Poésie D'un Rebelle
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Poésie d’un rebelle. Isabelle Felici To cite this version: Isabelle Felici. Poésie d’un rebelle. : Gigi Damiani. Poète, anarchiste, émigré (1876-1953). Atelier de création libertaire, 183 p., 2009, 978-2-35104-027-0. hal-01359814 HAL Id: hal-01359814 https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01359814 Submitted on 8 Sep 2016 HAL is a multi-disciplinary open access L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est archive for the deposit and dissemination of sci- destinée au dépôt et à la diffusion de documents entific research documents, whether they are pub- scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, lished or not. The documents may come from émanant des établissements d’enseignement et de teaching and research institutions in France or recherche français ou étrangers, des laboratoires abroad, or from public or private research centers. publics ou privés. ETTE ÉTUDE EST CONSACRÉE à l’œuvre poétique de Gigi Damiani, I SABELLE ELICI C I F grand nom du journalisme anarchiste italien et compagnon I EL Cde route d’Errico Malatesta. Si le parcours de vie de cet F autodidacte commence et se termine à Rome (1876-1953), il le conduit dans de nombreuses métropoles, notamment celles où s’est Poésie SABELLE installée une forte communauté italienne : São Paulo, Marseille, I Paris, Bruxelles, Tunis. Partout il compose des poésies de lutte et d’espoir, surtout dans les moments les plus troubles de l’histoire d’un rebelle italienne et internationale, dont des pans entiers apparaissent ainsi Poète, anarchiste, émigré (1876-1953) sous un angle inédit, tandis que se dessine également le parcours d’un militant qui, quels qu’aient été les sacrifices à accomplir, n’a jamais suivi d’autres chemins que les chemins de la liberté. ISABELLE FELICI est maître de conférences en Études italiennes à l’Université du Sud Toulon-Var et membre du laboratoire de recherche Babel. Ses travaux et publications portent sur les manifestations culturelles liées aux phénomènes migratoires que connaît l’Italie des XIX-XXIe siècles. Elle a notamment travaillé sur les Italiens au Brésil, avec une thèse de doctorat sur la presse anarchiste en langue italienne de São Paulo (1890-1920). Aux éditions de l’ACL elle a publié en 2001, la Cecilia. Histoire d’une communauté anarchiste et de son fondateur Giovanni Rossi. Elle s’est également intéressée, dans ses travaux les plus récents, aux manifestations littéraires et cinématographiques de l’immigration, notamment marocaine, en Italie. ATELIER DE CRÉATION LIBERTAIRE ISBN 978 - 2 - 35104 - 027 - 0 00,00 € Poésie d’un rebelle Ouvrage publié avec le concours du laboratoire Babel de l’Université du Sud Toulon-Var Poésie d’un rebelle ISABELLE FELICI Poésie d’un rebelle Poète, anarchiste, émigré (1876-1953) Atelier de création libertaire 2009 Atelier de création libertaire BP 1186, F-69202 Lyon cedex 01 Tél/fax : 04.78.29.28.26 site Internet : www.atelierdecreationlibertaire.com email : [email protected] ISBN 978-2-35104-027-0 Introduction In mezzo a mille genti sol mi sento pur nella gran città che guarda ostile allo straniero che da lungi viene La renommée de l’homme dont il est question ici n’a guère franchi les limites du milieu dans lequel il a évolué et l’approche que nous proposons pour mieux connaître ce militant anarchiste italien est originale, puisque nous prenons le biais des poésies qu’il a composées. Pourtant, en suivant les chemins poétiques de Gigi Damiani, qui nous conduisent de la fin du XIXe siècle à la moitié du XXe, nous voyons défiler des pans entiers de l’histoire de l’Italie et de l’« Italia all’estero ». Nous apprenons aussi à mieux connaître les pratiques culturelles des militants politiques, anarchistes en l’occurrence, parmi lesquelles la poésie, présente dans les journaux de propagande, les fêtes et réunions politiques, tient une place de premier rang. Le parcours poétique de Gigi Damiani commence lors de son premier exil, au Brésil, en 1897 – il a alors à peine plus de vingt ans – et ne s’interrompt plus, quasiment jusqu’à sa mort, survenue à Rome, sa ville natale, en 1953 1. Ses com- positions poétiques forment un ensemble d’une centaine de textes, de longueur et de style variés. Elles ont été publiées soit en recueils, soit dans les colonnes de la presse anarchiste de langue italienne du monde entier. Ces poésies sont en effet l’une des nombreuses facettes de l’activité de militant anarchiste que Damiani mène inlassablement pendant toute son existence mouvementée : en Italie dans sa toute première jeunesse, au Brésil jusqu’en 1919, à nouveau en Italie, où il 1. Voir la notice que nous avons établie pour Gigi Damiani dans le Dizionario biografico degli anarchici italiani (DBAI), t. 1, Pise, BFS, 2003. 5 résiste aux assauts du fascisme jusqu’en octobre 1926 ; il est alors contraint de reprendre le chemin de l’exil, vers la France, puis la Belgique, l’Espagne et enfin la Tunisie, qu’il ne parvient à quitter qu’en 1946. Ses activités de propagande prennent surtout la forme de publications pério- diques : on recense une dizaine de titres de journaux qu’il fonde ou dirige et une quinzaine d’autres auxquels il collabore. Citons, parmi les titres les plus impor- tants, l’hebdomadaire La Battaglia, périodique anarchiste de langue italienne publié à São Paulo de 1904 à 1912, qu’il dirige après le départ du fondateur Oreste Ristori, le quotidien Umanità nova, fondé en 1920 à Milan par Errico Malatesta 1, dont il est un des piliers, l’hebdomadaire Fede !, qu’il crée en 1923 et dont paraissent à Rome cent trente-trois numéros, tirés à plus de dix mille exemplaires, jusqu’en octobre 1926. Aux innombrables articles publiés dans les colonnes des périodiques anar- chistes s’ajoutent une quinzaine de brochures, mais aussi des écrits qui prennent une forme littéraire : les poésies, qui font l’objet de cette étude, deux romans, de nombreuses nouvelles et quatre pièces de théâtre. Quelle que soit la forme d’écri- ture choisie, ces écrits sont tous conçus comme des vecteurs de transmission de l’idéal anarchiste que professe leur auteur. Nous nous proposons d’analyser ce lien entre acte d’écriture et engagement politique chez Damiani, qui fait de sa poésie un moyen de lutte contre les situations d’oppression. Dans le même temps, nous pourrons suivre cet observateur attentif de la société italienne – et de la société en général –, dans sa lecture des tournants historiques de l’Italie de la première moitié du XXe siècle : au sortir de la Première Guerre mondiale, au moment de la montée du fascisme et durant les premières années de la république. Pour étayer cette étude, nous disposons d’autres sources. Les nombreux rapports de police, conservés aux Archives centrales de l’État à Rome, témoignent de l’assiduité avec laquelle les agents de la Sécurité publique du ministère italien de l’Intérieur suivent Damiani partout où il passe, en particulier après la mort de Luigi Galleani 2 en 1931 et celle d’Errico Malatesta en 1932, lorsque la police considère Damiani comme le nouveau « chef » de l’anarchisme italien. Ces poli- 1. Errico Malatesta (1853-1932) est une figure importante de l’anarchisme italien et de l’anar- chisme international. Écrivain et orateur, il crée de nombreux journaux anarchistes et prend part à plusieurs tentatives insurrectionnelles, convaincu de l’imminence de la révolution anarchiste. Il a passé une grande partie de sa vie en exil. Comme pour tous les anarchistes italiens cités dans notre étude, nous renvoyons au DBAI. 2. Luigi Galleani (1861-1931), militant anarchiste de la première heure, est aussi une figure importante de l’anarchisme italien aux États-Unis, où il se rend en 1901 et dont il est expulsé en 1919. Il y publie Cronaca sovversiva, un titre qu’il reprend en Italie dès 1920, et qui lui 6 ciers, auxquels il donne bien du fil à retordre, parviennent parfois à entrer dans l’intimité de son cercle familial et amical. Tout en usant de la prudence nécessaire au maniement de ce type de documents, nous retirons de ces rapports de police des informations importantes sur ses activités, sur son environnement familial et même sur ses travaux littéraires : mémorable est le compte rendu d’un agent du régime fasciste infiltré dans les milieux anarchistes à Marseille, qui raconte la représentation d’une de ses pièces par le « Groupe artistique international » en 1927. Nous avons également recueilli, par différents biais, de nombreuses lettres de Damiani : dans les dossiers de police, dans des fonds d’archives, notamment au CIRA (Centre international de recherche sur l’anarchisme) de Lausanne, à l’IISG (Institut international d’histoire sociale) d’Amsterdam et à l’Archivio Pinelli de Milan ainsi que dans les colonnes de la presse anarchiste de langue italienne 1. Ces lettres viennent parfois compléter des correspondances déjà publiées, celle d’Errico Malatesta 2 notamment, avec lequel Gigi Damiani a entretenu jusqu’au bout des liens d’amitié et d’estime réciproque. Quant aux écrits sur ce militant anarchiste de premier plan, ils se limitent à quelques recensions de ses romans, brochures ou recueils de poésies, à une bio- graphie 3, très honnête, mais qui ne traite pas de manière approfondie toutes les périodes de sa vie et qui n’aborde pas l’aspect littéraire. Nous avons également utilisé, avec la même prudence que les documents de police, quoique pour des raisons différentes, les notices nécrologiques publiées par la presse anarchiste, qui contiennent des témoignages souvent précieux. Nous abordons cette étude de l’œuvre poétique de Gigi Damiani avec une bonne connaissance de ses années de formation dans le mouvement social italo- brésilien, acquise lors d’une précédente recherche sur la presse anarchiste de vaut une nouvelle condamnation et un séjour en prison.