Les Changements Climatiques Du Paléolithique Supérieur
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ISSN: 0514-7336 LES CHANGEMENTS CLIMATIQUES DU PALÉOLITHIQUE SUPÉRIEUR. ENQUÊTE SUR LE RAPPORT ENTRE PALÉOCLIMATOLOGIE ET PRÉHISTOIRE Climatic changes during the Upper Palaeolithic. Inquiry on the Palaeoclimatology-Prehistory relationship Maria Fernanda SANCHEZ GOÑI Département de Géologie et Océanographie, URA CNRS 197, Université de Bordeaux I, Avenue des Facultés, 33405 Talence, France et Instituto de Ciencias de la Tierra «Jaume Aimera», CSIC, Lluís Solé i Sabarts s/n 08028 Barcelona, Espagne, email: [email protected] Fecha de aceptación de la versión definitiva: 5-11-97 BIBLID [0514-7336 (1996) 49; 3-36] ABSTRACT: This article discusses the contribution of sedimentology, palynology and palaeontology from archaeological sequences in caves to palaeoclimatic reconstruction. The chronoclimatic framework traditionally accepted for the upper Palaeolithic is questioned. A particular attention is paid to the history of vegetation and climate during the upper Palaeolithic in western Europe. There is no evidence for temperate oscillations between 23,000 and 14,000 BP, a period in which the Gravetian, Solutrean and lower and middle Magdalenian technocomplexes developed. Keywords: Upper Palaeolithic, sedimentology, palynology, macrofauna, Fullglacial, Lateglacial, interstadial, Older Dryas, palaeoclimatology. RESUME: Ce travail discute de l'apport que la sédimentologie, la palynologie et l'étude de la ma crofaune des séquences archéologiques en grotte offrent pour la reconstitution paléoclimatique. Le cadre chronoclimatique traditionnellement admis pour le Paléolithique supérieur est remis en ques tion. Une attention particulière est adressée à l'histoire de la végétation et du climat contemporains du Paléolithique supérieur d'Europe occidentale. Aucune période d'amélioration climatique est détectée entre 23.000 et 14.000 ans BP, période au cours de laquelle se développent en partie les tech nocomplexes Gravettien, Solutréen, Magdalénien inférieur et moyen. Most-cle: Paléolithique supérieur, sédimentologie, palynologie, macrofaune, Pléniglaciaire, Tar- diglaciaire, interstade, Dryas II, paléoclimatologie. «Sí, amigo Antonio de Hoyos, ¿por qué no 1. Introduction he de decirlo con la modestia que me caracteri za? ¡Sí!, si me hubiera comprometido a no pen Depuis la découverte des premiers hommes sar nada, y si lo pensaba callármelo, sería, como fossiles, au siècle dernier, les préhistoriens ont usted dice, a estas horas una gran figura oficial essayé d'intégrer les informations paléoenviron- —esto es, un figurón despreciable—,· sería senador, nemmentales fournies par les restes fauniques et ministro, tal vez presidente del Senado, y ... ¿quién botaniques à l'étude du matériel archéologique. sabe? quizás, quizás presidente del Consejo..." Pendant longtemps, ces données paléoenvi Miguel de Unamuno (1919) ronnementales s'appuyant essentiellement sur les © Universidad de Salamanca Zephyrus, 49, 1996. 3-36 I María Fernanda Sánchez Goñi / Les changements climatiques du Paléolithique supérieur restes paléontologiques ont servi à construire des (23000 BP), Laugerie (19200 BP), Lascaux cadres biostratigraphiques, utilisés comme repè (17190-16100 BP), Angles-sur-1'Anglin (14160 BP) res chronologiques (p.e. Chaline 1985; Nilsson et du Pré-Bôlling (14850-13950 BP), (Leroi-Gour- 1983). Bien que leur utilisation ait été largement han & Leroi-Gourhan 1964; Leroi-Gourhan 1966, supplantée par les datations radiométriques pour 1967, 1968, 1971 a et b, 1980 b, 1986, 1989; Leroi- les attributions chronologiques de la fin du Pleis Gourhan & Girard 1979; Bastin 1975; Bastin et al. tocene supérieur, les données paléoenvironne 1976; Leroi-Gourhan & Renault-Miskovsky 1977; mentales sont cependant toujours considérées Paquereau, 1978; Renault-Miskovsky & Leroi- par bon nombre de préhistoriens comme une Gourhan 1981; Renault-Miskovsky 1986; Leroyer donnée complémentaire essentielle pour situer & Leroi-Gourhan 1983; Leroyer 1988, 1990). chronologiquement les couches archéologiques. Plusieurs études palynologiques de sites espag nols, italiens et allemands, auraient également Depuis quelques décennies, sous l'impul confirmé l'existence de ces interstades (Leroi- sion de nouvelles tendances théoriques (Clark Gourhan & Renault-Miskovsky 1977; Renault- 1952; Binford 1968; Butzer 1971), les archéolo Miskovsky & Leroi-Gourhan 1981; Boyer-Klein gues s'intéressent également aux données pa 1980, 1981, 1984, 1988; Boyer-Klein & Leroi- léoenvironnementales pour mieux comprendre Gourhan, 1987; Dupré 1988; Burjachs & Renault- la fonction des sites ainsi que le rôle du climat et Miskovsky 1992). L'interstade de Hengelo du milieu physique sur l'économie et le mode de (39.000-36.000 BP), identifié pour la première vie des groupes humains paléolithiques (p.e. fois dans des niveaux tourbeux de la séquence Bahn 1983; Mellars 1992; Clottes 1989; Kornfeld de Hengelo, aux Pays Bas (Van der Hammen et 1996; Straus 1991). al. 1967) et celui de Kesselt (28.000 BP), identifié Pour atteindre ces différents objectifs, les dans le stratotype loessique du même nom en préhistoriens d'Europe occidentale ont tradition Belgique (Gullentops 1954), auraient été égale nellement focalisé leur attention sur les informations ment identifiés lors de l'analyse pollinique de sé paléoclimatiques issues d'études pluridisciplinaires quences archéologiques (Leroi-Gourhan & (palynologie, sédimentologie, faune) menées dans Renault-Miskovsky 1977; Leroyer & Leroi-Gour des séquences archéologiques de grottes et abris han 1983; Renault-Miskovsky & Leroi-Gourhan sous roche. A l'exception de quelques cas (p.e. 1981). Parallèlement à ces analyses, des change Sacchi 1986, d'Errico 1994; Mellars 1995; Zilhào ments climatiques córreles à ceux identifiés par 1995) peu d'attention a été prêtée par les préhis la palynologie auraient été détectés par l'analyse sédimentologique de nombreuses séquences en toriens aux données paléoclimatiques offertes grotte et sous abri (Laville et al. 1983, 1985; Fu- par des séquences non anthropiques (continen manal & Dupré 1983; Hoyos Gómez 1994, 1995). tales, marines et glaciaires) et cela malgré la ri chesse et la qualité reconnues des informations Cette succession de changements climati issues de ces enregistrements (p.e. Lowe & Wal ques, corrélée avec l'évolution des industries lit- ker, 1984; Levesque et al. 1993). hiques et osseuses (Leroi-Gourhan 1989; La raison principale de ce manque d'intérêt Leroi-Gourhan & Renault-Miskovsky 1977; Re tient au fait que les préhistoriens ont choisi d'uti nault-Miskovsky 1986; Renault-Miskovsky & Le liser un cadre chronoclimatique, basé sur l'analy roi-Gourhan 1981; Leroyer & Leroi-Gourhan se des gisements en grotte, qui les affranchi du 1983; Renault-Miskovsky 1989; Diot 1994), cons besoin de comparer les informations issues des titue un cadre de référence (fig. 1) utilisé par la sites archéologiques à celles apportées par les majorité des préhistoriens européens pour situer enregistrements non-anthropiques. chronologiquement les couches archéologiques En particulier, les analyses palynologiques du Paléolithique supérieur, (p.e. Alciati et al. de plusieurs gisements archéologiques en grotte 1994; Barandiarán Maestu et al. 1996; Clottes du centre et du sud-ouest de la France auraient 1989; Djindjian 1996; González Sáinz 1989, 1994; permis, à partir de la moitié des années 60, Laville et al. 1983; Palma di Cesnola 1996; Schmi- d'identifier plusieurs périodes d'amélioration cli der 1996; Straus 1991, 1995a). matique contemporaines du Paléolithique supé Dans le sud-ouest de la France et dans la ré rieur, les soi-disant interstades de Les Cottes gion cantabrique, un grand nombre d'analyses (37650-33350 BP), Arcy (30370 BP), Tursac palynologiques et sédimentologiques auraient © Universidad de Salamanca Zephyrus, 49, 1996. 3-36 María Fernanda Sánchez Goñi / Les changements climatiques du Paléolithique supérieur FIG. 1. Cadre chronoclimati- que traditionnel pour le Paléolithique supérieur, d'après Leori-Gourhan (1989). permis d'affiner ce cadre et de mettre au point en contradiction avec le cadre proposé à partir une chronoclimatologie régionale, basée essen des sites archéologiques. Cette contradiction a tiellement sur la corrélation stratigraphique entre été constatée en premier lieu par Woillard et gisements (Laville et al. 1985; Paquereau, 1978; Mook (1982) qui ne détectent pas les améliora Hoyos Gómez 1995; Barandiarán Maestu et al. tions climatiques contemporaines du Paléolithi 1996). que supérieur dans la séquence tourbeuse de La Cependant, au fur et à mesure que les don Grande Pile, puis par de Beaulieu et Reille (1984) nées paléoclimatiques, en particulier polliniques dans la séquence du marais des Echets. Par la et isotopiques, issues des séquences non anthro- suite, Turner et Hannon (1988) ont remis en piques se sont multipliées, il est apparu toujours question l'existence même des interstades plus évident que ces nouvelles données étaient d'Arcy, Tursac, Laugerie et Lascaux en remar- © Universidad de Salamanca Zephyrus, 49, 1996. 3-36 6 María Fernanda Sánchez Goñi / Les changements climatiques du Paléolithique supérieur quant que les spectres polliniques concernés ne rait pas tenu compte de l'ensemble des informa détectent pas une succession de végétation pro tions paléoclimatiques offertes par les séquences pre à un réchauffement climatique mais, au con en grotte, surtout celles offertes par la sédimen- traire, contiennent exclusivement quelques tologie qui, selon cet auteur, supporteraient