elle pouvait envisager son avenir autrement que fait d’obscurité moite. Face à l’endurcissement constant de Antoine, Thamar conclut qu’il valait mieux pour elle de saisir l’opportunité qui s’offrait à elle de retourner vivre au Mboasu. Résultat : Thamar avait compris combien la crainte du rejet avait été une sottise. Au Mboasu, elle était à la maison […] Si elle n’était pas riche sur le plan matériel, elle avait une expérience à partager [Ces âmes chagrines : 27]. Sa vie avait de nouveau un sens loin des errements et de la misère sous laquelle elle croupissait en occident. 28 Communication interculturelle et littérature

Toutes ces attitudes positives doivent laisser croire que le visage de la marginalité subsaharienne n’est pas un afro-pessimisme sous la plume de Miano.

3.2. De la significativité de l’exclusion des subsahariennes chez Miano

La signification d’une œuvre se construit par la prise en compte de certains éléments contextuels, du confort intellectuel du lecteur. Il faut dont relire la fiction de la marginalisation des subsahariennes comme un texte assez particulier dans la mesure où il nous livre un regard d’africaine exilée sur la condition de la femme marginalisée. Un certain nombre de préjugés – passivité des femmes, la femme toujours considérée comme la partie négative, la faible de l’humanité – a fortement contribué à emprisonner la subsaharienne dans le cocon de la marginalité. La représentation de la marginalisation féminine dans la prose de Léonora Miano nous amène à avoir un regard attentif du processus de neutralisation des catégories sociales. Tout se passe comme si la marche de l’humanité s’était figée autour de préconstruits idéologiques. Or le prédéfini est une variable conditionnée par les rapports de force qui permettent la cohésion d’un groupe. Si on emprunte au déconstructivisme de Jacques Derrida3, on comprendra différemment la démarche de Miano. En effet, selon Derrida, le signifié d’un signifiant est quelque chose de très instable, de très variable dans le temps et l’espace. Ainsi, sortant de la binarité définitionnelle homme/femme, fille/mère, les personnages de la prose de Miano se définissent comme des individus, et non simplement des éléments constitutifs d’une communauté qui doivent s’en tenir aux règles de celle-ci. On voit bien Ié, la doyenne d’Eku, tenir le rôle de chef de la communauté en absence d’homme pour le faire. Le concept de différance qui prédomine chez Jacques Derrida est saisissant. Il incarne le devenir (lutte contre les significations figées); la différance est le déplacement des signifiants qui signifient en marge puisqu’il n’y a pas de signifié transcendantal, originel et organisateur. On ne saurait en dire moins d’Ayané qui se considère comme une part d’Eku au même titre que Ié et ose désigner nommément cette dernière, chose interdite dans le clan. Même après avoir bravé les interdits de cette communauté-scolarisation, traversée des frontières du village et du pays – elle reste attachée à ses racines. Il faudrait donc que la Literaturi francofone şi repere ale scriiturii feminine a exilului 29

subsaharienne marginalisée ne se croit pas condamnée par des considérations stéréotypées, et se dise qu’avant d’être membre d’une communauté, elle est d’abord un individu à part entière. Ce qui nous installe dans la démarche globale de la littérature dite du chaos en Afrique. Par littérature africaine du chaos, on a souvent désigné ces écrits présentant le visage assez sombre d’une Afrique qui se meurt, s’autodétruit. Contrairement à la négritude qui faisait l’éloge d’une Afrique de toutes les humanités, celle-ci construit une image quasi caricaturale du continent. Ce n’est pas étonnant que Fabien Honoré Kabeya Mukamba établit un parallèle entre dénonciation et afro- pessimisme dans cette dernière :

La monstration de l’horreur, de la putréfaction sociétale, ne serait-elle pas un piège, une contamination mentale, une reproduction d’une littérature faisandée ? Certes, il faut préserver le devoir de mémoire, mais la mémoire doit-elle se nourrir seulement des négativités ? Pourquoi l’écrivain négro-africain est-il obnubilé par le mal-être ? Le devoir de mémoire ne devrait-il pas s’imposer aussi et surtout quand il s’agit de montrer au grand jour les valeurs africaines de solidarité, de spiritualité et de moralité qui résistent tant bien que mal aux chants des sirènes ? L’écrivain africain, par son parti pris de la dénonciation tous azimuts du mal-vivre, ne contribue-t-il pas efficacement et malgré lui à l’accroissement du nombre d’afro-pessimistes ?4.

Cette colère sourde est celle de la quasi-totalité des critiques du continent. Comment les écrivains diasporiques peuvent-ils se cantonner dans la peinture sombre d’une Afrique qui recèle tant de potentiel sans se douter qu’ils choqueraient plus d’un sur le continent ? Honoré KABEYA pense qu’il faut trouver le juste milieu pour faire vrai et juste: dénoncer le mal et annoncer le bien5. C’est dans ce sillage que s’inscrit la marginalité subsaharienne de la prose de Léonora Miano. Elle ne fait pas que dénoncer la marginalisation et l’exclusion des femmes dans les sociétés du continent. Elle va plus loin en créant des personnages marginalisés qui parviennent à inverser la tendance. A ce titre, on peut considérer sa prose comme une réorientation de la littérature, non pas comme une source de transmission de l’horreur, mais comme un vecteur de mutation de nouvelles sociétés idéalisées. En guise de conclusion, nous dirons que la représentation de la marginalisation de la femme subsaharienne n’a rien d’un afro- 30 Communication interculturelle et littérature

pessimisme sous la plume de Miano. Il s’agit de dire ce mal qui envenime l’existence des femmes dans nos sociétés du sud, tout en préservant un aspect essentiel, celui des possibles qui s’offrent à elles. C’est à elles de comprendre qu’elles appartiennent à une communauté certes, mais qu’avant toute chose, elles sont des individualités qui peuvent et doivent prendre leur destin en main. Vue sous cet angle, la franco-migritude de Léonora Miano serait alors une contribution à une vision prospective de l’Afrique qu’on retrouverait chez de nombreux autres écrivains immigrés.

Bibliographie

Amossy, Ruth, L’argumentation dans le discours, Nathan, Paris, 2000. Derrida, Jacques, L’Ecriture et la différance, Le Seuil, coll. Points, Paris, 1967. Kabeya Mukamba, Fabien Honore, « Dénonciation et afro-pessimisme dans la littérature négro-africaine » in Les actes du colloque international de Lumubashi 1960-2004, Bilan et tendances de la littérature négro- africaine, Presses universitaires de Lubumbashi, 2005, pp. 102-110. Miano, Léonora, L’intérieur de la nuit, Plon, Paris, 2005. Miano, Léonora, Contours du jour qui vient, Plon, Paris, 2006. Miano, Léonora, Les Aubes écarlates, Plon, Paris, 2009. Miano, Léonora, Ces Ames chagrines, Plon, Paris, 2010. Mwatha, Musanji Ngalasso, « Langage et violence dans la littérature africaine écrite en français » in Notre librairie, n° 148, Dumas, Paris, 2002, pp.72-80.

Notes

1 Ruth Amossy, L’argumentation dans le discours, Paris, Nathan, 2000, p. 110. 2 Mwatha Musanji Ngalasso, « langage et violence dans la littérature africaine écrite en français », Notre librairie, n°148, Paris, Dumas, 2002, pp. 72-80. 3 Jacques Derrida, L’Ecriture et la différance, Paris, Le Seuil, coll. Points, 1967. 4 Kabeya Mukamba Fabien Honore, « Dénonciation et afro-pessimisme dans la littérature négro-africaine », Les actes du colloque international de Lumubashi , « 1960-2004, Bilan et tendances de la littérature négro- africaine », Presses universitaires de Lubumbashi, 2005, p.p. 102-110. 5 Ibidem. Literaturi francofone şi repere ale scriiturii feminine a exilului 31

Taos Amrouche : Le recours à l’autofiction comme stratégie d’émancipation

Alice Froger

Résumé : Cet article s’attache à mettre en perspective la relation entre la situation de la romancière — dans son rapport à la langue, à la féminité, à l’exil, à la religion — et la complexité de la forme littéraire choisie. Éternelle exilée, Taos Amrouche était tiraillée par l’attachement qu’elle portait à des pôles opposés. Une pensée binaire caractérisée par la nature antinomique de ce qu’elle préférait appeler le roman autobiographique, un genre à l’image de l’auteure : hybride. Marquée par de nombreuses ambivalences : partagée entre deux rives géographiques, entre le rejet et l’acceptation, la passion et le discernement, le réel et l’imaginaire, à la fois victime et bourreau, la romancière dévoile son authenticité à travers un dispositif autofictionnel lui-même ambigu. À la lumière des trois principaux romans : Jacinthe noire, Rue des tambourins et L’Amant imaginaire, nous tâcherons de comprendre dans quelles mesures l’énonciation autobiographique représentait un recours audacieux, et une démonstration irréfutable de la volonté de l’auteure de s’annihiler ou s’affabuler dans la multiplication des voix. Mots-clés : Taos Amrouche, Algérie, autofiction, écriture féminine, émancipation, ambivalence.

Taos Amrouche est née en Tunisie en 1913, baptisée Marie-Louise Taos, elle naquit française, de parents émigrés de Kabylie. Elle partit très tôt étudier en France et réalise que sa double appartenance sera une grande source de joie, mais aussi de souffrance. La France est perçue par la petite Kouka, la narratrice de Rue des tambourins, comme un pays ravisseur qui semble endormir les hommes et les contraindre à négliger leurs racines, comme ce fut le cas pour son frère. Mais ce pays représente aussi le pays du savoir, de l’émancipation. Elle prend alors conscience du poids des mots. Reine, un des personnages centraux de Jacinthe noire, est pourtant rapidement mise à l’écart pour ses lectures. Taos Amrouche fut la victime de semblables déceptions au sujet de sa culture d’origine. Le 32 Communication interculturelle et littérature

tronc berbère dont sa famille émane, celui qu’elle incarne même au travers de ses chants – puisque Taos Amrouche était une grande cantatrice de chants berbères – bien qu’étant une partie d’elle, la rejette « comment échapper à ce qui est soi-même ?1 ». Une situation oscillant entre rejet et attraction mutuels que la romancière décrit lors d’une intervention télévisée :

La famille Amrouche, Kateb Yacine l’a définie : « une figue de barbarie ». Cela signifie que si la France s’empare de cette famille, elle se pique, parce que les racines de cette famille sont des racines maghrébines, algériennes, singulièrement berbères. Vous voyez, si l’Algérie dit « cette famille Amrouche nous appartient totalement » elle aussi se pique, et se pique cruellement parce que sur ce tronc africain, africain du Nord, a été opérée une greffe française et une greffe chrétienne. Cependant, toutes les séductions de l’Occident et de la France, que nous aimons, n’ont pas pu obtenir que cette famille soit véritablement et totalement assimilable. […] et ce problème, je crois que mon frère l’a analysé, il en est mort car il était écartelé entre les deux communautés2.

Des espaces géographiques et culturels empêchants qui nécessitent la création d’un espace qui fait corps avec l’exilée : l’autofiction, un genre lui-même ambigu puisque caractérisé d’emblée par son antinomie. Une mixité générique considérée, ainsi que nous l’indique Philippe Gasparini, « comme une monstruosité originale et indescriptible3 ». Un genre donc à l’image de l’auteure, marqué d’une hybridité porteuse du souffle créateur et témoin d’une complexité difficile à assumer. C’est au sein de trois romans : Jacinthe noire, Rue des tambourins et l’Amant imaginaire que ces espaces virtuels prennent vie, exaltant l’hybridité du genre, personnifiant la pluralité de l’auteure. Philippe Lejeune, dans son analyse du rapport entre l’auteur et son texte autobiographique, explique que l’écriture de soi résulte de deux démarches distinctes pour l’auteur. En passant par l’autobiographie d’une part, supposant l’intervention de procédés précis comme un narrateur qui porte le nom de l’auteur, un pacte autobiographique liant contractuellement le lecteur et l’écrivain. L’auteur peut également choisir d’écrire un roman autobiographique, qui donne la parole à un narrateur fictif, porte la mention de roman, mais inclut à l’histoire supposée fictive, des éléments biographiques du romancier. Les trois premiers romans de Taos Amrouche qui forment la Moisson de l’exil Literaturi francofone şi repere ale scriiturii feminine a exilului 33

sont introduits comme étant des romans et non des autobiographies. La romancière fait ainsi appel à des personnages fictifs qui prennent le relais de la parole. À priori, un lecteur non averti pourrait ainsi entreprendre la lecture de ces œuvres comme de parfaites fictions. Mais à condition de s’y attarder, le public découvre que sont dissimulés à l’intérieur du texte et dans sa périphérie de nombreux indices qui permettent une corrélation directe entre la parole des narrateurs et celle de l’auteure. Taos Amrouche ne forme ainsi plus qu’une avec ses personnages et offre alors le récit de sa propre existence. La mise en place d’un retour sur soi biaisé par des systèmes énonciatifs particuliers nous pousse à nous interroger sur les motivations d’un recours à de tels procédés, ainsi que, de manière plus générale, sur les enjeux réels de l’écriture. Que le lecteur ait connaissance d’éléments biographiques propres à la romancière ou non, cette dernière lie subtilement son discours à son vécu. Dans le cas de Jacinthe noire, la dédicace de l’auteure fait écho au titre de l’œuvre, et dédiant son livre à sa fille et son époux, elle dit ceci :

À André Bourdil, compagnon de seize années de ma vie, dont la peinture hautaine me sera toujours un enseignement, afin qu’il s’émerveille de voir refleurir cette jacinthe. Et à Laurence Bourdil, notre fille, Jacinthe elle-même – non point sombre, mais ardente – pour qu’elle nous continue tous deux par son art, dans le juste équilibre et l’épanouissement de ses ascendances berbère et française4.

Taos Amrouche se fait jacinthe comme sa propre fille après elle. Par ailleurs, Marie-Thérèse, ou Maïthé, narratrice du roman, revient sur quelques mots prononcés par Reine :

Elle se regarda dans une haute glace et sourit. Comment vint-elle à parler des jacinthes sombres et de son amour pour elles ? Je ne sais plus… Il y en avait, d’un bleu presque noir, qui poussaient au pied d’un arbre, dans mon jardin. Un jour, j’ai cueilli la plus belle, la plus sombre et je l’ai offerte à André. Il nous a regardées longuement, ma fleur et moi, et il a dit : “ Vous vous ressemblez. ” Depuis, j’ai découvert que la jacinthe symbolisait la douleur et la délicatesse5.

L’auteure permet donc une filiation directe entre Reine, sa fille, elle-même et la jacinthe, assurant une liaison entre fiction et réalité. 34 Communication interculturelle et littérature

La dédicace de Rue des tambourins est à nouveau révélatrice de la réelle identité des personnages. En effet, si Jacinthe noire éclairait le lecteur sur l’unité identitaire que forment Reine avec Taos, cette seconde double dédicace, qui s’adresse à ses ancêtres et à son frère Jean Amrouche, ouvre quant à elle, la voie sur l’identification d’au moins un personnage familial. « À mon frère Jean, en souvenir de ces mots adressés à la fiévreuse adolescente que je fus : “Je suis ici comme l’Enfant Prodigue qui tient la lampe pour que le puîné ne trébuche pas”6 ». Or nous savons que Charles, plus âgé de la fratrie est aussi appelé « le Prodigue7 ». On devine alors que le Prodigue qu’évoque Kouka, n’est autre que le Prodigue – lui aussi introduit d’une majuscule – représentant Jean, le frère de Taos. Kouka poursuit à propos du Prodigue « on n’enchaîne pas le vent8 », or, Aména, la narratrice de L’Amant imaginaire, dit à son frère Alexandre qu’il « court comme le vent9 ». Le lecteur est ainsi encouragé à tisser un fil conducteur entre les deux romans. De premiers indices qui permettent un rapprochement entre la fiction et la vie de l’auteur ; d’autres sont plus éloquents encore. Tout d’abord, elle fait référence à des épisodes familiaux relatés par sa propre mère dans son roman Histoire de ma vie. Il en est ainsi par exemple avec « l’épisode des dés à coudre10 » comme le décrit Caroline, la mère de Kouka :

Un matin, voici que les grandes décident de faire grève. Lasses de coudre pour le compte des religieuses, elles imaginent de jeter au cabinet leurs dés et leurs ciseaux. Survient Sœur Sébastien, responsable de l’ouvroir. Les grandes accusent la petite Caroline (Yemma) d’avoir jeté les dés dans le trou. L’enfant pleure, se débat. La religieuse la corrige sévèrement (le petit corps devrait en garder des traces quelques jours après). La religieuse contraint l’enfant à retrouver les dés, à les chercher là où on les avait jetés ; patouiller avec ses petites mains dans l’ordure. Elle fait mieux : elle remplit une gamelle d’excréments qu’elle force la fillette à porter sur la tête, en signe de mortification […] Le lendemain ou surlendemain, ma mère, cette femme magnifique que seul le Prodigue a connu, surgissait dans la cour de la pension : la pauvre ne pouvait venir que rarement ; elle s’était mise en route depuis la veille, avec des friandises…Elle me prend dans ses bras, découvre les marques de coups (je n’avais pas de chemise, je ne portais à même la peau qu’une robe légère). Elle demande des explications. On lui en donne. Elle n’a qu’un mot pour exprimer sa douleur et son indignation : “C’est pour cela que je vous l’ai confiée ?...” En hâte, elle me déshabille, jetant au loin la robe des sœurs que pour rien au monde elle ne désirait que je garde11. Literaturi francofone şi repere ale scriiturii feminine a exilului 35

Cet événement fait écho à un passage développé par Fadhma Amrouche dans Histoire de ma vie, lorsqu’elle était enfant chez les Sœurs Blanches en Kabylie et qu’une sévère punition marqua la fin de son séjour chez ces dernières :

Je vois surtout une image affreuse : celle d’une toute petite fille debout contre le mur d’un couloir : l’enfant est couverte de fange, vêtue d’une robe en toile de sac, une petite gamelle pleine d’excréments est pendue à son cou, elle pleure. Un prêtre s’avance vers elle ; la sœur qui l’accompagne lui explique que la petite fille est une méchante, qu’elle a jeté les dés à coudre de ses compagnes dans la fosse d’aisances, qu’on l’a obligée à y entrer pour les y chercher : c’est le contenu de la fosse qui couvre son corps et remplit la gamelle. En plus de cette punition, la petite fille fut fouettée jusqu’au sang : quand ma mère vint le mercredi suivant, elle trouva encore les traces des coups sur tout mon corps. Elle passa ses mains sur toutes les meurtrissures, puis elle fit appeler la Sœur. Elle lui montra les traces des coups en lui disant : - “C’est pour cela que je vous l’ai confiée ? Rendez-moi ma fille12 !”

Les deux extraits relatent un seul et même épisode de la vie de Fadhma-Caroline. Le discours direct rapporté par les deux narratrices : « C’est pour cela que je vous l’ai confiée ? » conforte le lecteur dans l’idée d’une adéquation entre récit et vie de l’auteure. De plus, quelques indications dissimulées dans le discours interpellent un lecteur d’ores et déjà informé d’éléments biographiques de la famille Amrouche, telles ces courtes occurrences que prononce Reine dans Jacinthe noire : « vous savez que je n’ai pas de sœur13 », Reine s’adressant là à Maïthé tendant à apostropher l’auditoire lui-même ; « je vais lire un poème de mon frère14 », en référence au frère de Taos, Jean, lui-même poète. Autant d’indices qui interviennent tels des appels au lecteur. C’est donc bien d’un récit autobiographique dont il est question, malgré le trouble que fait naître l’indication « roman » en introduction de chacun des ouvrages. Pourtant, sans correspondance des patronymes entre fiction et réalité, l’autobiographique s’avère impossible, Taos Amrouche fait donc jouer à l’onomastique dans ses romans un rôle double. En effet, les différences patronymiques entre réalité et fiction annihilent l’autobiographie tout en introduisant une symbolique, un imaginaire construit autour de l’histoire réelle de la famille. Fadhma Marguerite, Belkacem Antoine, Marie-Louise Taos, Jean El-Mouhoub, chacun des membres de la famille Amrouche porte un 36 Communication interculturelle et littérature

prénom catholique et un prénom berbère. La binarité qui s’exprime au sein de la famille Amrouche est ainsi représentée dès l’attribution du nom. Fadhma et Belkacem Amrouche ayant tous deux été convertis au christianisme très jeunes, ont adopté une religion, mais également un prénom, juxtaposé au prénom qu’ils portaient à la naissance. Dans une volonté de perpétuation de cette double appartenance, la dénomination primordiale se fait duel. Cette duplicité est respectée dans les romans de l’auteure. Son frère Jean devient alors Charles, le Prodigue dans Rue des tambourins, et Alexandre dans L’Amant imaginaire. Elle attribue également aux parents des prénoms français, comme Caroline et Augustin dans Rue des tambourins. Il en est de même pour ses frères, qui, toujours dans le même roman se prénomment Charles, Laurent, Georges, Marcel, Nicolas et Luc. Mais le plus souvent la narratrice les évoque par leur pseudonyme respectif, « qu’en notre dialecte on appelait15 » le Prodigue, le Prestigieux, le Rieur, le Ramier, et les deux derniers sont sans doute trop jeunes pour porter un pseudonyme. Par ailleurs, la mère est aussi appelée Yemma, ce qui signifie « maman » en kabyle et la grand-mère Gida, ce qui veut dire « grand-mère ». Ainsi, la famille de Marie-Corail, ou Kouka, est marquée à la fois du sceau catholique et de celui des montagnes kabyles. Le prénom de Marie-Corail est emblématique lui aussi, en effet, Marie est le prénom catholique par excellence, il s’agit donc ici d’une référence biblique assumée. Le corail, la turquoise et l’argent sont les trois matériaux essentiels de la fabrication des bijoux en Kabylie, le Corail symbolise donc les ascendances berbères de la petite Kouka, plus souvent nommée ainsi que par sa double nomination dans le roman. Le nom de famille est, lui aussi, évidemment porteur d’une symbolique. Un seul nom est évoqué au fil des trois romans, celui des Iakouren (qui est introduit dans Rue des tambourins). Yakouren est le nom d’une immense forêt antique située dans le nord de la Kabylie qui a toujours été un haut lieu de la résistance. Symbole d’un peuple qui se bat pour garder son intégrité, la famille Iakouren, à l’image de cette forêt, n’oublie pas ses racines berbères, malgré la conversion, malgré l’exil. Un dernier prénom est à citer : celui de Reine, d’autant plus pertinent qu’il n’est pas un prénom mais un pseudonyme. En effet, Maïthé, la narratrice de Jacinthe noire, indique qu’elle évoquera sa chère amie en ne dévoilant jamais son prénom, mais en l’appelant Reine, accordant à nouveau au pseudonyme une puissante Literaturi francofone şi repere ale scriiturii feminine a exilului 37

symbolique. « Je savais que son règne serait court, que des nuages assombriraient mon ciel16 » avoue Marie-Thérèse au début du chapitre IV. Le terme « règne », qui qualifie le séjour de Reine dans la pension, coïncide avec certains des titres de chapitres de Rue des tambourins. Ainsi, le premier chapitre du roman s’intitule « Tenzis ou le règne de Gida17 », et le second : « Asfar ou le règne de Yemma18 ». À nouveau, un lien est établi entre les différents romans, une noblesse, dans sa dimension matriarcale émanerait donc de la famille Amrouche, une grandeur transmise de mère en fille, perçue par Maïthé, présente dans le prénom de l’auteure même. Taos en kabyle signifie « paon19 ». L’utilisation des noms propres dans les romans est mise au service de la reproduction allégorique du monde dans lequel a évolué l’écrivaine. Dans l’incapacité de se dire totalement, elle a recours à des subterfuges, et promet tout de même à son lecteur une authenticité dans ces autobiographies qui n’en sont pas. Philippe Lejeune explique dans Le Pacte autobiographique que :

Symétriquement au pacte autobiographique, on pourrait poser le pacte romanesque, qui aurait lui-même deux aspects : pratique patente de la non-identité (l’auteur et le personnage ne portent pas le même nom), attestation de fictivité (c’est en général le sous-titre roman qui remplit aujourd’hui cette fonction sur la couverture)20.

Les romans de Taos Amrouche remplissent les conditions du pacte romanesque selon Philippe Lejeune, seulement, nous l’avons dit, de nombreux éléments incitent le lecteur à voir les différentes références autobiographiques introduites dans le récit. De plus, au-delà de ces indices de lecture, la romancière signe officieusement un pacte d’authenticité avec son auditoire. La narratrice de Jacinthe noire s’engage ainsi à la plus grande sincérité dans son récit de la vie avec Reine.

Nous nous sommes donné la main fraternellement pendant de longues heures, je l’ai écoutée et j’ai supporté son regard. Je la connais autant qu’un être puisse en connaitre un autre. Il est des événements de sa vie que j’ignore, d’autres qu’elle m’a dits à demi-mot. Mais je connais son âme, j’en sais les dimensions et la clarté. Je sais que je puis vous parler de Reine, sans donner d’elle une image infidèle21.

Elle avoue ne connaître qu’une parcelle de la vie et de la personnalité de son amie mais elle assure pourtant ne rien détourner 38 Communication interculturelle et littérature

ou cacher de ce qu’elle sait. Ce pacte autobiographique détourné permet d’amorcer deux démarches vis-à-vis du lecteur : il établit une relation de confiance et interpelle également le lecteur sur la nécessité de confronter la réalité et la fiction dans le récit. Le premier chapitre du roman est essentiellement voué à renforcer cette complicité sereine entre la narratrice et celui à qui s’adresse ces quelques pages. Et pourtant, Maïthé admet la subjectivité de son récit en reconnaissant son souhait de voir le lecteur apprécier Reine de la même manière qu’elle.

J’aimerais entrer dans le cœur de mon récit, j’en suis empêchée par une angoisse incertaine et qui me tient au seuil de ma longue histoire. J’ai peur que vous ne soyez pas prêts à me suivre. Je vous demanderais, dans le cas où vous seriez déçus, de ne pas vous en prendre à elle, mais à moi. Car si à la fin de mon récit vous ne l’aimez pas, je me dirai avec tristesse que vous n’avez pas compris par ma faute22.

Cette narratrice autodiégétique interdit à nouveau, par ses interventions, une classification de l’œuvre, accentuant toujours plus son hybridité. Le style adopté par Aména sous la forme du journal intime, récit- confession, résulte d’une volonté de mise en confiance du lecteur. Ainsi, le récit séquencé en épisodes chronologiquement ordonnés empêche une rétrospection dans la narration ; l’écrivain, supposé rédiger son œuvre en synchronie est présumé aussi ébranlable que le lecteur, dans l’ignorance de ce qui suivra. Ainsi, narrateur et lecteur sont liés dans une sorte de vulnérabilité face à ce qui doit suivre. L’auteur est supposé écrire pour soi et le passage du journal intime au roman, transfère l’œuvre de la sphère privée à la sphère publique. Ce glissement du réel vers le fictif est à nouveau un élément à prendre en compte pour saisir de quelle manière l’autobiographie se mêle à la fiction et créé un genre nouveau. Par ailleurs, on constate que les lieux mentionnés, à quelques exceptions près, font référence à des lieux réels, connus du grand public, c’est le cas de la Kabylie, de la Tunisie, de la France, Paris, Versailles… Ainsi, les allusions à des personnalités telles que Staline, Gide, Milosz, Rousseau, Voltaire ou encore à des faits historiques comme l’exécution des condamnés de Nuremberg, tendent à renforcer la crédibilité sur le texte. Il est vrai qu’en apparence les romans de Taos Amrouche répondent aux critères du pacte romanesque comme le définit Philippe Literaturi francofone şi repere ale scriiturii feminine a exilului 39

Lejeune, mais nous ne pouvons nier que le rapport qu’entretiennent les différentes narratrices avec l’auditoire, ainsi que l’introduction dans le récit de faits historiques, ou de personnalités inscrites dans un espace-temps concret et vraisemblable, participent à la mise en place d’un certain pacte autobiographique détourné révélateur de la réappropriation des genres. Taos Amrouche laisse la clé de la compréhension du texte au lecteur tout en l’égarant toujours un peu plus dans une complexité générique. L’autofiction semble constituer un terrain de jeu idéal pour la romancière qui s’approprie le genre pour le modeler à son image. La fiction lui permettant toutes les libertés, elle tisse une réelle complicité avec son lectorat qui prend autant de plaisir à déchiffrer les indices qu’elle a pu en prendre à les parsemer. Une lecture active dont le destinataire est reconnaissant, sans pour autant saisir directement les motivations réelles de la romancière vis-à-vis de cette stratégie singulière. Nous l’avons dit, c’est Marie-Thérèse qui prend en charge la narration dans Jacinthe noire. Elle semble peindre le portrait de Reine, mais les éléments qu’elle dévoile – miroir de sa propre personne – ont tout autant d’importance, elle l’affirme : « dans ce récit, il s’agira d’elle et de moi23 ». Le double « je » de l’énonciation est le moyen par lequel Taos parvient, toujours de façon biaisée, à attirer l’attention sur un sujet pour, en réalité, peindre le portrait d’un tout autre personnage. Procédé sophistiqué qui témoigne d’une grande agilité dans l’écriture, elle détourne le regard du lecteur qui se doit de décrypter. Maïthé a son propre lectorat, auquel elle s’adresse bien volontiers : « C’est avec beaucoup de peine que je ressuscite pour vous ces premières impressions. Maintenant que je l’ai perdue, il me faut vous entretenir d’elle24 », « Vous ririez-vous de moi si je vous disais qu’il me semble avoir en moi de beaux champs de blé et un vergé chargé de fruits25 ? ». Elle alimente le dialogue qu’elle a avec son propre lecteur à l’aide des conversations qu’elle tient avec Reine. Le « je » de la narratrice est donc double dans un rapport d’interdépendance. Maïthé se fait prétexte à l’écriture, interprète involontaire de la nature de l’autre. Ce besoin de la parole n’est pas dissimulé dans le discours de Marie-Thérèse : « j’étais si désireuse de l’écouter me parler de Jacques et de Claire26 », « mais ce dont j’avais besoin, c’était de vivre intimement avec elle dans son passé. Aujourd’hui me frappe l’immense portée de ses discours passionnés qui ne devaient avoir de 40 Communication interculturelle et littérature

retentissement en moi que plus tard, lorsque le drame éclata27 ». La parole de Reine se fait alors condition du récit, ce qui l’élève au même rang, attestant ainsi du statut tout aussi fondamental de Reine vis-à-vis de Maïthé. Cependant, le rôle de cette dernière comme interprète de la parole n’est pas à négliger trop rapidement. Reine confesse à plusieurs reprises son incapacité à prendre la plume, sa difficulté à s’exprimer à l’écrit : « Elle dit d’une voix rêveuse, comme si elle se parlait à elle- même : – J’ai traversé une période où il m’était impossible d’envoyer une lettre sans la montrer au préalable. Il me semblait qu’à chaque mot une faute était accrochée. J’avais besoin d’être rassurée28 ». Ou encore : « Je ne sais quelle absurde et vague crainte m’empêche d’écrire à mon grand-frère29 ». Reine écrit, elle entretient d’ailleurs une correspondance avec André Gide, mais non sans angoisse du jugement de l’autre. Les origines françaises de Maïthé permettent indirectement à Reine de s’exprimer. Car le discours indirect, ou indirect libre sur lequel repose une part importante du roman porte une valeur symbolique. Reine, la Maghrébine, la « Tunisienne » comme la présente Mlle Anatole détient la parole orale, elle est fidèle à la tradition berbère en transmettant ce qu’elle sait et ce qui la définit, par l’oralité. Marie-Thérèse, la Française, est chargée de mettre à l’écrit cette parole, faisant honneur, quant à elle, à la tradition française qui passe essentiellement par l’écrit. Taos Amrouche, que l’on aurait tendance à associer uniquement à Reine dans le récit, serait éventuellement représentée par les deux jeunes femmes, l’une assurant les ascendances berbères de ses origines, et l’autre incarnant sa nationalité, mais aussi sa culture française. Le lecteur est tenu en haleine durant le discours de Maïthé par la décomposition qu’il doit effectuer de l’ordre établi par la narratrice. S’impose en effet un jeu entre la narratrice, le lecteur et Reine. Jeu que Maïthé entretient savamment en rappelant régulièrement qu’elle détient la clé de la compréhension de l’œuvre. La narratrice propose d’emblée au lecteur une narration rétrospective, elle annonce qu’elle s’apprête à revenir, et ce, tout au long du roman, sur des événements qui se sont déroulés et dont elle connaît l’issue : « maintenant que je l’ai perdue, il me faut vous entretenir d’elle30 » ; « Le drame eût-il été retardé si Reine avait pu sortir ? Je le crois31 » ; « le grand jour approche32 » ; « ces dernières heures, est-ce le vide noir qui leur succéda qui me les fait paraître si rayonnantes33 ? » ou encore : « nous vivions pourtant notre dernière soirée avant le drame34 ». Ces courtes redites captent l’attention de Literaturi francofone şi repere ale scriiturii feminine a exilului 41

l’auditoire qui attend le dénouement avec impatience. Maïthé éveille ainsi la curiosité du destinataire par ces rappels. Jacinthe noire est le seul des trois romans à faire appel à ce type de système énonciatif. Dans ce premier ouvrage, Taos Amrouche pose les bases d’une écriture du moi contournée. Alors que les deux autres romans étudiés effectuent un rapport direct entre les narratrices et la romancière, le trio constitué de Reine, Maïthé et Taos initie le public à une remise en question permanente de la parole. Le recours à des narrations détournées génère une démultiplication des voix, un adroit recours à qui voudrait se dire et se comprendre sans le pouvoir au travers d’un récit autobiographique. Afin de saisir les raisons d’une telle stratégie, il est essentiel de rappeler dans un premier temps que Taos Amrouche commence à écrire dans le milieu des années 1930 depuis la Tunisie, après être rentrée de France. Elle est donc à nouveau plongée dans un univers maghrébin lorsqu’elle écrit son premier roman. Ce facteur est important pour deux raisons. D’abord, Taos Amrouche écrit en étant en immersion dans un contexte culturel dans lequel la femme se doit de faire preuve d’une extrême pudeur. Le genre autobiographique y est interdit, d’autant plus pour les femmes qui se doivent de garder le voile sur leur vie privée. L’utilisation de la première personne, bien que finalement choisie par la romancière pour ses romans suivants, est sans doute trop audacieuse pour un premier roman. Le passage par la troisième personne détourne à priori le regard du lecteur de la personne de Reine et donne l’illusion d’un roman moins ciblé sur le personnage de la jeune Tunisienne. Nous pourrions donc penser que la pudeur motive cette narration détournée, l’auteure préférant un système biaisé, plus sécurisant et plus discret, Taos Amrouche se protégeant ainsi d’éventuelles accusations de narcissisme, d’impudeur, voire même de débauche. Toutefois la pudeur ne semble pas être vraiment la préoccupation première de Taos qui déclare au début de L’Amant imaginaire, alors qu’elle évoque les livres que peut-être elle n’écrira jamais : « Le livre commencerait par la constatation que je n’ai plus de pudeur, et ce serait pourtant le contraire d’un ouvrage impudique35 ». Une nouvelle ambigüité qui pourrait expliquer qu’elle ait tenu à faire de l’histoire de sa vie une fiction. Pourtant, le recours à l’autofiction ne se justifie pas uniquement par cette pudeur. En effet, l’auteure rédige ses romans en langue française. Elle s’attend donc à être lue par un public constitué 42 Communication interculturelle et littérature

exclusivement de francophones, majoritairement de Français, d’autant qu’elle fut publiée en France. Ainsi le lecteur français qui entreprend la lecture de Jacinthe noire par exemple a, dès lors, un certain horizon d’attente. Ada Ribstein explique dans un article à propos de l’autobiographie dans Jacinthe noire, que « le lecteur, ici, étiquette d’emblée l’ouvrage comme produit d’une littérature de femme maghrébine et francophone, et s’attend par conséquent à trouver un certain nombre d’éléments36 ». Il se prépare normalement à un certain exotisme, à découvrir, pourquoi pas, une culture, un pays, des coutumes différentes et sera alors déçu dans ses attentes. La narratrice se prénomme Marie-Thérèse et elle est française, le lecteur est déjà déstabilisé par cette annonce. C’est à nouveau une grande surprise que de réaliser que l’espace géographique et symbolique du déploiement de l’histoire ne sera pas africain, mais qu’il sera celui que connaît bien Maïthé : la France. Mais admettons enfin que Marie-Louise Taos fasse appel à la narratrice qu’est Marie-Thérèse pour permettre au lecteur français de s’identifier à elle, et ainsi, voir sous un nouveau jour le personnage de Reine. Le lecteur se trouve alors rassuré par le fait de se lier dans la narration avec une jeune fille avec laquelle il partage la langue et la culture. Taos Amrouche permettrait finalement de mettre en confiance un lectorat français par le relais de la voix de Maïthé. Elle encourage ainsi la rencontre entre les deux pays, le premier colonisateur, et le second colonisé. Ada Ribstein résume parfaitement la situation : « Taos met, semble-t-il, en scène, dans le roman, cette relation de pouvoir historique entre colon et colonisé : Marie-Thérèse, française, raconte, en français, l’histoire de Reine, qui ne la maîtrise pas encore37 ». Taos Amrouche conforte donc le lecteur français dans sa position de supériorité, afin qu’il entre dans le récit sans trop de réserves. Une fois ce dernier désarmé, pour ainsi dire, il ne pourra qu’être empathique de la sensibilité de Reine, et compatir quant à son rapport au traitement réservé par ses camarades françaises. L’autofiction étant alors un détour du récit déroutant le lecteur pour une meilleure réception du message. Philippe Lejeune s’intéresse lui aussi à cette question du roman autobiographique comme une alternative à l’autobiographie, et se place du point de vue du lecteur pour faire ce constat : Literaturi francofone şi repere ale scriiturii feminine a exilului 43

On voit d’ailleurs l’importance du contrat, à ce qu’il détermine en fait l’attitude du lecteur : si l’identité n’est pas affirmée (cas de la fiction), le lecteur cherchera à établir des ressemblances, malgré l’auteur ; si elle est affirmée (cas de l’autobiographie), il aura tendance à vouloir chercher les différences (erreurs, déformation, etc.). En face d’un récit d’aspect autobiographique, le lecteur a souvent tendance à se prendre pour un limier, c’est-à-dire à chercher les ruptures du contrat (quel que soit le contrat). C’est de là qu’est né le mythe du roman “plus vrai” que l’autobiographie : on trouve toujours plus vrai et plus profond ce qu’on a cru découvrir à travers le texte, malgré l’auteur38.

Ainsi, le lecteur peut aussi choisir de lire l’œuvre comme une fiction, sans faire de recherches qui aboutiraient au constat d’une liaison directe entre le narrateur et l’auteur. Taos Amrouche responsabilise le public en sous-entendant que s’il cherche à en savoir plus, c’est pour alimenter sa propre curiosité, et non parce qu’il y a été contraint par la narration. À nouveau, elle cherche à se protéger de l’opinion publique, de la réception de ses romans, rappelant la jeune Reine qui a tant de mal à écrire, Taos Amrouche pourtant audacieuse dans sa prise de parole, semble par ce biais se dédouaner de toute responsabilité, faisant du lecteur le garant de l’orientation et de la bonne interprétation de l’œuvre. Nous le disions, L’Amant imaginaire est rédigé sur le style du journal intime, ou personnel, choix qui n’est pas anodin. Le journal intime propose un type d’écriture où prédomine la présence du sujet. Il est un atelier d’écriture autour duquel l’auteur cherche autant à se définir et effectuer un travail introspectif qu’à plaire à son lecteur dans un rapport particulier à l’écriture. Il serait un tord de croire que le journal intime laisse de côté la littérarité du texte ou que l’auteur n’écrit que pour lui-même. On peut supposer que l’écrivain qui entame la rédaction d’un journal le fait autant par besoin d’écrire que de se comprendre, deux phénomènes qui se rejoignent bien souvent. Par ailleurs, L’Amant Imaginaire a été publié du vivant de l’auteure, elle a tenu à le réécrire en modifiant certains noms, dont celui de la narratrice, fragmentant le journal en chapitres, transformant ainsi le récit spontané d’une vie en roman apparemment imaginé et ordonné échappant à nouveau à certaines responsabilités. En effet, l’auteur qui s’engage, par le biais de l’autobiographie, à offrir le récit d’une vie et à introduire des personnes, et non plus des personnages, à l’histoire, s’expose à de nombreux risques. Il pourrait 44 Communication interculturelle et littérature

donc être question de la famille de l’auteur, de son entourage, de notoriété publique ou non, alors, à moins de passer par la fictivité des noms, comme le fait Taos, l’écrivain s’expose à des poursuites judiciaires. Taos Amrouche qui évoque, notamment dans L’Amant imaginaire, sa relation amoureuse avec Marcel Arrens, Jean Giono dans la réalité, ses relations avec des personnalités de la scène littéraire du milieu du XXe siècle, se protège donc, grâce à ses narratrices, d’éventuelles poursuites judiciaires car Jean Giono avait déjà une grande renommée et un poids dans le monde de l’édition dans le début des années 1950, lorsque Taos cherche à faire publier son roman. Ce dernier s’opposa farouchement à la parution du livre, malgré le recours à la fiction. Ces contraintes se seraient imposées à la romancière si elle avait eu recours à l’autobiographie, l’autofiction, s’imposait donc garante d’impartialité. Taos Amrouche se joue des genres littéraires pour proposer une œuvre personnelle qui feint de ne point l’être. Le recours à un « je » qui n’en serait pas un, des événements présentés comme fictifs, sortis de l’imagination de l’auteure, parfois même des noms de lieux inventés, voisins d’autres au contraire bien réels, l’indication roman en présentation des textes, ces artifices déjà évoqués sont mis au service d’un récit faussement imaginaire. Il s’agit bien de la biographie de Taos Amrouche, mais le genre romanesque, et donc la fiction, sont assumés dès l’entrée en matière par l’indication éditoriale. Taos Amrouche se réapproprie les genres établis pour proposer au lectorat une œuvre sincère et honnête, fraude malicieuse qui encourage à la complicité. Au sein même du genre romanesque, les multiples indices que laisse la romancière à son lecteur sont significatifs, eux aussi, de la confiance qu’elle attribue à son auditoire ; une intimité nait qui l’encourage à se laisser porter par la narration. « Je ne tardai pas à comprendre que Reine ne m’appartiendrait jamais plus complètement qu’elle ne m’appartenait déjà, que vouloir la poursuivre, c’était la perdre sans retour, que vouloir confronter le rêve avec la réalité c’était briser l’enchantement39 » confie Maïthé à l’issue de son récit ; le mystère doit rester entier pour que survive l’authenticité. L’esprit critique que pourrait supposer ce genre hybride est annihilé par la complicité qu’engendre l’auteure avec son lectorat. Celle qui « sera toute sa vie une inadaptée40 » semble s’épanouir au sein de cet espace virtuel, d’un point de vue personnel – dans un espace qu’elle organise – et altruiste – elle oriente l’autre dans sa lecture, tout en lui accordant Literaturi francofone şi repere ale scriiturii feminine a exilului 45

une grande liberté dans son approche des romans – maîtrisant ainsi totalement son rapport à l’autre.

Bibliographie

Amrouche [Aït Mansour], Fadhma, Histoire de ma vie, Syros-La Découverte, Paris, [1968], 2000. Amrouche, Taos, Jacinthe noire, Joëlle Losfeld, Paris, [1947], 1996. Amrouche, Taos, L’Amant imaginaire, Joëlle Losfeld, [1975], 1997. Amrouche, Taos, Rue des tambourins, Joëlle Losfeld, Paris, [1960], 1996. Gasparini, Philippe, Est-il je ? : roman autobiographique et autofiction, Seuil, Paris, 2004 Lejeune, Philippe, Le Pacte autobiographique, Poche, Paris, [1975], 1996. Pouillon, François, Dictionnaire des orientalistes de langue française, Éditions Karthala, Paris, 2008 Ribstein, Ada, « Jacinthe noire, de Taos Amrouche, une autobiographie au féminin », in Awal (Taos Amrouche, une féministe avant l’heure ?), n° 39, Paris, 2009.

Notes

1 Taos Amrouche, Jacinthe noire, Paris, Joëlle Losfeld, [1947], 1996, p.152. 2 Taos Amrouche, Intervention télévisée. 3 Philippe Gasparini, Est-il je ? : roman autobiographique et autofiction, Paris, Seuil, 2004, p.11. 4 Taos Amrouche, Jacinthe noire, op. cit., p. 7. 5 Ibid., p. 271. 6 Taos Amrouche, Rue des tambourins, Paris, Joëlle Losfeld, [1960], 1996, p. 9. 7 Ibid., p. 13. 8 Ibid. 9 Taos Amrouche, L’Amant imaginaire, Paris, Joëlle Losfeld, [1975], 1997 p. 29. 10 Taos Amrouche, Rue des tambourins, op. cit., pp. 88-89. 11 Ibid., p. 89. 12 Fadhma Amrouche [Aït Mansour], Histoire de ma vie, Paris, Syros-La Découverte, [1968], 2000, p. 28. 13 Taos Amrouche, Jacinthe noire, op. cit., p. 20. 14 Ibid., p. 26. 15 Taos Amrouche, Rue des tambourins, op. cit., p. 13. 16 Taos Amrouche, Jacinthe noire, op. cit., p. 31. 46 Communication interculturelle et littérature

17 Taos Amrouche, Rue des tambourins, op. cit., p. 11. 18 Ibid., p. 126. 19 François Pouillon, Dictionnaire des orientalistes de langue française, Paris, Éditions Karthala, 2008, p. 18. Le paon étant, dans de nombreux pays et notamment en Inde, un oiseau royal ou divin, parfois même doté de pouvoirs mystérieux, un oiseau aux mille yeux, celui qui absorbe le venin des serpents sans que cela ne l’affecte. Là encore, les romans se répondent et lient fiction et réel. 20 Philippe Lejeune, Le Pacte autobiographique, Paris, Poche, [1975], 1996, p. 27. 21 Taos Amrouche, Jacinthe noire, op. cit., pp. 10-11. 22 Ibid., p. 12. 23 Ibid., p. 11. 24 Ibid., p. 9. 25 Ibid., p. 281. 26 Ibid., p. 87. 27 Ibid., pp. 91-92. 28 Ibid., p. 96. 29 Ibid., p. 73. 30 Ibid., p. 9. 31 Ibid., p. 61. 32 Ibid., p. 63. 33 Ibid., p. 222. 34 Ibid., p. 230. 35 Taos Amrouche, L’Amant imaginaire, op. cit., p. 28. 36 Ada Ribstein, « Jacinthe noire, de Taos Amrouche, une autobiographie au féminin », in Taos Amrouche, une féministe avant l’heure ?, in Awal ( Taos Amrouche, une féministe avant l’heure ?, N°39), Paris, 2009, p. 62. 37 Ibid., p. 61. 38 Philippe Lejeune, Le Pacte autobiographique, op. cit., p. 26. 39 Taos Amrouche, Jacinthe noire, op. cit., p. 283. 40 Ibid., p. 248. Literaturi francofone şi repere ale scriiturii feminine a exilului 47

Adina Kenereş, Îngereasa cu pălărie verde – trepte în configurarea universului interior

Doiniţa Milea

Résumé : Les études sur le postmodernisme roumain ont accrédité l’instauration et l’épanouissement de ce nouveau paradigme dans notre espace culturel pendant les années ’80, à une époque où les interventions théoriques des écrivains donnent l’illusion d’être très unitaires du point de vue stylistique, thématique ou des conventions textuelles. Adina Keneres appartient à ces « nouveaux fictionnels » par l’alternance des registres et des tons narratifs, par le goût pour le documentarisme, par l’insertion du journal,de la correspondence, du reportage, y compris par l’option pour des aspects non-canoniques de la paralittérature. On ajoute ici la vision du quotidien grisâtre, dépourvu d’idéalité et d’horizon qui marque l’existence de ses personnages. Le probléme qui se pose, après quelques décennies depuis la parution de son roman Îngereasa cu pălărie verde, est de voir si le texte fonctionne pour les nouvelles générations de critiques/lecteurs avec le même message d’authenticité, une fois le paradigme socioculturel changé. Mots-clés : conventions textuelles, fragmentarisme, horizons intérieurs / contexte totalitaire.

Într-un interviu realizat în 1999 de Sanda Anghelescu, apărea un portret de scriitoare care nu mai apăruse un timp în spaţiul cultural şi literar românesc şi care reprezenta o generaţie de prozatori, dar, în egală măsură, un martor al acestei generatii implicate în istoria unei epoci:

- Doamnă Adina Kenereş, faceţi parte din categoria, puţin numeroasă, a românilor „întorşi acasă” din exil - în cazul dumneavoastră, chiar în plină glorie. Când aţi plecat în Franta şi în ce împrejurări? - Am plecat din România în 1987, când, cu tot premiul Uniunii Scriitorilor obţinut pentru debut, nu mai îndrăzneam să predau a treia carte (a doua aparuse în 1985). Întreaga „tânără generaţie” de atunci era pusă sub lupă - cu şi fără motiv - pentru că, în mintea „lor”, aceasta prezenta un pericol. Şi cum eu făceam parte din această „tânără 48 Communication interculturelle et littérature

generaţie”, după mii de cereri obţinând, totuşi, un paşaport, am plecat în Franţa, de unde m-am întors după 11 ani [Anghelescu, 1999].

Care este impactul literar al unui roman care a înregistrat opţiunile unei generaţii, în plan existenţial, dar şi câtă actualitate/valoare mai are formula narativă a unei astfel de proze? În 2006, Simona Sora, într-un articol analitic intitulat „Ce merită citit?”, pune faţă în faţă o listă propusă de Paul Cornea, asupra anului 1933, o listă din care eliminase romanele de consum, erotice, senzaţionale, cît şi o serie de opere mediocre, cu „(…) un scurt inventar al romanelor apărute în 1983, cînd Paul Cornea întocmea o altă listă, adică în plin comunism: Gabriela Adameşteanu, Dimineaţă pierdută; Ştefan Agopian, Tobit; Mircea Ciobanu, Istorii IV; Radu Ciobanu, Heralzii; Paul Georgescu, Siestă; Adina Kenereş, Îngereasa cu pălărie verde; Mircea Săndulescu, Placebo; Gheorghe , Efectul P; Cella Serghi, Această dulce povară, tinereţea; Tia Şerbănescu, Muntele de pietate; Sorin Titel, Femeie, iată fiul tău” [Sora, 2006a]. Autoarea înregistra prezenţa Adinei Kenereş într-un context de generaţie, problemă pe care o va relua în acelaşi an, într-un interviu realizat cu Adriana Babeţi, care apare într-un număr consacrat literaturii tinere, „Şanse şi pericole pentru literatura tânără”, cu întrebări particularizante: „Ce relevanţă crezi ca are solidaritatea de generaţie într-o literatură? Sunt culturi unde lucrurile acestea devin decisive? Cum apreciezi regimul confesivităţii atât de exersat de tânăra generaţie?” Opinia Adriana Babeţi era o definire genera- lizatoare, dar şi o opţiune: ,,Scriitorii din aceeaşi generaţie au (în anumite perioade mai mult decât în altele) un aer comun, lecturi comune, legaturi contextuale vizibile uneori şi în literatura pe care-o scriu…. Optzeciştii sunt, poate, ultimii la care această solidaritate de corp se păstrează. Autorii, majoritatea sub 30 de ani, îşi povestesc viaţa, se autoficţionalizează (…), pândesc apariţia unui nou volum de Adriana Bittel, de Adina Kenereş (ca minunata Îngereasa cu pălărie verde)” [Sora, 2006b]. În literatura româna actuală există scriitori asupra cărora studiile critice se opresc prea puţin, şi pe care istoriile literare ori „listele” îi trec la capitolul „şi alţii” sau îi ignoră (à-propos de „autorii de dicţionar” ai lui Nicolae Manolescu). În Istoria tragică & grotescă a întunecatului deceniu literar nouă (cap. „Semnele schimbării. Postmodernismul”), Radu G. Ţeposu semnala prezenţa Adinei Kenereş, în acelaşi context generaţionist: Literaturi francofone şi repere ale scriiturii feminine a exilului 49

„Lumea e mediocră, învăluită de melancolii pasagere, de o seninătate naivă, pestriţă, instabilă, atinsă de psihologia kitsch-ului; e apoi fantezismul alegoric şi livresc (Ştefan Agopian, Ioan Groşan, Daniel Vighi, Adina Kenereş….)” [1993: 22]. În capitolele analitice („Fantezismul alegoric şi livresc”), autoarea este cuprinsă în aceeaşi vecinătate, cu trimitere la „excelentul volum de debut, Îngereasa cu pălarie verde, 1983”, văzut ca „amestec subtil de lirism şi introspecţie”, roman despre efluviile tinereţii şi despre voluptăţile povestirii”. Criticul remarca elemente definitorii legate de organizarea fabulei, sau de artificiile narative: „romanul n-are propriu- zis o acţiune şi, dacă ar fi să urmărim un fir epic, cu greu l-am putea reconstitui (…) mută interesul de la epicul aventurii, contaminat de facilităţi flagrante, la comportamentism. În gesturile, limbajul şi manifestările protagoniştilor noi ghicim o psihologie şi o mentalitate care dau seamă şi despre un cod cultural: paştişa, aluzia, intertextualitatea (…), în fapt, şi semnele unui spirit postmodern.” [Ibidem: 141]. Eugen Simion dedica un capitol Momentului ’80 în Scriitori români de azi, volumul IV, referindu-se la poezia momentului şi extinzând la proză observaţiile, adăuga şi postmodernismul între particularităţile acestei generaţii, găsind la Cercul de critică discuţii în anii din urmă despre postmodernism şi implicit despre generaţia optzeci. Criticul semnala în acest volum numerele speciale dedicate de Caietele critice „prozei şi poeziei tinere”, dar şi „iniţierea unei dezbateri despre postmodernism cu referinţe speciale la poezia şi proza din ulltimul deceniu”, căutând caracteristicile „noului val” chiar în „programul generaţiei ’80” din propriile studii teoretice. Criticul caracterizează, în bloc, proza, trecând în revistă „ noul pact cu realul , tehnica reportajului în scenariile epice, tehnica cinematografului, a filma un act mărunt de existenţă, vocile oralităţii, a face cronica unei străzi cu un aparat de filmat, reflecţii despre actul de a scrie, despre condiţia creatorului faţă de text şi relaţiile din interiorul textului, cei care scriu romane strecoară în interiorul textului şi un metaroman”. În această analiză, proza acestei generaţii aflate sub semnul înnoirii are ca argumente conceptuale de sprijin, termenul textualism / textualist şi ideea de „recuperare” livrescă, de joc fantezist cu tradiţia, de alegorie şi „parodie”, construcţie şi deconstrucţie [1982: 466]. Trebuie spus că Adina Kenereş nu figurează nici enumerativ, nici în capitol separat. De altfel, în Istoria critică a literaturii române. 5 secole de literatură, Nicolae Manolescu nici măcar nu o cuprinde în 50 Communication interculturelle et littérature

lista de scriitori ai generaţiei ’80, dar este prezentă, ca nume – în capitolul dedicat Criticii şi eseului – în fraza care incheie observaţiile asupra cărţii lui Radu G. Ţeposu, Istoria tragică & grotescă a întunecatului deceniu literar nouă! [2008: 1383]. Autoarea este prezentă pe site-uri cu o apreciere compensatorie, extrem laudativă la un an de la apariţia romanului ei de debut, aparţinându-i lui Norman Manea (Pe contur, 1984), care lipseşte din cronicile / istoriile literare ale epocii: „Un roman « realist » de imediată actualitate despre România acestor ani [Îngereasa cu pălărie verde], scris parcă dintr-o răsuflare, cu inteligentă agresivitate sarcastică, a impus prompt atenţiei un nume de referinţă pentru proza noastra tânără: Adina Kenereş. O carte despre realitatea socială şi conjunctura spirituala a prezentului, somate să-şi developeze premisele, în contact cu stimulatoarea interogaţie drastică a aspiraţiilor juvenile; o revelaţie de asemeni, asupra viziunii, asupra motivaţiilor, exigenţelor, impulsului şi perspectivelor tinerei intelectualităţi de astăzi, aflată la momentul afirmării personalităţii şi a proiectelor creatoare. (…) Tocmai în confruntarea, extrem de dificilă pentru un scriitor (nu numai tânar) cu temele majore (fie şi numai cu « dezbaterea » acestora, incitantă, mereu tăioasă, personală, interesantă), Adina Kenereş dă, de la început, măsura înzestrării. Energică se arată capacitatea de a evita constant apatia locului comun, de a resuscita şi a substanţializa epic ideile.” Sub semnătura lui Marian Papahagi, Dicţionarul Scriitorilor Români propunea, în 1998, un portret literar scurt, temperat, care subliniază mai curând proza scurtă ulerioară, decât romanul de debut. [1998: 698]. Un an mai târziu, Mircea Cărtărescu, în Postmodernismul românesc, nu-şi înregistra colega de generaţie decât într-un citat din aprecierea criticului Ov.S. Crohmălniceanu („Postmodernism: ce se spune şi ce nu”) asupra raporturilor desantiştilor cu proza generaţiei anterioare [Cărtărescu, 1999: 179]. În abordarea unui roman ca Îngereasa cu pălărie verde se cere o dublă perspectivă: cea a căutării interioare a personajelor ca reflectare a unei posibile construcţii identitare şi cea a formei narative alese pentru a ţese autoreflexiv textul. Strategiile postmoderniste ale textului, care generează realitatea, propun o realitate privită ca un imens text ficţional capătând substanţă prin faptul că perspectiva personajelor asupra realităţii precedă textul şi îl condiţionează: nu contează în mod esenţial cine (tran)scrie discursul asumat ficţional, un soi de reciprocitate impunând cititorului să-şi asume o lectură de grad Literaturi francofone şi repere ale scriiturii feminine a exilului 51

secund, un soi de ascultare care reconstruieşte o parte din textul citit prin participare, implicare, re-creaţie. Este o realitate ce trebuie reconstruită şi retrăită cît mai fidel; ceea ce nu devine posibil fără iluzia reconstituirii verosimile a feluritelor existenţe / istorii. Pasiunea pentru realitatea netrucată, pentru evenimentele mărunte ale existenţei de zi cu zi şi pentru limbajele diverse care transcriu complexitatea realităţii cotidiene determină schimbarea majoră de paradigmă înregistrată în literatura română o dată cu apariţia generaţiei ’80. Scriitorul Adina Kenereş, prin personajele sale, nu este doar un creator atent la toate nuanţele lumii în care trăieşte, ci şi un avid consumator de literatură, spectacol teatral, cinematografie, televiziune, pictură, filozofie, lingvistică, sociologie, tratate de istorie sau analize politice, ceea ce transformă textul într-un imens document / intertext vorbind implicit despre sine. În romanul de faţă, într-o construcţie narativă de mare complexitate, nu se mizează pe tensiune epică, ci pe multiplicarea perspectivelor şi alternarea vocilor, pe acumularea detaliilor şi amânarea deznodămîntului şi, nu în ultimul rând, pe o galerie de personaje care se suprapun palimpsestic, până la pierderea vocii narative: în primele 40 de pagini apar în demonstraţii existenţiale personajele (Vlad, madam Aneta Dejan, Andrei Moscalu, Cherchinschi, tovarăşul Bucur, profesorul Velcescu), de aşa natură intersectate încât separarea vocilor / identităţilor devine dificilă. Şi curgerea / interesul pentru continuarea lecturii: „Eu sunt altă generaţie. (Cerchinschi, regizor consacrat, detesta poza artistului tip bricoleur perpetuu înfometat, dar şi pe aceea a creatorului paşnic, luminat de eternitate)…Înţelegi – făcuse un gest rotund către Vlad – m-am felicitat că durerea mea nu murise în somn… ia să-l fi lăsat pe Vlad să spună acelaşi lucru! Ar fi fost un tinerel romantic, purtat în miezul unui ev aprins. Pe scurt un naiv cu suflet mare (…). Moscalu, da, promitea. Scria bine şi uşor, vorbea nebuneşte şi bea ţeapăn, adică îşi pregătea cu îndârjire normele la literatură, în orice caz mai sârguincios decât Vlad. Vlad citea femeile, Moscalu făcea amor sportiv până la epuizare, Vlad îşi organiza expediţii în munti, Moscalu facea escapade picante, Vlad cheltuia cu oamenii, Moscalu cu situaţii interesante ş. a. m. d. În două cuvinte, Moscalu îşi clădea treapta, în timp ce Vlad, cel puţin în viziunea îngrijorată a doamnei Dejan, îşi săpa groapa” [Kenereş, 1983: 15]. Implicarea cititorului este asigurată prin trimiteri permanente la texte literare de recunoscut „în miezul unui ev aprins (…), Craii care ziua-s nobili şi noapte gitani – asta nu se mai poate (…) Profesorul se 52 Communication interculturelle et littérature

pierdu însă printr-o poveste cu guelfi şi ghibelini din care cu greu – după cât estima Vlad – se mai putea întoarce la poezie. Pardon, la poet!” [Ibidem: 10]. Iluzia realistă este încorporată discursului carnavalesc intertextual: „Casa Sava semăna grozav cu fosta casă Moscalu, din care Andrei mai ocupa doar mansarda. Era tot veche, tot galbenă, tot cu două etaje… Marietta desenase încăperilor nişte măşti stranii, potrivite mai degrabă mizanscenelor kafkiene, deloc greu de realizat, în care se antrenaseră scenografii mai noi şi în care se simţea în largul ei. Andrei Moscalu şi Lia Staicu fură aşezati pe o fostă saltea de gimnastică îmbrăcată în sac vopsit şi peticit cu figuri de pluş şi catifea… Câteva vechi ceasuri de buzunar, cu lanţ, panglici sau şnururi de mătase împletită… o pendulă şuie fără limbi, dar care sub cadranul emailat, adăpostea ca într-o nişă o balerină roză de porţelan…Iluzia evidentă a acestei mişcări era întreţinută de o oglinjoară din fundul nişei… Moscalu avea o înţele- gere binevoitoare pentru simptomul cosmo-călinescian” [Ibidem: 24]. Romanul începe in media res cu o scenă de familie (Vlad şi Aneta Bejan), în care se înregistrează comportamentist fraze şi reacţii, nu fără aluzii la epoca surprinsă de subiect: naratorul omniscient nu intră încă în acţiune: „- Bună, făcu Vlad, ştergându-se la gură. Avem nevoie de oameni devotaţi, senini,creier limpede,stomac lipit de şira spinării” [Ibidem]. Pe scenă evoluează studenţi trăind existenţial greaţa de existenţă, pe care textul o surprinde organic, dar nu fără trimitere intertextuală: ,,Greaţa i se-nnodă strâns în jurul gâtului şi stomacul saltă să se elibereze, ca un sac cu şerpi furioşi. Se târî, cu mâna lipită de gură, până la closet şi vomită tot, fără să simtă vreo uşurare, dimpotrivă, cioburi de vorbe şi chipuri scăpate parcă dintr-o lungă robie pornită să-l cutreiere răzbunătoare, bubuindu-l din creier până-n tălpi.” [Ibidem: 61] Aici apare o trăsătură a literaturii moderne şi postmo- derne prin care explorarea / explotarea corporalităţii ar trimite la analiza facerii / reacţiei textului. În cartea Adinei Kenereş, plăcerea scenelor erotice şi portretizarea femeii / bărbatului capătă rol de vedere în oglindă a textului şi a ratării personajului: portretul Cristinei, profesoara de română săracă, locuind intr-un pod de casă din Cotroceni (,,părea doborâtă de zădărnicie), care apare în partea a doua a romanului, când aflăm retroistoria lui Vlad Dejan; translatoarea cu mâna în ghips dintr-un spital de provincie capătă un nume – Cornelia şi o poveste a suferinţelor – aceeaşi Cornelie care dispăruse de acasă, fiind socotită moartă, dar revenind după 3 ani, tunsă zero, slabă, plină Literaturi francofone şi repere ale scriiturii feminine a exilului 53

de păduchi, fugită dintr-un spital. Este „îngereasa cu pălărie verde”, care funcţionează ca leit-motiv al perfecţiunii pierdute a unei lumi ,,o nebună venită din morţi în manta de doliu. Ea, Cornelia, cu pălăria ei verde de pai - Câteva zile cu poveştile Corneliei (…)” [Ibidem: 281]. Ratarea lui Andrei Moscalu este reflectată în chipul femeii pe care o însoţeşte, „o femeie mai bătrână decât maica-sa”, Marietta Sava se află „într-o faună de actriţe în formare”, zice Cerchinschi. Finalul romanului merge în viteză accelerată, nici un personaj nefiind lăsat cu povestea neîncheiată: Lia se măritase cu un profesor doctor şi sub îndrumarea lui, obosită peste poate, profesa, liniştită însă în privinţa stagiului şi a repartiţiei finale care nu puteau fi decât în Bucureşti. (…) Cariera lui Moscalu rămânea un mister. Marietta fusese repartizată unui teatru de provincie – se secătuise acolo un an… apoi începuse să dea concursuri. Nu luase încă nici unul…” [Ibidem: 264]. Se realizează astfel o viziune caleidoscopică foarte vie, în care imaginile cu Vlad Dejan privit din exterior de o instanţă omniscientă şi imaginile cu Vlad aşa cum se vede el însuşi se succed, se amestecă şi uneori se suprapun. La acest nivel, virtuozitatea tehnică nu e deloc de neglijat, autoarea dovedeşte că ştie să opereze decupaje şi montaje cinematografice de impact. În viaţa lui Vlad Dejan se derulează, în secvenţe, filmul vieţii unui personaj feminin al cărui rol esenţial este acela de martor la zbaterile unei lumi neaşezate, aflate în derută. La „romanul comunismului” se ajunge treptat, într-o firească gra- daţie a deplasării obiectivului camerei de filmat dinspre intimitatea familiei şi a prietenilor către exteriorul social agresiv, absurd: istoria activistului Bucur, care are nevoie de lecţii de cucerire a femeilor, istoria lui Stelian Chenchinschi (,,părinţii lui fuseseră ilegalişti amândoi…”), scrisoarea Anetei Dejan, rămase în străinătate, după ce plecase căsătorită cu acesta – oglinda unor aşteptări ratate. La alt moment, începutul romanului reconstituie atmosfera universitară, prin discursul mixat omniscient / interior al lui Vlad „(…) la ziua de aniversare a maică-si în demonstrarea caracterului fermecător de inofensiv al şcolii superioare. Era, explicase el, ceva de clinică de psihiatrie în şcoala asta, sentimentul neutralităţii şi al spaţiului apărat dominând orice manifestare, orice eveniment…” [Ibidem: 13]. Retroistoriile personajelor compun o carte a unor aventuri existen- ţiale – povestea orientalistului Florin, ajuns chelner într-un restaurant, istoria lui Mircea Mitroi povestită de două femei, în care aglomerarea povestirilor amână identificarea vocilor narative – poate Cornelia şi Aurelia, ele însele apărând în povestirile acestuia. Între aceste 54 Communication interculturelle et littérature

povestiri-dosare existenţiale se intercalează micro-povestiri de epocă, cu Bucureştiul de altădată, văzut prin istoria altor două femei Zina şi Frosa, aflate la cumpărături pe Lipscani. Cine povesteşte şi cine vede scenele de epocă nu este dezvăluit, dar peste câteva zeci de pagini reapare Zina, într-o altă povestire de tip carnavalesc, în spaţiul deplasării între operă şi grădina Icoanei. Julia Kristeva [1979] numeşte acest joc „discurs carnavalesc”: „subversiune permanentă a lucrului spus, distrugere permanentă a semnului [...] care vizează să distrugă univocitatea sensului şi să-i substituie dublul”. Ea adaugă ca efecte „fantezia verbală” şi „la fatraserie” ale căror formule înglobează „jargonul ininteligibil”, „enumerarea – tendinţă de a reconstitui o serie printr-o simplă juxtapunere”, „repetiţia”, „juxtapunerea de cuvinte autonome fără legătură de cauzalitate”. Neliniştile existenţiale acoperă spaţiul neacoperit de povestiri,, „Iluzia asta nenorocită – îi mărtu- riseşte Vlad lui Andrei – că pot schimba, face, propune ceva când toate căile sunt deja bătute bine, mă omoară. Mă simt un formidabil inventar, o listă de bălci, am de toate, pricepi că nu pot să pun în mişcare nimic?”[Kenereş, 1983: 37]. Textul literar, în curgerea lui, se leagă la Kenereş de orice memorie a realului sau a sinelui, şi pledează pentru un adevăr ficţional, pe care procedee ale autenticităţii ca persoana I a naraţiei, jurnalul, confesiunea testimonială retrospectivă, îl pun în text, fabricând o viaţă în care fictivul, realul şi fantasticul se topesc în alegorie pentru a redefini condiţia umană. Autoficţiunea funcţionează ca asocierea unei personalităţi autentice unui destin ficţional, în care fictivul, realul şi fantasmaticul se ames- tecă. Povestirii lineare şi cronologice, i se opune un discurs polifonic, care transpune multiplele voci ale textului, acoperind vocea auctorială. Metaficţiunea este permanent implicată în destinul personajelor, căci Vlad citeşte „istorioara prietenei sale Cornelia”, notează 164 de „re- ţete”, se străduieşte să facă un ,,scenariu”, de-a-lungul a 200 de pagini, dă perspective şi comentează scrisori sau jurnale („Jinduiesc, îi spu- neam, la cel care nu se va teme să îşi abandoneze interesul, atât de gesticulat în ultimul timp, pentru artefactura propriei cărţi şi va risca – ceea ce un film nu-şi poate permite – să-şi deconspire etica şi estetica.”) Dacă discutăm despre un joc al măştilor, o reflecţie asupra identităţilor feminine şi masculine asumate de discursul romanesc, se poate vedea că autoarea împrumută o voce masculină, delegându-l ca personaj-narator-martor pe Vlad, dar configurând un univers interior Literaturi francofone şi repere ale scriiturii feminine a exilului 55

unitar prin suprapunerea secvenţelor de destine: de la forma finită se avansează spre conţinutul autentic care trăieşte deformat / mascat de text, aspect des întâlnit printre optzeciştii ironici, microrealişti, antilirici şi adesea debusolaţi. Preocupată de aventurile narative ale identităţii, ca şi de funcţia imaginaţiei în constituirea ei, Kenereş recurge la o serie de procedee şi strategii narative care pun în evidenţă instinctul „fabulatoriu” al fiecarui personaj în parte şi colapsul aparent al unităţii (eului şi naraţiunii deopotrivă). Implozia eului, sentimentul lipsei de coeziune personală, ca şi cel de nesiguranţă, experimentate de majoritatea personajelor, sunt câteva aspecte compoziţionale prin care se adecvează discursul narativ la lumea pe care acesta o transcrie. Analizând particularităţile de creaţie a generaţiei ’80, Carmen Muşat remarca acest mod particular de legare a textului de personaj şi de asumarea epocii: „După ce au exaltat contestarea şi revolta împotriva unei literaturi osificate, reprezentanţii acestei generaţii, pentru care biblioteca a funcţionat ani buni ca o lentilă prin care priveau lumea, au coborât în istorie. S-ar putea spune că literatura lor a devenit, în aceşti ultimi ani, o căutare a Istoriei, dar şi a istoriilor personale, o investigare pasionată a memoriei individuale şi a corpora- lităţii marcate de un îndelungat prizonierat într-un regim dictatorial. Este oare posibil să vorbim despre o dimensiune metafizică a acestei literaturi scrise de autori care au început prin refuzul oricărei meta- fizici şi proclamarea primatului Textului? Cred că răspunsul este unul afirmativ. O metafizică paradoxală, care-l reîntoarce pe om cu faţa către istorie şi către destinul său muritor, ce transpare deopotrivă în poemele şi în proza scriitorilor acestei « generaţii regăsite ». După ce au asimilat experimentul şi au interiorizat revolta împotriva conven- ţiilor, prozatorii generaţiei ’80 restabilesc contactul cu lumea reală şi promovează un realism îmbibat de o sensibilitate ardentă. Cu fiecare volum nou apărut, optzeciştii confirmă că nu tema e aspectul cel mai important, ci capacitatea de a construi şi de a impune o nouă sensi- bilitate. Cu fiecare volum nou apărut, fie că e vorba de poezie sau de proză, scriitorii acestei generaţie par să formuleze, iar şi iar, o întrebare obsedantă: « Ce valoare are literatura în afara Istoriei? »” [Muşat, 2011]. Unitatea discursivă este căutată prin introducerea unei strategii de suscitare a interesului, dar şi de amânare a descifrării « desenului din covor », prin legarea elementelor din motto de finalul de capitole. Sfârşitul capitolului I reconstituie jocurile focalizatoare, care implică personajul Vlad în toate structurile textului : „Da’ vulpea a apărut şi 56 Communication interculturelle et littérature

mai trăieşte şi astăzi. Vlad pictase o vulpe, o lipise de dulap şi se răcorise…” [Kenereş, 1983: 106]. Sfârşitul capitolui II înregistrează notele lui Vlad, ierarhizate : „m) foc pe ţărm. În raza lanternei o vulpe mică, jigărită,speriată. Stă. Alte vulpi. Din stuf vin multe, mici şi jigărite, şase, unsprezece, douăzeci. Fug. Se ţin departe de mare. Unde fug?” [Ibidem: 215]. Trepte descifratoare de sens fuseseră semănate pe tot parcursul textului (a se vedea capitolul I, 58-60). Motto-ul pregătise aşteptarea, sugerase iluzia existenţială, sau poate neliniştile dominante ale vieţii / vârstei personajelor : „Da’ vulpea ia-o de unde nu-i.; Cât vezi cu ochii, numa’ vulpi; şi un câine. - Da’ bine, frate dragă, ce-i cu vulpea? Cât vezi cu ochii, nu e nici o vulpe pe nicăieri!? -Păi asta zic şi eu, râse Vlad. « Da’ vulpea - ia-o de unde nu-i! ».” Ciudăţenia personajelor pe care le înregistrează, ca în oglindă, Vlad, îi reflectă stări interioare contradictorii, pe care finalul roma- nului le unifică, eliberator, în înregistrarea teatralizată a lui Vlad şi a jocului câinelui pe trotuarul Căii Victoriei: „un pui alb cu pete negre părea să caute ceva sau numai alintarea îl zbenguia aşa vioi… singur în umbra sa şi sclipitor, de neatins ca vechii inorogi, profan şi esenţial ca viaţa pentru bucurie, alerga (…), Vlad fermecat, aiurit de plăcere… de salturile acelea naiv-fericite. Sărbători şi răsuflă neruşinat răsufletul tot şi răcoarea acelui câine frumos, atât de frumos, de frumos…” [Ibidem: 286]. Respingând, programatic, scenariul pedagogic de Bildungsroman, autoarea nu face decât să-l înlocuiasca cu altul, preocupat tot de for- marea unui erou de-a lungul unor secvenţe de viaţă, mergând dinspre către formula asumării poveştii, într-o formă sau alta de către personaj. Este romanul Adinei Kenereş marcat de mărcile specifice ale romanului feminin de care vorbise între cele două războaie criticul Eugen Lovinescu, în comentarea textelor autoarelor femei din Cenaclul „Sburătorul” („Literatura feminină urmează nu numai condiţiile sufleteşti ale sexului, ci şi condiţia lui socială. Femeia trăieşte în lumea sentimentului ca într-o lume proprie.”), sau se află în situaţia definită în cartea Biancăi Burţa- („Literatura feminină, un caz particular al marginalităţii literare”)? [Lovinescu, 1939, apud Burţa-Cernat, 2011: 77]. Cert este că, în anul apariţiei romanului său, 1983, apăruse şi Dimineaţa pierdută a Gabrielei Adameşteanu, care, ca şi romanul Adinei Kenereş, fusese comentată în afara perspectivei date de un Literaturi francofone şi repere ale scriiturii feminine a exilului 57

studiu de gen. Problema este dacă, în afara unei perspective feminine asupra existenţei, cartea / cărţile mai rezistă trecerii timpului sau ieşirii din peisajul naţional (exilul autoarei). Am văzut în secvenţele introductive receptarea romanului Adinei Kenereş, la debut sau în studiile critice ulterioare. Avem, spre ilustrare, o relectură pentru Gabrielei Adameşteanu : „Citite acum, după prăbusirea zgomotoasă a regimului comunist, cărţile Gabrielei Adameşteanu sunt perfect lizibile, nefiind marcate de esopism, de « ticurile » tematice şi stilistice ale epocii – semnale textuale ale codificarii tot mai accentuate a limbajului narativ, impuse de permanenta luptă cu cenzura. Cărţile Gabrielei Adameşteanu vorbesc despre eşec, despre irosire, despre incompatibilitate şi inadaptabilitate, despre degradarea relatiilor interumane şi absenta comunicarii, efecte « perverse » ale dezacordului major dintre individ si societate”1 [Muşat, 2002]. Această grabă a unei priviri retrospective ar porni, din argumentele care prefaţează demersurile literare, din conştiinţa de grup care şi-a „clarificat” reperele teoretice în finalul deceniului opt al secolului trecut. Ceea ce se impune de la prima răsfoire a acestor volume- antologii este asocierea ideii de „generaţie” celei de „optzecism” – cartea lui Gheorghe Crăciun pledând în favoarea unei delimitări de generaţia precedentă „generaţia ’60”: „Cred că una din cauzele care explică redutabila conştiinţă teoretică a optzeciştilor (indiferent de faptul că ei sunt critici, poeţi sau prozatori) rezidă tocmai în acest puternic sentiment al diferenţei şi încadrării într-o matrice estetică cu noi linii de forţă, mult deosebită de generaţiile precedente” [Ghiu, 1994: 61]. Adina Kenereş este, istoric şi literar, o prozatoare a acestei generaţii supuse schimbării de canon, aflate între ficţiunea realistă, discursurile care o comentează şi răstălmăcirea parodică a reţetelor ei consacrate.

Referinţe bibliografice

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Cărtărescu, Mircea, Postmodernismul românesc, Humanitas, Bucureşti, 1999. Ghiu, Bogdan, „Proiectul istoric de generaţie şi proiectul generaţiei ’80”, în Gheorghe Crăciun Competiţia Continuă. Generaţia ’80 în texte teoretice. O antologie de Gheorghe Crăciun, Editura Vlasie, Piteşti, 1994. Kristeva, Julia, „La topologie carnavalesque”, în Le Texte du roman. Approche semiologique d’une structure discursive-transformationnelle, Mouton Publishers, The Hague - Paris, 1979. Lovinescu, Eugen, „Notă asupra literaturii noastre feminine”, în Revista Fundaţiilor Regale, nr. 7 / 1939. Manea, Norman, Pe contur, Editura Cartea Românească, Bucureşti, 1984. Manolescu, Nicolae, Istoria critică a literaturii române. 5 secole de literatură, Editura Paralela 45, Piteşti, 2008. Muşat, Carmen, „Generaţia regăsită”, în Observator cultural, nr. 567 / 2011, disponibil la adresa http//www.observatorcultural.ro. Muşat, Carmen, „Proza cotidianului nu tocmai banal”, în Observator cultural, nr. 118 / 2002 disponibil la adresa http//www.observatorcultural.ro Simion, Eugen, Scriitori români de azi, vol. IV, Editura Cartea Românească, Bucureşti, 1982. Sora, Simona, „Ce merită citit?”, în Dilema Veche, nr. 151/ 2006 (a), disponibil la adresa http// www.dilemaveche.ro. Sora, Simona, „Şanse şi pericole pentru literatura tânără”, în Orizont, nr. 7 / 2006 (b), disponibil la adresa http//www.romaniaculturala.ro. Ţeposu, Radu G. , Istoria tragică & grotescă a întunecatului deceniu literar nouă, Editura Eminescu, Bucureşti, 1993. Zaciu, Mircea, Marian Papahagi, Aurel Sasu (coord.), Dicţionarul Scriitorilor Români, D-L, Editura Fundaţiei Culturale Române, Bucureşti, 1998.

Note

1 Textul a apărut ca Prefaţa la ediţia a II-a a volumului de povestiri semnat de G. Adameşteanu, Dăruieşte-ţi o zi de vacanţă.

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Identité, totalitarisme et résistance. Sorana Gurian, Les Mailles du filet

Elena Filote (Panait)

Résumé: Le journal de Roumanie de Sorana Gurian, tenu entre les années 1947 et 1949, se présente premièrement comme un témoignage toujours vivant de l’absurdité inhumaine du régime communiste. La contiguïté de son existence avec une histoire tragique détermine l’écrivaine, autrement ex- partisane de l’idéologie communiste, à prendre conscience, avec une amère lucidité, de la dégénérescence progressive de son profil identitaire. Réfugiée à Paris, Sorana Gurian publiera ce journal en 1950, aux éditions Calmann- Lévy. Le livre apparaît en roumain en 2002, comme supplément de la revue Jurnalul literar. La démarche diaristique de Sorana Gurian de Les mailles du filet a, dans sa structure de surface, une véritable valeur documentaire, mais, au-delà de celle-ci, le sondage de l’intimité auctoriale exhibe une pluralité d’identités, assumées ou rejetées, parfois incompatibles, impossible à unifier dans une image homogène. Mots-clés: journal, communisme, identité, dissidence, égotopie, exil.

Personnage controversé de la vie littéraire roumaine après la Seconde Guerre Mondiale, Sorana Gurian réapparut timidement parmi les préoccupations des critiques avec la publication des deux volumes du livre Ochiurile reţelei. Jurnalul meu din România, à la maison d’édition „Jurnalul literar” en 2002-2003, dans la traduction de Cornelia Ştefănescu. „Jurnalul literar” avait d’ailleurs déjà publié des extraits du livre en feuilleton, commençant par les numéros 17-20 de septembre-octobre 2001 et les pages de ce magazine accueillent aussi plusieurs articles et interviews contenant des références à l’auteur. Une présentation succincte de la biobibliographie de Sorana Gurian s’articulera forcément autour de deux époques culturelles différentes qu’elle avait traversées: la Première Guerre mondiale et l’après-guerre. Dans les histoires de la littérature roumaine, le nom de Sorana Gurian apparaît tout au plus comme titre d’inventaire, mais en revanche, Florin Manolescu lui réserve un article dans l’Encyclopédie 60 Communication interculturelle et littérature

de l’exil littéraire roumain: 1945-1989, où nous lisons que la romancière, la mémorialiste et la journaliste Sorana Gurian (Gurfinckel) (1914-1956) est née en Bessarabie, et qu’elle est diplômée de la faculté de philologie à l’Université de Iasi. De brefs moments importants dans la biographie de l’auteur y sont saisis: son séjour à Paris et la fréquentation d’André Gide, Jean Cocteau, Max Jacob et Anaïs Nin, son activité dans le mouvement antifasciste en clandestinité, sa nomination comme rédacteur en chef du journal Universul après le 23 août 1944, la parution du roman Les jours ne reviennent jamais et du volume de contes Histoires entre le crépuscule et la nuit (1946), son renvoi du Syndicat de la Presse Roumaine en 1947, suite à la publication dans le journal Liberalul de certains articles fâcheux pour le nouveau pouvoir, sa mise sous observation, l’engagement d’un mariage de convenance avec un citoyen italien et l’immigration en Israël, puis à Paris, où, „avec Mircea Eliade, Emil Cioran et Jeanne Nicolesco, elle a réalisé en 1952, un supplément pour la revue Preuves (numéro spécial) intitulé « Terre roumaine »” [Manolescu, 2003-371]. Les témoignages les plus importants de l’entre deux guerres sur Sorana Gurian sont, incontestablement, ceux gardés dans les volumes de mémoires de Eugen Lovinescu. Le critique littéraire évoque en Aqua Forte, la scène de l’appel téléphonique reçu par la jeune aspirante au titre d’écrivaine et, surtout, à celui de participante au Cénacle Sburătorul, qui, avec „des fragments de phrases désarticulées dans la colle d’une insupportable familiarité moldave, avec l’extension chantée des dernières syllabes, dessinées dans la poussière de la route et avec des câlineries dépassant la gâterie habituelle des filles”, se recommande: „A l’appareil, une fille qui écrit”. Le portrait physique esquissé par la plume de Lovinescu reste mémorable: „(…) Un appendice de jeune fille dans une robe longue, pour couvrir la brièveté d’une jambe lui imprimant une démarche saccadée; la figure, d’ailleurs fine, tenue dans l’ombre par un chapeau penchant du côté droit pour masquer une paupière endormie. Tout est resté infantile: membres graciles, gestes de poupée japonaise, voix d’enfant, presque non articulée, avec câlineries et extension de syllabes insupportables” [Lovinescu, 1998 : 613-614]. Ensuite, les mémoires de Cella Serghi, la collègue de génération de Sorana Gurian, viennent compléter le contour d’un profil de personnalité excentrique, comme vouée à des expériences extrêmes: „(...) Elle était intelligente, cultivée, informée, peut-être trop informée. Elle avait des relations avec les gens de Literaturi francofone şi repere ale scriiturii feminine a exilului 61

gauche et de droite et tombait toujours debout comme un chat dans les situations les plus difficiles” [Serghi, 2013: 366]. Le seul roman, publié dans le pays de Sorana Gurian, Zilele nu se întorc niciodată, a été accueilli avec des appréciations positives par le public et la critique littéraire, comparé, par exemple, avec le modèle du roman anglo- saxon.1 Longtemps accessible uniquement dans la première version (Edition Forum, 1945), le roman a été récemment réédité, après 67 ans d’oubli, grâce au soutien du Département pour les Relations interethniques (vu la descendance juive de l’écrivaine), à la maison d’édition Hassefer (en 2012). Pendant la Seconde Guerre mondiale, Sorana Gurian se dédie à quelques „acrobaties politiques dangereuses” [Burţa-Cernat, 2011:320] et entre, d’après ses propres aveux, dans „l’opposition”, partageant la cause communiste. Pendant deux ans, elle est obligée de se cacher dans une cave du pension Notre Dame de Sion, après que la Gestapo commence en 1942, à s’enquérir de sa personne. Après l’installation du régime communiste, Sorana Gurian, profite au maximum de ses opportunités,

jusqu’au jour où la conscience m’a contrainte à une retentissante rupture de parti. Je m’attendais à être arrêtée immédiatement. À cause de ma popularité, ils ont essayé de me « conquérir » par le bien. Ils ont laissé croire que j’avais écrit un article dans lequel j’expliquais ma démission par un moment de dépression: la démission arrangerait tout, trois mois dans une maison de santé après quoi je me ferais « mea culpa ». J’avais besoin de temps: parce que je n’avais pas les moyens de vivre, j’ai vendu peu à peu, tout ce que nous avions. Par bonheur, l’ambassadeur de l’Italie a trouvé un mari pour moi…2

Exilée dans l’espace culturel francophone, Sorana Gurian se solidarise avec la diaspora roumaine anti-communiste à Paris, dénonçant dans les divers articles publiés dans la presse française les atrocités du totalitarisme en Roumanie, en version française. En 1950, elle publie à l’Edition Calmann-Lévy son journal de Roumanie, en version française, Les Mailles du filet, livre passant presque inaperçu dans la presse française dominée à l’époque par les gauchistes et la propagande du Comintern, alors que l’auteur transforme en un véritable „roman”3 l’expérience de sa vie durant la pleine domination du communisme en Roumanie, définissant l’absurdité inhumaine du régime de Ana Pauker.4 Jusqu’au moment de son décès précoce causé d’une maladie incurable, Sorana Gurian publie aussi la version 62 Communication interculturelle et littérature

française du roman Zilele nu se intorc niciodată – « Les jours ne reviennent jamais » (en 1952, Éditions Julliard), après, une suite à ce roman, toujours en français, Les Amours impitoyables (en 1953, à la même Maison d’Edition) et le livre Récit d’un combat, écrit sur le lit d’une clinique expérimentale de l’Institut Curie de Paris, là où l’écrivaine trouvera sa fin. Soupçonnée de compromis politiques et moraux répréhensibles, Sorana Gurian se confronte à Paris avec la réticence de ses compatriotes, comme il est indiqué dans le journal de Virgil Ierunca, en 1949:

Sorana Gurian est revenue d’Italie, où on lui avait arrangé la publication de son Journal. Elle se plaint que partout les compatriotes la présentent aux Français comme une « dénonciatrice » ou comme un « agent de Moscou ». La plainte est justifiée: où je vais, on me dit presque les mêmes choses, même par quelques gens prudents avec les épithètes. Je ne suis pas intéressé de cette offensive de potins. Je ne veux pas attraper cette maladie des « soupçons d’espionnage » qui sévit très fort. Je vois simplement en tout réfugié, un vrai homme, il faut l’accepter comme tel, jusqu’à ce qu’il se dévoile seul. S’il se dévoile [Ierunca, 2000 : 84-85].

La figure de Sorana Gurian est sauvée par les références de certaines voix objectives qui offrent des témoignages sur sa verticalité exemplaire. Dans une interview publiée dans la rubrique Dialogues essentiels de Jurnalul literar, Monica Lovinescu oppose à la versatilité de certaines écrivaines telles Ioana Postelnicu et Sanda Movilă, le cas isolé de Sorana Gurian: „Contrairement à elles, une « communiste », comme Sorana Gurian était considérée à l’époque, a été extraordinaire. Elle m’a prévenue de ce qu’on lui préparait dans la « cellule » des écrivains communistes. Les surprises étaient, par conséquent, dans les deux sens. Parfois, elles venaient d’une direction inattendue.”5 La critique littéraire actuelle tente de réintégrer dans le circuit des valeurs Sorana Gurian, entreprise difficile, puisque ses derniers livres n’ont pas encore été traduits. Le critique littéraire de Iaşi, Victor Dumea a publié plusieurs articles6 à ce sujet; Bianca Burţa-Cernat7 consacre aussi une étude de cas minutieuse à cette écrivaine, mais il lui est impossible de supprimer tous les cônes d’ombre sous lesquels se cachent beaucoup de moments de la biographie aventureuse de Sorana Gurian. Ochiurile reţelei - Jurnalul meu din România est dédié „A mes amis restés là” et a pour motto l’affirmation suivante: „...Parce que de Literaturi francofone şi repere ale scriiturii feminine a exilului 63

nos jours ce n’est pas la désintégration de l’atome qui est épouvantable, mais la désintégration des consciences...”. Le livre contient, en fait, les efforts de l’écrivaine de protéger sa propre conscience contre le processus de désintégration perfide et tragique imposé par la terreur du communisme. L’idée sera reprise dans les pages du journal en guise de conclusion à la marée des abandons moraux des artistes:

Les écrivains, les artistes, les peintres, les critiques littéraires, ont été placés dans l’obligation de signer, les uns après les autres, dans les pages de l’organe officiel du Syndicat des écrivains ces affreuses « autocritiques ». J’ai jeté le journal. J’ai la nausée, tant cela me dégoûte. Je sais que la plupart de ceux qui ont signé ne croyaient pas un iota de ce qu’ils avaient écrit. Mais ici, je n’ai aucun pouvoir. Je n’y peux changer une seule ligne, pas même un mot. Et chaque mensonge, chaque lâcheté augmente de plus en plus la quantité de saleté sous laquelle végètent, se décomposent, pourrissent et se désintègrent les consciences des meilleurs d’entre nous... [Gurian, 2002: 211] (ma note E.F.).

Deux autres éléments de paratexte accompagnent le texte proprement dit du journal: un extrait d’un article censuré écrit pour Revista Fundaţiilor Regale, en octobre 1947 („Les rossignols aveugles chantent le mieux... parce qu’ils ne voient pas les grilles de leur cage. Ma chanson ne va pas être ni aimée, ni trompeuse. Je veux crier la vérité comme elle est, hideuse et perçante. Au lieu d’être l’écrivain auquel on a arraché les yeux, dont l’âme est restée sourde et la voix douce, je choisis le silence.” [Gurian, 2002:30] – un credo artistique retrouvé également dans sa démarche de chroniqueur, le „silence” représentant l’expression de la retraite du paysage littéraire de l’époque, mais également l’expression d’une vision lucide du monde, de la vie, consciemment et manifestement assumée) et un fragment d’interview sans date ou lieu, qui s’inscrit sur le même paradigme programmatique, où l’écrivaine refuse le statut d’„écrivain engagé” tout en se déclarant incapable de se former une vision panoramique sur l’histoire, tant que sa conscience reste confinée dans l’observation lucide de la dimension tragique de celle-là, reflétée dans des détails comme: „les larmes de la petite ménagère, la faim de l’enfant, le désespoir de l’employé mis à la porte faute de carnet de membre du Parti” [Gurian, 2002: 31]. La première date notée dans le journal est le 3 décembre 1947. Sorana Gurian ne travaille plus depuis plus d’un an et est à la 64 Communication interculturelle et littérature

recherche d’un „mari” de nationalité étrangère qui, en échange d’une somme considérable d’argent, accepte d’accomplir les formalités de sortie du pays, moyennant des papiers faux. Durant cette période de féroce surveillance politique de la population, le recours à cette „foire aux mariages”8 représentait un risque vital : les autorités communistes étaient assez vigilantes, et les peines appliquées aux coupables, extrêmes: „Les prisons étaient bondées de fugitifs capturés ”[Gurian, 2002: 42] en plein exercice de fuir le pays. Sorana Gurian joue tout sur une seule carte, parce que son passé politique, d’ancienne sympathisante „réactionnaire” („...parfois j’avais l’impression que je portais, comme les gens sandwich, sur la poitrine et au dos une grande pancarte: la Réactionnaire numéro 1...” [Gurian, 2002: 51]), ce passé l’exposait à des risques tolérables juste parce que leur enjeu était de satisfaire une insupportable soif de liberté :

Mais moi, j’ai un passé... un pays. Je suis suspecte pour la police. Je suis journaliste et écrivaine. Je me suis opposée aux décisions du Parti. J’ai osé publier ce que j’ai pensé sur certaines vérités sacro-saintes. C’est un crime que le parti ne pardonnera jamais. Je compte sur l’inattention de la police. Entre mon nom de jeune fille, mon nom de femme divorcée, votre nom et mon nom d’auteur... il y a une chance sur cent qu’on n’y établisse aucune connexion. S’ils le découvrent, ils vont m’arrêter... [Gurian, 2002:45].

Le journal relate au cours de deux années l’aventure tragique de l’obtention du passeport et de la sortie du pays, le véritable „test du labyrinthe” pour l’écrivaine, pour Giovanni, son mari temporaire („Un maigriot avec la joue couverte de boutons, la tête découverte, dans un manteau loqueteux et un journal plié dans sa main. (…) Né à Czernowitz...” [Gurian, 2002: 43]) et un test aussi pour Jo, son mari réel, duquel elle avait divorcé formellement pour pouvoir se remarier, toujours formellement. Sorana Gurian vit pendant cette période dans les paramètres d’un provisorat existentiel, ayant la conscience permanente que, quel que soit le résultat de la tentative d’évasion, son existence n’était pas compatible avec le régime de terreur, humilité et privation de liberté de la personne, mis en place dans le pays:

Je ne veux pas me résigner. Je ne peux pas vivre en prison. Je ne peux pas respirer. Ce n’est pas l’air que je veuille respirer. C’est comme si on demandait aux poissons de vivre ailleurs que dans l’eau. J’ai vécu dans l’espoir qu’après quatre années de guerre… La véritable prison serait Literaturi francofone şi repere ale scriiturii feminine a exilului 65

préférable! Au moins elle me dispenserait des mensonges et slogans sur la merveilleuse vie dans les pays « vraiment » démocratiques ... [Gurian, 2002: 49].

La chimère de la liberté hante toute son existence, d’autant plus que, esprit humaniste et idéaliste, Sorana Gurian sait que cela représente un droit élémentaire, pour l’acquisition duquel elle doit cependant sacrifier sa propre identité : „(...) je sentais que tout m’était devenu hostile, sauf l’immense soif qui me ravissait tout et mon besoin de tendresse, et l’amour,et mon attachement au foyer, la soif m’enlevait toute joie, cette soif corrosive, implacable,la soif de liberté” [Gurian, 2002: 49]. Le titre choisi par l’écrivaine est connotatif pour la dimension documentaire et de témoignage envisagée pour le journal de la Roumanie totalitaire et se réfère au tissu insidieux résultant des mouvements des communistes afin d’abolir la liberté et la dignité de l’individu: „Autour de chacun a été tissu un hideux réseau d’espionnage à l’intérieur duquel, les gens se guettent, se salissent, s’enchevêtrent, s’ébattent. Aucun d’eux ne peut faire rien d’autre que de se demander si, en parlant, en écrivant, en rêvant, il n’a commis aucune erreur... On ne peut plus faire confiance à personne...” [Gurian, 2002: 52-53]. Le journal contient des références directes à la période précédant sa publication, alors que Sorana Gurian était dans les grâces du nouvel ordre politique instauré dans le pays:

Vous étiez bien payée, vous aviez une situation brillante! Sympathisante du communisme, persona grata à l’ambassade de l’URSS ! Vous avez tout perdu! Actuellement, vous êtes considérée comme un ennemi du régime. Oui, ma chère, je sais que cette réputation est exagérée et que dans la profondeur de l’âme, vous êtes plus « de gauche », que beaucoup d’entre nous...” [Gurian, 2002: 51-52], lui reprocha, se doutant de sa „vocation de martyre”, le Secrétaire général du Ministère de la Justice, un ancien proche ami, à qui Sorana Gurian demanda l’aide dans l’un des moments de crise de son odyssée d’évasion. D’ailleurs, la rupture de son ancien entourage, les personnes restées sur les barricades idéologiques du Parti, est tragiquement ressentie: 66 Communication interculturelle et littérature

J’ai eu quelques amis dans le Parti, mais après ma prise de position, je ne les ai plus vus. Ils ont peur de se compromettre. Personne n’interviendra en ma faveur. Ni l’ancien fiancé de ma soeur, à présent, le Ministre du Commerce, ni le procureur général de la République, mon ancien camarade de faculté, ni le président de l’Assemblée Nationale, un écrivain qui avait aimé mes livres… Non, je ne peux compter que sur moi-même” [Gurian, 2002: 37].

Les moments d’aporie réécrits dans le journal se conjuguent avec l’impossibilité de sémantiser au niveau existentiel l’expérience désirée et assumée du dépaysement; écœurée de sa propre lâcheté et versatilité, l’auteur ressent tragiquement la solitude à laquelle la condamnent ses proches d’autrefois, la société, la divinité même:

Christ, saignant, ne me voyait pas, préoccupé de sa souffrance sur l’immense croix noire. (...) Je me voyais lutter et tomber dans un combat inutile. Pourquoi partir? Qu’est-ce qui m’attend là? Nulle part, personne… D’ailleurs, si l’avenir m’offrait toutes les richesses du monde et tous les plaisirs, toujours, toujours, je resterais une désespérée lucide, mécontente de moi même; si jamais je recevais le contentement de soi, le confort d’une conscience tranquille, je les refuserais, dégoûtée, à coup sûr” [Gurian, 2002: 54].

Au long de son journal, Sorana Gurian fait transparaître entre les lignes une souffrance congénitale, impossible à alléger, même si l’auteur essaie de la déguiser à travers un rire cynique. C’est le clivage identitaire stigmatisant qui s’approfondit à une confrontation impitoyable avec l’histoire, atteignant des profondeurs d’abîme. Quand elle doit compléter en détail une fiche pour le recensement organisé en 1948 par le Bureau central des statistiques, Sorana Gurian fait remarquer la forme de puzzle de sa propre identité: „Je me suis follement amusée à compléter ma fiche de recensement. J’ai écrit aux rubriques: citoyenneté, nationalité, langue maternelle, religion: roumaine, juive, russe, catholique. Je pense que c’est le plus complet puzzle et les travailleurs du recensement en seront éblouis”. [Gurian, 2002: 176-177] Même lue dans la clé spécifique de l’absurde, la réaction dont l’auteur double ce moment ne peut pas cacher son tragique: le „fol amusement”, étant en fait la limite du supportable de la situation, une forme de résistance, de survie. La gestion de sa propre identité s’est avérée problématique et impressionnante dans une perspective diachronique. Évoquant la visite Literaturi francofone şi repere ale scriiturii feminine a exilului 67

de la femme peintre Fortuna B., Sorana Gurian décrit trois de ses portraits réalisés par des artistes célèbres, témoignant, chacun, des différentes facettes du profil évolutif de l’écrivaine. Le passé serait représente par l’image de soi que Sorana Gurian trouve dans un tableau de grandes dimensions peint par Magdalena Rădulescu. Le portrait est poétique, concentrant les sentiments et les troubles de l’écrivaine, dans une période de temps ressentie comme bucolique, l’Arcadie, à l’époque où elle écrivait le roman Zilele nu se intorc niciodată. Le visage du portrait dévoile sa mise identitaire:

Elle m’avait poétisée, me donnant l’image que j’avais en tant que Vivian et An… et j’écrivais mon livre. Figure en couleurs pastel, légèrement exotique, difficilement à dire si c’était celle d’une Egyptienne ou d’une Japonaise. Ce regard long et triste à travers les paupières obliques, le regard du loup en captivité dans une cage, nourri avec de gros morceaux de viande et de charogne, ce long regard indéchiffrable du loup qui mène sa vie dans une ménagerie. A ce temps-là, le front gardait encore sa sérénité et la bouche « oeillet sauvage » (précision de l’auteur) (selon les dires du général), la bouche était passionnelle et belle ... L’inclination de la tête, au long du cou courbé, a quelque chose de chaud et d’attendrissant. La grâce des petites épaules rondes et nues est mise en valeur par un épais collier de corail rose et les cheveux bruns entourant l’ovale comme une couronne, offrent à la jeune fille du tableau un air doux et sensuel, une ligne conférant à l’ensemble sa fragilité de bibelot et la force de sa passion...” [Gurian, 2002:139].

En opposition avec cette représentation idéalisée, par la contemplation de laquelle Sorana Gurian retrouve sa passion artistique et sa féminité débordante d’autrefois, c’est le dessin en crayon fait ad hoc par Fortuna B., un signe de gratitude pour l’écrivaine qui lui avait acheté deux albums avec des dessins de George Enescu, aux répétitions duquel elle avait toujours assisté. Cette fois, le portrait

représente une femme sans âge, une femme consciente du sens tragique et désespéré de la vie. Sa bouche reste fermée pour les mots qu’elle ne prononcera jamais et ses yeux fatigués sont dépourvus de regard. Sur le front, deux rides verticales profondes. La figure, plutôt un masque mortuaire, est marquée de la sévérité et la tristesse froide de ceux qui ignorent depuis longtemps ce qu’est l’illusion. C’est la femme qui a vidé sa coupe d’amertume et de douceur de la vie, et en détourne à présent sa figure assoiffée. La lucidité, une lucidité impitoyable, quelque chose de fier et de distant, une intangibilité venue de 68 Communication interculturelle et littérature

l’intérieur, donnent à l’image dépourvue de grâce, la beauté de l’abandon. Ni sérénité, ni résignation, ni humilité. Connaissance et mépris de soi et amère dignité humaine. Dans le dessin fait par F.B., seulement les cheveux, je crois, sont vrais, coupés court, ondulés et vivants” [Gurian, 2002 : 138-139].

La „lecture” de ce portrait, dont l’association avec le présent historique est évidente, équivaut à un geste d’auto-contemplation, avec le but d’auto-connaissance. Elle-même artiste, mais aussi pour se dissocier du contexte „culturel” de l’époque, Sorana Gurian choisit l’art comme possibilité d’auto (ré) présentation. Nous considérons que ce fragment a la valeur de noyau pour le sens général du Journal de Roumanie de l’écrivaine et surtout pour sa valeur identitaire, avec complications et nuances infinies. Ce passage parvient à concentrer tous les éléments définitoires pour l’auteur du journal, présentés comme une clé pertinente d’appréciation de ses expériences de vie de l’après-guerre: le refus orgueilleux des défis de l’histoire, l’éternel fardeau du périssable, le respect de la dignité humaine, l’autodafé assumé, la conscience fragile de sa propre féminité et, surtout, l’immuable lucidité innée qui l’empêche de vivre vraiment et qui la transforme en un témoin implacable du monde. L’inflexibilité de conscience de l’auteur, greffée sur l’obligation d’assumer une identité sociale clandestine en raison de son passé compromettant, la détermine d’apprécier la réalité à laquelle elle assiste conformément au lit de Procuste. L’image personnelle de Sorana Gurian est complétée, dans l’esprit de cette scission, avec le dessin en couleur fait par Lucia D.M. (c’est, bien sûr, Lucia Demetriade Bălăcescu), face à la mer. Cette fois, la représentation anamorphomatique est destinée à lui rappeler comment l’auteur est reçue par le canon artistique du présent, surtout au cas où elle réussirait à l’avenir, à se réfugier dans un autre espace culturel: „…une tête oblongue, genre Clouet, une grâce laide et ironique, un regard interrogateur typique aux myopes. Jo n’aime pas du tout ce dessin, qu’il a appelé femme dépravée (note de l’auteur)”. [Gurian, 2002: 140] et pourtant, malgré cette étiquette, Sorana Gurian a beaucoup aimé ce dessin, qu’elle avait placé juste à côté du miroir, „pour l’accès immédiat à une contemplation comparative et pour récupérer l’innocence d’antan” avec laquelle elle l’associait : ,,Mais comment pourrais-je oublier la petite fille imprudente, audacieuse et rêveuse d’autrefois, telle que j’ai été et je reste dans les profondeurs de Literaturi francofone şi repere ale scriiturii feminine a exilului 69

mon âme... et que je retrouve dans ce dessin, grâce à je ne sais pas quelle magie…” [Gurian, 2002:140]. La présence du miroir (un miroir „aveugle”, pourtant) dans la ligne des trois portraits, exposés, „comme sur les cimaises d’une galerie” [Cozea, 2005: 66] est symbolique, car l’image y réfléchie est tout simplement ignorée, obscurcie, bien qu’elle soit la plus fidèle par rapport à la réalité. L’auteur du journal évite l’enregistrement et la description de l’image du miroir, le visage réel, préférant la présentation ample du détail de certaines réflexions abyssales de sa propre image dans la dimension artistique. Cette attitude iconoclaste est une forme de refus catégorique de l’histoire profane, par sa substitution avec la virtualité de l’art, mais aussi une mise en garde indirecte contre le manque de coïncidence entre le soi réel et celui reflété dans le journal, au niveau de la présence auctoriale. Destiné à la publication avec n’importe quel risque, le journal de Sorana Gurian viole la convention de confidentialité; le livre était censé imposer une image particulière de l’auteur, éventuellement une image pour sauver sa mémoire plus tard ainsi que l’option de l’exil. Le soi projeté dans le sillage de l’époque communiste est donc dans un tragique égotopie9, effet de la distopie totalitaire du premier plan du journal de Sorana Gurian. „La fille du tableau”, ,,la femme sans âge”, et „la femme dépravée” – fragments de sa personnalité au fil du temps – sont les résultats de la tentative de connaissance de soi par l’art à laquelle arrive Sorana Gurian comme conséquence de l’examen narcissique des trois portraits. Il ne s’agit pas uniquement de deux âges différents, mais également de facettes différentes de la même identité, le journal devenant ainsi „l’espace du dialogue impossible, celui entre le moi présent et les mois passés ou futurs” [Dinu, 2012: 29]. La dimension artistique de la personnalité a aussi, au-delà de cette valeur psychologique, une fonction pratique, puisqu’elle favorise et facilite le jeu de la „comédie”, par lequel l’écrivaine Sorana Gurian a réussi à induire en erreur les autorités communistes et à surmonter leur vigilance concernant son identité dangereuse:

C’est moi qui ai appris la leçon à Giovanni, dans le moindre détail, ce n’est pas en vain que je suis romancière (ma note, E.F.). Pour rendre notre petite histoire comme la plus plausible, j’ai choisi les raisons les plus banales, les plus simples,les pires raisons, typiquement petites- bourgeoises, dont personne n’ait rien a dire (…) Je faisais un jeu psychologique avec la police. C’était ma liberté qui était en jeu” [Gurian, 2002:160]. 70 Communication interculturelle et littérature

Même si c’est un journal intime, le livre Ochiurile reţelei conserve non seulement la mémoire du présent, mais jette de fréquents regards vers un passé arcadien, dont la nostalgie est parfois plus difficile à supporter que la pression de l’instant actuel. Cependant, les souvenirs sont invoqués comme une douloureuse forme de résistance, ils détiennent la motivation de l’équilibre d’existence de l’écrivaine. Les „bains” du passé ont l’effet d’un auto-encouragement, renforcent l’estime de soi de l’auteur. Notons que ces évocations d’un passé paradisiaque fonctionnent dans son dernier roman Zilele nu se întorc niciodată comme technique artistique, les analepsies étant là pour marquer les derniers jours du Chef, immobilisé sur son lit de mort, souffrant d’une maladie implacable, dans un fin et tragique tressage des plans temporels. Dans son journal, la mémoire du diariste situe les expériences passées sur deux coordonnées: sentimentale et personnelle (interne), de même que sociale et professionnelle (extérieure). L’image de Paris visité avant la guerre prend dans le souvenir de l’écrivaine une valeur de topos édénique, arcadien; une chanson, un film français éveille, comme chez Proust, la mémoire d’ un passé inaccessible: ,,Un beau vieux film d’une époque disparue pour toujours. J’ai pleuré, en le regardant, enveloppée par la nostalgie de Paris, désirant passer, au moins une fois le long des quais de Passy jusqu’au quai des Fleurs” [Gurian, 2002: 117]. Les épisodes du journal invoqués en violation de la loi Blanchot du calendrier, apportant au premier plan l’image d’un général russe, amoureux de l’écrivaine malgré toutes les incompatibilités, reçoivent aussi des dimensions démesurées : „Nous provenons de deux régions différentes du monde... Il aurait peut-être été préférable de ne pas nous être rencontrés. Mais, que faire? Ça arrive ! Vous êtes une individualiste, moi, un officier soviétique, il est naturel que nous ne puissions pas être heureux ensemble!” [Gurian, 2003:6]. Le retour dans le passé d’une relation sentimentale menacée en permanence par la férocité de l’histoire est d’autant plus douloureux qu’il accentue la conscience de la fragilité et de la vulnérabilité des protagonistes:

Comme toujours, comme un leitmotiv de nos vies, de notre amour, nous traînions comme une malédiction l’ombre porteuse de mal du Parti, la vigilance du Parti, les soupçons du Parti. La peur empoisonnait tout autour de nous, nous faisait perdre les plus beaux moments de la vie, nous obligeait de vivre au jour le jour, ne pas nous soucier de l’avenir, tout Literaturi francofone şi repere ale scriiturii feminine a exilului 71

comme l’homme qui avance sur une route et regarde seulement en arrière...” [Gurian, 2003: 9-10].

L’anéantissement ne tarde pas à apparaître: dans les dernières pages du journal, Sorana Gurian reproduit une discussion au cours de laquelle le général l’avertit qu’il est prêt à placer les intérêts de son Parti avant les sentiments qu’il porte à la femme soupçonnée d’espionnage, prenant l’engagement de la liquider lui-même en cas de confirmation. Outre les conséquences existentielles, le Journal de Roumanie, de Sorana Gurian a un fort enjeu historique, qui l’emporte clairement sur la notation des mouvements intérieurs. L’espace sociopolitique dans lequel se déroule le spectacle dramatique de l’existence est annoté avec une cruelle objectivité, impitoyable. L’intention de publier ce journal à l’étranger pour sensibiliser les habitants de l’ouest sur la réalité tragique de la Roumanie totalitaire, oblige l’œil de l’auteur à observer les aspects les plus représentatifs, le discours prenant souvent, par l’exercice du style journalistique, l’aspect d’un compte rendu:

Il est confirmé, en outre, que presque tous les citoyens soviétiques nommés directeurs d’usines et d’entreprises, une fois une fonction, ont adopté le train de vie des princes. Ils ont des voitures et des appartements confortables. Les appartements réquisitionnés sont déjà meublés, les anciens locataires étant obligés d’évacuer la place dans une période de dix heures. Ils doivent tout abandonner sur place, tout ce qu’ils possèdent: leur linge, leurs nappes, leur vaisselle, leurs tapis, leurs livres. Les Russes s’y installent avec toute la famille et vivent dans un cadre qui n’est pas fait pour eux, comme sous la tente. Les mégots de cigarettes brûlent la boiserie de chêne et les velours, les mains sont essuyées sur les rideaux de tulle, la vaisselle est cassée et les enfants chevauchent la balustrade de l’escalier pour descendre” [Gurian, 2002:95].

Défiant tout risque („Je me débarrasse de ces notes car il n’est point prudent de garder ce cahier chez moi. Les alarmes nocturnes sont continuelles, les perquisitions deviennent de plus en plus « vigilantes » (note de l’auteur). Tous mes amis qui sont au courant, me conseillent de garder mon manuscrit chez l’un des copains, un diplomate” [Gurian, 2002: 25].) Sorana Gurian prend une position dissidente et écrit sur la rationalisation du pain, sur la commercialisation abusive du journal de propagande Scânteia, sur le 72 Communication interculturelle et littérature

froid insupportable dans les logements, sur les humiliations auxquelles étaient soumis les intellectuels et les gens ordinaires des villes et de la campagne: „J’assiste à la décomposition lente d’une classe entière et à la paupérisation lente d’une autre… Je suis un témoin lucide et sans regret parce que je me demande, si on peut regretter quelque chose destinée, sans doute, à la disparition ? Je vois cette misère qui, comme une marée montante, envahit tout, pénètre partout, inonde tout.” [Gurian, 2002: 178] Les figures symboliques du régime communiste sont dessinés en traits épais, grotesques : Staline, proclamé „le génial souverain du monde entier” [Gurian, 2003:154], Ana Pauker, présentée comme une „Ninon de Lenclos fanatique”. [Gurian, 2002: 91] Le journal permet également la reconstruction fidèle du paysage littéraire de l’époque, avec ses lumières et ses ombres: la pression du réalisme socialiste, la soumission des magazines spécialisés, l’abdication esthétique forcée de nombreux écrivains face aux intérêts politiques. La condamnation de l’attitude opportuniste de certains artistes n’est pas purement extérieure, une simple déception culturelle, puisqu’elle est mise en balance avec l’attitude iconoclaste de l’auteur. L’alternative est pour tous les intellectuels la prison ou le renoncement, mais Sorana Gurian refuse le pacte de Faust imposé par l’histoire :

(…) je devrais publier deux ou trois articles dans lesquels je renie tout ce à quoi je croyais jusqu’à présent... Je devrais admettre « mes erreurs du passé » (note de l’auteur), faire mon autocritique, promettre qu’à l’avenir je serai plus sage, que je vais me laisser dirigée par le Parti, dirigée par Père Staline ! Et je vous promets que je ferai tout pour élever le niveau de ma production littéraire, appliquant les principes du réalisme socialiste. Après cela, je vais être mise à travailler, on me commandera à écrire sur des sujets donnés, sur les fermes collectives, ou sur l’industrie minière de charbon... Je devrais me soumettre, signer et rédiger dans un style orthodoxe ce qu’on me commandera d’écrire...” [Gurian, 2002: 130-131].

Le chroniqueur expose une image d’inadaptée aux conditions redoutables et aberrantes du contexte historique et culturel, justifiant en fait, grâce à l’indignation affichée envers la flexibilité morale des collègues de travail, l’option pour la solution de l’exil, comme le seul moyen de sauver sa propre conscience de la „décomposition” : ,,(...) ma lutte (...) tient surtout de ma foi d’écrivain revendiquant son droit d’être lui-même” [Gurian, 2002: 131]. Literaturi francofone şi repere ale scriiturii feminine a exilului 73

Le journal devient une forme de résistance face à la stigmatisation de l’auteur par le monde littéraire détourné de ses ressorts esthétiques naturels par l’immixtion du politique. Sorana Gurian se voit obligée d’assister à une puissante campagne de presse contre ses écrits :

Trois hebdomadaires officiels: Contemporanul, le journal idéologique du Parti, Tineretul, organe de presse des apprentis communistes et Flacăra, le porte-parole du syndicat des écrivains, des artistes et des journalistes, publient des articles de critique dure, mettent en garde les lecteurs pour qu’ils ne se laissent pas séduire par le charme pervers de mes livres. Certains m’accusent d’être un écrivain décadent dont l’œuvre exprime son mépris pour les gens; d’autres, m’accusent de pornographie et d’indécence. Et le troisième, sous la signature d’un ancien camarade, garantit que mon roman Zilele nu se întorc niciodată est un livre libidineux destine aux manucures. Là, je m’oppose. Les manucures, ne sont-elles pas une partie de la classe ouvrière?” [Gurian, 2002:109].

L’attitude chaleureuse et les appréciations sincères des lecteurs compensent quand même pleinement ces outrages directes : „A chaque article de ce type, mes lecteurs anonymes réagissent. Le téléphone sonne sans cesse. (...) Ne vous découragez pas, me dit-on. Personne ne prend pour acquis la boue avec laquelle ils vous couvrent. Nous sommes tous à côté de vous Dans leur esprit, je suis associée à la résistance, de sorte que peu à peu je deviens un symbole. Le symbole involontaire entraîné par une obstination dérisoire” [Gurian, 2002:119]. Le journal laisse comprendre que Sorana Gurian tirera profit de son ascendance juive pour quitter le pays, à l’occasion d’un décret de rapatriement des „émigrants de Alyah” en Palestine. L’octroi de visa de sortie est un événement ressenti comme un miracle. Avec Giovanni, l’écrivaine voyage en train à Budapest puis à Vienne, après quoi elle atteint le territoire italien, à Udine, où les deux conjoints se séparent. L’épilogue10 du journal fait référence à l’impact tragique de la liberté nouvellement acquise sur la conscience de l’auteur. À Gênes, où elle bénéficie de l’aide d’un copain, Sorana Gurian développe quelques réflexions amères, hyperlucides, en ce qui concerne la condition assumée d’un réfugié dans un rêve impossible :

Nous tous, tels que nous sommes, réfugiés politiques ou simples personnes déplacées, sans patrie, à la recherche d’un pays où vivre, certains évitant la prison, d’autres faisant l’apprentissage de la lâcheté, 74 Communication interculturelle et littérature

certains à la recherche de travail, d’autres à la recherche de l’espoir, certains voulant vivre, d’autres ne voulant pas mourir, nous tous, nous avons échappé au destin, tout en étant marqués à jamais. Car, le réfugié n’est pas un émigré... Il est infiniment moins. Il n’est pas l’homme qui reconstruit sa vie et refait son chemin, mais l’homme qui traîne la vie après lui, un homme qui parfois la suit comme un chien battu par son maître, tirant sur la chaîne, mais le suivant quand même... Il n’est pas l’homme libre qui tente sa chance, mais le fugitif cherchant refuge, marqué pour toujours par les traces des chaînes ...” [Gurian, 2003:170].

Le passé ne peut s’oublier facilement, le bilan des expériences encore récentes provoque le désespoir et maintient une crise existentielle qui ne peut pas être guérie :

Glacée d’ horreur, en sueurs, je continue dans le sommeil le voyage sans fin, ce voyage qui m’a pris deux ans de la vie, deux années jalonnées de visas, de faux documents, de faux mariages, de passeports, de timbres, d’enquêtes policières, d’attentes interminables devant les guichets, de files d’attente pour le contrôle, de formalités qui me remplissent d’inquiétude, de dénonciations mensongères, un voyage tragique couvert du masque du quotidien banal” [Gurian, 2003: 176].

La rigidité de la conscience se confronte maintenant avec le sentiment de culpabilité issu de la relation avec ceux restés derrière „le réseau maillé” ; le réquisitoire impitoyable que Sorana Gurian présente à sa propre conscience détermine et nourrit le complexe du déserteur proscrit : „Il est facile à écrire: Mon âme est toujours auprès de vous. S’ils sont près, pourquoi suis-je partie ? Non, je n’ai pas encore fini mes comptes avec moi même. Quoi que je fasse, je reste un déserteur…”11 [Gurian, 2003: 176]. La liberté récente ne peut être appréciée et valorisée que par la mystification de l’être, par le dédoublement et la reconnaissance de l’altérité, il en résultant pourtant un ,,moi haïssable”, conformément à la formule de Pascal : „ (…) un nouvel être se fraie chemin en moi, différent de ce que j’étais. Il entend la sirène d’un bateau flottant sur la mer, entend sonner une cloche, les cris des enfants qui frappent le ballon. (…) A côté de cet être nouveau s’élève, pâle et frémissant, l’être qui n’aime plus personne, qui se débarrasse de mots et d’images, cet être qui regarde fixement le cancer qui envahit son sein: mon passé…” [Gurian, 2003: 177]. A la fin du journal, l’auteur oppose à ces considérations crépusculaires une affirmation simple, où se mêlent une série très diverse d’états d’âme, allant du désespoir et de l’effroi jusqu’à Literaturi francofone şi repere ale scriiturii feminine a exilului 75

l’émotion timide de l’espoir : „Demain je partirai pour Paris” [Gurian, 2003: 177]. Même s’il se veut emblématique pour l’expérience traumatique de l’évasion de l’espace concentrationnaire communiste („Je dis toujours « moi » mais mon destin n’est point différent de celui des autres. Ce que j’ai vécu, c’est l’expérience commune avec les milliers d’autres êtres humains. Un réfugié politique, n’importe qui, de quel pays, de tout point sur la carte de l’Europe centrale et du sud-est, serait en mesure de raconter mon histoire.” [Gurian, 2003: 174]), le journal de Roumanie de Sorana Gurian est unique par la force psychologique de la notation, par la lucidité de l’exhibition des dilemmes identitaires, par l’acuité et l’objectivité de la perspective sur les effets corrosifs du totalitarisme du début sur la société roumaine de l’après-guerre.

Références bibliographiques

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Manolescu, Florin, Enciclopedia exilului literar românesc: 1945-1989, Compania, Bucureşti, 2003. Serghi, Cella, Pe firul de păianjen al memoriei, Polirom, Iaşi, 2013. Streinu, Vladimir, Pagini de critică literară, vol. II, la Maison d’ Edition pour la Littérature, Bucureşti, 1968.

Notes

1 Streinu, Vladimir, Pagini de critică literară, tome 2, la Maison d'Edition pour la Littérature, Bucarest, 1968, p. 230. 2 Gurian, Sorana, in Instantaneu cu Sorana Gurian, de Jeanine Delpech, traduit par Cornelia Ștefănescu, dans Jurnalul literar, nouvelle série, an XI, no. 17-20, septembre-octobre 2001, pp. 6-7. 3 Bianca Burţa-Cernat aussi saisit la dimension littératurisée, fortement marquée par la fictionnalisation, du Journal de Roumanie de Sorana Gurian, qu'elle considère comme un „pseudo journal” [Burţa-Cernat, 2011: 308]. Une possible explication psychanalytique de cet aspect est trouvée par Liana Cozea, par le besoin de Sorana Gurian de compenser la déception de son échec comme écrivain, vu sa mise le dos contre le mur par les communistes: ,,Au-delà des avatars d’une vie tumultueuse, sinueuse et sonore, tellement différente de ses congénères du cénacle de Lovinescu, elle fait preuve d’un authentique talent littéraire qui n’a pas eu le temps d’être consommé ou épuisé dans ses créations de fiction.” [Cozea, 2005:45]. 4 Florescu, Nicolae, Regăsirea Soranei Gurian, in Jurnalul literar, nouvelle série, année XIII, no. 5-10, mars-avril-mai 2002, p. 4. 5 Cu Monica Lovinescu si Virgil Ierunca recapitulând exilul, interview réalisée par Nicole Florescu, in Jurnalul literar, nouvelle série, année XI, no. 13-14, juillet 2000, p.6. 6 Par exemple, Misterioasa viaţă a Soranei Gurian, in Romania literară, no. 20 et 21 du 21-27 mai et du 28 mai-3 juin 2003, disponible à http://www.romlit.ro/misterioasa_via_a_soranei_gurian; Începuturile Soranei Gurian, in Convorbiri literare, no. 5(113), mai 2005, disponible à: http://convorbiri-literare.dntis.ro/DURNEA mai5.html. 7 Burţa-Cernat, Bianca, op. cit., pp. 307-324. 8 „La Foire aux mariages était en plein progrès. Les prix variaient entre 30.000 et. 250.000 lei. Les Italiens et les Grecs sont payés le pire. Les premiers, à cause du divorce, les autres, parce que depuis la guerre civile, la police roumaine leur refusait tout. Seulement les militants communistes reçoivent des passeports (et les militants communistes n'ont pas besoin de se vendre à une femme, ils sont entretenus par notre Parti et notre gouvernement)! Les Français et les Suisses ont la côte. Les mieux côtés Literaturi francofone şi repere ale scriiturii feminine a exilului 77

sont les Américains et les Anglais. Ils sont très peu nombreux et se prêtent avec difficulté à un mariage blanc.” [Gurian, 2002: 40]. 9 Nous entendrons par cette structure l’image de soi idéale consciemment construite dans les pages du journal destiné à la publication, image qui résulte de la confluence conflictuelle avec la pression de l’histoire. 10 „L' Epilogue du livre se situe, en effet, à un niveau particulier, expression directe, dont la sincérité ne peut plus être mise en doute, de la confrontation de la conscience avec les limites tant de la condition personnelle d'un certain individu, c'est-à-dire, dans ce cas l'auteur de la chronique, qu’avec les limites généralement humaines.” - Durnea, Victor, Misterioasa viaţă a Soranei Gurian, in România literară, nr. 21, du 28 mai-3 juin 2003, disponible à http://www.romlit. ro/misterioasa_via_ a_soranei_gurian2. 11 Nous ajoutons ici, pour sa pertinence par rapport a l’idée en discussion, une autre citation importante: „J'ai honte d’avoir déserté. Honte d’avoir laissé mes amis à lutter seuls. Honte, comme si j'étais un soldat qui avait pris sa fuite, laissant entre les fils de fer barbelé, les corps mutilés et encore en vie de ses camarades. Que dois-je faire ? Je ne sais pas. La raison me dicte de faire l'impossible, de risquer ma vie dans ce départ. Mais la raison n'a rien à voir avec ce que je ressens. Ces liaisons qui se défont et tombent comme les pansements séchés qui se décollent, laissant voir une plaie cicatrisée...” [Gurian, 2003: 169].

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Agota Kristof : langue et écriture dans le contexte de l’exil

Iryna Sobchenko

Résumé : Dans l’écriture d’Agota Kristof le dispositif minimaliste semble surgir au même temps qu’un certain code normatif qu’on doit accepter à cause du déplacement vers l’espace langagier et culturel étranger. « Le défi de l’analphabète », comme Kristof appelle elle-même son écriture, est lancé au pouvoir imminent de la langue d’accueil, le français, qui est marqué par les siècles de souci de la langue et du style. Dans le contexte de l’exil, l’écriture minimaliste devient la critique de la conception essentialiste de la langue et de la littérature, déterminées par l’identité nationale. La présente communication tend à développer une réflexion sur les modes à travers lesquels dans les romans et les récits d’Agota Kristof l’écriture minimaliste fait face à la discontinuité du sujet et au pouvoir de la langue, aussi bien qu’élucider l’aspect éthique de l’écriture en tant que réalisation d’une intention, d’un choix qui résulte de la situation d’ambivalence langagière. Mots-clés : Agota Kristof, écriture minimaliste, écriture blanche, pouvoir de la langue, éthique de l’écriture, dialectique négative.

Dans l’univers romanesque d’Agota Kristof il existe une expression qui, tout en étant inscrite dans le cadre historique et biographique et en ce sens légitime, s’avère même plus troublante que la cruauté des labyrinthes vertigineux de sa narration. Il s’agit de la fameuse « langue ennemie », dénomination à laquelle l’autrice a recours pour designer la langue étrangère, et surtout le français. La première occurrence de ces mots est repérée dans le récit autobiographique « L’Analphabète », exactement dans le chapitre quasiment homonyme où surgit l’opposition langue maternelle-langue ennemie1. De même, cet affrontement est reflété dans la mappemonde langagière du Grand Cahier: la première langue étrangère apprise par les jumeaux est littéralement la langue ennemie, celle de l’officier allemand, aussi bien que la langue de Grand-Mère, qu’elle ne parle qu’en buvant toute seule dans sa chambre. L’allemand, langue de l’occupation, le russe, langue du régime totalitaire, pénètrent l’espace Literaturi francofone şi repere ale scriiturii feminine a exilului 79

unique et clos de la langue maternelle, mais le français paradoxalement devient l’adversaire plus menaçant, car il « est en train de tuer ma langue maternelle », avoue Kristof, qui doit « affronter », lutter pour « conquérir cette langue »2. Cependant la radicalité binaire de l’opposition langue maternelle-langue ennemie est brouillée par l’existence du tiers – « langue inventée », une sorte de langue secrète que les enfants, Agota et son frère Yano, ne parlaient qu’entre eux, et qu’ils imaginaient également être la langue des Tziganes. Ces derniers l’utilisaient, selon les enfants, « parce que dans le bistrot du village ils avaient des verres marqués, des verres rien que pour eux, car personne ne voulait boire dans un verre dans lequel le Tzigane a bu »3. Évidemment cette « langue inventée », acte personnel et même collectif de la résistance à la discrimination, à la contrainte d’être « marqué », est par excellence la langue de l’exil. La rupture au niveau de la langue se représente, semble-t-il, à travers l’ensemble des codes qui marquent profondément l’écriture kristofienne, en creusant l’idéologie de la langue et de l’identité. L’œuvre d’Agota Kristof, écrivaine d’origine hongroise, émigrée en Suisse en 1956, s’inscrit à part entière dans l’espace de la littérature européenne et mondiale, étant comparable, sans exagérer, avec celui des figures majeures du procès littéraire européen telles que, par exemple, Kafka, Camus ou bien Beckett, auteur de référence pour l’écriture dite minimaliste, ou les autres écrivains plutôt contemporains qui abordent les questions de la langue, de l’exil, du sujet discontinu, de l’altérité. L’œuvre d’Agota Kristof est engagée en premier lieu dans le contexte de la littérature du déracinement – la génération des écrivains transfuges de la deuxième moitié du XXe siècle. Nombre d’auteurs – Valérie Petitpierre, Rennie Yotova, Noël Cordonnier, Tijana Miletič, Silvia Audo Gianotti, Marie Noëlle Riboni-Edme – interrogent l’identité versatile qui paraît sur la frontière langagière et culturelle en associant l’écriture kristofienne avec le discours de l’exil à formes multiples. La phénoménologie de l’exil chez Kristof se révèle de toute évidence dans le travail avec la langue dont le résultat est l’écriture extrêmement sobre et dépouillée, qu’on peut non sans raison nommer minimaliste. Cherchant à éviter l’approche trop généralisatrice, surtout par rapport aux écrivains contemporains, nous appelons minimaliste l’écriture d’un tel ou tel auteur dès lors que dans sa profondeur le minimalisme existe en manière du principe plus au moins articulé. L’attention au minimalisme considéré dans l’ensemble des pratiques textuelles et des 80 Communication interculturelle et littérature

tendances littéraires chez plusieurs auteurs nous paraît pertinente du point de vue des études des formes narratives dans le roman contemporain. Notamment il s’agit du phénomène de l’écriture blanche, évoqué par R. Barthes dans son essai Le Degré zéro de l’écriture (1953) et actualisé dans différents contextes critiques pendant ces dernières décennies – dès auteurs de l’édition de Minuit à ce que l’on appelle « le minimalisme positif » de Philippe Delerm et Christian Bobin. Du fait que la notion du minimalisme dans la littérature de la fin ХХe – début ХХІe siècles surgit au croisement de l’art visuel, de la musique et de la littérature, l’étude de l’identité textuelle dans l’écriture minimaliste est impossible sans prendre en considération l’aspect intermédial ce qui prévoit la polyvalence des formes et structures minimalistes. De l’autre côté, l’écriture minimaliste comme toute autre écriture tend à problématiser les catégories de forme et de la structure, en les traitant avant tout du point de vue de leur caractère non linéaire, non hiérarchique, inachevé. Ainsi dans notre recherche sur la construction de l’identité textuelle dans l’écriture d’Agota Kristof nous avons recours à des aspects différents de l’écriture minimaliste: les modalités de l’énonciation, l’organisation de l’espace textuel, l’identification générique et la structuration sémantique. Il est donc justifié de parler de l’écriture minimaliste chez Agota Kristof en tant que principe car avant tout cette conception est déclarée à travers ses textes, notamment dans le passage bien connu du Grand Cahier. Le commentaire du narrateur homodiégétique dans ce roman « des jumeaux qui sont en train d’écrire leur journal intime » montre que la vérité et la fidélité aux faits sont l’intention première de l’énonciation minimaliste : « Nous devons décrire ce qui est, ce que nous voyons, ce que nous entendons, ce que nous faisons »4, « les mots qui définissent les sentiments sont très vagues; il vaut mieux éviter leur emploi et s’en tenir à la description des objets, des êtres humains et de soi-même, c’est-à-dire à la description fidèle des faits »5. Pratiquée déjà à partir des premières expériences littéraires, les pièces pour radio et théâtre, l’écriture dénotative d’Agota Kristof est vouée à la dialectique négative de l’auto-réfutation que certains commentateurs de son œuvre considèrent comme nihiliste. En rapport de ce malaise langagier l’un des fragments du métatexte les plus éloquents est la nouvelle L’écrivain du recueil C’est égal. Le personnage se retire du monde pour écrire « l’œuvre de sa vie »6. Il se croit être un grand écrivain, pourtant il n’a encore rien écrit; de vains Literaturi francofone şi repere ale scriiturii feminine a exilului 81

efforts pour retrouver un sujet « assez grand », la solitude, le silence et le vide irréparables le mènent à l’état d’un profond désespoir jusqu’à ce qu’il s’exclame: « J’écrirai tout, tout ce qu’on peut écrire ». Mais son alter ego ironique lui répond : « D’accord, fiston. Tout, mais pas plus, hein? »7. Ici ce « tout, mais pas plus », où la puissance existentielle de l’acte de l’écriture fait face à la précarité de la parole, rappelle une paraphrase de « less is more », « moins, c’est plus », le slogan universel du minimalisme. Le discours littéraire d’Agota Kristof, étant loin de toute conceptualisation exagérée, est quand même marqué par la réflexion profonde et sublime sur les rapports entre la parole et le sens, et l’intention minimaliste semble y être un mode de ce questionnement. La langue, le mot idéologiquement marqué pour Kristof, est la localisation apparente de la frontière que le mouvement de l’écriture tente de franchir. Dans le monde où existent la langue maternelle et les langues ennemies, l’écriture est la marche interminable destinée à surmonter l’aphasie, « l’analphabétisme » temporaire dû à la tyrannie symbolique de la langue du pays d’accueil. Ainsi les textes d’Agota Kristof mettent-ils en valeur l’opposition entre la langue et l’écriture, de la même manière que Roland Barthes le fait dans l’essai Le Degré zéro de l’écriture: « L’écrivain n’y puise rien, à la lettre: la langue est plutôt pour lui comme une ligne dont la transgression désignera peut- être une surnature du langage: elle est l’aire d’une action, la définition et l’attente d’un possible. Elle n’est pas le lieu d’un engagement social, mais seulement un réflexe sans choix, la propriété indivise des hommes et non pas des écrivains; elle reste en dehors du rituel des Lettres; c’est un objet social par définition, non par élection » [ Barthes, 1972: 12 ]. D’autres paroles de l’écrivaine résonnent en écho: « Cette langue, je ne l’ai pas choisie. Elle m’a été imposée par le sort, par le hasard, par les circonstances »8. L’écriture pour Agota Kristof est un paradoxe, une sorte de double contrainte: elle l’assume d’abord comme la nécessité, comme un engagement qui est, selon l’observation d’Emanuela Cavicchi, « la question de vie ou de mort » [ Cavicchi, 2009: 177 ], mais en même temps c’est un mouvement suicidaire, « mortifère », comme le caractérise Rennie Yotova [ Yotova, 2011: 62 ], « un douloureux processus d’anéantissement » [ Yotova, 2011: 10 ]. Dans l’un des entretiens l’écrivaine explique sa situation de l’écriture très sincèrement: « L’écriture n’est pas une thérapie. Au contraire, j’ai souffert encore plus d’écrire ce livre. L’écriture ne m’aide pas. C’est presque 82 Communication interculturelle et littérature

suicidaire. Écrire, c’est la chose la plus difficile au monde. Et pourtant, c’est la seule chose qui m’intéresse. Et pourtant, elle me rend malade »9. Encore ici on trace les liens avec la pensée barthienne, qui est, semble-t-il, le commentaire universel pour l’expérience littéraire d’Agota Kristof: « Aussi l’écriture est-elle une réalité ambiguë: d’une part, elle naît incontestablement d’une confrontation de l’écrivain et de sa société; d’autre part, de cette finalité sociale, elle renvoie l’écrivain, par une sorte de transfert tragique, aux sources instrumentales de sa création » [ Barthes, 1972: 16 ]. L’écriture blanche, qui, selon Barthes, est l’écriture neutre, libérée d’« un ordre marqué du langage » [ Barthes, 1972: 55 ], est étroitement liée au discours de l’exil. Il s’agit non seulement de l’aliénation, du déracinement et de l’isolement, d’inévitables compagnons de l’exilé, qui peuvent éventuellement s’inscrire dans des formes de l’économie langagière, mais aussi des expériences traumatiques extrêmes, de l’écriture dite des limites, car l’exil le plus souvent est le résultat des catastrophes politiques et économiques, – et l’œuvre d’Agota Kristof en est un remarquable témoignage, – face auxquelles la littérature dans le XXe siècle a subi beaucoup de transformations. Jean Cayrol, mentionné dans l’essai de Barthes parmi les auteurs de l’écriture blanche, introduit au début des années 50 la notion du « roman lazaréen », c’est-à-dire, le roman sur les camps de concentration, où le narrateur est associé à l’image de Lazare, personnage symbolique pour la littérature de l’après-guerre, l’être humain qui a passé par la mort, y compris celle de l’humanisme même, et qui en est revenu pour témoigner. Marie-Laure Basuyaux cerne le fonctionnement des procédés stylistiques de l’écriture concentrationnaire de Cayrol où force est de constater une affinité frappante avec l’écriture minimaliste d’Agota Kristof: l’utilisation du présent itératif [ Basuyaux, 2009: 86 ], comme dans certains passages du Grand Cahier, par exemple, « Les travaux »; la syntaxe coupée et l’utilisation des pronoms anaphoriques, l’alternance des voix narratives, et surtout l’écart et l’étrangeté du sujet narrant. Cayrol introduit la notion de l’écriture « alittéraire », qui, pour des raisons éthiques, se met à l’écart de la préciosité stylistique des belles lettres, et le fait qu’il opère cette transformation à l’intérieur de la langue maternelle, qu’il parle d’un « style concentrationnaire » [ Basuyaux, 2009: 92 ] et non du contenu, lui-même ayant survécu à la déportation, le rend encore plus proche de l’écriture d’Agota Kristof où l’exil est expérience ontologique et non seulement cartographique. Literaturi francofone şi repere ale scriiturii feminine a exilului 83

À quel objet de critique l’écriture minimaliste fait-elle donc appel: à la conception essentialiste de la langue, au sujet cartésien, au pouvoir de la langue ou bien à l’utopie de la littérature nationale ? Noël Cordonnier propose deux modèles de réception de la Trilogie selon les rapports avec la langue et la culture française. D’un part, la lecture peut se déployer dans la perspective essentialiste, selon laquelle l’écriture minimaliste d’Agota Kristof, dégagée du registre affectif, est la découverte de la « nature » cartésienne du français, langue de la clarté, de la raison et de la philosophie [ Cordonnier, 2001: 95 ]. D’autre part, la langue de la Trilogie est détachée du contexte littéraire français et fonctionne exceptionnellement en tant que moyen de communication neutre. De ce point de vue, la non-identification des langues chez Kristof témoigne de la nature traumatisante de liaison langue-identité, pour laquelle l’Europe continue à payer un prix trop cher à cause de ses fantasmes impérialistes exagérés [ Cordonnier, 2001: 98 ]. Jean- Marc Moura décrit la situation de l’énonciation dans les littératures francophones à travers les phénomènes de la périphérie et de la coexistence. Bien qu’il évoque dans son étude en premier lieu le contexte postcolonial et les écrivains non européens au sein de la littérature européenne, les pratiques y mentionnées retrouvent sa pertinence dans le cadre plus vaste de toute situation de l’écriture entre les langues. Si la périphérie signifie la rupture entre l’énonciation même et l’espace où elle se déploie, la coexistence linguistique et littéraire engendre des mondes symboliques fonctionnant en tant que systèmes de « légitimation » de la réalité sociale qui exerce l’influence cognitive et normative sur le sujet écrivant. L’univers symbolique se présente comme « matrice de toutes les significations » [ Moura, 1999: 51 ], qui accumule les connaissances nécessaires et définit les critères des pratiques sociales et de ses participants. Par conséquent, la situation de coexistence dans les littératures francophones prévoit la légitimation de la norme de l’espace d’accueil en même temps que l’autolégitimation de son identité par rapport à cette norme. De différentes formes de l’interaction entre les mondes symboliques dans l’espace idéologique commun – de la confrontation acharnée au compromis et l’entente – créent à travers l’hybridation littéraire une nouvelle réalité, du fait que « L’œuvre littéraire cherche précisément à rendre une cohérence au monde, à travailler, du cœur de cet éclatement et de cette insécurité, à une unité symbolique » [ Moura, 1999: 55 ]. De toute évidence on peut affirmer que l’écriture 84 Communication interculturelle et littérature

minimaliste d’Agota Kristof est une forme de l’autolégitimation face au conflit des mondes symboliques langagiers et de la tentation de mettre en évidence l’identité incertaine de l’exilée, mais s’agit-il vraiment de la restitution de l’ordre symbolique identitaire ? L’écriture est un moyen dominant de l’énonciation du narrateur chez Agota Kristof, notamment dans la Trilogie et Hier, et en tant qu’acte énonciatif elle est marquée par le désir de sincérité. Les jumeaux ressentent le besoin d’« écrire la vérité », tandis que ce qu’ils disent est très souvent loin de la vérité. Les marques de la fiction dans les textes de Kristof renvoient d’une façon ou d’une autre à l’écriture, au seul fait de l’écrit. Sous cet aspect les éléments paratextuels de la Trilogie sont exemplaires – Le Grand Cahier, La Preuve et Le Troisième Mensonge, où le titre du premier roman parle de lui-même, et le deux autres sont des paraphrases synonymiques du « cahier », d’un manuscrit, qui est « la preuve » dans le deuxième roman et « le mensonge » dans le troisième. Ce qui est écrit, est inventé de par sa nature, car la parole ne reflète pas la réalité mais la transforme. Tobias, personnage du roman Hier, avoue: « <…> dès qu’on écrit, les pensées se transforment, se déforment, et tout devient faux. À cause des mots »10. Son écriture échappe au contrôle et vit sa propre vie en construisant le monde parallèle : « L’ennui c’est que je n’écris pas ce que je devrais écrire, j’écris n’importe quoi, des choses que personne ne peut comprendre et que je ne comprends moi-même. Le soir, quand je recopie ce que j’ai écrit dans ma tête au long de la journée, je me demande pourquoi j’ai écrit tout cela. Pour qui et pour quelle raison? »11. L’écriture consume, envahit, détruit: « Je suis fatigué. Hier soir, j’ai encore écrit en buvant de la bière. Les phrases tournent dans ma tête. Je pense que l’écriture me tuera »12. Ici on voit que l’écriture de l’exil est un modèle de l’échange compliqué, ce que Jean Rousset appelle « l’échange entravé » et « échange interdit » [ Rousset, 1990: 32 ] : non seulement le destinataire est inaccessible ou absent et son existence réelle est constamment mise en question, comme c’est le cas de Claus et Lucas (La Preuve, Le Troisième Mensonge) ou bien de Line (Hier), mais aussi le mode de l’énonciation, l’écriture, se révèle inapproprié et compromettant. Pour les personnages d’Agota Kristof, aussi bien que pour la génération entière des exilés, l’exil est avant tout la catastrophe communicative et la recherche désespérée des moyens de restitution des liens avec le monde. La question de la sincérité, importante pour le minimalisme kristofien, met en place une suite de stratégies narratives, dont la Literaturi francofone şi repere ale scriiturii feminine a exilului 85

déstabilisation de l’instance narratrice qui apparaît non seulement à cause de l’alternance du « nous », « je » et « il », comme c’est le cas dans la Trilogie, mais aussi par la réfutation conséquente des faits relatés, la proclamation des affirmations contradictoires et le jeu de perturbation de la cohérence sémantique de la narration. Dans La Preuve, la présence au début du roman des détails déjà connus du lecteur crée l’illusion de la continuation de la même histoire: on rencontre le curé et Victor, on se souvient de Grand-Mère décédée, de la mort tragique de Mère et de la petite sœur de Lucas. Mais pourtant Lucas est seul à connaître le fait de l’existence de Claus. Même le curé qui dans Le Grand Cahier s’adressait à tous les deux, à ce fameux « nous », n’évoque à aucun titre le deuxième frère. Dans Hier la narration se déploie à deux niveaux: extradiégétique (l’histoire d’un immigré dans un pays étranger) et intradiégétique (l’espace de l’écriture fantasmatique). Dès le début du roman ces deux niveaux ne sont pas nettement délimités, ils déroutent le lecteur par les références contradictoires : « C’est comme cela que je suis mort. Bientôt mon corps se confondit avec la terre »13; « Naturellement, je ne suis pas mort. Un promeneur m’a trouvé couché dans la boue, en pleine forêt » ; « – On ne peut pas écrire sa mort. C’est le psychiatre qui m’a dit ça »14. Cette progression référentielle complique la découverte des limites du monde inventé par Sandor-Tobias, qui se réalise grâce à la démystification du mensonge fictionnel au niveau extradiégétique, c’est-à-dire, au cours de la conversation avec le psychiatre : « Line n’est qu’un personnage inventé. Elle n’existe pas »15. Or, cette indétermination demeure même au niveau extradiégétique, ce qu’on peut remarquer dans le fragment suivant : « Certainement. Je sais qu’elle existe quelque part. J’ai toujours su que je n’étais venu au monde que pour la rencontrer. Et elle de même. Elle n’est venue au monde que pour me rencontrer. Elle s’appelle Line, elle est ma femme, mon amour, ma vie. Je ne l’ai jamais vue. Yolande, je l’ai rencontrée en achetant des chaussettes. Des noires, des grises, des chaussettes de tennis blanches. Je ne joue pas au tennis »16. À propos de ce type d’énonciation on peut évoquer la notion du « narrateur incertain », introduite par Wayne C. Booth [Booth, 1983] : les intentions du sujet sont ambivalentes, il n’est pas sûr de ce qu’il relate, son identité est floue, car en déclarant le désir d’être sincère et n’écrire que de la vérité, il joue avec le lecteur en le désorientant. La déstabilisation de l’instance narratrice, qui renvoie dans les romans d’Agota Kristof à des figures de l’enfant, du fou et du menteur, fait 86 Communication interculturelle et littérature

penser à l’idée que dans la réalité fictionnelle il n’existe pas de vérité monophonique, et à la remarque de Philippe Gasparini concernant la mise en place de l’identité incertaine par le miroitement du « je » et du « il », qui témoigne d’un refus « d’une écriture soi-disant neutre, innocente, naturellement sincère et objective » et en même temps de « la quête d’une objectivité supérieure » [Gasparini, 2004: 157]. Étant mise en question d’une manière permanente, l’identité instable du « je » narrant (qui est le plus souvent le « je » écrivant), empêche le lecteur de succomber à deux types d’illusion, référentielle et fictionnelle. Dans l’entretien avec Philippe Savary, l’autrice souligne l’importance de sa stratégie narrative: « J’ai voulu montrer que Le Grand Cahier était un mensonge. Lucas n’a pas vécu chez grand-mère avec son frère jumeau. L’embellissement, c’était refuser de décrire cette solitude, en inventant une vie à deux, dans laquelle la réalisation de soi était possible »17. Aussi le problème de la sincérité dans l’œuvre d’Agota Kristof est-il résolu au moyen de la double négation : la visée pragmatique première de l’acte fictionnel, celle de créer un monde inventé, est démystifiée par la constatation de sa nature fictionnelle. Le narrateur avouant d’une manière explicite ou implicite que l’histoire relatée n’est qu’un mensonge, une fabulation, est en train de vivre le moment de la sincérité par rapport à son lecteur. Dans cette optique, l’écriture d’Agota Kristof envisage la question de sincérité non seulement à l’intérieur du texte fictionnel, mais aussi dans le cadre général de l’énonciation: le sujet de l’énonciation peut-il être vraiment sincère jusqu’au fond prenant en considération le fait que son identité n’est jamais unitaire, que sa parole est conditionnée par l’inconscient, par l’appartenance linguistique, culturelle, idéologique, aussi bien que par l’engagement dans multiples pratiques discursives ? Sans doute, ici il s’agit d’un problème global de la littérature de la deuxième moitié du XXe siècle, après la psychanalyse de Lacan et la philosophie poststructuraliste – la découverte de l’absence du locuteur idéal qui serait l’unique source de ses énonciations et exercerait le contrôle total sur son discours. À travers les caractéristiques énonciatives et les codes narratifs, révélés dans les textes d’Agota Kristof, on peut cerner le sujet « exilé » de sa langue, déplacé par rapport à son langage, mais est-il donc « réfugié » dans l’écriture ? Non sans raison on peut conclure à ce sujet, comme Rennie Yotova, que « les personnages d’Agota Kristof n’arrivent pas à s’enraciner dans l’écriture, ni elle-même, qui reste de fait une « exilée existentielle », profondément nihiliste » Literaturi francofone şi repere ale scriiturii feminine a exilului 87

[Yotova, 2011: 17]. Le vocabulaire de l’exil est visiblement articulé par l’écrivaine dans ses textes, surtout dans Hier et des nouvelles comme L’écrivain, aussi bien que le passage remarquable du Troisième Mensonge : « Je lui dis que la vie est d’une inutilité totale, elle est non-sens, aberration, souffrance infinie, l’invention d’un Non- Dieu dont la méchanceté dépasse l’entendement »18. Néanmoins Agota Kristof est loin d’être pathétique, quand elle dit qu’il n’a pas assez de mots dans le vocabulaire pour décrire la douleur19, car c’est plutôt à cause de l’ironie envers la parole défaillante qu’elle fait Klaus, son personnage, reprendre presque mot à mot une citation d’Amras de Thomas Bernhard, dont elle apprécie l’humour noir, et dont l’œuvre est une source d’inspiration pour elle. La manière dont Agota Kristof effectue le travail sur la langue dans le contexte de l’exil renvoie aux procédés de la réflexion et de la prise de distance dans la situation d’entre-deux-langues, aux régimes de la coexistence ou bien ceux de l’opposition. Muriel Zeender Berset applique au champ de la littérature romande certains concepts de la critique francophone qu’elle considère comme pertinents, surtout ceux de surconscience linguistique, d’hétérolinguisme et de normalisation, les notions élaborées respectivement par Lise Gauvin, Rainier Grutman et François Ricard [Zeender Berset, 2010: 41]. Elle met en valeur l’importance de l’expérience hétérolingue qui offre une approche du monde plus complexe et plus variée, ouvre des voies multiples « d’accès au sens » [Zeender Berset, 2010: 16] et permet de vivre la mise en distance par rapport à la langue, composante nécessaire de tout procès de la création littéraire, d’une manière plus directe, ce qui n’est pas toujours accessible pour un écrivain « monolingue ». Premièrement, en transformant le français normatif en une sorte de la langue de base, avec la syntaxe répétitive, le rythme implacable de la fabrique d’horlogerie et le vocabulaire extrêmement simplifié, mis au degré zéro de l’expression connotative, Agota Kristof réussit à créer une autre langue à l’intérieur de la langue française, l’acte dont Rennie Yotova remarque l’importance, et qui fait de la littérature un « contre-pouvoir » [Yotova, 2011: 41]. D’autre part, l’écriture minimaliste d’Agota Kristof dans sa résistance au pouvoir de la langue n’est pas la surface lisse et homogène: des contradictions, des blancs, le silence, les citations indirectes (voir la citation susmentionnée de Bernhard) insérées dans le cadre ironique et tragique à la fois, la présence de l’onirique, les traces de la langue maternelle dans le discours lyrique (fragments des poèmes) font preuve d’une optique 88 Communication interculturelle et littérature

profondément hétéroglosse. Rennie Yotova repère le grotesque de l’écriture d’Agota Kristof qui résulte du mélange des genres et de l’humour noir, « la présence simultanée de ce qui fait rire et de ce qui est incompatible avec le rire » [Yotova, 2011: 45]. L’écriture minimaliste, semble-t-il, est susceptible de travailler l’hétérogénéité avec une sorte de logique binaire, qui, comme le remarque Jacques Poirier, oppose la transparence de l’écriture blanche à l’excessivité baroque de « l’écriture noire » [Poirier, 2009: 337]. En ce qui concerne la « normalisation » (terme étymologiquement un peu ambigu, parce qu’il s’agit plutôt de la transgression), dans l’exemple du monde littéraire suisse romand, on observe le mouvement vers l’extérieur, l’abandon de la « logique des blocs »: « Reflétant les changements opérés à l’échelle de la planète, le monde littéraire romand revoit l’angle sous lequel il interrogeait sa production littéraire. En se libérant de l’emprise essentialiste, il se dégage d’une problématique strictement identitaire. Normalisée, sa littérature s’ouvre plus sereinement aux questions de langue, en osant « enfreindre » le bon français » [Zeender Berset, 2010: 42]. Cet éloignement de l’essentialisme langagier et identitaire est particulièrement important dans la littérature de la migration, qui est devenue aujourd’hui une « cinquième littérature de Suisse ». Dans ce cadre-là, il est à noter une image fantasmatique de la frontière en tant que désir permanent de franchir l’infranchissable – non seulement en termes d’espace, où l’exil devient un exercice cruel mais inévitable, comme c’est le cas de Claus et Lucas, mais aussi dans les termes de l’expérience hétérolingue: malgré la distance par rapport au français, Agota Kristof, « une passionnée du dictionnaire », l’accepte en tant que « défi d’une analphabète »20. L’écriture minimaliste et l’écriture blanche sont-elles vraiment des concepts synonymiques ? Certains textes critiques prouvent qu’il existe un décalage entre ces deux termes, surtout du point de vue de la présence du sujet et du degré de son engagement. Pierre Ballans tend à redéfinir le concept barthien de l’écriture blanche en le traitant dans le contexte de la destruction du sens. Il s’agit de « l’écriture qui déshumanise, produisant un texte qui fixe sur le support matériel une parole « performative », faisant acte, sur le modèle de l’écrit administratif, juridique, comptable, où chaque mot « compte », dépourvu d’ambiguïté, et instaure une loi ou une pression s’exerçant sur des individus abstraits et anonymes » [Ballans, 2007: 5]. Il met l’accent sur l’interprétation du degré zéro de l’écriture, qui est, selon Literaturi francofone şi repere ale scriiturii feminine a exilului 89

Barthes, la dernière étape du développement de l’écriture, en tant que « mort de l’écriture » dans le contexte de la mort du sujet, postulée par l’idéologie postmoderniste : « Ainsi, celui qui écrit de cette écriture blanche, impersonnelle, tend à une écriture de formulation mathématique, donc sans auteur: le sujet disparaît pour n’être plus que le scribe qui rend compte » [Ballans, 2007: 20]. Il s’agit de l’écriture qui devient la source du pouvoir: c’est une trace « minérale », gravée sur la pierre, qui « engage le scripteur de façon irréversible » [Ballans, 2007: 11], en manifestant par cette présence de l’Autre sa force matérialisée. La loi ou le code gravés sur les tables en pierre transmettent la vérité du transcendant à l’empirique, la localisent dans une chose. Bien sûr, la perspective dans laquelle Pierre Ballans traite l’écriture blanche, – il s’agit de l’écriture de violence, « détournée de sa fonction de l’adresse à l’autre », qui « présentifie » le sujet en tant qu’objet, une chose, en fétichisant l’acte de l’écriture, – renvoie à l’autre type de discours de l’extrême et du pervers, comme l’œuvre de Sade. De même, le modèle de cette « écriture perverse » peut être applicable aux textes kristofiens. En effet, le style du « Grand Cahier » est parfois très proche du « style code civil », prenant en considération le soin de l’impassibilité pratiqué par les jumeaux. Dans la conversation avec le libraire, ils utilisent les expressions trop formelles, ce qui distingue leur langue de celle des enfants dits normaux. Leur style officiel exagéré (« Nous sommes disposés à effectuer quelques travaux pour vous en échange de ces objets »21) – acquiert une valeur pragmatique, car c’est en détournant la langue « normale » que les jumeaux obtiennent du papier et des crayons qu’ils ne peuvent pas acheter. La présence du discours officiel se manifeste également dans la composition de La Preuve, où le journal peut obtenir le statut juridique de la preuve jointe au « dossier » avec le procès-verbal des autorités au sujet du rapatriement de Claus. L’aspect minéral de l’écriture blanche, gravée, cristallisée, ossifiée, répétitive, ce que Roland Barthes appelle « un réseau de formes durcies » [Barthes, 1972: 57], se réalise dans l’espace romanesque d’Agota Kristof dans tout un réseau sémantique des ossements, des restes, du tombeau exhumé. Dans Le Grand Cahier, le père des jumeaux exhume les corps de sa femme tuée par un obus et de son bébé, et les garçons les nettoient pour les garder soigneusement dans le galetas. Dans La Preuve, Mathias les transporte dans sa chambre, et après son suicide, Lucas conservera de la même manière le corps d’un 90 Communication interculturelle et littérature

malheureux garçon. À part le désir de conserver le « résidu sec » du corps humain en tant que preuve de son existence, le squelette est lié à la métaphore macabre de la vérité cachée sous la chair, à la connaissance du principe transcendant, qui se découvre à travers la mort du corps. C’est de cette manière-là que l’écriture minimaliste cherche à découvrir la vérité, en disséquant la langue jusqu’aux « os ». La sémantique de la pétrification par rapport au présent atemporel de la Trilogie est également notée par Emanuela Cavicchi, qui fait l’analogie de la sculpture: « Comme les Prisonniers de Michel-Ange, encastrés dans le bloc inerte de marbre, la parole d’Agota Kristof, apparemment stérilisée, se manifeste comme un cri tendu, profond et primordial, qui sort de la bouche de ceux qui sont entendus après avoir été réduit à une longue période de silence, comme la femme mutilée de La clé de l’ascenseur, sa pièce » [Cavicchi, 2009: 179]. La langue dépouillée structure le corps, en exigeant de lui la même compacité : cécité, surdité, mutisme, silence, anorexie, insomnie deviennent les qualités inévitables pour survivre que les personnages kristofiens acquièrent par la transgression des normes corporelles, l’ascèse de la langue correspondant à l’ascèse du corps. Au sujet de la coexistence de deux concepts de l’écriture, il est donc à noter que, premièrement, Roland Barthes souligne que l’écriture blanche est loin de l’impassibilité : « La nouvelle écriture neutre se place au milieu de ces cris et de ces jugements, sans participer à aucun d’eux; elle est faite précisément de leur absence; mais cette absence est totale, elle n’implique aucun refuge, aucun secret; on ne peut donc dire que c’est une écriture impassible; c’est plutôt une écriture innocente. Il s’agit de dépasser ici la Littérature en se confiant à une sorte de langue basique, également éloignée des langages vivants et du langage littéraire proprement dit » [Barthes, 1972: 56]. Dans le contexte de l’exil, surtout en évoquant le cas du « roman lazaréen », l’écriture blanche ne peut pas être réduite à l’écriture totalitaire, au contraire, elle exemplifie la violence, la retrace dans la mesure où elle ose en parler. L’écriture d’Agota Kristof fait face non seulement au totalitaire dans sa dimension historique, mais aussi à la microphysique du pouvoir, s’il est admissible de recourir ici à un terme foucaldien, en la transcrivant par le corps, l’espace et la langue. Comme le terme de « l’écriture minimaliste » implique un acte de choix, d’engagement – plutôt éthique où politique qu’émotionnel, nous préférons celui-ci à la notion de l’écriture blanche, désignant à notre avis une rangée plus vaste des pratiques. Literaturi francofone şi repere ale scriiturii feminine a exilului 91

L’interprétation plus complexe de la poétique minimaliste d’Agota Kristof doit prendre en considération l’ensemble des codes narratifs, génériques, sémantiques, dont l’étude dépasserait le sujet de notre exposé. Dans le contexte de l’exil il faut prêter attention à certains éléments de l’organisation du texte chez Kristof, tels que la répétition, stratégie importante de l’esthétique minimaliste dans le domaine des arts visuels. À part la clarté de la syntaxe répétitive, il s’agit des figures de l’imaginaire : l’autrice construit du même tissu mythologique tous ses textes, traversés par les situations obsessionnelles, délirantes, qui se répètent dans de nombreuses variations: franchissement de la frontière, dissociation de la famille, fratrie, inceste, viol, suicide. Les relations subversives et contradictoires entre la langue maternelle et la langue étrangère se reflètent dans les relations familiales fantasmatiques, et c’est plutôt la figure de la mère qui pose des questions. De toute évidence, la problématique du maternel chez Agota Kristof est largement évoquée presque dans toutes les études consacrées à son œuvre. Rennie Yotova parle d’une liaison avec la langue maternelle, qui persiste lorsque le français devient la langue de l’expression littéraire, car abandonner la langue maternelle s’apparenterait, d’après l’expression de Julia Kristeva, à un matricide [Yotova, 2011: 91]. La correspondance entre l’essentialisme langagier et les relations de parenté dans le destin de chacun des jumeaux est envisagée par Noël Cordonnier : celui qui reste, devient le grand poète, mais tout au long de sa vie il est dominé par sa mère autoritaire ; l’autre, quittant le pays, est condamné à la douleur de la séparation, mais en même temps il retrouve une nouvelle langue et un nouveau mode d’écriture, et c’est lui qui est capable de raconter l’histoire dans sa complexité, d’inscrire son expérience subjective dans la forme romanesque. Le résultat de l’exil de la langue maternelle, gagné au prix de la solitude et de l’aliénation, est donc la maturité de l’écriture, le processus interminable de devenir-écrivain. C’est la victoire paradoxale qu’obtient Victor (pronom bien évocateur) dans La Preuve : après avoir tué sa sœur dominatrice (qui remplaçait pour lui la mère), il devient libre d’écrire, bien que ce soit l’écriture dans les murs de la prison. La tension entre la langue et l’écriture qui se révèle dans le conflit avec la figure de la mère et noue l’intrigue dans beaucoup de textes kristofiens, fait penser également à la répulsion de la langue maternelle à la base de la création littéraire dont parle Deleuze dans Critique et clinique : « Pour écrire, peut-être faut-il que la langue maternelle soit odieuse, mais de telle façon qu’une 92 Communication interculturelle et littérature

création syntaxique y trace une sorte de langue étrangère, et que le langage tout entier révèle son dehors, au-delà de toute syntaxe » [Deleuze, 1993: 16]. Le féminin, qui est l’objet du refoulement dans les textes de Kristof encore au plus haut point que le maternel, lui aussi est construit dans l’espace de l’exil. Dans les interviews Agota Kristof met constamment à distance son écriture par rapport à l’identité féminine, tandis que dans son œuvre la majorité de narrateurs sont masculins. L’écrivaine n’a pas pu achever Aglaé dans les champs, le seul roman qui devrait raconter l’histoire profondément autobiographique d’une petite fille, amoureuse de l’ami de son père, le pasteur du village. Et ce n’est pas le décès qui a arrêté son travail, mais « un blocage » qui lui a fait réécrire la même scène plusieurs fois sans avancer22. Valérie Petitpierre dans son travail critique considérable D’un exil l’autre décèle parmi tous les modes de l’exil kristofien cet exil du féminin : « Agota Kristof aurait par conséquent fait de la situation d’exilée un principe d’écriture. Exilée de son pays, exilée de sa langue maternelle, exilée de son sexe (elle s’est transformée en garçon pour écrire), elle s’exilerait encore de ses textes » [Petitpierre, 2000: 11]. Ce qui frappe surtout dans la personnalité de Kristof, c’est la puissance de l’écriture et de la réflexion d’une femme qui a connu l’expérience de la marginalisation, qui n’a pas pu faire ses études académiques de la même manière que son premier mari. Lui, professeur d’histoire, il avait la bourse pour les études, et sa jeune femme était obligée de travailler à une fabrique d’horlogerie, de s’occuper des enfants et du ménage. Pour Agota Kristof l’entrée en littérature s’est réalisée en dépit de toutes ces contraintes et de toutes les possibilités non réalisées : « J’ai vraiment tout laissé tomber pour me consacrer à l’écriture. Il n’y a que ça qui m’intéressait. Quand je me suis mariée en Hongrie, j’aurais dû aller en faculté. Quand je suis arrivée en Suisse, j’aurais dû exiger de mon mari que je fasse des études, et non lui »23. Lorsqu’elle évite de parler de soi-même en tant que femme dans ses romans, dans le récit autobiographique L’Analphabète Agota Kristof décrit avec son propre exemple l’image de la femme immigrée en marge de l’activité sociale, et le source de cette marginalisation est l’idéologie quotidienne de l’exclusion de l’autre: « Mon amie est ennuyée. Elle ne peut pas me raconter l’histoire impressionnante des femmes étrangères vues à la télévision. Elle a si bien oublié mon passé qu’elle ne peut imaginer que j’aie appartenu à cette race de femmes qui ne savent pas la langue du pays, Literaturi francofone şi repere ale scriiturii feminine a exilului 93

qui travaillent en usine et qui s’occupent de leur famille le soir »24. Tijana Miletič indique que l’exclusion de la figure maternelle se trouve dans le même contexte que l’effacement du féminin: toutes les relations profondes s’installent uniquement entre les hommes, tandis que la présence d’une femme implique le conflit et la destruction des liens, tous les narrateurs et les personnages principaux sont masculins [Miletič, 2008: 259]. Une des interprétations de ce phénomène, proposées par Tijana Miletič, est la prise de la distance nécessaire pour écrire en langue étrangère. Il semble que le refoulement du féminin est causé par le dédoublement de l’exil, par le désir d’échapper à une double situation de marginalisation en tant qu’immigrée et en tant que femme. Et son écriture, « le défi de l’analphabète », n’est-il pas seulement le désir de conquérir « une langue ennemie », mais aussi le désir de sortir de la situation de la double contrainte ? La situation ambivalente d’une femme immigrée, coincé entre le travail et le ménage, où l’écriture devient une revanche : « Une revanche sur ma triste vie de ménagère et d’ouvrière. Professionnellement, je n’ai rien réussi »25. La création de sa propre langue étrangère au second degré à l’intérieur du français, langue du pays d’accueil, et de sa propre stratégie textuelle chez Agota Kristof implique l’existence de la logique disjonctive avec laquelle se construit la catégorie de l’altérité. L’hétéroglossie kristofienne consiste plutôt en disjonction OU/OU qu’en conjonction ET/ET : la langue ennemie est en train de tuer la langue maternelle, et les deux ne peuvent pas coexister paisiblement dans le seul champ. De la même manière, Agota Kristof met en valeur la rupture entre l’éthique et l’identité, elle les disjoint: les « porteurs » de la langue ennemie, comme l’officier étranger ou Grand-Mère dans le Grand Cahier, ne sont pas forcément des ennemis, au contraire, le nazi homosexuel masochiste et la vieille « sorcière » cruelle et avide s’avèrent incomparablement plus humains que la gentille servante, leur impératif éthique et le respect envers l’autre se placent au-delà des stéréotypes identitaires. C’est ici qu’on peut poser la question sur l’engagement de l’écriture minimaliste d’Agota Kristof, en évoquant le même essai de Barthes, Le Degré zéro de l’écriture, où il fait le point sur l’éthique de l’écriture, y compris de l’écriture blanche : « Dans n’importe quelle forme littéraire, il y a le choix général d’un ton, d’un éthos, si l’on veut, et c’est ici précisément que l’écrivain s’individualise clairement parce que c’est ici qu’il s’engage » [Barthes, 1972: 14]. Agota Kristof explique clairement son choix ainsi 94 Communication interculturelle et littérature

que sa vision de l’éthos de la littérature : « Pour moi, la littérature reste un témoin. Un point c’est tout. En Hongrie, on a vu le résultat lorsque les écrivains s’engageaient pour une cause. Un livre, c’est chaque fois une vie différente, c’est un voyage. En Suisse, on me lit beaucoup dans les écoles. Les enfants n’ont pas connu la guerre, et par mes livres, ils découvrent qu’il existe d’autres vies que celles protégées qu’ils connaissent »26. Slavoj Žižek dans son travail La monstruosité du Christ: paradoxe ou dialectique ? (2009) traite Le Grand Cahier comme « la meilleure représentation littéraire » de l’impératif éthique [Žižek, 2009: 301]. Il définit l’éthique comme la naïveté réflexive, en l’opposant à la moralité par analogie de l’opposition schillerienne du naïf et du sentimental. Dans cette optique la moralité est sentimentale parce qu’elle implique le désir de paraître « bien » aux yeux des autres, en revanche, l’éthique est naïve, parce qu’elle est déterminée par la nécessité et non par le désir subjectif de « faire du bien ». Les jumeaux qui tuent, espionnent, mentent, font du chantage par nécessité, sont au-delà du bien et du mal, et ces actions font preuve d’une « pure naïveté éthique ». À la compassion pour autrui, à l’amour empathique s’oppose l’action pratique comme la réponse aux besoins de l’autre, l’amalgame de la nécessité radicale et de la violence. Éventuellement, la naïveté éthique des personnages d’Agota Kristof révèle la nature transgressive de l’écriture, comme dans l’exemple de Victor, évoqué ci-dessous, qui ne retrouve la possibilité de l’écrire qu’après le meurtre de sa sœur. Néanmoins le projet éthique élaboré dans Le Grand Cahier est déconstruit par les deux autres romans de la Trilogie. Il s’agit particulièrement de Mathias, qui se suicide dans La Preuve. La solitude et la différence physique qui marque son corps rendent sa vie absurde dans le monde de la distance réflexive. La perfection du corps de Lucas, la personne la plus proche pour Mathias, et son impassibilité surhumaine, dégoûtent le garçon et le poussent à bout. Ainsi se pose la question: la distance et la négation dans l’écriture d’Agota Kristof, sont-ils vraiment du nihilisme ? En premier lieu, bien que ce soit la force de témoignage qui importe pour l’écrivaine dans la littérature, ses textes ne peuvent pas être réduits au genre de témoignage à cause de leur polyphonie générique, et surtout à cause de la distance par rapport à la situation de victime, donc l’ascèse de l’écriture dénotative chez Kristof est plutôt le moyen d’éviter le discours de la victimisation et toute sorte de mièvrerie émotionnelle Literaturi francofone şi repere ale scriiturii feminine a exilului 95

qui peut s’y joindre. De plus, le refus et le silence peuvent être des instruments d’engagement, comme, par exemple, c’est le cas dans L’Analphabète, où Agota Kristof parle d’un « sabotage intellectuel national », d’« une résistance passive naturelle, non concertée, allant de soi »27 du coté des élèves et des enseignants par rapport à l’enseignement forcé du russe à l’école. Malgré toute l’impassibilité que l’écriture peut assumer, il est quand même difficile d’imaginer l’acte de l’écriture qui serait purement nihiliste, parce que, comme l’a bien dit Jean-Marie Schaeffer, « La création d’un texte implique déjà des choix : il n’existe pas de texte nu, ni de degré zéro de l’écriture » [Schaeffer, 1989: 185]. Rennie Yotova, bien qu’elle semble opposer d’une certaine manière l’écriture blanche et l’écriture engagée, met en valeur, à notre avis, l’intention principale de l’écriture kristofienne : « Le choix d’écrire dans la langue ennemie devient une forme de résistance à la destruction d’une « essence » originaire » [Yotova, 2011: 94]. À ce point-là il ne reste qu’à ajouter une remarque : comme Agota Kristof a osé lancer son « défi de l’analphabète » malgré tout, dans le contexte de cette résistance il ne s’agît pas d’un élan purement nostalgique, mais plutôt de la reconstruction du sens, de la conquête d’un nouveau territoire, celui de la langue française, et à travers celle dernière – de la littérature.

Bibliographie

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Notes

1 Agota Kristof, L’Analphabète, Genève, Éditions Zoé, 2004, p. 21. 2 Ibid., p. 24. 3 Ibid., p.22. 4 Agota Kristof, Romans, Nouvelles, Théâtre complet, Paris, Éditions du Seuil, 2011, p. 35. 5 Ibid. 6 Ibid, p. 533. 7 Ibid. 8 Agota Kristof, L’Analphabète, op. cit., p. 54. 9 Philippe Savary, « Le Troisième mensonge d’Agota Kristof », Lе Matricule des Anges, n° 14, nov. 1995 – janv.1996. 10 Agota Kristof, Romans, Nouvelles, Théâtre complet, op. cit. p. 444. 11 Ibid. 12 Ibid., p. 478. Literaturi francofone şi repere ale scriiturii feminine a exilului 97

13 Ibid., p. 443. 14 Ibid., p. 444. 15 Ibid., p. 445. 16 Ibid., p. 446. 17 Philippe Savary, « Le Troisième mensonge d’Agota Kristof » , Lе Matricule des Anges, n° 14, nov. 1995 – janv.1996. 18 Agota Kristof, Romans, Nouvelles, Théâtre complet, op. cit., p. 431. 19 Philippe Savary, op. cit. 20 Agota Kristof, L’Analphabète, op. cit., p. 55. 21 Agota Kristof, Romans, Nouvelles, Théâtre complet, op. cit., p. 32. 22 Guillaume Bellon, Erica Durante, « Du commencement à la fin de l’écriture. Entretien avec Agota Kristof », Recto/Verso. Revue de jeunes chercheurs en critique génétique, n°1, juin 2007. 23 Philippe Savary, « Le Troisième mensonge d’Agota Kristof », Lе Matricule des Anges, n° 14, nov. 1995 – janv.1996. 24 Agota Kristof, L’Analphabète, op. cit., p. 52. 25 Philippe Savary, op. cit. 26 Ibidem. 27 Agota Kristof, L’Analphabète, op. cit., p. 23. 98 Communication interculturelle et littérature

Voix féminines de l’exil roumain en France : Monica Lovinescu

Mihaela Rusu

Résumé : En obtenant asile politique dans la France de l’après-guerre, Monica Lovinescu conduit au poste de radio L’Europe libre des émissions culturelles, en promouvant de cette manière la littérature roumaine dans l’entier espace francophone. Elle conçoit les chroniques littéraires radiophoniques en abordant deux directions: une culturelle – la réception critique de la littérature roumaine dans l’exil – et une politique – l’orientation des représentants intellectuels roumains, en condamnant la crise d’identité des écrivains engagés politiquement. Les thèmes autour desquels elle organise son discours critique sont la littérature d’évasion et la transgression des tabous communistes dans la littérature. Mots-clés: la lucidité, intelligentsia, la crise d’identité.

Il y a des voix qui séparent l’exil roumain de l’émigration roumaine, intégrant dans la deuxième catégorie des Roumains qui ont délibérément adopté l’étranger. Monica Lovinescu est l’une des femmes de la Roumanie des années ’47 qui a émigré à Paris, choisissant à partir de 1948 l’exil de l’Occident comme une forme de liberté suprême, essayant à travers un modus vivendi propre d’assumer les dilemmes identitaires issus de ce nouvel espace-maison. Le cas de Monica Lovinescu est exceptionnel parce que, bien qu’elle parte de bon gré à Paris, son retour dans le pays est situé sous les auspices de la terreur dans la mesure où sa mère est morte dans les prisons communistes et, elle-même a été victime d’une tentative d’assassinat en 1977. On croit que l’existence parisienne de Monica Lovinescu illustre une forme hybride d’exil, commencé par libre consentement, continué quand même par un militantisme anticommuniste. Rédigeant les textes dédiés à ses émissions parisiennes qui suivaient les phénomènes culturels et, surtout, la littérature de l’espace roumain, Monica Lovinescu a écrit, de manière indirecte, de la littérature. Ainsi pour l’auteur des chroniques radiophoniques de Literaturi francofone şi repere ale scriiturii feminine a exilului 99

L’actualité roumaine (émission de la chaîne de radio L’Europe libre) la littérature s’est transposée dans une forme de l’exil intérieur, métaphysique qui a doublé en permanence l’exil réel, quotidien. La thématisation de l’identité roumaine dans l’œuvre de Monica Lovinescu doit être envisagée dans le contexte politique et spirituel où elle a vécu, plus exactement la période de l’entre-deux-guerres européen. En même temps, en Europe il y a eu, à part les deux guerres mondiales, des changements spirituels et idéologiques à la fois, comme le déclin du libéralisme et l’apogée du communisme. Dans ce nouveau contexte sociopolitique on peut s’expliquer aussi la récurrence de certains thèmes qui traversent l’œuvre de Monica Lovinescu, tels : la lucidité, la déstalinisation de l’intellectualité, la crise d’identité, le sens tragique de l’histoire, la littérature d’évasion, la transgression des tabous communistes dans la littérature et dans la vie comme expression de l’exil concret, mais aussi métaphysique de l’homme. Les chroniques littéraires de Monica Lovinescu ont visé presque exclusivement le thème de l’identité roumaine, l’auteur se forgeant le discours radiophonique autour de deux coordonnées : l’est-éthique et l’esthétique. A travers l’est-éthique on a suivi la condamnation des écrivains roumains, mais aussi de ceux de l’Europe de l’Est, dont l’œuvre a fait un compromis avec le politique, et plus exactement avec l’idéologie staliniste-communiste, pendant que l’esthétique a représenté un principe sous l’auspice duquel on a valorisé les œuvres de ces écrivains vraiment authentiques, indifféremment des compromis politiques qu’ils ont faits dans leur vie personnelle. L’est- éthique a également essayé de mobiliser l’élite intellectuelle de la Roumanie de « l’obsédante décennie » dans une intelighentia qui apporte une libéralisation de la culture. Si jusqu’aux « thèses de 1971 » [Lovinescu, 1990 :12] c’est la catégorie de l’esthétique qui a prévalu devant l’est-éthique, après ce moment, Monica Lovienscu a noté dans le subsidiaire l’esthétique des œuvres des écrivains de l’après-guerre mettant en évidence et, en même temps, condamnant premièrement les écritures qui ont fait l’apologie du communisme et qui, le plus fréquemment, ont été dépourvues d’une valeur esthétique. A peine arrivée à Paris, réfugiée dans un pays en proie au stalinisme, Monica Lovinescu s’est proposé, d’une part, de promouvoir la culture de l’est par la dimension éthique de la littérature. Au début elle est allée frapper aux portes des éditions pour publier l’un de ses deux romans – Mots à mot – une parabole du 100 Communication interculturelle et littérature

communisme totalitaire qui réclamait l’aliénation d’un monde petit sous les yeux passifs et bienveillants de l’Occident. En lui refusant la publication du roman dans la capitale de la culture, Paris a été pour elle la ville qui lui a bloqué la chance de s’affirmer en tant qu’écrivain de fiction, mais en même temps, Paris lui a offert la possibilité de faire de la critique littéraire. Après trente ans d’existence parisienne, son intense activité radiophonique se traduit dans une centaine de compte- rendu, de notes et de tables rondes publiés à partir de l’année 1978 dans le volume Des ondes courtes. Mais la collaboration de Monica Lovinescu avec l’écriture roumaine a commencé dès l’enfance, à l’âge de huit ans, quand elle publie dans la revue Le matin des enfants un conte de fées. Avant son départ du pays, elle signait la chronique dramatique de l’hebdomadaire La Démocratie et, en plus, elle avait déjà publié dans le feuilleton son premier roman En contretemps qu’elle va ensuite renier, considérant ses écrits de jeunesse « sophistiqués et artificiels » [Lovinescu, 2008 :14]. Néanmoins il y a des voix qui apprécient ce genre d’écriture de jeunesse bien que, à vrai dire, Monica manque « la capacité de créer des gens, d’imposer narrativement des typologies. » [Florescu, 1998 :180]. Elle possède en échange le privilège de problématiser le discours épique, de mettre en scène des spectacles d’idées et des drames de conscience. Nicolae Florescu apprécie dans son livre Le retour des proscrits que le roman En contretemps souffre d’une influence très visible de Camil Petrescu. [Florescu, 1998 :179], vu qu’il est construit selon « la technique huxleyenne » [Florescu, 1998 :179]. Dans les œuvres publiées après les années ’50, la thématisation de l’identité roumaine a été obsessivement reprise dans l’œuvre de Monica Lovinescu. Déroulée sous une forme explicite pendant la période de la collaboration avec l’Europe Libre, la thématisation de l’identité roumaine semble subir une ambigüité relative dans une œuvre de fiction moins connue au public, le roman Mots à mot, roman écrit en français dès 1955, mais publié en 2007 à une édition roumaine. Cette ambigüité prétendue s’explique par le fait qu’en 1955 la mère de Monica Lovinescu était toujours en vie et la fille, désirant la protéger des représailles communistes, préférait dénoncer la réalité du communisme roumain d’une manière moins visible, par le biais d’un roman-clé. Ce livre met en évidence l’un des principaux thèmes de l’écriture de Monica Lovinescu, c’est-à-dire, le besoin de lucidité, vue comme un absolu de la vérité, poussée parfois jusqu’à l’absurde, dans un Literaturi francofone şi repere ale scriiturii feminine a exilului 101

monde des incertitudes et du relatif doctrinaire. La critique littéraire apprécie que le roman réclame “un engagement existentiel” [Florescu, 1998 :179], militant pour la vie réelle, mais s’assumant toujours l’échec « comme une forme de survie sociale et de sauvegarde devant le compromis inacceptable. » [Florescu, 1998 :179] Le livre parle d’un monde totalitaire, communiste, que de nos jours, certains lecteurs jeunes ont du mal à comprendre. Le roman est une parabole de la Roumanie totalitaire entre les années 1948-1989, une dystopie, qui rappelle le roman « Nous » d’Evgheni Zamiatin. Ioana Parvulescu remarque dans l’article « Contes pour les adultes » qu’il s’agit peut-être « du premier roman politique ésopique écrit dans la littérature roumaine moderne. » [Parvulescu, 2007 :12]. Le livre est structuré dans 21 chapitres, chacun représentant une facette du mal. En apparence, il n’y a aucun lien entre les chapitres, mais en essence leur liaison s’avère être l’absurde. Le monde décrit dans le livre semble être inconnaissable. Les montagnes n’y existent plus, parce que tout doit être nivelé, uniformisé, même le relief. Les gens vivent « à l’ère des géants » [Lovinescu, 2007 :183] – l’ère communiste – et, c’est pour cela, qu’ils font la queue pour changer de têtes, parce qu’au contraire on ne leur permet plus de vivre. Ainsi ils deviennent des anonymes, dépourvus de personnalité, représentant justement le type d’homme voulu par les communistes. Le mot est un délit, écrire c’est un délit, les lettres sont coupables d’exister. Dans le premier chapitre du livre une vieille femme est accusée pour la lettre L, auprès d’autres inculpés réclamés pour le délit d’abat- jour ou de somme coquine. L’image de la vieille combattante « qui les a abrités tous derrière la lettre L » [Lovinescu, 2007 :17] trahit la liaison entre l’auteur et sa mère, le professeur de français Ecaterina Bălăcioiu Lovinescu. Le portrait de la vieille esquissé en quelques lignes, représente peut-être les seules insertions de prose réaliste dans les pages du roman : « il y a une fois dans notre contrée il y avait des vieilles femmes pour lesquelles tout le monde nous enviait, perchées dans la terre et prêtes à défier le ciel avec leurs protestes. Erigées autour le refus comme autour d’une colonne. Droites comme des bougies et préférant plutôt brûler que plier » [Lovinescu, 2007 :17]. Devant les accusations, la vieille « parlait sans lui importer le feu ou le fer (utilisés les deux dans le procès) [Lovinescu, 2007 :17]. Dans cette narration cette femme risque et perd même sa vie pour payer la dette que les écrivains et les lecteurs ont envers la lettre L et envers d’autres lettres aussi. Dans ce premier chapitre, le narrateur – un écrivain – 102 Communication interculturelle et littérature

(donc un double de l’auteure), rédige le portrait du chroniqueur littéraire : « Moi, l’écrivain, je ferai toujours mon devoir. Dès ce matin je note tout dans mon registre. La chronologie sera établie, les commentaires seront écrits, les faits seront attachés aux lettres et enfermés dans des mots. Moi, l’écrivain, né dans l’archive, j’y retourne. Je deviens archive, je deviens mémoire. » [Lovinescu, 2007 :19]. A travers ces lignes le lecteur doit découvrir la réalité, y chercher le sous-texte. Si à la fin du chapitre à l’écrivain manque les mots, et c’est pour cela qu’il devrait effacer, approximer, trouver des remplaçants, cela doit être compris comme une forme de censure innommée – la fin de la liberté de la parole. Dans le deuxième chapitre du livre, celui qui traite de la disparition des montagnes histoire d’uniformiser le relief, le narrateur – un homme – a besoin de certitudes, c’est pourquoi il décide de partir pour voir « ’il est vrai qu’il n’y a nulle part aucune montagne » [Lovinescu, 2007 :25]. Dans la structure de profondeur du livre, ce départ à la recherche d’un endroit montagnard doit être compris comme le départ à la recherche d’un monde démocrate, d’un monde au paysage pittoresque, d’un monde plus beau du point de vue spirituel. Le monde des narrateurs des 21 chapitres est pesant, désolant, sans la rendre explicitement dans des mots l’atmosphère en est lourde et suffocante. Les gens parlent, sans rien communiquer, le vide flotte dans l’air, la prison, la misère, la délation et une vigilance perpétuelle. Tout est enveloppé dans l’ombre, dans des « lumières diffuses » [Lovinescu, 2007 :39], et dehors « il ne neige plus, il ne neige guère » [Lovinescu, 2007 :43]. L’espace est peuplé d’êtres bizarres, comme le « luptil », un animal qui « lorsqu’il dit jamais, il dit toujours » [Lovinescu, 2007 :44], une sorte de chat terrible qui est aussi un informateur, et un délateur, et un provocateur, un être superposé qui conduit ses victimes – parmi elles le narrateur aussi – dans un endroit « au-dessous le niveau de la mer, où il n’y pousse que des administrateurs » [Lovinescu, 2007 :44]. Le roman semble plutôt lyrique, qu’épique, mais il ne s’agit pas d’un lyrisme sentimental, mais d’un lyrisme tragique. Dans le sixième chapitre, les protagonistes sont un couple qui attend péniblement qu’un autre jour passe, que le temps s’écoule, justement parce qu’ils n’attendent rien de chaque jour et, en plus, ils constatent que « ça prend beaucoup de temps à vieillir » [Lovinescu, 2007 :51]. Ils regrettent « les beaux jours d’antan » [Lovinescu, 2007 :58] quand ils avaient même des ennemis, parce qu’à présent ils n’ont plus personne. Literaturi francofone şi repere ale scriiturii feminine a exilului 103

La seule chose qui leur apporte un peu de consolation est représentée par les signes de vieillissement : « Ah, donc, j’ai une nouvelle ride ? Ai-je vieilli ? Quelle nouvelle extraordinaire. J’ai une ride. » [Lovinescu, 2007 :62]. Dans l’un des chapitres du livre, un narrateur – une femme – entreprend une démarche administrative de changement de tête. Parce qu’elle en a assez de sa tête, elle en veut une « sans souvenirs » [Lovinescu, 2007 :75], mais son essai reste infructueux, la réponse finale la désarmant : « On ne donne pas de tête à n’importe qui. Où arrivera-t-on si chacun croit avoir le droit à une nouvelle tête ? » [Lovinescu, 2007 :82]. Dans ce monde dystopique rien ne surprend plus, les personnes sont effacées de leur propre existence avec une éponge invisible et il n’en reste plus qu’une peau inerte. L’état décide de renoncer à certains citoyens, parce qu’ils souffrent de deux vices : ils sont capables de définir n’importe quoi et ils s’habituent à n’importe quoi. En même temps, certains citoyens sont contaminés par le virus de la maçonnerie. Au début les personnes ne connaissaient pas la méthode par laquelle un mur ne se serait pas effondré dès qu’on l’aurait construit. On ne sait plus le nom de celui qui a trouvé la solution, mais la méthode a été transmise de génération en génération. Bâtir la plus chère personne à la base de la construction garantissait le succès du maçon. De cette manière les gens ont dû se séparer de ce qu’ils aimaient le plus pour réussir à construire un mur. Mais à la fin, ils se jetaient tout comme Icare du haut de la tour pour pouvoir reprendre la liaison avec la personne bâtie à l’intérieur de la construction. L’un des narrateurs vit avec la peur de ne pas être contaminé avec ce virus : « Je ne sais pas si, à partir de demain, je ne sentirai pas le désir de construire, d’élever des murs entre moi et les autres, de construire des créneaux de silence, des contreforts de l’oubli. » [Lovinescu, 2007 :156]. Les personnages, en totalité, semblent traverser une crise d’identité ; soit ils sont aveugles, soit obsédés par des craintes terribles, soit aliénés. Dans une narration, les personnages découvrent dans un livre quel est leur rapport avec le rire : « Il est écrit dans le manuel. Qu’on rie ? Oui, ça aussi y est écrit. Pourquoi ? Ben, parce que c’est la loi. » [Lovinescu, 2007 :134]. Ces éléments, vus dans la structure de profondeur du livre, transposent l’acrimonie de l’auteure à l’adresse de ses compatriotes roumains, restés dans le pays, disposés à accepter toutes les contraintes du régime staliniste, mais en même temps ils représentent aussi une forme d’auto-ironie. 104 Communication interculturelle et littérature

Le style de Monica Lovinescu dans ce roman est « blanc, propre, sans adjectifs, décoloré, proche des répliques du théâtre absurde. » [Parvulescu, 2007 :12]. Son écriture romanesque met en évidence une certaine manière moderne de pensée et de conception expérimentale, et à travers « la technique du découpage cinématographique » [Florescu, 1998 :180] elle réussit à mettre en premier plan la réalité de la situation politique, ressentie psychologiquement, à thématiser de cette manière l’identité roumaine, à apporter en discussion la problématique de l’est. D’une autre part, en tant que chroniqueur littéraire de l’Europe Libre, à partir de 1967, elle dirige ses recherches philologiques vers la zone de l’esthétique. Héritière de l’esprit critique de son père – l’initiateur du Cénacle Sburătorul – il est facile pour Monica Lovinescu de recenser les livres des écrivains roumains de l’après-guerre, la plupart d’entre eux lui étant familiers du siège du Cénacle Sburătorul. Le premier volume des Ondes courtes, publié dès 1978, à Madrid apportera un changement de style dans l’écriture de Monica Lovinescu. Vu que ce volume rassemble beaucoup de ses reportages, il va de soi que la fiction n’y trouve plus de place. Nicolae Florescu pense que ce volume est « un combat par l’écrit de l’idée de contretemps, marquant un ancrage dans la problématique épineuse du temps, une superposition conjoncturelle dans les prérogatives du temps » [Florescu, 1998: 180]. Par ce texte, l’auteure offre au lecteur un spectacle exceptionnel d’une intelligence qui « se confronte et qui nous confronte en permanence avec l’histoire. » [Florescu, 1998 :180]. La démarche entreprise par l’auteur dans ce livre suit le procès de libéralisation de l’Est et la conduite des écrivains roumains dans ce nouveau contexte historique. La conclusion de Monica Lovinescu et d’autres spécialistes est que « la Roumanie est le seul pays de l’Est où l’intellectualité ne s’est pas transformée dans « L’intelighenţia » [Ungureanu, 1995 :170], au sens d’élite du courage civique. L’auteur aurait aimé que les écrivains roumains engagent ouvertement leurs efforts dans la lutte anti-communiste par la condamnation dans leurs œuvres des horreurs du communisme, comme l’ont fait après 1960 les écrivains tchèques et hongrois. Cependant, Monica Lovinescu apprécie le fait que de l’effort des écrivains roumains de l’après-guerre de camoufler le message du livre est née une littérature vraiment esthétique : « Les résultats de l’évasion esthétique sont remarquables. Nous avons peut-être la littérature la plus évoluée de l’Est. Pendant que dans d’autres pays, la plume court trop vite sur le papier parce Literaturi francofone şi repere ale scriiturii feminine a exilului 105

qu’elle avait trop à dévoiler, chez nous, on travaillait avec de la minutie sur la parole. » [Lovinescu, 1990 :10]. L’essence de l’activité critique de Monica Lovinescu dans le volume « Des ondes courtes » est représentée par « la désidéologisation de la littérature » [Stefănescu, 1998 :12-13]. Dans ses interventions radiophoniques, elle ne critique pas l’idéologie communiste en soi, mais le fait qu’elle truque la littérature. Par exemple, elle montre que dans L’écrin noir de G. Călinescu « il y a des communistes, mais ils n’existent pas » [Lovinescu, 1990 :203], autrement dit, ce sont des personnages dépourvus de consistance, et cela offre au livre un déficit de valeur esthétique. Dans les romans contemporains à L’écrin noir, les personnages vivent par leurs pêchés et leurs qualités, tandis que les communistes roumains sont parfaitement positifs : « Ils n’éternuent pas, ils ne vivent pas, ils n’ont pas de contour et ni couleur. » [Lovinescu, 1990 :204] ce qui les rend inexistants. Dans le volume Des ondes courtes, l’écrivain développe un certain manichéisme quand elle aborde les œuvres et les écrivains analysés. Son attitude, nettement visible, est en conséquence d’être pour ou contre. Elle écrit dans ce livre sur Sartre, seulement parce qu’il a été « un cas politico-idéologique » [Lovinescu, 1990 :217], c’est par la même raison qu’elle écrit de Picasso ou de Sergiu Nicolaescu – pour condamner le communisme. [Lovinescu, 1990 :114]. On peut facilement observer que Monica Lovinescu a choisi pour analyser des romans politiques qui obligent le critique de se rapporter aussi à la perspective politique. Les personnages de M. Preda, A. Buzura, G. Bălăiţă sont divisés dans les bons et les vilains, les justes et les menteurs, les démagogues ou les misérables. Eugen Simion a observé de ce point de vue que par ses écrits critiques Monica Lovinescu a opposé à l’action de désidéologisation de la littérature, une autre action d’idéologisation. Quand même, lorsqu’elle se permet une pause dans la mission morale qu’elle s’est assumée, celle d’aider les « bons » et de démasquer « les vilains », Monica Lovinescu le fait dans des pages critiques d’un raffinement incontestable, comme il arrive avec les nouvelles de Mircea Eliade et même avec le roman La forêt interdite. Selon la fille de Lovinescu, Eliade ne donne pas seulement à la littérature le roman-roman, mais en même temps il fait de la littérature d’évasion : « Mircea Eliade qui continuait à écrire en roumain retournait toujours chez soi, dans son Bucarest mirifique qui ne ressemble à aucun autre, ni réel, ni fictionnel » [Lovinescu, 2010 :170]. Mais dans la littérature l’évasion 106 Communication interculturelle et littérature

se réalise dans un espace devenu interdit, tout comme d’un espace qui interdit, suffoque l’existence. Egalement, les auteurs qui imaginent dans la fiction un espace dystopique voulant exorciser le mal qui les entoure, écrivent eux-aussi de la littérature d’évasion, comme c’est le cas du Procès de Kafka ou de Les Justes de Camus, des œuvres recensées aussi par Monica Lovinescu dans ses chroniques radiophoniques. Le dernier livre de référence publié par Monica Lovinescu (1999- 2001) est le roman de mémoires A l’eau de Vavilon, un texte de maturité qui mise sur la formule d’un Bildungsroman étendu, qui commence par la narration des années de l’enfance, avec la fixation exacte du rôle des parents dans la formation ultérieure de la narratrice et des endroits qui ont marqué sa mémoire affective. Ce ne sont pas les études qu’elle a réalisées qui ont eu une importance extraordinaire dans son devenir, mais la génération de laquelle elle se réclame, une génération qui vue de manière rétrospective, « semble se diviser en grosses lignes entre exilés et emprisonnés » [Lovinescu, 2008 :34]. Il paraît que le trait dominant qui caractérise in summum le personnage- narrateur est la lucidité, identifiée par son mentor dès les premières années de leur collaboration : « Quand Camil Petrescu me disait qu’il ne serait pas impossible que je devienne folle de tant de lucidité (mai 1946), il ne pouvait se tromper complètement » [Lovinescu, 2008 :8]. Après que pendant les années qui on suivi la deuxième guerre mondiale elle complète ses lectures avec les œuvres de nature existentialiste de Sartre et de Simone de Beauvoir, qu’elle combat, mais dans lesquelles elle se retrouve paradoxalement, Monica lit l’été terrible de 1950 le roman d’Orwell – 1984 – lecture qui éclaircit le fait que l’exil volontaire sollicité en 1948 ne sera pas seulement une parenthèse pour elle, mais aussi un modus vivendi qui va s’emparer de toute sa vie. Ayant comme point de départ cet univers pessimiste, il n’est pas étonnant que les thèmes récurrents du journal de Monica Lovinescu dans les années ’50 soient « le suicide, la mort, le frémissement du temps et l’idée fixe de l’irréversible écoulement du temps » [Lovinescu, 2008 :75]. Elle a eu la chance d’avoir connu Emil Cioran, même d’être des amis intimes et les rencontres avec lui avaient le don de la rendre optimiste, parce que le philosophe roumain était renommé pour « sa négation jubilatoire » [Lovinescu, 2008 :75]. Malgré les inconvénients qui ont marqué le début parisien de Monica, la fille de Lovinescu est entrée nonchalamment dans les cercles culturels parisiens sans manifester aucun complexe identitaire. Literaturi francofone şi repere ale scriiturii feminine a exilului 107

Cette conduite se justifie, comme elle-même l’affirmait, par un évident sentiment de supériorité : « venant d’un Bucarest au-dessus duquel la peste du réalisme socialiste ne s’était pas abattue, j’arrivais en Europe, en venant de l’Europe » [Lovinescu, 2008 :82]. Réussissant à s’imposer dans ce milieu extrêmement culturalisé, devenant « le plus écouté chroniqueur » [Manolescu, 2008 :1206] de l’exil roumain francophone, Monica Lovinescu a dédié toute son existence à la culture roumaine, comme l’avait fait auparavant son père. Pour conclure, je crois que l’est-éthique, comme l’esthétique ont été deux des principales raisons de l’écriture de Monica Lovinescu. Le fait que parfois l’éthique a prévalu de l’esthétique, au détriment de certains compatriotes restés dans le pays pour vivre de l’intérieur le communisme, c’est un inconvénient que seulement l’histoire peut juger. Il est vraiment significatif pour nous le fait que Monica Lovinescu ait réussi à vivre son identité roumaine, très visiblement, dans un pays francophone, dont on a été liés par les origines de la langue latine, mais séparés par une idéologie politique. L’identité, que ce soit nationale ou individuelle, n’est pas un concept statique, elle se forge à travers un procès compliqué qui peut être aisément détecté, seulement après sa fin. Il est indubitable que Monica Lovinescu a été un homme de presse passionné de littérature, domaine qu’elle connaissait bien de ses vastes lectures, mais aussi de la maison de son père, et c’est pour cela qu’on peut dire que pendant les 60 ans d’exil volontaire, Monica Lovinescu est restée un citoyen de la Roumanie, parce qu’elle a gardé en permanence le contact avec les origines et elle n’a pas renoncé à soi-même. Dans la France de l’après-guerre, la fille de Lovinescu a réussi à vivre son identité roumaine, de la langue materne jusqu’à la culture spécifique : « A travers l’écriture elle revenait chez soi. » [Ungureanu, 1995 :172].

Bibliographie

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George, Alexandru, „Dincolo şi dincoace de cortină”, în Luceafărul, nr. 43 1999. Grigurcu, Gheorghe, „Un jurnal est-etic”, în România literară, nr. 50, 2002. Lovinescu, Monica, Unde scurte, Humanitas, Bucureşti, 1990. Lovinescu, Monica, Întrevederi cu Mircea Eliade, Eugen Ionescu, Ştefan Lupaşcu şi Grigore Culger, Cartea Românească, Bucureşti, 1992. Lovinescu, Monica, Cuvântul din cuvinte, Humanitas, Bucureşti, 2007. Lovinescu, Monica, La apa Vavilonului, Humanitas, Bucureşti, 2008. Lovinescu, Monica, Diagonale, Humanitas, Bucureşti, 2010. Manolescu, Nicolae, „Cel mai ascultat cronicar literar”, în România literară, nr. 11-12, 1991. Manolescu, Nicolae, Istoria critică a literaturii române, Paralela 45, Piteşti, 2008. Ornea, Zigu, „Vocea inconfundabilă”, în România literară, nr. 10, 2000. Pârvulescu, Ioana, „Poveşti pentru adulţi”, în România literară, nr. 30, 2007. Pârvulescu, Ioana, „Depărtarea care apropie”, în România literară, nr. 32, 1994. Spiridon, Monica, „Pentru o morală a urgenţei”, în Luceafărul, nr. 12, nr. 33, 1996. Ştefănescu, Alex, „Monica Lovinescu la o nouă lectură”, în România literară, nr. 6, 1998. Ştefănescu, Alex, „Monica Lovinescu la o nouă lectură”, în România literară, nr. 12, 2001. Tudoran, Dorin, România literară, nr. 19, 1997. Ungureanu, Cornel, La vest de Eden, Amarcord, Timişoara, 1995.

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Martha Bibescu and the Inside of Romania’s domestic Policy

Valeriu Bălteanu

Résumé : Cet article révèle une série de problèmes suggérés par le contenu du journal politique de Martha Bibescu, la genèse de certains scénarios politiques, la situation de la Roumanie dans un moment critique de son existence, les relations entre la culture et la politique, etc. Le journal de Martha Bibescu couvre la période entre 1939 et 1941, une époque de grands troubles dans l’histoire et la politique roumaine. Le dernier, mais non le moindre, le journal prend un voyage original dans les coulisses de la politique au cours de la période entre les deux guerres. Mots-clés : coulisses, politique interne, journal, scénario.

Princess Martha Bibescu, a renowned figure of the Romanian exile, left a number of memoirs which allow a better understanding of the insides of interwar European politics, but also of the Romanian domestic policy. In what follows, we aim at taking a look in the insides of Romania’s domestic policy during the interwar, tracing the objectives the authoress herself had in view in writing her memoirs:

1. Resorting to high-class sources

Often, Martha Bibescu obtains extremely important information right from the actors involved in certain actions. There are certain aspects in the Political Diary that indicate the fact that the princess had been frequently acquainted to some facts before they were made available publicly. Sometimes, such information actually remains completely unknown by the public. Some years after the events, the Diary presents some interesting details concerning the relationship between the Romanian politicians between 1939 and 1941; thus, we are informed about the discontents of the Minister of Foreign Affairs, Grigore Gafencu, with regard to a political action pursued by King 110 Communication interculturelle et littérature

Charles II: “so, the King has two kinds of politics: mine and Tilea’s” ( Bibescu, 1979: 71). Essentially, King Charles II was trying to preserve the balance in the foreign affairs and acted, at times, disregarding his Minister of Foreign Affairs. In this particular case, he acted directly upon Romania’s ambassador in London, Tilea, without asking for Gafencu’s opinion. The latter’s reaction is known as a result of an account of a meeting in which princess Bibescu took part. General Antonescu’s coming into power with the support of Fascist Germany is “predicted” in the Diary with the assuredness of a person informed about the great political movements: “Antonescu will get out of prison leading a military group only to dethrone Charles” (Ibid. 194). The note is dated July 17, 1940, a few weeks before Antonescu actually came into power!

2. Concise pointing out of events

Although Martha Bibescu’s notes may seem sketchy, they contain the fundamental benchmarks of the events and, more often than not, the barely noticeable reactions of the participants. It is truly remarkable how the authoress informs her readers with regard to Charles’s attempts to resist the increasing pressure of Germany: “Tătărăscu Cabinet comprises Al. Vaida Voievod and I. Gigurtu for the balance of Germany to weigh heavier. Gafencu is both former and present minister” (Ibid, 133). As it is well-known, under German pressure, Romania and Germany had concluded, in March 1939, a commercial treaty which, in fact, concealed the constantly increasing German influence in our country. At the political level, the increase of this influence was proven by the presence of some philo-German politicians in the Romanian government (e.g., Gigurtu). King Charles II kept Gafencu in the position of Minister of Foreign Affairs to suggest that the country’s foreign policy had essentially remained unchanged in its orientation towards the traditional allies, France and England. The authoress touches briefly upon Gigurtu, philo-German politician: “president of great a many managing boards, a rich man thanks to the gold mine which once Cazimir, my father’s secretary, offered to George (Martha Bibescu’s husband, our note.)” (Ibid.192). It is more than enough to understand what is there to understand!

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3. Observing the reactions of the actors involved in an event

Martha Bibescu is particularly skilled in observing the reactions of the politicians involved in various events. For the example, speaking of a tragic event – the murder of Prime-Minister Armand Călinescu by the Legionnaires – she insists on King Charles’ reaction: “very affected by the events, he is really pale” (Ibid. 106). She also observes the unusual verbal reaction of the King: “Bastards!” (Id.). Another example: a note concerning the Romanian-German relationships written on 21 November 1940 is accentuated with a remark of her interlocutor, general Tătăreanu: “The Germans are wooing us. They need us against the Russians” (Ibid. 226). It is worth mentioning that this time the authoress provides her own opinion, as well: “as far as I’m concerned, he is perfectly right” (Idem).

4. Pointing out her own opinion

The example provided above may be followed by dozens of others. The writer pays attention to her own reactions, especially when they may be suggestive. ’s assassination is mentioned in a single intervention which hides her true attitude towards the event: “the Legionnaires did justice” (Ibid. 228). The fact that she emphasised the word justice is self-explanatory. Another political assassinate – the murder of I.G. Duca, in 1933, triggered a much more explicit reaction on the part of the authoress. Forced by the young Liberals, I.G. Duca had removed George Bibescu, the writer’s husband, from the candidates list and thus he had eased the way for Corneliu Zelea-Codreanu, the leader of the Iron Guard. In her Diary, the princess is merciless: “and Codreanu commanded Duca’s assassination. But Nemesis (Goddess of Revenge) succeeded as well!” (Ibid. 76). King Charles’ relinquishment of the throne brings about some bitter remarks on her part: “It’s insane! 1930-1940, ten years of reign and no one to stand by him!” (Ibid. 206). Indeed, Charles had been abandoned by all his former supporters, some of them changing rapidly sides to Antonescu. “In Romania, the crown passes from father to son, then back again, from son to father” (Ibid. 210) – a subtle allusion to an oddity of the 112 Communication interculturelle et littérature

Romanian history: in 1930, Charles had bereft his son, Michael, of the royal crown and, in 1940, the same Michael was enthroned. The authoress’ attitude towards Legionnaires was constantly negative. Hitler chose between them and Antonescu so that the Legionnaire Rebellion, presented in many details in Martha Bibescu’s Diary, was quashed. Germany sacrificed the Legionnaires because they needed the Romanian army commanded by General Ion Antonescu in their war against the Russians. The authoress’ remark is suggestive: “the tool is always cast aside” (Ibid. 236).

5. Pinpointing the hidden connections between events

Martha Bibescu is a true craftswoman in this respect. The majority of the details presented in the Diary, whether they deal with domestic or foreign policy, are usually related to other facts or events. Many of the decisions made by King Charles II can be understood, as princess Bibescu suggests, if they are regarded in relation with the increasing pressure exercised by Fascist Germany. Also, the criminal deeds of the Legionnaires can be more easily understood when put in relation with the connections they had with the ruling class in Nazi Germany, an aspect unknown by many. And there can be much more examples. In a previously published paper, we have dealt with the details in the Diary that pinpoint to Romania’s foreign policy. Today, it is a well-known fact that princess Bibescu was, for a while, an unofficial ambassador of King Charles II. Martha Bibescu’s memoirs are also important for gaining awareness of the fundamental evolution of the Romanian domestic policy during the interwar period. Due to her intellectual prestige and her connections in the highest political and cultural circles, princess Bibescu had access to information often remained unknown by ordinary people. Her memoirs, although problematic in what reception is concerned (they address to intellectual elites), represent a significant ’reference book’ in learning the inside of the Romanian domestic policy during the interwar period.

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References

Bibescu, Martha, Jurnal politic, Editura Politică, Bucureşti, 1979. Gafencu, Grigore, Însemnări politice, Humanitas, Bucureşti, 1991. Manolescu, Ion, Literatura memorialistică, Humanitas, Bucureşti, 1996. Zaciu, Mircea, Papahagi, Marian, Sasu Aurel, Dicţionarul scriitorilor români, Editura Fundaţiei Culturale Române, Bucureşti, 1995.

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La création lyrique et gnomique de Julie Hasdeu, une adoration des « neiges d’antan »

Mirela Drăgoi

Résumé : La publication en 2010 des Pensées de Julie Hasdeu révèle au lecteur roumain la richesse d’un message poético-philosophique l’aidant à mieux appréhender le devenir spirituel de cette écrivaine roumaine d’expression française. Les critiques ont observé des différences évidentes, enregistrées aux niveaux formel et thématique, entre les réflexions qu’elle a notées en roumain à l’âge de 9 – 10 ans et les maximes composées en français pendant son adolescence, vers 1880. La prose réflexive de Julie Hasdeu, prise dans son ensemble, représente un cas unique dans l’histoire de la littérature universelle – n’étant plus le résultat des témoignages d’une vie tout entière – mais aussi dans la littérature roumaine, par l’oubli des formules et des structures consacrées à l’intérieur du genre gnomique. 130 « pensées intimes » suivies de 8 essais sur des maximes célèbres forment un corpus textuel par l’examen duquel nous pouvons déceler, d’une part, un inventaire des thèmes abordés par cette écrivaine, des réflexions sur son époque et sur la place de la femme dans la société, mais aussi le lien profond de ses Pensées avec l’ensemble de sa création littéraire. Mots-clés : genre gnomique, prose réflexive, témoignage personnel, francophonie, ensemble thématique.

1. Julie Hasdeu (1869-1888) – une poétesse entre deux cultures

« La qualité n’est que la quantité condensée. »

Située entre deux cultures et deux pays, Julie Hasdeu est communément associée à la génération de la « Belle Epoque », à côté de la comtesse de Noailles, Anna-Elisabeth Bibesco-Bassaraba de Brancovan (1876-1933) et Hélène Vacaresco (1866-1947). Ces trois noms de femmes s’inscrivent pour toujours dans l’histoire de la littérature francophone produite par des Roumains. Elles sont, toutes les trois, issues de grandes familles reconnues historiquement en Roumanie et ont été très appréciées pour la diversité et la richesse de Literaturi francofone şi repere ale scriiturii feminine a exilului 115

leur création littéraire. Par exemple, pour le recueil Le cœur innombrable, paru en 1901, Anna de Noailles a reçu le Grand Prix pour littérature de l’Académie Française. Considérée comme « la grande mère de la Société des Nations » [Craia, 1995: 58], elle a joui de l’appréciation unanime des Français. Par rapport à elle et à Hélène Vacaresco, Julie Hasdeu – connue en France sous le pseudonyme Camille Armand – a eu un destin tout à fait particulier, dû à la maladie qui l’a tuée à l’âge de 19 ans. Sa formation intellectuelle était remarquable, car à 8 ans elle parlait déjà français, anglais et allemand ; après avoir étudié au Collège Sévigné de Paris, elle a passé le baccalauréat en lettres à Sorbonne et a suivi les cours de l’Ecole des Hautes Etudes. A cause de sa mort prématurée, elle n’a pas réussi à réaliser ses projets et ses écrits sont parus posthumément en deux volumes – en 1889 et 1890 – à Paris.

2. Les thèmes abordés dans sa création lyrique

2.1. Le patriotisme

Julie Hasdeu a manifesté d’une manière constante sa nostalgie pour le pays natal et pour les amies d’enfance (Florica, Matilda ou Hermina). [Manolache, 2007 : 224]. Elle envisage de rédiger un vaste poème historique sur l’origine de l’Etat roumain. Le fragment intitulé « Six sœurs » évoque les six provinces roumaines traversées par le Danube et l’Olt, dont « les torrents souvent rouges de sang / Et souvent mes flots bleus coulant dans la prairie / S’empourprèrent de flots versés pour la patrie. » (Chevalerie) [Ibidem]. Elle aime également les habitants de son pays, car ceux-ci forment « ce point élu de l’Orient ». D’autres poèmes évoquant la souffrance de la poétesse de vivre loin de son pays natal sont: Patrie, Une Nuit, Les Perles, Prisonnière roumaine etc.

2.2. L’amour malheureux, inaccompli

Julie Hasdeu a conçu son œuvre entre 1882-1888 et a cultivé avec prédilection la poésie lyrique de souche romantique et les méditations 116 Communication interculturelle et littérature

philosophiques. Dans les recueils Bourgeons d’avril et Chevalerie, son père a réuni et a fait paraitre 130 poèmes, des ébauches de pièces de théâtre et de romans, mais aussi des contes et des essais. Le leitmotiv de ses écrits est l’amour qui fait de son âme un « tissu de douleurs ». Elle déplore la séparation amoureuse dans des chansons et des ballades où se retrouve l’éthique de l’amour courtois des XIIe-XIIIe siècles : « Oh ! délivrez la pauvre prisonnière, / Noble seigneur au regard fier et doux. / (…) Dans ce château, par la force enfermée, / Ah ! Je soupire après l’air et le jour. / Que je voudrais par une main aimée / Etre rendue à la vie, à l’amour ! (Chevalerie) Outre cette image de la femme souffrante et malheureuse à cause d’un amour inaccompli, Julie Hasdeu crée la métaphore de « l’hirondelle prompte et volage en ses amours », dont le cœur « reste sec toujours ». Cette créature « perfide », à « la paupière humide » a une existence éphémère et peut être comparée à « une feuille / que la grive en passant recueille / et qui s’envole au gré du vent. » L’image de la femme coquette et mensongère est plus riche en significations mythiques et en moyens stylistiques dans les vers qui suivent : « O cœur de femme ! énigme insondable et profonde ! / Pétri de feu divin mêlé de fange immonde, / Protée inexplicable et qu’on ne peut saisir, / Cœur vile, indifférent, ou gouffre du désir ! »

2.3. Le regret des temps passés, des « beaux vieux temps »

Julie Hasdeu évoque d’une manière récurrente dans ses poèmes le statut privilégié de la femme noble, appartenant au milieu aristocratique délicat et discret : « Derrière l’éventail elle pouvait sourire, /Et son œil en coulisse essayait d’entrevoir / A travers le léger tissu – mais sans rien dire – / Le galant qui tombait à genoux, plein d’espoir. » (Bourgeons)1. Le ton devient plus lyrique, plus personnel dans les séquences moins conventionnelles du type : « Regarde-moi, brave archer, je suis belle : / J’ai le teint brun, mais le regard altier. / Veux-tu m’aimer ? Ne serai point cruelle, / Et t’aimerai plus qu’’aucun chevalier. » (Chevalerie). La poétesse préfère l’époque médiévale, le temps des « troubadours langoureux » et des jongleurs qui chantaient l’histoire « des valeureux exploits » des chevaliers : « Si j’étais la châtelaine / De quelque noble manoir / Qui dominerait la plaine / De son donjon Literaturi francofone şi repere ale scriiturii feminine a exilului 117

haut et noir, / Je porterais des torsades / D’émeraudes aux cheveux. » (Le souhait d’une vilaine).

3. La littérature gnomique de Julie Hasdeu : étapes de développement

A côté de ces expressions lyriques, qui illustrent les rêves et les sentiments de la poétesse, Bogdan Petriceicu Hasdeu a trouvé dans les manuscrits de sa fille 34 drames, 18 comédies et 12 romans [Manolache, 2007 : 249]. Il y a également repéré 25 maximes en français, qu’il a fait paraitre le 15 janvier 1889 dans La Revue Nouvelle. Deux séries plus amples des réflexions de Julie Hasdeu ont été publiées en 1988 et 2003. Une réédition de sa prose réflexive est due aux efforts du critique littéraire I. Oprisan, qui observe que leur « signification et importance dans l’ensemble de l’œuvre de Julie Hasdeu n’ont pas encore été révélées »2 jusqu’ en 2010. L’éditeur observe l’existence de deux étapes distinctes dans l’élaboration de ces textes : il y a, d’une part, les maximes écrites en roumain entre 1878-1879 et les réflexions composées en français entre 1884-1885. C’est sur cette deuxième catégorie que nous allons porter notre attention pour observer les modifications apportées au niveau thématique par l’emploi des structures propres au témoignage réflexif.

3.1. L’inventaire thématique des Pensées intimes

La crique littéraire a décelé dans les 130 « pensées intimes » de Julie Hasdeu l’existence de quelques thèmes récurrents.3 Pour rendre plus évidents les sujets auxquels la poétesse roumaine s’est intéressée, mais aussi les sources auxquelles elle a puisé, nous illustrons dans ce qui suit un inventaire thématique qui fait inscrire les textes analysés dans neuf catégories, correspondant aux sujets suivants : - le rôle de la vie humaine sur la terre « Il faut avoir souffert pour être charitable. » (69) « Dans ses raisonnements philosophiques, quand l’homme veut s’élever, il oublie toujours qu’il est sur un morceau d’argile perdu au milieu des autres planètes et des autres mondes. Ce qu’il voit sur la 118 Communication interculturelle et littérature

terre, il l’étend à tout l’univers. Mais ne voit-il pas que sur la terre même, la Nature ne se répète jamais ? » (88) « Au berceau et à dix ans, on pleure son jouet cassé, son oiseau envolé ; à seize ans, on pleure son rêve évanoui, son illusion perdue : premières déceptions de cette vie. Ces larmes-là sont comme ces giboulées d’Avril, qui en passant laissent après elles la nature plus brillante et le ciel plus pur qu’auparavant. Puis, les larmes deviennent, dans la jeunesse agitée, des orages d’été, avec des tonnerres et des ouragans ; l’arc-en-ciel se montre encore quelquefois dans les nuages ; enfin, dans l’Age mûr et la vieillesse, elles sont comme ces pluies d’automne, fines et froides, qui glacent et transpercent, et laisse la nature comme engourdie. » (91) « Le devoir est le plus sûr, et même le seul moyen de se rendre heureux, en participant au bonheur des autres. » (115) - l’opposition passé – présent « De nos jours l’amour est passé de mode, on n’a plus que des passions. » (18) - la toute-puissance de la mort et l’inutilité des tourments humains « Cherche, cherche, philosophe ! Quand tu as déroulé ton écheveau, au bout du fil que trouves-tu ? Dieu et la Mort, tous deux inexplicables et inévitables. » (64) - l’éloignement de Dieu par la richesse et le progrès de la civilisation « Les hommes essayent d’expliquer Dieu et de le comprendre ; plus ils le font, moins ils le comprennent, car ils ne peuvent l’étudier qu’en le comparant à eux. Les habitants de Saturne ou de Jupiter se créent peut-être aussi un Dieu à leur image, tout différent du nôtre ; et ainsi chaque monde aurait son Dieu, et tous ces innombrables Dieux réunis et combinés seraient le Dieu que nous cherchons en vain ici-bas ! » (86) - la supériorité de la femme « En amour, l’homme est plus égoïste que la femme ; cela se comprend. La femme donne, l’homme ne fait que recevoir. » (72) « La femme a plus de tact que l’homme ; l’homme a plus de bon sens que la femme. » (98) « Une femme, pour se faire pardonner sa science, doit avoir un grand génie et une grande modestie. » (105) Literaturi francofone şi repere ale scriiturii feminine a exilului 119

« Les grands hommes, dans leurs travaux, consultent souvent leurs femmes ; les dramaturges, les poètes et les romanciers ne peuvent pas mieux s’adresser. » (107) - la signification de l’amour « Le verbe aimer ne se dit plus. Une femme à qui un homme dirait : je vous aime, se croirait insultée, ou se mettrait à rire. C’est je vous adore qui est la locution permise. Ah ! Combien ce mot sonore est au fond vieux et creux ! » (22) « L’amour quelquefois nait de la jalousie. » (34) - le paradis de l’enfance « L’enfant est comme l’héliotrope ; il a besoin de soleil, de caresse et d’amour. » (53) - le mystère féminin « De nos jours, l’honnêteté d’une femme ne consiste pas dans la pureté de ses mœurs, mais dans l’art de ne pas se compromettre et de sauver les apparences. » (1) - l’éducation « Le meilleur moyen de rendre les enfants désobéissants c’est de leur commander d’une façon despotique, sans leur expliquer la raison des ordres qu’on leur donne. L’enfant croit que c’est un caprice de ses parents qui leur inspire ces commandements ; il veut donc avoir des caprices à son tour. » (51)

3.2. Les Pensées de Julie Hasdeu, « un reflet » des réflexions de Michel de Montaigne

Le repérage de ces neuf thèmes majeurs abordés par Julie Hasdeu dans ses méditations nous fait facilement observer les lignes de force de sa pensée, à savoir: le jeu des apparences, le changement perpétuel (du monde en général et de l’homme en particulier) et l’importance des principes pédagogiques. Toutes les idées exposées au-dessus tournent autour de ces trois axes thématiques essentiels et renvoient, par leur contenu, aux témoignages réflexifs qui parsèment les Essais que Michel de Montaigne a composés trois siècles auparavant. 120 Communication interculturelle et littérature

Une illustration des idées de Citations de Julie Hasdeu Citations de M. de Montaigne Julie Hasdeu, parallèlement aux méditations de Michel de Montaigne, son devancier, rendrait compte – sous la forme du tableau ci-dessous – des influences subies par la création de notre poétesse : Termes-clés Le monde « Le monde est un théâtre, « Le monde n’est qu’une dont la scène est la terre, les branloire pérenne. » (Essais, acteurs les hommes et le Livre III, chap. 2) spectateur Dieu. » (Pensées intimes) Dieu « (…) Il n’y a qu’un homme « Nos raisons et nos discours que je méprise: c’est celui qui humains, c’est comme la dit : Dieu n’existe pas. » (85) matière lourde et stérile : la grâce de Dieu en est la forme ; c’est elle qui y donne la façon et le prix. (Essais, Livre II, chap. 12) Les tourments « Nous ne pouvons un peu « Qui craint de souffrir, il parce que nous voulons souffre déjà de ce qu’il beaucoup, et nous n’arrivons craint. » (Essais, Livre III, au bien que parce que nous chap. 13). avons l’idée du mieux. » (Sur l’idéal) La femme « En amour, l’homme est plus « La plus utile et honorable égoïste que la femme ; cela se science et occupation à une comprend. La femme donne, femme, c’est la science du l’homme ne fait que recevoir. ménage. » (Essais, Livre III, » (72) chap. 9) « Une femme, pour se faire pardonner sa science, doit avoir un grand génie et une grande modestie. » (105) L’éducation « Le meilleur moyen de « J’accuse toute violence en rendre les enfants l’éducation d’une âme tendre, désobéissants c’est de leur qu’on dresse pour l’honneur commander d’une façon et pour la liberté. Il y a je ne despotique, sans leur sais quoi de servile en la expliquer la raison des ordres rigueur, et en la contrainte; et qu’on leur donne. L’enfant tiens que ce qui ne se peut croit que c’est un caprice de faire par la raison, et par ses parents qui leur inspire ces prudence, et adresse, ne se fait commandements ; il veut jamais par la force. » (Essais, donc avoir des caprices à son Livre II, chap. 8) tour. » (51)

Literaturi francofone şi repere ale scriiturii feminine a exilului 121

Dans la conception de Julie Hasdeu, le mot « éducation » est synonyme de « liberté » ; l’instruction fait l’homme sentir la solidarité de son âme et de son corps, l’union de ses facultés morales et physiques. Tout comme pour Montaigne, la formation du jugement d’un enfant n’a rien affaire avec la violence, la contrainte ou le caprice. « L’institution d’un garçon noble » se réalise par « une sévère douceur » qui mêle la prudence à la raison. Le modèle « d’institution des enfants » promu par Michel de Montaigne s’éloigne des inutiles « bourrages de crânes » propres à l’enseignement médiéval et préfigure « l’honnête homme » du XVIe siècle par un art de vivre sciemment élaboré. Il va plus loin et, s’intéressant au domaine plus large et plus problématique des guerres civiles qui troublaient son époque, considère que les rapports humains fondés sur la cruauté produisent une horreur absolue. C’est pourquoi il dénonce la torture et les atrocités de toutes sortes et insiste sur la monstruosité de ce « vice » :

(…) hacher et couper les membres d’un autre homme, aiguiser leur esprit à inventer des tortures inhabituelles et des mises à mort nouvelles, sans haine, sans intérêt, et dans le seul but de jouir du plaisant spectacle qu’offrent les gestes et les soubresauts pitoyables, les gémissements et les cris lamentables d’un homme à l’agonie. Voilà la dernière limite que puisse atteindre la cruauté.4

De même, le miroir que Julie Hasdeu tend au monde, à Dieu et aux tourments intérieurs de l’homme reflète fidèlement les images produites par les méditations de Montaigne. C’est par ces réflexions que Julie Hasdeu s’avère être une fine observatrice de la société et des mœurs de son époque. L’adoration des « bons vieux temps » veut attirer l’attention sur la désuétude qui a touché les valeurs propres au passé, tout en insistant sur « le mépris des vertus civilisatrices »5. Pour conclure, nous observons que l’œuvre gnomique de Julie Hasdeu se rattache à celle de Michel de Montaigne par les aspects de vie abordés, mais aussi par la concision du style et par l’insinuation subtile, mais impitoyable, de la vérité qui règne dans le monde. Leur principal intérêt est d’illustrer une philosophie de vie, un art de vivre centré sur la liberté du corps et de l’âme, loin de toute aliénation. Le libre arbitre et l’ouverture de l’esprit, la simplicité et la joie de vivre représentent des traits indispensables à un homme « à jamais doué pour le bonheur ». 122 Communication interculturelle et littérature

Une seule divergence s’installe entre les opinions des deux écrivains : la femme qui, dans la conception de Montaigne, a comme seule occupation le ménage, acquiert chez Julie Hasdeu un rôle supérieur :

Les grands hommes, dans leurs travaux, consultent souvent leurs femmes ; les dramaturges, les poètes et les romanciers ne peuvent pas mieux s’adresser. (107) Les femmes savent mieux être charitables que les hommes ; cela tient à ce qu’elles sont non seulement plus impressionnables qu’eux, mais qu’elles ont presque toujours plus souffert et plus aimé qu’eux. (71)

Ce souci pour l’émancipation de la femme – qui est d’ailleurs une constante de la littérature du XIXe siècle – et la netteté de la vision philosophique et de l’horizon humaniste donnent aux réflexions de Julie Hasdeu un souffle tout à fait nouveau. Ce sont autant de raisons pour approfondir l’étude de ces textes considérés par tous les critiques qui s’y sont intéressés comme « de véritables exemples d’une remarquable sensibilité »6.

Références bibliographiques

Craia, Sultana, Francofonie şi francofilie la români, Demiurg, Bucureşti, 1995. Hasdeu, Iulia, Cugetări, Saeculum I. O., Bucureşti, 2010. Manolache, C., Scânteietoarea viaţă a Iuliei Hasdeu, Saeculum I. O., Bucureşti, 2007. *** Le Moyen-Age et le XVIe siècle en littérature, coord. Xavier Darcos, coll. « Perspectives et confrontations », Hachette, Paris, 1987.

Notes

1 Tous les vers cités sont extraits de la monographie réalisée par C. Manolache, 2007, pp. 95-237. 2 Notre traduction; Iulia, Hasdeu, Cugetări, Saeculum I. O., București, 2010, p. 5. Les Essais de Michel de Montaigne sont eux aussi parus en trois éditions successives – 1580, 1588, 1595 – et sont organisés en trois parties essentielles : - Le Livre I, formé de 57 chapitres à sujets philosophiques, politiques et pédagogiques, insiste sur le volet autobiographique de cette œuvre ; Literaturi francofone şi repere ale scriiturii feminine a exilului 123

l’auteur y annonce son intention d’écrire un livre sur lui-même et d’imposer une discipline à sa nature indolente ou oisive avant de se concentrer sur la vieillesse et la mort. - Le IIe Livre est organisé en trente-sept chapitres plus longs, qui reprennent les thèmes déjà abordés ; Montaigne commence à s’y dépeindre, tout en considérant que son livre et lui sont devenus « consubstantiels ». Les essais les plus connus sont Des livres (10) et Apologie de Raymond Sebond (12) (fréquemment publié séparément des Essais). - Le Livre III, structuré en treize chapitres, réunit des pages écrites après 1580 et fait le bilan de l’ouvrage, pour expliquer en quoi consistent le but et l’originalité des Essais. 3 Le repérage de ces catégories a comme base l’ensemble des thèmes identifiés par I. Oprisan dans la note introductive du recueil intitulé Pensées de Julie Hasdeu (Ibidem, pp. 5-12). 4 Tous les exemples tirés de l’œuvre de Michel de Montaigne sont extraits de l’anthologie intitulée Le Moyen-Age et le XVIe siècle en littérature, coord. Xavier Darcos, coll. « Perspectives et confrontations », Hachette, Paris, 1987, pp. 324-367. 5 Notre traduction; Ibidem, p. 5. Le volume paru en 1988 aux éditions Minerva sous le titre « Iulia Hasdeu, Scrieri alese » contient une note introductive de Crina Decusara-Bocsan. 6 Notre traduction; Ibidem, p. 10. Dans la conception du critique roumain I. Oprisan, ces textes offrent des grilles de lecture et « des perspectives insoupçonnables » pour pouvoir comprendre la signification d’autres « zones » de l’œuvre de Julie Hasdeu.

124 Communication interculturelle et littérature

Începuturile scrisului feminin românesc în exil: Memoriile Elenei Văcărescu

Lucia-Luminiţa Ciucă

Résumé: En reconnaissant le manque de communication avec l’élite politique et culturelle de Roumanie, Elena Văcărescu, qui a été dorlotée pendant son enfance par la reine Elizabeth Ière, est forcée de choisir l’exil, après 1893. Elle a imposé son nom et sa réputation sur la scène exigeante de la culture française. Les mémoires d’Elena Văcărescu présentent un intérêt particulier parce que ses pages racontent des événements ou décrivent des personnalités qu’elle a rencontrées: des écrivains, des artistes, des hommes politiques et des diplomates. Bien que rédigés en français, la langue de sa patrie adoptive, ses mémoires expriment, d’un souvenir à l’autre, d’un portrait à l’autre, l’attachement presque pathétique pour son pays d’origine. Même si son œuvre est l’une des réalisations les plus importantes du genre, elle est restée inconnue aux lecteurs de la Roumanie. Mots-clés: exil, mémoires, attachement, pays d’origine.

Motto: „Mă înfăţişez cu singura ambiţie de a mă face cât de cât plăcută şi de a fi sinceră tot timpul...” (Elena Văcărescu)

1. Consideraţii teoretice

Literatura memorialistică se încadrează în ceea ce „vechea critică numea literatura subiectivă sau literatura confesiunii”. Interesul sporit faţă de universul interior, nedisimulat, tendinţa reflectării experienţei unice, preocuparea pentru descoperirea propriei individualităţi şi, prin aceasta, inţelegerea fiinţei umane a determinat refugierea sincerităţii literare in mediul său de predilecţie, reprezentat, printre altele, de textul memorialistic. Ca şi în cazul celorlalte specii ale memorialisticii există o particularitate distinctă la nivelul instanţelor narative: naratorul este cel care povesteşte şi se identifică, în egală măsură, cu acela despre care (se) povesteşte, iar în ceea ce-l priveşte pe autor, acesta, aşa cum afirma Philippe Lejeune, „se comportă ca un martor dublu: al existenţei sale şi al epocii sale”. „Ceea ce este personal este Literaturi francofone şi repere ale scriiturii feminine a exilului 125

punctul de vedere individual, dar obiectul discursului este ceva ce depăşeşte cu mult individul, este istoria grupurilor sociale şi istorice cărora el le aparţine” [Lejeune, 2000: 12]. Ideea este confirmată şi de Georges Gusdorf, citat de Eugen Simion: „Autorul de memorii contribuie mai mult la istoria epocii sale decât la propria istorie; istoria personală se înscrie în istoria generală şi obiectivă.” [apud Simion, 2008: 17-18]. Astfel, naratorul auctorial, povestindu-se pe sine, povesteşte mai ales lumea prin care trece. Referindu-se la sursele de inspiraţie ale scriitorului, W. Faulkner afirmă: „Aş zice că scriitorul are trei surse – imaginaţia, observaţia şi experienţa. El însuşi nu ştie cât de mult foloseşte din una sau din cealaltă în fiecare moment dat fiind că niciuna dintre surse nu poate exista separat. Căci el scrie despre oameni şi foloseşte material din toate trei sursele ca şi un dulgher care se duce in pod şi alege o bucată de lemn care i se potriveşte perfect in colţul la care lucrează. Desigur, orice scriitor, ca să ne referim la el mai întâi, îşi scrie propria biografie – el a descoperit lumea şi a mai descoperit apoi că această lume e destul de importantă, de dinamică ori de tragică pentru a merita s-o pună pe hârtie, pe note, pe pânză; şi tot ce ştie el e ceea ce i s-a întâmplat lui fiindcă nu şi-a dezvoltat capacitatea de a observa, de a trage concluzii, de a scruta intimitatea celorlalţi. Singura introspecţie posibilă este în sine – totul va fi biografie fiindcă acesta e singurul etalon cu care ştie măsura ceea ce a experimentat direct” [apud Petraş, 2002: 137]. În Genurile biograficului Eugen Simion arată că „o carte de memorii tinde să transforme o viaţă într-un destin prin intermediul unei povestiri care nu respectă legile ficţiunii. O ficţiune totuşi există în orice naraţiune memorialistică: aceea care respinge ficţiunea literaturii. Ea nu inventează în sens strict personaje, dar transformă, dacă este suficient de puternică, personajele reale ale unei epoci în personaje care au relevanţă, personaje memorabile, proprii literaturii” [Simion, 2008: 20]. Literatura mărturisirilor transferă accentul de pe ficţiune pe confesiune, de pe imaginar pe experienţă, de pe literaritate pe autenticitate. De-a lungul timpului s-au încercat mai multe definiţii ale genului autobiografic, din care face parte şi literatura de memorii, însă aproape toate insistă pe dorinţa autorului de a cuprinde şi înţelege „propria sa viaţă” în totalitatea ei; sunt puse în evidenţă ideea de construcţie, de unitate, de „sinteză a eu-lui”, precum şi intenţia de a transmite o „viziune asupra lumii” [Holban, I, 1989: IX]. Prin urmare, pot fi identificate, în interiorul lor, mai multe segmente de conţinut: funcţia 126 Communication interculturelle et littérature

primordială a textului este una cognitivă, cu caracter iniţiatic; reprezintă rezultatul unui adevărat „cult al adevărului”; este mai puţin invocaţia unei imagini ideale şi mai degrabă evocarea unui eu care îşi caută fără încetare propria identitate; este, în acelaşi timp, şi un document, o scriere cu caracter depoziţional în care ecourile lumii se întâlnesc cu subiectivitatea celui care „se scrie pe sine” la modul cel mai propriu. Astfel, actul de a scrie memorii este un act subiectiv, personal, confesiv şi în măsura în care ideile fac parte din existenţa omului care scrie şi îl pot defini ca individ. Scriitorul caută in literatura mărturisirilor o eliberare a eului prin funcţia catharhică a confesiunii.

2. Memoriile Elenei Văcărescu

Personalitate cu destin înalt şi special, care a trăit in inima istoriei, Elena Văcărescu îşi asumă responsabilitatea gestului confesiv, fără a ezita în faţa amintirilor „de teama de a nu le putea controla.”

Trecutul este, au spus-o mulţi, un spaţiu de intimitate şi de libertate, care nu trebuie tulburat, că amintirile sunt la locul lor doar în uitare. Trecutul este însă şi un spatiu de literatură şi nu puţini oameni de cultură, de ştiinţă, de artă, au simţit nevoia să spună ceva din viaţa lor şi să depună mărturie despre lumea prin care au trecut...Cea mai mare parte a ei este scrisă de cei care au avut ceva neobişnuit să spună, care au fost observatori atenţi a „ceea ce trece”, care s-au simţit datori să înfăţişeze oameni, evenimente, fapte şi să reflecteze la „semnificaţia lumii”. [Platon, 1998: V].

Şi Elena Văcărescu se încadrează în aceeaşi categorie, făcând din viaţa personală şi din destinul său „o sursă pentru literatură”, aşa cum afirmă şi Maria Platon, adăugând exerciţiului său memorialistic şi o filă a istoriei ce se derula în afara existenţe sale. Pion important al istoriei vremii la nivel european, având conştiinţa propriei valori şi a propriei vieţi, se angajează să prezinte cu luciditate maximă cele trăite şi văzute spre a le face cunoscute şi altora care nu le pot retrăi decât prin scris. Însă dincolo de componenta reală, trăită, memoriile sale sunt încărcate de sentimentalism fiind nu doar rezultatul inci- denţelor exterioare ci un produs al unei existenţe interioare legate de profunzimea personalităţii şi sensibilităţii sale. „«Ciudat destin», scria Literaturi francofone şi repere ale scriiturii feminine a exilului 127

Elena Văcărescu gândindu-se la ea. «N-am avut noroc. Adică n-am avut noroc, şi totuşi, am avut noroc cu carul»” [apud Bulei, 2001: 7]. Momentul propice rememorării este constituit de vârsta senectuţii, când cunoaşterea lumii este mai profundă, conştiinţa mai limpede şi „faptul trăit mai uşor de consemnat” [Platon, 1998: VI]. Ea hotărăşte să reorganizeze în spiritul libertăţii „ceea ce viaţa a organizat, altădată, sub constrângerea împrejurărilor”, aşa cum menţiona Lucian Blaga, citat de Maria Platon în Prefaţa lucrării Elena Văcărescu şi Franţa. Cu toate acestea, textul său denotă o memorie „vivace, colorată, riguros fidelă, rânduind, într-o adevărată frescă, oameni, destine, moravuri, evenimente, înfăţişând o lume care nu mai trăieşte, dar supraveţuieşte, prin ceea ce este numai al ei, prin arta memorialistei. O reconstituire istorică, de o mare încărcătură umană, socială, etică, spirituală, dominată prin puterea intleigenţei şi a inimii” [Platon, 1998: VII]. „Am scris cu «memoria inimii»” afirmă, în acest sens, Elena Văcărescu. Spaţiul care o „găzduieşte” cea mai mare parte a vieţii, Franţa, îi oferă şi cadrul propice rememorării: „Un sentiment de nemărginită recunoştinţă îmi umple sufletul, ori de câte ori îi evoc chipul acestei ţări. Pentru mine Franţa rămâne ţara care a primit solia mea românească, ţara care, înţelegându-mi misiunea, mi-a înlesnit-o cu o generozitate pe care renunţ s-o descriu în culori ditirambice...” [Platon, 1998: 52] Obligată să rămână departe de „rostul existenţei sufleteşti”, „îşi transportă penaţii” şi un „fragment din fiinţa românească” pe „malul august al Senei” [Platon, 1998: VI]. Toate acestea au fost consemnate în sute şi sute de pagini presărate în reviste, în conferinţe, interviuri, cărţi. În volume se află strânse abia o mică parte: Memorial în mod minor (Mémorial sur le mode mineur – 1946) este culegerea cea mai substanţială; Le Roman de ma vie (Romanul vieţii mele), început în 1942, proiectat a fi o vastă panoramă a memoriilor sale, n-a fost terminat, scriitoarea care n-a mai avut timpul, dar nici puterea sa-l ducă la îndeplinire, lăsând în manuscris o multitudine de fragmente şi planuri de capitole. Plecată într-un exil forţat, atât politic cât şi sentimental, tânăra Văcărescu se stabileşte, în cele din urmă, în Franţa, cu care luase contact în adolescenţă, 1879, când merge la studii. Noua patrie o adoptă şi o ajută să se dezvolte, recompensând-o cu premiul Academiei Franceze, decorând-o cu Legiunea de Onoare în 1927, ca fiind cea mai cunoscută dintre „scriitorii străini de expresie franceză”, deşi în ţară ecoul debutului sau artistic stârneşte ample controverse chiar şi din partea celor mai luminate minţi ale vremii, precum 128 Communication interculturelle et littérature

Eminescu care afirmă că „nesocotea limba strămoşilor”. Situarea sa la graniţa dintre două literaturi va face ca opera sa să fie târziu apreciată la reala sa valoare. Exilată fizic şi spiritual, va rămâme până la moarte devotată spiritului naţional şi românismului, ducându-şi datoria de onoare până la capăt: „Străbuni, Patria-n suflet mi-e singura comoară! / Străbuni asemeni vouă eu şti-voi s-o iubesc” [Stăvăruş, 1974: 6]. De la poezia Á ma patrie / Patria mea!, din primul volum de versuri, până la ultimele pagini, lăsate neterminate, şi-a afirmat cu tărie şi orgoliul nemăsurat „şi originea şi sufletul românesc”, ceea ce-l face pe Maurice Barres să afirme „Nu sunteţi o femeie, sunteţi un neam întreg...” (Hélène Vacaresco? – Elle n’est pas un femme, elle este toute une race!”) [apud Stăvăruş, 1974: 6], pe N. Iorga să arate că

Toate popoarele cuprind în cadrul vieţii lor sufleteşti ceea ce s-a scris de persoane aparţinându-le în alte limbi.” „...Odrasla boierilor Văcăreşti n-a fost de fapt niciodată despărţită de ţara în limba căreia n-a scris. S-a gândit continuu la dânsa, a sevit-o cu toată puterea unui mare şi cald suflet, şi-n toată opera ei (...) ea şi-a pus scene şi emoţii totdeauna în cadrul naturii româneşti. [apud Stăvăruş, 1974: 6],

şi pe Camil Petrescu să insiste asupra componentei etnice: „O româncă din cel mai adevărat sânge românesc, care îşi afirmă cu orgoliu şi originea şi sufletul românesc (...) O asemenea personalitate onorează două literaturi” [apud Stăvăruş, 1974: 6]. Această devoţiune răzbeşte dincolo de paginile de memorii şi din faptul că-şi afirmă misiunea prin toate mijloacele şi cu toate ocaziile. Iată ce afirma în discursul de recepţie rostit la Academia Română, la 2 februarie 1934: „Eu cred că adevărata poziţiune a unui patriot luminat şi cu răspundere nu poate rezulta decât din îmbinarea lucidă şi echi- librată a factorului naţional cu factorul internaţional.” „Cu rădăcini adânc înfipte în glia românească şi în substanţa trecutului, sufletul nostru va îmbrăţişa cu privire ageră şi nepărtinitoare toate orizon- turile” [Platon, 1998: 43]. Aceeaşi idee reiese şi din testamentul său:

înţelegându-mi misiunea, mi-a înlesnit-o cu generozitate, ca româncă în mijlocul ei. Am servit ideea românească. Dacă arunc o privire asupra trecutului generaţiilor din care cobor, surprind în fiecare act manifestarea acestei idei româneşti. Am conştiinţa de a fi respectat consemnul strămoşesc, străduindu-mă din toate puterile să colaborez la creşterea limbei româneşti şi la a patriei cinstire. Am încercat să răspândesc peste Literaturi francofone şi repere ale scriiturii feminine a exilului 129

hotare faima numelui românesc şi am servit în lume expansiunea sufletului românesc” [Văcărescu, 1989: 171].

Din imaginile copilăriei, scriitoarea reţine cu duioşie pe acelea de la vatra strămoşească a Văcăreştilor, „unde s-au petrecut momentele cele mai semnificative şi cele mai dragi ale vieţii mele”: „Respir prima zi la Văcăreşti ca şi cum m-ar înconjura încă cu miresmele şi magia ei.” Sau: „Văd epoca aceea îndepărtată ca un curcubeu, un curcubeu mereu schimbător...”; „Născută din cel mai curat pământ românesc, crescută generaţii după generaţii în volbura veacurilor româneşti, eu am respirat adierea parfumată a primăverilor noastre, am înfruntat crivăţul zăpezilor noastre, poveşti străvechi mi-au alintat copilărie, iar înţelepciunea şi poezia rustică mi-au nutrit cele dintâi gânduri şi sentimente” [Văcărescu, 1989: 166]. Această descriere vie şi colorată poartă în interiorul ei mândria şi nostalgia celei care se revendică din „Văcăreşti, ţinut al poeziei, ţinut al miturilor şi al tainelor, dar şi al amăgirilor, adăugau ţăranii mei, care, dornici să-i prefacă plaiurile fermecate în câmpii roditoare au fost întotdeauna învinşi de exuberanţa unei flore dezlănţuite”[Văcărescu, 2001: 11]. Amintirea ţinutului părintesc pare o rugăciune izvorâtă din neliniştea şi durerea de a nu avea urmaşi:

Când mă gândesc la voi, îngân versuri ca şi cum m-aş ruga. Singură, lângă vatra cinstitului neam, şoptesc: Rămas-a o femeie doară şi umbrele îi dau târcoale,/ Iar asprul vânt al sorţii crunte o biciuieşte, o prăvale... Trăind azi în Franţa, aproape de Mediterana ce-a hrănit geniul nostru latin, mă tot gândesc la aceste lucruri. N-am avut urmaşi. Neamul se stinge. Şi-atunci ţin sfat cu Văcăreştiul” [Văcărescu, 2001: 13].

De acest univers pierdut fizic, dar niciodată uitat, se leagă şi ceea ce de fapt îi provoacă exilul, „durerea iubirii pierdute” pe care o va purta cu ea fără încetare – „Cea mai mare tentaţie, în paginile de memorii, e să cauţi urmele acestei iubiri” [Văcărescu, 2001: 8]. Şi dacă priveşti în adâncime, le poţi identifica ca un „sottofondo al existenţei”, după cum afirma Ion Bulei în Prefaţa volumului Memorial în mod minor. Femeia, ca trăire, este înăbuşită. „Văcăreştiul îi îngăduie tinerei să-l iubească”, scria autoarea, „căci un cântec vechi al neamului nostru spune: « Iubeşte, am nevoie de iubire în cântecele mele! »”, dar adaugă că acelaşi Văcăreşti n-a lăsat-o „să-şi piardă numele prin căsătorie” [Văcărescu, 2001: 12]. 130 Communication interculturelle et littérature

Elena Văcărescu evocă întâlnirea ei cu prinţul Ferdinand la Munchen: „Când ridic ochii şi întâlnesc privirea tânărului şi frumosului prinţ... idila (care pentru mine va dura toată viaţa) a şi început” [Văcărescu, 2001: 36]. Altă dată evocă o seară la Viareggio, din timpul exilului, când mama ei, palidă şi tremurândă, îi aduce o veste ce o va tulbura profund, aceea că „Nando” s-a logodit, „iar ea cântă Marşul funebru” al lui Chopin pe „cenuşa iubirii”. Revederea cu prinţul, în 1902, o răscoleşte: „amintirea idilei răbufneşte în mine precum parfumurile răscolite de căldura verii”. Simte cum o apasă tradiţiile „de pe urma cărora am avut atât de suferit” şi aproape strigă: „Împrăştiaţi-vă amintiri!”. Astfel, exilul o face să simtă profund sentimentul singurătăţii: „Aşteptam mereu scrisori care nu mai veneau; eram mereu cu ochii aţintiţi şi cu mâinile întinse spre scrisorile care soseau, spre orice ziar pe care-l zăream” [Văcărescu, 2001: 44]. La moartea lui Ferdinand, în 1927, poartă „un doliu amarnic” „după logodnicul de-a pururi plâns” [Bulei, 2001: 9], „unica iubire a vieţii mele”. Şi pentru că poeţii „adoră mai mult politica şi se pricep mai bine să o cultive decât politicienii de profesie”, şi pentru că iubeşte România, pe care şi-o imagina pe un steag care avea în mijloc Roma şi în jurul ei raze, dar şi pentru că are nevoie de un spaţiu de manifestare a personalităţii sale frustrate, se afirmă diplomatic. Implicarea sa diplomatică îi permite, astfel, de-a lungul vieţii sale bogate în evenimente, să cunoască o vastă galerie de personalităţi. „Fiecare prilej i-a încrustat în memorie o trăsătură, un chip, o cugetare, o replică” [Stăvăruş, 1974: 240]. Din panoplia portretelor conturate fac parte Alecsandri, Hugo, C.A. Rosetti, Leconte de Lisle, Caragiale, Nietzsche, Anna de Noailles, Proust, Paul Valéry ş.a. Astfel, „a vorbi şi a scrie despre Franţa înseamnă, pentru Elena Văcărescu, a vorbi şi a scrie despre oamenii ei” [Platon, 1998: XVIII]. „De-a lungul întregii mele vieţi – mărturiseşte memorialista – am legat atâtea prietenii încât, fără îndoială, n-aş avea timpul să vorbesc despre acei şi acelea pe care i-am cunoscut şi iubit...”: „... îi revăd cu nuanţele şi preciziunile memoriei inimii... oricât de lungă ar fi lista, ea rămâne incompletă”. Lista este, cu adevărat, lungă: „prinţi ai artei”, „ai muzicii”, „ai scenei”, „ai politicii”, cum îi numeşte ea, evocându-i în cea de-a doua parte a Romanului vieţii mele şi în paginile volumului Memorial în mod minor. În substanţa şi formula lor artistică, aceste evocări de „prieteni şi apropiaţi” alcătuiesc un elogiu Literaturi francofone şi repere ale scriiturii feminine a exilului 131

al prieteniei, născut din nevoia sufletească de a cunoaşte, de a iubi, de a preţui şi de a fi preţuită. Scriitoarea îşi adaptează mijloacele de observaţie şi tonul emoţional după figurile înfăţişate, schimbând mereu unghiul de privire şi modificând accentele în redactare. Este o adaptare la cel elogiat, descris, rememorat care reflectă, dincolo de interesul intelectual, de afectul pentru cel descris şi pentru înfăptuirea sa, „o schemă a observaţiei, un mers al gândirii unui scriitor, care-şi face din cunoaşterea celui de lângă el un mod de existenţă” [Platon, 1998: XX]. Cel mai ades evocă poeţii pe care îi vede aievea: „văd chipuri, gesturi, mişcări, priviri... aud voci. Îl aud pe Victor Hugo; vorbeşte foarte încet. În contrast, timbrul lui José-Maria de Heredia, viguros, sună ca un metal preţios...” [Platon, 1998: 32]. În spatele acestei fervente prezentări se ascunde, de fapt, propria sa personalitate, recunoscătoare acestor minunaţi oameni, pentru formarea sa morală şi intelectuală. Un astfel de „exerciţiu de admiraţie” îi este adresat lui V. Hugo, care este „gigantul”, „Poetul” cu majusculă. Elena Văcărescu evocă des şi sfârşitul prietenilor săi, simţindu-şi propriul sfârşit mai aproape, aşa cum în evocările sale M. Sadoveanu spunea: „Moartea prietenilor este începutul morţii noastre”[apud Stăvăruş, 1974: 242]. Toate aceste figuri se perindă în salonul său propriu, deschis pentru „suflet şi spirit”, în locuinţa sa de pe strada Washington nr. 5, pentru că, deşi departe de ţară, ea-şi recrează atmosfera familială: „În încăperile care păstrează atmosfera arhaică a interioarelor boiereşti de acasă se perindă oameni politici, artişti şi subţiri intelctuali ai celui mai ermetic Paris, cuceriţi cauzei noastre”, „o lume pentru care legenda se destramă şi lasă limpede ochilor realitatea românească” [Platon, 1998: 51]. Şi încă: „Sălaşul meu parizian a fost întotdeauna un colţ de patrie românească. În casa mea dăinuia nu numai un spirit românesc, ci o atmosferă românească. Căci dacă nu eram în ţară, ţara era cu mine, în depărtata Franţă, pe malul august al Senei”… [Văcărescu, 1989: 168]. Experienţa exilului în sânul culturii europene, din care consideră că este parte integrantă, o face pe Elena Văcărescu să afirme: „Parfumul României e în fiecare cută a rochiei mele. Nu cunosc suferinţele exilului; oriunde m-aş afla, n-am resentimente, n-am ură decât pentru cei care o reneagă şi-şi caută un sprijin în afara ei...” [Văcărescu, 2001: 102], solicitând înainte de moarte reîntoarcerea binemeritată în pământul atât de drag ei: „Când toate renaşterile de 132 Communication interculturelle et littérature

mine dorite vor fi, scumpa mea ţară, împlinite sub cerul tău, primeşte-mă cu drag în sânul tău ca pe una ce-ţi va fi meritat... adăpostul, azilul, unde voi putea de aici înainte să trăiesc din viaţa seminţelor tale, din seva ta... o, pământ românesc, o, Românie!... [Platon, 1998: 104].

Referinţe bibliografice

Dănilă, Ligia, „Alexandrina Cantacuzino, Calypso Botez, Sofia Nădejde şi Elena Văcărescu – militante ale feminismului românesc interbelic”, în Mişcarea literară, anul IX, nr. 1-2 (33-34), 2010. Espil, Pierre, „O prietenă a Franţei: E. Văcărescu”, în Magazin istoric, nr. 5 / 1968. Holban, Ioan, Literatura subiectivă, Editura Minerva, Bucureşti, 1989. Iosifescu, Silvian, „Sintezele zilelor noastre”, în Literatura de frontieră, Editura Enciclopedică română, Bucureşti, 1971. Lejeune, Philippe, Pactul autobiografic, Editura Univers, Bucureşti, 2000. Manolescu, Ion, Literatura memorialistică, Editura Humanitas, Bucureşti, 1996. Petraş, Irina, Teoria literaturii, Biblioteca Apostrof, Cluj-Napoca, 2002. Platon, Maria (ed.), Elena Văcărescu şi Franţa, Editura Cronica, Iaşi, 1998. Simion, Eugen, Genurile biograficului, vol. I, Fundaţia Naţională pentru Ştiinţă şi Artă, Bucureşti, 2008. Stăvăruş, Ion, Elena Văcărescu, Editura Univers, Bucureşti, 1974. Văcărescu, Elena, Memorial în mod minor, Compania, Bucureşti, 2001. Văcărescu, Elena, Memorii, Editura Dacia, Cluj-Napoca, 1989.

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Réflexions (post)totalitaires, exil et double dans la dramaturgie d’Anca Visdei

Elena Iancu

Résumé : Réfugiée politique en Suisse du Décembre 1973, établie ultérieurement à Paris, Anca Visdei a une activité littéraire prolifique. Cet article vise ses pièces de théâtre Photo de classe et Toujours ensemble / Puck en Roumanie, la dernière étant connue dans l’espace roumain sous le titre Primăvara e încă departe, dans la traduction de l’auteur, supposant aussi une version romanesque, L’exil d’Alexandra. Ces pièces traitent des avatars de la féminité pendant le communisme et après, le thème de l’exil, l’identité scindée dans le contexte du multiculturalisme, suggérant la nécessité d’un bilan, sinon une restructuration identitaire. Le motif du double est construit par de diverses stratégies, telles que les (en)jeux au niveau textuel (Bianca/BiAnca) ou l’insertion de l’épistolaire (Alexandra et Ioana). Mots-clés : féminisme, exil, double, avatar, identité.

La « transfiguration de la Roumanie » entraînée par l’instauration du communisme a déterminé, entre autres, le phénomène de l’exil. Le changement du regard de la « terreur idéologique totalitaire » vers l’Europe Centrale, par la rupture de l’espace matriciel, provoque une littérature qui, émergée d’une tutelle oppressante, acquiert, consciemment ou non, une dimension (auto)biographique dissimulée, soulignant à la fois une identité individuelle, comme une collective, dans la diversité. Cornel Ungureanu affirmait que l’écriture de l’exil signifiait en fait l’évocation « d’une catastrophe de l’Utopie » [1995: 8; notre traduction]. Le mémorial, soumis à la « réhabilitation fictionnelle », arrive à envisager une sorte de réflexion nostalgique, de l’intérieur et de l’extérieur du pays. En ce qui concerne Anca Visdei − qui peut être incluse (comme écrivain) du point de vue temporel dans ce qui a représenté la deuxième vague d’écrivains qui ont quitté le pays pendant le régime communiste, selon Laurenţiu Ulici [1994], Eva Behring [2001] ou Ion Simuţ [2008], et en même temps qu’on peut intégrer aussi dans la 134 Communication interculturelle et littérature

vague qui vise les manifestations du féminisme, une vague marquée conceptuellement par la liberté et par l’égalité − l’asile dans l’espace suisse, en décembre 1973, a été motivé par l’impossibilité de la publication d’un volume de théâtre à cause des pages des Archives de la Sécurité concernant son père. Dans l’interview avec Radu Negrescu-Suţu [2009: 15], l’auteur a déclaré:

La vie entière nous sommes des exilés sur Terre (...), parce que nous sommes mortels. Bannis du Paradis ou de l’Enfer, le déracinement est énorme, en conclusion s’exiler de Haimanale à Bucarest ou de Bucarest à Paris n’est qu’une bagatelle. Je me sens tout de même exilée dans un monde où le racisme, la guerre, le machisme existent (notre traduction).

Ces « nœuds » de l’historicité, qui arrivent à avaler dans la captivité les destins, marquent la conscience de l’auteur, en général, mais « pour une femme, écrire a toujours été subversif: elle sort ainsi de la condition qui lui est faite et entre comme une effraction dans un domaine qui lui est interdit » [Salma, 1981: 51]. Avec un début précoce (une première pièce écrite à l’âge quatorze ans, la publication et la mise en scène, cinq ans plus tard), la création littéraire d’Anca Visdei s’avère être prolifique, comprenant, jusqu’ à présent, des œuvres en prose, des scénarios (tournés à la télévision et pour le cinéma, un long métrage) et du théâtre. La section de création dramatique comprend, actuellement, plus d’une quarantaine d’œuvres, groupées selon l’horizon d’attente, le critère thématique ou selon un critère qui lui est spécifique (Théâtre pour adultes, Inédits, Théâtre pour la jeunesse, Pièces courtes, Théâtre en co-écriture, Adaptations et une adaptation co-écrite). La préoccupation de l’auteur pour le théâtre se reflète aussi dans la création et la direction de la compagnie artistique La femme pressée, nom qui semble annoncer les avatars de la féminité reflétés dans la littérature (rappelant le roman de Paul Morand, de la période de l’entre-deux-guerres, L’Homme Pressé), dans le salon tunisien de la pièce Le Train Bleu, où des lectures sont mises en scène. L’article traite des pièces Photo de classe [1990] et Toujours ensemble / Puck en Roumanie [1994]. La dernière est connue dans l’espace roumain sous le titre de Le Printemps est encore loin / Primăvara e încă departe, en version radiophonique, dans la traduction de l’ auteur (dialogisme, l’auto-traduction / auto-écriture, le mot à deux voix [voir Bahtin: 1970]), mais, vu qu’elle n’a pas été Literaturi francofone şi repere ale scriiturii feminine a exilului 135

introduite par l’auteur dans un volume, elle ne constitue pas l’objet de cette approche ; c’est le cas aussi de la version romanesque L’exil d’Alexandra [2008], qui, après une lecture parallèle et selon la spécification d’Anca Visdei dans la correspondance maintenue, ne suppose pas de changements essentiels par rapport au texte dramatique de base, mais en revanche, si l’on ignore l’encadrement dans un autre genre, peut-être plus populaire pour le public français, comprend des nuances. L’œuvre de l’auteur, à travers la valorisation des mythes, selon les propos de Mircea Eliade, semble tenter de guérir l’anxiété de l’homme moderne lié indissolublement à la conscience de son propre historicité. Ainsi peut-on distinguer: le mythe du séducteur, dans la version féminine (Confession d’une Séductrice, Dona Juana), celui de la jeunesse sans vieillesse (Belles, riches et célèbres, Photo de classe), de la princesse qui attend son prince charmant (La Princesse mariée au premier venu, La Patiente), celui de l’exil (L’Exil d’Alexandra), de la nature faustienne (Mademoiselle Chanel, Quand même, Madame Shakespeare), du mystère de la création et du créateur (Petits contes cruels, Jean Anouilh-une biographie) etc. A la suite du spectacle-lecture de la pièce Dona Juana, joué sur la scène du Théâtre Odéon, Visdei précisait que: « Toutes les œuvres d’un écrivain sont, en quelque sorte, autobiographiques. (...) Il ne reste au publique qu’à deviner si les expériences décrites ont été vécues par l’auteur (...). Ou − comme on le dit en français – „Les deux, mon général” », fournissant ainsi une clé de lecture pour son théâtre avec, au moins, une double entrée, en rappelant également ce que Philippe Lejeune, dans Le pactes autobiographique, décidait de nommer (roman) autobiographique, respectivement « (...) tous les textes de fiction dans lesquels le lecteur peut avoir des raisons de soupçonner, à partir des ressemblances qu’il croit deviner, qu’il y a identité de l’auteur et du personnage, alors que l’auteur, lui, a choisi de nier cette identité, ou du moins de ne pas l’affirmer » [1975: 25]. Pierre Rajotte [1997: 53] distingue ainsi l’imaginaire de l’authentique : „Le voyage imaginaire appartient d’entrée de jeu à la littérature dont il a longtemps constitué l’un des principaux thèmes. En un sens, il présuppose « l’une des intrigues les plus anciennes et les plus universelles », généralisable par extension de la notion de déplacement des personnages”. Si le retour à l’espace d’origine représente le dénouement heureux des pièces Photo de classe et Toujours ensemble, ce qui englobe des 136 Communication interculturelle et littérature

aspects du méta-théâtre, du théâtre historique, politique, social, d’amour (avec un substrat anthropologique), le retour de l’auteur n’est projeté qu’en fiction, car, comme le suggèrent aussi les indications scéniques, « chaque objet est vrai, il a servi et vécu, il a sa mémoire et son exil... mais, comme dans un grenier, on ne peut exhumer que quelques pans du passé... » [Visdei, 1990: 2]. Cependant, ce retour ne serait pas dépourvu du sentiment de l’aliénation, de l’éloignement, s’agissant d’un « chez soi qui n’est plus chez soi » [voir Todorov, 1996], parce que, comme l’affirmait aussi l’auteur [2009: 16]: « (...), il est trop tard maintenant, pour moi ». En ce qui concerne la condition de l’écrivain et son rapport tantôt avec la réalité, tantôt avec l’imaginaire, la réplique de Katia (« Bianca n’a jamais eu une vraie conscience civique. Elle a toujours vécu dans son univers... Et être écrivain ça n’arrange pas les rapports avec la vie réelle. » [Visdei, 1990 : 51]) comme celle de Marina,

Celle qu’elle écrit sur nous... tu sais bien: elle observe, elle observe et puis elle écrit une pièce sur nous. Elle nous a toujours fait le coup... (à Bianca): Pour ta pièce, la révolution et tout ça, chacun qui dit le contraire de l’autre, je voulais te dire une seule chose : la nuit de la révolution, j’étais seule chez moi devant la télé et j’ai eu envie de me suicider... Allez, ciao et... écris bien! [idem : 97], s’avèrent bien éloquentes. Réalisant une comparaison entre le romanesque et le théâtre, on peut mentionner que « l’espace fictif transgressif est organisé entre l’espace perdu, la langue perdue et l’identité problématique de l’auteur exilé, ce qui transforme l’écriture dans un refuge et en réalité de substitution » [Milea (coord.), 2006: 195]. Le conflit de l’intellectuel avec le pouvoir politique, dont il réalise aussi la critique, est exprimé dans des lettres, la confession y suggérant des crises et des changements identitaires. Le voyage, à travers la réalité de l’exil qu’elle implique, comme espace fermé, est accablant par la nostalgie du « Paradis perdu », devenant, à la fois, un moyen de connaissance. La littérature de l’exil, en tant qu’écriture de front, vise une réaffirmation, une restructuration, pour marquer un nouveau point de départ, mais pas sans les manifestations du déni, de la frustration du dépaysé, de la révolte, pour compenser, pour « gagner » un combat contre la machine totalitaire, contre « L’autrui » ou contre soi-même. Tout comme dans le cas d’Emil Cioran ou celui d’Eugène Ionesco, on Literaturi francofone şi repere ale scriiturii feminine a exilului 137

peut distinguer, dans la situation de l’auteur, le radicalisme « connoté par l’idée « du pire des mondes possibles » [Ungureanu, 1995: 8]. En ce qui concerne la création dans la langue d’emprunt / hôte et l’utilisation de la langue maternelle, Anca Visdei soulignait [Negrescu-Suţu, 2009: 16]:

(...) nous pouvons rire de n’importe quoi, mais pas avec n’importe qui. Je vais vous avouer que je me sens roumaine, mais pas avec tout le monde. Un exemple? Il suffit que je m’abandonne dans la lecture d’un livre de Caragiale ou d’Eminescu, pour que je sente le désir de parler en roumain, un désir physique (...) j’observe que pour répondre à vos questions, j’utilise de plus en plus le roumain, ce qui est un signe encourageant, mais le mot „dor” (mal de) n’a pas d’équivalent, surtout pas, celui de pays (notre traduction).

Renoncer au roumain (« Ioana: Toi qui écris tout le temps, tu vas te retrouver inutile, muette, sourde. Tu devras tout réapprendre, chaque mot, chaque tournure de phrase. Tu redeviendras démunie comme une enfant qui ne sait pas encore parler. » [Visdei, 1994: 15]) devient, finalement, une autre façon de créer, du moment que la machine à écrire emprunté par Alexandra n’a que des caractères spécifiques du français. Les éléments de paratextualité anticipent les sujets des créations dramatiques, parce que, si dans la pièce Photo de classe, Bianca retourne dans la Roumanie de l’après-révolution et organise une réunion à laquelle quelques collègues du lycée seront présents, dans Toujours ensemble / Puck en Roumanie (le dialogue avec le modèle de Shakespeare suggérant la dualité, la (de) duplication causée par la pression, par la bouffonnerie, mais aussi la tentative de corriger les erreurs et d’avoir de l’espoir) l’histoire du communisme est envisagée du point de vue de la féminité représentée par les deux voix, Alexandra et Ioana, séparées à leur tour, à cause du système oppressif, mais qui se font entendre par le biais des lettres échangées « durant... quelques années » (« L’action de la pièce se déroule entre décembre 1972 et décembre 1989. » [Visdei, 1994 : 1]). Dans les deux pièces, la fin suppose une réunification, une réconciliation, le voyage fait portant en permanence vers le centre, car, sous le signe de l’amour, Bianca arrive à vivre une belle histoire avec Sile, et les deux sœurs (re)disent de concert: toujours ensemble. Les indications de l’auteur se caractérisent par flexibilité, le metteur en scène ayant la possibilité d’agrandir scéniquement le texte (« Que le metteur en scène prenne 138 Communication interculturelle et littérature

cette pièce pour un patchwork... Pour paraphraser cette autre exilée des lettres et du cœur : excusez-moi, j’ai eu trop à dire pour faire court... » [Visdei, 1990: 2]). Du point de vue thématique, les œuvres présentent la condition de l’écrivain exilé, la même année, 1973, et à la fois elles illustrent le manque de résonance de la réalité de Balkans dans l’Occident :

Les réfugiés politiques, on les connaît ... Chez vous, dans votre pays, vous aviez peut-être le téléphone dans votre chambre...” J’ai dit que oui mais qu’à part ça on allait à quatre pattes, couverts de peaux de bêtes. J’ai vite arrêté les frais : ils étaient en train de me croire. [Visdei, 1994: 21]; Te rappelles-tu ce voyageur étranger qui, devant un grand hôtel, nous faisait de l’œil nous invitant à monter chez lui et nous agitant un paquet de Kent sous le nez ? Quand nous lui avons tourné le dos, il est allé jusqu’à : "two Kent, two for you two" Tu vois à combien nous évalue l’Etranger. [idem: 25]; MARINA : Mieux valait ne rien dire : ils t’auraient prise pour folle... ROBESCOU : C’était trop incroyable... BIANCA : Moi je ne le savais pas : j’essayais de dire et je voyais dans les yeux des gens qu’ils ne me croyaient pas... [Visdei, 1990: 58-59]).

Un motif qui se distingue, avec un rôle essentiel pour le retour, est celui de l’enfant. Bianca quitte Paris après avoir vu un enfant roumain aux bras d’un soi-disant réfugié et Alexandra y revient avec un autre, qui va apprendre le roumain. Ayant l’aspect d’un anticlimax de l’individu par rapport au régime communiste, par le refuge dans l’espace francophone, de l’incipit, Photo de classe envisage le revers de la monnaie en révélant les destins de ceux qui sont restés dans le pays, des collègues qui sont morts ou ont subi un processus de dégradation à cause de la soumission, de l’humiliation, de la frustration ou d’une maladie, qui se superposent, raisonnant en contrepoint avec la thématique de l’œuvre et complétant l’image de l’époque évoquée („ROBESCOU: On est tous là... à veiller notre jeunesse agonisante et les futurs morts que nous sommes (...) tous les chemins mènent au ratage... On n’est pas les dieux qu’on se croyait à vingt ans... nous sommes retombés parmi les hommes... Dans la ruche, non: dans la taupinière... brrr, qu’il fait froid et noir dans notre vie...” [Visdei, 1990: 85-86]. Après avoir quitté le futur mari qui refusait / ajournait de l’accompagner en Roumanie, Bianca arrive à connaître les côtés dramatiques et tragiques de l’existence d’entre les frontières d’origine, annoncés d’ailleurs par Literaturi francofone şi repere ale scriiturii feminine a exilului 139

l’intertextualité avec le modèle d’Eminescu: „Parmi des centaines de mâts / Qui délaissent les rives, / Combien seront fracassés / Par les vents, les vagues?” [idem: 24]. Le sommelier, représentant un autre aspect de la trahison des intellectuels et de l’échec professionnel, se présente (auto)ironiquement comme un „conducteur de bêtes de somme” [idem: 19], en disant:

SOMMELIER : Mais où sont les neiges d’antan?...Vous devriez connaître deux de mes collègues : un agrégé de français et un poète, le meilleur traducteur de Villon en roumain... BIANCA Ils sont sommeliers aussi ? SOMMELIER Non, juste loufiats. Moi, je suis le seul qui a "réussi". (rit, lève le poing, chanson de la Place de l’Université): Mieux vaut être pauvre que activiste... Mieux vaut être mort qu’opportuniste ! Bianca chante avec lui. [idem: 21].

Dans la deuxième pièce, concernant le même aspect, Andrei Vornicou est constamment promu, on lui accorde même le titre d’honoris causa et il devient « ambassadeur de notre pays à... ». De plus, dans la pièce Photo de classe on distingue le statut de la femme dans la société, le plus souvent, utilitaire et dépendante du point de vue financier :

VINCENT: Katia a épousé Igor après l’avoir fait divorcer de Marina qui est devenue folle: on l’a mise à l’asile, elle courait dans les couloirs en chemise de nuit et racontait que les migrateurs sont à nos portes. Elle cherchait Igor dans les boîtes de médicaments, dans les poches des infirmières... ils lui ont fait des électrochocs et elle a pu revenir à la maison soigner son enfant et ses vieux parents... génération sacrifiée... [idem: 71]) ; la femme sans études :

RADOU: (à Bianca) Bizarre comme le fait que toi, la grande lettrée, ait eu une grand-mère analphabète t’humanise... Evidemment l’analphabétisme c’est une constante du tiers monde sans distinction de classe... même les grands propriétaires terriens étaient analphabètes (regardant Bianca avec un sourire ambigu) surtout les femmes... [idem: 63]) ; Ainsi était ma grand-mère, qui avait pleinement vécu l’horreur, la mort de son mari sous la torture, la confiscation de tous ses biens, l’interdiction que sa fille fasse ses études... et je l’ai connue, pourtant, douce, énergique, 140 Communication interculturelle et littérature

éternellement optimiste. Les épreuves de la vie nous forment, Dieu nous en protège! [Negrescu-Suţu, 2009: 15] ; la femme-mère :

MARINA : Mon mariage a duré un mois... Une nuit de plaisir, neuf mois d’attente et toute une vie de pension alimentaire ! (elle éclate de rire) Après mon mari est parti avec une autre (Katia s’en va ostensiblement, se dirigeant vers le téléphone), après j’ai élevé toute seule l’enfant tout en m’occupant de mes vieux parents, et mère divorcée ici c’est pire que noir en Afrique du Sud, après j’ai été de plus en plus fatiguée, après j’ai grossi, après j’ai perdu mes dents, et maintenant,... dès que mon enfant sera élevé on va me trouver un cancer et je vais me reposer enfin. [Visdei, 1990: 40-41]).

Une éventuelle ascension professionnelle supposait un compromis (« ROBESCOU : (...) qui veut une promotion doit payer... Malheureusement pour moi, elle n’avait pas d’argent ! » [idem: 88]), le mariage était un garant de la possibilité de quitter le pays, les unions étaient fondées sur l’intérêt, la femme était « vendue » :

RADOU : C’est vrai que c’est toi qui l’a vendue à ce roi africain ? ROBESCOU : On n’a pu la fourguer qu’à un cannibale. Hélas, il ne l’a pas mangée... On la lui a vendue comme « jeune vierge roumaine »... Contre des devises : belle affaire ! L’Etat lui a payé l’opération pour redevenir vierge... [idem: 90] ; MARINA : Désormais, le peuple, qui a un solide bon sens, lui, se vend par pièces détachées... Tu connais un acheteur pour une femme médecin à demi folle avec deux vieux parents et un adolescent délinquant à charge...? [idem : 72]) ; IOANA : Ici, les hommes commencent à avoir une mentalité détestable: ils sont devenus si opportunistes qu’une fille doit avoir un diplôme universitaire, une maison et si possible une voiture pour pouvoir espérer de se marier. Evidemment, elle doit être aussi jolie, douce et encore... elle voudrait de n’importe quel homme. Même mariée ainsi, elle n’est pas tranquille : divorce immédiat si elle ne peut pas avoir d’enfant. Il y a même des fanfarons de café qui disent, très satisfaits d’eux-mêmes : il ne faut pas regarder les femmes mais ce qu’elles ont dans leur cabas !... [Visdei, 1994: 43]) ; vu que l’avortement était interdit, il détermine des mutilations physiques, psychiques et spirituelles (« Ce mec-là a tué la moitié de Bucarest ! » [idem: 48]) ; « C’est la légalité qui l’a tuée. Elle est morte des suites de l’interdiction légale de l’avortement... » [idem: 45] ; Literaturi francofone şi repere ale scriiturii feminine a exilului 141

« Ioana : Tu me demandais dans ta lettre si les contrôles gynécologiques sur les lieux de travail n’étaient pas une farce. Si, c’en est une... qui dure depuis 1984... » [Visdei, 1994: 68]) etc. La libération d’au-dessous les ventouses de la pieuvre totalitaire n’est en fait qu’apparente, parce que les structures politiques restent, ainsi comme le syndrome du sergent, de la Sécurité (« BIANCA: Ben quoi ... ? Les services secrets n’existent plus après la révolution, non... ? Tout le monde pouffe de rire, d’abord timidement puis franchement. Robescou rit plus fort que tous les autres. » [idem: 54], la maladie s’étendant aussi sur la presse, supra personnage, tout comme l’histoire et l’exil :

BIANCA : De mon temps, La Voix du Peuple était le seul journal libre... SOMMELIER : Il l’est resté... BIANCA : Pourquoi il a si peu de lecteurs alors ? SOMMELIER : Parce que les autres veulent rester libres...” [idem: 23] ; ROBESCOU : On a tout payé pour qu’elle la boucle, surtout devant les... maintenant que la presse est censée être devenue libre... Bravo pour votre révolution: vous voyez bien que les secrets restent tout aussi bien gardés... Est-ce que ça valait la peine ? (secouant la manche vide du bras arraché de Sile) Ça valait la peine, maintenant on est tous les deux pareils... [idem: 91].

Le personnage fantôme-vivant, Vlad, aisément perceptible tout au long de l’œuvre (« Seule Bianca semble sensible à sa présence qu’elle ressent mais qu’elle ne comprend pas tout à fait... » [idem: 74]), après que l’équilibre d’entre les deux mondes fut établi, à travers la valse, joue le rôle de Cupidon en plaçant une lettre dans la poche de Bianca et en l’approchant, ainsi, de Sile. Finalement, elle (re)commence à avoir la mémoire du bonheur, mais le processus de la création devrait être toujours en français :

BIANCA : Est-ce que je pourrai à nouveau écrire en roumain ? SILE : Tu écriras en français : tu as toujours été un peu d’ailleurs... [idem: 111].

Dans Toujours ensemble / Puck en Roumanie, dédiée à Ion Luca (probablement Caragiale) et à Jaroslaw Caratchek (Jaroslaw Hasek), on signale l’oppression contre la littérature, en général, et contre le théâtre, en particulier, ce qui détermine Alexandra à se décider de quitter le pays (« IOANA : Si tu restes ici, ce sont eux qui te la (la langue) couperont. Ils ont déjà commencé... » [Visdei, 1994: 14]). La condition du réfugié suppose aussi, exceptant la rupture de l’espace 142 Communication interculturelle et littérature

matriciel, une scission culturelle et intérieure. Le double se manifeste, en même temps, par l’affection et le reniement des origines, car « Je dois être enceinte de la Roumanie » [idem: 26]. Si Alexandra incarne le discours dramatique, en tant qu’écrivain, Ioana, comédienne, vise le spectacle, donc les deux constituent l’ensemble désigné par l’art théâtral. Le conflit d’entre les deux sœurs n’a pas comme noyau le mariage d’Ioana avec Andrei, mais la soumission de celle-ci, la compromission du théâtre face au régime communiste. Ainsi, il n’y a plus d’échange équitable de lettres entre elles, celles d’Ioana soulignant les changements de l’espace roumain et mettant en évidence les avatars de la féminité, sous la pression de facteurs sociaux, avec de profondes implications, car :

Après un procédé mené à la perfection à la longue, la victime est forcée à devenir complice à sa propre condamnation, elle est incriminée. (...) La faute n’est pas, pour la société totalitaire, une réalité juridique, mais un état d’esprit, un outil maléfique de la terreur diffuse qui ne doit pas se justifier: elle existe purement et simplement. [Anghelescu, 2000: 135; notre traduction].

A l’Ouest d’Eden, l’horloge d’Alexandra s’arrête. La situation du théâtre est également inquiétante, parce que :

ALEXANDRA : Ici, la moitié de l’énergie et du temps de tous les gens de théâtre passent à rechercher l’argent de la production. C’est une quête qui requiert d’autres compétences que celles de l’auteur dramatique. C’est un autre métier : mendiant institutionnalisé ou chasseur de fonds professionnel, et je ne suis pas du tout douée pour. A peine maintenant je me rends compte de la chance que nous avions là-bas. L’argent au moins n’était jamais un problème : il n’y avait qu’à le demander à l’Etat. En contrepartie, on écrivait des textes sages ou qui avaient l’air tels. Comme les artistes- clients d’un prince un peu borné. C’était facile... [Visdei, 1994: 47].

Après la révolution, il y a la réconciliation entre les deux, mais on assiste aussi à la réconciliation d’une troisième voix avec soi-même, la grand-mère, personnage subtil et ébauché complexement, qui rêve sans cesse à la libération. L’implication dans les événements de décembre ’89 atteint son but existentiel, marquant, ainsi, pour elle un départ accompli vers le néant. Les deux œuvres dramatiques ont au centre la figure de la femme qui, bien que marginalisée, aboutit à se rendre remarquée et à se retrouver par son courage de vivre et par Literaturi francofone şi repere ale scriiturii feminine a exilului 143

celui d’espérer constamment, mais aussi par des attributs tels que la force de caractère, la patience, la maîtrise de soi, la ténacité, et, pourquoi pas, par sa propre féminité, tout en parvenant à faire revivre la mémoire collective d’un espace culturel. Les pièces ont du succès, étant jouées principalement à l’étranger, comme l’apprécie aussi la critique d’accueil :

(…) complexité humaine parfaitement retranscrite qui nous transporte du rire aux larmes avec talent. » (Le Dauphiné);

Cette pièce méditative et rêveuse à deux personnages réussit la remarquable performance de faire exister sur la scène une multitude d’individus vivants et des foules. Des solutions morales qui transcendent les questions de nationalité et d’époque. (Lawrence van Gelder, New York Times).

Traversée par un filon biographique, la création dramatique d’Anca Visdei établit un pacte avec l’histoire, supposant, d’une manière expressive, une décantation jusqu’aux essences, à travers la finesse et la complexité de l’écriture.

Acknowledgement: The work of Elena Iancu was supported by Project SOP HRD - PERFORM/159/1.5/S/138963.

Références bibliographiques

Corpus Visdei, Anca, Photo de classe, Editions La femme pressée, Collection Prêt-à- Jouer, Paris, 1990 (épuisé dans l’édition papier, le téléchargement de la pièce est gratuit sur le site www.ancavisdei.com); Visdei, Anca, Toujours ensemble/Puck en Roumanie, Editions La femme pressée, Collection Prêt-à-Jouer, Paris, 1994.

Études littéraires Anghelescu, Mircea, Cămaşa lui Nessus, Cartea Românească, Bucureşti, 2000. Bahtin, Mihail M., Problemele poeticii lui Dostoievski, traduit en roumain par S. Recevschi, Univers, Bucureşti, 1970. Behring, Eva, Scriitori români din exil 1945 – 1989. O perspectivă istorico- literară (traduction de l’allemand par Tatiana Petrache et Lucia Nicolau, révisée par Eva Behring et Roxana Sorescu), Editura Fundaţiei Culturale Române, Bucureşti, 2001. 144 Communication interculturelle et littérature

Lejeune, Philippe, Le pacte autobiographique, Seuil, Paris, 1975. Milea, Doiniţa (coord.), Antofi, Simona, Frontiere culturale şi literatură, Europlus, Galaţi, 2006. Negrescu-Suţu, Radu, « „Exilul Alexandrei”, piesa exilului românesc −Discuţii cu dramaturga Anca Visdei− », dans Buletin de informaţii al Asociaţiei Românilor din Australia, année 55, no. 1, janvier-février 2009. Rajotte, Pierre, Le récit de voyage au XIX siècle. Aux frontières du littéraire, Tryptique, Montréal, 1997. Salma, Béatrice, « De la littérature féminine à l’écrire-femme: différence et institution », dans Littérature, no. 44, décembre 1981. Simuț, Ion, « Cronologia exilului literar postbelic », dans România literară, no. 33 / 2008. Todorov, Tzvetan, L’homme dépaysé, Seuil, Paris, 1996. Ulici, Laurenţiu, « Avatarii lui Ovidiu. Observaţii statistice despre exilul literar românesc », dans Luceafărul, Ve année, no. 5 / 1994. Ungureanu, Cornel, La Vest de Eden. O introducere în literatura exilului, vol. I-II, Amarcord, Timişoara, 1995, 2000.

Sitographie http://www.romlit.ro/cronologia_exilului_literar_postbelic http://www.aradomain.com/archives/biara2004no6.pdf http://curierulromanesc.net/CR021/CR02128.pdf http://infoinsider.ro/1001-scrisori/anca-visdei-fructele-vin-ca-o-recompensa- desi-placerea-creatiei-a-fost-deja-un-cadou/ (http://ancavisdei.blogspot.ro/2013/07/lien.html) http://www.aradomain.com/archives/biara2004no6.pdf

Exil şi interferenţe culturale 145

Exil şi interferenţe culturale 146 Communication interculturelle et littérature

Étapes de la fictionnalisation de l’égo : H. Müller, La bascule du souffle

Violeta-Teodora Iorga (Lungeanu)

Résumé : Le roman La bascule du souffle se montre comme une écriture à plusieurs niveaux relevante aussi bien pour l’identification d’un paradigme de la subjectivité que pour la qualité du type de mixage qui compose l’espace autobiographique. Étant inclus dans la catégorie des fausses autofictions, le texte montre une intersubjectivité qui s’obtient d’un transfert permanent entre un ego explicite, masculin qui se manifeste d’une manière active dans le texte et un ego implicite, féminin, qui se manifeste lentement. Le palier référentiel est à son tour atypique, assimilant à un champ de la mémoire de celui qui a vécu l’expérience un autre, construit des témoignages gardés dans la mémoire de celle qui assume la responsabilité du discours. De ce point de vue, l’étude en question se propose d’analyser la manière dont le discours autofictionnel construit le profile de l’écrivain qui rentre dans le temps et dans l’espace perdus. Mots-clés : autofiction, intersubjectivité, registre référentiel, registre fictionnel.

1. Introduction

Paru seulement quelques mois avant la remise du Prix Nobel, le roman La bascule du souffle est le résultat d’un dialogue fécond entre l’auteur et le poète Oskar Pastior qui remémore avec une rigueur exaspérante les cinq ans passés dans un camp de concentration de l’Union Soviétique. Après la mort d’Oskar Pastior, Herta Müller prend l’initiative d’écrire le roman en absorbant dans sa propre matière épique les détails obsessifs des cahiers qui contenaient les notes résultantes de leurs dialogues. Mais la profondeur du texte présente un enjeu autobiographique implicite – en parlant de l’histoire du poète, l’auteur découvre sa propre histoire en traçant de cette manière une série de coordonnées identitares. Si l’on choisit l’organisation en étapes du discours roumain, on découvre que l’auteur autofictionne d’une manière atypique, en traçant les hypostases identitaires de sa propre expérience. L’histoire du jeune Exil şi interferenţe culturale 147

Leo, envoyé dans un camp de concentration devient le lieu de manifestation d’une identité marginale, construite par des procédés discursifs inédits. La cession du discours, la reconstitution de l’identité par les jeux de la réconstruction et de la démolition, l’obsession pour l’espace du camp (l’archipel des identités), mais surtout la réalisation d’une identité énonciative représente les axes principaux d’un possible mythe personnel que l’écriture impose.

2. Écrire l’histoire à deux mains

Quand les écrivains contemporains revisitent l’histoire, éviter la grande Histoire et se rapporter aux histoires mineures, marginales devient à peu près une obligation professionnelle. Ces voix de la marginalité, hétérogènes et ignorées au long du temps, reflètent de travers l’histoire fabriquée par les falsificateurs d’histoire du Parti Communiste et deviennent l’expression de la différence. Si l’histoire est rétrogradée à la fiction1, c’est à celle-ci que revient la mission de reconstruire ce que les instruments des idéologies totalitaires ont démoli. Les histoires de certaines existences mineurs et liminales sont celles qui composent l’Histoire et Herta Müller croit totalement à la force des histoires alternatives : « L’histoire est la vie-même. Chacun vit dans l’histoire, chaque jour représente une partie infime de l’histoire. L’histoire est notre vie. De quoi écrire ? Si l’histoire ne me préoccupe pas, et les souffrances et les gens qui sont passés par une dictature à quoi bon de continuer à écrire ? » [Şimonca, 2010]. Partant du sous-titre de roman du livre, les discussions sur les rapports qui se dressent faits et mots ne peuvent pas être délimitées par les quelques adnotations de l’auteur. Analysées dans une grille de la continuité, celles-ci mènent à la confession d’une croyance de l’homme et pas forcément à l’une de l’écrivain. Avant tout c’est la désapprobation de certaines attitudes : passer sous silence ou discuter dans une manière vindicative de ces deux dictatures. Cette réduction à l’indifférence et acharnement envers ceux avec les visages et les âmes déformés par l’histoire rend instable toute tentative de dénonciation des crimes du régime et pour l’homme revenu d’Allemagne, ou le passé est revisité pour être clarifié, il semble incompréhensible. Ne pas parler aux jeunes du passé équivaut à la perpétuation d’un état troublant de la nation :

148 Communication interculturelle et littérature

En Roumanie, il semble être un concours macabre, de découvrir qui a trahi le plus. Mais au-delà de cet aspect, la discussion aurait être dirigée vers les jeunes, vers l’école, vers les manuels. Qu’on discute sérieusement d ’Antonescu, du communisme, de Ceausescu. Il est important de savoir qui a trahi le plus. Ce n’est pas pour se venger, mais pour mieux comprendre le régime qui a créé les traîtres. L’absence d’une discussion sérieuse, le fait que jusqu’à présent en Roumanie personne n’assume la responsabilité pour aucune de ces deux dictatures, mène aussi à des réactions antisémites et à la minimisation des crimes fascistes et communistes. [Şimonca, 2010].

En expliquant la manière dans laquelle le roman a pris naissance, l’écrivain refait un trajet sinueux et justifie sa démarche comme étant récupératrice d’abord pour soi-même et puis pour la communauté. « En écrivant le roman La bascule du souffle, je n’ai ressenti aucun devoir ni envers ma mère ni envers mon ami Oskar Pastior, d’autant moins un devoir moral. On n’écrit jamais un livre par obligation, mais par un besoin intérieur. » [Şimonca, 2010]. La rencontre avec le poète Oskar Pastior représente le point central de ce trajet: celui-ci lui raconte ayant une mémoire microscopique, dans des images vives, de l’Ange de la faim, ou de la pelle de cœur. Mais au-dessus de cette possession de cette expérience vécue par Oskar Pastior se superpose la propre existence de celle qui a entendu de sa grand-mère comment les russes les a déshérités et de celle qui a été témoin au trauma de sa mère, déportée pour cinq ans dans un camp de concentration de l’Union Soviétique. Tous ces éléments se raniment au moment où Pastior lui fournit toute une série d’images, d’informations, et après sa mort, en 2006, Herta Müller doit finir le livre. L’auteur lui – même donne des explications sur l’imporatnce d’une deuxième main qui écrit l’histoire et sur la richesse des informations que le livre apporte sur l’écrivain :

Il n’y avait que trente ou quarante pages mises sur le papier et le reste étant des notes. Des centaines de détails très précis, mais rien qui les lie, aucune action et seulement quatre personnages : Trudi Pelikan, Bea Zakel, Tur şi Kati-Planton, mais rien d’autre sur elle ; on ne savait qu’elle restait pendant la nuit assise à table dans la baraque et qu’elle était débile. Au prolongement des images de Pastior, j’ai dû inventer mes propres images et histoires que le texte me demandait – je devais m’imaginer que j’étais là dans le camp de concentration, pour que la vie quotidienne que j’avais inventée, la vie du camp devienne une réalité croyable. [Şimonca, 2010]. Exil şi interferenţe culturale 149

La confession de l’auteur contient le double enjeu de son entière démarche littéraire : la fiction est structurée sur la réalisation d’un trajet identitaire sur une graphie de la reconstruction de l’être et la configuration identitaire résultée découvre une individualitée condamnée à l’aliénation, à une existence insulaire, comme Herta Müller avouait dans d’autres occasions aussi : „J’ai vécu plus de trente ans sous une dictature, en Roumanie. Chaque individu y formait une île proprement dite et le pays entier, était un espace fermé à l’extérieur, surveillé à l’intérieur”. [Müller, 2005: 180].

3. Le retour à l’espace-origine – une réception

La publication en 2010 du roman en roumain, mais aussi sa visite proche à Bucarest ont emporté une série de recensions2 du roman La bascule du souffle. Le principe lovinescian de l’autonomie de l’esthétique semble préoccuper de nouveau les exégètes de la nouvelle génération, et les choses sont regardées ici sans oscillations conceptuelles : l’esthétique est un principe mobile, différencié par le temps, mais qui n’est pas limité par l’ethnique3. Il y a deux directions vers lequelles se dirige l’ample groupe d’analyses réalisées dans les pages de l’Observateur culturel : la dimension esthétique, l’embellissement du langage, et la dimension éthique, la réécriture de l’histoire. Soit qu’il s’agisse de la force extraordinaire du mot4, soit de la marque stylistique unique, tous ceux qui se penchent sur le texte, mettent sur une échelle de valeur élevée l’ordre de surface que le langage impose. C’est l’expression qui instaure l’ordre dans la recomposition d’une existence référentielle ou fictionnelle :

Pourtant le grand atout du roman le constitue son style marque d’une plume de poète camouflé sous le masque dur du prosateur qui note avec précision, ayant la conscience de l’importance vitale de mettre en évidence des faits atroces cachés sous le tapis de l’histoire. Un style qui s’éloigne du laconisme du roman « Voyage à cloche-pied » (récemment paru à Humanitas Fiction), mais qui garde la phrase courte, frappante, empreinte d’un prosateur qui a compris que la littérature ne pouvait pas faire abstraction de l’expérience personnelle, de drames intimes de l’être et de l’histoire qui lui a confisqué à un moment donné la vie [Răsuceanu, 2010]. 150 Communication interculturelle et littérature

Paul Cernat attire l’attention sur la manière dans laquelle on arrive à ce tissu dense des mots : ils sont déterminés d’une perception somatisée, massive de l’univers obtenue d’une acuité permanente de celui qui enregistre les scènes. Avec une expérience et une expression qui rencontrent celles de Max Blecher ou Norman Manea, Herta Müller avoue sa propre expérience mais réalise, selon l’opinion du critique une « destruction textuelle » qui montre de manière subsidiaire une méfiance dans la potentialité du langage : „ La révélation de sa propre expérience – déguisée de manière fictionnelle ou assommée d’une manière non-fictionnelle, n’est que l’une des modalités de ce « traitement », de ce « remède contre la peur ». Une autre serait la destruction textuelle, la suspicion généralisée à l’adresse du language, des mots, des conventions d’un Pouvoir menaçant, disseminé diffus, qui rend le réel malade et altère l’humanité environnante ” [Cernat, 2010].

4. Des enjeux identitaires dans le roman « La bascule du souffle »

Analysé du point de vue discursif, le roman La bascule du souffle se relève comme une écriture à plusieurs niveaux, qui se montre édificatrice pour l’identification d’un paradigme de la subjectivité et pour la typologie de l’espace autobiographique. Étant inclus dans la catégorie des autofictions atypiques, où la responsabilité du discours revient à une instance qui vit comme personnage du texte, La bascule du souffle reste tributaire à la grille du discours autofictionnel par la présence à six lois de ce type de discours postulées par Philippe Gasparini: la désignation roumaine, la priorité du récit, la recherche d’une forme originelle d’expression, la reconfiguration du temps linéaire (il opère avec des sélections, des intensifications, des fragmentations, des stratifications, des interférences), l’utilisation du présent dans la narration, la présence d’une stratégie d’attirer le lecteur. Dans ce contexte de réalisation d’une intersubjectivité, par l’éfficacité d’un discours il est nécessaire de réorganiser les signes du texte pour identifier la situation paratopique de l’écrivain. Représentée par Dominique Maingueneau comme repère d’une impossible intégration, la paratopie exprime en même temps l’appartenance et la Exil şi interferenţe culturale 151

non-appartenance, l’impossibilité de l’écrivain de se situer dans un espace ; « La paratopie n’existe que comme une partie intégrante d’un processus créateur. L’écrivain est une personne qui ne trouve pas sa place (dans les deux sens de l’expression) et qui doit construire le territoire de sa propre oeuvre même sur ce manque » [Maingueneau, 2007:105]. Pour un écrivain qui a une identité fragmentée, condamné à une permanente aliénation, la recherche des mécanismes de réalisation de la paratopie textuelle et des finalités de cette démarche de type fictionnel se montre une voie convenable d’identification des formes de manifestation de la crise identitaire dans et par le texte. Rapportant l’histoire racontée, les personnages et la scène du roman à la typologie des paratopies établies par Maingueneau, La bascule du souffle se dévoile comme une pluriparatopie où les distinctions deviennent superficielles et qui associent une série de formes : la paratopie spatiale se construit sur celles temporelles, identitaires et surtout linguistiques. L’histoire du jeune Leopold Auberg, déporté la nuit de 15 janvier en Ukraine avec beaucoup d’autres représentants de la communauté allemande de Roumanie et des alentours, constitue le lieu de manifestation de certaines obsessions qui appartiennent tant à Herta Müller qu’à Oskar Pastior. Leo Auberg devient ainsi le porteur d’une double hypostase – celle d’une personne qui a un état civil et celle de l’écrivain comme représentant de l’institution littéraire – et il ne se constitue comme image ni pour Herta Müller ni pour Oskar Pastior, il est constitué d’un va-et-vient continu entre les deux individualités. La situation paratopique de l’écrivain le fait s’identifier à une catégorie qui se soustrait aux hautes qualifications sociales. Ainsi, une subjectivité de la minorité féminine, s’érige en la voix d’une autre minorité- l’homosexualité. La relation qui s’appuie sur la marginalité des deux catégories, fonctionne sur le même principe de la chose secrète5, de l’indicible, et établit dès le début l’enjeu du roman – la fonctionnalisation de soi : « Je porte avec moi un bagage silencieux. Je me suis empaquetée dans le silence si profondément et depuis si longtemps que je ne peux guère me dépaqueter dans des mots. Tout ce que je fais quand je parle est de m’empaqueter autrement. » [Müller, 2010: 7]. L’espace de l’écriture donne l’occasion dans le roman d’une reconstruction et d’une destruction de l’identité6 qui se réalisent sur plusieurs axes : une mémoire refusée qui fonctionne d’une manière sélective et qui creuse périodiquement ce qui est assimilé à l’obsessif 152 Communication interculturelle et littérature

et au traumatique (« N’importe comment, la nuit fait sa valise noire contre ma volonté, je tiens à le souligner. Je dois m’en souvenir contre ma volonté. Même si je n’en suis pas obligée, c’est moi qui le veut, je préférerais quand même de ne pas être obligée de le vouloir. [Ibidem: 30]), une agression des objets (« Parfois les objets du camp se précipitent vers moi, pas successivement mais en meute. C’est comme ça que je sais que les objets qui me hantent ne se soucient guère du souvenir que j’en ai ou pas forcément de ce souvenir mais ils veulent encore me torturer. » [Ibidem: 30]) ou par une défection du mécanisme temporel – un présent narratif obsessionnel, la vie que Leo a menée en même temps dans le camp et à la maison. Une exceptionnelle mise en abyme de cet élément est l’horloge de la baraque ayant comme possible propriétaire le tambour Kowatsch Anton : « C’était une horloge à coucou absolument normale, mais le coucou n’était pas normal. Il sortait de la boîte tous les trois quarts d’heure, annonçant une demi-heure et à quinze minutes il annonçait l’heure pile. À l’heure pile, parfois il oubliait totalement de chanter, parfois il chantait faux, doublant ou réduisant de moitié le nombre d’heures. » [Ibidem: 96]. Il y a aussi dans ce monde le facteur oppressif, celui qui, dans sa statistique aveugle efface les identités de tous : Corina Marcu, la Roumaine de Buzau, est amenée dans le camp de concentration, parce qu’elle devait remplacer un nom de la liste, le Juif David Lommer, surnommé Lommer – joueur de cithare qui ne savait pas du tout par quel moyen il s’était trouvé comme allemand sur la liste des Russes. Cela marque tout le monde, attribuant une faute à l’origine : « Aucun d’entre nous n’avait participé à la guerre, mais parce qu’on étaient des Allemands les Russes nous considéraient coupables pour les crimes d’Hitler. C’est pareil pour Lommer – joueur de cithare. Il a dû rester avec nous dans le camp trois ans et demi. » [Ibidem: 41]. L’incapacité de l’étranger de se situer dans un certain endroit, ouvre dans le roman la dimension spatiale de la paratopie. Si chez les exilés il y a une permanente nostalgie d’un espace d’origine, le roman de Herta Müller semble dire à chaque page « ma place, ce n’est pas ma place », il n’y a pas d’espace d’origine qui constitue un espace origine mais au contraire, un espace contraignant, étranger, où Leo apporte toute une communauté – la valise que celui-ci porte, devient la synthèse de son identité nationale : « La valise en cuir de cochon était le petit coffre du gramophone. Le pardessus était de son père. Le manteau, au col de velours au cou – de son grand-père. Les pantalons Exil şi interferenţe culturale 153

bouffants de son oncle Edwin. Les chaussettes en cuir de son voisin, monsieur Carp. Les gants verts en laine de sa tante Fini. » [Ibidem: 5]. Le camp de la steppe russe marque l’éloignement géographique, représentant un espace soustrait au monde qui matérialise la distance constitutive de l’écrivain envers la société qui refuse son identité. La marginalisation de l’endroit est associée ici à une communauté qui déjoue les frontières géographiques et historiques, qui tue l’humanité tout comme Lancia sortie du camp dans la steppe écrase sous les roues de sa voiture les hamsters étourdis, captivés par le bruit du camion (« Les Russes ont eux-aussi leurs méthodes »). Le rapport homme-espace rappelle dans une réflexion inverse la dépossession de l’individu par l’histoire. D’abord Leo prend en possession le camp comme s’il était un espace temporel et étranger : « Des semaines plus tard, quand l’homme qui apportait le pain, sortait avec le chariot vide du camp le mot HÔTEL m’est revenu à l’esprit […]. Je me suis jeté dans le lit, sale comme j’étais et je me suis dit : Personne n’a besoin de clés ici à l’hôtel.Sans bureau de réception, la maison est ouverte – un état de choses comme en Suède » [Ibidem: 44]. La demeure temporaire devient plus tard à la maison : « Dans le camp je suis chez moi, la sentinelle du matin m’a reconnu, elle m’a fait signe d’entrer par la porte. […] À quoi bon une permission dehors le camp ? J’appartiens au camp et le camp m’appartient ». [Ibidem: 139], et à la fin le transfert, l’intériorisation se produisent : « Le camp s’étend de plus en plus de l’aire de la tempe gauche jusqu’à l’aire de la tempe droite. De cette manière, je suis obligé de parler de ma tête comme d’un terrain, le terrain d’un camp. » [Ibidem: 283]. Le processus lent de prise en possession reflète aussi l’obsédant écart entre l’expérience et la verbalisation de l’expérience qui fini comme pour Herta Müller par « un exil du soi » [Crihană, 2013: 198]. Reconnu unanimement7 est le fait que la prose d’ Herta Müller adhère vers une liberté de l’écriture, vers une écriture associative, bifurquée, qui ne peut pas constituer une histoire de la personne, mais qui peut conduire à une émersion de l’inscripteur8, en se construisant ainsi une identité énonciative. L’Aventure de la langue, comme la nommait Serge Doubrovsky, apparaît surtout au niveau de la phrase et du mot. La présence des figures de construction et des figures de mot font que le type classique de phrase soit systématiquement démolie :

La faim est un objet. L’ange est monté au cerveau. 154 Communication interculturelle et littérature

L’ange de la faim ne pense pas. Il pense juste. Il ne pense jamais. Il connait mes limites et il a sa direction. Il sait d’où je proviens et connait son effet. Il a tout su juste avant de m’avoir rencontré et il connait mon avenir. Il pend comme le vif-argent dans tous les capillaires. Le sucré du palais. La pression de l’air a serré l’estomac et le thorax. Trop de peur. Tout est devenu facile. [Müller, 2010: 140].

Au niveau du code linguistique, on enregistre au moins deux opérations qui ont comme finalité l’embellissement de la langue et qui affectent premièrement les axes de la communication : sur l’axe paradigmatique on réalise une sélection aléatoire qui provoque la rupture de type contextuel à cause de leurs incompatibilités et sur l’axe syntagmatique apparaît l’asyntaxisme comme une dysfonction des opérations combinatoires : « Car avant la mort par manque de vivre, un lapin blanc pousse sur le visage de l’homme. Et alors on se dit qu’il est inutile de gaspiller le pain sur celui-ci, il ne vaut pas la peine de se nourrir car bientôt le lapin aura fait son temps. C’est pourquoi le pain échangé à ceux qui ont un lapin blanc s’appelle le „pain des joues” » [Ibidem: 118]. La construction du roman se sert de la même technique du collage, devenue une constante de la prose de l’écrivain et interprétée comme « a textual metaphor for trauma » [Marven, 2007:123], et qui pourrait représenter le refus de toute forme de mettre dans une forme unitaire du discours, l’expression textuelle de la négation du totalitarisme. Les histoires apparemment disparates qui composent le discours roumain font la preuve d’une identité divisée à une lutte permanente entre mémoire (représentée dans le texte par une séries de métaphores récurrentes – « la pelle de cœur » , « le lapin blanc », « le mouchoir blanc » et culminant par la manipulatrice prédiction de sa grand-mère « Je sais que tu reviendras ! » et l’oubli et d’ici l’un des thèmes centraux du roman qui prend la forme de l’obsession récurrente de Leo de ne pas être oublié par sa famille. « La carte postale avec mon frère suppléant je l’ai mise à côté du mouchoir blanc au fond de la valise. Sur la carte postale il n’y avait qu’une seule ligne et je n’étais pas du tout mentionné. Ni même dans l’espace blanc, sous la ligne écrite » [Ibidem: 207] ou du monde entier :

Je m’imagine parfois être mort il y a une centaine d’années et que les plantes de mes pieds sont transparentes. Quand je regarde dans ma tête Exil şi interferenţe culturale 155

par l’ouverture éclairée de la porte, au fond tout ce qui compte pour moi il n’est que cet espoir acharné et en même temps timide que quelque part, quelqu’un pourrait penser à moi. Même s’il ne peut pas savoir où je me trouve à ce moment-là. Il est possible que je sois le vieillard édenté qui se trouve en haut, à gauche, sur l’inexistante photo des noces, et en même temps l’enfant maigre dans la cour d’une école inexistante. [Ibidem: 210].

Il est intéressant de savoir comment, des jeux de la mémoire et de l’oubli naît la fiction qui doit construire une identité en réinventant la réalité (l’inexistante photo et l’inexistante cour de l’école marquent le trajet existentiel).

5. En guise de conclusion

« Quand Oskar Pastior est mort à l’improviste en 2006, j’avais quatre cahiers pleins de notes, et en plus, des esquisses de quelques chapitres. Après sa mort j’ai été comme paralysée. [...] Ce n’est qu’après une année que je me suis décidée de me séparer de „nous” et d’écrire seule un roman. Mais je n’aurais pas pu le faire sans les détails d’Oskar Pastior sur la vie quotidienne du camp. » [Ibidem: 288]. Ces mots, extraits de Fin du roman reflété entièrement la manière dans laquelle on a écrit le roman, de l’état embryonnaire à celui final mais aussi la valeur de discours récupérateur du roman- écrire seule un roman est pour Herta Müller un essai de se réconcilier avec l’histoire.

Bibliographie

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Gasparini, Philippe, Autofiction. Une aventure du language, Seuil, Paris, 2008. Maingueneau, Dominique, Discursul literar. Paratopie şi scenă de enunţare, Institutul European, Iaşi, 2007. Marven, Lyn, „«So fremd war das Gebilde»: The Interaction between Visual and Verbal in Herta Müller’s Prose and Collages”, in J. Preece, F. Finlay & R. J. Owen (Eds.), New German Literature: Life-writing and Dialogue With the Arts (123-142), Bern, Peter Lang, 2007. Müller, Herta, Regele se înclină şi ucide, Polirom, Iaşi, 2005. Müller, Herta, Leagănul respiraţiei, Humanitas, Bucureşti, 2010. Răsuceanu, Andreea, „În ritmul sacadat al inimii”, in Observator cultural, nr. 543, septembrie 2010. Şimonca, Ovidiu, ,,«Literatura nu acuză, cînd scrii tendenţios nu faci literatură», Interviu cu Herta Müller”, in Observator cultural, nr. 543, septembre 2010.

Notes

1 Dans l’ouvrage Metahistory (1973), Hayden White argumente le fait que l’histoire ne peut être vue que comme une métahistoire, c’est-à-dire un métatexte. Perçu comme une narration, l’histoire est faite de fictions verbales, dont le contenu est en égale mesure inventé et découvert. 2 Dans le numéro 543 de 24 septembre 2010, de l’hebdomadaire de culture l’Observateur Culturel, sont publiés dans la rubrique Evénement, une série de dix articles à l’occasion de la visite de Herta Müller à Bucarest (http://www.observatorcultural.ro/543-24-Septembrie-2010*numberID _911-summary.html). 3 Dans l’article ,,Herta Müller, une année après Nobel ”, Liviu Antonesei parle des droits de revendication du prix Nobel obtenu par Herta Müller en 2009, disant qu’au-delà des critères éthiques, politiques ou géographiques, le prix n’appartient ni à la Roumanie, ni à l’Allemagne, mais à Herta Müller, l’écrivain. (Liviu Antonesei « Une année après Nobel », dans l’Observateur Culturel, nr.543/24 /09/2010). 4 Voir Corina Bernic, l’article « Dans l’autre pays », dans l’Observateur Culturel, nr.543/24 /09/2010. 5 Dans Le deuxième sexe, Simone de Beauvoir parle d’une certaine appétence des femmes pour la discrétion. Des existences destinées au silence, obligées de rester à l’ombre de ces histoires privilégiées et devenues des matrices narratives de la tradition littéraire. Marquées par fragmentation, séparées de la vision masculine totalitaire, les discours féminins deviennent l’expression de la marginalisation et de la différence. 6 Le syntagme est emprunté à l’étude d’Alina Crihana The Exile Memoirs – between the Identity Discourse and the Critique of the Totalitarian Ideologies: Herta Müller’s Case. L’auteur attribue à l’écriture d’Herta Exil şi interferenţe culturale 157

Müller une fonction thérapeutique-exorciste réalisée par une double démarche: un exercice de reconstruction de l’identité personnelle et l’un de démolition de l’idéologie communiste. 7 Herta Müller reçoit en 2009 le prix Nobel pour littérature, distinction accordée pour „la densité de la poésie et la sincérité de la prose à l’aide de laquelle elle a décrit d’une manière expressive l’univers des déracinés”. 8 Dominique Maingueneau distingue trois instances des formes de subjectiver dans le discours littéraire: personne, écrivain, inscripteur. Il appelle inscripteur l’instance qui subordonne en même temps toutes les formes de la subjectivité énonciative en qualité d’énonciateur d’un certain texte et font la preuve des capacités stylistiques qui rendent unique et irrépétable l’acte littéraire du créateur.

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The Exile of the Japanese Adolescence

Andreea Ionescu

Résumé : Un exil auto-imposé des enfants et des adolescents japonais. En raison de la pression sociale à quoi ils sont soumis, dès leur plus jeune âge, d’être employé par une entreprise remarquable quand ils deviendront adultes, des nombreux jeunes du Japon ont des dépressions nerveuses ou développent des tendances sociopathes. Tout cela a conduit à une épidémie de la criminalité infantile au cours des dernières années. Il a également eu un impact négatif sur les mères, bien sûr, qui sont touchés tant par le rôle essentiel qu’ils ont dans le développement et l’éducation des enfants, qu’ils deviennent souvent suicidaires ou se tournent vers la violence aussi. L’auteur britannique célèbre Kazuo Ishiguro traduit tout cela en prose avec l’aide d’un personnage d’origine japonaise qui se comporte d’une manière très similaire aux jeunes mentionnés ci-dessus. Mots-clés : exil auto-imposé, étude de cas, pression sociale, criminalité infantile.

1. Social Pressure as Torture

Japan: the world’s best oiled mechanism, the perfect example for common sense, exquisite, healthy cuisine, and astounding art all deeply flavoured with a spiritual sense of self-discipline. Indeed perhaps this is what most people would think of when Japan is mentioned; this is the general view that the country has outside its borders. But could all this be just an image? For the average European, or even American the image described above does seem a bit too perfect to be real. Could Japan be the ideal country, or does it have just a great marketing? According to John Nathan [2004], a university professor at the University of California, the image that foreigners have of Japan is nowhere near the reality. He claims in his book Japan Unbound, A Volatile’s Nation Quest for Pride and Purpose that due to the strict cultural environment, but also to the economic crisis which hit Japan in the late eighties and early nineties, the Japanese […] “are afflicted by a troubling if often vaguely perceived sense of being lost […] in a Exil şi interferenţe culturale 159

context of existential uneasiness on one hand and longing to rediscover and reclaim in a certain tangible way the meaning of “Japaneseness” on the other” [Nathan, 2004: 25]. The first area in which this personality crisis has hit is in the core of the Japanese society – the family. He states that firstly because of an increase in the pressure put on children, even before kindergarten, to enter a high-qualified educational facility, but also because of the lack of communication with the parents who are most of the time away, Japan has been experiencing “an epidemic of juvenile violence and crime” [Nathan, 2004: 13]. According to Ruxandra Cesereanu in the twentieth century there has been an astounding increase in violence and torture. She states that: The modern explosion of torture in the world depended on the political culture of the countries that practised it, being more spread in the countries with no sense of democracy. It must also be added that there is a cultural difference in mentality when practising torture in different geographic parts of the world. […] It cannot be denied that each state bears the imprint of its own history, and that a possible culture of violence has its own underground logic in the torture of the twentieth century. Torture depends therefore on the Weltanschaaung of the people that practices it [Cesereanu, 2001: 47]. Japan Unbound does not concentrate on torture per se. It relates a series of extremely violent and shocking events which were committed by children, and exposes the stress that a young person is subject to while growing up in Japan. It is argued that due to this extreme pressure the young individual can develop tendencies of the Antisocial Personality Disorder or even transform into a sociopath. As such, having to be responsible for your entire future from an age as early as 4 or 5, could also be quite easily qualified as torture.

2. Some Key Moments in Japanese History

From the above mentioned perspective of Cesereanu, that the torture and violence expressed in today’s society is a remnant of the political and social environment of previous ages, the deeply violent context of modern Japanese society should come as little surprise for those more familiar to its austere past. For this reason, perhaps the most influential part in its development was the import of Zen Buddhism [Eliot, 2005: 98]. 160 Communication interculturelle et littérature

Zen Buddhism arrived in Japan as early as the 7th century, but did not develop significantly until the 12th century. It has since been an important force in Japan having had considerable influence on Japanese culture, reaching far beyond the temple and entering into cultural and social areas of all kinds, including gardening, ink painting, calligraphy, the tea ceremony, and military strategies. Zen priests played an important role in the political life of Japan, both serving as diplomats and administrators and preserving Japanese cultural life throughout the eras. Zen flourished in the period of the bakufu medieval state of the shoguns [Sansom, 1958-1961], as it was extremely fitted for such a period of time, as this was, when the de facto power belonged to the military caste. It is during these times that Japanese arts as the ones mentioned above have developed or even peaked. It was also then that the highly sophisticated Japanese etiquette was developed. Unlike the Western countries, Japan adopted a vertical social system, the tateshakai [Nakane, 1972: 56-72], which has a clear-cut class system with the emperor, the father of the nation and direct descendant of the Sun Goddess in its topmost position. Until the late eighteenth century Japan was an officially segregated society with 5 classes of people. At the top were the samurai, then the farmers, the artisans, the merchants, and finally the outcasts (the grave diggers, leather tanners, etc.). The system collapsed because, by the end of the Shogunate rule, the merchants had all the money. Yet even today a shadow of this system is still around; while a democracy on paper, the notion of Jeffersonian egalitarianism is still alien to most of the people. Everyone belongs to some group, and every group has people of superior rank and status. The notion of boss and worker being perfectly equal after work without a thought of the company relationship is impossible for the Japanese. The language itself is organized in three different layers of speech: familiar, neutral and honorary. As such, depending on the person one has to address, he/she will use one of the forms of speech mentioned above. More often than not, the three contain entirely different words for each layer. Moreover it is also quite common for women to use certain words which sound more feminine and for men others that sound more masculine. A good example here is the personal pronoun “I”, which is different for men and women. This system is passed on to children at quite an early age and they are expected to abide by it in time just like their parents had to before Exil şi interferenţe culturale 161

them. This pressure goes further when the child is introduced into the educational system. They are expected to get high qualifications even when they are in kindergarten because, without these, they will only be accepted in a mediocre school, which will only lead to a mediocre high school and eventually to an underpaid job. So basically they have to prepare for life as they enter the kindergarten: “by the early 1980s, as the post-college job market constricted, students began to show signs of stress. Educators were shaken by a wave of violence in middle schools, and there was a rash of suicides by elementary and middle school children who failed entrance exams” [Nathan, 2004: 54].

3. The Social Response

Still, the system functioned for a while, but when the Japanese economic crisis struck in the nineties, the situation got out of hand. That is the children became aware of the futility of their efforts and soon they became discouraged by the lack of motivation. The way they tried to cope with this was split in two: part of them became furious with society in general and expressed a psychotic behaviour often accompanied by killing sprees, while the others chose to ignore society in its entirety by locking themselves away in their rooms and refusing to leave it under any circumstances.

3.1 . The Violent

One of the first and probably most shocking acts of violence happened on the morning of May 27th 1997, when the janitor at Tomogaoka Middle School in Kobe arriving at school discovered a severed head of a sixth-grade schoolboy who had been missing for three days. The head was propped in front of the main gate; between his teeth in a plastic bag there was a challenge:

The game begins. To all you moronic policemen: let’s see you stop me Murder is my greatest pleasure I love seeing people die To the dirty vegetables: the punishment is death! For the years of anger, the verdict is running blood! [Nathan, 2004: 78-82]. 162 Communication interculturelle et littérature

The note was signed “SCHOOL KILLER”. The police had reason to believe that this murder was connected to two prior ones. On February 10th, two elementary school girls had been assaulted with a carpenter’s mallet by a boy in a middle school uniform. On March 16th, a ten-year-old girl playing in the park near her apartment was beaten to death with a hammer; a few minutes later a nine-year-old girl was stabbed repeatedly in the stomach and survived. Investigation led the police to a fourteen-year-old boy which had dropped out of school after he had beaten his friend unconscious in a nearby park. After his arrest, he confessed to having committed the crimes, his sole explanation being that he wanted to experience the feeling of taking a human life. This led to an outburst of imitators. In October 1997, a fifteen- year-old bludgeoned a sixty-four-year-old woman to death with a hammer, explaining that he wanted to know how much force it would take to kill someone. In 1998, a seventeen-year-old hijacked a city bus and took it on a fifteen hour trip during which he stabbed a woman to death and injured many others. The following year, a string of attacks on teachers in the middle schools appeared, including the fatal stabbing of a teacher in front of her class by a thirteen-year-old because she had disciplined him. On June 2000, a high school baseball player attacked four teammates with a metal bat because they had made fun of his hair cut. He then took the bat with which he beat his mother to death in an attempt, he later explained, to save her the unpleasant consequences of what had happened at school. Another case of matricide is that of an eleven-year-old boy who stabbed his mother to death in 2001 because she had reprimanded him for cutting his own wrist in what she had thought to be an attempt to suicide. As the national police pile up statistics which state that over half of the total major felony crimes are done by children in the age category of 11 to 15 years old all the teachers, parents and educational agencies in Japan can but shrug their shoulders and keep looking for both a plausible explanation and reasonable measures that would put a stop to this. In truth, nobody can really provide either a reason for this change in character of the youth of a nation which was once proud to declare that the family was its most important asset, and on which the whole of the country’s progress depended on, neither come up with a solution. Of course the problem once appeared and admitted there have been a multitude of opinions that offered solutions.

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3.2 . The Exiled

While it lacks the sense of shock and sensationalist news story, the proportion of teenagers that choose to reject society by locking themselves in their rooms is even greater and probably for this reason, even grimmer. Throughout the country, but especially in big city areas, there have been reported cases of young adolescents refusing to leave their bedrooms after having had some sort of disappointment in their school-life. Parents have tried anything from brute force to medical help, but nothing seems to encourage them to give up their self-imposed exile [Nathan, 2004: 87-95]. The extent to which they are affected varies from the severe cases in which they decline to leave their chamber to the less extreme when they accept to be helped. The most serious are the situations in which the young people enter a form of shock to the point of being nearly catatonic when they decline any way of communication with other people. They lock the doors to their room and never leave again not even to satisfy their bodily functions. In cases like this, it is the family who is advised to embrace the terms that have been set by their children and not try to force them to do anything that they would not be comfortable to. In many situations this involves for example keeping the door locked at all times and only serving them food on a tray through the space under the door of the room. The teenagers that do accept to leave the room now-and-again, as an evolution from a more severe stage or for other reasons, may choose to interact with other people. Relevant examples come from the support groups that have been set up especially for them. In the group, there are people who come just to sit and never utter a word, people who shout or express anger or suicidal tendencies. Apart from the support groups, the decision-making layers of the population have opinions which are divided into the two usual points of view, namely the conservatives and the modernists. While the conservatives opt for a more disciplined environment, the evolutionists insist that it was too much discipline that brought the problem up in the first place and that they should give the adolescents more freedom.

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4. A Search for Causes

Sociologists insist that the events above mentioned descend from a national personality crisis [Nathan, 2004: 97]. It is suggested that because of the rapid development of the country the nucleus once cherished, the family, has virtually disappeared. The classical Japanese family is a complex organism very different from the Western one. Traditionally an agrarian society, Japan’s family extended from the small village head of the family to the emperor himself who proclaimed himself as not the ruler of Japan, but as the father of the nation. Whenever a marriage was set up not only did the newly formed couple become a family, but the two families were thought of as becoming one big family. More often than not, marriages were performed between families that helped each other become more powerful and more stable. Beneath the structure of the family lies the concept of ie, which literally means home but extends far beyond this term. It represents a kinship that extends beyond the present members of the family to the ancestral past into the future and ties together all of these into an unbreakable unit. For centuries, the title of master of the ie, that is the head of the family, as well as all the material goods that the family in question owned, was transferred from father to son. All this changed in the last century or so, due to the rapid modernization process that Japan had to undergo. Instead of continuing the unbroken before chain of passing the family fortune from father to son, the youth started leaving home for primarily educational purposes and ended up not coming back at all. They would move into a city and form their own family there. Of course, neither of the two parts of the family would be satisfied. The parents living in the rural environment soon came to realise that they have been left without an heir, and have to face the futility of their entire lives, and the off-springs find themselves in a new environment extremely different from what they had experienced until that time, and become consumed with never being able to actually settle down. They cannot go back because they will not feel like they belong there anymore, but neither will they embrace the city as their new home. This, of course, happened mainly in the beginning of the movement towards modernity, which nowadays is more or less over, but these lost families which could not find a purpose for their being became the essence on which nowadays Japan was founded. By the Exil şi interferenţe culturale 165

second generation the frustrations started getting deeper and deeper in the parents until they finally reached their children. Another major influence in the loss of identity of the Japanese was the economic development in itself. The Japanese are famous for their ability to work hard and long hours, and for their devotion to the company for which they work. The men working in huge companies have in time come to be called “sarariman” [Nathan, 2004: 103-107], a term which comes from the English salary man and is used to name the men who work in big companies, and are usually dressed in a suit. But what is a great asset for the national growth became a time bomb for families. In most Japanese families the father is the only one who works due to the fact that he is expected to provide, as he is the head of the family. Most sarariman work overtime until late at night in order to be able to support their families. However that also means that they are usually away from home which first of all means that they miss the development of their own children, but also that in time they become estranged to their own wives and children, and perhaps even to themselves. This leads to great frustration for all three of the parts in the family: for the men who feel left out and estranged, for the wife who feels left behind and in charge of all the daily activities, but also for the child. It is these children, John Nathan pinpoints as being the generation which terrorize an entire nation. They end up confused, misunderstood, lonely and depressed. Nevertheless, the cultural background of these children cannot be left out of the equation that turned them into cold-blooded murderers. In fact, the cultural legacy they inherited is perhaps the main reason for their deviation. The restrictions, expectations and rigour having increased with every generation until they have reached a limit; once that limit has been touched an almost chaotic society was set loose.

5. Kazuo Ishiguro’s A Pale View of the Hills. A Case Study

The problems of the troubled Japanese adolescence have been transferred into writing as well. Kazuo Ishiguro, one of the most celebrated English authors of late, who is of Japanese descent and who has been raised in the Japanese tradition by his parents, has shaped 166 Communication interculturelle et littérature

such a character in his first novel, A Pale View of the Hills [1990]. As in most of his novels, the plot is rather slow and light, the stress falling on the personal dramas of the characters despite the fact that the times of the narrative are usually during some of the most troubled in the history of mankind. The narrator-character, Etsuko, is shown in a period of mourning in her life during a visit of her youngest daughter following the suicide of her eldest. The narrative is a frame for a collection of memories from another difficult time in the narrator’s life just after the end of the Second World War, in her hometown of Nagasaki. The many recollections that she has are of a friendship born during the summer, while she was carrying her first daughter, with another female character, also a mother. The two women presented as opposites in the text, as Etsuko is not shy of portraying Sachiko as a careless and misguided mother to her 10 year-old daughter. Regardless of this, the feeling that the reader may receive from the account is that the two women are somehow connected and even give the impression that Sachiko is a doppelganger of the raconteur. The main focus of the case study will be the eldest daughter of the narrator, Keiko, who, as it has already been mentioned, has already committed suicide at the time of the narration and who is described as having an “aggressive regard for privacy” [Ishiguro, 1990: 53]. From the very beginning, one cannot be confused about Keiko’s character in any way. While the novel debuts with the compromise that had to be made to name the second daughter, Niki, which personifies the very essence of social acceptance of the concept of “other” in a multicultural milieu, there is no middle ground in what Keiko is concerned for she, “unlike Niki, was pure Japanese”[Ishiguro, 1990: 13]. Even from this simple explanation the reader is directed to assume a biased position in regard to this character, first off by the use of the negative adjective unlike which compares her to her English-born sister, but also by the clarification which follows, as though being Japanese is supposed to be understood as a mark and an excuse for behaving in another way. The path set for the reader to understand that Keiko will be a peculiar character, the focus shifts to a very familiar villain of the present times – the media – just as if it was to blame for all the prejudice surrounding racial hatred by controlling the whole of public opinion, arguing that “more than one newspaper was quick to pick up on this fact (i.e. that Keiko was Japanese). The English are fond of their idea that our race has an instinct for suicide, Exil şi interferenţe culturale 167

as if further explanations are unnecessary; for that was all they reported, that she was Japanese and that she had hung herself in her room [Ishiguro, 1990: 5]. Although it is yet unclear why she has committed suicide, the simple fact that she has should be enough to make one wonder what her reasons might have been, especially because one can get the idea from the very beginning of the account that she could not have been very old, or in a desperate situation, cases that would explain her deed. As the plot unfolds, the details of the personality that Keiko had are revealed. It is quite clear that she had been a challenging child and even more so in her adolescence. The reader receives an image of a lonely person who had done away with the world, given up on her family and became a sort of a recluse, sealing herself in her room: “Keiko had retreated into her bedroom, shutting us out of her life. She rarely came out” [Ishiguro, 1990: 34]. It is so much emphasised that Keiko had isolated herself from the rest of the family that one may get the sense that she is spoken of as if she were a ghost: “I would sometimes hear her moving around the house after we had all gone to bed [Ishiguro, 1990: 34]. This gloomy description could also be some kind of an omen of things to come, as Keiko’s doppelganger, Machiko, is also described on more than one occasion as having a rope entangled around some part of her body. Moreover, the room that Keiko was occupying is described to have given off a stale odour, which enhances the morbid premonition string when the details of the discovery of her body become known when her mother “wonders how long she had been there like that before they had found her” [Ishiguro, 1990: 62] and concludes “that the coroner said she had been there “for several days” [Ishiguro, 1990: 62]. Despite her separation from her family, it is understood that she did not retire from the whole of society as her mother surmises “that she spent her time reading magazines and listening to her radio […] and that on the occasions I had glimpsed inside, I had seen countless glossy magazines lying on the floor [Ishiguro, 1990: 34]. There is also a sense of abandonment from the part of the other members of the family, which led to frustrations and lack of communication even when Keiko tried to share a part in the family: “In the end, the rest of us grew used to her ways, and when by some impulse Keiko ventured down into our living room, we would all feel a great tension. Invariably, these excursions would end with her fighting, with Niki or with my husband, and then she would be back in her room”. This is 168 Communication interculturelle et littérature

also quite clear in the way the personal pronouns are used; Keiko is most of the time referred to by her mother in the third person, as if she were a completely separate part from the family which is always mentioned in the first person plural, as it can easily be seen from the fragment above – e.g. the rest of us, our living room. Regardless of her attempts to reconnect with her family “she had no friends, and the rest of us were forbidden entry into her room. At mealtimes I would leave her plate in the kitchen and she would come down to get it, then shut herself in again” [Ishiguro, 1990: 34]. The manner in which Keiko’s description is similar to what the Japanese youths are going through could not be clearer. Her custom of fanatically guarding her domain and the impossibility to relate to other people, be them within or without the family circle, but also her refusal to leave her room, which all end in her decision to take her own life fit perfectly in the picture previously described of the trouble the Japanese young people have due to the social pressure that they are subjected to. This is the point where there is a discrepancy between the character in the novel and the adolescents in Japan. The latter suffer because of the great pressure placed on them to mature from a very early age and the too high expectations that are presumed of them. This could not be the case for Keiko due to the fact that despite the reader does not have a clear view of the life she had in Japan and at what age she had left there, it is quite easily understood that she grew up and consequently also lived the longest part of her life in Britain. Be it so, the reader is nonetheless offered a perspective of the way in which the Japanese are regarded by the British even from the first lines of the novel. The narrative is satiated with stereotypical clichés of the Asian, but foremost the Japanese. Starting with the more out-dated stereotypes that surround Etsuko while she was still living in Japan like that of the submissive wife or the China-doll, there is also a step into the present times where other clichés are revealed, some typical of the Japanese others of women in general. The pressure that Keiko is exposed to is that of being a part of a society that never makes her feel welcome, which follows after what can easily be viewed as an unhappy early childhood. There are no details as to how Keiko loses her father, maybe from the separation of the parents or by the decease of the father, but any of the two situations could prove highly traumatic for any child, let alone a child born in a post-atomic broken society which Exil şi interferenţe culturale 169

promulgates advancement at any cost, the survival of the fittest and a witch-hunt for the supporters of the former regime. Following this there is a string of upsetting events which could have put Keiko under a great deal of strain starting with the relationship that her mother has with another man, which led to the marriage and thus the gain of a new father, the move to a foreign country, and even the baby that the newly-formed couple has. Even though the reader does not get insight in the social life that Keiko has outside the family one can only guess that she was an introvert who did not communicate well with other people, a guess which is also sustained by Etsuko who claims that she did not have any friends and does not entertain even the thought that she might have had any even in Manchester, in a completely new environment. Above all there is the difference that is made in the family between herself and Niki. Even in families where the siblings share the same parents and race anxiety can appear, let alone in a family so diverse. Although Sheringham, Etsuko’s second husband, is an expert in Japanese culture, having published papers about this, having spent a lot of time in Japan and in general being quite passionate about this culture, he proves to be biased and unfair towards Keiko. He claims to understand the ways of the Japanese and even advocates to name his daughter with Etsuko with a Japanese name, but the fact remains that his feelings toward Keiko express a great deal of racism and prejudice based solely on her ethnic background: “it became his view that Keiko was a difficult person by nature and there was little we could do for her. In fact, although he never claimed it outright, he would imply that Keiko had inherited her personality from her father [Ishiguro, 1990: 43]. Additionally, his wife implies or states as such the fact that he has never been able to accept Keiko on account of his not being able to comprehend people such as herself i.e. Japanese people. Following all these details about the life of the character as it has been described in the narrative, one can easily come to the conclusion that Keiko had indeed suffered from a depression as profound as her fellow nationals have in Japan. The stress which brought them to this dire state is different but the ends are the same. In the end the reader, whether or not familiar with the present-day Japanese social problems, is confronted by a regretful conclusion – one cannot escape the stereotyping and prejudice that follows from ethnic difference. A reader unfamiliar to the community problems in Japan may end in the conclusion that Keiko was an unhappy young woman with a painful 170 Communication interculturelle et littérature

childhood who chose to commit suicide, but the sensation that her being Japanese may have played a part in this decision cannot be escaped. The reader who is familiar with all of the above might conclude that even away from the social environment which determines young people to develop this kind of behaviour, the Japanese adolescent has behaved in a very similar manner, as though she was following a pattern – a conclusion which again feels very prejudiced. The bitter deduction reached for either one of the two sides described above comes from the insight that one gains into the life of a cultural other from the text that one cannot escape the prejudice which springs from the incapability to understand and the refusal to accept any other way of behaving which differs from the conventional standard.

References

Cesereanu, Ruxandra, Panopticum. Tortura Politică în secolul XX, Institutul European, Iaşi, 2001. Eliot, Sir Charles, Japanese Buddhism. Kegan Paul International, London, 2005. Ishiguro, Kazuo, A Pale View of the Hills, Vintage International, 1990. Nakane Chie, Human relations in Japan; Summary translation of "Tateshakai no ningen kankei" (Personal relations in a vertical society), Ministry of Foreign Affairs, 1972. Nathan, John, Japan Unbound, A Volatile’s Nation Quest for Pride and Purpose, Houghton Mifflin Harcourt Trade & Reference Publishers, 2004. Sansom, George Bailey, A History of Japan to 1334, Stanford University Press, 1958. Sansom, George Bailey, A History of Japan, 1334–1615, Stanford University Press, 1961. Sim, Wai-Chew, Kazuo Ishiguro, Routledge, 2010.

Exil şi interferenţe culturale 171

Romania as Exile: Stereotyping the Other in Maude Rea Parkinson’s Twenty Years in Roumania

Oana Celia Gheorghiu

Résumé: Partant de l’hypothèse que, même si elle n’est pas déterminée par des contraintes externes, la migration peut, le plus souvent, entraîner un sentiment d’aliénation du pays d’origine et dans le pays d’accueil en même temps, cet article se concentre sur les mémoires écrits en 1921 par l’irlandaise Maude Rea Parkinson après son séjour de vingt ans en Roumanie pour analyser la manière dont l’altérité est interprétée au niveau mental. Investiguant ce texte d’une perspective imagologique, on arrive à la conclusion que, bien qu’elle prétend être animée par la xénophilie, cette représentante d’une culture occidentale tend à représenter l’altérité des roumains par des images négatives et stéréotypiques. Mots-clés: l’autre, aliénation, Occident/Orient, imagologie, acculturation.

1. Introduction

In its primary sense, based on its etymology (Lat. exsilium – banishment), exile is said to signify “the state of being barred from one’s native country, typically for political or punitive reasons” (OED). Focus is laid on punitive or coercive aspects; that brings exile very close to the Greek form of banishment during the Athenian Democracy (roughly the fifth and fourth centuries BCE), namely ostracism. In modern times, the term ’exile’ has been associated with the personal choice of leaving one’s country due to political constraints and the inherent interdiction to return. Experiences like totalitarianism in the Eastern European bloc seem to have fixed this second meaning. However, in its broader sense, exile may apply to any conscious or unconscious departure from one’s personal space, no matter if it involves an actual relocation. In other words, people may feel as exiles even in their country of origin, if their beliefs differ from the official ideological frame or the mental patterns of the majority. Along the same lines, one may choose the actual exile by relocating to 172 Communication interculturelle et littérature

another space without enforcements from any political, religious or social impositions. Various reasons – economic, social, etc. – make then the return impossible and the displacement begins to feel like coercion. This is the reason why the present investigation starts from the premise that the Irish Maude Rea Parkinson’s stay in Romania from 1889 to the outburst of the First World War may be regarded as self- imposed exile, although her reasons for choosing Romania as an ’adoptive’ country had been determined rather by a sense of adventure than by any political, social or economic justifications:

Some Viennese acquaintances of mine had visited Bucharest, and from them I had gained an alluring impression of a wonderful race of people, rich in the primitive virtues, dwelling in a charming country and amidst scenes of Oriental luxury. I will frankly admit that the glamour of the Arabian Nights was over all my thoughts and ideas about Romania [Parkinson, 1921: 18].

Upon her return to the United Kingdom, Maude Parkinson writes a memoir entitled Twenty Years in Roumania, published in 1921. Her intention, announced in the Preface, is “to give English readers an insight into the character of the people, and enable them to find there […] a great deal to love” [Ibid., 5]. As this paper will strive to prove, her memoir, though generally positive in remarks and intentions, bears the sign of otherness in its each and every line, an otherness which the authoress acknowledges, unsurprisingly, not as her definitive trait in her relations with the Romanians, but, on the contrary, as a mark of the representatives of the Romanian people whom she encounters. Therefore, the aim of this article is to demonstrate that the representation of the other, with regard to ethnic or national groups, depends, to a great extent, on the writer’s sense of belonging to a Western culture.

2. Image Studies or the critical reading of the conceptualization of alterity

Based on “the dynamics between those images which characterise the other (hetero-images) and those which characterise one’s own, domestic identity (self-images or auto-images)” [Leerssen, 2007: 27], Exil şi interferenţe culturale 173

travel accounts have been the main form of representing the experience of alterity since the early writings of Classical Antiquity (e.g. Herodotus, Strabo, Diodorus of Sicily, etc.), which make the clear-cut distinction between Greeks – a projection of a refined and civilised self – and barbarians – seen as the less civilised other, perceived, more often than not, negatively. However, they found their most refined expression in the Western European literature of the eighteenth and nineteenth centuries, which the text here in focus follows closely, despite its publication in a period of full modernist bloom. A simple and clear definition of imagology as a critical reading is provided in Eugenia Gavriliu’s Theory and Practice of Imagology: Experiencing the Other in Anglo-Romanian Cultural Encounters. Thus, imagology is “the study of the representations of the foreign other in a literary work, in a national literature, or in the mental structures prevailing in a cultural community at a given historical moment in its evolution” [2002: 5]. As apparent from this definition, the Romanian scholar starts from the fictional mirror viewed in its discrete components – “in a literary work” – and as a whole – “in a national literature”. Yet, focus should be laid first and foremost on mental structures because, as Joep Leerssen remarks, “texts that say something on national character frequently rely, not on a first-hand observation of reality, but almost always on an existing reputation” [imagologica.eu, 1998]. Thus, the representation of national characters follows patterns of thought accumulated in many generations. This view is also shared by Dyserinck [2003], who claims that “images and imagotypical1 structures managed to stay alive for generations by their very consistency and resistance”. The French authority in Comparative Literature Daniel Henri Pageaux explains the concept of image as emerging from “I versus Other, Here versus Elsewhere” [2007: 29]. According to him, the image is the representation of a cultural reality in which cultural and ideological spaces are revealed and translated. This social imaginary is marked by an identity/ alterity bipolarity; however, alterity is not only opposing, but also complementary to identity [2007: 29]. Further, he identifies four types of attitudes that an individual may develop in the relationship with an observed culture: mania (the tendency to consider the foreign culture as superior to the base culture), phobia (the perception of the examined other as inferior), philia (positive judgement of the other seen as equal, although different) and one 174 Communication interculturelle et littérature

aiming at cultural unity within national groups (e.g., Pan-Slavism, Pan-Europeanism, etc.) [Pageaux in Gavriliu, 2002: 6-8]. In ’Imagology: History and Method’ [2007: 27-29], Joep Leerssen synthetizes a few principles of imagology which both confer justification for the presence of image studies among the literary studies (famously denied by René Wellek in the 1950s2) and, at the same, create a methodological frame for an imagological analysis. Thus, what needs stated from the beginning is that imagology is a theory of national stereotypes and not one of national identity, being concerned with representations. The attributes of a given nation are not anthropological or sociological data, but textual tropes circulating in a certain context, from the perspective of the spectant (examiner). The imagologist should bear in mind that imagology addresses a set of characteristics outside the factual statements. (For example, he says, “France is a republic” is not a statement that may be analysed with an imagological grid, whilst “Frenchmen are individualist” is.) An imagological analysis should begin from the identification of the intertextual connections of the national representation as a trope: “What is the tradition of the trope? What traditions of appreciation or depreciation are there, and how do these two relate historically?” Furthermore, the trope must be integrated in its context of occurrence with respect to the type of text that contains it (e.g. narrative, descriptive, humorous, propagandistic, etc.), the audience targeted and the historical background of the moment of text production and/or reception. What has to be further taken into account is the so-called imageme (a term also coined by Leerssen3) or national cliché, but also the auto-image, i.e., the representation which the examining I has acquired about his/her own nation.

3. Twenty Years in Roumania: zero acculturation and self-imposed exile among the Others

According to the Canadian sociologist John Berry [2003], the acculturation process represents a shift in the behaviour of an individual exposed to a different culture. The choice of a particular acculturative strategy reflects the attitude that an individual assumes towards both his/her native heritage and the host culture. He identifies Exil şi interferenţe culturale 175

four possible directions: assimilation – the desire to identify with the host culture, occurring especially in situations in which the individual belongs to a ’minor culture’ or a minority group; separation – when the individual avoids interaction with the representatives of the host culture; marginalisation – the individual shows little involvement in learning about other cultures, and integration – when the individual holds an interest in both his/her heritage values and in participating in other culture(s) [in Organista et al, 2010: 110]. The sociological perspective has been considered relevant for the present case study, as the text in focus represents an unmediated, subjective experience of its authoress, revealing little interest in acquiring literariness, despite the fact that it belongs to the memorialistic genre. As she states it, Maude Parkinson arrives in Bucharest in 1889, after having travelled across Western Europe, aiming to work here as a teacher of foreign languages [1921: 6]. She will work in a few private schools in Bucharest, but also as a governess for the children of the future Prime Minister Take Ionescu. It may be said that she had access to the highest circles of the Romanian high-class at the end of the nineteenth century and the beginning of the twentieth century. One might wonder, under such circumstances and considering her statement that she had spent the happiest years of her life here, why she did not at least try to learn the , except for a few disparate words, most of them misspelt: batiusi, dulchatza, tzuika, hora, dot (dowry), Mărţişoara, randasch, Cocăniţa or Cocoiana (the lady of the house), serat mana etc. One cannot reasonably assert that she was completely uninterested in accessing the host culture, as the thirty-three chapters of her memoir touch upon each and every topic of interest in the analysis of a given culture: geography, history, literature, mentality, religion, traditions, the royal family, politics (both domestic and foreign affairs), minorities and social, economic and cultural life. By isolating herself, constantly choosing the company of other British expats, and by her refusal to learn the Romanian language despite her twenty-year stay, Maude Parkinson seems to have adopted the marginalisation attitude from the scheme presented above. However, this would be only a hasty conclusion that would disregard the historical context of the time, when the Romanian language was treated as secondary by the Romanians themselves:

Life in Bucharest is very agreeable, especially for foreigners, and more particularly for the English, who are looked up to and admired by the 176 Communication interculturelle et littérature

Romanians. Many of our customs have been adopted in recent years, and English has gained so enormously since the war that it will probably soon take the place of French as the polite language of the country. It is curious that with the better-class Romanians it has become more fashionable than their own language. If one enters a drawing-room, a shop, or even a very intimate family circle, English or French will be heard, very seldom Romanian which language is usually left to the servants [1921: 56].

One cannot refer to the British-Romanian relationships at the turn of the century in the terms in which they are referred to nowadays, when the Brits are geared through stereotypical imagery of the Romanian other towards xenophobic stances by the media. Instead, as the Irish authoress observes, at that time, the British showed rather ignorance with regard to the Romanian culture: “When I announced my intention of going to Roumania, I occasioned real consternation amongst my friends. ’Why, you must be quite mad to think of going so far away to a country of which nobody knows anything at all’ was one of the mildest criticisms of my project” [Parkinson, 17]. To Parkinson, Romania is a mirage and by far more Oriental than it actually was, even at that time, shortly after the War of Independence from the Ottoman yoke (1877). The memoir depicts surprise at the ignorance of the authoress’ compatriots with regard to a country which is, after all, European and an ally of the British Empire:

In the preceding chapter I have given some indication of how little was known of Roumania a quarter of a century ago, but it is still more astonishing to find in these days of enlightenment what hazy ideas people in this country have about the land and its inhabitants. I received a letter once addressed to “Bucharest, Turkey”. Staying for a few weeks one summer at Sinaia, a letter was sent to me from England addressed simply ’Sinaia’. When it reached me some months later, the envelope was a curiosity. I still keep it as a proof of the perseverance of post-office officials. It bears the post-marks of Italy, Switzerland, Turkey, and, all these failing, it had been dispatched to Simla [Parkinson, 24].

In this context, it may seem rather difficult to integrate Romanianness in a predetermined trope, as Leerssen and Dyserinck suggest, as the intercultural encounters had been rather scarce before the period in focus. From this perspective, Maude Parkinson’s memoir would become all the more relevant as it plays a significant role in the construction of the stereotype. Indeed, she arrived to Bucharest with Exil şi interferenţe culturale 177

the preconceived idea that she was coming to an uncivilised, Oriental country, and her initial remarks seem to confirm this view: “when we reached the Romanian frontier, I really became a little alarmed for the first time” [1921: 21]; “What a dreadful town! I thought, as I was driven at a speed reminiscent of the Dublin jarvey through narrow, atrociously paved streets, filled both as to road and footway with half- melted snow” [Parkinson, 22]. The contrast between West and East is thus established through the observation about the gloomy Eastern city. Parkinson refers quite often to her original culture; she makes comparisons, always careful not to offend her Romanian friends and sometimes even in favour of the host culture (“When, after my long absence from England, I compare our own methods and ways of thought with those which have become so familiar to me in Romania, the latter do not always suffer in the comparison” [Parkinson 1921: 5]). She resorts, nevertheless, to a series of stereotypes which she brought to Romania with her. It is interesting to note that, to her mind, all these stereotypes are eventually proven real by her personal experience. The Balkans have become, starting with the beginning of the twentieth century, the other of Europe, or, as the Bulgarian historian Maria Todorova remarks, “a synonym for a reversion to the tribal, the backward, the primitive, the barbarian” and a place whose “inhabitants do not care to conform to the standards of behaviour devised as normative by and for the civilised world” [2009: 3]. This perception is still valid now, so it would not be surprising if the Irish woman writer had accessed this cultural space from a prejudiced standpoint and without any geopolitical knowledge of Romania’s position in or outside the Peninsula. Notwithstanding, she proves awareness in this respect and even cites from Romanian authoritative figures of the age:

I may here incidentally remark that D. Stourdza in one of his articles strongly repudiates the assumption that Romania is one of the Balkan States. This view does not however, by any means, meet the general acceptance. In conversation recently with a highly-placed Romanian of scholarly attainment, this gentleman argued convincingly that Romania is, beyond doubt, one of the Balkan States. Every great movement in the Balkans, he pointed out, has originated in Romania or has, at least, been participated in by that country [Parkinson, 1921: 243].

Despite the generally positive attitude towards her host culture, Maude Parkinson does not overcome the prejudice of her cultural heritage when it comes to ethnic minorities, to which she attaches 178 Communication interculturelle et littérature

racist, anti-Semite and xenophobic stereotypes. She dedicates an entire chapter to Jews [1921: 82-88], whom she describes as rapacious moneylenders and merchants who would tear to pieces “the unsophisticated peasant who ventures to go alone to that neighbourhood [Lipscani Street] to buy some article of clothing” [1921: 83]. Also, the peasant (who is always presented as naïve, not to say stupid) should consider himself fortunate “if he gets out of the Jew’s hands still having a roof over his head” [Ibid. 84]. She cannot refrain from anti-Semite remarks even when she quotes official statistics from the census: “The Jews, who, like the poor, are always with us, will continue to be represented by a million of their race” [Ibid 254, my emphasis]. The gypsies are looked down with a sort of amusement: “I have never yet seen a gypsy with new clothes on. They would seem quite out of place. Rags and gypsies seem somehow to belong to each other” [Ibid. 143]; they have “comical figures”, while their children are “picturesque and would delight the eye of an artist” [Ibid. 149]. She notices, however, that “gypsies as a class have not a good reputation for honesty; therefore, if any are seen near one’s house, a sharp look-out must be kept” [Ibid. 150]. In both cases, her observations seem influenced by local prejudice but also ’imported’ from the Albion. She is ready at all times to mock various religious traditions and superstitions, which she sees as ridiculous. Also, she depicts a condescending attitude towards peasants, servants, beggars and other socially-challenged categories, but all her remarks seem to originate in class prejudice, and not in national prejudice, in which case they would not be of interest for the present paper. It would be misleading and even unfair if this paper did not provide a few examples of the positive remarks the Irish writer makes about the Romanian others. At this point, it may seem like her attitude is rather xenophobic, despite her claims that some of the best friends she had in the world were Romanian, who helped her and showed her “kindness and sympathy” [Parkinson 1921: 5]. Worried that her Romanian friends might “find cause for offence” in her memoir, she states that she would rather tear it to pieces: “rather than be suspected of repaying such kindness by holding up my friends to ridicule, I would tear up these pages which I – a tyro in the art of letters – have written with so much labour, but also, I must add, with so much pleasure” [Ibid. 6]. These many precautions that Maude Parkinson takes in the Preface are indicative of the fact that she is fully aware Exil şi interferenţe culturale 179

that some of her assertions might be considered offensive. However, she finds a convenient refuge in yet another national stereotype – this time, a positive one: “then I remember that they have a sense of humour and the doubt vanishes” [Ibid 5]. The positive stereotypes fit, in general, the auto-image that the Romanians have about themselves. In Maude’s eyes, they are warm- hearted, “hospitable to an extraordinary extent”, “extremely charitable and invariably courteous and polite” [249], very proud of their ’race’: “it was this pride which rendered the Germanisation of Romania an impossible task even for King Charles to accomplish, and which the enemy had to reckon with in the last war” [i.e., the First World War] [Ibid 248-249]. The Romanian women are beautiful and elegant, although their taste is acquired, as “they are always ready to profit by the example of others who may be more advanced in some directions than themselves” [249]. Thus, she asserts that the Romanian ladies know how to dress and “as every article of clothing comes from Paris, their taste is surely to be guided aright” [Ibid 122]. (Mention should be made that the image of the French as arbiters of elegance is equally stereotypical.) The question in which the Romanians’ views about themselves part ways with the foreigner lady’s opinions concerns the former’s diligence. To Parkinson, the Romanians are characterised by national indolence, “laisser-aller which hinders endeavour” and “disinclination to engage in industrial or commercial occupations, so long responsible for failure to develop the resources of the country” [Ibid 248]. Apart from great figures like King Charles I, Prince Ferdinand or Take Ionescu, to whom she shows great respect and whose political skills she is ready to applaud at all times, Maude Parkinson, is usually dismissive about politics in Romania. Thus, she describes in great details the process of elections, with its electoral frauds (“names of people long dead are inserted in the register”) and intimidations: “electioneering agents […] employ gangs of men (known as batiusi) who, armed with big sticks, are posted at the entrance to the polling booths, frankly for the purpose of intimidating those who refuse to vote as their party wishes” [Parkinson 1921: 36]). She is ironic about the changes that take place in Romania after elections, when the winning party replaces all the people in an institution, starting with the doorman or “the man who runs the nearest café for the cup of afternoon coffee” [37]. She finds laughable – and even alludes to the difference of opinions as to which end the egg should be broken in Swift’s Gulliver Travels – the fact that the politicians revert the 180 Communication interculturelle et littérature

established order in the least significant aspects: “if the Liberals have adopted a sloping style of writing, Conservatives, upon assuming power, are sure to insist upon the re-formation of the characters and the setting of them up in a perpendicular position” [40]. The striking resemblance with the present-day politics seems to suggest that the Romanian political inability may not be a stereotype grounded in western prejudice, but a pattern of behaviour that is, unfortunately, very close to being factual. It is this factuality and long-lastingness of the stereotype what makes one wonder if the image one constructs at the mental level is grounded exclusively in the acquired or inherited representation of the other and in prejudiced observations. The present undertaking has strived to find balance in the amount of positive and negative stereotypes that Maude Rea Parkinson engages in her description of Romania and its people. Her constant reassurances that her sole intention is to make her compatriots love and understand the Romanians the way she does, but also her positive remarks, are indicative of the fact that the Irish woman does not intend to alter the image of the Romanians in the west, but quite the contrary, to try to improve it with her modest writing skills and through an appeal to objectivity which is not always successful. Although Maude Rea Parkinson’s memoir is insightful with regard to various aspects of the Romanian culture at the turn of the twentieth century from the perspective of the foreign other, and although she repeatedly claims that Romania was her second home for twenty years, a westerner’s sense of superiority is obvious along her entire account. Her ’exile’ is clearly a cultural, not a political one and may be understood in two ways: she is exiled to a land which she perceives as inferior to her own cultural space; consequently, she chooses a different kind of exile: she seems to enjoy her position as the other and makes no move in the direction of integration within the host culture. The representative of a Western culture, the woman writer does not completely accommodate with the ways of the Romanians and, though not disdainful, her inclination to dwell on negative stereotyping may become, at times, downright offensive for the Romanian reader. Nonetheless, one should definitely take into consideration her representation of Romanianness in the analysis of the British-Romanian cross-cultural encounters. Acknowledgement: The work of Oana Celia Gheorghiu was supported by Project SOP HRD - PERFORM/159/1.5/S/138963. Exil şi interferenţe culturale 181

References

Dyserinck, H., „Imagology and the Problem of Ethnic Identity”, in Intercultural Studies, issue 1/2003 retrieved from http://www.inter cultural-studies.org/IC1.html [7 December 2013]. Gavriliu, E., Theory and Practice of Imagology: Experiencing the Other in Anglo-Romanian Cultural Encounters, Ed. Fundaţiei Universitare „Dunărea de Jos”, Galaţi, 2002. Leerssen, J., „Imagology: History and Method», in M. Beller and J. Leerssen (eds.), Imagology: The Cultural Construction and Literary Representation of National Characters. A Critical Survey, Rodopi, Amsterdam, 2007, pp. 17-32. Leerssen, J., „The Rhetoric of National Character: A Programmatic Survey”, in Poetics Today, 21: 2, 2000, pp. 267-292. Leerssen, J., „National Identity and National Stereotype” retrieved from http://www.imagologica.eu/leerssen [7 December 2013]. Organista, P. B. et al., The Psychology of Ethnic Groups in the United States, SAGE, New York, 2010 Pageaux, D. H., Littératures et Cultures en Dialogue, L’Harmattan, Paris, 2007. Parkinson, M. R., Twenty Years in Roumania, George Allen & Unwin, Ltd, London, 1921. Todorova, M., Imagining the Balkans, Oxford University Press, 2009.

Notes

1 The term may be used interchangeably with stereotypical. 2 See also Dyserinck’s comment on René Wellek’s critique of imagology: “Exactly the interdisciplinary possibilities and ambitions of imagology, he did not like at all. For him this was “rather a study of public opinion useful, for instance, to a program director in the Voice of America”. Or more in earnest: It was ‘national psychology, sociology...’ and so on. As a matter of fact, he did not want to recognize the legitimacy of such research as part of a larger concept of the study of literature. The basis of these negative statements was lying, of course, in Russian Formalism and in the principles of New Criticism and the so-called ‘intrinsic study of literature’.” (Dyserinck, H., ‘Imagology and the Problem of Ethnic Identity’ in Intercultural Studies, issue 1/2003, par. 3) 3 In Leerssen’s view, an imageme is “a ‘blueprint’ underlying the various concrete, specific actualizations that can be textually encountered. […] An imageme is the bandwidth of discursively established character attributes concerning a given nationality and will take the form of the ultimate cliché”. (Leerssen, J., ‘The Rhetoric of National Character: A Programmatic Survey’ in Poetics Today, 21: 2, 2000, p. 279) 182 Communication interculturelle et littérature

Dimitrie Bolintineanu’s Exile within the Francophone Cultural Space

Floriana Popescu

Résumé : Cette approche est une sélection des références critiques concernant les rapports de D. Bolintineanu avec la culture et la littérature françaises. Dimitrie Bolintineanu est une des plus remarcables de l’histoire et de la littérature roumaines qui a vécu dans la deuxième moitié du XIX-ème siècle. Même s’il a passé une période assez longue en tant qu’exilé, il ne s’est jamais éloigné de sa patrie, des communautés roumaines et leurs besoins politiques et sociaux, ce qui est évident dans ses contributions littéraires et spécialement dans son activité de journaliste. Homme politique honnête et enthousiaste, il fut pleinement engagé dans plusieurs dignités politiques (étant, d’abords le ministre d’affaires étrangères et puis le ministre de l’instruction publique et des cultes). Responsable de l’éducation de sa nation, il a contribué à la création de la Faculté des Lettres et de Philosophie de L’Université de Bucharest. Comme écrivain, il a contribué à la popularisation de la cause des principautés roumaines dans les chancelleries occidentales. Bolintineanu a été un vrais pionnier de la littérature qui a introduit dans la culture roumaine des nouveaux genres (tel que le roman épistolaire) ou des nouvelles espèces de prose et des vers (comme le poème épique). Mots-clés : politicien et ministre, auteur, journaliste, traducteur.

1. Introduction

The Francophone cultural space has been a generous welcomer to (self-) exiled Romanian authors for more than one and a half century and in what follows special attention will be paid one of the first of them, namely Dimitrie Bolintineanu, a complex personality of the mid-19th century. The paper selects from the history of literary criticism those references which discuss Bolintineanu’s relationships with the Francophone cultural space. By “relationships” we mean not only the influences of the French culture, ideology and literature upon the Romanian author and his literary production but also his physical and literary presence in Paris, the cradle of the Francophone world. Exil şi interferenţe culturale 183

The highlights of the French literature echoes, in the most frequent and accessible bibliographical references focus on specific works of authors who have contributed to the literary landscape depicted by Bolintineanu. Nevertheless, the specificity of the current approach resides in the chronological systematization considered from the perspective of the zones of influence exercised upon Bolintineanu’s literature inspired by French models. Bolintineanu’s sketchy portrait envisaging him as a man of letters and as a political figure makes the object of the former part of this approach. Its latter part presents the interrelationships between the Romanian and the Francophone cultural space. These relationships refer to his stays in Paris, which are fruitful time intervals, when he becomes imbued not only with all major cultural, ideological and social aspects of contemporary France but also with and some of its most prominent literary and historical personalities. We eventually acknowledge the homage he paid to the French culture through the translation of Hugo’s Les Misérables into Romanian. Gone to France, as the fashion of his time had it, to continue his studies, Bolintineanu discovers a world in a process of full transformation, he witnesses unique historical events and sensitive to the fundamental idea of social progress, he accumulates first hand experience which he is ready to apply to the profit of his native people whose exponent he whole-heartedly feels to be.

2. Bolintineanu in the Romanian culture

Short-lived, eventful and complex as it was, lived with dedication and self-sacrifice Bolintineanu’s life has been continually explored by literary critics even since before his passing away1. Born in the 1820s, his accurate birth date has still remained a matter of controversy2. Nonetheless, numerous biographers [Pavelescu 1913, Petraşcu 1934, Păcurariu 1962, Vârgolici 1971, Vârgolici 1972] have written well- documented (but sometimes, ideologically biased) presentations of his life and activity. He lived in a time of metamorphoses, in a tumultuous, effervescent and tremendously important epoch in the socio-historical evolution of his native country. He not only witnessed but he willingly and very energetically involved in it with all his being. It is this time interval, i.e. a few years preceding the year 1848 as well as the years after, 184 Communication interculturelle et littérature

which influenced his life and literature for ever, making him equally experience the ups of political commitment, literary fame and celebrity and the downs of poverty, illness and supreme humiliation among his contemporaries3. All along his 30-year active life, Bolintineanu authored a vast and varied literary production, consisting of over 50 volumes where he tried his hand with “almost all literary genres and species” [Păcurariu, 1961: XXIII]4. Literary historians acknowledge him to have introduced the historic legend and the epic poem and to have marked the beginnings of novel writing in the Romanian literature [Păcurariu, 1961: LII]. In addition to his literary concerns, he also practised journalism. As a man of letters he made his debut in 1842 with the elegy O fată tînără pe patul morţii (A Young Lady of Her Death Bed) published in Curierul de ambe sexe (The Courier for both Sexes) and warmly recommended by Heliade Rădulescu, the editor-in-chief of this publication. His literature is very rich and it records poems, elegies, satires, ballads, epic poems, such as Conrad, which reminds of the Byronic hero, and the national epic poem Traianiada. All in all, he published 14 volumes of poems, which enjoyed more or less fame at the time of their publication. He authored two complete novels Manoil (1855) and Elena (1862) and an unfinished one, Doritorii nebuni (The Lunatic Desirers) which was published in instalments in Dâmboviţa. He also tried his hand as a biographer, with more or less true-to- life accounts of his main heroes, who were former rules of either of the Romanian principalities. Biographers, and more specifically Vârgolici [1971 and 1972] or even literature historians [Păcurariu 1961, Păcurariu 1969] make pertinent commentaries regarding Bolintineanu’s biographies (see, for example, Viaţa lui Ştefan cel Mare – or The Life of Stephan the Great and Viaţa lui Mihai Viteazul făcută pentru înţelegerea poporului – or The Life of Michael the Brave Written for the Understanding of the People, Cleopatra, regina Egiptului or Cleopatra, the Queen of Egypt). Although as a dramatist his creations are described to be insignificant both from the perspective of his talent and as compared to his poems, it is worthwhile mentioning just few of them, such as the three-act drama Mihai Viteazul condamnat la moarte (Michael the Brave Sentenced to Death) published in 1867, Alexandru Lăpuşneanu (1868) and După bătaia de la Călugăreni (After the Battle of Călugăreni) (1868). Exil şi interferenţe culturale 185

Even if, chronologically approached, Bolintineanu’s writings outline periods in the author’s life when he focuses on a certain genre or species, this is not true for his journalistic preoccupations. In his relation with the press, he displayed a series of jobs which span from a modest contributor to a decision making manager. All along his lifetime he continually contributed to Curierul de ambe sexe, Propăşirea (Headway), Curierul românesc (The Roumanian Courier), Foaie pentru minte, inimă şi literatură (Page for mind, heart and literature), România literară (Literary Romania), România viitoare (Future Romania), Concordia (Concord), Naţionalul (The National), Românul (The Romanian), Ilustraţiunea (The Illustration), Revista română (The Romanian Magazine), Buciumul (The Alpenhorn), Zimbrul (The Wisent), Reforma (The Reform), Albina Pindului (The Bee of the Pindus Mountains), Familia (The Family), and Trompeta Carpaţilor (The Trumpet of the Carpathians). He was an editor-in-chief, of the newspaper Poporul suveran (The Sovereign People), issued in Bucharest, and on whose frontispiece we find the French slogan Libertate, Egalitate, Fraternitate (Liberty, Equality, Fraternity), which was soon replaced by Vox populi, vox dei. Next, he is the editor-in-chief of a short-lived journal, Albumul pelerinilor români, issued in Paris in 1851, whose first number is all written only by himself. On 11 October 1858 he releases, again as an editor-in-chief, the political and literary publication entitled Dâmboviţa which will appear, with some disruptions, until 1870.

3. Political figure and statesman

Born and raised in a modest family environment, first with his parents separated, and later on his mother dead before his being a teenager, Bolintineanu had to adapt himself to a new family life. He is said to have had his years of introversion, meditation and seclusion. This happened when, as an orphan, he was entrusted to some relatives in Bucharest. His natural call to politics as well as his way to a political involvement and, later on, career may have been paved by his membership to professional associations both when he was in his country and when he was in Paris. Politically, Bolintineanu became visible in 1860, when, on 21 April, he was first appointed “efor”5 or more precisely, administrator 186 Communication interculturelle et littérature

for Eforia Spitalelor (the Administration of Hospitals), and one month later, a member of the European Commission of the Danube. On 12 May 1861 he became the minister of foreign affairs, a dignity he held for only two months. On 12 October 1863 he becomes the minster of Cults and Public Instruction in Kogălniceanu’s government, a responsibility he holds for only nine months. In this position, he contributed to the making of many laws and to the settlement of large number of primary and secondary schools, and also, very importantly, to the founding of the Faculty of Letters and Philosophy at the University of Bucharest. For hardly mentioned reasons his biographers allude to his withdrawal from Kogalniceanu’s cabinet. Although not a government member, he continued his political career as one of Cuza’s counselors and close collaborators. His withdrawal from the government marks the beginning of his gradual retiring into isolation and his exclusive and total dedication to literature. Partly triggered by his lack of any financial support but his own writings, and partly by his huge material needs in his continual fights with creditors, the productions of this period display a rather questionable literary quality. His profound political involvement when holding the positions of a minister or even of a counselor must have left him but little room for producing praiseworthy literature.

4. Bolintineanu and the francophone space

No sooner had he set foot in Paris than invisible ties between the half Macedonian-born Roumanian student and the Francophone space began to grow stronger and stronger. And strong did they remain for the rest of his life, no matter whether he was living within its borders or anywhere else. His acquaintance and friendship with the French cultural space recorded two stays and an episodic literary presence in Paris in 1866.

4.1. The first stay in Paris (1845-1848)

As a young student, Bolintineanu attends the courses of a renowned high school in Bucharest, and he starts attending the circle of secret societies, paving the way for a revolution and becomes familiar “with the ideas tormenting the most enlightened minds of the Exil şi interferenţe culturale 187

epoch, the moment of the revolution outburst” [Costa 1955: 9]6. In 1841 he becomes a copier at the Secretariat of State, which is the job of a petty clerk, but which provides him his basic needs. A couple of years later he is promoted as a secretary within one of the Secretariat of State departments, which brings him a new promotion to the rank of “pitar”7, in 1844. His new position and well-paid job seem not to bring him the happiness and the feeling of personal accomplishment he must have earned for, since his relationships with literature are more and more obvious in contemporary media (journals, newspapers and popular magazines such as Curierul de ambe sexe, Curierul, Foaie pentru minte, inimă şi literatură, etc.). As a member of Asociaţia literară (The Literary Association), whose “main purpose was that of promoting the national literature all over the Romanian-people inhabited territories” [Vârgolici, 1997: 5]8, he not only gets closer and closer to the ideas of the movement for social progress, but he also becomes more visible and popular among his companionship. Asociaţia literară grants him a scholarship to study abroad and so Dimitrie Bolintineanu first meets Paris and Collège de France in the spring of 1846 [Vârgolici, 1997: 14]. Between 1846 and 1847 he attends the college courses listening to famous personalities such as: Alphonse de Lamartine, Victor Hugo, Jules Michelet, Edgar Quinet, Saint Marc-Girardin, Adam Mickiewicz and Philarète Chasles. Some of them were outspoken supporters of the Roumanian cause for national freedom and emancipation. In the December of the same year 1845, Societatea Studenţilor Români (Society of the Romanian Students) is created in Paris, with Alphonse de Lamartine as an honorary president, Ion Ghica, a president in charge and Dimitrie Bolintineanu as a member, among other young Romanians studying in France. But his stay in France soon reaches an end for, after witnessing the outburst of the revolution in Paris, Bolintineanu comes back to his native country. His return throws him into a time interval which later on proves to have been both extremely eventful and devastating for him: the time of the 1848 revolution in the Romanian principalities. But the Wallachian9 revolution he and his brethren participate at is a complete failure. As a consequence, the victorious Turkish authorities have him together with other revolutionaries exiled and embarked upon a boat forced to sail upstream the Danube. While a prisoner on board that vessel, he made plans and eventually escaped. And like any escapee he faced no 188 Communication interculturelle et littérature

determined destination. So, while some of his companions go to Transylvania, he decides to go up to Paris.

4.2. The second stay in Paris (1849-1851)

Although embittered with the Wallachian revolution failure, the fact that he is still young enables him to prove enthusiasm, self-confidence, optimism and the ability to reinvent himself. But his call to being part of his nation process of history making is much stronger than anything else. Thus, on 30 October 1849, he is again in Paris, with the firm determination to continue his studies. In the month of December when Asociaţia română (The Romanian Association) is constituted in Paris with the main objective of “organizing the emigration, of impressing its activity a high patriotic and revolutionary finality” [Vârgolici, 1997: 6]10, Bolintineanu will be among its members. He expresses his ideas in a few patriotic poems published in România viitoare (Future Romania). Here, in Paris, he is also involved in the editing of three numbers of the publication entitled Albumul pelerinilor români (The Album of the Romanian Pilgrims) and by participating at the editing of the journal Junimea română (The Roamnian Youth). By the end of 1851, Bolintineanu left Paris with the strong hope of meeting some of his family in Wallachia, which he is forbidden by the Bucharest authorities. So, after months of expectation for his hope to come true, he goes straight to Constantinople. Here he travels to various places in and out the Ottoman Empire and, at the same time, is very focused on literature. Besides a wide range of poems (philosophical, satirical, historical and epic) he also has a novel published in Jassy, the capital of , the eastern Romanian Principality.

4.3. Bolintineanu’s writings published in France

Bolintineanu left the Francophone space in 1851 but he never felt the distance separating him from this country. He had true friends there, and they helped him to have the volume Les Principautés Roumaines published in Paris in 1854. “Intended to inform the foreigners about the social status, the history and culture of the Exil şi interferenţe culturale 189

Romanian people, the book outspeaks patriotic and democratic ideas in the spirit of the 1848 revolutionary fighting program” [Costa 1955: 272]11. Therefore, highly popularizing in its purpose and character, the book “consists of a brief historic and geographical presentation followed by an analysis of the socio-political and cultural situation in the Romanian principalities, […] highlighting the necessity of a regime which could grant freedom for people, autonomy and independence for the internal administration and, finally for the union” [Păcurariu, 1969: 20-21]12 of the Romanian principalities. The volume continues with an outline of the Romanian literature and language which considers not only the early beginnings of this literature but also creations whose roots go deep down into the national folklore and take a long trip to reach the author’s contemporary men of letters. In 1856, a second volume, L’Autriche, la Turquie et les Moldo- Valaques is published in Paris. It is intended against Austria, as an opponent to the union of the Roumanian principalities. Among its fundamental ideas, some become recurrent in Bolintineanu’s contributions to the Dâmboviţa journal. They regard the granting of political rights equality to all citizens, of freedom of the press as well as of free access to the system of public education, of the independence of justice and the institutionalization of a strong Roumanian army. While these preceding books are not considered literature but popularizing writings, it is the 1866 volume published by E. Dentu in Paris and entitled Brises d’Orient, Poesies roumaines traduites par l’auteur meme, par D. Bolintineano that is acknowledged to be the first volume of verse paving the way for “la literature d’expression francaise” [Vuillemin 2005: 90] or “the literature of French expression”. The volume consists of 372 pages and it is preceded by a 15-page preface signed, as the front page shows it, by “Philarète Chasles, professeur au Collège de France et conservateur à la Bibliothèque Mazarine”. The author of the preface admits the fact that “On me prie de présenter au public français ce volume de poésies roumaines. Je m’acquitte de ce devoir envers un étranger distingue, M. Dimitrie Bolintineano”. And indeed he made the best of his task when he wrote it. The preface gives a few biographical details about the poet and makes some historical and cultural references to the Romanian community and literature, before making references to the poems in the volume [for more details, see Costinescu, 1967]. 190 Communication interculturelle et littérature

Front page of the volume Brises d’Orient, Poésies roumaines par D. Bolintineano. The collection of Biblioteca Municipală “V. A. Urechia”, Galaţi. Photo by Floriana Popescu

Exil şi interferenţe culturale 191

4.4. French influences upon Bolintineanu’s writings

Actively engaged in political causes, energetic and creative as he used to be in his youth years, Bolintineanu authored a wealth of volumes; some of them undoubtedly revealed literary value, on the one hand, but, on the other hand, some others were written under the pressure of financial urges. That is why they reflect fewer concerns in his literary standards. All in all, irrespective of their literary value, the majority of his writings reflect signs of French influence. Noticeable in discreet fragments of literature, the elements of French influence are referred to in critical literature, in close relation with or through parallelisms between the source author, work, episode or character and Bolintineanu’s literature. Thus, as a romantic, he was much inspired by the French romantics, in the general framework of his poetry. Similar poetry images have been indicated by critics. Some of the poems in the volume Florile Bosforului (Flowers of the Bosphorus) (1866) find their matches in Hugo’s Orientales, and Păcurariu [1969: 85] suggests Bolintineanu’s direct inspiration from the cycle of the French author “indicating resemblances between Blestemul dervişului, Hial, Se Scaldă and Dorinţa, on the one hand and La malédiction, Le derviche, Fantôme and Sara la baigneuse, on the other. Although attached to romanticism and acknowledged as an original poet with his poem Mihnea şi baba, Bolintineanu is said by Apostolescu [apud Păcurariu 1969: 96]13 “to have been inspired by Gautier’s Albertus ou l’âme et le péché with regard to the selection of poetic themes and by Nerval’s poems La danse des mots and Le rêve et la vie for the preference for the macabre fantastic. Bolintineanu’s inspiration relies on French models to such an extent that his free translation of Alphonse de Lamartine’s lines in Le Lac “O, temps! Suspends ton vole…” into “O, noapte graţioasă opreşte zborul dulce…” is indicated by the same critic [Păcurariu 1969: 88]. As a novelist, Bolintineanu published two volumes, Manoil (1855) and Elena (1862) which also remind of French models either in their writing technique or in other perspectives. Manoil, the first (sentimental epistolary) novel in Romanian literature is constructed according to Jean-Jacques Rousseau’s La Nouvelle Hélloïse or to Madame de Staël’s novels. Episodes in the novel plot remind of a distinct genre in French literature, the novel of mystery, with the best 192 Communication interculturelle et littérature

known of the series, Les Mystères de Paris (Eugène Sue) and Les Mystères de Londres (Paul Féval) [Păcurariu 1961: XLIV]. The French influence upon Bolintineanu is noticeable in the creation of literary heroes or heroines. Literary critics indicate the author’s indebtedness to Balzac in creating both the character or the nature and the fate or destiny of Elena, the main character in the eponymous novel. Elena is similar to Balzac’s Henriette in Le lys dans la valée. Actually, Bolintineanu himself voices this influence through Elescu, Elena’s lover. When he finds Balzac’s book in Elena’s room, he says “this is a novel which shows it better than all the works of philosophers what a woman is like. Elena had to read it and to feel it … there is a huge resemblance between these two souls of women” [quoted apud Păcurariu 1969: 121]14. On the other hand, Elena’s tragic end brought about by her suffering from tuberculosis suggests a parallelism with Dumas’s La dame aux camellias (1848). Some of Bolintineanu’s political topics were also borrowed from a French model. This is the case with Cartea poporului roman. Cugetări filosofice şi politice în raport cu starea actuală a României (The Book of the Romanian People. Philosophical and Political Thoughts Related to Romania’s State-of-the-Art) which was published in Bucureşti in 1869. The book reveals the influence of Le livre du people (1837), a book written by Félicité Robert de Lamennais, 19th century French writer and philosopher. This influence is detectable in the book main topics of discussion which were actually a heritage shared by the whole Europe in the years foregoing the 1848 revolutions in several countries of the continent. The idea of the revolution legitimization expressed by Lamennais is argued by Bolintineanu in a manner which emphasizes the close relationship to the French author. Inquisitive traveller, while visiting the Romanians in Macedonia, Bolintineanu observes and “diligently takes notice of all his impressions” [Păcurariu, 1969: 20]15. Nevertheless, as Theodor Capidan16 [1927] demonstrated it, Bolintineanu did not rely on his impression notes when creating the poems joined under the title of Macedonele. Instead, as it seems, Bolintineanu wrote the poems dedicated to the Romanians in Macedonia by extracting his information from Voyage dans la Grèce, a five-volume work published in Paris between 1820 and 1821 and authored by T. C. H. L. Pouqueville. His personal notes may have made the source of Exil şi interferenţe culturale 193

inspiration for his travel writings Călătorii la românii din Macedonia şi Muntele Athos sau Santa-Agrora (1863).

4.5. Bolintineanu as a translator from or into French

It was stated in the foregoing that Bolintineanu showed preoccupations as a translator of Romanian poems into French. In addition, he dealt with translations from or in other languages, which will be presented in what follows. Thus, his classical studies enabled him to make his own translations from poets of the antiquity, and his familiarization with Anacreon has been mentioned in Bolintineanu’s critical literature. His virtues as a translator from the classical authors of Greece and Rome have also been mentioned [Păcurariu, 1961: XXIV]. His friendship with E.C. Grenville Murray, the British vice-consul at Metylene on the Prinkipo Island helped him to make a high quality translation of some of Vasile Alecsandri’s poems which were published in London in 1854 under the title Doine or the National Songs and Legends of Romania [Vârgolici 1997: 7]. As a student at Colegiul Sf. Sava, around the year 1830, Bolintineanu befriends with Alexandru Zanne, and later on this friendship turns into a fruitful and creative collaboration. In 1859, the two and Pantazi Ghica share the authorship of Calendarul istoric şi literar, but the 1860 and 1861 editions are shared only by Bolintineanu and his friend Al. Zanne. Intended for popularizing practical knowledge, the calendar which resembled an almanac targeted a large readership, with its information regarding, among other things, “the names and the days of the fairs along the year, the calendar proper and the horoscope” Păcurariu [1969: 34]17. The most comprehensive part of the calendar, nevertheless, includes fragments from Bolintineanu’s literary writings. It is this translational collaboration which resulted in “the first ever version in a foreign language” [Costa 1955: 274]18 of Victor Hugo’s Les Misérables. The six tomes of the Romanian version performed by Bolintineanu, Al. Zanne and I. Costiescu were published in Bucharest between 1862 and 1864. On his own, Bolintineanu translated many of his poems into French and he had them all joined together in the volume Brises d’Orient presented in the foregoing.

194 Communication interculturelle et littérature

5. Final remarks

Călinescu’s compendium [2001: 97] assigns Dimitrie Bolintineanu to the chapter of romantic and macabre poets and makes him an unexpected introductory portrait, referring to him as “the Macedonian” who published “a very loose imitation after La jeune captive by André Chénier, namely O fată tânără pe patul morţii”. My strong conviction is that Bolintineanu would have deserved a much better position within the history of the Romanian literature for a wealth of reasons. First and foremost, for the role he played in the Romanian literature as an initiator or a pioneer. He was the first author to have written historical legends as well as ballads and to have done his best with writing them [Păcurariu, 1969: 97]. He followed French and other European patterns and created the first novels in our literature, which provide, above all, a canvas of Bolintineanu’s contemporary Romania. Although his satires are not as exquisite as those of Alexandrescu, his predecessor, they enjoyed success among his contemporary reading public. He also contributed consistently to the beginnings of the drama, and to travel writing. He was a tireless man of letters, dedicated to his ideas and ideals and who first thought about the possible translation of Hugo’s Les Misérables into a foreign language, which thanks to him and his friends happened to be Roumanian. Above all, he was an ambassador of the Romanian literature, if not as an original and worthy writer, then as a translator of Alecsandri’s Doine, published in London in 1854 and of his own poems included in the volume Brises d’Orient, to say the least about the two books describing the state-of-the-art of the mid-19th century Romanian society which were characterized as books of propaganda. To my mind they simply voiced the ideals of the generation who staged the 1848 revolutionary movements for national liberty, independence and human progress, which gradually turned into reality, some of them right under Bolintineanu’s eyes, as it happened with the 1859 union of the two principalities, Wallachia and Moldova.

Bibliographical references

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Capidan, Theodor, „Scrierile lui Dim. Bolintineanu despre Macedonia”, in Omagiu lui I. Bianu, Editura Cultura Naţională, Bucureşti, 1927, pp. 79-90. Călinescu, George, Istoria literaturii române. Compendiu, Litera Internaţional, Bucureşti-Chişinău, 2001. Ciorănescu, Alexandru, Dicţionarul etimologic al limbii române, Saeculum I.O., Bucureşti, 2002. Costa, Dan, „Studiu introductiv”, in Dimitrie Bolintineanu, Opere alese, 2 vol., E.S.P.L.A., Bucureşti, 1955. Costinescu, Petre, „Cum a apărut la Paris volumul Brises d’Orient de Dimitrie Bolintineanu”, in Revista de istorie şi teorie literară, 1, 1967, 34-45. *** Dicţionarul Explicativ al limbii române, Univers enciclopedic, Bucureşti, 1998, (= DEX). Pavelescu, George, Dimitrie Bolintineanu şi opera sa, Bucureşti, 1913. Păcurariu, Dan, Dimitrie Bolintineanu, Bucureşti, 1969. Petraşcu, Nicolae, D. Bolintineanu, Bucureşti, 1934. Vârgolici, Teodor, Dimitrie Bolintineanu şi epoca sa, Minerva, Bucureşti, 1971. Vârgolici, Teodor, Introducere în opera lui Dimitrie Bolintineanu, Minerva, Bucureşti, 1972. Vârgolici, Teodor, „Tabel cronologic”, in Dimitrie Bolintineanu, Legende istorice, Litera, Chişinău, 1997, pp. 4-14. Vuillemin, Alain, „La pénétration de la langue française dans lea pays de l’Europe centrale et orientale et du Sud-est européen”, in Nouvelles Etudes Francophones, vol. 20, no 1, Printemps, 2005, pp. 89-93.

Notes

1 See, for example, Gr. H. Grandea, O vizită la Bolintineanu, an article in Familia, VII, 1871, 224, which was published one year before Bolintineanu’s death. 2 Different literary historians or even biographers propose and argue in favour of different birth dates, within 1819 and 1826. This is first and foremost because of a lack of any written evidence and also as a consequence of the author’s contradictory confessions. For details on the controversies and different points of view, see Păcurariu 1969: 9. 3 Bolintineanu’s biographers hardly ever omit to refer to the hospital records which read the English version which is, like all the rest that follow, my own translation, i.e. “Dimitrie Bolintineanu, former minister of Cults who was admitted in hospital without his own clothes” for “Dimitrie Bolintineanu, fost ministru de Culte, internat fără haine” [Păcurariu, 1961: XXIII]. 196 Communication interculturelle et littérature

4 The original text reads: “aproape toate genurile şi speciile literare” [Păcurariu, 1961: XXIII]. 5 Efor is an old-fashioned Roumanian term actually similar in meaning with the present-day word describing the position of an administrator [Ciorănescu, 2002: 311]. 6 The original text reads: “cu ideile ce frământau pe atunci minţile cele mai laminate ale epocii – momentul izbucnirii revoluţiei” [Costa, 1955: 9]. 7 Pitar is a title assigned to a boyard who was in charge with the procurement of te bread for the royal court, the army and with the surveillance of the royal bakers [DEX, 1998: 799] 8 The Romanian author says: “…principal scop era acela de a promova literature naţională în toate regiunile locuite de români.” [Vârgolici 1997: 5]. 9 Wallachia was the name of the roumanian principality sitauted north of the Danube, between the Danube, in the east and approximately the Cerna river in the west. In Bolintineanu’s times the two Romanian principalities were under the Ottoman authority. 10 The Romanian author says: “…organizarea emigraţiei, imprimarea unei înalte finalităţi patriotice şi revoluţionare.” [Vârgolici 1997: 5]. 11 The original text reads: “Menită să informeze străinătatea cu privire la starea socială, istoria şi cultura poporului român, cartea promovează idei patriotice şi democratice în spiritual programului de luptă al revoluţionarilor paşoptişti” [Costa, 1955: 272]. 12 The original text reads: “cuprinde o sumară prezentare istorico- geografică, urmată de o analiză a situaţiei social-politice şi culturale din ţările române, […] subliniindu-se necesitatea unui regim de libertate pentru popor a autonomiei şi independenţei interne şi, în fine, a unirii…” [Păcurariu, 1969: 20-21] 13 The Romanian author says: “… pare a fi inspirată din Gautier…”[Păcurariu, 1969: 96] 14 The Romanian author says: “Iată un roman ce arată mai bine decît toate operile filozofilor ce este o femeie. Elena a trebuit să-l citească, să-l simtă… este o mare asemănare între aceste două suflete de femei”. [Păcurariu, 1969: 121] 15 The original text reads: “… notându-şi sârguincios impresiile.” [Păcurariu, 1969: 20] 16 Philologist and linguist, member of the Romanian Academy, Theodor Capidan was a remarkably well documented scholar specialized in Aroumanian language and customs. Born in Macedonia, he had first hand knowledge about what Bolintineanu meant when he wrote his literature focused on this part of the world. 17 The original text reads: “ … numele şi zilele cînd au loc tîrgurile în timpul anului, apoi calendarul propriu-zis şi zodiacul.” [Păcurariu, 1969: 20] 18 The original text reads: “ … este prima tălmăcire în vreo limbă străină a acestei opera.” [Costa, 1955: 274]. Exil şi interferenţe culturale 197

The foreigner on the margin and the game of multitudes with two of S. Rushdie’s novels

Isabela Merilă

Résumé: La célébration de la multitude semble être une règle générale pour les romans de S. Rushdie. L’identité individuelle (et étatique) se révèle comme une collection variée et infinie d’influences, récits, expériences, relations etc. Toute tentative d’ancrage dans la dualité est minée et démystifiée en tant que convention recherchée afin de retrouver un ordre apparent et un sentiment de sécurité / contrôle. C’est ainsi que le « centre » perd son sens et cède la place à la « marge » en tant que principe définitoire. La question qui sert de point de départ à notre démarche est la suivante : qu’est-ce qui se passe, dans ce contexte, avec le personnage occidental, colonisateur – d’une manière ou d’autre – et avec son statut de centre de référence ? Mots-clés: centre et marge, multitude, identité et altérité.

Multitudes seem to stand at the basis of character drawing in Rushdie’s novels and the most famous example probably comes from Midnight’s Children, in the form of Saleem Sinai, who ties his destiny to that of the nation (or vice-versa) and tries to “mean something” by narrating himself. To quote Josna E. Rege:

Even though Saleem is cracking into as many pieces as there are Indians, as there are stories to tell, he has successfully told his story – imperfect, unreliable, distorted, needing endless revising, to be sure – but nonetheless triumphantly his own. When Saleem Sinai tells his readers that they will have to swallow him and his story whole, “whole” does not imply unitary, seamless. Whole means multiple, fault-ridden, contradictory, “full of cracks” [Bloom, 2003: 169-170].

His case is particularly suggestive as it seems to stem from Rushdie’s view of India itself, as described in Imaginary Homelands: “[…] the very essence of Indian culture is that we possess a mixed tradition, a mélange of elements as disparate as ancient Mughal and contemporary Coca-Cola American. To say nothing of Muslim, Buddhist, Jain, Christian, Jewish, British, French, Portuguese, 198 Communication interculturelle et littérature

Marxist, Maoist, Trotskyist, Vietnamese, capitalist, and of course Hindu elements” [Rushdie, 1991: 67]. Nevertheless, Saleem Sinai is not the only example of fragmentary identity in Rushdie’s fiction. To select just one other case, we could mention Fury’s Solanka, who also finds himself as a collection of narratives in continuous dialogue and intertextuality with other characters’ narratives. Accordingly, identity as unity is, once more, exposed as an illusion and the dual dialogue of I with other is, at the same time, a comforting device in the face of chaos and one of the basic steps (not the final one) in discovering the self (and the multiple othernesses within). In this context, it may prove interesting to notice what happens to the foreign, western characters in those novels that include post- colonial themes. For this purpose, we selected Midnight’s Children and Shame. The first realization is that the characters identified with different Western locations in these two novels can almost be counted on the fingers of one hand. Their country of origin is always mentioned (be it England, Portugal, or Germany) and the fact that it is other than India or Pakistan is one of the marks they cannot escape. Most of them are clearly considered outsiders and tend to just disappear at one point from the ’Eastern’ setting of the novels. They are like torrents that move over the Indian land and leave traces on their way out; while the traces remain, the waters are nowhere to be seen anymore. For a less abstract illustration, one may start from the images of the cities in the two novels. The Palladian hotel described in Shame as flooded by light and colour (yellow, green, white) is said to be visited by the white colonists who want “to share the illusion of being colourful – whereas in fact they were merely white” [Rushdie, 1984: 12]. Therefore the glitzy personality of the occupants is shown as an attempt to make up for a lack, and thus the typical roles of the colonizer and of the colonized are reversed. It is an attitude specific to the novel in question, which is set ’at the edge of the world’. There, the Impossible Mountains are turned up-side-down in the perception of a child who believes that Paradise is down and Hell is up. It is a world where the colonizers are the ones observed and found strange or they are rapidly becoming ghosts of the past, although the traces they leave are still capable of shaping the reactions of those influenced. Exil şi interferenţe culturale 199

In Midnight’s Children, the description of the city still inhabited by foreigners shares the feeling that they are not really there:

You could not see the new city from the old. In the new city, a race of pink conquerors had built palaces in pink stone; but the houses in the narrow lanes of the old city leaned over, jostled, shuffled, blocked each other’s view of the roseate edifices of power. Not that anyone ever looked in that direction, anyway. In the Muslim muhallas or neighbourhoods which clustered around Chandni Chowk, people were content to look inwards into the screened-off courtyards of their lives… [Rushdie, 1982: 69].

This could be seen as a sign of silent and enduring resistance against a presence that is felt as foreign. It may also show that changes and games of power normally take second place to matters of everyday life. A more extreme example of people enclosed in their living spaces and not wanting to have anything to do with the life outside is to be noticed in the case of Chhunni, Munnee and Bunny’s father: “Old Shakil […] had for many years remained immured in his high, fortress-like, gigantic residence which faced inwards to a well- like and lightless compound yard” [Rushdie, 1984: 12]. In such cases of looking inwards, the people’s refusal to acknowledge the changes that take place and their determination to behave as if nothing happened seems to have double implications. On the one hand, it reduces the importance of the colonial experience, sending it to the background and only allowing it to pervade like a sound from the distance. On the other hand, it may be the cause for the mistaken assumption that after the ’aliens’ are gone, things can return to what they used to be. The influence is there, however, and not even citadels like Old Shakil’s are spared of it, since it is inferred that his future grandson is the illegitimate son of an Angrez. While this is mostly a suspicion in Omar’s case, Saleem is openly stated to be the illegitimate son of an Englishman and an Indian woman, other than the people who raised him. Considering that his birth was hailed as the symbol of a nation’s emergence, the revelation works not only on the individual and family level. However, instead of being the central piece which, once removed, demolishes the entire construction, the discovery receives only marginal status: “When we eventually discovered the crime of Mary Pereira, we all found that it made no difference! I was still their son: they remained my parents. In a kind of collective failure of imagination, we learned that we simply could not think our way out of 200 Communication interculturelle et littérature

our pasts” [Rushdie, 1982: 116]. In other words, a shared past experience is the basis for relations and identities, not shared blood or measures of blood “purity”. Or, to quote Søren Frank: “love is not dependent on ties of blood; rather, it seems to thrive in a common experience of lived life. Accordingly, identity is not produced through genealogical trees understood as vertical, parallel lines with fixed points of origin; instead, it is produced in horizontal, transversal communications that disturb the parallel evolution of tree structures” [2008: 136]. As throughout the novel, this realisation is extended to apply to the nation as well. Since India comes into being as a declaration of independence from the colonial intrusion, its beginning is marked by duality: us vs. them, which forces the idea of us as a unitary group with one voice and similar aspirations for the future. The illusion of unity, however, is dispelled rather quickly and the reaction in the face of the multitude of ’voices’, concretely represented in the language marches and symbolically by the Midnight Children’s Conference, is to search for a new centre. Significant, in this respect, is the following comment:

All over India, I stumbled across good Indian businessmen […] who had become or were becoming very, very pale indeed! It seems that the gargantuan (even heroic) efforts involved in taking over from the British and becoming masters of their own destinies had drained the colour from their cheeks… in which case, perhaps my father was a late victim of a widespread, though generally unremarked phenomenon. The businessmen of India were turning white [Rushdie, 1982: 179].

Therefore, the movement away from the colonial experience into an independent organization is also an event that takes place in the shadow of the centre-margin dichotomy. In the family circle, this is represented by the actions of another foreigner, Methwold, an Englishman. His contract for the sale of the villas he built seems to be designed with the particular intention to leave a mark. He sets an insignificant price on the buildings, but demands in exchange from the Indian buyers not to change one thing about them or what they contain before the day of the Independence. Although this seems annoying and strange to the Indian families, they decide to accept: “Selected by William Methwold, these people who would form the centre of my world moved into the Estate and tolerated the curious whims of the Englishman – because the price, after all, was right” [Rushdie, 1982: 98]. The plan behind Methwold’s terms is revealed when the new Exil şi interferenţe culturale 201

inhabitants discover and gradually adapt to an English standard of life also starting to enjoy it:

things are settling down, the sharp edges of things are getting blurred, so they have failed to notice what is happening: the Estate, Methwold’s Estate, is changing them. [When he] comes to call they slip effortlessly into their imitation Oxford drawls; and they are learning, about ceiling fans and gas cookers and the correct diet for budgerigars, and Methwold, supervising their transformation, is mumbling under his breath […] All is well [Rushdie, 1982: 99].

It is as if the Englishman were trying to secure a continuation of the process of colonization even after his departure from this land. As previously mentioned, he is also the father of Saleem, thus contributing to the latter’s ’strangeness’. Methwold departs the day before the Independence and before going he renounces the reason for his power of attraction (his thatch of hair) and goes away disclosed. One could say that his gesture looks like a counterpart (a rather parodic one) for Prospero’s renunciation of his books at leaving the island. A more open disclosure occurs in another sequence: Amina’s encounter with the white beggar, which has something of The Wizard of Oz. Amina’s surprise may be said to parallel Dorothy’s at the discovery of the frail man behind the supposedly impressive, all- powerful wizard and her embarrassment comes from feeling that she saw something she was not supposed to. At the same time, we may compare her reaction to what a traditional reader might feel at the end of The Magus, by J. Fowles, on reading the words: “the maze has no centre. An ending is no more than a point in sequence, a snip of the cutting shears. Benedick kissed Beatrice at last; but ten years later? And Elsinore, that following spring?” [Fowles, 2004: 645]. Amina Sinai’s encounter with a white beggar on her way to Ramram Singh is marked by shock, pity and incredulity. She feels “embarrassment, because […] begging was not for white people. […] Wait, white woman, just let me finish my business, I will take you home, feed you clothe you, send you back into your own world” [Rushdie, 1982: 81- 2]. The labyrinth has no centre, the white man inhabits the margin.

Marginality is the condition constructed by the posited relation to a privileged centre, an ’Othering’ directed by the imperial authority. But the abrogation of the centre does not involve the construction of an 202 Communication interculturelle et littérature

alternative focus of subjectivity, a new ’centre’. Rather the act of appropriation in the post-colonial text issues in the embracing of that marginality as the fabric of social experience. […] Discourses of marginality such as race, gender, psychological ’normalcy’, geographical and social distance, political exclusion, intersect in a view of reality which supersedes the geometric distinction of centre and margin and replaces it with a sense of the complex, interweaving, and syncretic accretion of experience [Ashcroft, Griffiths, Tiffin, 2004: 102-103].

Whereas Methwold is perceived as an eccentric, Ilse is a more tragic figure. She is one of the German friends who have an influence on Aadam Aziz, and, by ’contagion’, on those around him. Through Aadam’s memories she is shown to be one of the people who believed that India had appeared with its discovery by the Europeans; she mocks and downgrades him for his religious beliefs, and she finds his appearance hilarious. However, when she comes to see him in Kashmir after years she is changed. Germany was defeated in the World War, a name which strikes one as odd on the background of a Kashmir unaffected by its existence. Ilse brings with her the news of Oscar’s death and her story is particularly interesting since it seems to foreshadow Tai’s own fate. “He went to talk to the army and tell them not to be pawns. The fool really thought the troops would fling down their guns and walk away. […] As he reached the streetcorner across from the parade ground he tripped over his own shoelace and fell into the street. A staff car hit him and he died” [Rushdie, 1982: 29]. The fisherman also dies while trying to put some sense into the army’s heads and he is the one to lead Ilse on her final voyage in his shikara like a Kashmiri Charon. Thus, her sense of equilibrium is challenged and the realisation of the marginality characterising her own corner of the world devours her. We cannot end this list without dedicating a few words to Evie Burns, the American cow-girl who constitutes Saleem’s first love interest. She comes as a whirlwind and gains supremacy of the courtyard with her bicycle acrobatics and her air-gun, only to be violently dethroned by the Brass Monkey after a ’great cat massacre’. A shamed and furious Evie is sent back to the States by her father and the only report about her is that she knifed an old lady and was put in a correctional facility. The lady was protesting at Evie’s rough handling of a cat. The girl’s destiny goes hand in hand with one of the story’s messages: no attempt at total control over multitudes is Exil şi interferenţe culturale 203

unending. The Widow wants to be the one God in a country of million deities and she fails. Evie makes the same mistake on a smaller scale. Therefore, besides being rather scarce in the two selected novels, the western characters seem to have a tendency to disappear into the diversity that inhabits the two narrative worlds. Their influence on the narrators and characters upon which they intrude exists, but it does not seem to be a main partner in an identity-defining dialogue, but rather one mirror fragment among many. Their role may be connected to one other comment from Imaginary Homelands, where Rushdie writes: “What seems to me to be happening is that those peoples who were once colonized by the language are now rapidly remaking it, domesticating it, becoming more and more relaxed about the way they use it – assisted by the English language’s enormous flexibility and size, they are carving out large territories for themselves within its frontiers” [1991: 64]. In other words, appropriating and then transforming, using it in new ways, independent of the source. It is the fragmentation of Saleem Sinai that dominates the narrative of Midnight’s Children as he engulfs a world and a myriad of voices which all want their chance to be heard, making him central and marginal at the same time and, thus, questioning the dichotomy. Whereas, in Shame, marginality is set at such a high rank, that the novel’s main character prides himself as being marginal to his own story. To end on the same note as we began, we will return to the description of the city in the opening of the novel Shame:

In his peroration the embittered old recluse rehearsed his lifelong hatred for his home town, now calling down demons to destroy the clutter of low, dun-coloured, ’higgling and piggling’ edifices around the bazaar, now annihilating with his death-encrusted words the cool whitewashed smugness of the Cantonment district. These were the two orbs of the town’s dumb-bell shape; old town and Cantt, the former inhabited by the indigenous, colonized population and the latter by the alien colonizers, the Angrez, or British, sahibs. Old Shakil loathed both… [Rushdie, 1984: 11-12].

Firstly, it is interesting to see how the two communities are separate in space but having equal standings, since the shape of the city is that of a dumb-weight. Secondly, something else worth noticing might be the fact that the old-man’s hatred is also equally distributed. 204 Communication interculturelle et littérature

This attitude seems to go hand in hand with the general tone of the two novels in which the interest may sometimes seem to be the clash between East and West, but it is actually more often than not in the human being and its attempt to cope with the multitude of perspectives and perceptions around them.

References

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Exil şi interferenţe culturale 205

A Reflection of Experience and Autobiography in Fay Weldon’s Fiction

Adela Cornelia Iancu (Matei)

Abstract: In this paper, I will present some of the most important and interesting facts from Fay Weldon’s autobiography, Auto da Fay, and the way in which certain aspects of her life have influenced her fiction and her attitude towards feminist issues. Weldon considers herself to be a feminist, going as far as to state that she has arrived at “the next stage of feminism”, and implying in various contexts that she is a pioneer in certain controversies regarding feminism. Fay Weldon seems to have an opinion on everything, be it romantic affairs, rape, pornography or prostitution, and has been criticized in various cases for the way in which she expresses these opinions. In her autobiography, readers may find the explanation for Weldon’s evolution both as a person and as an author, creating characters with a strong background, inspired by the people around her, proving that the social standards have changed, and women have become empowered. Weldon has evolved with the times, suggesting that it is important for feminists to do the same, and help women in various parts of the world where female identity is not as strongly rooted in the social construct as it is in the West. Through the use of concrete examples from her life, Fay Weldon provides background for her female protagonists, giving readers a better understanding of feminism and femininity in the social construct. Her statements have been criticized, however, she has not been discouraged, and has always considered herself to be ahead of the crowd when it comes to feminism; nevertheless, Weldon has emerged as a mature, experienced feminist writer, which is obvious both in her memoirs and her fiction. Keywords: British literature, background, female identity, social construct, feminism.

Fay Weldon’s fiction is a very controversial type of fiction, on one hand she has received praise for being a pioneer, because, in a way, she is deconstructing female stereotypes; on the other hand, however, critics have pointed out that Weldon’s fiction actually confines women to certain social roles, following the notion of the submissive woman. Weldon herself has actually 206 Communication interculturelle et littérature

expressed her ideas regarding feminism, suggesting that she has evolved, keeping up with the times. Petr Vyhnálek suggests that Weldon considers herself to be ahead of the times (Vyhnálek 2011: 6), as she has experienced feminism in various stages of her life. Also, equally important is the fact that the feminist movement has had a strong impact on literature and on literary theory in general, especially in the last decades. In this way, Fay Weldon consider herself to be ahead of the times when it comes to feminism and feminist issues, explaining that, as she has aged, she has experienced feminism in different ways, progressing and adjusting her ideas and expectations. It is also suggested that the feminist struggle does not end, but rather it is changing its focus towards other issues related to feminism, evolving with the times. Fay Weldon was born and brought up in the age of feminism, an age when women went from being stay-at-home moms to running businesses. This is one of the reasons why she has had to adapt to this new world order, and she uses her own experience in creating characters which fight social oppression and the patriarchal system in their own way. Fay Weldon herself has presented her own views regarding feminism in various contexts. For example, in an interview, when questioned whether she felt as part of the feminist movement, Weldon stated that “Inevitably, but I never wrote propaganda because it all seemed so evident. It became obvious that you had to be a feminist because it was such a ridiculous state of affairs." (Saner 2009) Weldon refuses to think of herself as a feminist indoctrinator, considering that feminism was a natural reaction against a patriarch society which would marginalize women and restrict their rights. Weldon goes as far as to state that she is "[…] probably the one, the only feminist there is and the others are all out of step.” (Saner 2009) Her individuality and her unique style of writing have helped Weldon become one of the most appreciated contemporary female writers. Regarding the new waves of feminism, Weldon declares herself satisfied, as it seems that individuals who concern themselves with feminist issues have moved on to more pressing issues, such as the role of women in certain societies where women still lack certain freedoms. As she mentions in an interview,

They’re getting a bit better, because at least they are more interested in women in other lands," she says. "In the last five years, it has been so inward-looking – they have been worried about pay gaps, worried about Exil şi interferenţe culturale 207

the minutiae of things – that it got up its own arse. Now, [the feminist movement is] looking outside – you see what’s happening to women in Afghanistan and you see the necessity of fighting back. You need to work in those areas. It is too easy for women [in the west] to see themselves as victims and oppressed by men. I think one has to be more rational. [Saner 2009].

Weldon suggests here that she is happy with the way the situation has evolved, focusing more on actually helping women who need help, rather than victimizing women in placing blame on society. In this way, feminism becomes the ideology which it was meant to be, a way to regain a balance. In her autobiography, Auto da Fay, Fay Weldon mentions some of her personal experience regarding such feminist issue as the exploit of women, pornography and prostitution. In the chapter “Sent Out”, Weldon comments upon an interesting chapter in her life, her marriage with Ronald Bateman, a headmaster significantly older than she was. In the chapters regarding this marriage, Weldon uses the third person, rather than the first, as is the case with the other chapters, insinuating that she does not hold herself responsible for what has happened during that period of time (Weldon 2002, 198). Even though she seems to not be coping so well with certain aspects of her past, Weldon is not reluctant to speak about some topics which might be considered taboo, going as far as to blame women who appear in pornographic movies or magazines, or women who take their clothes off for money, insisting they are a part of the mechanism which objectifies women, and that feminism has given them a choice. She has expressed her views regarding this subject in an interview:

But what about the different pressures on young women now – young men growing up on misogynistic magazines, internet porn and lap- dancing clubs appearing on high streets? "Yes, but the women are doing it," says Weldon. "They don’t have to. They can always get a job in the frozen chicken factory. Selling your body is no awful," She has a habit of not finishing sentences. "It’s not any big deal. Good for you while you have it, you won’t be able to do it for long and then you can get a job as a typist or whatever." [Saner 2009]

Weldon’s marriage with Mr. Bateman comes to mind when discussing these lifestyle choices, as Weldon has been coerced in a way, to entertain various men, during her marriage (Weldon 2002, 208 Communication interculturelle et littérature

198). In this case, recognizing her past, she does not place blame on the women who choose to maintain connections with such industries as pornography, she simply explains that women nowadays have a choice, and that feminism is all about women making their own choices, rather than being told what to do. She does not play victim, acknowledging that she has made her choices, and is reconciled with her past. As Richard Eder explains, “You hesitate to label ’’Auto da Fay’’ – a virtuoso triple pun on inquisitorial self-punishment – as her first venture at memoir because so much of its material shows up as roots for her novels. So do the wit, the shrewdly disconcerting marksmanship, the refusal to engage herself even with herself.” (Eder 2003). Richard Eder points out that many of the events found in Weldon’s Autobiography can be found already in her fiction, even though they are not blatantly explained. He praises Auto da Fay, recognizing Weldon’s wit and detachment, and implies that the autobiography is not a penance-style type of writing, but rather Weldon’s life story, a reflection of her fiction. Due to the fact that she prefers to speak and write about concrete subjects such as pornography or adultery, suicide and rape, Weldon is constantly being criticized for her statements. In an interview, Weldon has stated that “rape actually isn’t the worst thing that can happen to a woman if you’re safe, alive and unmarked after the event” (Weldon 1998). Her statement has been attacked by women working with rape victims. What Fay Weldon actually meant was that one incident in the life of a person should not influence the course of that person’s life. Weldon goes on to explain that "Defining it as some peculiarly awful crime may even be counter-productive. I’d like to see it defused for women and deglamorised for men by returning it to the category of aggravated assault" (Weldon 1998). Weldon mentions that labeling the people who experienced such things is counter-productive, and insists that instead of focusing on defining the experience, people would better spend their time otherwise. Fay Weldon has tried to stay away from labeling and defining as much as she could, having spent her life by trying to not fit in. In her autobiography, Weldon mentions the case of Assia Weevil and Sylvia Plath, two women who have committed suicide, because they felt dissatisfied with their love lives. As Rogers explains, “The result, according to Fay Weldon, was two dead women and a dead unborn child. Only she hasn’t done. Lacking a sense of the ridiculous, she uses what she calls ’these seminal events’ to preach a hair – raising Exil şi interferenţe culturale 209

little feminist sermon” (Rogers 2002). Weldon’s critique of gender roles is a prevalent theme in her novels; however, she does not chastise women for their lifestyle choices, she merely presents her characters and lets the reader decide what to make of them. It is in this way that Weldon expresses her views that women do not need to focus on their love lives in a destructive manner, and they should not feel discouraged by a failure in the romance department. She has kept true to this idea, focusing on the positive aspects of her life, even when her marriages fell apart. However, she feels grateful that such tragedies as Sylvia Plath’s will not happen again, as times have changed and women have become empowered. Weldon’s autobiography, Auto da Fay, reproduces the patterns in her life, bringing to light new interpretations of Weldon’s fiction. Weldon is self-conscious, and helps the reader understand more about her female protagonists, by evoking memories from her personal experience. As Burroway explains,

Though she announces at the beginning of ’’Auto da Fay’’ that she’s looking for the patterns of her own experience (and finds them), she’s a woman so ’’rooted in the carnal and instinctive world’’ that she can hardly bend her life-so-far to a single narrative arc. […] Herself-as- heroine is multifaceted, nuanced and self-judging. Although, like many memoirists, Weldon ends her book just at the point when her career is about to take hold, her story of a lost girl on her way to finding herself winds up having heft as well as lift [Burroway 2003].

Weldon’s autobiography manages to capture various instances in Weldon’s life as a young woman, as a writer, as a mother and as a feminist. Thus, it is difficult to capture only one side of Fay Weldon, however, the background provided in the memoir helps readers better understand Weldon as a whole. The irony and wit which have characterized her fiction are also found in her memoir, allowing the reader to discover her story, thus revealing the background for her fiction. Fay Weldon presents her journey as a young woman objectively, even going so far as to narrate certain chapters in the third person, making the reader feel as though he is reading a work of fiction, rather than a memoir. Her witticism and sense of humor have allowed Weldon to confess to various episodes which reveal her views regarding feminism and the role of women in the social construct. Fay Weldon helps women by providing both positive and negative 210 Communication interculturelle et littérature

examples of protagonists, encouraging women to construct their own values of female identity.

References

Burroway, J., Auto Don’t Call Her Franklin, The New York Times, 29 June 2003, at http://www.nytimes.com/2003/06/29/books/don-t-call-her- franklin.html, retrieved April 10th, 2014 Eder, R., BOOKS OF THE TIMES; Writing Off a Past to Write Freely of a Future, The New York Times, 4 June 2003, at http://www.nytimes.com/2003/06/04/books/books-of-the-times-writing- off-a-past-to-write-freely-of-a-future.html, retrieved April 10th, 2014. Rogers, B., Believe it or not, but it bowls along, The Spectator, 25 May 2002, at http://archive.spectator.co.uk/article/25th-may-2002/51/believe-it-or- not-but-it-bowls-along, retrieved April 10th, 2014. Saner, E., I’m the only feminist there is – the others are all out of step, The Guardian, 22 August 2009, at http://www.theguardian.com/the guardian/2009/aug/22/fay-weldon-interview-saturday, retrieved April 10th, 2014. Vyhnálek, P., The evolution of Feminist Ideas in Selected Novels by Fay Weldon, 2011. Weldon, F., Auto da Fay, Harper Collins Publishers, London, 2002. Weldon, F., Rape isn’t the worst thing that can happen”, BBC News, 30 June 1998, at http://news.bbc.co.uk/2/hi/uk_news/122813.stm, retrieved April 10th, 2014.

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212 Communication interculturelle et littérature

Image de la femme dans les lettres d’amour de Leonid Dimov

Alina Ioana Bako

Résumé : Leonid Dimov, l’un des représentants du groupe onirique, propose dans ses textes épistolaires une image onirique de la femme. Notre essai se propose de présenter comment l’imaginaire s’articulé autour de l’image de la femme, découvrir les noyaux par lesquels à cette époque-là se constituent les relations humaines, soumises à une censure extérieure assez brutale, constitué par le régime politique. La femme aimée devient le prétexte pour une confession et en même temps une guérison de son âme de souffrances profondes. Mots-clés : image, femme, onirique, épistolaire, discours.

Je me rends compte que mon rêve blanc ne peut pas être à coté de tes rêves multicolores et illimités et pourtant mon amour est multicolore et illimité. Peut- être je pourrai réaliser tes rêves colorés. Peut-être tu pourras le faire toi-même.1 (Leonid Dimov)

Les textes épistolaires de Leonid Dimov ont apparu en volume en 2003, dans une édition critique et avec une préface de Corin Braga sous le titre Lettres d’amour (1943-1954)2. L’écriture du poète onirique s’articule autour de cette quête de soi, en s’appuyant sur l’image reconstruite de la femme aimée. On découvre un Dimov angoissé, qui cherche par la communication épistolaire avec sa bien-aimée qui deviendra ensuite sa femme, une manière d’échapper aux ombres de son passé. La sincérité, l’altruisme et le besoin de se confesser sont évidentes dans les textes, parfois naïfs, parfois pleins de la sagesse ou de la volupté d’un jeune homme énamouré. L’image de la femme se constitue des observations critiques, parfois enthousiastes, parfois tristes et désespérés, une image construite des morceaux de mots, des fragments de la mémoire individuelle. Varia 213

Leonid Dimov est un des fondateurs du groupe onirique, près de Dumitru Tspepeneg, et son écriture épistolaire devient tributaire à ce mouvement de la deuxième moitié du XXème siècle. Les oniristes roumains se détachent de la théorie freudienne du rêve, à la recherche d’un ferment de l’imagination, assez fort qu’il puisse ressusciter la littérature roumaine en proie d’une période sombre de réalisme socialiste. Mais, de ce point de vue, l’image onirique proposée par ceux qui se sont auto-intitulés „Le Groupe onirique”, est analysée comme une réalité analogue à la réalité concrète. Le rêve est analysé par sa référence à la réalité, car il ne s’agit pas du rêve de la nuit, comme phénomène biologique, qui peut être psychanalysé, mais, d’une réalité qui est rêvée. Leur littérature appartient, donc, à la réalité et elle a comme critère de la structure le rêve : « l’objet de la littérature onirique n’est pas le rêve, ou mieux dit, n’est pas exclusivement le rêve, mais toute la réalité dont le rêve est une assez importante et étrange partie. »3 [Dimov, Tsepeneag, 2003 :314]. Le texte épistolaire contient un genre de discours qui est variable en fonction des représentations collectifs de l’époque, un devenant un champ de bataille pour des idées sociales, politiques, pour observer les mœurs du temps et même les relations interhumaines. La lettre devient donc une sorte de texte subversive qui avoue les convictions les plus intimes, les plus proches de la structure de la pensée et de l’âme de l’écrivain. La présence explicite du destinataire, pas comme dans les œuvres littéraires qui s’adressent au grand public, pourrait être considérée une sorte d’obstacle pour la spontanéité nécessaire au domaine de l’intimité. Dans les textes de Dimov le destinataire est explicitement souligné, la femme aimée, Lucia. Partout, la situation matérielle devient raison de souffrance. « Et puis je n’ai aucune rôle dans la société. Je ne pourrais pas t’offrir des fortunes avec l’amour que j’ai pour toi ».4 [Dimov, 2003:104]. Comme on pourrait constater, la condition sociale humble de l’écrivain renvoie à une amertume de l’amour qu’il a pour Lucia. Le discours est sincère, un essai de nettoyer les misères de la société et de sa condition familiale. En suivant la biographie de Dimov on constate une absence ressentie profondément de son père et une honte envers son origine sous la famille de juifs de son père. Ce sont les deux fils rouges qui sont décelable partout dans les textes étudiés. Le motif de sa condition pauvre revient dans ses lettres vers Lucia : « Je suis trop pauvre pour toi. Et je suis malheureux car tout le monde l’a observé. Tu m’as dit que les tiens me considèrent une sorte de 214 Communication interculturelle et littérature

gueux, qui ne te mérite pas. Toi même, tu m’as dit qu’il n’y a rien à apprécier sur moi, puisque je ne suis pas capable d’acheter pour toi un mètre d’étoffe. » [Dimov, 2003:203]5. Le jeune Dimov ressent une descente parmi les choses réelles de la vie, car qu delà de son amour pour Lucia, le social devient l’élément qui contraint et qui établi les échelles dans la société. L’adressage est simple dans quelques lettres, mais ensuite les mots sont enveloppés dans une sorte de métaphore onirique. Le geste est calculé et il compte sur l’effet que les mots puissent produire dans l’âme de la femme. Il est très intéressant à voir comme on peut réaliser le portrait d’une femme des lettres que son amant lui adresse. Dans un texte non-daté Dimov avoue : « J’aimais notre amour, toutefois je l’ai tué sans pitié. Tu l’as étranglée avec la corde humide de l’argent et moi je lui ai donné un coup de couteau en acier de la volupté » [Dimov, 2003:207]6. Les deux faiblesses de deux âmes sont ouvertement présenté: l’argent et la volupté. Il s’agit donc d’une tonalité dure, qui laisse une impression d’objectivité, mais qui devient seulement une formule d’accuser et de souligné la différence entre les deux êtres humaines. Le discours est très acide et ironique parfois, surtout qu’il parle sur les sentiments qui s’entremêlent avec les problèmes matériaux. « Au dernier point je dois t’avouer que j’ai été attristé par ta croyance que les lignes que tu m’as écrit pourrait être une occasion d’ironie pour moi » [Dimov, 2003:119]7. Le réel et l’imaginaire deviennent les deux représentations du discours épistolaire. Dans ces textes mêmes la préférence pour l’utilisation des images oniriques est fréquente. L’image que les oniriques proposent a certains traits: « une consistance déterminée, voilà le trait essentiel de l’image onirique. Issue d’un chaos ad-hoc, elle est surprise au moment même de la coagulation et déclenchée dans le prochain monde onirique comme une potence variable. La variation et la trajectoire de cette potence sont déterminées par un créateur adéquat à une législation constitué dans un clin d’œil qui précède l’acte de la création. Mais ce n’est pas un clin d’œil d’inspiration, de transe, d’automatisme, mais de la plus grande lucidité, une sorte d’auréole totale justifiée par son sens même dans l’œuvre. « Et il est très douloureux pour moi de savoir que je ne peux pas t’éloigner par rien de ton chemin boue et sans finalité. Parce que tu es une bourgeoise, Lucia....» ou « Il reste dans ton être une sorte de délicatesse, de naïveté, de noblesse illimitée. Parfois on sent ce parfum aristocrate de toi. Mais, plusieurs fois il est couvert par la forte odeur de la terre travaillée de ta bourgeoisie. »8 [Dimov, Varia 215

2003:226]. Il découvre cette penché vers le matériel qui ne correspond à son monde de rêve. Les textes deviennent ainsi parties de la création onirique, comme celle picturale aussi, c’est pas un calque, le tournage d’un rêve (on sera alors face à un naturalisme à rebours), mais au contraire, l’investigation de l’image réelle par cette force réactive spécifique au rêve, pour être utilisée comme instrument d’investigation jusqu’au moment de la situation (mise en place) – conforme, dirai-je, à une législation au bon gré de l’auteur, dans un groupe syntagmatique destiné à générer en réalité un état de rêve pour le lecteur. A la fin, c’est une raison suffisante, mais qui ne la rendra pas différente des autres manières de créer, qui désirent la délectation ou influencer le lecteur”.9 [Dimov, Tsepeneag, 2003 : 316].

La femme – morceau de rêve

L’image de la femme aimée est constituée aussi des fragments des rêves, des morceaux qui renvoient à l’imaginaire poétique de plus tard qui offre une vision moderne sur le texte : « Et au milieu, l’image de ton visage souriait drôle, comme un signe. J’ai tendu les bras et je suis parti. Mais tu voulais échapper, mais en m’appelant par des signés cachés. Je t’ai suivi sans cesse, tes jambes blanches, je montais des escaliers roses que mes pas tardifs frappaient. »10 [Dimov, 2003:108]. Ce sont des fragments de rêve qui renvoient à la construction des mondes des objets de la réalité. La liaison à la réalité est d’autant plus active que l’écriture épistolaire inclue un degré très élevé de concordance envers le réel et son rapport à l’écrivain. Les fragments de rêve qui sont racontés dans les textes épistolaires décrivent un monde qui mélange l’image fabriqué et l’image modèle. « Au milieu, grisâtre, en brillant tantôt fauve, tantôt rougeâtre, une grande cloche était sur le point de rire. ( …) Q peine j’entends des bruits sourdes, le chiens aboient tristement et moi, je ne sais pas comment j’ai osé te dire que je ne t’aime plus, puisque je t’aime plus fortement que jamais. »11 [Dimov, 2003:109]. L’acte de la création de l’image onirique est une genèse lucide du texte. Le créateur n’est pas inspiré, tombé en transes, dominé par l’automatisme, mais parfaitement lucide, il transfère le mécanisme du rêve dans le texte intime. Ce qui est important c’est l’investigation „de l’image réelle” par „la force du rêve” parce que c’est ainsi que la 216 Communication interculturelle et littérature

réalité peut laisser échapper les objets sui generis qui y sont intégrés comme dans ce fragment de texte : « Et pareil à toutes les images, depuis longtemps au coin de votre bouche surgissait un sourire. Et ce sourire, rien de plus beau. Et même quand il s’effaçait de votre visage, il restait dans ma mémoire, tel un lys peint sur des vitraux bleus, comme un coin de paradis, dans des amas de toundra »12 [Dimov, 2003:110]. Le mélange du sourire de la bien aimée et les éléments architecturaux d’une sorte de cathédrale qui renvoie à l’origine nobiliaire de la femme créent un peinture onirique qui est soumise aux lois de l’âme. Il faut souligner, en suivant les idées de Dimov dans le Préambule, que l’onirique « N’est pas une manière d’échapper à la réalité, mais, au contraire, une possibilité de l’envahir, de pénétrer dans son squelette, là où le monde sensible est remplacé par son hypostase antérieure, de force »13 [Dimov, Tsepeneag, 2003 :120]. Le mouvement n’est pas extérieur, comme dans le cas des écrivains romantiques. C’est un retournement vers l’essence des choses, vers la chose en elle-même. L’univers réel est la source qui détermine sa transformation dans des séries de plus en plus éloignées des apparences, donc des images onirique : « Lucia, j’aime encore dire ton nom. Mais ton nom n’est plus le tien. C’est le nom d’une phantome qui ne vit que dans le reve. Et les reves sont tellement étranges, et leur monde et si multicolore qu’il me semble que parfois je suis content que je t’aime en reve. »14 [Dimov, 2003:207] Les objets existent par eux-mêmes, car les plus importantes sont « l’autocréation, l’automorphisme, l’intercommunication, la connexion et la trombe onirique »15 [Dimov, Tsepeneag, 2003:221]. Les phénomènes et les objets deviennent les éléments composants d’un autre monde, qui n’est pas successif, mais simultané. Ils naissent les uns les autres dans un processus continu, qui est répété en suivant les phases du rêve lucide. Le poète, même s’il essaie des délices démiurgiques16 [Dimov, Tsepeneag, 2003:128], par le pouvoir apparent de créer et recréer des univers, il est détruit comme Pygmalion par sa propre création. Il est „effiloché” par la communication qu’il établit avec la réalité, par le transfert d’énergie inconsciente. Les descendances littéraires qui seront avoués plus tard apparaissent aussi dans cet espace de l’écriture épistolaire : « Une fois, tu m’as dit que je ne peux pas être russe, parce que je n’aime pas comme les russes. (...) Il est difficile de te dire de tel choses, mais si je Varia 217

ne te les dis pas à toi, je crèverai »17 [Dimov, 2003:112]. En suivant une idée de Dostoïevski18, pour Dimov l’éternité est pareille à une salle de bain des paysans. L’éternité en soi est une globalité qui ne comprend pas l’être humain, qui lui donne seulement la nostalgie de l’absolu, le désir de rêver. Pour lui, l’éternité manque des qualités supérieures, c’est un taudis pour lequel il ne vaut pas la peine de gâcher son existence. L’enjeu de l’art onirique est de renoncer à jongler avec les grandes théories philosophiques, en se retournant dans l’espace familier de l’existence.

La femme muse

Il est évident dans les textes analysés que l’image de la femme se constitue par rapport à la création et à la sensibilité poétique de Leonid Dimov. « Et je ne veux pas te faire découvrir dans des mots malins les secrets que je garde dans mon âme, mais je me console si je pouvais une fois appuyer auprès de ton sein ma tête tourmentée par des rêves étranges et te dire toute la douleur de ces rêves que tu connais, peut- être, mais tu ne les as jamais clarifiés, j’en suis certain. » 19 [Dimov, 2003:118]. Le besoin de confession ressort de la confiance dans la femme aimé, de la certitude qu’elle pourra partager les idées et les sentiments. Toutefois, on observe une incompatibilité entre la pensée de la femme et les mots du poète. Elle ne connaitra jamais les secrets du jeune homme, car elle est sa muse et son idéal : « Lucia, tu te plaindras une fois que tu ne m’as inspiré aucune poésie. Une chose fausse que je démentis maintenant. Je te dédierai, chaque jour, une sur un cycle de 12 poésie intitulées suggestif ? – Des heures passées »20 [Dimov, 2003:113]. Ses traits son décelables seulement par l’attitude du moi épistolaire. Il essaie de retracer les détails d’une femme que son amour rend idéale. Il s’agit d’une lucidité qui frappe en même temps avec le sentiment. « La conscience claire et le cœur purifié par la douleur, je ne me gêne pas à te dire que tu es apparue, de la première vue profonde, comme un symbole de l’existence et comme un sens de la mort » 21 [Dimov, 2003:116]. Les images du romantisme précèdent les images oniriques telles que définies par Tsepeneag car « les images poétiques (il n’est pas important si elles apparaissent en vers ou en prose), les images imaginées ou rêvées sont pour les romantiques plus réelles que les images réelles »22 [Dimov, 218 Communication interculturelle et littérature

Tsepeneag, 2003:74]. Mais l’onirisme qu’il théorise est « esthétique, catégorie dans laquelle le rêve n’est pas plus un moyen artistique de moraliser, ou une source de révélations métaphysiques ou une méthode scientifique de défoulement par art; mais un critère, un terme limite de comparaison ou, comme dirait Dimov, une suggestion de législation pour un art indépendant mais analogue à la réalité. » [Dimov, Tsepeneag, 2003:117]. Donc l’onirique esthétique propose comme manière de création un art indépendant mais qui soit une autre réalité. Le plus important c’est que le rêve est une „construction logique”23 et non pas un hasard, parce qu’elle se réalise en s’appuyant sur des lois crées par l’artiste-même. Pour justifier cette manière de création et le choix du rêve comme critère essentiel, le critique roumain Laurentiu Ulici affirmait que « le moi artistique trouve la matière dans un moi empirique du rêve ».24 [Dimov, Tsepeneag, 2003 :120]. L’image onirique détermine une autoanalyse consciente de l’illimité de l’espace et du temps et des plusieurs libertés offertes par le monde du rêve. Donc, la liaison qu’on peut établir entre l’onirisme roumain et le romantisme et le surréalisme européen peut être analysée de la perspective du rêve comme liant entre les trois, mais aussi de celle de la manière dont le réel est structuré et aussi du critère qu’elle représente, le modèle : « Nous ne rêvions pas, nous produisions des rêves ». Mais comme pour Starobinski, « l’image s’impose d’une sorte de spontanéité, d’autonomie, éclairé d’une lumière qu’on ne peut pas refuser »25. [Starobinski 2004 : 34]. Dans une autre lettre il écrit : « J’ai peur que nous ne puissions pas arriver dans les territoires que nous avons revé.26 » [Dimov, 2003:197] Pour les oniriques « au debout il y avait le rêve » comme avouait Dimov. Pour eux, le rêve est le modèle législatif de l’organisation des images. Le rêve, même s’il n’aide pas à la découverte des sens fondamentaux, il ajoute aux faits réels de la magie et de l’intercommunication. La création onirique suppose une mise-en scène, une manière d’essentialiser les images. La structuration des images obtenues de l’inconscient et de la réalité est faite d’après le modèle du rêve. De même que Amphion, Leonid Dimov est hanté par l’obsession de construire de « bois, des papiers, des teintures », dans un espace comprimé « ma chambre c’est un œuf profond » (Au bord du Styx). Les composants du rêve des oniriques esthétiques représentent un amalgame d’éléments : le mélange du rêve romantique, la fascination Varia 219

pour créer une nouvelle réalité, la structure empruntée de Valéry et la simultanéité d’André Breton, le texte s’écrivant au fur et à mesure qu’on le lit. Par le rêve, le monde se transforme brusquement, sous nos yeux s’intériorise, il devient un rêve. Et ce rêve exclut les divisions imposés par l’extérieur, car l’individuel ne (sic) se trouve pas dans la structure de masque du moi empirique, mais sans masque, essentiel. Le désir des oniristes a été de faire une poésie qui résolve la crise du langage. C’est pour cela qu’ils ont tenté de définir une image onirique qui se forme à partir de la réalité, mais qui n’utilise que les objets de la réalité parce qu’ils (sic) sont transposés au monde du rêve. Le moi épistolaire onirique cherche « dans le rêve la structure et le mécanisme pour les transférer analogiquement dans la poésie, en utilisant le matériel des images offert par la réalité. »27 [Tsepeneag, 1970 :10]. De même que la poésie, l’écriture épistolaire est étroitement liée au rêve et, à un moment donné, au délire grâce auxquels elle échappe à la métaphysique car la vérité onirique et trop lié au secret de chaque individu pour pouvoir le réduire à quelques catégories ou lois28. L’image onirique telle qu’elle est conçue par le groupe oniriste ne ressemble guère à la réalité quotidienne même si elle en emprunte ses objets. « Le rêve nous fournit donc les images et les lois qui les structurent. On ne peut pas utiliser seulement le matériel des images en ignorant la structure; et cela pour un (sic) vague espoir d’authenticité »29. Et dans le texte épistolaire, l’authenticité se retrouve dans les sentiments : « Entre nos âmes se trouve la haie des frustrations et de la doute, que je ne doute que le temps le rendra pourrir, si quelque tempête ne l’abattra pas au sol »30 [Dimov, 2003:119].

La femme peinture

De même que sa poésie, l’écriture épistolaire de Leonid Dimov parle sur la force visuelle des mots en suivant les lois oniriques. Dans une interview Dimov affirmait : « Je me suis toujours considéré un peintre raté. En tant que poète, j’ai parfois écrit en suivant des peintures »31, en mettant son création sous le signe de la picturalité. On analysera les points de convergence à la peinture surréaliste et les poésies-peintures crées par Dimov. Les oniriques appréciaient la peinture surréaliste parce que, au delà des images qu’elle crée, elle 220 Communication interculturelle et littérature

garde le plus important élément: la structure. La formule de Horace « Ut pictura poesis ! » est adoptée par le groupe onirique, qui reconnait en elle, l’individualité. Tsepeneag se demandait: « Où est le dictée automate chez Magritte, chez Chirico ? Même Dali, qui misait le plus sur l’in congruence, il est obligé de choisir, de décider plastiquement. Qu’il organise l’espace de la peinture d’après les lois combinés du rêve et de la peinture. » 32 [Dimov, Tsepeneag, 2003:322]. Les oniriques promouvaient la structure, le côté esthétique de l’acte de création. Voici un fragment d’une lettre en vers qui se forme sur le principe de la vision esthétique :

Et je me suis donné à un autre être.Aux cheveux châtains, pas gris. Aux yeux marron, pas gris. Au nez retrousse pas droit. Au corps harmonique et maigre Aux cuisses voluptueuses et sveltes d’un coup Et cet être avait l’âme bâtis ainsi: Tourmenté pas des nostalgies cachés. Souhaitant de l’amour vierge et saint en même temps Penché vers les plus sales liaisons d’amour Bâtisseur de beaux rêves et chers en même temps Vivant des réalités hideuses et salées de boue Fier du pouvoir de tes charmes et, en même temps, Humble devant les demandes cruelles du sang. Tourmenté par le mal qu’il fait aux autres, et en même temps Goutant avec un plaisir dégoutant de percer avec un couteau dans des blessures ouvertes toujours.33 [Dimov, 2003:122].

Il s’agit d’une série d’antonymies qui renvoient à la structure duale du moi épistolaire, mais qui trouve son correspondant dans la dualité de l’être aimée. Lucia, elle aussi, n’est qu’un mélange de bien et mal, de lumière et boue. En bâtissant un monde de rêves, il crée une réalité propre, mais qui contient les signes de cette réalité primaire. Mais qu’est-ce le monde ? Heidegger voyait le monde qui « n’est pas un simple assemblage des choses données, dénombrables et non dénombrables, connues et inconnues. Un monde, ce n’est plus un cadre figuré qu’on ajoutera à la somme des étant donnés. Un monde s’ordonne en monde (die Welt weltet), il est davantage que le palpable et le préhensible où nous nous croyons chez nous. Un monde n’est jamais un objet qui se tient là devant nous, mais le toujours inobjectif auquel nous sommes assujettis, aussi longtemps que les voies de la Varia 221

naissance et de la mort, de la grâce et de la malédiction nous maintiennent dans l’éclaircie de l’être »34 [Heidegger, 1962 :34]. On peut observer la déception du jeune homme devant la froideur de l’amante : « Au lieu de trouver un esprit qui voie la profondeur de mon amour, j’ai trouvé un sorte de mécanisme d’horloge qui qualifie cet amour comme un jeu d’enfants folâtres. »35 [Dimov, 2003:123]. La profondeur des sentiments de l’homme se heurte à la matérialité de la pensée de la femme. Elle ressemble au mécanisme inéluctable d’un horloge qui éloigne toute composante ludique : « le respect pour la grande et éternelle féminité qui se trouve dans votre esprit Lucia, et que seulement moi j’ai su découvrir et aimer, et que seulement moi je le verrai soi s’il était en rêve, que j’aimerai pour toujours, pour cette grande et éternelle féminité, je t’ai fait découvrir tous les secrets et je t’ai promis que je viendrais tel un Mésie – ne ris pas – pour t’en sortir du bourbier ou tu tomberas soit tu deviendras le jouet du gout pervertit de quelques aristocrates, soit tu deviendras la cuisinière, l’amante, la mère des enfants d’un bourgeois ventru et malodorant »36 [Dimov, 2003:124]. L’âme d’un jeune homme énamouré devient une sorte d’instrument de vengeance envers les possibles touches avec le monde immonde. Les visions renvoient à un possible chute de la pureté féminine dans la saleté d’une vie près de la matérialité. La réponse est dure et très sincère : « tu me parles d’une sainte vierge, qui m’aimerait secrètement, mais tu sais très bien que je suis trop compliqué pour être aimé par une telle imbécile Margarèthe. »37 [Dimov, 2003:125]. Il s’agit bien sûr de la référence à l’œuvre de Goethe, Faust; toujours comme symbole de l’amour qui puisse sauver l’âme humain. Dans la vision de Dimov, l’amour implique les etres qui ont la même structure spirituelle « compliquée ».

La femme promesse

Dans cette dernière partie de notre essai il s’agit de découvrir une représentation de la femme complète qui contient aussi le mal et le bien, la délicatesse et le pouvoir. L’amour est complet au moment ou l’amour le rend meilleur : « j’ai trop d’humain de ton âme dans mon âme. J’ai trop de beauté de ton corps dans mon sang »38 [Dimov, 2003:125]. Cet amalgame du concret et de l’abstract, du sentiment et de la chair, de l’amour du corps et de l’âme de la femme sont les coordonnées de l’ensemble de l’écriture épistolaire. L’abondance des 222 Communication interculturelle et littérature

images oniriques est constituée autour des noyaux qui comprennent des mondes qui s’entremêlent soigneusement et où les limites des objets s’effacent. On identifie des fragments, les espaces deviennent cohérentes, les surfaces évoluent de l’horizontalité vers la verticalité : « A quel point je voudrai te faire du mal. Te défaire dans des pièces et ensuite te récréer encore une fois »39 [Dimov, 2003:128]. Si le poète onirique défait le monde pour le reconstruire ensuite d’après sa propre volonté, le moi épistolaire défait la femme dans un processus ludique pour la créer encore une foi pour soi même. Cette force de création, représentation presque démiurgique devient parfois délicate : « J’aimerais t’écrire quelque chose de chétif et délicat comme une danse indien ou comme le sourire d’un idiot qui se trouve devant un homme qui l’accable »40 [Dimov, 2003:148]. Cette supériorité de l’amour envers la rationalité réalise un discours fin, chargé du sentimentalise d’un jeune homme qui vit le premier amour d’une forte intensité. Mais la structure du horizon dimovien s’ordonne sur une perception de l’espace, la conscience intime d’un temps, l’autre que celui réel et l’intersubjectivité. La dynamique change : de l’extérieur, brusquement on passe vers l’intérieur, le moi épistolaire se trouvant dans un espace en miniature qui constitue l’essence des choses. Pour lui, le symbolisme ascensionne est perdu et il reste seulement l’image du vol, le sentiment du diaphane dans ce qu’on peut nommer, en utilisant un terme de E. Fink, « dé-présentation »41 [Fink, 1976:38], le temps réel étant éliminé et à sa place restant une forme qui comprenne toutes les situations possibles : « Le monde? Un gribouillage de dada. Moi? Peu que toi. Toi? Je ne peut pas te définir en mots. Il est très difficile pour moi de te réduire aux confins de la pensée. Tu es en entière image. Et moi; je ne suis pas habitué à parler par images. Si au moins je pourrais peindre! Mais tout n’est qu’une faible espoir. La peinture, à elles aussi lui manquent beaucoup de choses, comme par exemple le mouvement »42 [Dimov, 2003:246]. Moins créateur des textes épistolaires, à cause de la charge intime de l’écriture, mais Poète, Dimov ne peut que jouer aux choses, aux mots et aux êtres qui sont à sa portée. Tel le bouffon du roi, il essaie de transformer l’angoisse devant l’existence dans un jeu sans fin. Il ne fait pas partie de la catégorie des poètes qui écrivent de la poésie métaphysique, mais il aime jouer pour détourner l’attention, pour se situer dans la réalité onirique et son attitude vers l’amour et l’être aimé devient une sorte de prétexte pour exercer son style. Varia 223

Bibliographie

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Varia 225

Notes

1 Și visul meu alb, îmi dau seama, nu poate sta alături de visele tale multicolore și nețărmurite. și totuși iubirea mea e multicoloră și nețărmurită. Poate voi putea să îți îndeplinesc visurile tale colorate. Poate le vei împlini tu singură.” Leonid Dimov, Scrisori de dragoste (1943- 1954), Iași, Polirom, 2003, p. 222. 2 Leonid Dimov, Scrisori de dragoste (1943-1954), Iași, Polirom, 2003. 3 Leonid Dimov, Dumitru Țepeneag, Onirismul estetic, București, Editura Curtea Veche, 2007, p. 314. 4 „Şi apoi eu nu fac niciun rol în viaţa socială. Nu ţi-aş putea făuri o situaţie demnă de iubirea ce o am pentru tine.” 5 „Sunt prea sărac pentru tine. Si sunt foarte nefericit că acest lucru a fost observat de toți. Mi-ai spus că ai tăi mă consideră ca pe un coate-goale, nevrednic de a se ridica până la tine. Mi-ai spus că tu însăți n-ai ce prețui la mine, de vreme ce nici măcar un metru de stofă nu sunt în stare să îți cumpăr” Leonid Dimov, op. cit., p. 203 6 „Mi-era dragă iubirea noastră și am ucis-o fără milă. Tu ai sugrumat-o cu frânghia umedă a aurului și eu i-am vârât până în prăsele pumnalul de oțel al voluptății.” Leonid Dimov, op. cit., p. 207. 7 „La un ultim punct trebuie să îți mărturisesc că m-a mâhnit tare credința ta că rândurile ce mi le-ai scris ar putea fi prilej de ironie pentru mine.” Leonid Dimov, op. cit., p.119. 8 „Și e nespus de dureros pentru mine să știu că nu pot să te abat cu nimic din drumul tău noroios și fără țintă. Pentru că ești burgheză Lucia”....„Stăruie în natura ta un iz de delicatețe, de naivitate, de nemărginită noblețe. Uneori acest parfum aristocratic emană din tine. De cele mai multe ori însă este înăbușit de mirosul puternic de pământ desțelenit al burgheziei din tine” Leonid Dimov, op. cit., p.226. 9 Leonid Dimov, Dumitru Tsepeneag, op. cit., p. 316. 10 „Și în mijlocul lor, icoana chipului tău surâdea sprințar, ca o chemare. Am întins brațele și am mers înainte. Dar fugeai de mine, chemându-mă cu gesturi furișe. Te-am urmat fără răgaz, picioarele tale albe suiam trepte trandafirii pe care le loveau sfios, pașii mei întârziați.” Leonid Dimov, op. cit., p.108. 11 „În mijloc, mohorât, strălucind când arămiu, când roșu, un clopot mare stătea gata să râdă.(...) Zgomote înăbușite de abia ajung până la mine, câinii latră a jale și nu știu cum am îndrăznit să îți spun că nu te mai iubesc când simt că te iubesc mai tare ca oricând.” Leonid Dimov, op. cit., p.109. 12 „Și asemeni tuturor acestor imagini, de mult se zămislea în colțul gurii voastre un surâs. Și ca surâsul acela nimic nu mi se părea mai tainic. Și ca 226 Communication interculturelle et littérature

surâsul acela, nimic nu mi se părea mai frumos. și chiar după ce murea pe fața voastră, el tot mai stăruia în mintea mea, ca un crin pictat pe vitralii albastre, ca un colț de rai, în noianuri de tundră Leonid Dimov, op. cit., p. 110. 13 Leonid Dimov, Dumitru Tsepeneag, op. cit., p.120. 14 „Lucia, încă mi-e drag să îți rostesc numele. Dar numele nu mai e al tău. E numai numele unei fantome care nu trăiește decât în vis. și visurile sunt atât de stranii, și lumea lor e atât de multicoloră că parcă îmi pare bine ca am ajuns să te iubesc uneori în vis” Leonid Dimov, op. cit., p.207. 15 Leonid Dimov, Dumitru Tsepeneag, op. cit., p.221. 16 Leonid Dimov, Dumitru Tsepeneag, op. cit., p.128. 17 „Mi-ai spus odată că eu nu pot fi rus, deoarece nu iubesc ca un rus.(...) Mi-e greu să-ți scriu asemenea lucruri, dar dacă ție nu ți le-oi spune, aș plezni, fără îndoială.” Leonid Dimov, op. cit., p112. 18 „Et si l’éternité n’est qu’un taudis quelconque, un seul, une sorte de bain des paysans, enfumé, avec des toiles d'araignée dans les coins de la maison?” 19 „Și nu vreau să-ți dezvălui în cuvinte meșteșugite tainele ce le port în suflet, ci mă mângâi că voi putea odată să-mi razim de sânul tău capul chinuit de vise ciudate și să-ți spun toată durerea acestor vise pe care și tu le cunoști poate, dar nu le-ai lămurit sunt sigur, niciodată.” Leonid Dimov, op. cit., p.118. 20 „Lucia, te plângeai odată că nu mi-ai inspirat nicio poezie. Lucru neadevărat și pe care îl dezmint acum. Îți voi încredința, în fiecare zi, câte una dintr-un ciclu de 12 poezii intitulat sugestiv? – Ore trecute” Leonid Dimov, op. cit., p.113. 21 „Cu conștiința limpede și cu inima purificată prin durere, nu mă sfiesc să îți spun că tu mi-ai apărut, de la cea dintâi privire adâncită, ca un simbol de existență și ca un sens al morții.” Leonid Dimov, op. cit., p.116. 22 Leonid Dimov, Dumitru Tsepeneag, op. cit., p.74. 23 Leonid Dimov, Dumitru Tsepeneag, op. cit., p.117. 24 Leonid Dimov, Dumitru Tsepeneag, op. cit., p. 120. 25 Jean Starobinski, Portrait de l’artiste en saltimbanque, Paris, Gallimard, 2004, p.34. 26 „Ti-e teamă că nu vom putea ajunge în ținuturile pe care le-am visat.” Leonid Dimov, op. cit., p.197. 27 Préface de Dumitru Tsepeneag pour la traduction de Albert Beguin, L’âme romantique et le rêve, Bucureşti, Editura Univers, 1970, p.10. 28 Leonid Dimov, Dumitru Tsepeneag, op. cit., p.15. 29 Leonid Dimov, Dumitru Tsepeneag, op.cit., pp.267-268. 30 „între sufletele noastre stă zăplazul neîmplinirilor și al îndoielii, pe care nu mă îndoiesc că timpul îl va face să putrezească, dacă vreo furtună nu-l va dărâma cumva la pământ.” Leonid Dimov, op. cit., p. 119. Varia 227

31 Leonid Dimov, Dumitru Tsepeneag, op. cit., p. 307. 32 Leonid Dimov, Dumitru Tsepeneag, op. cit., p. 322. 33 „Și m-am dăruit altei ființe. Cu părul castaniu nu gri. Cu ochii căprui nu gri. Cu nasul cârn nu drept. Cu trup armonic și înalt totodată. Cu șolduri voluptoase și zvelte totodată. Iar această ființă avea sufletul făurit astfel: Chinuit de doruri ascunse. Doritor de iubire curată și sfântă, în același timp Înclinat spre cele mai murdare legături de dragoste. Fărurar de vise frumoase și dragi, și în același timp Trăitor de realități hidoase și pătate de noroi. Mândru de puterea farmecelor tale, și în același timp Umil în fața vrerilor neînduplecate ale sângelui. Chinuit de răul pe care îl face altora, și în același timp Gustând cu o plăcere scârnavă în a scormoni cu cuțitul în răni încă deschise.” Leonid Dimov, op. cit., p.122. 34 Martin Heidegger, Chemins qui ne mènent nulle part, Paris, Gallimard, 1962, p.34. 35 „În loc să găsesc o minte care să vadă adâncimea iubirii mele, am găsit un fel de mașină de ceasornic ce califică această iubire drept un joc de copii nebunatici.” Leonid Dimov, op. cit., p.123. 36 „respect pentru marele și eternul feminin care zace în Domnia-ta Lucia, și pe care numai eu am știut să îl văd și să-l iubesc, și pe care numai eu îl voi vedea fie și numai în vis, și-l voi iubi întotdeauna, pentru acest mare și etern femini eu ți-am dezvăluit toate secretele și ți-am promis că voi veni asemeni unui Mesia – nu râde – pentru a te scoate din mocirla în care fără doar și poate ai să cazi fie că vei ajunge jucăria gustului pervertit al vreunor aristocrați, fie că vei ajunge bucătăreasa, concubina, mama copiilor vreunui burghez pântecos și împuțit” Leonid Dimov, op. cit., p.124. 37 „Imi vorbești de o fecioară sfântă, care m-ar iubi în taină, dar știi prea bine că sunt prea complicat pentru a fi iubit de o asemenea imbecilă Margaretă” Leonid Dimov, op. cit., p.125. 38 „prea mi-a intrat în suflet omenescul din sufletul tău. Prea mi-a intrat în sânge frumusețea trupului tău.” Leonid Dimov, op. cit., p.125. 39 „ce mult aș vrea să-ți pot face rău. Să te desfac în bucățele și apoi să te creez din nou.” Leonid Dimov, op. cit., p.128. 228 Communication interculturelle et littérature

40 „Aș vrea să îți scriu ceva firav și delicat ca un dans indian sau ca surâsul unui idiot când se află în fața unui om care-l copleșește.” Leonid Dimov, op. cit., p.148. 41 Eugen Fink, De la phénoménologie, Paris, Edition de Minuit, 1976, p.38. 42 „Lumea? Mâzgâleală de dadaist. Eu? Ceva mai puțin decât tine. Tu? Încă nu te pot cuprinde în cuvinte. Mi-e nespus de greu să te reduc la hotarele gândului. Tu ești în întregime imagine. Și eu nu sunt obișnuit să vorbesc în imagini. Dacă aș putea picta! Dar totul nu e decât o sarbădă nădejde. Pictura este și ea lipsită de multe, ca de pildă mișcarea.” Leonid Dimov, op. cit., p.246.

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Un jurnal pieziş al tranziţiei culturale – Dan C. Mihăilescu, Ce mi se-ntâmplă

Simona Antofi

Résumé : Le journal oblique de Dan C. Mihăilescu ne respecte pas les pseudo-règles du diarisme – à l’exception, peut-être, de la loi de la calendarité – et se situe, dès le début, à rebours par rapport aux motivations, aux stratégies et à l’enjeu du journal en tant qu’option délibérément confessionnelle. En réunissant dans son volume une partie – celle qui en met en évidence la subjectivité – des textes publiés sous le titre Ce qui m’arrive, le critique rédige son autoportrait avec la désinvolture de l’homme de culture qui se sent à l’aise dans l’espace des arts, sans perdre de vue, quand même, la dimension grave du parcours de la dictature à la démocratie. Mots-clés : journal, je diariste, périple culturel, paséisme, conservatisme.

1. Introducere

Primit cu entuziasm de către publicul cititor, dar cu moderaţie, de către critica de întâmpinare – foarte puţine semnalări ale volumului intitulat Jurnal pieziş – exerciţiul pseudo-diaristic al lui Dan C. Mihăilescu merită, în opinia noastră, atenţie. Aşa crede şi Simona Sora care, într-un articol care surprinde atât particularităţile de scriitură ale diaristului, cât şi plăcerea de a fi el însuşi, arată că „Dan C. Mihăilescu este, într-adevăr, un atlet al conjuncţiei, indiferent în cîte disjuncţii de tranziţie s-a trezit de-a lungul timpului. El e dilematicul prin excelenţă (mai mult ca unii dintre noi), unul asumat, organic şi vital. Cînd secţionează, el şi coagulează (cu bisturiul electric), iar cînd ne arată fisura (prezentului), el nu se poate abţine să n-o lipească (înalt-paseist) sub ochii noştri” [Sora, 2012].

2. Poetica jurnalului pieziş

Cunoscut iubitorilor de cultură drept omul care aduce cartea, Dan C. Mihăilescu publică la Humanitas, în 2013, acest jurnal pieziş – 230 Communication interculturelle et littérature

atipic, botezat după rubrica începută în aprilie 2010 în revista Dilema veche, şi abandonată în iunie 2012. Jurnalul – în răspăr cu mai toate pseudoregulile scriiturii diaristice, aşa cum le identifică, defineşte şi exemplifică Eugen Simion în Ficţiunea jurnalului intim [Simion, 2005], păstrează o oarecare cronologie susţinută atât de curgerea timpului, cât mai ales de o anumită orientare şi dispunere tematică menită să instituie câteva linii de forţă ale scriiturii şi, în egală măsură, jaloane ale personalităţii literatului şi diaristului. Istoricul facerii editoriale a Jurnalului pieziş – atipic şi din acest punct de vedere, este prezentat la final, într-un Epilog în care, ca într-o căutată mise en abyme, se reflectă intenţia pseudo-auctorială – căci ea aparţine, de fapt, editorului: „mintea mea nu se dusese mai departe de o retipărire cronologică a tuturor textelor. Un «Jurnal pieziş» i-aş fi zis eu, de vreme ce, glosând în public tot ce ţi s-a întâmplat mai picant cultural de-a lungul unei săptămâni, e ca şi când ţi-ai exhiba retortele diaristice. Numai că, în sagacitatea sa, privirea editorului a secţionat altfel: 44 de texte acum – şi anume cele axate pe subiectivitatea autorului – şi alte 44 (articolele dedicate unor apariţii editoriale) altă dată. Când va suna ceasul următorului volum din bietele mele întâmplări, asta numai bunul Dumnezeu şi mila editorială ar putea-o spune.” [Mihăilescu, 2012: 226]. Forţă centripetă a scriiturii, subiectivitatea autorului face din a fi anapoda un modus vivendi şi o autodefinire insistentă, orgolioasă, fundamental culturală – „eurocentric fascinat de umanitate, antro- pologie şi etnopsihologie, am luat întotdeauna călătoria prin trecut ca un travesti al coborârii în prezent, astfel încât, pentru mine, fiecare trecere dincolo devine o petrecere dincoace.” [Mihăilescu, 2012: 18]. De aici, la sentimentul turistic al existenţei este numai distanţa de la o rubrică la alta. Căci, în tandem cu Măgura Vâlcii, Valea Cerbului şi Munţii Făgăraş, frumuseţea istorică vie a Florenţei ridică sincretismul cultural la rang de descoperire tardivă, însă cu atât mai densă în emoţii, a „tulburătorului firesc al mariajului dintre vârstele lui Cezar, Nero, Traian şi Giuseppe Armani. Dintre medievalitate şi Fellini, Renaştere şi Gucci, ghelfi, ghibelini şi Franco Zeffirelli.” [Mihăilescu, 2012: 21]. Însă revenirea la matca sud-est europeană se face repede, tangajul cultural remodelând benefic fiecare dintre cele două laturi – orientală şi occidentală – ale periplului acestui împătimit al frumuseţii create de mâna omului. Aşa încât pledoaria pentru un album cu Sinaia culturală se transformă într-o excursie afectivă şi o lectură culturală ad usum Varia 231

delphini din care spicuim: „Unde este casa lui Iorga, cu brazii seculari, de unde l-au răpit legionarii? Unde au stat mareşalul Antonescu, Argetoianu, Gafencu, Gigurtu, Zarifopol, C. Angelescu, Djuvara, Delavrancea, Cămărăşescu, Eugen Cristescu, Miron Cristea, Ghiculeştii, Cantacuzinii şi alte zeci, sute de nume (familii) de acelaşi calibru?.” [Mihăilescu, 2012: 33]. Şi, ca o firească profesiune de credinţă, criticul reface modelul lui Nicolae Manolescu din (pseudo)memoriile intitulate, simplu, Cititul şi scrisul, pentru a-şi prezenta modul de viaţă, spaţiile culturale prin care circulă, obiectele dragi, exerciţiul mental al fantazării şi toată frumuseţea meseriei de consumator avizat de cultură – „Trăiesc de-o viaţă din citit şi scris. Din biblioteci, arhive prăfoase, excerpte, manuscrise, dactilograme, şpalturi, corecturi, dedicaţii. Din cronici, recenzii, studii şi eseuri, ca şi din lene contemplativă, rumegare de idei, boiereasca (inevitabila) ardere a gazului şi fantazare cât cuprinde.” [Mihăilescu, 2012: 35]. Aşa se face că un periplu fascinant prin casele literare din Bucureşti – „În blocul scriitorilor de pe Apolodor, bine reprezentat aici, am călcat cândva, cu spaimă muzeală, în sufrageria lui Eugen Simion, altă dată, fără să vreau, în holul Mariei Luiza Cristescu dar şi cu niscai daraveri domestice la Laurenţiu Ulici.” [Mihăilescu, 2012: 49] – este completat de un portret al poetului Adrian Păunescu, alcătuit din lumini şi umbre, pus sub semnul machiavelismului cultural şi care, sub presiunea modelului est-etic, impus de Monica Povinescu, lasă în urmă tocmai imponderabilul poetic. Pe de altă parte, paseistul, conservatorul Dan C. Mihăilescu – aşa cum singur se intitulează cu nemascată mândrie, încearcă reabilitarea firească a unor concepte nedreptăţite ce converg, toate, spre o chestiune de identitate culturală a românilor – „Folosit peiorativ, dispreţuitor şi acuzator, termenul «paseist» s-a încărcat aproape demonic de prejudecăţi (stângist) ideologizante tot aşa cum noţiunea de dreapta a căpătat irepresibile valenţe extremiste, echivalată fiind (mai întâi deliberat, sistematic, iar apoi instinctiv) cu nazismul şi gardismul, de parcă între Marghiloman şi Himmler n-ar fi decât un gard de nuiele.” [Mihăilescu, 2012: 72]. De altfel, jurnalul pieziş propune, oarecum în consonanţă cu connceptul instituit de Cornel Ungureanu, o geografie culturală vivantă, care există de multă vreme şi care aşteaptă să fie descoperită şi în care se reunesc, drept urmare a unui periplu (aparent) postmodern, dacă nu cumva programat întocmai prin arhitectura însăşi 232 Communication interculturelle et littérature

a jurnalului pieziş, zone culturale importante şi cu valoare de exemplaritate identitară pentru spaţiul românesc. În siajul acestei observaţii se înscrie şi pledoaria pentru disponibilitatea dialogală triplu orientată – spre şcoală, cultură şi media – evitându-se, în acest mod, scenariul distopic în care „scriitorii se vor considera pe mai departe nedoriţi şi, deci, inutili, profesorii se vor inhiba de tot mai multe complexe faţă de lumea artistică, elevii o să creadă că (aşa cum, de altfel, am şi auzit) nu mai există scriitori români în viaţă iar gazetăria culturală va ajungă să dispreţuiască de-a binelea ambele «tabere».” [Mihăilescu, 2012: 103]. Percepţia alterităţii este întotdeauna, la Dan C. Mihăilescu, plină de culoare: Florenţei îi stau alături Rembrandt şi Vermeer, dar mai ales bicicletele din Amsterdam. Sau, altădată, plină de nevoită resemnare – „Am văzut bine mersi că există şi Dincolo meschinărie şi xenofobie, pungăşie, cinism, făţărnicie, clientelism, corupţie şi mafiotism, ne-am simţit trataţi ca slugile, deşi plăteam aceleşi preţuri cu localnicii, pe scurt, ne-am înţeles mai bine deopotrivă atuurile şi carenţele.” [Mihăilescu, 2012: 121]. Ca un corolar al tuturor acestora, criticul propune nici mai mult nici mai puţin decât, în vechea tradiţie a enciclopedismului cultural românesc, elaborarea şi tipărirea unor sinteze care să instruiască generaţiile tinere asupra contactului avizat cu obiectul cultural – „Cine şi când îşi va aronda responsabilitatea unei colecţii editoriale care să le facă tinerilor educaţia judecăţii estetice a unui tablou, a unei sculpturi, a unei expoziţii, a unei cărţi, a unei piese de teatru, a unui concert?” [Mihăilescu, 2012: 171] Sau – de ce nu – să se pună la cale antologii precum: cele mai frumoase epistole ale scriitorilor români, Bucureştii în literatură şi evocări, cele mai tari fragmente din literatura noastră de călătorie etc. Şi pentru că tot despre cultură este vorba atunci când, de la Pseudokinegetikos încoace, se vorbeşte despre arta vânătorii sau despre câinii de vânătoare, câteva Amintiri cu blană, vânătoare şi somn alunecă, pe valurile memoriei, de la pointerul Pick la setteriţa Dolly şi, de aici, la motanii Faifuţică, Mişu ori Marcu, membri cu drepturi egale ai familiei. Nu lipsesc, pentru ca tabloul cultural să fie complet, reveriile culinare reunite într-un text despre educaţia gastronomică, „soră bună cu educaţia estetică, fizică, istorică, religioasă, financiară, vestimentară, igienică, ş.a. (...)” [Mihăilescu, 2012: 210].

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3. Concluzie

În cele din urmă, promiţând solemn că va reveni, eruditul excursionist cultural îşi mai justifică o dată demersul – „sortită prin definiţie efemerului, atunci când vizează principii şi fapte perene, ori când depăşeşte interesul obiectiv de moment, ajungând spectacol de personalitate, gazetăria merită scoasă din pivniţă şi urcată în bibliotecă.” [Mihăilescu, 2012: 225]. Ceea ce redeschide calea dialogului fructuos dintre instantaneitatea (aparentă) a scrisului gazetăresc şi longevitatea valorii culturale. Căci „totul există pentru a deveni carte. Aboutir à un livre, cum spune poetul.” [Mihăilescu, 2002: 210].

Bibliografie

Mihăilescu, Dan C., Interviu Mihai Măniuţiu - Regia este o meserie în care trebuie să îmbătrîneşti ca să fii, disponibil la adresa http://agenda.liter net.ro/articol/5196/Dan-C-Mihailescu/Interviu-Mihai-Maniutiu-Regia-est e-o-meserie-in-care-trebuie-sa-imbatrinesti-ca-sa-fii.html - accesat la data de 10.08.2013. Mihăilescu, Dan C., Ce mi se-ntâmplă. Jurnal pieziş, Ed. Humanitas, 2012 Simion, Eugen, Ficţiunea jurnalului intim, vol. I-III, Ed. Univers Enciclopedic, 2005. Sora, Simona, „Un atlet al conjuncţiei”, în Dilema Veche, nr. 458 / 22-28, noiembrie 2012, disponibil la adresa http://www.romaniaculturala.ro/ articol.php?cod=19458 - accesat la data de 10.08.2013.

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Mărturisiri ad-hoc şi ireverenţiozităţi literare – interviurile lui Ştefan Agopian

Laurenţiu Ichim

Abstract: When read from the perspective of self-confessions, the interviews given by Stefan Agopian, who is a writer difficult to fit within one literary trend, generation or affiliation, reflect some poetics-related components and creative techniques, the relationship to literary criticism, the issue of printing and reprinting, the aesthetic pattern, that of the writer’s survival under dictatorship, the relevance of ethics in relationship to aesthetics, the functionality of the generational criterion in literature, as well as possible interpretative grids met in his novels. This paper advances, therefore, an analysis towards both writing in itself and the novelist’s equally human and scriptural profile. Keywords: poetics, creative process, aesthetic pattern, literary criticism.

Aşa după cum îi place să scrie, deşi recu- noaşte că are gestaţia grea, lui Ştefan Agopian îi place să vorbească, în interviuri, despre câteva teme predilecte care se pot oricând recon- figura ca istorie – şi istorisire în stil degajat, inimitabil – a devenirii scriiturii ca marcă distinctivă şi concretizare a spaţiilor creatoare fundamentale ale acestui autor mereu altfel şi totuşi neschimbat. Cea dintâi chestiune pe care o abordează mai toate interviurile analizate aici este relaţia scriiturii lui Agopian cu discursul critic, comentată de romancierul însuşi. Sunt unele istorii literare, de pildă, şi unii critici care fie că îl ignoră cu desăvârşire, fie nu cred în talentul şi în vocaţia sa literară, fie îşi reeditează articole de tip critică de întâmpinare, evitând relectura sistematică a cărţilor. I-am numit, desigur, parafrazând observaţiile romancierului, pe Alex. Ştefănescu, Eugen Simion şi Nicolae Manolescu. Aparent demn şi neutru, scriitorul orgolios sancţionează deschis absenţa lui din Istoria literaturii române contemporane.1 Răfuiala pare a fi cuvântul de ordine: „Nu sufăr. Nu numai eu nu sunt inclus, lipsesc câţiva mari scriitori. E opţiunea lui Alex. Ştefănescu, n-am de ce să sufăr. Mă întreb dacă a făcut-o pentru că ani de zile îl mai luam peste Varia 235

picior în «Academia Caţavencu» sau, pur şi simplu, nu i-au plăcut cărţile mele? Alex. Ştefănescu a spus, însă, ceva care m-a enervat cumplit. Îi promit că îl aştept să-l prind o dată la cotitură. El a declarat la TVR 1, la ştiri, că nu l-a inclus pe Ştefan Agopian pentru că este un incult care îşi acoperă incultura cu stil. Această afirmaţie este o neconcordanţă în termeni: stilul este cultura pe care o ai.”2 Deloc indiferent la reacţiile criticii, recunoscător celor care au identificat nota distinctivă a scriiturii sale, şi numărându-şi cronicile favorabile sau nefavorabile, sub masca retorică a indiferenţei, Agopian este, în realitate, foarte atent la suişurile şi coborâşurile discursului critic, face inventarul cantitativ şi calitativ al observaţiilor care i se aduc, înregistrează cu abia ascunsă satisfacţie elogiile, crede, cu alte cuvinte, în vocaţia sa de scriitor. Şi pe bună dreptate „La prima carte, Eugen Simion a zis că n-am talent, să mă las. În total, la Ziua mâniei, am avut 3-4 cronici. Dar cu Tache de catifea mi-am scos pârleala. Chiar râdeam cu Mircea Nedelciu, care avusese vreo 30 de cronici la prima carte: « Lasă, mă, că te-ajung eu din urmă, stai să vezi! » Şi-am avut norocul că m-au luat în braţe criticii tineri bănăţeni-ardeleni: Buduca, Ţeposu, Papahagi, Mihăieş … Şi-a contat, că am mers odată cu ei. M-au lăudat şi critici bătrâni, ca Paul Georgescu, apoi Nicolae Manolescu.”3 Tocmai de aceea, monografia publicată de Ruxandra Ivăncescu, – o carte bine gândită şi bine scrisă, de altfel, îi trezeşte rezerve evidente, abia ţinute în frâu de faptul că miza este una măruntă, aproape neglijabilă, crede scriitorul. Jocul retoric funcţionează şi aici, Agopian eludând cu nonşalanţă stilistică sau, dimpotrivă – sincer? – selecţia din textele sale, operată de autorii unor manuale: „N-am nici o pretenţie. E pentru uz şcolar. M-am bucurat că Sandu Muşina m-a pus pe listă. Oricum, nu-mi schimbă destinul monografia aceea. În schimb, a apărut un manual la Paralela 45, e un text din care eu nu înţeleg nimic, ce-or înţelege copiii, nu ştiu. Au ales texte critice atât de obscure ca limbaj că m-am îngrozit.”4 Deloc neglijabilă sau neglijată, relaţia cu critica de întâmpinare îl preocupă intens pe Agopian, atent la istoricul receptării cărţilor sale, neuitând nicio vorbă spusă de vreun critic cu greutate, un autor oricând dispus să relateze romanul propriei scriituri. După un debut aproape fără ecou – dacă nu luăm în calcul punctul de vedere al lui Eugen Simion, net defavorabil: „Eugen Simion, de exemplu, a spus că nu am nici un pic de talent şi ar trebui să mă las de treaba asta.”5, şi cronica elogioasă a lui Eugen Negrici, din revista Ramuri, romanul 236 Communication interculturelle et littérature

Tache de catifea – pentru mulţi o capodoperă – adună elogii. Ca şi Tobit şi, mai apoi, Sara. Articolul laudativ al lui Paul Georgescu, la apariţia romanului Tache de catifea şi, mai înainte, decizia lui Mircea Ciobanu de a publica volumul au reprezentat, în fapt, actul de naştere al romancierului. Sunt oameni care au girat, cu autoritatea numelui lor, adevăratul debut al lui Agopian şi cărora scriitorul le mulţumeşte discret, mereu, aproape fără excepţie, în toate interviurile. Tot aşa cum nu-l uită, asezonându-şi replicile cu ceva ranchiună, pe Eugen Simion. E drept că şi criticul şaizecist fusese categoric, atunci când îi recomandase lui Agopian să se lase de literatură, căci nu are talent. Aşa se face că, rememorând etape ale destinului său de scriitor, Agopian joacă talentat comedia modestiei şi pune pe seama răsunetului primelor trei volume apărute (Ziua mâniei, Tache de catifea şi Tobit), în ecuaţia agitată a receptării critice, succesul Manualului întâmplărilor şi îl sancţionează, la rândul său, dur, pe Eugen Simion. „S-a spus că e o capodoperă în primul rând pentru că mai mulţi critici îmi citiseră celelalte trei cărţi. Manualul venea ca o încununare a tot ceea ce publicasem până atunci şi nu le strica deloc imaginea unui autor care citeşte «normal». Eram deja «copil cuminte», care pe măsură ce se maturiza, le furniza criticilor argumente din ce în ce mai solide pentru aprecierile lor anterioare referitoare la mine. Eugen Simion, care la debut a crezut că nu voi ajunge niciodată scriitor, s-a supărat foarte tare pe mine văzând că am făcut-o până la urmă.”6 Cu aplomb, scriitorul inventariază momentele receptării ultimului volum, Fric, şi comentează opiniile critice evidenţiind caracterul lor contradictoriu sau, ca într-un metacomentariu acid, deşi avizat, relativ la punctul de vedere al lui Marian Popa, utilizează – conştient sau nu – suficiente urme stilistice subversive şi, mai ales, efectele antifrazei ironice, pentru a-şi discredita adversarul. Fire de bătăuş, cum se autodefineşte, Agopian nu poate lăsa nicio poliţă neachitată, recurge la erudiţie, la strategiile retoricii şi la efectele piezişe de sens, ale contradicţiilor anume construite pentru a polemiza inaparent cu un inamic pe care îşi propune să-l anihileze. Despre reacţiile criticii la apariţia romanului Fric Agopian spune următoarele: „A fost primit bine şi nu. Părerile au fost împărţite. Multora nu le-au plăcut povestirile din carte. Daniel Cristea-Enache le-a considerat «de-a dreptul pornografice». O doamnă, soţia directorului revistei Luceafărul, a mers mai departe şi a citit toată cartea ca pe o scriere scatologică. În aceeaşi revistă, cu o săptămână Varia 237

înainte, un tânăr critic, Bogdan-Alexandru Stănescu, nu vedea nimic pornografic în carte. Pentru Dan C. Mihăilescu povestirile sunt «comerţ ieftin» şi nimic altceva. Simona Sora, în schimb, crede că povestirile, cărora le acordă o cronică specială, sunt o încercare de desprindere a autorului de lumea cărţilor anterioare, ceea ce este adevărat. Unii au scris că n-am umor în povestiri, alţii că din contra, am «un simţ al umorului foarte bine dezvoltat» (Catrinel Popa). Până şi Marian Popa, un critic literar stabilit undeva prin Germania, a catadicsit să-mi acorde o pagină într-o carte de interviuri recent apărută. Marian Popa crede că Fric este o crestomaţie scrisă de un paranoic, ceea ce este măgulitor, dacă mă gândesc cum crestomaţie vine de la chrestos – util şi mathein – a învăţa. O «pedagogie» scrisă de un nebun, trebuie să fie măcar o carte interesantă.”7 Demolarea criteriului eronat de receptare aplicat de Cristian Tudor Popescu se face rapid, prin evidenţierea neputinţei de a înţelege a acestuia: „Cristian Tudor Popescu a dat un interviu (v. Orizont, nr. 10, din 15 octombrie a.c.) în care îşi dă cu părerea şi despre ultima mea carte. Zice domnia sa: «Doamne, dacă aşa se face o carte, eu mă las de proză. (...) În mod evident nu e niciun conţinut şi se afişează forma, provocatoare. Tot felul de imagini sexuale, scabroase, obscene, greu suportabile, care nu au nici cea mai mică justificare în economia textului. Ele sunt puse acolo cu simpla dorinţă de a şoca. Dacă eu îi spun că n-are niciun Dumnezeu ce el face acolo, o să-mi spună că sunt pudibond, că sunt învechit, că sunt comunist şi reacţionez cu violenţă la libertatea de expresie … Nu, domnule! Oi fi eu bătrân, dar ce-i acolo e o prostie! Nu se face aşa proza!». Îmi cer scuze pentru citatul, poate prea lung, dar e un punct de vedere al unui cititor pe care îl bănuiesc măcar cinstit. Pe de altă parte, ce să zic?, e îmbucurător faptul că domnul Popescu ştie cum se face proza. De altfel, nu cred că l-a bănuit cineva că ar fi vreun Monsieur Jourdain. Ceea ce mă miră este însă faptul că un tip inteligent nu şi-a pus nicio clipă problema că poate eu nu fac proză. Poate că am scris un lung poem şi asta l-a derutat pe cititorul Popescu. De altfel n-am precizat nicăieri cărui gen aparţine Fric.”8 Problema reeditărilor reprezintă un alt punct de interes al intervievatului şi al intervievatorilor, scriitorul definind, corect, termenul şi aducându-i justificările necesare. Din care nu lipseşte un abia simţit autoelogiu, căci scriitorii reeditaţi nu sunt neapărat cei care se vând bine, ci aceia consacraţi, pe care cititorii îi gustă, şi editurile care se respectă nu pot risca să-i piardă. Se adaugă, aici, grija 238 Communication interculturelle et littérature

scriitorului de a se menţine în actualitate şi de a se bucura de o nouă şi proaspătă ecuaţie receptivă care include lectori avizaţi: „Şi am cititori foarte tineri, care mă citesc. Eu cred că am puţini cititori, dar de bună calitate. Cărţile mele plac studenţilor în primul rând. Mi-a spus Nicolae Manolescu, acum câţiva ani, că a făcut un fel de sondaj printre studenţi, ca să vadă ce cărţi le mai plac celor de la Litere, şi am ieşit foarte bine.”9 Dincolo de povestea debutului întârziat – de Alexandru Paleologu, redactor leneş al editurii Cartea românească, şi grăbit – de Mircea Ciobanu – redactor activ, după spusa lui Agopian, al aceleiaşi edituri, editura Polirom, prin directorul ei, Silviu Lupescu, i-a propus prozatorului realizarea unei ediţii de Opere. De natură a consfinţi consacrarea, astfel de ediţie echivalează cu o canonizare implicită, de care Agopian pare să se fi temut la început. Apoi, trăieşte – în tonalităţi stilistice minore – satisfacţia (nu prea) tardivei recunoaşteri valorice. Şi, totodată, redeschide seria răfuielilor cu criticii – Manolescu îl trece, în Istoria sa, la categoria scriitorilor minori – de pe poziţii fals conciliante, recunoscute deschis şi asumate fără rezerve. Căci, deşi aparent mulcomită, aciditatea stilului ţâşneşte realmente din pagină. Agopian nu rămâne dator nimănui şi îşi exhibă orgoliul, antipatiile şi idiosincraziile. „În primul rând, nu sunt prea clasic. Eu sper să mai scriu ceva … Când mi-a propus Silviu Lupescu, directorul de la Polirom, să apar în seria asta, m-am tot învârtit în jurul cozii şi mi-am zis că asta-i un fel de cruce pe mormânt. Dar după aceea mi-am adus aminte că în perioada interbelică, în seria scoasă la Fundaţiile Regale, erau şi «Opere» ale unor scriitori în viaţă. În oglindă cu prima întrebare, aş pune următoarea: cum te simţi ca «scriitor minor», în «Istoria …» lui Manolescu? Mă simt foarte confortabil: «Istoria» – mare, eu – mic, deci pot să mă mişc lejer. N-a fost nicio surpriză pentru mine. Nicolae Manolescu a reluat pur şi simplu două articole din anii ’80 şi nu şi-a mai revizuit poziţia de atunci. Nu-i nicio supărare. Nu te-ai enervat? Sincer să fiu, nu. Fiindcă mă aşteptam, ştiind ce volum de muncă are cu această «Istorie», câte slujbe are, ce obligaţie are cu familia (fetiţă mică, nevastă tânără) – era clar că nu o să recitească toate cărţile despre care voia să scrie. Eşti conciliant, cum nu eşti tu de fapt … Ştii ce se întâmplă? Nu poţi să impui omului o judecată de valoare cu sila. Asta-i părerea lui, să fie sănătos! O să râdă fetiţa lui de el, probabil, peste 20 de ani. Nu ai orgolii de scriitor? Atunci când cineva nu scrie despre tine cum ţi-ai dori, te muşcă de inimă orgoliul? Nu, sunt bătătorit. Am o vârstă, am păţit de Varia 239

toate, nu mă mai impresionează nimic. Cel mult constat că-i idiot criticul respectiv, dar nu mă mai enervez. Evident, ca orice artist, sunt foarte orgolios; dacă nu am fi orgolioşi, nu ne-am mânca viaţa scriind, nu ne-am fi apucat de meseria asta ingrată. Dar repet: nu mă mai impresionează prostia unora sau reaua voinţă. Uneori e prostie, alteori rea voinţă, alteori superficialitate … N-au răbdare să citească cu atenţie. Este şi cazul lui Nicolae Manolescu. Mi-a cerut toate cărţile, iar eu, ca tâmpitul, am făcut teanc, le-am pus într-o pungă, i le-am dus, ca apoi să constat că nu le-a deschis. Şi nu sunt singurul caz, stai liniştit!”10. Alte reeditări, precedând ediţia de Opere, sunt doar semnele interesului editorial pentru cărţile sale – Sara reeditată la editura Paideia, Manualul întâmplărilor, la Humanitas, iar Tache de catifea la Ararat. Aceasta din urmă, cartea de suflet a romancierului, director al ultimei edituri. Preocupat de a-şi dirija, pe cât se poate, receptarea, şi de a face cunoscute toate vârstele sale creatoare – pentru că este convins că merită – Agopian trimite spre publicare lui Mircea Ciobanu, devenit directorul editurii Eminescu, Însemnări din Sodoma. Povestiri de tinereţe, textele reunite aici sunt anticipatorii, conţinând, in nuce, toate temele scrierilor ulterioare. „E o treabă mai curând de … istorie literară. Toate temele pe care le-am dezvoltat ulterior sunt acolo. Criticii n-au avut răbdare să vadă asta şi s-au grăbit să spună că e o carte proastă, ba chiar că am scris-o acum şi că mi-am ascuns pierderea talentului antedatând-o”.11 Grijuliu, Agopian face şi treaba istoricilor literari şi explică de ce nu a acceptat ca Manualul întâmplărilor să fie cartea sa de debut. Manipulând receptarea şi discursul critic, scriitorul îşi etapizează cu luciditate apariţiile publice, le regizează din umbră, mizând pe anumite reacţii ale cititorilor specializaţi. „Mircea Ciobanu citise cartea şi mi-a propus să debutez cu ea. L-am refuzat, explicându-i că-i o carte prea bună pentru un debut şi că pe mine nu mă ştie nimeni ca să mă susţină, de fapt să susţină cartea, şi că există riscul de a trece neobservată”.12 Raporturile scriitorului cu adepţii criteriului generaţionist în literatură, cu relevanţa acestuia în planul mişcării formelor literare şi cu valoarea estetică sunt explicitate rapid şi ferm: „Oricum, mi se pare o tâmpenie obsesia cu generaţiile”13, afirmă tranşant Agopian. Cât priveşte recuperarea sa de către postmoderni, dacă există, ea a fost, în opinia scriitorului, unilaterală. Iar conceptul în sine, aplicat ca 240 Communication interculturelle et littérature

o etichetă pe realităţile culturale şi literare româneşti e, cum ar zice Caragiale, un moft. Sau, în termenii lui Agopian, o găselniţă nouă a lui Lefter. Iată citatul complet: „Auzi? Mă laşi? Habar nu aveam, nu eu, nici un optzecist habar nu avea de postmodernism. Eram ca personajul lui Molière, făceam postmodernism şi nu ştiam. Asta e o găselniţă nouă a lui Lefter, pe care a aşezat-o pe capul optzeciştilor. Ei erau textualişti. Iar eu nu aveam nicio legătură cu ei. Scrisul meu nu avea nici o legătură cu ei”.14 Impactul cenzurii asupra facerii textului literar este un aspect de care Agopian a trebuit să ţină seama, dar care s-a grefat pe o componentă diegetică fundamentală – regresiunea în trecut. Mai degrabă instinctivă decât calculată, opţiunea pentru epocile nebuloase ale istoriei, cu referent ambiguu şi ambiguizat strategic, fuga de prezent nu e şi o formă de disidenţă, cum s-ar putea crede. Agopian însuşi o recunoaşte şi o explică prin miza esenţială a procesului său de creaţie, inventarea de lumi posibile: „Am început cu Primul Război Mondial în Ziua mâniei. Un prieten bun al meu, regretatul Mircea Nedelciu, îmi zicea: « dacă trăieşti destul de mult, vei ajunge în preistorie ». Eu am mers tot timpul înapoi. Era o formă reflexă de apărare vizavi de cenzură şi de comunism. N-am făcut-o dintr-un calcul precis, ci mai mult din instinct. Cenzura era foarte atentă la literatura care se ocupa de prezent, la Buzura, de exemplu.”15 Situarea cu bună ştiinţă într-o filiaţie numai aparent marginală a spaţiului literar românesc, în realitate estetizantă, de mare rafinament stilistic şi de coloratură decadent ori ermetic balcanică, care-i include pe Ion Ghica, Nicolae Filimon, Mateiu Caragiale şi Ion Barbu, este semnalată de Agopian însuşi. Ca o formă de strategie bine gândită, de evaluare lucidă a şanselor de afirmare pe piaţa literară şi de dialog echilibrat cu maeştrii, Agopian optează pentru linia colorată a literaturii române, invocând, totodată, şi criteriul afinităţilor elective: „Când am început să scriu roman, eu muream după Camil Petrescu. Dar mi-am dat seama că nu am inteligenţa lui. Eram talentat, dar nu suficient de inteligent. Şi mai era ceva: am stat şi m-am gândit care e linia nedezvoltată suficient la noi. Şi aceasta era linia Filimon-Ghica, deci linia colorată a literaturii noastre. Eu mor după Ciocoii vechi şi noi. Am zis să încerc asta, că e un loc liber. Nu eram foarte tâmpit, am căutat o nişă. Că mi-a ieşit, că nu mi-a ieşit, asta-i altă poveste. Unii zic că mi-a ieşit.”16 Chiar dacă autoritar, romancierul semnalase o diferenţă de nivel procedural între romanele situate orgolios în descendenţa liniei Varia 241

pitoreşti a prozei româneşti – Tache de catifea şi Manualul întâmplărilor şi Tobit, respectiv Sara, ca fiind altfel de experimente,17 perspectiva ulterioară, oarecum mai detaşată, situează într-o poziţie corectă scrierile sale. De altfel, criticii înşişi validează opţiunile proprii de istorie literară ale romancierului. După ce dinamitează decis falsa eficienţă a promoţiilor ca pârghie de structurare a câmpului literar actual („… promoţiile nu merg nicăieri. Adică merg, dar asta, mersul vreau să zic, duce promoţia spre o «groapă literară») şi regretă disoluţia grupării onirice, Agopian îşi rememorează ezitările şi tatonările literare, periplul printre nume sonore ale romanului românesc şi delimitarea (implicit) polemică faţă de nucleul dur al canonului românesc după care, însă, credem că orice scriitor, Agopian nefăcând excepţie, tânjeşte – „«Oniricii» au dispărut ca grupare imediat după ’70. În ’70 m-am întors de la armată şi eram complet dezorientat: nu mai ştiam ce fel de scriitor o să fiu. A durat vreun an până să îmi dau seama. Până atunci scrisesem poezie, teatru şi proză scurtă. Anul acela m-am gândit şi am ştiut că nu pot să fiu Rebreanu, voiam Camil Petrescu, dar nu eram un mare intelectual, şi atunci mi-am adus aminte de Filimon, Mateiu Caragiale, l-am recitit pe Ghica şi m-am întors la Ion Barbu, cel care a căzut din geometrie în Orient: asta ar fi pe scurt filiaţia mea.”18 Pe de altă parte, încă o dată orgolios, şi vexat de omisiunea lui Virgil Nemoianu, Agopian se pretinde nici mai mult nici mai puţin decât deschizătorul unei noi direcţii în literatura română, continuată de Mircea Cărtărescu şi Corin Braga, printre alţii. Este vorba despre fantasticul , dar care nu a prins în spaţiul literar şi critic românesc, nici conceptual, nici operaţional: „Recent, dl. Virgil Nemoianu declară într-un interviu acordat Ioanei Pârvulescu şi apărut la voi: «Observ că se constituie acum, în proza românească un fel de fantastic negru …» şi îi citează pe Cărtărescu, Corin Braga şi Cochinescu. Fără nicio modestie, mă pun şi pe mine în «fantasticul negru» descoperit de dl. Nemoianu, mai ales că Tobit a apărut cu mulţi ani înaintea cărţilor celor trei citaţi. Probabil că dl. Nemoianu nici n-a auzit de numele meu, dar îmi place ideea că am deschis un drum.”19 În privinţa procesului propriu de creaţie. Agopian este, ca şi până acum, ferm. Dacă forţa imaginativ-creatoare este maximă la tinereţe, la maturitatea creatoare apare riscul autopastişării. Aşa se face că romancierul care are gestaţia grea se află mereu sub tensiune, în concurenţă permanentă cu el însuşi, cu diferitele sale vârste creatoare: „Când eşti tânăr ai o mulţime de idei extraordinare, dar nu ai deloc 242 Communication interculturelle et littérature

experienţă. Când eşti adult, nu mai ai nici o idee, în afara celor din tinereţe, dar ai multă experienţă. Şi atunci ce faci? «Hai, băi, reciclez ideile vechi, că ştiu să scriu.» Eu de-aia mă feresc. Scriu greu, sunt foarte atent la ceea ce scriu, pentru că nu am chef să mă repet. Eu pot oricând să mai scriu un Tache de catifea sau un Manualul întâmplărilor, dar cui i-ar folosi?”20. Experimentarea scrisului pe suprafeţe largi este, crede Agopian, o problemă de dozaj a forţei de creaţie şi de tehnică. Fundamental magie, miracol şi efort, creaţia seamănă creatorului său şi îi preia uimirile, aspiraţiile sale, plăcerea de a inventa. Şi, nu în ultimul rând, scrisul este autocunoaştere. Bucuria de a scrie devenită modus vivendi exclusiv, dominator, necontrafăcut, care-l ia în posesie pe romancier şi-l înstrăinează de el însuşi, în baza amprentei stilistice distinctive care va ocupa mereu prim-planul textual, împingându-l pe autorul devenit scriptor în plan secund. „Cât am scris, am scris cu poftă, exact cum am avut chef, am scris din bucuria de mă descoperi, cu fiecare pagină, altul. Cu timpul, inevitabil, am ajuns la o voce, la un stil al meu. Ce puteam să fac? Cu lucruri noi nu mai puteam să vin, aş fi repetat aceleaşi obsesii. Am mai avut câte-o tresărire, dar mică. De pildă, m-am documentat pentru un roman despre utopia inventată de Fourier. Am scris vreo 40 de pagini, mi-au ieşit excelent. Dar când le-am recitit, erau tot Agopian (râde)”21. Şi nu numai atât, căci autorul preia profilul scriptural al perso- najelor sale, regăsindu-se, de fapt, în acestea, cu toată profunzimea eului său creator: „Semăn şi eu cu personajele mele. Voluptatea asta a nimicului, a trăncănelii, a zădărniciei, care e şi-n Tache de catifea şi-n Manual, era probabil în mine dintotdeauna. E lenevia ridicată la rang de artă.”22 În legătură cu romanul Tache de catifea, Agopian se hazardează în a propune o posibilă grilă de lectură, justificând principiul non-narativ al amânării, al stagnării temporale ce spaţializează timpul narant şi suspendă temporalitatea diegetică – „amânarea acţiunii din Tobit este un mod de existenţă, pentru a nu înnebuni când vezi că tot ceea ce există nu e adevărat.”23 Iar fragmente din romanul Sara sunt invocate drept răspunsuri la întrebările fundamentale despre moarte şi viaţă, despre timp, despre dragoste şi naştere, despre adevărul din cărţi şi adevărul din viaţă. Ultima apariţie editorială, şocantă pentru mulţi lectori, chiar dintre cei avizaţi, romanul Fric s-a dovedit a fi o carte înşelătoare. Un text Varia 243

poematic experimental. Detaliu important, care a scăpat atenţiei criticilor rutinaţi, precum Nicolae Manolescu: „Eram eu plictisit şi am zis că mai bine să fac un poem decât un roman. Era un experiment, de fapt. Manolescu nu a înţeles chestia asta, că eu am experimentat şi că mi-a ieşit un poem. Sigur, nu e pe gustul vostru, al generaţiei tinere.”24 Exploatarea filonului erotic, nu foarte bogat în literatura română, face din Fric, aşa cum doar foarte puţini critici au înţeles, (Simona Sora, de pildă), un început de drum pentru Ştefan Agopian, asumat de scriitor ca atare. Ceea ce rezultă din interviurile comentate aici, nu în ordine cronologică, ci în funcţie de temele principale ale dialogurilor purtate cu intervievatorii, critici literari ori scriitori, este profilul unui romancier bun cunoscător al funcţionării discursului aluziv, cu dublă orientare semantică sau, după caz, un spirit declarativ ce nu-şi reprimă simpatiile ori antipatiile şi care nu ezită în a emite judecăţi de valoare, considerându-se pe deplin îndreptăţit să o facă. Cât despre eventualele acroşaje textualiste ale prozei sale, Agopian aproape că nici nu aminteşte. Dar, după cum se va vedea, romanele însele îl vor (tot)contrazice. Este, cu alte cuvinte, un scriitor pe deplin format, capabil de autoevaluări echilibrate şi oneste, cu un acut simţ al valorii proprii, care vede în atipic şi în neînregimentare nu un program concretizat narativ, ci un mod de a fi în teritoriul generos al literaturii române.

Bibliografie

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Radu, Dia, „Am scris întotdeauna din plăcerea de a inventa”, interviu cu Ştefan Agopian, în Formula AS, nr. 1085, 13.09.2013 – 19.09.2013, disponibil la adresa: http://www.formula-as.ro/2013/1085/lumea- romaneasca-24/stefan-agopian-am-scris-intotdeauna-din-placerea-de- a-inventa-16850, accesat la data de 2.10.2013 Şimonca, Ovidiu, „A fost o mare bucurie a mea să descopăr şi să inventez lumi”, interviu cu Ştefan Agopian, în Observator cultural, nr. 310, martie, 2006, disponibil la adresa: http://www.observatorcultural.ro/A- fost-o-mare-bucurie-a-mea-sa-descopar-si-sa-inventez-lumi.-Interviu- cu-Stefan-AGOPIAN*articleID_14957-articles_details.html, accesat la data de 17.03.2012 Ştefănescu, Alex., Istoria literaturii române contemporane, (1941-2000), Ed. Maşina de scris, Bucureşti, 2005 un cristian, „Ştefan Agopian: «Când citeam o carte bună, uitam să-mi fac lecţiile!»“, interviu cu Ştefan Agopian, în Observator cultural, nr. 443, octombrie, 2008, disponibil la adresa: http://www.observator cultural.ro/%C4%B9%C2%9Etefan-Agopian-Cind-citeam-o-carte- buna-uitam-sa-mi-fac-lectiile*articleID_20516-articles_details.html, accesat la data de 23.09.2012 Vlădăreanu, Elena, „Când eşti adult, nu mai ai nicio idee în afara celor din tinereţe, dar ai multă experienţă”, interviu cu Ştefan Agopian, în Suplimentul de Cultură, nr. 214, din 31.01.2009, disponibil la adresa: http://www.suplimentuldecultura.ro/index/continutArticolAllCat/7/450 1, accesat la data de 21.06.2012

Note

1 Ştefănescu, Alex., Istoria literaturii române contemporane, (1941- 2000), Ed. Maşina de scris, Bucureşti, 2005. 2 Şimonca, Ovidiu, A fost o mare bucurie a mea să descopăr şi să inventez lumi, interviu cu Ştefan Agopian, în „Observator cultural”, nr. 310, martie, 2006, disponibil la adresa: http://www.observatorcultural. ro/A-fost-o-mare-bucurie-a-mea-sa-descopar-si-sa-inventez-lumi.- Interviu-cu-Stefan-AGOPIAN*articleID_14957-articles_details.html, accesat la data de 17.03.2012. 3 un cristian, Ştefan Agopian: „Când citeam o carte bună, uitam să-mi fac lecţiile!“, interviu cu Ştefan Agopian, în „Observator cultural”, nr. 443, octombrie, 2008, disponibil la adresa: http://www.observatorcul tural.ro/%C4%B9%C2%9Etefan-Agopian-Cind-citeam-o-carte-buna- uitam-sa-mi-fac-lectiile*articleID_20516-articles_details.html, accesat la data de 23.09.2012. 4 Ibidem. 5 Popa, Dorin, Lauda de la „Europa liberă” mi-a întârziat cartea cu Varia 245

patru ani, interviu cu Ştefan Agopian, în „Convorbiri literare”, serie nouă nr. 22 (1310), iunie, 1991. 6 Bittel, Adriana, După zâmbituri şi zisuri am plecat la „cai”, interviu cu Ştefan Agopian, în „România literară”, nr. 18, 24 septembrie, 1996 (Anul XXIX). 7 Chivu, Marius, Obsesiile scriitorului nu se epuizează niciodată, interviu cu Ştefan Agopian, în „Revista 22”, nr. 716, (25 noiembrie - 1 decembrie 2003), Anul XIV. 8 Ibidem. 9 Şimonca, Ovidiu, A fost o mare bucurie a mea..., op.cit. 10 Paul-Bădescu, Cezar, Ştefan Agopian:„Dacă nu am fi orgolioşi, nu ne- am mânca viaţa scriind”, interviu cu Ştefan Agopian, în „Adevărul”, 4 martie 2009, disponibil la adresa: adevarul.ro/news/societate/Stefan- agopiandaca-nu-orgoliosi--nu-ne-am-minca-viata-scriind- 1_50aca19c7c42d5a663873318/index.html, accesat la data de 19.07.2012 11 Bittel, Adriana, După zâmbituri …, op.cit. 12 Ibidem. 13 un cristian, Ştefan Agopian: „Când citeam …, op. cit. 14 Vlădăreanu, Elena, Când eşti adult, nu mai ai nicio idee în afara celor din tinereţe, dar ai multă experienţă, interviu cu Ştefan Agopian, în „Suplimentul de Cultură”, nr. 214, din 31.01.2009, disponibil la adresa: http://www.suplimentuldecultura.ro/index/continutArticolAllCat/7/450 1, accesat la data de 21.06.2012 15 Şimonca, Ovidiu, A fost o mare bucurie…, op. cit. 16 Ibidem. 17 Popa, Dorin, Lauda de la „Europa liberă” …, op. cit. 18 Bittel, Adriana, După zâmbituri …, op. cit. 19 Ibidem. 20 Vlădăreanu, Elena, Când eşti adult …, op. cit. 21 Radu, Dia, „Am scris întotdeauna din plăcerea de a inventa”, interviu cu Ştefan Agopian, în „Formula AS”, nr. 1085, 13.09.2013 – 19.09.2013, disponibil la adresa: http://www.formula- as.ro/2013/1085/lumea-romaneasca-24/stefan-agopian-am-scris- intotdeauna-din-placerea-de-a-inventa-16850, accesat la data de 2.10.2013. 22 Ibidem. 23 Ibidem. 24 Vlădăreanu, Elena, Când eşti adult …, op. cit. 246 Communication interculturelle et littérature

A sta închis în sine sau despre generaţia pierdută a literaturii basarabene

Liliana Doscalo Grosu

Résumé: Le thème de l’exil représente un des thèmes privilégiés de la littérature en Bessarabie, ce qui est très évident dans les conditions politiques et sociales de la période dans laquelle existaient des restrictions imposées par le parti. Dans ces conditions, si paradoxal que cela puisse paraître, l’exil a pris de diverses formes : à l’exil proprement dit s’y ajoute l’exil intérieur, comme dans le cas de , qui a constitué une preuve d’authenticité, de sacrifice et de dévouement vis-à-vis du pays, des valeurs nationales et de la préservation intacte de la culture roumaine. Mots-clés : exil intérieur, valeurs nationales, idéologie.

Vorbind despre creaţia lui Grigore Vieru, critica literară a adus în atenţie problema situării acesteia între exilul lingvistic şi cultural, pe de o parte, datorat contextului politic din Basarabia, şi libertatea interioară. Demersul nostru porneşte de la descrierea perioadei de formare a generaţiei de scriitori şaizecişti, căreia îi aparţine Grigore Vieru, scriitori ce au trăit în epoca conflictului acerb între ideologie şi literatură, iar acest factor le-a sporit gradul de subiectivitate – lui Vieru în particular i-a impus să se retragă în interioritatea-i pentru a-şi păstra propria identitate. În acest sens, Ana Bantoş menţionează: „Aici [în Basarabia] scriitorii descoperă fondul sufletului popular prin intermediul căruia vor releva conştiinţa de sine precum şi un anumit sentiment al solidarităţii umane, axat pe valorile simple ale vieţii” [Bantoş, 2005: 26]. Exilului i s-au propus diverse definiţii şi note explicative, termeni înrudiţi precum: destin, fugă, salvare, terapie, revoltă, regăsire, curaj etc., dar nu vom face referire decât la unul dintre aceste aspecte pentru a contura şi mai mult impactul exilării în propria ţară asupra creaţiei lui Gr. Vieru, bunăoară definiţia propusă de George Astaloş, care vede în exil „un exerciţiu de perpetuă umilinţă, marcat de adevărata regăsire de sine” [Astaloş, 2003]. Totodată, aşa cum explică critica literară, „exilul interior al scriitorului din spaţiul ex-sovietic trebuie privit ca o Varia 247

şansă de a se autodefini din perspectiva înfruntării opresiunii ideologicului, din perspectiva definirii literaturii ca artă literară” [Bantoş, 2005: 26]. O cauză primordială a exilul interior prin care a trecut poetul Gr. Vieru, dar nu numai el, ci şi alţi poeţi şi prozatori din Basarabia a fost cadrul social-politic în care s-a format această generaţie, a debutat şi s- a dezvoltat. Urmărind linia de dezvoltare a poeziei basarabene, începând cu primul deceniu de după război, nu putem face abstracţie de resorturile politice şi sociale care au avut un rol determinant în evoluţia acesteia, astfel încât suntem martorii unui proces continuu de eliberare de sub constrângerile rigorilor impuse de regimul de ocupare, o încercare perpetuă de rezistenţă la presiunile ideologico- totalitare şi, totodată, o revenire la valorile-simbol ale neamului, la tradiţiile folclorice. În pofida anturajului specific în care s-a născut şi a evoluat poezia româneacă din Basarabia, mijlocul anilor ’50 constituie un punct de pornire în încercarea de a depăşi cadrul strâmt al dogmelor realist- socialiste, un punct de cotitură în conştiinţa poeţilor basarabeni, marcat de schimbări substanţiale în afirmarea talentului scriitoricesc, în conturarea unor noi direcţii de evoluţie, în regăsirea propriilor resurse stilistice, în revigorarea tradiţiilor naţionale, fie datorită influenţei nemijlocite a poeziei româneşti, în particular, fie a literaturii universale, în general. Astfel, la acest moment ne aflăm în faţa unor încercări de realizare a diferenţierii între ideile literare şi ideologia politică, între formele de „compromis”, manifestat prin incertitudine valorică şi încurajarea condeierilor fără vocaţie, şi „rezistenţă prin cultură”, între „reuşită” şi „eşec”. Specifică pentru poezia primului deceniu postbelic este „răspunderea” imediată la comandamentele ideologice care dirijau întreaga viaţă socială, unanimitatea în atitudini şi tematică, fără a lăsa să se întrevadă atitudinea personală a autorului, viziunea creatoare individuală, fapt care a determinat „revolta” creatoare şi retractilitatea eului creator. Mai toată poezia acestor ani, şi mai ales poetul, se află în postura unui „cronicar”, a unui scriptor al întâmplărilor, al evenimentelor „revoluţionare” centrate în jurul satului şi al oamenilor implicaţi în munca de constituire a unei noi societăţi. Ceea ce se exprimă în mod voit este doar viaţa socială şi actualitatea politică, pe când sondarea universului intim este redusă la minim. În cadrul acestei ideologii, omul nu are statut de individualitate, ci este parte a unui tot compact şi 248 Communication interculturelle et littérature

indivizibil, iar poetul are drept la existenţă literară doar dacă are „sentimentul” care răspunde marilor imperative ale contempora- neităţii, astfel, el „simulează un sentiment de plenitudine, mimează o mentalitate colectivă prin asumarea rolului de « voce » a unei colectivităţi rurale” [Ţurcanu, 1998: 66]. În dependenţă de acest statut asumat, societatea dictează şi eroii lirici ai poeziei, care par a fi grupaţi în trei categorii, o parte reprezentată de marea colectivitate care e cuprinsă de patosul ideologic al unui mod de viaţă „superior”, o alta în care apare figura tradiţională grotescă a leneşului, ce nu se încadrează etosului comun al muncii şi alta, aceea a individualistului care nu vrea să adere, din pură conştiinţă, la regimul social unificator. Tocmai de aceea, scriitorii au încercat să se detaşeze de viziunea uniformizantă, să scape din strânsoarea pseudovalorilor şi să pună în circulaţie o nouă normă estetică, atât în ceea ce priveşte fondul de idei, cât şi în ceea ce priveşte formula lirică. Apare fireasca întrebare: Cum a fost posibilă detaşarea de convenţiile literare ale dogmastismului? Iar răspunsul nu este altul decât: factorul creativ. Explorarea unor noi sfere ale realităţii a dus la înnoirea formulelor artistice şi a mijloacelor de expresie, la conturarea unor orientări artistice diverse. Sfârşitul anilor ’50 şi anii ’60 marchează începutul unor eforturi de desprindere de sub opresiunea ideologiei totalitariste, stare care va determina explozii de libertate şi de afirmare, stări de creativitate şi patos, refuzul unei omogenităţi „tipice”, manifestarea atitudinii individuale şi un examen sever al conştiinţei de sine şi al implicaţiilor estetice ale literaturii ca factor cultural. Analizând unele aspecte ale procesului literar al anilor ’50-’60 se evidenţiază o orientare naţională în care fiecare poet evoluează, se profilează pe fundalul manierei lui personale, vocii sale specifice, ce corespunde, înainte de toate, structurii sale psihologico-artistice, temperamentului liric, astfel încât fenomenul literar-artistic se redimensionează. Aceasta a fost posibilă prin punerea în valoare a specificului autohton, prin apelul la spiritualitatea populară şi folclorică, prin extinderea într-o gamă complexă de atitudini civice, trăiri, căutări, aspiraţii şi orientări stilistice. În această ordine de idei, subliniem un alt aspect important pentru această perioadă, şi anume întâlnirea liricii basarabene cu poezia lui George Bacovia, Ion Barbu, Lucian Blaga, şi mai târziu cu N. Labiş, N. Stănescu, fapt ce i-a deschis noi posibilităţi de afirmare, Varia 249

asigurându-i, în cadrul României întregite, o dezvoltare intensă şi dinamică, turnură, mai mult sau mai puţin, susţinută de critica literară de pe ambele maluri ale Prutului. Accesul la literatura de peste Prut a deschis noi orizonturi pentru literatura română din Basarabia. Astfel, generaţia şaizecistă sau „copiii anilor de război” a făcut posibilă revenirea la tradiţiile marilor clasici ai literaturii române; „datorită generaţiei şaizeciste (generaţia lui Grigore Vieru şi a lui Liviu Damian), literatura din Moldova recapătă conştiinţa de sine. E o sincronizare perfectă cu generaţia lui Nicolae Labiş, pleiada basarabeană a copiilor anilor 30 având de depăşit mai multe goluri şi descoperind cu mult mai târziu atât poezia lui Eminescu, cât şi cea a marilor poeţi interbelici (Blaga, Barbu, Arghezi, Bacovia)” [Cimpoi, 1998: 37]. În anii ’60 are loc afirmarea plenară a unei noi generaţii de poeţi: Grigore Vieru, Liviu Damian, , Gheorghe Vodă, Victor Teleucă, Pavel Boţu, Anatol Codru, , Arhip Cibotaru, Anatol Codru, Emil Loteanu ş.a. Datorită acestei generaţii se schimbă diametral viziunea privind conceptul de creaţie, privind menirea literaturii şi se încearcă, prin forme diferite sub aspect tipologic, să se promoveze a literatură bazată pe valorile autentice naţionale. Se poate, prin urmare, afirma faptul că această perioadă, pentru unii prea scurtă, pentru alţii prea lungă, a determinat starea de exil, fie declarat, aşa cum s-a întâmplat în cazul poetei Elena Dobroşinschi- Malai, care în primele zile de ocupaţia sovietică, iunie 1940, a dispărut fără urmă, al poetului Gheorghe Rusu, mort la GULAC în 1941, poetului Alexandru Terziman, ucis în lagărul de la Taişet, poetului Nicolai Costenco, exilat între 1941-1956 (timp de 15 ani) în nordul extrem, lui , Boris Baidan, Dimitrie Iov, Nicolae Ţurcanu ş.a., care au fost deportaţi în sau închişi în puşcăriile comuniste după 1944; fie exil interior, ca în cazul unui alt şir de poeţi – Andrei Lupan, Emilian Bucov, Bogdan Istru, Liviu Deleanu, Samson Şleahu, George Meniuc ş.a., pe atunci abia debutanţi, care, pe de o parte, au plătit tribut ideologiei şi regimului de ocupare comunist la care au fost racolaţi (de Komintern), creând o preudo-literatură în spiritul schemelor ideologice comuniste dar care, pe de altă parte, au dat frâu firavelor tentative literare de apărare a principiilor estetice şi a valorilor autentice româneşti, sub diverse forme de rezistenţă, pornind de la lirica evazionistă spre lirica subversivă şi cea disidentă – acesta este, de altfel, şi cazul poeţilor „generaţiei pierdute” (anii ’40-’50 ai 250 Communication interculturelle et littérature

secolului al XX-lea) – Nicolai Costenco, Petru Zadnipru, Paul Mihnea ş.a., întorşi mai târziu la propriile lor unelte. Tributul plătit ideologiei în dauna esteticului lasă o urmă de vină şi regret, aşa cum se exprimă în cunoscuta poezie Mea culpa Andrei Lupan, în care pune în evidenţă intermitenţe regretabile în a-şi asuma lucid conştiinţa creatoare liberă: Îs vinovat pentru tributul/ ce l-am plătit la nătărăi/ c-o stihuire mai limbută/ şi c-un glosar ştampat de ei …// când am stâlcit literatura/ şi l-am jignit pe cititor; în final dă dovadă de o cutezanţă care întrece aşteptările: Ruşinea asta arzătoare/ la ce-aş ascunde-o în deşert?/ Chiar dacă toţi mi-or da iertare,/ eu unul nu pot să mi-o iert. Exact aici descoperim afirmarea personalităţii creatoare, trezirea acesteia şi detaşarea de convenţiile literare ale dogmelor sociologizante, pentru că atâta timp cât poezia românească basarabeană s-a menţinut în parametrii stricţi ai schemelor ideologice, imagistica literară a avut de suferit enorm. În ceea ce-l priveşte pe Grigore Vieru, opţiunea fermă pentru închiderea în sine i-a dat posibilitatea de a regândi felul de a spune lucrurilor pe nume, aşa cum încearcă prin volumul Trei iezi (1970), dar nicidecum de a tăcea şi a aştepta alte vremi. Volumul sus-numit comportă o istorie aparte, care merită o analiză distinctă, dar pe care ne propunem să o efectuăm într-un alt studiu. Să spunem doar că poetul a încercat să deghizeze în poezia Curcubeul, destinată copiilor, ca de altfel întreg volumul, prin metafore, tricolorul românesc, din care cauză cartea a fost pusă la index şi retrasă din vânzare. Drept punct de plecare în abordarea de faţă, pentru a evidenţia câteva dintre particularităţile scriiturii poetice în discuţie, în raport cu chestiunea identitară camuflată de verbul poetic, vom lua mult discutata poezie – Formular (iniţial cu titlul Completând un formular, scrisă în 1968, şi inclusă în volumul Numele tău), care prezintă interes sporit atât prin formula expresivă, aspectul artistic, cât şi prin dramatismul şi farmecul intrinsec. Poezia apare într-o perioadă când „înfloreau” etichetările de tipul „antisovietic”, „duşman al poporului”, „disident” şi când o mică „pată” descoperită în biografie devenea imediat un prilej de neîncredere, un motiv de desconsiderare şi de marginalizare pentru restul vieţii. Ceea ce impresionează în această poezie este faptul că „poetul nu se limitează doar la mijloacele stilului oficial-documentar, la o redare protocolară a faptelor” [Corlăteanu, 1985: 5] ci, îmbinând câteva stiluri: unul administrativ-cancelăresc (prezentat în forma întrebărilor cu subtext ale agentului puterii), unul oral (dacă ne raportăm la Varia 251

formula schematică a poeziei: întrebări-răspunsuri) şi unul propriu-zis poetic (oferit de răspunsurile marcant provocatoare ale eului liric), creează o întreagă poetică:

- Numele şi prenumele? - Eu.

- Anul de naştere? - Cel mai tânăr an când se iubeau părinţii mei.

- Originea? - Ar şi semăn Dealul acela din prelungirea codrilor. Ştiu toate doinele.

- Profesiunea? - Ostenesc în ocna cuvintelor.

- Părinţii? - Am numai mamă.

- Numele mamei? - Mama.

- Ocupaţia ei? - Aşteaptă.

- Ai fost supus Judecăţii vreodată? - Am stat nişte ani închis În sine.

- Rubedenii peste hotare ai? - Da. Pe tata. Îngropat. În pământ străin. Anul 1945.

Poezia începe, cum de altfel se consemnează în orice act oficial, cu întrebarea: „Numele şi prenumele?”, la care apare un neaşteptat răspuns: „Eu”, nu numai o dată rostit în creaţia poetului: „eu sunt cel care sunt”, „eu sunt copilul acestui neam”, „sunt fir de iarbă, mai simplu nu pot fi” etc. E „eul” care nu-şi ascunde identitatea sub un 252 Communication interculturelle et littérature

nume pe care-l poartă, nu se ascunde sub un „noi”, oameni comuni, nu-şi neagă originea, ci o declară sus şi tare. Oricât ar încerca prin aceasta să-l condamne omul legii, pentru un răspuns neconformat – nu o poate face, căci „eu” este ireductibil. Ancheta se derulează cu o nouă întrebare – „Anul naşterii?”, la care iarăşi apare un răspuns mai puţin aşteptat: „Cel mai tânăr an: când se iubeau părinţii mei”. Urmează întrebarea „Originea?”, la care poetul, răspunzând prin vocea dublului său scriptural, încearcă să sugereze adevăruri răspicate: că e român ce trăieşte în preajma codrilor, că deţine bogata zestre spirituală a limbii materne, ştie toate doinele şi iată, aici, ca o provocare voită, următoarea întrebare: „Profesiunea?” – „Ostenesc în ocna cuvintelor”. În acest context, impresionează abordarea acestei secvenţe a poeziei, făcută de criticul M. Dolgan: „Omul mărunt al puterii, care, în incultura neagră a lui, habar nu are de metaforă, de existenţa însăşi a profesiei de poet, «profesie de chinuitoare lucrare în cuvânt», a început să-şi frece mâinile de «mulţumire» înainte de vreme la auzul cuvântului echivoc «ocnă» (cu sensul lui propriu, pe cel figurat n-a reuşit încă să-l înveţe)...” [Dolgan, 2007: 498]. Răspunsurile la următoarele întrebări: „Părinţii?”, „Numele mamei?” şi „Ocupaţia ei?” nu prea par a fi „funii” de care să te păţi „agăţa”, astfel că, în final, sunt puse cele mai grave întrebări prin care agentul regimului ţine să-l îngenuncheze pe nesupusul poet şi să-l facă să capituleze definitiv: „Ai fost suspus judecăţii vreodată?” şi „Rubedenii peste hotare ai?”. Răspunsurile sunt provocatoare, dând senzaţia, pe de parte, de convingere că iată-iată va ieşi „învingător” agentul, şi, totodată, îl face să se vadă momentan dezarmat, contrariat, descumpănit şi dezamăgit. Imaginaţi-vă tăcerea de căutate a unui răspuns al poetului la întrebarea „Ai fost supus judecăţii vreodată?” şi apoi, rar şi răspicat: „Am stat nişte ani închis ....” şi, după un oftat lung, nescris în poezie, dar văzut printre rânduri, apare poanta ce loveşte nimicitor: „În sine”. De la acest moment pornesc căutările noastre, aici apare fireasca întrebare: „Ce sau cine l-a făcut pe poet să se închidă în sine?”, „De ce?” – „Pentru că îl măcina singurătatea şi cenuşiul vieţii, pentru că nu putea să se împace cu nelegiuirile regimului totalitar, pentru că nu putea rosti în poezie adevărul până la capăt, pentru că erau interzise temele cele mai dureroase ale poporului: deportările, foametea, daunele colectivizării, identitatea neamului şi a limbii etc.” [Dolgan, 2007: 500], dar putem întrevedea în aceasta şi faptul că „Ceea ce îl preocupă pe Grigore Vieru este sentimentul libertăţii interioare şi Varia 253

revenirea la nişte modele existenţiale verificate de multe generaţii”, aşa cum menţionează Ana Bantoş [Bantoş, 2005: 26]. Poetul, retras în sine, cumpăneşte mai bine ce are de făcut? Nu-l pune în impas nici ultima întrebare, de care se temea cineva numai auzind-o şi, cu atât mai mult, având un răspuns pozitiv la ea: „Rubedenii peste hotare ai?” – „Da”, „pe tata” – rudă de gradul I, un posibil trădător de ţară, în realitate „Îngropat în pământ străin. Anul 1945”. Iată cum poezia ca stare existenţială şi ca revoltă, poezia ca act lucid de conştiinţă, poezia eliberării creatoare şi a supravieţuirii curajoase conţine/camuflează o poetică implicită în care esteticul dobândeşte virtuţi superioare şi forţă etică. A vorbi despre sine cu demnitatea celui umilit în propria ţară devine act de voinţă poetică şi de autolegitimare identitară.

Bibliografie

Astaloş, George, Exilul. Memoria unei memorii, Editura Casa Radio, Bucureşti, 2003. Bantoş, Ana, „Grigore Vieru: între exilul şi libertatea interioară”, în Limba Română, nr. 1-3, anul XV, 2005. Cimpoi, Mihai, „Panorama literaturii române postbelice din Republica Moldova”, în Mihail Dolgan (coord.), Literatura română postbelică. Integrări, valorificări, reconsiderări, Tipografia centrală, Chişinău, 1998. Corlăteanu, Nicolae, „Lumea poetului şi resursele de exprimare a ei” (I), în Literatura şi Arta, 1 ianuarie 1985. Dolgan, Mihail, Poezia contemporană, mod de existenţă în metaforă şi idee, Elan Poligraf, Chişinău, 2007. Revnic, Ioana, Cât de cunoscută este literatura română din Basarabia, în România şi în Europa?, disponibil la adresa http://erizanu.cartier.md/ literatura-romana-din-basarabia-in-romania-%C8%99i-europa-3211.html, accesat la data de 22.07.2014 Ţurcanu, Andrei, „Poezia postbelică: de la dogmă la creativitate”, în Mihail Dolgan (coord.), Literatura română postbelică. Integrări, valorificări, reconsiderări, Tipografia centrală, Chişinău, 1998.

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L’art épistolaire de Mme de Sévigné

Ana-Elena Costandache

Résumé : Considérée comme la maîtresse de l’art épistolaire au XVIIe siècle, Marie de Rabutin-Chantal, dite la marquise de Sévigné, a laissé dans la littérature française une œuvre extrêmement riche (1120 lettres) et variée, mais peu connue et appréciée par le public lecteur. D’ailleurs, l’auteure elle- même n’a jamais souhaité que ses lettres soient divulguées en dehors du cadre privé ou des salons du temps (où elle était lue); c’est pour cela qu’elle est devenue, en quelque sorte, « une écrivaine malgré elle ». Notre démarche propose une analyse fine et détaillée de quelques lettres que l’auteure avait adressées à sa jeune fille, madame de Grignan. L’importance que nous accordons à ce type d’écriture vise surtout la thématique atteinte : les relations humaines, la noblesse et la mondanité, le quotidien, la religion, la mort. Mots-clés : lettre(s), solitude, écriture du moi, douleur, regret.

Au XVIIe siècle, le statut de la lettre n’était pas bien précis. Soumise à beaucoup de codes que les écrivains du temps ont suivis et respectés, la lettre s’est constituée en genre d’écriture bien représentée par Mme de Sévigné (au XVIIe siècle), Montesquieu, Diderot, Choderlos de Laclos (au XVIIIe siècle). Epistolière française, Marie de Rabutin-Chantal (1626-1696) ou Mme de Sévigné appartenait à une classe sociale noble. « La plus jolie fille de France » est restée orpheline en 1633, car son père, Celse- Bénigne de Rabutin, baron de Chantal, est mort lors du siège de La Rochelle. Peu connue et appréciée dans le monde littéraire, l’œuvre de Mme de Sévigné est une correspondance abondante. Après la mort de son mari, elle s’est consacrée de plus en plus à ses enfants et particulièrement à sa fille, mariée en 1669. Les jeunes époux et la mère ont vécu dans un hôtel particulier loué en plein Paris, mais, un an plus tard, Grignan, le beau fils de Mme de Sévigné, est nommé lieutenant général du roi en Provence. C’était une douloureuse séparation pour l’écrivaine qui a vu partir sa fille à jamais. C’est pour cela qu’elle a commencé à lui écrire, régulièrement, plusieurs fois par Varia 255

semaines, tout en poursuivant parallèlement sa correspondance avec son cousin, le conte de Bussy. La correspondance riche de Madame de Sévigné s’est effectuée pendant trente ans environ. La mère écrivait à sa fille chaque semaine trois ou quatre lettres (il y a, en tout, 1120 lettres connues, dont 764 à sa fille Mme de Grignan, 126 à son cousin Bussy et 220 lettres adressées à 29 autres destinataires). Les premières lettres, parues clandestinement en 1725 (recueil très lacunaire de 28 lettres ou extraits de lettres réunies dans les Lettres choisies de Mme la marquise de Sévigné à Mme la comtesse de Grignan, sa fille), ont déterminé Pauline de Simiane, petite-fille de l’écrivaine, de faire publier officiellement la correspondance de sa grand-mère : 614 lettres entre 1734 et 1737, puis 772 en 1754. Les lettres ont été remaniées et sélectionnées suivant les instructions de Madame de Simiane: toutes celles touchant de trop près à la famille, ou celles dont le niveau littéraire paraissait médiocre, ont été supprimées, tandis que les lettres restantes ont souvent fait l’objet de réécritures pour suivre le goût du jour. D’ailleurs, Pauline de Simiane n’a pas hésité à supprimer les histoires galantes et les remarques un peu trop libres de sa grand-mère, afin d’offrir à la postérité une image parfaite de la marquise. Les lettres restent un témoignage plus fidèle et plus complet de toute la vie de la marquise. La carrière littéraire d’écrivaine « malgré elle » a été un vrai succès. Les thèmes abordés par Mme de Sévigné touchent essentiellement le quotidien et la cour. Ils sont très variés (la religion, la mort, les relations humaines), mais il faut savoir que certaines lettres étaient également destinées à être lues pour des personnes averties, dans les « salons » du temps et abordent alors des thèmes plus en rapport avec les pensées, les idées (la noblesse et la mondanité). En tant que « maîtresse » de l’art épistolaire au XVIIe siècle, Mme de Sévigné n’a jamais souhaité que ses lettres soient divulguées en dehors du cadre privé ou des salons, où elle était lue et très appréciée. C’est pour cela que la question de l’authenticité se pose de manière cruciale pour ses lettres. Il est à noter un manque fondamental dans cette riche correspondance: seules les lettres de la marquise ont été conservées, les réponses de sa famille ont été détruites par sa petite- fille, ce qui crée l’impression d’un monologue ou, plutôt, d’une privation de la dimension du dialogue. Les 764 lettres adressées à sa fille, Mme de Grignan, représentent un témoignage exquis et varié, en même temps qu’une observation 256 Communication interculturelle et littérature

fine de son époque. Véritable mémorialiste, Mme de Sévigné relate pour sa fille tous les événements marquants qui se sont produits à Paris : le mariage de la Grande Mademoiselle, l’arrestation de Fouquet, l’exécution de la Brinvilliers lors de l’affaire des Poisons, la mort d’Henriette d’Angleterre. Elle lui adresse aussi des conseils pratiques et mondains, ainsi que des réflexions plus générales sur le temps, les événements produits pendant son l’absence du foyer familial, la destinée humaine. Mais ce n’est pas la finalité première de son œuvre. Les lettres se proposent, avant tout, de réduire la distance avec l’être aimé par l’évocation des souvenirs communs et par l’expression spontanée du sentiment d’amour maternel. Le style de ces lettres, enfin, adopte la tonalité de la conversation mondaine : naturelle autant qu’on pouvait l’être dans la fréquentation des salons, aux ressources de la rhétorique. Par leur inventivité, leur liberté de ton et leur originalité, les Lettres de la marquise de Sévigné constituent l’une des œuvres les plus marquantes du XVIIe siècle français. La première lettre adressée à sa fille date du 6 février 1671. Celle qui s’est mariée, l’a quittée deux jours plus tôt pour habiter avec son mari. La séparation a été, pour la marquise, un véritable déchirement, qui lui a donné l’occasion de rédiger une célèbre correspondance, ininterrompue, de 1671 à 1696, fait qui a décidé la carrière littéraire de Mme de Sévigné. Le texte de la première lettre (celle de la séparation) adressée à sa fille a le contenu suivant :

De Mme DE SÉVIGNÉ À Mme DE GRIGNAN. À Paris, vendredi 6 février 1671. « Ma douleur serait bien médiocre (1) si je pouvais vous la dépeindre; je ne l’entreprendrai pas aussi. J’ai beau chercher ma chère fille, je ne la trouve plus; et tous les pas qu’elle fait l’éloignent de moi. Je m’en allai donc à Sainte-Marie (2) toujours pleurant et toujours mourant: il me semblait qu’on m’arrachait le cœur et l’âme; et en effet, quelle rude séparation! Je demandai la liberté d’être seule; on me mena dans la chambre de madame du Housset, on me fit du feu; Agnès (3) me regardait sans me parler; c’était notre marché; j’y passai jusqu’à cinq heures sans cesser de sangloter; toutes mes pensées me faisaient mourir. J’écrivis à M. de Grignan, vous pouvez penser sur quel ton; j’allai ensuite chez madame de la Fayette, qui redoubla mes douleurs par l’intérêt qu’elle y prit: elle était seule, et malade et triste de la mort d’une sœur religieuse, elle était comme je la pouvais désirer. M. de la Rochefoucauld y vint; on ne parla Varia 257

que de vous, de la raison que j’avais d’être touchée, et du dessein de parler comme il faut à Merlusine (4). Je vous réponds qu’elle sera bien relancée. D’Hacqueville vous rendra un bon compte de cette affaire. Je revins enfin à huit heures de chez madame de la Fayette; mais en entrant ici, bon Dieu! comprenez-vous bien ce que je sentis en montant ce degré? Cette chambre où j’entrais toujours, hélas! j’en trouvai les portes ouvertes; mais je vis tout démeublé, tout dérangé, et votre pauvre petite fille (5) qui me représentait la mienne. Comprenez-vous bien tout ce que je souffris? Les réveils de la nuit ont été noirs, et le matin je n’étais point avancée d’un pas pour le repos de mon esprit. L’après-dînée se passa avec madame de la Troche à l’Arsenal. Le soir, je reçus votre lettre, qui me remit dans les premiers transports; et ce soir j’achèverai celle-ci chez M. de Coulanges, où j’apprendrai des nouvelles: car, pour moi, voilà ce que je sais, avec les douleurs de tous ceux que vous avez laissés ici ; toute ma lettre serait pleine de compliments (6), si je voulais. » (1) moyenne, ordinaire; (2) Couvent de la Visitation (où avait été élevée un temps Françoise- Marguerite); (3) une religieuse qui connaissait la comtesse; (4) Merlusine Sobriquet le nom d’une méchante fée célèbre, donnée à une « amie » qui avait médit de Mme de Grignan; (5) restée à Paris avec sa grand-mère; (6) les regrets exprimés par les amis à l’occasion du départ de la comtesse. [Mitterrand, 1987 : 351]

Le texte de la lettre est sensible, touchant et comprend des mots appartenant aux champs lexicaux de la douleur, de la tristesse, de la solitude, avec une visée pathétique : « Ma douleur serait bien médiocre si je pouvais vous la dépeindre : je ne l’entreprendrai pas aussi. » [idem] La séparation est ressentie de manière aigue et la compagnie d’autrui ne sert à rien :

J’ai beau chercher ma chère fille, je ne la trouve plus […] Je m’en allai donc à Sainte-Marie toujours pleurant et toujours mourant: il me semblait qu’on m’arrachait le cœur et l’âme; et en effet, quelle rude séparation! Je demandai la liberté d’être seule; on me mena dans la chambre de madame du Housset, on me fit du feu; Agnès me regardait sans me parler; c’était notre marché; j’y passai jusqu’à cinq heures sans cesser de sangloter; toutes mes pensées me faisaient mourir. [idem]

L’autodépréciation et la peine exprimées représentent une stratégie suivie de l’épistolière et visent à susciter la pitié du destinataire : « Comprenez-vous bien tout ce que je souffris ? Les réveils de la nuit 258 Communication interculturelle et littérature

ont été noirs, et le matin je n’étais point avancée d’un pas pour le repos de mon esprit. » [idem] Atteinte au vif d’elle-même, la mère passionnée se jette dans la retraite de la solitude, use de tous les subterfuges (visites aux amis communs, aux lieux fréquentés ensemble) pour maintenir la présence de l’être aimé et découvre surtout en l’écriture une nécessité vitale, le moyen de « se consoler » et de rester reliée à l’autre, par la lettre. La Sévigné « de tout le monde » (selon l’affirmation de Proust) s’abandonne au plaisir de faire des récits détaillés consacrés aux confidences. Les symboles divers et les procédés de mise en œuvre s’attachent à la jouissance esthétique et au gout mondain. Les Lettres sont, en fait, le miroir de l’âme de l’épistolière ; elles dévoilent les facettes de sa personnalité. La joie de vivre, chez Mme de Sévigné, engendre une permanente disponibilité à toutes les choses de la vie, même à la séparation d’un être cher. Une autre lettre, extrêmement touchante, a le texte suivant :

À MADAME DE GRIGNAN À Montélimar, jeudi 5 octobre 1673 « Voici un terrible jour, ma chère fille; je vous avoue que je n’en puis plus. Je vous ai quittée dans un état qui augmente ma douleur. Je songe à tous les pas que vous faites et à tous ceux que je fais, et combien il s’en faut qu’en marchant toujours de cette sorte, nous puissions jamais nous rencontrer. Mon cœur est en repos quand il est auprès de vous : c’est son état naturel, et le seul qui peut lui plaire. Ce qui s’est passé ce matin me donne une douleur sensible, et me fait un déchirement dont votre philosophie sait les raisons : je les ai senties et les sentirai longtemps. J’ai le cœur et l’imagination tout remplis de vous; je n’y puis penser sans pleurer, et j’y pense toujours: de sorte que l’état où je suis n’est pas une chose soutenable ; comme il est extrême, j’espère qu’il ne durera pas dans cette violence. Je vous cherche toujours, et je trouve que tout me manque, parce que vous me manquez. Mes yeux qui vous ont tant rencontrée depuis quatorze mois ne vous trouvent plus. Le temps agréable qui est passé rend celui-ci douloureux, jusqu’à ce que j’y sois un peu accoutumée ; mais ce ne sera jamais assez pour ne pas souhaiter ardemment de vous revoir et de vous embrasser. Je ne dois pas espérer mieux de l’avenir que du passé. Je sais ce que votre absence m’a fait souffrir ; je serai encore plus à plaindre, parce que je me suis fait imprudemment une habitude nécessaire de vous voir. Il me semble que je ne vous ai point assez embrassée en partant: qu’avais-je à ménager ? Je ne vous ai point assez dit combien je suis contente de votre tendresse ; je ne vous ai point assez recommandée à M. de Grignan ; je ne l’ai point assez Varia 259

remercié de toutes ses politesses et de toute l’amitié qu’il a pour moi ; j’en attendrai les effets sur tous les chapitres : il y en a ou il a plus d’intérêt que moi, quoique j’en sois plus touchée que lui. Je suis déjà dévorée de curiosité ; je n’espère plus de consolation que de vos lettres, qui me feront encore bien soupirer. En un mot, ma fille, je ne vis que pour vous. Dieu me fasse la grâce de l’aimer quelque jour comme je vous aime. Je songe aux pichons (1), je suis toute pétrie de Grignan ; je tiens partout (2). Jamais un voyage n’a été si triste que le nôtre ; nous ne disons pas un mot. Adieu, ma chère enfant, aimez-moi toujours : hélas ! nous revoilà dans les lettres. Assurez Monsieur l’Archevêque de mon respect très tendre, et embrassez le Coadjuteur (3) ; je vous recommande à lui. Nous avons encore dîné à vos dépens. Voilà M. de Saint-Geniez qui vient me consoler. Ma fille, plaignez-moi de vous avoir quittée. » (1) le frère du Comte de Grignan ; (2) Madame de Sévigné voyage en compagnie de deux abbés ; (3) en provençal, les petits enfants. [Sévigné, 1846 : 242-243].

Toute la lettre est parsemée de mots appartenant au champ lexical de la douleur, de la souffrance (en italique). Le texte est, en fait, le cri déchirant d’une mère qui se voit séparée de sa fille et qui ne peut pas continuer de vivre sa vie sans son petit être cher tout près d’elle. Le génie de Mme de Sévigné a rayonné sur tous ceux qui l’ont approché ou lui ont écrit. Elle n’a eu d’autre histoire que celle de son cœur et de son esprit. Elle s’est avérée être une vraie spectatrice d’événements importants de sa vie. Toute sa vocation, toute sa destinée a été celle d’être femme, mère, grande dame. En tant qu’écrivaine, elle a fourni entièrement et uniquement sa tâche féminine et toute son existence a été intime, mondaine aussi, mais jamais officielle. En tant que femme, Mme de Sévigné a exprimé, dans ses lettres, les craintes du cœur et les alternatives de joie et de tristesse. Prise entre ses amis, elle savait être piquante, mais sans être méchante. Dans ses lettres, comme dans sa conversation, elle lançait le mot spirituel, amer et rancunier. Dans le monde, elle a été remarquée pour sa beauté et pour son charme. En tant que mère, Mme de Sévigné s’est dédiée à la vie de famille et, surtout, à sa fille, Mme de Grignan. Dans ses lettres, elle reconnaît d’avoir vécu pour sa fille. Ses dernières lettres sont remplies d’inquiétudes provoquées par la mauvaise santé de Mme de Grignan. La mère persiste à s’oublier pour ne songer qu’à la guérison de cette personne-là qui lui était si chère. Et cet amour a été sa vraie vie. 260 Communication interculturelle et littérature

Certes, Mme de Sévigné a connu d’autres sentiments. Elle aimait le monde et les livres, elle aimait ses amis, son mari, son fils. Mais pour sa fille, elle a été une mère unique. Sans priver son fils, elle a avantagé sa fille de tous les côtés, en tendresse, en dévouement et en argent. Une vraie passion maternelle, trop idolâtre et souffrante, qui a fait d’elle-même une victime. L’excès de son amour a donné, en fait, son génie, qui lui a dicté les pages les plus simples et les plus sublimes de ses lettres à travers lesquelles Mme de Sévigné a donné l’histoire du cœur maternel. Mme de Sévigné a été un témoin, un vrai peintre de son siècle et non pas un juge. Un des échos les plus vivants de son temps, les plus directs et les plus authentiques. Elle n’a rien transformé, mais elle a transmis, car elle a offert l’information sincèrement et de manière fidèle. Mme de Sévigné a été une femme titrée, du grand monde, du grand siècle. Elle n’a pas devancé son temps, mais elle l’a raconté. L’écrivaine appartenait à une époque, à une société, à une famille. Elle a su peindre les gens et aussi les choses. Sa correspondance est comme un miroir exacte et limpide, tantôt amusé par les divertissements, les ballets, les sourires de la cour, tantôt assombri par la souffrance, les morts, les deuils, les cérémonies funèbres. Elle a inauguré, dans la littérature, « la critique impressionniste » et a été une intuitive de génie. Dans ses lettres, elle a exprimé directement ses réflexions morales, ses convictions religieuses. En même temps, elle a fait de la critique sans le savoir et elle a fait aussi de la philosophie et même de la théologie sans le vouloir. Mme de Sévigné a eu une imagination sensible et verbale. Son génie se reconnaît dès la lecture de ses lettres. « Elle fait une lettre à peu près comme La Fontaine fait une fable. » [Petit de Julleville, 1898 : 639] Dès ses premières lettres jusqu’à ses dernières, elle était en veine, en beauté, en état de séduction. Le naturel est la plus saillante qualité de son style. Elle évitait le rare, le singulier, elle tenait à la politesse, à la civilité. Dans ses œuvres épistolaires, l’éclat de la vie et le mouvement captivent et fascinent. L’écrivaine imaginait des formes sensibles et inventait aussi des formes verbales. Le style était, chez elle, une création perpétuelle de mots. En somme, Mme de Sévigné a été une personne distinguée, qui savait écrire, narrer, peindre, juger, penser, pleurer, crier sa souffrance d’avoir perdu un être cher : sa jeune fille. Varia 261

Références bibliographiques

*** Lettres de Mme de Sévigné précédées d’une notice sur sa vie et du traité sur le style épistolaire de Madame de Sévigné par M. Suard, Librairie de Firmin Didot Frères, Paris, 1846. Madame de Sévigné, Lettres choisies, 1648-1696, Edition de Sainte-Beuve, publiée par Garnier Frères, 1923. *** Histoire de la langue et de la littérature française, des origines à 1900, sous la direction de Louis Petit de Julleville, tome V, Armand Colin, Paris, 1898. Puzin, Claude, Littérature textes et documents, XVIIe siècle, coll. Henri Mitterand, Ed. Nathan, Paris, 1987.

262 Communication interculturelle et littérature

Exil şi literatură în manualele alternative de liceu

Marian Antofi

Abstract: Publishing alternative textbooks represents a very important stage in reshaping the Romanian didactic canon from the point of view of rethinking the recent past, the new literature and of reevaluating the creative generations which try to define their own poetics, especially on exile literature. The re-reading process of exile literature now points to an aesthetically-rooted, lucid, objective critical analysis, asking for its authors’ value rehabilitation and re-organization. Our study analyses the contemporary critical perspectives on the didactic canon and on the high school alternative textbooks’ efficiency in honestly promoting the Romanian literature of exile. Keywords: didactic canon, literature of exile, canonical re-shape, aesthetic value.

Problema canonului şi impactul discuţiilor, dezbaterilor şi polemicilor care s-au purtat şi încă se poartă în jurul acesteia asupra manualelor alternative de liceu şi asupra procesului instructiv-educativ de la nivel liceal poartă o miză deosebit de importantă. Necesitatea introducerii literaturii exilului românesc în sistemul estetic de valori incumbă o serie de probleme de reorganizare canonică şi de evaluare onestă a operelor în discuţie. Acestui proces delicat i se adaugă chestiunea revizuirilor, pe care au adus-o în discuţie, mai agresiv sau mai echilibrat, unii dintre criticii importanţi ai actualităţii noastre literare. Normativele est-etice par să oblige la a rescrie pagini întregi ale canonului litera românesc, inclusiv în varianta sa didactică. Faptul este de natură să aducă grave prejudicii receptării corecte a operei unor scriitori de reprezentativitate maximă, pentru cultura română. În acest context, propunem o schiţă de analiză a câtorva opinii importante, prin autoritatea numelor critice care le promovează, asupra acestor aspecte încă nenclarificate ale literaturii române actuale. Admiţând, împreună cu Elisabeta Lăsconi, ca posibilă definiţie a canonului faptul că acesta este „o construcţie culturală, de îndată ce Varia 263

şi-a găsit o alcătuire, începe, în cel mai fericit caz, fisurarea ei, dacă nu chiar dinamitarea, distrugerea, şi apoi refacerea. Trecerea timpului şi rezistenţa cărţilor sunt, probabil, actanţii cei mai duri în procesul canonizării şi al decanonizării.” [Lăsconi, 2009] De asemenea, crede autoarea, „Baza canonului, centrul său de greutate îl reprezintă canonul şcolar. Şi el se construieşte continuu, dar cu alte reguli de joc. Cele trei paliere ale sistemului şcolar preuniversitar, de la ciclul primar la cel gimnazial sau liceal familiarizează treptat pe copil şi adolescent cu opere ale autorilor canonici. Sunt mai curând tatonări, prin puţinele fragmente accesibile la o asemenea vârstă. Operele autorilor canonici au aici o concurenţă serioasă din partea unor autori minor.” [Ibidem] Scriitorii români exilaţi, acum parte a diasporei, alcătuiau un fel de canon in absentia ori canon interzis care se cuvenea cuprins, după 1990, în ierarhia integrală a literaturii. Şi care, totodată, trebuia acomodat necesităţilor de ordin metodologico-didactic specifice manualelor de liceu. În aceeaşi ordine de idei, într-unul dintre editorialele din România literară, Nicolae Manolescu anticipa evoluţia lucrurilor şi aprecia diversitatea selecţiei operate de autorii manualelor alternative de liceu – „Cu excepţia unei liste de nume de scriitori canonici (nume care, oricum, nu puteau lipsi!), manualele aleg textele din toate epocile şi din foarte numeroşi autori. E o noutate importantă. De acum, şcoala este cea care va consacra autorii, în funcţie de cerere şi de ofertă. Era cu totul artificială listarea premergătoare, care, în comunism, mai era şi grevată ideologic, devenită, după 1989, un simplu reflex al vechilor deprinderi. Foarte probabil, în anii următori, canonul literar va suporta el însuşi o mare schimbare.” [Manolescu, 1999]. Pe de altă parte, Ovidiu Şimonca atacă o problemă reală a sistemului de învăţământ românesc, şi anume lipsa interesului pentru operele scriitorilor români şi, în general, inapetenţa pentru lectură a elevilor de liceu – „De ce nu se citeşte îndeajuns literatură română? Sînt cîteva motive; în primul rînd – şcoala. Manualele de literatură română de liceu se opresc la optzecişti, nimic despre boom-ul literar de după 2000, nici măcar o pagină informativă; tot în manuale, în prezentarea literaturii de după 1944 sînt mari goluri, lipsesc autori importanţi. Se fac la clasă autorii consideraţi canonici (Marin Preda, Marin Sorescu, Nichita Stănescu) şi cam atît.” [Şimonca, 2010] Vina ar fi, aşa cum rezultă din spusele criticului, aproape exclusiv a manualelor. Lucrurile sunt, însă, mult mai complicate. 264 Communication interculturelle et littérature

Defazarea dintre canonul didactic şi mişcarea formelor literare actuale justifică doar într-o anumită măsură starea deplorabilă de lucruri din multe licee româneşti. Mişcările în interiorul canonului didactic sunt, în mod firesc, mai lente, căci ele depind de o serie de factori – alţii decât criticii literari, între care ministerul de resort, competiţia de piaţă şi altele. Aşa încât criticul are dreptate din punct de vedere teoretic, însă pierde din vedere aspectele practice ale elaborării, editării şi difuzării manualelor alternative – „O defazare, în şcoală, este şi în recuperarea scriitorilor ce aparţin de aşa-numitul exil românesc – termen deja impropriu –, autori care trăiesc şi scriu în româneşte la Paris, Stockholm sau München. Generaţiile tinere ştiu prea puţine lucruri despre Paul Goma, Dumitru Ţepeneag, Bujor Nedelcovici, Matei Vişniec, despre Gabriela Melinescu, despre Gelu Ionescu, despre Dorin Tudoran, despre Herta Müller, despre Norman Manea; se ştie destul de puţin despre literatura scriitorilor basarabeni – publicaţi cu osîrdie în ultimii ani –, rămasă încă un tărîm de explorat la nivelul cititorului obişnuit (salutăm iniţiativa lui Vasile Ernu, sprijinită de ICR, care a organizat la Chişinău Zilele literaturii române).” [Şimonca, 2010]. Şi din nou are dreptate Ovidiu Şimonca atunci când corelează situaţia ingrată a literaturii române, din această perspectivă, cu lipsa de interes a instituţiilor culturale abilitate faţă de promovarea scriitorilor actuali reprezentativi – „Nu e iarăşi aiuritor ca să avem, în doi ani consecutivi, la Tîrgul de Carte de la Budapesta, volume foarte bine primite: în 2009 – Venea din timpul diez de Bogdan Suceavă, în 2010 – Dimineaţă pierdută de Gabriela Adameşteanu, considerată cartea lunii aprilie la Budapesta, iar la noi, cu excepţia presei culturale, şi nici aceea în întregime, această ştire să nu apară la jurnalele televizate? Aţi văzut la vreun jurnal TV generalist ştirea că Filip Florian a fost publicat în Statele Unite? În talk-show-urile televizate, de ce nu sînt invitaţi scriitori, aşa cum se face în ţările occidentale?” [Şimonca, 2010]. În fine, se adaugă problema terminologiei utilizate de către critica de specialitate atunci când se simte obligată să discute delicata şi controversata chestiune a revizuirilor. Lansată de timpuriu, dezbaterea pe această temă a cunoscut diferite momente şi am ales să aducem, pe scurt, în discuţie unul dintre acestea. În 2003, la Clubul Prometheus, în cadrul întâlnirilor „României literare”, se comentează ori se propun termeni care să acopere demersul revizuirilor canonice. Întâlnirea este descrisă de Ion Simuţ. [Simuţ, 2003]. Varia 265

Sub denumirea maliţios-ironică de sorginte caragialiană – „Un nou episod din serialul Întâlnirile „României literare”. Titlul episodului: Revizuirile în literatură. Subtitlul: Să se revizuiască, primesc!... Dar să nu se schimbe nimica. (Farfuridi)”, Ion Simuţ propune, cel dintâi, un plan al discuţiei. „După opinia sa, important este cine face revizuirile. Revizuirile contează – precizează criticul de la Familia – numai dacă au un caracter sistematic şi consecvent.” [Simuţ, 2003]. La rândul său, Mircea Martin „consideră o problemă depăşită conflictul dintre generaţiile ’60 şi ’80. Vrea să se renunţe la termenul de revizuire, rămas de pe vremea lui E. Lovinescu. Termenul este patetic şi lasă să se subînţeleagă că operaţia respectivă ar constitui o dramă sau că autorii supuşi ei ar fi culpabili. Propune un nou termen, în spiritul vremii noastre, revizitare.” [Simuţ, 2003]. Iar Al. Cistelecan „propune un alt treilea termen: reexaminare. După opinia sa, revizuirea, revizitarea ţin de o normalitate a vieţii literare. Dar când este vorba de perioada postbelică, pînă în 1989, i se pare mai potrivit să se opteze pentru reexaminarea ei, în sens universitar.” [Simuţ, 2003]. După o scurtă expunere a opiniilor şi a luărilor de poziţie, Ion Simuţ îşi exprimă încrederea în bunul mers al lucrurilor şi în dirijarea corectă a receptării avizate ori mai puţinn avizate prin intermediul unor instrumente de evaluare, validare şi promovare de tip sintetic. În termenii criticului, în ultima vreme „au început să apară sintezele critice de istorie literară, singurele răspunsuri care contează cu adevărat dincolo de conjuncturi. A apărut chiar în 2000 a doua ediţie a unei istorii complete a literaturii române semnată de Dumitru Micu, este în curs de finalizare sinteza similară a lui Ion Rotaru, a apărut primul volum al lui Eugen Negrici dintr-o istorie a literaturii române contemporane, partea care ne interesează cel mai mult din punctul de vedere al revizuirilor, este aşteptată sinteza lui Alex. Ştefănescu, cunoscută fragmentar prin secvenţele de lecturi noi, s-a încheiat, cu al patrulea volum, Dicţionarul scriitorilor români şi vor mai urma cu siguranţă alte realizări de acest fel, fără de care discuţiile plutesc în necunoscut.” [Simuţ, 2003]. Sunt, acestea, cărţi esenţiale pentru canonul didactic şi pârghii de manevrare onestă a receptării literaturii exilului românesc. Departe de a se fi limpezit, şi cu atât mai puţin de a se fi încheiat, dezbaterile se vor desfăşura în continuare, cu mai multă sau mai puţină dăruire polemică şi, sperăm, într-un mod care să se dovedească 266 Communication interculturelle et littérature

pe de-a-ntregul util literaturii române, cu precădere aceleia din exil/diasporă, pecum şi procesului instructiv-educativ de nivel liceal.

Bibliografie

Lăsconi, Elisabeta, „Reflecţii despre canon”, în Viaţa românească, nr. 3- 4/2009, disponibil la adresa http://www.viataromaneasca.eu/arhiva/ 58_viata-romaneasca-3-4-2009/34_ancheta/284_reflectii-despre- canon.html - accesat la data de 10.07.2014 Manolescu, Nicolae, „Noile programe şi manuale de liceu”, în România literară, nr. 38/1999, disponibil la adresa http://www.romlit.ro/noile_ programe_si_manuale_de_liceu - accesat la data de 10.07.2014 Simuţ, Ion, Întâlnirile "României literare": Să se revizuiască, primesc!... de - --, în „România literară”, nr. 6/2003, disponibil la adresa http://www.rom lit.ro/s_se_revizuiasc_primesc.. - accesată la data de 10.07.2014 Şimonca, Ovidiu, „Literatura română şi criza”, în Observator cultural, nr. 526/2010, disponibil la adresa http://www.observatorcultural.ro/ Literatura-romana-si-criza*articleID_23734-articles_details.html – accesat la data de 10.07.2014

Varia 267

Site-ing the Translator

Alexandru Praisler

Résumé : En tant que partie du mécanisme de la société contemporaine, le traducteur est rarement ’visible’ dans le sens de la théorie formulée par Lawrence Venuti. Les traductions spécialisées, à fonction utilitaire, telles que les traductions destinées à soutenir l’activité des institutions publiques, doivent faire preuve de ’fluence’, ’transparence’, ’invisibilité’, ’appropriation de l’altérité culturelle’. Formes de réécriture minimale adaptées à la nouvelle ère digitale, les traductions spécialisées cherchent éminemment à susciter des réactions et à établir des relations, elles obligent donc leurs auteurs à respecter les règles de grammaire, de registre et de style, les normes d’édition et de formatage du texte, mais surtout à connaître la pratique sociale spécifique de la culture de l’autrui et du contexte mondial contemporain. L’article se propose de rendre visible la traduction comme processus et produit, ainsi que le traducteur qui se trouve au-delà du texte électronique; l’étude de cas est celui d’un texte informatif publié sur le site de l’Inspectorat de Police du Département de Galaţi. Mots-clés : communication, traduction, communauté internationale, web site, institutions publiques.

1. Introductory lines

Within the frame of contemporary global communication, translation plays an increasingly important role. Whether culturally propelled, socially oriented or economically determined, translation is an omnipresent element of everyday encounters between/ among nations, societies, institutions and individuals. In the age of the new media and of the urgency of action and reaction, translation has undergone modifications in theory, practice, method, agency, form and content, adapting itself to the requirements of the present day. This adaptation is on the way especially in minority language speaking communities, yet the speed with which it is implemented implies that, for the time being, linguistic support is far from being readily available. Illustrative in this respect is the particular case of local public bodies participating in international relations, which 268 Communication interculturelle et littérature

address people mainly via the internet, their websites sometimes advertising translation services intended to facilitate situational communicative events and usually featuring informative translated texts. In theory, the latter – with a primarily utilitarian function – are symptomatic for translations which ’suffer’, as Lawrence Venuti might put it, from “fluency”, “transparency”, “domestication” and of rendering the translator “invisible”1. In practice, however, they fall under the influence of the series of factors which operate to the benefit of immediacy, practicality and economy – central to all communicative endeavours today – and which are detrimental to the prerequisites and conventions expected by a wider, more diverse and more demanding discourse community. Recurrent in this sense seem to be the following: collaboration with unqualified personnel, use of machine translation software, lack of cross-cultural awareness, inertia in preserving older formats/ forms regardless of the changes having emerged in society, language, culture. Under the circumstances, the end products serve their basic purpose, that of advancing the gist of the message to be carried across, but suffer from partial inappropriateness in both editing and language use.

2. Case study

For commentary on and analysis of the viability of a translation and the negotiation of meaning, the focus here is on the website of the Galati Inspectorate of Police2, which displays most of the relevant information, including that of particular interest to foreign citizens, in Romanian. A text in English accessible on and downloadable from the respective website may be found under Informaţii publice [Public Information], if one wishes to learn more about Protecţia datelor cu caracter personal [Protection of Personal Data]. From the nine links made available, if one selects Drepturi ale cetăţenilor străini [Rights of Foreign Citizens]3, one will find it inserted as a word document, Protection of Personal Data – Right of Access, preceded by an introductory text in Romanian, Drepturi ale cetăţenilor străini în ceea ce priveşte protecţia datelor [Rights of foreign citizens regarding data protection], which makes reference to and quotes from Articles 18 and 26 of the Romanian Constitution and Law no. 677/ 2001, on the Varia 269

protection of citizens with regard to the processing of personal data and to the free circulation of this data. In what follows, we are proposing another version to this translation, adding comments and suggesting possible solutions to improve the practice in the field.

2.1. Textual intervention

Available Version Proposed Version

PERSONAL DATA LETTER OF REQUEST PROTECTION REGARDING THE PROTECTION REQUEST FOR EXERCISING OF PERSONAL DATA THE ACCESS RIGHTS

To, To: The General Inspectorate of the THE GENERAL Romanian Police INSPECTORATE OF ROMANIAN POLICE Str. Mihai-Vodă nr. 4-6, Sector 5, Mihai-Voda Street, no. 4-6, district Bucureşti 5, Bucharest I, the undersigned (name and I, the undersigned (name and surname) surename) ……...... with ……...... domicile /residence ...... , in...... str. resident in ...... (country), ...... no...... bl...... …………… (city/ town/ village), .....ap.....,county/district...... ………… (state/ county/ district), identification ...... Street no...... , national number...... identification number: telephone no...... e- ...... , telephone mail address (optional), number: ...... , e-mail ...... , pursuant to address (optional): art. 13 from Law no. 677/2001 for ...... , request that I individuals’ protection from should be informed if my personal processing personal data and the data, including those in the free circulation of these data and Schengen Information System, have art. 62 from Law no. 141/2010 for been processed by your institution, establishment, organisation and pursuant to Art. 13 of Law no. 677/ function of the National 2001 on the protection of citizens Information System of Alerts and with regard to the processing of 270 Communication interculturelle et littérature

Available Version Proposed Version

Romania`s participation in the personal data and to the free Schengen Information System, circulation of this data and to Art. request to inform me if mypersonal 62 of Law no. 141/ 2010 on the data have been processed by your establishment, organisation and institution, including personal data functioning of the National from Schengen Information Information System of Alerts and on System. Romania’s participation in the Schengen Information System.

Considering the above, I request to Please take the legal measures in take the legal measures in order to order for me to receive the requested receive the requested information, information, in keeping with Law pursuant to Law no. 677/2001 and no. 677/ 2001 and Law no. 141/ Law no. 141/2010. 2010. (optional) I request that the measures taken for solving this (optional) I request that the petition shall not be made public. measures taken for solving this (optional) The petition is submitted petition shall not be made public. by a reprezentative (its (optional) The petition is submitted identification data are by a representative (identification mentioned)...... data: ...... (optional) I request that the ...... ) information shall be communicated (optional) I request that the at the following information shall be communicated address:...... to me at the following address: ...... DATE DATE

SIGNATURE SIGNATURE

2.2. Comments on the intervention

- The title of the document is ambiguous, in the sense that it seems to be asking that access rights to personal data should be granted, instead of asking for information on whether someone else is accessing those data. To disambiguate, for exercising the access rights has been replaced with the protection of personal data. Moreover, the Varia 271

preposition for, which implies purpose, was considered inadequate; regarding was the preferred alternative. - To, was replaced by To:, with a colon, the comma not being necessary. - In the denomination of the addressee, the definite article, the, was inserted so as to particularise and singularise the national public institution. - The address, traditionally for the use of the postal services/ the postman, was translated back into Romanian, as is customary. - The first section of paragraph one, to be filled in by the applicant, was changed to include explicitations between brackets, at the end of the dotted lines, in keeping with word order in English. - surename was corrected as surname. - Commas were added following each entry. - Spaces were inserted only after punctuation marks: city/ town/ village. - The address (outside the Romanian territory) was given in keeping with the English norms. - with domicile /residence (an instance of calque) was replaced by resident in, thus also avoiding the formatting error. - Explicitation was used for the various types of places of residence: state/ county/ district. - Word order dictated the choice of ...... Street no...... , instead of the initial str...... no...... - national was added to identification number, to disambiguate it from personal identification number. - The abbreviation in telephone no. was replaced by number, which also occurs in the previous syntagm. - Colons were used after national identification number, telephone number and e-mail address (optional), in keeping with logic and supporting word order. - The second section of paragraph one presupposed a number of interventions also. - Changes in sentence structure were operated, with the actual request brought forth, followed by the reference to the respective legislation. - The request was reformulated as that I should be informed if my personal data, including those in the Schengen Information System, have been processed by your institution. The modifications envisaged 272 Communication interculturelle et littérature

disambiguation of agent (the passive voice replaced the active voice), correct spacing and syntactic subordination. - Art. 13 of Law no. 677/ 2001 replaced art. 13 from Law no. 677/2001; a capital letter was used for the article in question; the preposition from (dynamic) was deleted and the preposition of (expressing belonging) was inserted; a space was used to separate the number from the year. - The denomination of the law mentioned above was changed from for individuals’ protection from processing personal data and the free circulation of these data to on the protection of citizens with regard to the processing of personal data and to the free circulation of this data for obvious reasons: the preposition for does not point to content, but to purpose, so on was used instead; the synthetic genitive is not customary in official, highly formal documents; the preposition from plus the -ing form was not enough to emphasise the agent; the preposition to was inserted after the conjunction and to clarify the coordination and the overall meaning. - Similarly, the preposition to was inserted after the conjunction and preceding Art. 62 of Law no. 141/ 2010, where the same modifications were made as in the case of the reference to the previous law. - function was replaced by functioning, since the reference is to a process, not to a quality. - The preposition on was inserted after the conjunction and in the denomination of Law no. 141/ 2010, for reasons mentioned previously. - The beginning of paragraph two was changed from Considering the above, I request to take the legal measures in order to receive to Please take the legal measures in order for me to receive, as an element of politeness is necessary, as ’the above’ does not function as an adverbial of manner, and as the agent needs clarification (Who takes measures? The applicant or the addressee?). - pursuant to was replaced by in keeping with, to avoid repetition. - The interventions to the optional entries were: reprezentative was corrected as representative; its and are mentioned were deleted from its identification data are mentioned, the former because it is incorrect, the latter because it is superfluous; to me was added in the last sentence to clarify the recipient.

Varia 273

3. Final remarks

Resulting from the attempt at conferring visibility to the translation as process and product, as well as to the translator beneath the electronic translated text, was the fact that the human element is increasingly back-grounded. Machine-assisted productions of translations, as seems to be the case of the sampled text, may serve communicational and societal goals, but only if used to facilitate the initial stages of the whole process and the transmission of the end product. Indeed, “today’s translation competence includes the proficient use of technology” [O’Hagan and Ashworth, 2002: 155]. Nevertheless, computer literacy is not enough. As the study shows, there are still numerous issues to be addressed and problems to be solved in as far as specialised translations circulated via the internet are concerned. Forms of minimal rewriting, they need to be appropriately adapted to the demands of the new digital era. Primarily intended to generate reactions and establish relations, they should abide by the rules of grammar, register and style, observe editing and formatting norms, and, above everything else, be supported by knowledge of the social practice specific both to the culture of the other and to the contemporary global information society. Possible solutions might be to resort to the services of professional translators with solid training in intercultural mediation and computer literacy, or to partnership schemes with higher education institutions which offer study programmes and carry out research in translation and interpretation.

Acknowledgement: The present paper is part of on-going postdoctoral research within the 159/1.5/S/138963 SOPHRD Project “Sustainable Performance in Doctoral and Postdoctoral Research” (PERFORM).

References and Bibliography

O’Hagan, Michael; David Ashworth, Translation-mediated Communication in a Digital World. Facing the Challenges of Globalization and Localization, Cromwell Press Ltd, Clevedon, 2002. Venuti, Lawrence, The Translator’s Invisibility: A History of Translation, Routledge, London, 1995. http://gl.politiaromana.ro/ [12 August 2014] 274 Communication interculturelle et littérature

http://gl.politiaromana.ro/index.php?act=info_pub&id=1280 [12 August 2014]

Notes

1 Developed on by Lawrence Venuti, in The Translator’s Invisibility: A History of Translation, London, Routledge, 1995. 2 See http://gl.politiaromana.ro/. 3 See http://gl.politiaromana.ro/index.php?act=info_pub&id=1280.

Recenzii 275

Recenzii

276 Communication interculturelle et littérature

Laura Eveline Bădescu, Mentalităţi, retorică şi imaginar în secolul al XVIII-lea românesc. Cărţile de blestem, Editura Muzeului Naţional al Literaturii Române, Colecţia Aula Magna, Bucureşti, 2013, ISBN 978-973-167-124-6.

Simona Antofi

Parte a unei ample cercetări finanţate prin POS DRU, în cadrul proiectului Valorificarea identităţilor culturale în procesele globale – un proiect prioritar al cercetării academice româneşti, volumul Laurei Evelin Bădescu, Mentalităţi, retorică şi imaginar în secolul al XVIII-lea românesc. Cărţile de blestem abordează o tematică aparte, complexă şi relativ greu accesibilă. Interesând atât pe cercetătorul de specialitate, cât şi pe cititorul preocupat de constituirea modelului cultural medieval în spaţiul princiar-ecleziastic-folcloric al scrisului românesc, cartea Laurei Bădescu se naşte dintr-o pasiune şi o determinare deosebite, rare în raport cu o problematică ce necesită nu doar lecturi extrem de specializate, ci şi stagii de documentare în arhive şi biblioteci. Descoperind o zonă a scrisului şi a culturii încă necartografiate cum se cuvine şi neinterpretate, dar care jalonează în mod firesc parcursul istoriei ideilor şi a mentalităţilor pe teritoriul românesc, perspectiva interdisciplinară pe care autoarea şi-o asumă identifică limpede miza demersului şi eşafodajul demonstrativ: „elemente ale Recenzii 277

unui angrenaj social normativ, instituţionalizat, cărţile de blestem reflectă la nivel conceptual legitimitatea acţiunilor autoritare. Statutul juridic pe care l-au deţinut atât în cadrul instanţelor bisericeşti, cât şi în cadrul celor domneşti (civile), le indică drept etalon al unui tipar de gândire, de exprimare, de interpretare şi de presiune aflat într-o permanentă relaţie de tip instrumental cu socialul.” (p. 7) Urmărind deopotrivă actul de producere şi implicaţiile directe ale cărţilor de blestem, în corelaţie cu ceea ce autoarea numeşte literatură a principilor, respectiv literatură a cărturarilor sau a arhiereilor, cât şi actul de receptare, autoarea identifică fizionomia cititorului din veacul de mijloc şi, corelativ, gustul pentru un anume tip de lectură. (p. 7) Volumul se organizează pe patru componente mari, care urmăresc să ofere o perspectivă de ansamblu asupra secolului al XVIII-lea românesc, să elaboreze un istoric al maledicţiunii în sistemul juridic, de la primele atestări la maledicţia oficială şi la raportul dintre dreptul cutumiar şi cel scris şi să identifice principalele forme ale maledicţiei arhiereşti, pentru ca, într-un incitant ultim capitol, să analizeze con- cretizările imaginarului damnării. Aici, urmărind circulaţia maledicţiei arhiereşti în spaţiul textului folcloric şi al modelelor picturale, cer- cetarea arată cum „acest imaginar, proiectat într-un spaţiu al damnării şi într-un timp al memoriei contorsionat eshatologic şi liturgic, apare populat de figurile detestabile ale ucigaşilor biblici, nesocotitorilor lui Dumnezeu, trădătorilor şi ereticilor. Pedepsele derulate în termenii expierii culpabilului poartă amprenta insuportabilului manifestat în viaţă prin boli degradante, iar în moarte prin neputrezire, adică prin anularea odihnei şi a somnului veşnic.” (p. 143) Sprijinită de un aparat critic deosebit de bogat – referinţe, note explicative, o bibliografie ce reuneşte totalitatea surselor inedite (cărţi de blestem) din fondul Arhivelor Naţionale, şi o Crestomaţie cu exemple ilustrând cărţile de întăritură, cărţile de blestem şi cărţile de mărturie, cartea Laurei Eveline Bădescu completează o zonă albă a culturii române medievale şi oferă o perspectivă nouă, proaspătă, dintr-un unghi mai curând ignorat decât explorat corespunzător, asupra unei etape importante a vieţii culturale româneşti medievale.

278 Communication interculturelle et littérature

Le récit intime en tant que témoignage dans « Le pays de l’absence » de Christine Orban

Angelica Vâlcu

Christine Orban, née en 1954 à Casablanca au Maroc, a fait des études de droit, mais elle se tourne très vite vers sa véritable vocation, la littérature. Son premier roman, Les petites filles ne meurent jamais, paraît en 1986 et après, suivront L’Ame sœur, Fringues, Mélancolie du dimanche et dernièrement, Le Collectionneur (2010) et Le pays de l’absence, paru en 2011 aux Editions Albin Michel, Paris. Le roman Le pays de l’absence est dédié à la mère de la narratrice et dès les premières pages le lecteur se rend compte qu’il s’agit d’un roman, en grande partie, autobiographique. C’est un livre émouvant sur la relation d’une fille et de sa mère de 73 ans atteinte de ce que l’on suppose être la maladie d’Alzheimer, même si la maladie n’ est pas clairement citée qu’une seule fois durant tout ce roman. La mère est une très belle femme, élégante, autrefois championne de bridge, aimée et appréciée par les siens mais qui n’est plus elle-même depuis qu’elle vit au « pays de l’absence ».

Le livre est aussi l’occasion pour l’écrivaine de dresser le parallèle entre les rapports inversés qui s’instaurent, petit à petit la fille devient la mère de sa mère, l’aidant à s’habiller, lui parlant comme à une petite enfant etc.[ …]. Des pages pleines de tendresse, d’amour et de patience – car il Recenzii 279

en faut énormément – mais aussi d’agacement à devoir répéter sans cesse les mêmes choses simples, de honte un peu devant les autres, de tristesse bien sûr à voir un parent partir en lambeaux et perdre pied.1

Ce récit intime des relations mère-fille où les rôles s’inversent avec le temps, où chaque émotion plonge dans les souvenirs d’enfance, est un véritable roman témoignage qui explore avec des mots simples et appropriés « l’impuissance devant un être aimé qui sombre dans l’absence. »2 Christine Orban écrit comme un peintre miniaturiste cette histoire tragique d’une mère et de sa fille, d’un personnage et de son auteur :

Je voulais lui raconter mon arrivée dans la capitale, cette sensation d’être étrangère qui ne m’a jamais quittée depuis… Les malentendus, le jugement, les joies, les refuges, les pièges, ceux dans lesquels je tombe, les facilités. Est-ce trop tard ? Trop tard déjà ? La vie passe, la vie est passée. Maman est restée une enfant et moi je suis devenue cette adulte vacillante, sans socle, sans racines [Orban, 2011: 22].

Le pays de l’absence est une belle narration sensible et pleine de tendresse, celle d’une femme qui doit lutter avec la maladie d’Alzheimer de sa mère. Les accents de tendresse, d’humour et de désespoir alternent dans les pages de ce roman dont la beauté stylistique ne peut nous laisser indifférents. Nous allons citer ci-dessous les commentaires de certains lecteurs – journalistes de ce roman qui représente vraiment un morceau de vie vécue :

Avec sa compétence habituelle, Christine Orban aborde l’un des sujets les plus angoissants de la vie moderne: la vieillesse des proches. Plus précisément la maladie incurable d’une mère, sa lente décrépitude, ses angoisses diffuses devant ce qui lui arrive, ses effrois, ses bévues. Jean Soublin - Le Monde

Ce petit livre est bien écrit, avec la plume professionnelle, pointue d’une Christine Orban plus romancière que jamais, jonglant entre les formules nées du narratif fictionnel et l’émotion personnelle. (...) Le sujet de ce "Pays de l’absence" nous bouleverse au plus haut point. Gracianne Hastoy - www.critica.fr

De la grâce et de la lucidité dans l’écriture pour ce roman enlevé et tour à tour cruel et tendre. Pascal Pioppi - La Marne 280 Communication interculturelle et littérature

L’écriture de Christine Orban est réservée et sensible. Ce sont quelques pages pour raconter ce jour où les rôles s’inversent, et où l’on devient les parents de nos parents... - www.conseil-psy.fr

Christine Orban écrit avec douceur et légèreté, elle met à nu les joies et les blessures de sa relation maternelle. C’est écrit avec une grande profondeur, beauté de la stylistique et récit émaillé de belles citations qui pimentent ce texte fort. Un récit pudique et empreint d’une grande sensibilité. David Assolen - www.ecolesjuives.fr

Un roman poignant. (...)Les phrases sont souvent courtes, elles vont à l’essentiel, elles nous en jettent plein la tête. (...) Il y a de la tendresse dans les mots de l’auteure, pour un roman qui est aussi un témoignage. Sophie Hérisson - http://delivrer-des-livres.over-blog.com

Pour conclure, le roman Le pays de l’absence reste le reflet sincère d’une douleur qui réussit à ne pas tomber dans le pathos et à ne pas devenir bouleversante. Elégance et sensibilité sont les mots qui caractérisent l’écriture fluide de Christine Orban.

Notes

1 http://www.babelio.com/livres/Orban-Le-pays-de-labsence/225490 , adresse Internet consultée le 2 décembre 2013. 2 http://www.decitre.fr/livres/le-pays-de-l-absence-9782226218667.html, adresse Internet consultée le 2 décembre 2013. Date despre autori 281

Date despre autori

Simona ANTOFI est professeur à la Faculté des Lettres de l’Université „Dunărea de Jos” de Galaţi, au Département de Littérature, Linguistique et Journalisme. Elle a enseigné, de 1996 jusqu’à présent, des cours et des séminaires de littérature roumaine ancienne, pré-moderne et moderne (y compris l’époque des « Grands Classiques »), de culture et de civilisation roumaine et d’anthropologie culturelle. En 2003, elle a soutenu une thèse de doctorat sur le thème « Luceafărul » – une relecture, coordonnée par Monsieur le Professeur Dan Manuca, dans le cadre de l’École doctorale de l’Université « Al. I. Cuza » de Iassy, dans le domaine Philologie. Elle a publié environ 100 articles et travaux scientifiques dans des revues de spécialité de Roumanie et de l’étranger, et aussi dans les Actes des colloques nationaux et internationaux. Elle est l’auteur des études : « Luceafărul » - une relecture, Du discours poétique à la genèse de la littérature. Structures poétiques roumaines en diachronie, Critique et discours : récupérations et reconstitutions littéraires. Elle a coordonné quelques volumes collectifs publiés sous l’égide du Centre de recherche Communication interculturelle et littérature (Formes et territoires de la littérature et du discours critique contemporain. Glossaire et anthologie de textes, Stratégies et conventions littéraires. Récupérations critiques, Métamorphoses du roman roumain du XXème siècle, Frontières culturelles et littérature, Le Discours critique roumain actuel. Anthologie de textes. Études critiques). De 2008, elle est rédacteur en chef de la revue Communication interculturelle et littérature (B+), indexée dans les bases de données internationales MLA (Modern Language Association, New York) – MLA International Bibliography & Directory of Periodicals, Index Copernicus et Fabula. La recherche en littérature.

Marian ANTOFI est professeur de langue et littérature roumaine à l’École Gymnasiale no. 22 de Galaţi. Licencié en philologie et titulaire d’une maîtrise ès lettres à l’Université « Dunărea de Jos », il a participé, au cours des dernières années, à plusieurs conférences et colloques internationaux organisés sous l’égide du Centre de recherche Communication interculturelle et littérature de la Faculté des Lettres de Galaţi. Il est aussi l’auteur de plusieurs articles publiés dans la revue du Centre, Communication interculturelle et littérature. Ses articles et communications scientifiques portent notamment sur la littérature roumaine des XIXe et XXe siècles.

Alina Ioana BAKO est maître assistante à la Faculté des Lettres et Arts, Département d’Etudes Romanes de l’Université « Lucian Blaga » (Sibiu) et 282 Communication interculturelle et littérature

chercheur postdoctoral à l’Académie Roumaine. Membre du Centre pour des Recherches Philologiques et Interculturelles de Université « Lucian Blaga » de Sibiu, elle est docteur ès lettres avec une thèse intitulée Voies et voix de l’imaginaire onirique. Le groupe des poètes roumain, en cotutelle entre Université « Michel de Montaigne »Bordeaux et Université « 1 Decembrie 1918 » Alba Iulia. Des études de licence à la Faculté des Lettres et Arts, Roumain-Français, diplôme obtenu en 2003, Maitrise « Evolutions des formes poétiques », à la Faculté des Lettres et Arts, diplôme obtenu en 2004. Assistant Associé à l’Université « Lucian Blaga » de Sibiu de 2008 à 2012, professeur de langue roumaine de 2003 à 2006 dans plusieurs lycées. Dès 2006 membre du Centre de recherche sur l’imaginaire « Speculum », Alba Iulia, membre du CRI (Centre de recherche sur l’imaginaire) de Grenoble, rédacteur de la revue ASTRA – Sibiu, Assistant lingustique, Legta de Bergerac, France, 2004. Elle a publié deux volumes: La dynamique de l’imaginaire poétique : le groupe des poètes oniriques en 2012, qui a reçu le prix pour les Jeunes Ecrivains – USR Cluj et le prix pour le début dans la critique littéraire, USR – Sibiu. Elle a publié des articles et des essais dans des revues comme « Transylvania », « Cahiers critiques », « Saeculum ». Elle a participé à des séminaires et des conférences nationales et internationales: le séminaire „Ecritures de l’exil” (2007) à l’Université « Michel de Montaigne » Bordeaux III, la Conférence « Francophonies TransOceaniques », Montréal, (mai 2011), étant l’auteur de plusieurs communications présentées lors des réunions annuelles (2007, 2008, 2009, 2010, 2011, 2012, 2013) du Centre de recherche sur l’Imaginaire « Speculum » (Alba Iulia), publiées en volume ; traductions de et vers Français (« Constantin Noica et Sibiu », « Cahiers Equinoxe »). Elle a obtenu plusieurs bourses de recherche et de formation : la bourse du gouvernement français pour le doctorat en cotutelle des bourses d’ANPCDEF en Islande 2010, bourse 2011, Athènes, Agence Universitaire de la Francophonie, Montréal 2011.

Docteur en philologie, Valeriu BĂLTEANU est chargé de cours au Département de Littérature, Linguistique et Journalisme de la Faculté des Lettres de Galaţi. Ses travaux scientifiques portent sur le folklore littéraire et rituel roumain et, en particulier, sur la dynamique des structures mytho- symboliques repérables dans la littérature et les traditions populaires roumaines, mais aussi sur la terminologie magique populaire et sur les structures dialectales du même espace culturel. Il est l’auteur de onze livres dont trois dictionnaires (concernant la magie, la divination et la mythologie populaires roumaines) et de nombreux articles et communications scientifiques publiées dans les revues de la Faculté des Lettres de Galaţi.

Lucia-Luminiţa CIUCĂ is a PhD student in the first year of study at Doctoral School of Socio-Humanities, Faculty of Letters, “Dunărea de Jos” Date despre autori 283

University of Galaţi, where she is currently conducting research for a thesis on The Memoir/Travel Writing in the Nineteenth and Twentieth Centuries Romanian Literature. An Imagological and Narrative-Specular Approach. The research areas tackled in the scientific endeavour are: History of Romanian literature (19th and 20th centuries), Romanian discourse of criticism (19th and 20th centuries), Romanian culture and identity, Poetics and rhetoric of the biographic genre.

Ana-Elena COSTANDACHE est chargée de cours docteur au Département de Langue et Littérature françaises, Faculté des Lettres, Université „Dunărea de Jos” de Galati. Ses centres d’intérêt visent l’étude de la littérature française des XVIIe-XVIIIe siècles et du XXe siècle et les travaux dirigés en littérature française. Elle a soutenu sa thèse de doctorat en 2011, Interferenţe culturale în spaţiul românesc al secolului al XIX-lea până la apariţia spiritului critic junimist / Interférences culturelles dans l’espace roumain du XIXe siècle jusqu’à l’apparition de l’esprit critique de Junimea. Ses recherches comprennent de nombreux articles parus dans les actes des colloques nationaux et internationaux parmi lesquels Représentations de la féminité dans l’espace culturel francophone, colloque organisé en 2010 par le Centre de recherche Communication interculturelle et littérature. Parmi ses publications scientifiques, il faut rappeller: Forms and Techniques of Writing and Translating in the 19th century: Cultural and Linguistic Patterns, Promoteurs des traductionsen langue roumaine dans la première moitié du XIXe siècle, La femme et ses représentations dans les poèmes préromantiques roumains, La logique du langage dans les pièces d’Eugène Ionesco: “Jacques ou la soumission”, “L’Avenir est dans les œufs”, Romantisme européen et romantisme roumain au XIXe siècle.

Liliana DOSCALO GROSU est doctorante en IIème année à l’Ecole Doctorale des Sciences humaines et sociales de l’Université „Dunărea de Jos” de Galaţi. Elle effectue son activité de recherche sous la direction du Professeur dr. Simona Antofi. Le sujet de thèse est „La poésie de Grigore Vieru. Les structures discursives-textuelles et la construction du sens poétique”. Cette recherche vise à identifier, par l’étude des textes de Gr. Vieru, les sémiotiques actuelles sur la poésie / le discours poétique de l’auteur. Son activité de recherche s’est concrétisée dans l’élaboration d’un pré-test sur un échantillon restreint dans le but de production des données théoriques et empiriques sur le sujet de la thèse et aussi dans la participation aux conférences scientifiques et la publication des articles.

Mirela DRĂGOI est chargée de cours dans le cadre du Département de Langue et Littérature Françaises de la Faculté des Lettres de Galati. Elle fait partie du comité de rédaction de la revue Mélanges francophones et du centre de recherches Communication interculturelle et Littérature de l’Université « 284 Communication interculturelle et littérature

Dunărea de Jos ». Sa thèse de doctorat présente le parcours bio- bibliographique d’un écrivain roumain d’expression française, Constantin Virgil Gheorghiu (2008). Actuellement, ses recherches tournent autour des axes suivants: le texte lyrique – poétique et rhétorique; la littérature française (Moyen-Age, Renaissance, le XIXe siècle); narratologie; la littérature roumaine d’expression française ; la didactique du français langue étrangère. Ses publications les plus récentes : Le rôle des séries phraséologiques dans l’énonciation des principes pédagogiques rabelaisiens, in Lexic comun – Lexic specializat. Frazeologie. Stilistică. Traductologie, no 2 (6), 2011, Europlus, Galaţi, 2011, ISSN 1844-9476, pp. 102-107 ; La signification de l’appareil titulaire chez Virgil Gheorghiu, in Lexic comun – Lexic specializat. Limba română în timp şi spaţiu no 1-2 (9-10), Europlus, Galaţi, 2013, ISSN 1844-9476, pp. 228-238 ; Approches stratégiques dans la représentation de l’espace narratif chez Emile Zola, in Melanges francophones. Dialogues en francophonie, no 8, Galaţi University Press, 2013, ISSN 1843-8539, pp. 93-104.

Elena FILOTE (PANAIT) est doctorante en IIème année à l’École doctorale de Philologie de l’Université „Dunărea de Jos” de Galaţi. La recherche scientifique qu’elle entreprend pour élaborer sa thèse de doctorat vise l’analyse des stratégies discursives dans la prose féminine de l’entre- deux-guerres. Son activité s’est concrétisé jusqu’à ce moment par des participations aux cours doctoraux et à des conférences nationales et internationales organisées par l’Université de Galaţi.

Alice FROGER est doctorante en littératures françaises et comparées à l’université de Paris-IV La Sorbonne, au Centre International d’Études Francophones. Elle consacre actuellement ses travaux sur l’émancipation de la parole féminine dans l’œuvre de la romancière Taos Amrouche, sous la direction de Beïda Chikhi.

Oana Celia GHEORGHIU is M.A. in Translation and Interpretation Studies and PhD student in Philology – British and American Literature (“Dunărea de Jos” University of Galaţi). Her research area includes the interference of political and media discourse within twenty-first century fiction, as well as representations of the extreme alterity – terrorism in fiction, grounding her findings in New Historicism, Cultural Studies and Critical Discourse Analysis. Selected articles: “East of the Western Canon. Romanian Literature under British Eyes”, in Boldea, I. (ed.), Globalization and Intercultural Dialogue: Multidisciplinary Perspectives, Tîrgu-Mureş: Arhipelag XXI, 2014 (co-author with prof. Michaela Praisler); “Translating Political Discourse in Performance: David Hare’s Stuff Happens” in H. Hulban (ed.), Ethos, Iaşi: Institutul European, 2014; “Translating Feminist Discourse in Fay Weldon’s Big Women” in S. Stan and G. Colipcă (eds.), Translation Date despre autori 285

Studies. Retrospective and Prospective Views, issue 13/2012, Galaţi: GUP; “From Breaking News to Fiction: Iain Banks’s Dead Air”, in S. Stan and G. Colipcă (eds.), Translation Studies. Retrospective and Prospective Views, issue 16/2013, Galaţi: GUP (forthcoming).

Adela Cornelia IANCU (MATEI) is PhD student in Philology – British and American Literature (“Dunărea de Jos” University of Galaţi). Her research area includes deconstructing feminism in Fay Weldon’s fiction, as well as analyzing several aspects of Weldon’s female protagonists, such as their love lives, their acceptation or rejection of traditional gender roles or the social oppression of patriarchal society. Selected articles: "Deconstructing Female Friends" – Cultural Intertexts; "A Reflection of Experience and Autobiography in Fay Weldon’s Fiction" – Comunication Interculturalle et Literature; Galaţi: GUP (forthcoming). Papers presented at conferinces: "Deconstructing Female Friends" (CSSD-UDJ II 2014, Galaţi, May, 15-16 2014); "Feminine Figures in the Early and Late Feminist Stages of Fay Weldon’s Fiction" – Cultural Intertexts (sept 2014 - forthcoming).

Elena IANCU is a second year PhD student at „Dunărea de Jos” University of Galaţi, Faculty of Letters, Philology, Language and Literature, who’s interested in the study of Romanian Drama after the World War Two. Her research works, which were presented at The Annual PhD Student Symposium, at the conferences and workshops organized by the departement, are treating the theatre in its diversity (the theatre of the absurd, its present directions, the authors’ reflexions in the play etc.). Her recent documentations concerns the beginings of the dramatic formulas, but also the way in which those have evolved in the inter- and post-war period.

Laurenţiu ICHIM est docteur en philologie, avec une thèse sur l’œuvre de Ştefan Agopian. Après des études et des expériences de travail très diverses couvrant le domaine des lettres, mais aussi celui du droit et de l’administration, son intérêt s’est concentré notamment sur la recherche de l’univers de la littérature roumaine, au sujet de laquelle il a publié de nombreux articles.

Andreea IONESCU is an M.A. in British Cultural Studies and PhD student at the Doctoral School of Socio-Humanities, Faculty of Letters within “Dunărea de Jos” University of Galaţi. Her research interests involve the field of imagology, cultural studies and structuralism. Recently published work consists of Kazuo Ishiguro’s Early Prose. Preordained Names and Echoes of Japanese Identityin Globalization and intercultural dialogue: multidisciplinary perspectives (Editor: Iulian Boldea), Editura Arhipelag XXI, 2014. Articles pending publication include The Descent of the Japanese Patriarch in Cultural Intertexts, An 1 Nr. 1, 2014, Galaţi: GUP;Revealing 286 Communication interculturelle et littérature

Obscure Meanings in Kazuo Ishiguro’s Words and Images in Lexic comun/ Lexic specializat, Anul VII, Nr. 1 (11), 2014;Stereotypes of the Japanese Woman inTranslation Studies. Retrospective and Prospective Views, issue 16/2013, (Editors: S. Stan and G. Colipcă), Galaţi: GUP.

Violeta-Teodora IORGA (LUNGEANU) est doctorante en IIème année à l’École Doctorale de Sciences socio-humanistes, dans le cadre de l’Université „Dunărea de Jos” de Galaţi, développant son activité de recherche sous la direction du Professeur dr. Simona Antofi. Le titre de la thèse de doctorat est « Les métamorphoses de l’autofiction féminine dans la littérature roumaine actuelle », sa démarche se proposant d’identifier, par la recherche d’un corpus de textes appartenant à la littérature roumaine féminine actuelle, les modalités de rapporter ce type de littérature au moule discursif autofictionnel. L’activité de recherche déroulée jusqu’à présent s’est concrétisée tant dans la participation aux conférences et la publication des articles, que dans l’élaboration des bases de données à caractère théorique indispensables au thème de la recherche.

Isabela MERILĂ Senior Lecturer at the Department of English, Faculty of Letters, “Dunărea de Jos” University of Galaţi, Romania. She was awarded the doctor’s degree in British and American Literature in June 2008 at the “Alexandru Ioan Cuza” University of Iaşi. She currently teaches British Literature (contemporary and medieval), academic writing and critical approaches to literature. She is conducting research on constructing otherness in literature, and she has published a number of articles in the field, among which: “Constructing Identity and Otherness with(in) Salman Rushdie’s Solly Solanka – A Session of Psychoanalysis” (Bacău 2005); “Shifting Perspectives: Colonial Otherings in Rushdie’s Midnight’s Children” (Alba Iulia 2006); “To Mean a Multitude of Somethings” (Galaţi 2010); “Textually Constructing Identity and Otherness: Mediating the Romanian Hip-Hop Message” with Michaela Praisler (Oxford 2009). She was one of the main researchers in the FP6 International Project Societies and Lifestyles (2006- 2008) and she has been the organizer of the British Romanian Educational Exchange for the past 8 years.

Doiniţa MILEA est professeur à l’Université „Dunărea de Jos” de Galaţi. Elle est licenciée de la Faculté de Langue et littérature roumaines de l’Université de Bucarest, avec un doctorat à la même université. Spécialiste en littérature comparée, elle a publié plusieurs livres fondés sur une approche interdisciplinaire tels que : Le roman historique roumain, 2001, Formes de la fiction narrative, 2002, Éléments de poétique du récit, 2000, Confluences culturelles et configurations littéraires. Sur les métamorphoses de l’imaginaire dans l’espace littéraire, 2005, Espace culturel et formes littéraires au XXe siècle. Reconfigurations, 2006. Elle a coordonné et publié Date despre autori 287

aussi, en co-auteur, quelques volumes du Centre de recherche Communication interculturelle et littérature tels que : (Formes et territoires de la littérature et du discours critique contemporain. Glossaire et anthologie de textes, 2005, Stratégies et conventions littéraires. Récupérations critiques, 2005, Frontières culturelles et littérature, 2006, Le Discours critique roumain actuel. Anthologie de textes. Études critiques, 2008. Elle dirige des thèses de doctorat dans les domaines de la littérature roumaine, de la théorie littéraire, de la littérature comparée et des études culturelles.

Guy Aurélien NDA’AH est doctorant en stylistique française (Université de Yaoundé I - Cameroun). Ses recherches actuelles portent sur tranquillité dans une perspective postcoloniale dans la prose romanesque de Léonora Miano. Ses publications les plus récentes: « Résurgence de la Tragédie africaine de la Traite négrière dans la trilogie de Leonora Miano : une écriture prospective » in Actes du colloques La mémoire face à l’histoire : traces, effacements, réinscriptions, sous la dir.de Anne Le Guellec-Minel, Presses Universitaires de Rennes (à paraître octobre 2014); « Altérité ét résilience dans la prose romanesque de Léonora Miano » in L’esthétique de la résistance et de la relation dans les littératures africaine et antillaise sous la dir.de Owono Zambo et Édouard Christian DJOB-LI-KANA (à paraître fin décembre 2014).

Léa NYINGONE est doctorante en littérature générale et comparée à l’Université de Lorraine, (Nancy) et est rattachée au Laboratoire de recherche Littérature, imaginaire et sociétés (LIS EA 75). Ses recherches actuelles s’articulent autour de la problématique de l’interlangue et la radicalisation du discours féminin francophone. Ses publications en préparation portent sur Le corps nu et corps sacré dans les œuvres de Calixthe Beyala et de Nedjma, et Sens, création, recomposition et ré-invention du réel dans l’œuvre d’Aminata Sow Fall.

Alexandru PRAISLER works as a translator and international relations officer at “Dunărea de Jos” University of Galaţi, Romania. He has a doctorate in English – Translations Studies (title of doctoral thesis: Language, Power and Intercultural Communication. Translation Policies and the Politics of Translation), has published various scientific articles and specialised translations, and has participated in numerous conferences, seminars, workshops and professional training programmes. Currently, he is carrying out postdoctoral research within the 159/1.5/S/138963 SOPHRD Project “Sustainable Performance in Doctoral and Postdoctoral Research” – PERFORM (proposed title: A Study on the Linguistic Policies and Practices Regarding Translation and Interpretation Services Adopted by Public Institutions in Galaţi). 288 Communication interculturelle et littérature

Mihaela RUSU est doctorante en philologie (Université "Dunărea de Jos", Galaţi). Ses activités de recherche visent la création littéraire de Mircea Eliade, portant sur une lecture de type palimpseste de l’œuvre eliadesque, ciblé sur le roman “La forêt interdite". Ses études les plus récentes : « "La forêt interdite " – ou la transgression des frontières de la prose existentielle à la prose fantastique » in Globalization and Intercultural Dialogue. Multidisciplinarity Perspectives, Section: Literature (sous la dir. de Iulian Boldea), Târgu-Mureş, România, 2014; « Des mots signes dans la narration mythique de Mircea Eliade » (à paraître); « Les représentants de la génération des années ’30 – promoteurs de l’esthétique autenticiste » (à paraître); « Voix de l’exil roumain: Monica Lovinescu et Mircea Eliade » (à paraître) ; « La conscience du philosophe de la vie comme espace de l’imaginaire autenticiste » (à paraître).

Iryna SOBCHENKO est diplômée de l’Université nationale linguistique de Kyiv, Ukraine, où elle a travaillé en tant qu’assistante à la chaire de la littérature générale et comparée depuis 6 ans. Boursière de la Confédération Suisse, elle vient de passer un an à l’Université de Genève en travaillant sur le projet de recherche consacré à l’œuvre d’Agota Kristof, et elle va continuer ses études doctorales dans le cadre du programme d’EMJD Interzones. Ses recherches actuelles portent sur le potentiel transgressif de l’écriture minimaliste, l’écriture entre les langues, les politiques de l’écriture et des identités mineures. Iryna Sobchenko est aussi co-rédactrice et traductrice du magazine littéraire indépendant Prostory.

Angelica VALCU est maitre de conférences en linguistique française à l’Université « Dunărea de Jos » de Galaţi, Département de langue et littérature françaises. Ses travaux de recherches portent sur l’analyse du discours, l’analyse des interactions verbales, la didactique du FLE. Ces travaux ont donné lieu à quelques publications significatives : Types discursifs et textuels en français contemporain. Une approche pragmatique, Ed. GUP, 2011, Les interactions verbales. Théorie et fonctionnement, Ed. GUP, 2008, Éléments de pragmatique discursive et textuelle, Ed. „Ştefan Lupaşcu”, Iaşi, 2004, Funcţionarea discursului specializat, Ed. „Ştefan Lupaşcu”, Iaşi, 2003. Elle est l’auteure de plus de 40 articles publiés dans des revues de spécialité de Roumanie et de l’étranger. Date despre autori 289 290 Communication interculturelle et littérature

Bun de tipar: 2014 • Apărut: 2014 • Format 17 × 24,5 cm Iaşi, str. Grigore Ghica Vodă nr. 13 • cod 707027 Tel. Difuzare: 0788.319462 • Fax: 0232/230197 [email protected] • http://www.euroinst.ro