La Variété Et Les Effets De L'allitération Dans Les Proverbes1
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LA VARIÉTÉ ET LES EFFETS DE L’ALLITÉRATION DANS LES PROVERBES 1 Abstract: The purpose of this article is to analyse alliteration in proverbs. These are creations of the collective imaginary or facts of the language belonging to the expressive linguistic area of a specific people. Like other mnemotechnical means such as rhyme or assonance, the alliteration contributes to put out in bold relief the music and the rhythm in proverbs. It also helps to make the ideas whith a moral value more obvious. I have described the structure of the alliteration, especially in arranging the alliterant words. I have also emphasized the effects of using this stylistic means which is frequently used in paremiology. Keywords: alliteration, proverb, effect. Dans cette étude, nous nous proposons d’analyser l’allitération et ses particularités concernant les formes ou les configurations linguistiques dans lesquelles ce procédé apparaît et attire l’attention de l’interlocuteur, ce qui relève l’imagination des usagers et leur esprit créateur. Réalisée d’une perspective stylistique et appliquée sur un corpus de proverbes d’usage courant, l’étude de l’allitération nous semble un sujet intéressant et captivant, si l’on prend en considération la variété des formes et des effets que cette figure de mots produit au niveau phonique. Introduction En tant que formes de langage, les proverbes sont des modalités d’expression qui font appel à des constatations et des expériences continues, accumulées au passage du temps, au milieu d’une communauté, et transmises d’une génération à l’autre, quelle que soit la langue utilisée. Ils reflètent des attitudes et des manifestations psychologiques adoptées par les gens dans leurs rapports avec le milieu naturel et social. Résistant à l’épreuve du temps, les proverbes ont été acceptés par les collectivités d’usagers, ce qui explique, d’ailleurs, leur figement – trait caractéristique de ce genre populaire. Les proverbes, qui évoquent une circonstance réelle en suggérant une autre, figurée, représentent une modalité d’expression artistique. La plupart des constructions constituent non seulement le produit de l’état affectif, mais aussi celui de la fantaisie ou de l’imagination des créateurs. L’intérêt des proverbes réside – il est vrai – dans le sens global qu’ils transmettent. Et pourtant, nous n’insistons pas ici sur le contenu d’idées, riche en enseignements tirés de l’expérience des gens, mais plutôt sur les ressources stylistiques capables de mettre en lumière le matériel sonore des unités parémiologiques. 1 Maria-Rodica Mihulecea, Université « Lucian Blaga », Sibiu, [email protected] 278 L’allitération Selon la bibliographie et les dictionnaires de spécialité, l’allitération , qui repose sur la répétition, fait partie de la classe des figures de mots (à côté de la paronomase, l’antanaclase, l’assonance, la dérivation), qui « affectent les sonorités, opérant un choix lexical à partir de critères phonétiques » (Bacry, P., 1992 : 15), appartenant au groupe des figures d’élocution par consonance , résultées d’une « certaine conformité de sens ou d’idées, une certaine consonance propre à frapper également l’oreille et l’esprit » (Fontanier, P., 1977 : 323), ou au groupe des figures de diction ou métaplasmes (« transformation ») « qui mettent en relation au moins deux signifiants sur la base d’une proximité sonore » (Laurent, N., 2001 : 40) ou « qui concernent la forme matérielle et phonique des mots, des signifiants » (Pougeoise, M., 2006 : 212) 1 Dans un sens restreint, et c’est dans cette direction que notre travail s’oriente, l’allitération est définie comme la récurrence à intervalles rapprochés de la consonne initiale d’une syllabe dans un vers, un syntagme ou une proposition simple. Par extension de sens, on définit couramment l’allitération comme la récurrence de phonèmes consonantiques à l’intérieur d’un groupe de mots, en parlant dans ce cas de retour de sonorité , mais la différence entre les deux termes est peu d’intérêt (Bacry, P., op. cit. : 203). La valeur stylistique des proverbes augmente, lorsque la fréquence du même son (ou du même groupe de sons) consonantique en position initiale attire l’attention de l’auditeur ou du lecteur et réussit à mettre en évidence leur contenu, pour qu’ils soient facilement retenus. À côté de devinettes, d’incantations, les proverbes constituent un corpus riche en formules d’allitérations. 1. Formes d’allitérations Selon la distribution des termes (deux, trois, quatre ou plusieurs) qui entrent dans la constitution de ce procédé, on pourrait distinguer diverses structures ou formules d’allitérations (Negreanu, C., 1983 : 197). Ainsi, les termes qui commencent par consonne peuvent se placer : a) d’une manière successive : Qui a bu, boira ; Qui dort, dîne ; Qui vivra, verra ; Arc toujours tendu se rompt ; À corsaire, corsaire et demi ; Ch aque ch ose vaut son prix ; À l’impossible nul n’est tenu ; À parti pris point de conseil ; Il faut faire flèche de tout bois. Troupeau sans chien le loup le mange. Plus la récurrence de la sonorité est immédiate, plus l’effet est clair, énergique. Selon Patrick Bacry (Bacry, P., op. cit . p. 204), cette énergie est plus ou moins sentie, en fonction du type de consonne répétée : ainsi une allitération en [p] (sourde, explosive) est plus marquée, plus pesante qu’une allitération en [z] (sonore, constrictive) : 1 Les considérations concernant la définition de l’allitération placent ce procédé dans la classe des figures de mots. Voir la bibliographie. 279 Les poules pondent par le bec ; À bon pêcheur parfois échappe anguille ; Patience passe science. b) à distance : Ch ose promise, ch ose due ; Gardez votre maison, elle vous gardera ; Qui vole un oeuf vole un boeuf ; Ce nt ans ne sont pas si longs qu’ils en ont la mine ; Ch aque oiseau ch ante sa propre ch anson ; Dans le lit d’autrui on ne peut dormir à l’aise ; À force de forger on devient forgeron ; Être en péril n’est pas être perdu ; Plaisir non partagé n’est plaisir qu’à demi ; On ne peut vouloir la poule et les poussins ; Faites-vous miel et les mouches vous mangeront ; Ce lui qui se connaît est s eul maître de soi ; La jalousie éteint l’amour comme les cendres éteignent le feu ; Pas de fumée sans feu, ni feu sans fumée. L’allitération des formules mentionnées est souvent utilisée à des fins ludiques (Pougeoise, M., op. cit. p. 353). On observe qu’elle s’allie, dans les proverbes, à la paronomase (figure de mots qui consiste à rapprocher deux paronymes – mots à sonorités voisines), contribuant à relever des significations subtiles, ce qui renforce par antithèse un raisonnement à valeur morale : Qui s’excuse s’accuse ; Qui se ressemble, s’assemble. c) d’une manière successive et à distance : De diable vient, à diable va ; Il n’y a veneur qui ne prenne plaisir à corner sa prise ; Il faut faire ce qu’on fait ; Qui ne risque rien, n’a rien ; Autant vaut bien battu que mal battu ; Bois inutile peut porter fruits précieux ; Tel demande dommage qui le doit payer ; Les fous font les fêtes et les sages en ont le plaisir ; Moins on pense, plus on parle ; Au long aller la lime mange le fer ; Les sages sont souvent les dupes des sots ; On ne peut pas peigner un diable qui n’a pas de cheveux. d) à distance et d’une manière successive : À l’ongle on connaît le lion ; À grand cheval, grand gué ; Au pourceau l’ordure ne pue point ; Dans les belles paroles le coeur ne parle point ; Il viendra moudre à mon moulin ; Les vilains s’entretuent et les seigneurs s’ embrassent ; L’occasion fait le larron. Cette disposition des termes, dans le cadre de l’allitération, crée un effet d’insistance sur le contenu d’une certaine idée ou d’un raisonnement moral. On pourrait dire que c’est une intention stylistique de la part de l’émetteur. Le retour de sonorité est plus fort à l’initiale qu’à l’intérieur des mots et se combine avec la brièveté du mètre, ce qui confère un dynamisme considérable à l’énoncé. En outre, l’allitération peut avoir une valeur rythmique et énergique encore plus grande, lorsque les récurrences frappent les syllabes accentuées ( Ibidem, p. 32) : / / / / Loup est toujours loup ; Selon ta bourse gouverne ta bouche. Pour rendre plus éloquent l’effet itératif, on associe parfois au son consonantique une voyelle orale ou nasale : À men teur, men teur et demi ; Qui ne se lasse, lasse l’adversaire ; Corsaire con tre corsaire font rarement leurs affaires ; De bonne vie bonne fin, de bonne terre bon pépin. L’allitération à quatre ou cinq termes, appelée aussi allitération riche, est plus rare, mais très expressive. Elle marque une fois de plus la force créatrice de l’auteur, dans l’emploi de ce procédé : 280 Faute de se fâcher une bonne fois, on se fâche tous les jours. Qui ne peut passer par la porte, sorte par la fenêtre. On trouve également la récurrence d’une consonne simple en alternance avec la répétition d’une combinaison de consonnes : Bonnet bl anc ou bl anc bonnet. De plus, l’allitération est accompagnée dans ce proverbe du parallélisme résulté de l’inversion de deux termes. Elle a pour fonction d’offrir plus de vigueur à la structure, de focaliser l’attention de l’interlocuteur (lecteur ou auditeur) ou d’être frappante – but suivi, à la fois, dans la conversation et dans l’écriture. Dans d’autres unités parémiologiques, l’allitération se combine avec la répétition, ce qui donne un plus de musicalité et d’expressivité : Qui est plus près du feu, de plus près se chauffe ; Ne sait point pardonner, qui ne sait pas punir.