ILCEA, 36 | 2019, « Représentations De La Révolution De 1917 En Russie Contemporaine » [En Ligne], Mis En Ligne Le 20 Juin 2019, Consulté Le 08 Octobre 2020
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ILCEA Revue de l’Institut des langues et cultures d'Europe, Amérique, Afrique, Asie et Australie 36 | 2019 Représentations de la révolution de 1917 en Russie contemporaine Isabelle Després (dir.) Édition électronique URL : http://journals.openedition.org/ilcea/6668 DOI : 10.4000/ilcea.6668 ISSN : 2101-0609 Éditeur UGA Éditions/Université Grenoble Alpes Édition imprimée ISBN : 978-2-37747-096-9 ISSN : 1639-6073 Référence électronique Isabelle Després (dir.), ILCEA, 36 | 2019, « Représentations de la révolution de 1917 en Russie contemporaine » [En ligne], mis en ligne le 20 juin 2019, consulté le 08 octobre 2020. URL : http:// journals.openedition.org/ilcea/6668 ; DOI : https://doi.org/10.4000/ilcea.6668 Ce document a été généré automatiquement le 8 octobre 2020. © ILCEA 1 Les textes réunis dans ce numéro font suite au colloque « Construction et déconstruction d’une mémoire de la révolution de 1917 en Russie contemporaine » qui s’est tenu à l’Université Grenoble Alpes en octobre 2017. Le recueil s’intéresse à plusieurs types de représentations artistiques (théâtre, peinture, musique, littérature), mais aussi historique et juridique, de la révolution. La notion de mémoire collective, conceptualisée par Maurice Halbwachs, sert de fil conducteur. Cette mémoire varie selon les époques, depuis la sacralisation de la révolution comme élément fondateur, et sa mythification au début de l’époque soviétique, jusqu’à sa diabolisation dans les premières années post-soviétiques. Aujourd’hui, le relatif silence qui a accompagné en Russie le centenaire de la révolution laisse penser que le consensus nécessaire à la mémoire historique d’une société apaisée est loin d’être atteint. ILCEA, 36 | 2019 2 SOMMAIRE Avant-propos Isabelle Després Représenter la révolution au théâtre (1918-2017) ou comment la locomotive de l’histoire a quitté la voie radieuse Marie-Christine Autant-Mathieu Célébrer la révolution d’Octobre en musique : une fête politique ? Louisa Martin-Chevalier La révolution de 1917 et la période post-révolutionnaire dans l’art naïf soviétique et post- soviétique Anna Suvorova Educational, Literary and State Authorities and the Publishing Trajectories of Legacy Children’s Literature in Early Soviet Russia Svetlana Maslinskaya et Kirill Maslinsky «Преданная революция»: тайное послание книги Аркадия Гайдара Ирина Глущенко L’artiste russe : acteur et historien de la révolution ? Juliette Milbach Une insurrection déplacée, maintenant ! Pavel Mitenko Appréciation historique et juridique des événements révolutionnaires de 1917 Aleksandra Dorskaïa Un jeu des possibles en 1917 ? Tamara Kondratieva ILCEA, 36 | 2019 3 Avant-propos Isabelle Després 1 Les textes réunis dans ce numéro font suite au colloque « Construction et déconstruction d’une mémoire de la révolution de 1917 en Russie contemporaine » qui s’est tenu à l’Université Grenoble Alpes en octobre 2017. La notion de mémoire collective, conceptualisée par Maurice Halbwachs, sert de fil conducteur. On verra ici comment cette mémoire varie selon les époques, depuis la sacralisation de la révolution comme élément fondateur, et sa mythification au début de l’époque soviétique, jusqu’à sa diabolisation dans les premières années post-soviétiques. Aujourd’hui, le relatif silence qui a accompagné en Russie le centenaire de la révolution laisse penser que le consensus nécessaire à la mémoire historique d’une société apaisée est loin d’être atteint. 2 Le recueil s’intéresse à plusieurs types de représentations artistiques (théâtre, peinture, musique, littérature), mais aussi historique et juridique, de la révolution. 3 L’article de Marie-Christine Autant-Mathieu retrace, à travers les spectacles théâtraux mettant en scène les événements ou les symboles de la révolution (le personnage de Lénine), les différentes étapes de la construction de la mémoire collective organisée par le pouvoir soviétique, par le biais de la propagande, mais aussi les écarts et dissonances, apparues particulièrement à l’époque de la déstalinisation et du dégel, pour aboutir finalement après la perestroïka à un retournement du mythe. 4 La propagande est au cœur des commémorations d’octobre 1917 dans les premières années soviétiques. L’article de Louisa Martin-Chevalier est consacré à la musique de ces fêtes de masses. Elle décrit une atmosphère joyeuse, des masses populaires dont s’empare une folie sacrée, mais aussi la volonté des compositeurs de rompre les codes et de créer un art véritablement nouveau et révolutionnaire, dans lequel le peuple serait le véritable acteur. Ceci se traduit par la création de pièces expérimentales, comme la « Symphonie des sirènes d’usines », exécutée à Bakou en 1922. 5 La propagande n’est pas absente de la construction de l’image de la révolution dans l’art naïf populaire, comme le montre l’article d’Anna Suvorova, illustrant parfaitement l’idée de Halbwachs selon laquelle la mémoire individuelle est inséparable de la base ILCEA, 36 | 2019 4 sociale. Le peintre naïf, issu du peuple, a une vision idéalisée de l’État, forgée par la propagande visuelle socialiste. 6 La propagande du Narkompros et la ligne éditoriale de Gorki n’ont toutefois pas été suffisantes pour imposer une mémoire culturelle de la révolution, comme le montre la modélisation statistique de Svetlana et Kirill Maslinsky, dont l’article nous invite à nous interroger sur notre propre représentation de l’impact de la révolution dans le domaine de l’édition de livres pour la jeunesse. Loin d’être relégués aux oubliettes, les auteurs classiques pour enfants d’avant 1917 ont poursuivi leur ascension éditoriale tout au long des années vingt et au début des années trente. 7 La littérature de jeunesse est un terrain privilégié pour la transmission de la mémoire collective. L’article de Irina Glushchenko montre comment, dans les années de la montée du stalinisme, par une comparaison presque implicite avec la Révolution française, Arkadi Gaïdar, le plus célèbre des écrivains soviétiques pour la jeunesse, parvient à suggérer l’idée que la révolution a été confisquée ou trahie. 8 Cette déconstruction balbutiante du mythe s’est renforcée au cours de l’époque soviétique. Dans les années suivant la perestroïka, et même avant, le mythe a été déconstruit par les artistes conceptualistes et par le Sots-art. Juliette Milbach étudie, dans son article, la façon dont les artistes ont dépassé leur propre représentation du passé figé, pour établir un nouveau rapport au passé soviétique, en tant que passé historique. Puis elle s’intéresse à la génération suivante, en se focalisant sur l’exemple d’Evgueni Fiks, dont toute la pratique est centrée sur l’histoire soviétique. L’artiste endosse la responsabilité de donner un sens à cette histoire et une forme à la mémoire collective. 9 Donner un sens révolutionnaire à l’action, c’est ce que font les actionnistes, objet de l’étude de Pavel Mitenko, lui-même à la fois chercheur et artiste. L’actionnisme est une révolution d’un genre nouveau, comme il le montre à partir des textes et « performances » de Anatoly Osmolovski, qu’il compare et oppose à l’agitation révolutionnaire des bolchéviks. 10 Le malaise concernant la commémoration du centenaire de la révolution en Russie contemporaine s’explique par l’absence d’une mémoire collective solidement constituée et définitive. Ainsi, la question posée par l’article d’Aleksandra Dorskaïa, celle de la légitimité du pouvoir issu de la révolution, nécessite, du point de vue des historiens et juristes contemporains, une réponse nuancée. Le pouvoir en place en Russie contemporaine peine encore à définir une position officielle, car le travail des historiens n’a pas encore pu pleinement s’accomplir. 11 C’est bien ce que montre Tamara Kondratieva, dont l’article revient sur les différentes « histoires d’Octobre » qui ont tenté de s’écrire depuis la fin de l’URSS. Elle note que le travail de mémoire, timidement entamé sous Gorbatchev, n’a pas pu se poursuivre sous Eltsine. C’est pourquoi, le registre émotif de l’expression du traumatisme s’est imposé dans les représentations de la révolution, au détriment de l’histoire. ILCEA, 36 | 2019 5 AUTEUR ISABELLE DESPRÉS Université Grenoble Alpes, ILCEA4 ILCEA, 36 | 2019 6 Représenter la révolution au théâtre (1918-2017) ou comment la locomotive de l’histoire a quitté la voie radieuse1 Staging the Revolution in Theater (1918–2017) or How the Locomotive of History Left the Radiant Way Marie-Christine Autant-Mathieu « Nous sommes tous issus de la Révolution… » Il y a, dans notre art, des thèmes sacrés qui ne vieillissent pas et vers lesquels toutes les nouvelles générations d’artistes et de spectateurs tendent immanquablement. L’un des plus importants est le thème de la Grande Révolution socialiste d’Octobre et de son chef Vladimir Ilitch Lénine. Chaque nouvelle étape historique de notre vie met en valeur de nouvelles facettes de ce thème. Chaque génération cherche des réponses aux questions qui la préoccupent aujourd’hui et s’efforce de voir concrètement le lien entre les époques passées, présentes et à venir. Et le théâtre recherche, pour représenter les années enflammées de la Révolution, des moyens artistiques capables de répondre à ces questions. (Hajčenko, 1983 : 221) 1 Dans ces lignes écrites quelques années avant la perestroïka par un historien du théâtre soviétique nous voudrions détacher quelques points autour desquels nous articulerons notre réflexion sur la représentation de la révolution depuis 1917. ILCEA, 36 | 2019 7 2 D’abord, la sacralisation d’un événement historique qui va générer une panoplie d’images et de symboles, variant très sensiblement au fil des années. Dans le cas de représentations théâtrales, une reconfiguration de la mémoire collective se joue à travers le changement des paradigmes visuels et sonores, et la personne de Lénine, le chef d’Octobre, va devenir très vite centrale dans les commémorations, et se trouver dans un équilibre subtil, et lui aussi changeant, avec l’autre figure sacrée, celle de Staline. 3 Le renouvellement des générations, en particulier au lendemain du XXe congrès en 1956 et de la déstalinisation qui l’accompagne pendant quelques temps, va créer des dissonances dans les grandes messes convenues.