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Les Nouvelles de l’INHA / Juillet 2008 Nouvelles 32

1 Éditorial

2-3 Tribune Droits sur l’image et droit d’accès aux images patrimoniales

4-6 Galerie Colbert Le Centre inter-universitaire de Recherche en Art contemporain La sculpture en France à l’époque moderne

7-8 Grands instituts et bibliothèques d’histoire de l’art La recherche et l’enseignement au musée du quai Branly

9-15 École primaire de Mailley-Chazelot (Haute Saône), Le point sur un fond, le 25 août 2003. © AFP, un outil, une recherche photographe : Bruno Ferrandez Les archives d´art contemporain en Espagne Éditorial Architectura La critique d’art en Argentine Le principe de rendre obligatoire un qui en rend compte dans ce même numéro, et le GRAV enseignement de l’histoire de l’art tout au et au cours de laquelle sont intervenus Pierre long de la scolarité primaire et secondaire Baqué, chargé de mission à la Direction 16-19 ayant été retenu par le gouvernement générale de l’Enseignement scolaire, et Mises en ligne le 30 janvier 2008 comme une priorité plusieurs universitaires historiens de l’art. Villes et architecture des terrains ex-coloniaux des XIXe et XXe siècles de l’Éducation nationale, il est clair que Composée de deux séries de débats qui ont Répertoire des tableaux italiens dans l’Institut national d’histoire de l’art ne eu lieu en présence d’un public nombreux les collections publiques françaises pouvait rester à l’écart du travail de réfl exion et particulièrement attentif, cette demi- en profondeur qu’exige une telle décision. journée a permis de mettre en évidence la 20-26 Un travail de réfl exion qui – il convient de complexité de la mise en œuvre rapide d’un Comptes rendus le rappeler – fut engagé il y a de nombreuses enseignement de qualité, qu’il s’agisse de Pierre Francastel années, mais n’envisageait jusqu’ici qu’un la question de l’indispensable formation Le Journal de voyage du Cavalier enseignement d’histoire des arts dans les de maîtres dont l’histoire de l’art n’est pas Bernin en France lycées, lequel fut offi ciellement créé par la spécialité (puisque le choix a été fait de Le Livre et l’Architecte l’arrêté du 9 novembre 1993, il y a quinze ne pas créer de CAPES ni d’agrégation L’histoire de l’art, de l’Université ans... La nouvelle ambition impose de pour cette matière), ou de la défi nition des à l’École repenser globalement ce qui n’est plus un programmes et la préparation des manuels, 27 projet ni une expérimentation, mais une et, par suite, de ce que l’on veut précisément Annonces réalité puisque cet enseignement doit être transmettre aux élèves et de ce que l’on Raoul Hausmann et les avant-gardes mis en œuvre dès la rentrée 2008 dans toutes attend d’eux. La Nation, enjeu de l’histoire de l’art les classes du primaire (et à la rentrée 2009 en Europe 1900-1950 dans toutes celles des collèges). Si de nombreuses diffi cultés et incertitudes demeurent, chacun comprend bien l’intérêt 28-29 Très sensible à cette initiative qui d’une mesure qui n’a que trop tardé à être Actualités de la Bibliothèque engage pour partie, en France, l’avenir prise. Pour sa part, l’INHA collaborera Les classiques de l’histoire de l’art de la discipline qu’il a pour mission de dans toute la mesure de son expérience et Les donations Friedlander promouvoir, l’INHA a donc suscité une de son expertise à la réussite de ce nouvel 17 30-31 après-midi d’étude le avril dernier, enseignement. Publications dans l’auditorium de la galerie Colbert, animée par Philippe Bordes, directeur du Antoinette Le Normand-Romain 32 département des Études et de la Recherche, Directeur général de l’INHA Nouveaux collaborateurs à l’INHA Tribune Droits sur l’image et droit d’accès aux images patrimoniales

La révolution informatique est venue notamment en charge de leur conservation tirant à moins de 4000 exemplaires, la RMN bouleverser les conditions de création, de sont contestables »4. Jusqu’ici, les différents réclame 91 euros pour une illustration d’un diffusion et de conservation des images ; milieux professionnels, historiens de l’art, quart de page, 110 euros pour une demi-page mais, alors que le rêve de « Mnémosyne » critiques, journalistes et éditeurs, ont agi et 139 euros pour une page entière. pourrait prendre corps, la privatisation des en ordre dispersé. Les historiens de l’art se Les pays francophones sont même surtaxés de images vient contrecarrer comme jamais sont essentiellement souciés des publications 1,4, comme les pays de langue anglaise, l’aspiration de chacun à se constituer un scientifi ques5, mais pour notre part nous et ces tarifs sont doublés s’il s’agit de fac- Musée imaginaire, qu’il soit de savoir ou de ne pensons pas qu’on puisse établir de similés de manuscrits. Il s’agit là, il est vrai, délectation. Mieux (ou plutôt : pire), alors frontières a priori, entre de « bonnes » du tarif public, et le directeur de l’agence que les pouvoirs publics prétendent placer publications, qui devraient être exonérées, et explique que celle-ci met « à disposition les œuvres d’art et leur histoire au cœur de « mauvaises » publications, qui pourraient gratuitement ses images pour de multiples de l’enseignement primaire et secondaire, être taxées : il est des livres scientifi ques projets scientifi ques (les publications et ce qui ne peut que nous réjouir, les services qui peuvent devenir des best-sellers, et des données gratuites en ligne notamment, mais patrimoniaux conduisent à rebours une livres « grand public » qui peuvent répondre aussi les travaux des conservateurs, les services politique de pure logique commerciale. à toutes les exigences scientifi ques et culturels et les services de communication des Haro sur l’image, chacun veut sa part : rencontrer un public réduit. Et où placer les musées et institutions culturelles) et pour les les photographes qui les produisent, ce qui manuels scolaires, qui ont a priori de gros publications scientifi ques, ce que ne font pas n’est que justice, mais aussi les salariés de tirages, puisqu’ils ont des clients captifs ? les agences privées », et il ajoute que « pour les services publics; les artistes, qui se sont vus Quelle que soit sa forme éditoriale, l’histoire projets à vocation culturelle commercialisés, concédé un droit de suite sur les images de de l’art a besoin des images. Vasari a pu s’en l’agence applique un tarif dit non profit de 54 leurs œuvres1 ; mais aussi, depuis peu, passer parce qu’il a bâti une histoire des euros qui doit être bientôt porté à 22 euros les architectes2 ; les propriétaires, les simples artistes, non une histoire de l’art, mais l’histoire pour les publications scientifi ques et culturelles particuliers, mais aussi les collectivités moderne de l’art est née précisément avec la commercialisées et tirées à moins de 1000 publiques, qui privatisent directement ou possibilité de constituer des séries gravées de exemplaires ». Ces déclarations sont de bon indirectement leurs collections. monnaies et de sculptures. La reproduction augure ; encore faut-il que la défi nition des La multiplication de ces ayants-droit, ou mécanique en noir et blanc, puis en couleurs, « publications scientifi ques » ne soit pas trop prétendus tels, et leurs prétentions croissantes, photographique et maintenant numérique, restrictive et que cette ouverture se confi rme ont conduit à un surenchérissement ouvrent des perspectives vertigineuses, mais bien dans les faits et soit mieux connue. considérable des coûts de l’illustration le développement de la diffusion des images a Quant à la Ville de , elle vient de remettre des livres et des revues d’art : une enquête fait croître aussi l’appétit de ceux qui peuvent la gestion de ses images patrimoniales à la du groupe Art du Syndicat national de contrôler l’accès aux œuvres que l’on souhaite société Roger-Viollet, qui a doublé les tarifs. l’Édition a montré que, de 1992 à 2004, le reproduire. Selon un double paradoxe : d’un On aimerait savoir ce que fi nancent les droits coût des droits de reproduction a doublé3. côté historiens, critiques et éditeurs sont perçus sur les images patrimoniales de la Ville ? Or il n’y a aucune raison, sauf intervention obligés de payer des sommes de plus en plus Pour des livres tirant jusqu’à 1000 exemplaires des pouvoirs publics ou réglementation considérables pour reproduire les œuvres, – le tirage habituel des ouvrages scientifi ques européenne, pour que ces droits ne qu’ils valorisent en les médiatisant ; de l’autre, – la société concessionnaire réclame 62 euros continuent de croître, car il ne s’agit pas les services patrimoniaux chargés de médiatiser pour une illustration d’un quart de page, 84 de droits contractuels comme les droits leurs collections taxent ceux qui travaillent à le euros pour une demi-page, et même 260 euros d’auteur ou de photographe, pour lesquels faire au mieux. Il y a une contradiction absolue pour une pleine page, pratiquement le double un contrat d’édition préalable fi xe la part de entre la volonté proclamée des pouvoirs de la RMN. Mais les prises de vue en extérieur, chacun sur la vente d’un produit fabriqué publics de favoriser la plus large diffusion de en plein air, peuvent atteindre d’autres en collaboration ; il s’agit d’honoraires la culture artistique, et la liberté qui est laissée sommets : l’Observatoire de Meudon réclame préalables, sans plafond, pour les artistes, aux administrateurs des établissements publics 450 euros, et les Invalides, qui a passé contrat et de taxes arbitrairement prélevées par les de percevoir au profi t de ces établissements des avec la RMN, 760 euros. Quousque tandem ? services patrimoniaux, sans réglementation taxes, dont les montants sont sans commune Cette augmentation délirante des coûts et sans logique de service public. mesure avec les frais induits. La dérive est telle est à contre-courant des évolutions en la Dans son éditorial de décembre 2006, que nous atteignons un point de rupture. matière en Grande-Bretagne et aux États-Unis l’Observatoire de l’image, soulignait que La concession de la gestion des images de d’Amérique, où les grandes institutions « le grand sujet des prochaines années pourrait nombreux musées à l’agence photographique – le British Museum, le Victoria and Albert bien être celui de l’accès des professionnels de la Réunion des musées nationaux, a conduit Museum, le Metropolitan Museum of Art de l’image au patrimoine culturel, tant à une augmentation des tarifs des droits de – ont mieux compris leur mission de service les pratiques des établissements publics, reproduction. Aujourd’hui, pour des ouvrages public et l’intérêt d’encourager des travaux

2 Les Nouvelles de l’INHA / n° 32 / juillet 2008 Honoré Daumier, Le Charivari, « Vue prise dans un atelier, quelques jours avant l’ouverture de l’exposition », 1855, dans F. Saint-Guilhem et Klaus Schrenk, Honoré Daumier, L’œuvre lithographique, II, p 956, Arthur Hubschmid, Paris, 1978. Bibliothèque de l’INHA, collections Jacques Doucet, [8°O 179-2].

scientifi ques portant sur leurs collections6. passent les auteurs, co-auteurs et photographes 1 Étrangement, la loi n’a pas prévu qu’ils touchent Elles ont choisi de libérer l’utilisation des d’un ouvrage ; quant aux images isolées, elles une part des plus-values de leurs œuvres, mais ils peuvent réclamer des honoraires sans plafond sur des clichés par les chercheurs. En France, certains seraient traitées comme des citations, ne reproductions qui contribuent pourtant essentiellement musées, notamment en région, utilisent pouvant entraîner le paiement de droits ; à accroître leur notoriété : les éditeurs ou les historiens depuis longtemps ce formidable levier de – pour les images provenant des fonds de l’art réclameront-ils un jour des « contre-droits » aux ayants-droit ? Ce ne serait que justice. communication que représente la libre mise patrimoniaux relevant par défi nition du 2 Voir la tribune antérieure de Claude Mignot, « Droits à disposition des images de leurs collections. domaine public, elles devraient être disponibles sur l’image : l’image d’architecture », Nouvelles de Encore une fois, ce sont les élites de notre gratuitement (à l’exception sans doute l’INHA, n° 28, 2007, p. 2-3. 3 Voir Carré des arts, la lettre du groupe Art du pays qui sont en retard sur l’évolution des des images détournées de leur fonction Syndicat national de l’Édition, n° 4, mars 2006. mentalités chez les citoyens. D’ici dix ans, première, pour la publicité ou des utilisations 4 L’Observatoire de l’image, lettre d’information si la situation ne change pas, le renvoi à des industrielles), seuls les frais spécifi ques de juridique, « Éditorial », décembre 2006. 5 Voir la réunion-débat Le droit aux images et images disponibles gratuitement en ligne réalisation de l’image pouvant être facturés ; la publication scientifique organisée le 7 juin deviendra systématique. Cela est déjà possible – les édifi ces, qu’ils soient monuments 2007 par Perspective. La revue de l’INHA. en adjoignant un cédérom aux publications. nationaux ou propriétés privées, devraient 6 De même, la loi DADVSI du 3 août 2006 est une Annonciateur de cette pratique est le refus pouvoir être photographiés librement depuis adaptation particulièrement contraignante de la directive européenne 2001/29/CE sur les droits actuellement répandu des doctorants tout espace public, comme ils sont d’auteurs. Les autres pays européens ont adopté des de payer pour illustrer leurs thèses. librement regardés. mesures instaurant un statut particulier pour les droits Seules des mesures très fortes permettraient Ces propositions pourront paraître des images dans le cas d’une publication scientifique ou d’une utilisation à des fins pédagogiques. de rétablir un peu de raison dans ce domaine. audacieuses à certains au regard des usages Selon nous, trois dispositions permettraient et des habitudes prises, mais c’est la situation notamment de corriger la dérive du système actuelle qui est scandaleuse et rétrograde. actuel, qui, à terme, sera fatale pour la diffusion de la recherche en France : Philippe Bordes – pour les images publiées contribuant à la Directeur du département des Études notoriété des artistes et à la valorisation de leurs et de la Recherche, INHA œuvres, les artistes (ou leurs ayants-droit) ne Claude Mignot devraient pouvoir toucher de droits qu’en cas Professeur d’histoire de l’art et de l’architecture de publication d’une part signifi cative de leur moderne, université de Paris IV œuvre, avec un contrat semblable à celui que

3 Galerie Colbert Le Centre inter-universitaire de Recherche en Art contemporain (CIRHAC), université Paris I Panthéon-Sorbonne

Dirigé par Éric Darragon, le Centre investigation, relayée par le séminaire Monfl eur et Christophe Bourguedieu, les inter-universitaire de Recherche en Art de Julie Ramos, Art occidental et pensées « Rencontres Recherche-Création » dont contemporain (CIRHAC) regroupe les extrême-orientales au XIXe siècle, dans lequel la formule sera prochainement reprise. enseignants-chercheurs en histoire de l’art est analysé l’apport de la découverte de Le séminaire mensuel intitulé L’art à la contemporain de l’université Paris I et l’hindouisme, du bouddhisme et du taoïsme limite organisé par quatre membres du constitue à ce titre un lieu de dialogue et aux pratiques artistiques du XIXe siècle. CIRHAC (Patrick de Haas, Guitemie de réfl exion sur les orientations à donner à Au sein du CIRHAC, cette volonté Maldonado, Julie Ramos et Denys Riout) la recherche et aux enseignements ainsi d’ouverture à une histoire de l’art classique a également ouvert ses portes et ses débats qu’un instrument d’organisation des et expérimentale à la fois s’exprime par une aux artistes : à Bernard Venet (le 22 octobre activités développées en liaison avec les six relation étroite entre l’art actuel et l’histoire 2007) et à Claude Rutault (le 20 février autres composantes de l’équipe d’accueil au sens large sans établir de catégorie 2008). En outre, depuis octobre 2006, des 4100 Histoire culturelle et sociale de l’art. exclusive ou systématique. L’esprit d’analyse rencontres ont lieu entre des chercheurs L’histoire des pratiques artistiques, des et d’examen critique est privilégié dans le et des personnalités rattachées à d’autres échanges et des discours sur l’art aux XIXe, cadre des enseignements de Master. À une institutions ; elles s’attachent à poser la XXe et XXIe siècles y est abordée dans époque caractérisée par la multiplication des question de la spécifi cité des pratiques un souci d’ouverture, qu’il s’agisse des formes d’expression (de la peinture à l’art artistiques et de leur renouvellement par objets, des thèmes, des points de vue ou numérique), les problèmes d’interprétation l’hybridation, l’élargissement ou encore des méthodes, et dans une perspective de sont étroitement liés au processus formel. le franchissement. Le séminaire de Patrick collaboration avec les autres centres L’objet est au centre du débat critique de Haas consacré aux apports du cinéma de recherche associés depuis 2006 au sein ou théorique. Ces questions suscitent de à la recherche picturale et à la pratique de l’EA 4100 (CHAR pour l’art moderne, nombreux travaux de recherche sur la du cinéma expérimental, ainsi que les Centre Ledoux pour l’architecture moderne, période contemporaine, et sont illustrées séminaires de Denys Riout sur l’usage AVD pour l’architecture contemporaine et par les interventions d’artistes invités à du son et l’invisibilité des œuvres d’art le design, CERHEC pour le cinéma). Le s’exprimer sur leurs pratiques. Ainsi, lors depuis 1958, nourrissent et prolongent CIRHAC, dont la vocation est de multiplier de la journée d’études Autres mondes chaque semaine cette réfl exion. les passerelles au sein de la discipline, mais (Exotisme, Colonialisme, Primitivisme, Dans le même esprit, le projet REPER de aussi avec les autres sciences humaines, Globalisation) organisée par Philippe Guitemie Maldonado (CIRHAC) vient a été créée sur la base d’une communauté Dagen en juin 2007, une table ronde a d’être sélectionné dans le cadre du concours de pratique et de conception de l’histoire réuni Hassan Musa et Barthélémy Toguo. « Jeunes chercheurs » de l’Agence nationale de l’art largement tributaire de la tradition Dans cette même perspective, le colloque de la Recherche. Ce projet fédère une universitaire de l’université de Paris 1. Émotion(s). L’histoire de l’art par la voie équipe mixte composée d’enseignants- À titre d’exemple, la journée d’études sensible (organisé par Guitemie Maldonado, chercheurs (Isabelle Ewig, Patrick de consacrée en 2007 à la notion de dislocation Claude Massu et Michel Poivert en octobre Haas, Andy Stafford), de chercheurs (Yves organisée par Éric Darragon et Dominique 2007) a inauguré, avec les artistes Denis Chèvrefi ls-Desbiolles, Emmanuel Guigon, Poulot (29-30 juin), puis le colloque intitulé Roxane Jubert, Iveta Slavkova) et d’une Fabriques de l’Allégorie organisé par Colette doctorante (Katia Schneller) sur la base Nativel, Julie Ramos et Catherine Wermester d’un programme triannuel de recherche (27-29 septembre) ont témoigné de la consacré à l’étude de l’art des années vitalité de la recherche dans ces domaines. 1945-1960 en Europe. Il s’agit d’apporter Faire dialoguer les périodes historiques un éclairage inédit sur toutes les formes constitue également le projet, sur trois de l’activité artistique de cette période en années, du programme de recherche lancé échappant à l’histoire convenue fondée par Sophie Delpeux et Julie Ramos en sur l’axe Europe / États-Unis. L’ampleur octobre 2007 : Romantisme et années 1970, de ce chantier suscitera des recherches, dialogues. Il s’agit d’étudier comment plusieurs journées d’études, un colloque l’héritage du romantisme survit à la Seconde international et un ouvrage de synthèse Guerre mondiale, comment les utopies qui devrait constituer une référence sur la inaugurées au XIXe siècle trouvent un nouvel question. Guitemie Maldonado anime par écho dans les pratiques artistiques des années ailleurs un séminaire dédié à l’histoire de 1970, en particulier au sein du happening, l’abstraction, des origines à nos jours. de la performance ou du . Plusieurs Le CIRHAC soutient ces initiatives et celles journées d’études devraient ponctuer cette de doctorants qui lui sont associés. Ainsi

4 Les Nouvelles de l’INHA / n° 32 / juillet 2008 le groupe de recherche qui s’est formé en En juin 2006, le premier volet intitulé La économique ; le deuxième aux réapparitions 2005 et qui, composé de deux doctorants Satire. Conditions, pratiques et dispositifs contemporaines de et du surréalisme. du CIRHAC (Jérémie Cerman, Gilles du romantisme au post-romantisme. XIXe- Enfi n, la quatrième journée d’études (29-30 Soubigou), d’une doctorante de CHAR XXe siècles, avait été l’occasion d’analyser juin 2007) intitulée La Dislocation, sous la (Joana Barreto) et d’une doctorante de la posture de dénonciation des travers direction d’Éric Darragon et de Dominique l’université Paris IV (Valentine Toutain- d’une époque et d’évaluer la capacité de Poulot, avait pour objet de penser des Quittelier), a organisé le colloque Visible et renouvellement du genre. phénomènes instables : le singulier contre lisible : confrontations et articulations du texte Le deuxième volet, la journée consacrée à l’original, la bribe, que ce soit sous la et de l’image (juin 2006), dont les actes ont la profanation que l’on vient de signaler, fut forme d’un démembrement ou d’une perte été publiés aux éditions Nouveau Monde, l’occasion de s’interroger sur les notions de d’authenticité. Le 24 juin 2008 une journée en 2007. Pour la rentrée 2007-2008, quatre désacralisation et d’autocritique radicale de d’études a été consacrée à la notion allocations de recherche ont été attribuées l’institution « art », et d’aborder la question de « détachement ». aux étudiants du CIRHAC (parmi les neuf de sa pérennité aujourd’hui. Pour le 25 allocataires accueillis par l’EA 4100). Enfi n, juin 2008, le thème retenu est la parodie. L’équipe du CIRHAC de nombreuses journées d’études, en lien La deuxième journée d’études du 27 juin avec l’ED 441 Histoire de l’art, dirigée par 2007 avait pour objet l’identité et les Membres : Claude Massu, permettent de donner à aspirations de la photographie d’après- Philippe Dagen, Éric Darragon, Patrick de Haas, Sophie Delpeux, Guitemie Maldonado, ces travaux leur première visibilité. En juin guerre, pensées dans le contexte social et Michel Poivert, Julie Ramos, Denis Riout, 2007, quatre journées d’études ont été politique de l’émergence d’une nouvelle Bertrand Tillier, Catherine Wermester. programmées pendant la « Semaine de la génération de photographes. Organisée science » le principe a été repris en 2008. par Michel Poivert en partenariat avec Membres associés : Frédérique Desbuissons, Marie Gispert. La première, intitulée De la profanation l’Association de Recherche sur l’Image (26 juin 2007), entrait dans le cadre photographique (association étudiante Allocataires de recherche : d’un programme d’étude en trois volets hébergée par le CIRHAC ; ses contributions Julie Jones, Laura Karp Lugo, Hanna Murauskaya, Audrey Norcia, Pascale Ratovanony, Olivia Speer, Katherin conduit par Bertrand Tillier et Catherine sont diffusées par sa revue électronique, Umbach. Wermester, consacré aux dispositifs de www.arip-photo.org), la journée fut critique sociale induits par les formes l’occasion d’évoquer la question dans les Zinaïda Schnell, ingénieur d’étude, assure le suivi et la coordination des activités d’enseignement et de artistiques ; elle en constituait le second pays « libres » et dans les pays « sous régime recherche de l’EA 4100 ([email protected] ; volet. Commencé en 2006, ce programme totalitaire ». Deux nouvelles journées téléphone : 01 47 03 84 44 ; fax : 01 47 03 84 09). procède par degré, dans le prolongement d’études sur la photographie ont eu lieu 26 3 2008 Pour toute information complémentaire et d’un colloque organisé par le CIRHAC en les juin et juillet . Michel Poivert précisions sur les manifestations à venir, consulter hommage à Josée Vovelle, en 2001, dédié anime deux séminaires sur l’histoire de le site de l’école doctorale d’histoire de l’art : à la provocation (les actes ont été publiés la photographie : le premier est consacré http://www.univ-paris1.fr/recherche/ed/ ed_ufr03- ufr04/rubrique653.html aux Presses universitaires de la Sorbonne). à la photographie surréaliste, mise en rapport avec les théories de l’image, de l’imagination et de l’imaginaire dans les années 1920-1950 ; le second, sur la photographie contemporaine en France, réserve une place importante aux artistes Précédemment évoquée, la troisième journée d’études intitulée Autres Mondes (Exotisme, Colonialisme, Primitivisme, Globalisation) a confronté des approches contemporaines du « primitivisme » à des études sur les développements actuels de l’art dans des pays anciennement colonisés. Le 27 juin 2008 s’est tenu une nouvelle journée d’études « britanniques ». Philippe Dagen dirige deux séminaires, l’un est consacré à l’étude de la scène contemporaine de l’art, du point de vue théorique, idéologique, muséographique et

5 La sculpture en France nécessaire (historiographie, régionalisme des synthétique et prospectif sur « La sculpture à l’époque moderne recherches…) pour mieux défi nir les champs et son lieu » prévu en 2011 ou 2012. Programme de recherche soutenu à développer et les méthodes à élaborer. S’appuyant sur la bibliographie, nourrie par par l’Agence nationale de la Recherche À ce titre, il est également prévu de réunir le cycle de journée d’études, la réfl exion (2007-2011) des spécialistes étrangers pour un séminaire sera mise à l’épreuve des œuvres dans deux de réfl exion sur les « Parties pris et implications foyers riches en sculptures, la Champagne, Depuis 2007, l’INHA accueille un des différentes méthodes d’analyse de la pour le XVIe siècle, et la région Midi- programme de recherche sur la sculpture sculpture à l’époque moderne ». Pyrénées, pour le XVIIe siècle. L’équipe en France à l’époque moderne. Financé par collabore en effet au projet d’exposition l’Agence nationale de la Recherche dans le Dans la même perspective, un cycle de « Le Beau XVIe siècle, les chefs-d’œuvre cadre d’une ANR «Jeunes chercheurs » pour rencontres sur « La sculpture dans son de la sculpture en Champagne », porté quatre ans, ce projet est mené avec le Centre rapport avec les autres arts » se déroule par le Conseil général de l’Aube (Troyes, d’Études supérieures de la deux journées par an, au CESR de Tours mai-octobre 2009) et coordonne à cette (CESR) de l’université de Tours et le (1500-1650) et à l’université Toulouse II occasion un colloque sur « La Sculpture FRA.M.ESPA (France méridionale et (1650-1800). Ces rencontres ont été conçues du XVIe en France » (Paris, INHA et Espagne) de l’université de Toulouse II. sous la forme d’un triptyque : «Sculpture et Troyes, Maison du Patrimoine, 1-3 octobre Il ambitionne de réhabiliter l’étude de la texte », en 2007, a été suivi par « Sculpture 2009). Elle a également entrepris une sculpture française de l’époque moderne, et Architecture », en 2008. En 2009, le action de valorisation économique au parent pauvre des recherches universitaires, troisième volet sera à la fois plus large, sein de la politique patrimoniale de la tant d’un point de vue scientifi que que puisqu’il sera question des rapports de la Région Midi-Pyrénées, en termes de culturel1. Outre la recherche qui vise à sculpture avec les arts en deux dimensions sensibilisation – avec deux expositions dégager la spécifi cité de cet art tout en (dessin, peinture, gravure), et plus ciblé, à venir – comme de collaboration intégrant les avancées signifi catives qu’ont l’interrogation portant sur le passage de la directe, notamment avec les nouveaux connues d’autres domaines, l’objectif deuxième à la troisième dimension et vice- services de l’Inventaire décentralisé. est de proposer de nouveaux outils versa. La quatrième séance, « Sculpture Au-delà des actions en cours, l’ambition aux chercheurs et aux responsables du versus Sculpture », invitera à adopter du CESR de l’université de Tours et patrimoine, afi n d’établir une méthode une vision élargie tirant les conclusions de FRA.M.ESPA de l’université de d’analyse des sculptures permettant des trois autres. On cherchera à dégager Toulouse II est de créer, un important d’enrichir la réfl exion pour une nouvelle les caractères propres à l’étude de la sculpture réseau de chercheurs sur la sculpture histoire de la discipline. afi n de poser les jalons nécessaires au colloque française de l’époque moderne.

La sculpture, beaucoup plus que la peinture Marion Boudon-Machuel et l’architecture, a fait l’objet d’études Conseillère scientifique à l’INHA ponctuelles et dispersées, bien souvent Maître de conférences, université de Tours oubliées ; un état des lieux est d’autant Pascal Julien plus nécessaire. Une base de bibliographie Professeur, université de Toulouse II critique de la sculpture en France Fabienne Sartre (XVIe siècle - XVIIIe siècle) est en cours Maître de conférences, université de Toulouse II d’élaboration et sera accessible en 2012 sur le site de l’INHA : les articles publiés 1 Deux récents états de la question ont relevé un certain dans les revues françaises des XIXe et retard des travaux des chercheurs français sur le sujet e au cours des vingt dernières années (Marion Boudon- XX siècles, locales et nationales, y sont Machuel, « Vingt ans de recherche sur la sculpture recencés – dépouillement jugé utile par la en France », Histoire de l’art, n°57 ; Malcolm Baker, communauté scientifi que, les articles étant « Pourquoi la sculpture n’est plus ennuyeuse. Recherches sur la sculpture française des jardins de Versailles aux rarement répertoriés, et presque jamais panthéons de la Révolution », Perspective, 2006-2). analysés. À terme, les principales revues internationales devraient également être traitées. Cette base permettra d’enrichir sous plusieurs angles l’étude de la sculpture française (artistes, foyers de production, œuvres, matériaux, techniques, styles…), mais aussi de prendre la distance critique

6 Les Nouvelles de l’INHA / n° 32 / juillet 2008 Grands instituts et bibliothèques d’histoire de l’art La recherche et l’enseignement au musée du quai Branly

Le département de la recherche au fi nancement du groupement. Deux Poursuivant la tradition du musée de et de l’enseignement instances de contrôle et de sélection, le l’Homme, le musée du quai Branly Comité de gestion scientifi que et le Comité héberge aussi quatre sociétés savantes : Le musée du quai Branly a vocation à être de pilotage, l’encadrent. Le musée du quai la société des Africanistes, la société un lieu de production et de diffusion de Branly en est l’un des partenaires. En tant des Américanistes, la société des Euro- la connaissance scientifi que. Pour cela, que coordinateur, il favorise la rencontre Asiatiques et la société des Océanistes. le département de la recherche et de des différentes équipes et la diffusion l’enseignement assure, en collaboration des recherches en cours, notamment par L’enseignement avec les responsables du patrimoine et des la création d’un site Internet d’échange Le musée est une plateforme collections du musée, les relations entre et l’organisation de rencontres. d’enseignement qui accueille des le musée, les institutions de recherche Par ailleurs, le département de la recherche séminaires en relation avec ses collections et d’enseignement et la communauté et de l’enseignement accueille chaque ou correspondant aux orientations des chercheurs et des universitaires année six à huit personnalités étrangères scientifi ques retenues. Dans ce cadre, il est français et étrangers. L’activité de du monde scientifi que. Ces « chercheurs lié par convention à neuf établissements recherche repose sur une structure souple invités » disposent des outils du musée d’enseignement supérieur auxquels il ne se centrée sur l’accueil, pour des périodes pour approfondir leurs recherches substitue pas. Sa politique est tout à la fois limitées, de chercheurs conduisant des et assurent un cycle thématique de de recevoir dans le musée des enseignements projets individuels ou collectifs. conférences présentant leurs travaux. délivrés par ces établissements et de Le département entend susciter des travaux Des chercheurs français ou étrangers mettre à leur disposition des personnels de recherche originaux, développer des travaillant sur les collections sont et les ressources du musée. La validation outils innovants d’aide à la recherche également reçus pour des périodes des diplômes est de la compétence (base de données, outils multimedia, variables (un à trois mois) et bénéfi cient exclusive de l’établissement partenaire. applications en sciences humaines), offrir des d’un accès aux collections et aux Le musée accueille annuellement une enseignements destinés à des étudiants de ressources documentaires du musée. quarantaine de séminaires spécialisés troisième cycle et promouvoir la diffusion Le déploiement de l’activité scientifi que dans les domaines de l’ethnologie, de des connaissances par des publications passe aussi par l’attribution chaque année l’histoire de l’art, de l’archéologie, et des manifestations scientifi ques. de bourses doctorales et post-doctorales à de la muséologie, etc., destinés aux Son champ de recherche est l’anthropologie de jeunes chercheurs accueillis au musée étudiants de master et aux doctorants. et l’histoire des arts non occidentaux. En ce et d’un prix récompensant une thèse. Parallèlement aux séminaires ayant lieu au sens, il souhaite favoriser le dialogue entre anthropologues, historiens et historiens de Vue extérieure du musée du l’art et toucher de nombreuses disciplines. quai Branly, septembre 2007. Si le département soutient les projets de © Musée du quai Branly, photographe : Nicolas Borel, recherche en lien avec les cultures non architecte : Jean Nouvel. occidentales, il reste ouvert aux projets intégrant les cultures européennes, en particulier dans une démarche comparatiste.

La recherche L’activité de recherche se développe selon plusieurs modalités orientées tantôt vers la recherche fondamentale, tantôt vers les applications de la recherche. L’un des dispositifs importants mis en place est le Groupement de recherche international (GDRI) « Anthropologie et histoire des arts » qui est un réseau international de recherche scientifi que interdisciplinaire de haut niveau. Il réunit des institutions de plusieurs pays qui se sont accordées pour développer des projets scientifi ques communs et qui prennent toutes part

7 musée, le département propose un nouvel Les publications scientifi ques • Le développement de l’édition enseignement consacré à « L’Histoire La diffusion de la connaissance est électronique : des collections extra-européennes » et également assurée par le déploiement d’une Une politique d’édition scientifi que en dispensé par les conservateurs du musée. politique éditoriale scientifi que en trois ligne est également développée. Les revues En étroite collaboration avec ses partenaires, types de publications : des sociétés savantes citées plus haut sont le département développe un réseau progressivement mises en ligne sur le site de relations avec des universités et des • Une série « anthropologie et esthétique » Internet du musée. La revue Gradhiva sera institutions européennes afi n de créer au sein de la collection « Æsthetica » disponible en ligne courant 2008, à la fois un « Collège doctoral européen ». Le département de la recherche et de sur ce site et sur le portail Revues.org. l’enseignement a signé un accord éditorial La diffusion des connaissances avec les éditions Rue d’Ulm (Presses de Un pôle de ressources documentaires : scientifi ques l’École normale supérieure) qui permettra de la médiathèque. Les manifestations scientifi ques publier, dans la collection « Æsthetica », une Le musée du quai Branly met à disposition Le département de la recherche et de série d’ouvrages consacrés à l’anthropologie de la communauté scientifi que un ensemble l’enseignement organise, seul ou en et à l’esthétique. Avec cette nouvelle documentaire exceptionnel dans les collaboration avec d’autres institutions, série, cette collection s’ouvre à d’autres domaines de l’ethnologie et de l’histoire diverses manifestations qui permettent de esthétiques que l’occcidentale et se place de l’art extra-européen. Elle remplit à la fois restituer l’avancement des recherches et de dans le contexte de toutes les cultures. une mission patrimoniale de conservation diffuser la connaissance auprès d’un public Les ouvrages co-édités s’orienteront de ses fonds et une mission documentaire plus ou moins spécialisé. dans trois directions : d’enrichissement des collections. Pôle Chaque année, plusieurs colloques – une section « Objet » proposera une réfl exion d’excellence en ethnologie, elle dispose internationaux ont lieu sur des questions autour d’un objet ou d’une série d’objets ; de 250 000 ouvrages sur les arts et liées au champ de recherche du – une section « Auteur » sera consacrée civilisations d’Afrique, d’Asie, d’Océanie département, à savoir l’anthropologie à un auteur-clé, ou à la réédition ou à la et des Amériques, des revues scientifi ques et l’histoire des arts non occidentaux. traduction d’ouvrages de référence ; notamment électroniques et des documents Un récent colloque, intitulé « Des – une section « Questions et controverses » se sonores et audiovisuels. Elle conserve collections anatomiques aux objets de concentrera sur une question centrale de la également des documents patrimoniaux, culte : conservation et exposition des restes recherche internationale actuelle. Il pourra des photographies, des archives et un fonds humains dans les musées », a eu lieu à la fi n s’agir d’ouvrages collectifs. L’ouvrage de précieux d’environ 3 500 ouvrages des du mois de février 2008. Carlo Severi, Principe de la Chimère, une XVIIe, XVIIIe et XIXe siècles. Des cycles de conférences sont organisés anthropologie de la mémoire (novembre Pour mettre ces fonds à la disposition des conjointement avec plusieurs universités 2007), est le premier publié dans étudiants et des chercheurs, la médiathèque ou assurés par les chercheurs invités en le cadre de cette collaboration. comprend plusieurs espaces : une salle résidence au musée du quai Branly. Par de lecture, un cabinet des fonds précieux exemple, le département de la recherche • Une revue d’anthropologie et où l’on peut consulter les documents de et de l’enseignement propose un cycle de muséologie, Gradhiva l’iconothèque et de la réserve, la salle thématique « Culture et droit » en La publication semestrielle de la revue de consultation des archives et de la collaboration avec la formation de master 2 Gradhiva permet de faire connaître des travaux documentation sur les collections, et le salon « Droit du patrimoine culturel » de récents d’anthropologie et de muséologie. de lecture Jacques Kerchache ouvert au public l’université Paris-Sud XI. Fondée en 1986 par Michel Leiris et Jean du musée et où ont lieu des conférences. Des cycles de conférences thématiques Jamin, puis dirigée par Françoise Zonabend. en rapport avec les activités culturelles du Elle est publiée semestriellement depuis 2005 Anne-Christine Taylor musée (expositions et manifestations) sont par le musée du quai Branly. Elle regroupe Directrice du département de la recherche également programmés. des études inédites, des archives et une et de l’enseignement du musée du quai Branly Des journées d’études sont également iconographie de qualité ; elle est ouverte organisées sur des thèmes plus précis à de nombreuses disciplines en dehors de pour un public plus spécialisé. Elles l’anthropologie et de la muséologie : l’histoire peuvent s’inscrire dans d’autres activités de l’art, l’histoire, la sociologie, etc. du département, en relayant par exemple Les numéros parus sont : les travaux du GDRI ou en prolongeant 1 - « Haïti et l’anthropologie », des débats suscités par une publication. 2 - « Autour de Lucien Sebag », 3 - « Du Far West au Louvre : le Musée indien de George Catlin », 4 - « Le Commerce des cultures », 5 - « Sismographie des terreurs », 6 - « Voir et reconnaître l’objet du malentendu ».

8 Les Nouvelles de l’INHA / n° 32 / juillet 2008 Le point sur un fonds, un outil, une recherche Les archives d´art contemporain en Espagne

L’intérêt porté aux archives de l’art de ministère de la Culture (www.mcu.es/ archives privées sont en revanche diffi ciles à la période contemporaine en Espagne archivos/index.html) ; elles sont, dans le localiser car leur lieu de conservation dépend a connu un important essor depuis les domaine de l´art contemporain, une source de la volonté de leur propriétaire ; en fait, trente dernières années. La consolidation d’informations essentielle pour l’étude de elles sont disséminées dans tout le pays. de la démocratie, la décentralisation la politique culturelle espagnole et pour L’absence de moteur de recherche réunissant politique, la création de fondations privées l’analyse des institutions et de l´art dans la totalité des archives complique la tâche et le travail de restitution de la mémoire le contexte de la guerre civile ou de l’exil. de l´historien, qui se voit alors contraint de historique ont permis la constitution Elles sont consultables sur le site Pares collecter les informations fonds par fonds. d´archives dans diverses institutions. (pares.mcu.es), où se trouvent répertoriées Aussi présente-t-on ici une sélection des Le présent article propose un aperçu toutes les collections, ainsi qu’un grand archives espagnoles sur l’art contemporain, des archives (souvent méconnues) nombre de documents numérisés. Les plutôt que d’essayer d’en dresser une liste traitant du début du XXe siècle jusqu´à archives privées proviennent des personnes complète. la fi n de la dictature franquiste, afi n physiques et morales privées telles que des d’en faciliter l’accès aux chercheurs. artistes, des critiques d´art, des historiens Du renversement de la monarchie à de l´art et des galeries. Elles sont utiles l’instauration de la République, l’Espagne La législation espagnole distingue les pour l’établissement de monographies, du début du XXe siècle jusqu’à la guerre archives publiques des archives privées ; l’étude de l’histoire du goût, l’analyse de civile connaît de grands bouleversements cette distinction est importante car elle la critique d’art et des divers mouvements politiques et sociaux. À cette époque, détermine tant l´origine et la propriété artistiques. Elles sont conservées dans des artistes et intellectuels tels que Buñuel, des œuvres que l´accès aux fonds et la lieux très variés, qu’il s’agisse de collections Dalí, García Lorca, Miró ou Picasso, ont communication des documents. Provenant publiques ou de fonds privés (institutions ou été étroitement liés aux mouvements de l´État ou d’institutions publiques, les particuliers). Si les archives publiques sont d´avant-garde internationaux. Différents archives publiques sont sous la tutelle du aisément identifi ables et consultables, les fonds d’archives publiques réunissent des

Lettre d´Alexandre Calder à Ángel Ferrant, 1950, 27,8 x 21,4 cm, Fonds Ángel Ferrant. C.A.C. Museo Patio Herreriano, Valladolid.

9 documents sur la politique culturelle de org/AngelFerrant/archivo_ferrant) est pour l´étude de l´art informel, de l´art cette période et sur les rapports entre artistes également extrêmement riche. Il contient géométrique et de la critique d´art des et institutions nationales. Cet ensemble l’ensemble de la documentation personnelle années 1950-1960. Les archives de galeries, est facilement consultable dans la base de de Ferrant, où l’on trouve des informations celles de la galerie Juana Mordó conservées données Pares. Provenant de plusieurs inédites sur l´artiste et ses relations avec au Círculo de Bellas Artes, à Madrid fondations, des fonds spécialisés en art, d’autres artistes (Calder, Sartoris, etc.), (www.circulobellasartes.com), et celles en littérature, en musique, en cinéma se mais aussi sur le contexte artistique de de la galerie Edurde, à Madrid (en partie trouvent rassemblés dans l´Archivo virtual la première moitié du XXe siècle. consultables sur www.galeriaedurne.com) de la Edad de Plata (1868-1936) (www. En 1936, le déclenchement de la guerre notamment, permettent de comprendre archivovirtual.org/primera.htm). Il s’agit civile abouti à la division du pays entre les orientations générales de la politique d’archives numérisées qui permettent de républicains et franquistes ; une abondante d’exposition d’art contemporain consulter différents fonds issus d’institutions documentation sur les années de guerre sous Franco. Il existe aussi des fonds culturelles publiques ou privées. (1936-1939) est rassemblée dans l´Archivo monographiques d’artistes de la période Pour les avant-gardes historiques, les sources de la Guerra civil y del Exilio, à Salamanque franquiste : par exemple, la bibliothèque concernant le mouvement surréaliste, très (www.mcu.es/archivos/MC/AGC/index. privée d’Antoni Tapiès conservée à la présent dans l’art espagnol, sont abondantes. html, consultable à partir de Pares). On Fundación Tapiès, à Barcelone (www. Le Centro de Estudios dalinianos peut y découvrir notamment les affi ches fundaciotapies.org) ou les archives du (www.salvador-dali.org/serveis/ced/ de soutien au Front républicain de sculpteur Jorge Oteiza à la Fundación Jorge es_fons_bibliografi c.html), la bibliothèque Josep Renau, les célèbres photographies Oteiza, à Pampelune (www.museooteiza. de la Fondation Miró, à Barcelone (www. de guerre de Robert Capa et de com). Ces documents permettent d’étudier fundaciomiro-bcn.org), mais aussi le fond nombreux documents sur la conservation le parcours des artistes ainsi que le contexte documentaire Joan Miró dans la Fondation du patrimoine espagnol pendant la guerre artistique espagnol et ses relations avec la Pilar i Joan Miró, à Majorque (www. civile, ainsi que sur l´exil des républicains scène internationale. Il convient de noter miro.palmademallorca.es/catala/bibliote. après l’achèvement de celle-ci. aussi l’enrichissement que constituera htm) conservent des documents sur le La victoire de Franco a généré un l’apport de fonds très importants comme développement de cette tendance artistique et changement politique radical dont témoigne celui du collectif géométrique Equipo politique en Espagne et de ses liens avec les l´Archivo General de l´Administration, 57 au Centro andaluz de Arte moderno autres pays. On peut également mentionner à Alcalá de Henares (www.bne.es/fr/ (Séville) ou celui de au musée les archives de la revue Gaceta de Arte, colecciones/archivo.htm). Après une Vostell (Malpartida, en Estrémadure) qui se trouvent dans le fonds Domingo première décennie d’autarcie, le régime a actuellement en cours de catalogage. Pérez Mink, à la bibliothèque municipale mis en place une politique culturelle tournée Actuellement, la bibliothèque du Centro de Tenerife (www.bibliotecaspublicas. vers l’international, en soutenant, à des nacional de Arte Reina Sofía développe es/tenerife/bpes_colaborar.htm). Dirigée fi ns politiques, certains artistes espagnols une politique d´acquisition d’archives par le critique d´art Eduardo Westerdahl, de la nouvelle génération (Saura, Tapiès, concernant l´art espagnol du XXe siècle qui cette publication a fait connaître en Oteiza, etc.). La documentation concernant manifeste clairement une volonté active de Espagne les grands courants artistiques la participation de l´Espagne aux grandes conservation des archives d’art en Espagne. internationaux des années 1930. Les archives biennales d´art (Venise, Sao Paulo, Paris) et Cela étant, la politique de sauvegarde et de de cette revue conservent ainsi de précieux les divers aspects de la politique culturelle valorisation des fonds privés, susceptible documents sur le surréalisme ainsi que sur franquiste, peuvent être consultés dans les de sensibiliser les propriétaires tout en d’autres mouvements d’avant-garde. archives du ministère espagnol des Affaires leur assurant encadrement et soutien, doit Les chercheurs travaillant sur la première étrangères (www.maec.es). Cependant, des être poursuivie. Pour les fonds existants moitié du XXe siècle disposent également créations avant-gardistes ont été soutenues en Espagne, la création d’un moteur de d’importants fonds monographiques, par des entités indépendantes de l´État, dont recherche – qui suppose qu’ils soient comme ceux de l´architecte Josep Lluis les archives fournissent des informations d’abords recensés – permettrait de les rendre Sert, auquel l’on doit en France la précieuses et souvent inédites. Ainsi le fonds plus accessibles et d’utilisation plus simple. Fondation Maeght, à Saint-Paul de d’archives privées du Centro internacional Vence. Conservés à la Fondation Miró, à de Documentación artística, à Vilafamés, Paula Barreiro-López Barcelone, ils fournissent des informations dans le Castellón (www.cidavilafames. Docteur en histoire de l´art, chercheur accueilli à l´INHA sur l´architecture, le design et l´urbanisme. es) conserve de nombreux documents dans le cadre du projet « Archives de l’art de la période contemporaine » Le fonds d’archives du sculpteur Angel espagnols et étrangers qui appartenaient Ferrant, en dépôt au musée Patio Herreriano, au critique d´art Aguilera Cerni. Cet à Valladolid (www.museopatioherreriano. ensemble est particulièrement intéressant

10 Les Nouvelles de l’INHA / n° 32 / juillet 2008 Manolo Millares, « Sans titre », 1958-1959, collage, papier sur carton, 16 x 13 cm. Centro Internacional de Documentación Artística Vicente Aguilera Cerni, Villafamés.

1111 Le point sur un fonds, un outil, une recherche Le programme Architectura du Centre d’Études supérieures de la Renaissance à Tours (CNRS UMR 6576 / université François Rabelais)

Le programme Architectura. Architecture, – Les livres d’architecture (direction d’Aviler à la fi n du XVIIe siècle. Outre textes et images en France (XVIe-XVIIe F. Lemerle et Y. Pauwels) offrent une la bibliographie exhaustive, souvent siècles), conçu et dirigé par Frédérique bibliothèque numérique d’ouvrages inédite, des auteurs, elle offre pour chaque Lemerle et Yves Pauwels depuis 2004, sur l’architecture (théorie, esthétique, ouvrage une présentation scientifi que est avec Ricercar pour la musicologie technique) et des domaines annexes établie par les meilleurs spécialistes et les Bibliothèques virtuelles humanistes (géométrie, perspective, horlogiographie, français et étrangers, ainsi qu’une notice pour la littérature générale, l’un des trois fortifi cations, art des jardins, serrurerie…) bibliographique établie par les conservateurs programmes informatiques de référence publiés en langue française. des institutions propriétaires. Une du CESR de Tours, pôle de recherches Le corpus propose la bibliographie de transcription en orthographe modernisée pluridisciplinaires. Il est aujourd’hui l’ensemble des éditions de chaque ouvrage ; est téléchargeable en format pdf. composé de trois bases de données : dans le cas de traductions en français, il Gallia Romana, Les livres d’architecture est complété par les éditions originales – La base de données L’architecture et L’architecture française à travers les et, pour les écrits originaux en français, française à travers les textes et les images sera textes et les images. Il a pour objectif de par les traductions en langue étrangère. activée à la rentrée universitaire 2008. Elle mettre à la disposition des chercheurs et Plus largement il est étendu à l’ensemble recensera l’ensemble des représentations étudiants un ensemble de ressources unique, des sources européennes nécessaires à et des textes (manuscrits et imprimés) accessible en français et en anglais, sur les la compréhension des textes. Il met en concernant la réception de l’architecture représentations graphiques et textuelles de ligne les ouvrages numérisés provenant française pendant la Renaissance et la l’architecture française entre 1500 et 1700. principalement des fonds patrimoniaux du première moitié du XVIIe siècle : dessins et CESR et de l’université François Rabelais, gravures, textes mentionnant et décrivant – Gallia Romana dirigée par Frédérique de l’École nationale supérieure des Beaux- les édifi ces majeurs (journaux de voyages, Lemerle, rassemble un corpus des Arts, de la Bibliothèque de l’INHA relations d’ambassadeurs, topographies…), témoignages écrits et graphiques relatifs à et prochainement de la Bibliothèque relations de fêtes ou d’entrées solennelles la réception de l’architecture, de la Gaule municipale de Besançon. À ce sujet, nous impliquant des décors architecturaux. Elle antique à la Renaissance; cette base de tenons à remercier chaleureusement tous proposera un corpus d’images et de textes données est l’équivalent français, pour ceux qui ont soutenu effi cacement le projet, transcrits, accompagné d’une bibliographie l’architecture, du programme Census of Annie Jacques, Juliette Jestaz ; Martine critique et intègrera les travaux récents des Antique Works known in the Renaissance Poulain, Dominique Morelon et Laure étudiants de master et des doctorants de (www.census.de/census/). Un ensemble Jestaz ; Henry Ferreira-Lopes. Des accords l’université François Rabelais, en particulier inédit de textes (manuscrits et imprimés) ont été conclus ponctuellement avec d’autres ceux de Pauline Chambrier, actuellement et de représentations concernent les institutions (bibliothèques municipales de chargée d’étude et de recherche à l’INHA. antiquités nationales léguées par les Français Rouen et de Dijon, bibliothèque du musée et les étrangers aux XVIe et XVIIe siècles. des Beaux-Arts de Tours, Bibliothèque Direction : Elle permet d’effectuer des recherches à royale de Belgique...). Le site propose enfi n Frédérique Lemerle et Yves Pauwels partir de plusieurs entrées (site, type de des liens avec les ressources disponibles sur monument, auteur, sujet, date…); les textes, le réseau en France (Gallica, Bibliothèque Webmaster : consultables dans leur langue d’origine, numérique de l’INHA, bibliothèque Sébastien Busson sont téléchargeables en format Pdf. La liste de Troyes, Conservatoire national des (http://architectura.cesr.univ-tours.fr/) des sites et la bibliographie sont en ligne Arts et Métiers) et à l’étranger (British depuis juillet 2004 ; la bibliographie textes/ Library, Gordon Collection de l’University Frédérique Lemerle images comporte une liste de 35 recueils de of Virginia, bibliothèques d’Anvers, Chargée de recherche au CNRS - HDR dessins ou gravures conservés en France et de Delft, de Séville...) ; en échange, le Tours, CESR, UMR 6576 à l’étranger (Cambridge, Oxford, Windsor site de la bibliothèque de Heidelberg a Yves Pauwels Castle, Londres, Berlin, Munich, Vienne, intégré à son catalogue en ligne tous les Professeur d’histoire de l’art moderne Saint-Pétersbourg, Parme, Sienne, Vatican...), ouvrages du programme Architectura. Tours, université François Rabelais - CESR plus de 50 manuscrits, 110 imprimés des XVIe La base propose ainsi plus de cent trente et XVIIe siècles et 160 références modernes. auteurs et collaborateurs (dessinateurs, Sur 116 sites répertoriés, 67 sont déjà en graveurs, traducteurs, éditeurs scientifi ques), ligne, soit près de deux cents monuments ou depuis Jean Pélerin dit Viator, auteur du fragments d’architecture antique. La base sera premier traité de perspective (Toul, 1505) achevée en 2009 et régulièrement mise à jour. jusqu’aux écrits de Charles-Augustin

12 Les Nouvelles de l’INHA / n° 32 / juillet 2008 Le point sur un fonds, un outil, une recherche La critique d’art en Argentine et le Groupe de Recherche d’Art visuel (GRAV)

Depuis 2003, la recherche étudie le rôle couleurs et des formes, leur travail collectif personnelle au même Institut Torcuato Di de la critique d’art en Argentine dans les les amena à créer des espaces ludiques Tella, à Buenos-Aires. À cette occasion, la années 1960. Ce travail est réalisé au sein (salles de jeu, labyrinthes) et à tenter des fi gure de Le Parc a été distinguée des autres de l’Institut d’art argentin et américain, à expériences dans la rue. En accord avec membres du groupe et reconnu par les l’université de La Plata (faculté des Beaux- d’autres manifestations contemporaines, critiques et les journalistes comme un jeune Arts), et de l’Institut national universitaire que l’on peut dire néo-avant-gardistes en artiste argentin qui réalisait complètement des arts, à Buenos-Aires. Un stage de ce sens qu’elles récupéraient des principes le rêve de l’internationalisation1 et du trois mois à l’INHA, dans le cadre du esthétiques, artistiques et politiques hérités modernisme. Pareil en cela à de nombreux programme « Profession culture », m’a des avant-gardes historiques, le GRAV a artistes depuis le XIXe siècle, Le Parc permis d’approfondir le sujet. Dans un accompagné ses propres expositions et s’installe à Paris à la fi n des années 1950 premier temps, j’ai essayé de comprendre événements par des textes, dont le contenu pour continuer sa formation, pour faire la comment la critique d’art avait élaboré programmatique et le ton intransigeant connaissance d’artistes comme Vasarely et de nouvelles catégories d’explication permettent de voir en eux de véritables pour s’intégrer dans le milieu artistique pour rendre compte de la rénovation du manifestes. On peut mentionner favorable d’une galeriste comme Denise langage artistique des années 1960. « Assez de mystifi cations » (1961), René. Au delà des débats sur la position En effet, pendant cette période, la « Proposition pour un lieu d’activation » de Paris comme « capitale internationale peinture informelle, « l’art destructif », de (1963), « Une journée dans la rue » (1964), des arts » face au développement de New nombreux happenings, l’art conceptuel, « Multiples » (1966) et « À la recherche York, la métropole française exerçait une l’art des médias, la tendance générale à la d’un nouveau spectateur » (1967). très grande attraction sur les jeunes artistes dématérialisation, et, en 1968, l’engagement Installés à Paris, les artistes du GRAV qui végétaient à Buenos Aires dans des politique de nombreux artistes, ont entraîné ont réalisé de nombreuses expositions en institutions artistiques assez sclérosées2. de profonds changements sur la scène France et à l’étranger. Trois de ces dernières Pour poursuivre mes recherches, j’ai artistique en Argentine, tant au niveau des ont révélé l’intérêt que les critiques, en consulté les principales publications parues œuvres qu’au niveau des institutions et du Argentine, accordaient au travail de Julio en Argentine au cours des années 1960. discours proposé par les différents acteurs Le Parc : en 1964, l’exposition L’instabilité J’ai pu retrouver les sources premières (les qui en ont fait partie. Les nouvelles formes à Buenos-Aires, au musée de Beaux-Arts revues et les journaux notamment) dans les de production des œuvres ont modifi é le (l’artiste reçut le prix spécial du jury de départements des périodiques des grandes rôle du spectateur, le discours de la critique l’Institut Torcuato Di Tella) ; en 1966, bibliothèques, comme la Bibliothèque d’art et le statut de l’artiste. En ce qui sa consécration internationale à la Biennale nationale et la Bibliothèque du Congrès concerne la critique, ce changement fut de Venise, où il reçut le Grand Prix de national, et la bibliothèque publique de surtout une remise en cause de ses anciennes Peinture ; et, en 1967, son exposition La Plata. Pour la recherche plus spécifi que certitudes et la révision de ses fondements. de catalogues et de documents sur l’art, Pour aborder cette question, j’ai retenu j’ai consulté les fonds de la bibliothèque du comme objet de recherche le discours musée national des Beaux-Arts, à Buenos- critique sur le Groupe de Recherche d’Art Aires, les archives de l’Institut Torcuato Di visuel (GRAV). Ce choix a conduit à étudier Tella et le matériel documentaire conservé aussi des textes de la critique d’art française, par la fondation Espigas. Je dois mentionner le GRAV ayant été formé à Paris en 1960 par aussi d’autres centres documentaires récents, des artistes argentins, espagnols et français spécialisés dans les arts, à Buenos-Aires : qui ont travaillé ensemble jusqu’en 1968. les Archives Jorge Romero Brest à l’Institut Ces artistes, Julio Le Parc, François de théorie et d’histoire de l’art Julio E. Morellet, Horacio García Rossi, Francisco Payró, et le Centre de documentation, Sobrino, Joël Stein, Yvaral, adoptèrent de recherche et de publications (CeDIP) les principes de travail de Vasarely, Albers du Centre culturel Recoleta. et Mondrian pour proposer un art de Les revues Panorama, Primera Plana, participation dans lequel le spectateur Confi rmado, Análisis ont été mes sources et la notion de jeu ont un rôle central. principales, ainsi que des périodiques Leur esthétique se basait sur l’abstraction comme La Nación et La Prensa. S’il faut géométrique et la recherche d’effets noter cependant que ces publications optiques et cinétiques. Si chacun d’eux n’étaient pas exclusivement dédiées aux usait de la peinture comme d’un dispositif questions artistiques, elles leur accordaient lié aux variations systématiques des toujours, les revues en particulier, un

13 certain intérêt et l’on y trouve des articles, et Calder, comme en témoignent de des entretiens et des photographies nombreux articles sur leurs œuvres. Certains en rapport avec ces questions. d’entre eux affirmaient même que ces Dans la première étape de mon travail, œuvres constitueraient sans aucun doute j’ai étudié les textes de critique d’art l’art de l’avenir, et révélaient une confi ance destinés au grand public, c’est-à-dire dans l’art comme vecteur de progrès. à des lecteurs nullement spécialisés Sur le GRAV, la critique prendra deux dans le domaine des arts plastiques. positions. D’une part, elle saluera J’ai voulu faire ainsi la distinction entre avec enthousiasme ses propositions, une critique de type « publique » et une en remarquant leur caractère moderne, autre dite « académique ». En fait, on identifi é au langage artistique international trouve beaucoup de liens entre l’une et donc en mesure de rattraper le « retard » et l’autre (ce sont parfois les mêmes pris par les décennies précédentes3. auteurs), mais aussi des différences qui La nouveauté acceptée s’accompagne de s’expliquent par les caractéristiques la mise en valeur positive de la jeunesse propres à chaque publication (tirage, des artistes et du caractère expérimental choix d’un certain ton, périodicité…). de leur travail, où l’emploi de matériaux L’appréciation du travail du GRAV par nouveaux est un gage de leur engagement la critique au cours des années 1960 est dans la modernité. D’autre part, quelques étroitement liée à la question du nouveau articles traduisent une sorte de méfi ance dans le domaine de l’art. Dans son rôle concernant le caractère ludique des œuvres : d’intermédiaire, la critique propose et on trouve habituellement des jeux de met en circulation les premiers mots, mots comme « le Parc de diversiones » les premiers concepts qui permettent (« le Parc de distractions ») qui associent d’aborder ce qui est présenté comme ironiquement les expositions du groupe production artistique nouvelle. Diverses aux parcs d’attractions et autres kermesses. stratégies apparaissent alors pour Dans ces articles, il est fréquent de trouver identifi er les objets artistiques en tant aussi des commentaires sur le caractère que tels, les distinguer parmi d’autres infantile des spectateurs les plus à même productions sociales. Il s’agit d’aider le d’apprécier ces œuvres. Ainsi, pour ces public à s’orienter et de construire tel ou auteurs, les aspects distrayants et ludiques tel système de valeur pour qu’il puisse, des œuvres font douter de leur sérieux, fi nalement, juger la production artistique. et donc de leur statut artistique exact. Dans la presse argentine, on peut constater Par ailleurs, quelle place la critique d’art qu’avant même d’écrire sur le GRAV, les donna-t-elle en France à ce groupe d’artistes journalistes s’étaient intéressés à des artistes qui n’étaient pas tous français ? Pour optiques et cinétiques comme Vasarely répondre à cette question, j’ai effectué des recherches dans les revues spécialisées comme Cimaise, Connaissance des arts, Opus international, L’œil, Arts & Loisirs, Galerie des arts, … mais aussi dans quelques journaux comme Le Monde ou Le Figaro. Pour ce travail, j’ai eu recours aux multiples ressources offertes par la Bibliothèque de l’INHA et par les Archives de la critique d’art à Châteaugiron (Rennes), où j’ai pu consulter en particulier les fonds Pierre Restany et Frank Popper. J’ai trouvé aussi beaucoup d’informations à la bibliothèque Kandinsky et la bibliothèque publique d’information (BPI) du Centre Pompidou. J’ai pu identifi er les auteurs qui ont le

14 Les Nouvelles de l’INHA / n° 32 / juillet 2008 plus souvent écrit sur le GRAV : il s’agit cohérente dans son système plus général de Frank Popper, mais aussi de Pierre de « l’art-jeu ». Comme en Argentine, Restany, Otto Hahn, Jean Clarence plusieurs textes relèvent le caractère ludique Lambert, Jean Clay, Pierre Descargues, des propositions visuelles du GRAV, et les Alain Jouffroy, Guy Habasque et Christiane auteurs réagissent de différentes manières Duparc, parmi beaucoup d’autres. à cet aspect des œuvres. Certains auteurs Ils ont écrit sur le GRAV dès ses premières mettent l’accent sur la nature libertaire du expositions à Paris. Les articles suivent jeu et sur ce qu’il peut être un vecteur de leur parcours au fur et à mesure des activités démocratie. D’autres, comme en Argentine, de la galerie Denise René. considèrent négativement ce caractère La critique commente aussi la participation ludique et pensent qu’il brouille gravement du groupe à la Biennale de Paris, à le statut de l’œuvre d’art. d’importantes expositions comme Lumière et Ce type d’appréciations met en relief les Mouvement - Art cinétique à Paris, au musée choix de la critique, tant argentine que d’Art moderne de la Ville de Paris, organisée française, et même ses limites, en face d’une par Frank Popper en 1967, mais aussi à des nouvelle façon de concevoir l’œuvre d’art, événements comme ceux cités plus haut le travail de l’artiste et le rôle du spectateur. (« Une journée dans la rue » en 1964, et J’ai pu ainsi découvrir des similitudes entre l’obtention par Julio Le Parc du Grand Prix des textes héritiers de deux traditions de Peinture à la Biennale de Venise en 1966). critiques différentes, confrontées à de Ces textes révèlent un intérêt particulier nouvelles pratiques artistiques qui les pour le GRAV en tant qu’acteur reconnu obligeaient à réviser en profondeur leurs sur la scène artistique parisienne. La critique catégories d’analyse et d’interprétation. retrouve dans le travail du groupe l’héritage de Mondrian, d’Albers et de Vasarely, mais, Berenice Gustavino tout en faisant cette liaison « génétique », elle Professeur en histoire de l’Art Visuel, Universidad indique aussi la présence d’une différence Nacional de La Plata, (Argentine), chercheur invité à l’INHA de septembre à novembre 2007. par rapport à ces grands aînés. Le caractère étranger de la moitié de ses membres n’est 1 A. Giunta, Vanguardia, internacionalismo y política. pas un sujet particulièrement signalé par la Arte argentino en los años sesenta., éditions Paidós, critique ; il n’est mentionné que dans un Buenos Aires, 2001. 2 contexte plus général, où l’on parle d’autres Conversation avec Julio Le Parc, le 3 octobre 2007 à Cachan. artistes sud-américains, qui travaillent dans 3 « Nuestro arte a nivel internacional » (« Notre des directions proches, comme Tomasello, art au niveau international »), Análisis, 20 février Vardánega, Boto, Demarco, Soto, etc. 1967, n° 310, section “Artes Plásticas” en charge de Jorge Glusberg. « Encuentros con Le Parc », Toutefois, la présence d’artistes non Jorge Romero Brest, catalogue de l’exposition européens à Paris est un sujet qui intéresse rétrospective à l’Institut Torcuato Di Tella, 1967. alors la critique à cette époque, car elle pose la question, que l’on retrouve dans nombre d’articles, du rôle de Paris, à cette époque, comme « capitale des arts ». Le débat « Paris-New York » a eu une grande importance dans la production critique de la décennie. On peut l’analyser à la lumière des textes les plus polémiques. Dans les textes consacrés au GRAV, on peut distinguer les différents partis pris des auteurs. Les uns sont très proches du travail du groupe ; ils en partagent les idées et en connaissent bien les œuvres. Dans le cas de Pierre Restany par exemple, la référence au GRAV acquiert une signifi cation très

1515 Mises en lignes Villes et architectures des terrains ex-coloniaux des XIXe et XXe siècles Enquête sur la bibliographie du Maghreb et du Proche-Orient

La base de données bibliographiques « Villes d’architecture de Paris, Bruxelles et Genève. et architecture des terrains ex-coloniaux : Les 1187 notices sur l’Égypte, le Maroc, XIXe et XXe siècles » est une des initiatives l’Algérie, la Tunisie, le Liban, la Syrie, l’Iran, du programme « Art et architecture dans la le Yémen, la Palestine (la Cisjordanie et les mondialisation » du département des Études territoires occupés), Israël (les territoires de et de la Recherche de l’INHA. Elle se défi nit la Palestine avant 1948), la Libye, la Jordanie, également comme un projet documentaire l’Irak, l’Arabie Saoudite et l’Afghanistan, résultant d’une collaboration avec le service résultent d’un croisement de différents du Patrimoine de la Bibliothèque de corpus, et d’abord du corpus constitué l’INHA. Elle est issue d’une consultation de dans le cadre du projet « Patrimoines la communauté scientifi que des historiens de partagés : savoirs et savoir-faire appliqués au l’architecture qui se sont particulièrement patrimoine architectural et urbain des XIXe intéressés, ces dernières années, aux terrains et XXe siècles en Méditerranée » (Euromed coloniaux ; en témoignent notamment les Heritage). Ce programme de coopération actes des colloques organisés par l’Institut visait à « améliorer la connaissance des national du patrimoine en 2005 et 2006, formes architecturales et urbaines héritées sous la direction de Marc Pabois et Bernard des XIXe et XXe siècles en Méditerranée en Toulier, sur le patrimoine architectural des vue d’en favoriser la gestion et la mise en empires coloniaux français et européen1. valeur ». Conduit entre 2002 et 2004 par Les problèmes liés à la dispersion des sources le laboratoire URBAMA (Centre d’Études et sur l’histoire de l’architecture des terrains de Recherches sur l’Urbanisation du Monde coloniaux se trouvent donc en partie résolus arabe) sous la direction de Mercedes Volait, grâce aux 1719 notices bibliographiques Jean-Baptiste Minnaert et Roméo Carabelli, de cette base de données, consultables à en association avec des équipes locales de l’adresse : www.inha.fr/spip.php?article164 neuf pays du pourtour méditerranéen, Les six cent documentant les pays d’Afrique il a permis d’établir une bibliographie dont subsaharienne, les pays d’Amérique latine nous avons pu disposer pour l’Algérie, le et centrale et les pays d’Asie et d’Océanie Maroc, la Tunisie, l’Égypte et la Syrie. (c’est-à-dire les anciens empires coloniaux Les catalogues informatisés généralistes et français, britannique, belge, espagnol, spécialisés des grandes bibliothèques portugais, néerlandais, danois, allemand occidentales, les catalogues des bibliothèques et italien) relèvent d’une interrogation des centres de recherche français dépendant systématique sur l’« architecture coloniale » du Ministère des Affaires étrangères au dans les catalogues informatisés des Maroc, en Algérie, en Tunisie, au Yémen, grandes bibliothèques occidentales2. Les en Iran, en Arabie Saoudite, au Liban, en catalogues généralistes sont les suivants : Jordanie, en Syrie, en Égypte et en Israël/ le catalogue de la Bibliothèque nationale Palestine, ainsi que la très riche base de de France (BN Opale plus), le catalogue données de la Fondation du roi Abdul Aziz des bibliothèques universitaires françaises Al Saoud pour les Études islamiques et (SUDOC), le catalogue de la British les Sciences humaines ont été consultés. Library (Integrated catalogue et British La bibliographie sur le Liban est Library direct), le catalogue de la Library of issue des mes recherches personnelles Congress. Et les catalogues et bibliographies dans le cadre de ma thèse de doctorat spécialisés en art ou en architecture : la (Paris X-Nanterre) sur les processus de Bibliographie d’Histoire de l’Art (BHA), patrimonialisation contemporains à Beyrouth. le catalogue de l’Avery Architectural & Les données sur les villes et l’architecture du Fine Arts Library, dans le Colombia’s Maghreb et du Proche-Orient sont réparties en Online Catalog (CLIO), l’Avery Index to plusieurs types de documents : ouvrages (674), Architectural Periodicals, le catalogue de articles de périodiques (356), actes de colloques la British Architectural Library du Royal (52), thèses (48), mémoires (18), rapports de Institute of British Architects (RIBA), et recherche (7) et travaux d’architecture (30). Archirès, la base de données des écoles Ce travail vise à établir un état de la

16 Les Nouvelles de l’INHA / n° 32 / juillet 2008 recherche, en Europe et dans les pays concernés, dans le domaine de l’histoire de l’architecture et des villes. Hélène Vacher souligne qu’une approche croisée des architectures coloniales permettra d’explorer les espaces de circulation de la modernité qui ont souvent été ignorés, alors qu’ils ont constitué autant d’espaces de référence pour la production et la conception architecturales. De même, « interroger le « modernisme des marges », aux XIXe et XXe siècles en particulier, est un exercice fécond quand il met au jour des passerelles qui ont été gommées par les préoccupations d’historiographies nationales »3. Les références de la base de données signalent un grand nombre de travaux et de monographies décrivant le travail d’architectes qui opèrent en contexte « colonial » mais restent largement infl uencés par les traditions locales, comme Roland Simounet dans ses constructions de logements à Djennah El-Hassan, en La municipalité de Beyrouth. Algérie ou, plus tard dans les années 1980, © Sophie Brones André Ravéreau dans le Mzab algérien, ou encore les réalisations de Jacques Marmey en Tunisie dans les années 1950-1960. Au Liban par exemple, les trajectoires de certains architectes comme Youssef Aftimos se faire selon des critères géographiques, le Liban, la Syrie et le Yémen notamment, (formé aux États-Unis, en Belgique et en par aires culturelles (région, pays, ville), les éditions étrangères ne l’emportent Égypte) sont marquées par des réalisations et par les grandes thématiques regroupant pas sur les publications nationales. synthétisant des infl uences multiples. les différents types de documents présents L’édition française sur l’architecture et les Ingénieur de la municipalité de Beyrouth entre dans la base : monographie d’architecte, villes des pays du Maghreb et du Proche- 1887 et 1925, il en dessine et réalise l’architecture étude de ville, étude de quartier, étude de Orient est étroitement liée aux unités en 1927 dans un style néo-mauresque. Le bâtiment, essai théorique, construction/ de recherche spécialisées et sont souvent Musée national, construit à partir de 1930 dans matériaux/métiers, patrimoine, architecture le fait des éditions du CNRS. Ainsi le un style néo-pharaonique par les architectes religieuse, empire colonial britannique, laboratoire URBAMA, à l’université de Antoine Nahas et Pierre Leprince-Ringuet, empire colonial français, empire colonial Tours, devenu l’EMAM (Équipe Monde témoigne également de ces passerelles espagnol, empire colonial italien, etc. arabe et Méditerranée), et l’IREMAM stylistiques entre différents pays du Maghreb et Le questionnement par lieu et date (Institut de Recherche et d’Études sur du Proche-Orient. Au Liban, avant le Mandat d’édition pourra être le point de départ le Monde arabe et musulman) à Aix-en- français, l’Empire ottoman avait donc amorcé de recherches historiographiques dans une Provence, occupent une place majeure une phase de modernisation qui s’exprime à perspective comparatiste. La base permet en dans les publications d’ouvrages, mais aussi travers les réformes urbaines et administratives effet d’esquisser une géographie de l’édition d’articles de périodiques et de rapports de des Tanzimat. Elles sont à l’origine d’une des ouvrages en histoire de l’architecture recherches. Ils concentrent aussi une bonne architecture métissée alliant infl uences dans le monde arabe. On notera l’intérêt partie des thèses universitaires sur ces aires baroques et orientalisantes et marquent par éditorial soutenu de certains pays européens géographiques. Des maisons d’éditions de conséquent un mouvement d’occidentalisation pour leurs anciens territoires colonisés : villes du sud de la France – comme Marseille, qui précède l’instauration du Mandat Paris apparaît ainsi comme le lieu d’édition Arles et Aix-en-Provence – se distinguent français, dont les formes et l’ornementation le plus actif pour les ouvrages sur l’Algérie, aussi par leurs publications dans ce domaine. de l’architecture sont le témoin. le Maroc et la Tunisie… En élargissant l’enquête bibliographique L’interrogation de la base de données pourra En revanche, pour l’Égypte, la Jordanie, à l’ensemble des productions sur

17 Musée national de Beyrouth. © Sophie Brones

l’histoire de l’architecture et des villes du programme « Art et architecture dans des terrains colonisés aux XIXe et XXe la mondialisation », et en particulier Alice siècles, notre démarche vise un certain Thomine-Berrada et Zahia Rahmani, ainsi nombre d’objectifs. Le premier concerne qu’Élisabeth Dartiguenave et Mercedes l’analyse de l’évolution de la pratique Volait pour leur aide et leurs conseils. architecturale dans l’espace et le temps. Nous espérons que cet outil permettra Sophie Brones d’envisager les effets de la colonisation sur Ancienne chargée d’études et de recherche à l’INHA l’évolution des réalisations architecturales Chercheur associé à l’Institut Français du Proche- et des représentations vernaculaires de Orient, études contemporaines, Beyrouth. l’architecture, comme en témoignent les études menées par les chercheurs du 1 Marc Pabois, Bernard Toulier, éd. Architecture Maghreb et du Proche-Orient. Le second coloniale et patrimoine : l’expérience française : actes de la table ronde des 17-19 septembre 2003, INP. objectif est d’enrichir la connaissance des Paris, Institut national du patrimoine/Somogy, 2005. réseaux professionnels, des infl uences et Idem, Architecture coloniale et patrimoine : des échanges de modèles à l’intérieur du expériences européennes. Actes de la table ronde des 7-9 septembre 2007, INP. Paris, Institut monde colonisé, ainsi que des processus de national du patrimoine/Somogy, 2007. patrimonialisation engagés dans les différents 2 Cette recherche avait été effectuée en 2006 par pays. En permettant un questionnement Claire Couët alors monitrice-étudiante à l’INHA, sous la direction de Catherine Brand et Alice Thomine-Berrada. croisé des aires géographiques, la base 3 Hélène Vacher, « Architectures et terrains coloniaux : de données doit aussi mettre en évidence perspectives sur l’historiographie contemporaine », Paris, les parcours complexes des formes revue « Histoire de l’art », n° 59 (Nouvelles approches en architecture), p. 9-10, 2006. architecturales, au-delà de l’échange unilatéral entre métropoles et colonies. Je remercie vivement tous les membres

18 Les Nouvelles de l’INHA / n° 32 / juillet 2008 Mises en lignes « Répertoire des tableaux italiens dans les collections publiques françaises » des régions Bretagne, Centre et Poitou-Charentes

Des premiers panneaux à fond d’or du Elle concerne environ 1 250 œuvres XIIIe siècle jusqu’aux tableaux parisiens conservées en Bretagne, en Poitou- de Boldini ou de Nittis, des milliers de Charentes et dans le Centre. L’accès public peintures italiennes sont conservées en au répertoire se fera progressivement, France. Certaines sont illustres, d’autres région par région : d’ici la fi n de l’année moins connues du grand public mais 2008 les Pays-de-Loire et le Nord- dûment repérées par les spécialistes. Pas-de-Calais seront consultables. Depuis 2001, sous la direction de Ce projet de longue haleine n’aurait Michel Laclotte, l’INHA établit un pu être mené sans la collaboration de répertoire aussi exhaustif que possible la Direction des Musées de France des tableaux italiens conservés dans (Inspection générale des musées, Centre les collections publiques françaises. de recherche et de restauration des musées Ce vaste chantier consiste à localiser, de France), de la Réunion des musées identifi er et documenter ces œuvres, nationaux, du département des Peintures qu’elles appartiennent aux collections du musée du Louvre, de la médiathèque d’un musée ou d’une institution de l’Architecture et du Patrimoine, publique. Plus de 13 000 tableaux sont de l’Inventaire général du Patrimoine actuellement recensés. Afi n que ce culturel, ainsi que des conservateurs répertoire devienne un véritable outil des musées concernés, des responsables de travail dans les mains des chercheurs, nationaux, régionaux et départementaux exploitant la souplesse et la liberté de des antiquités et objets d’art. consultation qu’offre le web, chaque Sous la direction du conseiller scientifi que œuvre est illustrée par une reproduction responsable du programme « Histoire de la meilleure qualité possible. Dans les du goût », les pensionnaires, les chargés fi ches, les changements d’attributions d’études, les boursiers, les moniteurs- ont été répertoriés ; l’établissement étudiants, les stagiaires et les personnalités de la provenance et une bibliographie françaises et italiennes invitées à l’INHA sommaire les complètent. Ces éléments contribuent également à cette enquête. d’information sont évidemment susceptibles d’évoluer au regard des Rencontre organisée par le département connaissances. Des séances réunissent des Études et de la Recherche (« Histoire ainsi de manière régulière différents du goût », programme coordonné spécialistes de la peinture italienne, par Marion Boudon-Machuel). universitaires, conservateurs ou chercheurs attachés au CNRS, français et étrangers. L’un des objectifs de la diffusion sur le web est d’amener les chercheurs à proposer de nouvelles identifi cations. Dans le cadre des rencontres de l’INHA a été présentée la première étape de mise en ligne de la base de données RÉTIF (www.inha.fr/spip.php?rubrique 339).

19 Comptes rendus

Pierre Francastel : Febvre. De 1948 à 1969, il est directeur d’architecture du palais de Versailles, il consacre Textes et images d’archives d’études chargé d’un cours hebdomadaire sa thèse dirigée par René Schneider et Journée d’études organisée par Anne de « sociologie des arts plastiques » et publiée en 1930, à La sculpture de Versailles. Lafont, Richard Leeman, Johan Popelard crée le Centre de sociologie des objets de Essais sur les origines et l’évolution du goût INHA, 24 octobre 2007 civilisation. Les archives conservent la quasi- français classique. Miriam Krohne remarque totalité des cours dispensés par Francastel l’intérêt continu de l’historien d’art pour Les archives Pierre et Galienne Francastel, à l’EPHE (boîtes 13 à 17). Les sujets Versailles : il consacre au château une déposées à la Bibliothèque de l’INHA en abordés sont d’ordre méthodologique ou « causerie radiophonique » en 1941, puis un 1995 constituent un outil sans équivalent théorique (« Doctrines et théories de l’art », cours en 1954/55. C’est aussi Versailles qui pour comprendre l’évolution et la 1953/1954 ; « Méthode d’une sociologie de offre à Francastel la plupart de ses exemples complexité de la pensée de Pierre Francastel l’art », 1957/1958), ou dédiés aux arts roman, pour l’un des articles fondateurs de l’après- (1900-1970). Le premier inventaire réalisé gothique ou renaissant, à l’esthétique des guerre : « Art et sociologie »3. Les premiers par Marie Annick Maurisson à l’École des Lumières ou à l’art contemporain. On travaux sur Versailles annoncent certaines des Hautes Études en Sciences sociales a dû peut y suivre l’élaboration du concept idées directrices de la pensée de Francastel. être révisé à la suite d’un nouveau dépôt en d’« objet de civilisation », qui occupe une La méthode qu’il applique consiste à briser 2006. Il s’agit de l’un des plus importants place centrale dans la pensée de Francastel. l’unité factice d’un Grand Versailles. Il distingue fonds d’historien de l’art conservés à la Celui-ci se révèle largement ouvert aux ainsi plusieurs styles qui se succèdent dans bibliothèque de l’INHA. Deux journées théories élaborées dans d’autres champs l’élaboration du palais. Paul Fierens souligne d’études, en novembre 2006 et en octobre disciplinaires, comme celles de Georges l’effort de Francastel pour défaire les « idées 2007 organisées par l’INHA (programmes Gurvitch sur la multiplicité des temps préconçues », afi n de redessiner « les différentes « Histoire de l’histoire de l’art » et « Archives sociaux, de Georges Balandier sur les phases et étapes d’un mouvement »4 . de l’art de la période contemporaine »), dynamismes dans les structures sociales, Attaché à l’Institut français de Varsovie par le Centre de recherche en histoire d’Ignace Meyerson sur le rapport entre les entre 1930 et 1937, Francastel y donne une de l’art et histoire des représentations œuvres et les fonctions psychologiques, ou série de cours consacrés entre autres (CHAHR) de l’université Paris X-Nanterre encore de Jean Piaget et d’Henri Wallon à l’impressionnisme et aux grands courants et par l’EHESS ont abordé les questions sur la construction de l’espace enfantin. de l’art contemporain. En 1934, il publie essentielles de l’œuvre de Pierre Francastel Au sein de l’EPHE, Francastel s’applique un ouvrage illustré, intitulé La Pologne et situé celui-ci dans l’histoire de l’histoire à multiplier les échanges entre l’institution pittoresque. Après la guerre, à Varsovie, de l’art. La convention signée entre l’INHA parisienne et les universités étrangères, il est responsable du rétablissement des et l’université Paris X-Nanterre a permis à de notamment d’Europe de l’Est, comme instituts culturels français. Dès 1946, il jeunes chercheurs d’être associés à l’étude en témoigne sa correspondance (boîte 9) conçoit pour le musée national de Varsovie de ce fonds ; un colloque consacré à Pierre avec des universitaires russes, polonais, une exposition consacrée à La Peinture Francastel se tiendra à l’INHA en 2010. roumains et turcs. Marc Le Bot précise française contemporaine : Fougeron, Gischia, « Ce livre heurtera tous les spécialistes. que « l’ensemble des travaux de Pierre Pignon, Tal-Coat. En 1957, il organise à On n’y trouvera ni sociologie, ni histoire, Francastel à l’étranger dénote quelque chose Paris un colloque sur le « Problème de ni histoire de l’art au sens courant du terme. d’essentiel : sa volonté et sa capacité d’agir l’origine des villes polonaises ». Une vaste Et les amateurs de livres d’art le trouveront sur les structures sociales d’organisation documentation sur les colloques et congrès abstrait.»1. Ainsi s’ouvre La Réalité pour créer les conditions pratiques d’un qu’a organisés Francastel ou auxquels il a figurative, éléments structurels de sociologie renouvellement et d’une plus grande liberté participé, est conservée (boîtes 24 à 27). de l’art, ouvrage publié en 1965, dans d’activité intellectuelle, qui fut sa vraie Le nouvel inventaire incluant la documentation lequel Francastel réunit plusieurs articles passion »2 . La conscience de l’importance iconographique du couple Francastel a majeurs parus pendant la guerre. À partir sociale de l’image conduit d’autre part mis en évidence un fonds important de des années cinquante, Francastel établit Francastel à s’impliquer, à des degrés divers, photographies sur la Pologne : clichés les bases d’une sociologie de l’art à travers dans différents organismes : Association de paysages et d’architectures, portraits. une série d’études, d’ouvrages : Peinture et internationale des critiques d’art (AICA), Malgorzata Grabczewska a souligné la Société (1951), Art et Technique (1956), La Unesco, commission sur le problème rareté de ces épreuves originales des années Figure et le Lieu, (1967) mais aussi de cours, de l’enseignement de l’histoire de l’art, 1920-1930, dues en particulier à Jan Bulhak. également présents dans les archives. Union internationale des architectes, etc. Le fonds d’atelier de ce dernier ayant été Francastel prend part à l’aventure La formation de Pierre Francastel ne semble détruit pendant la guerre, l’importance de intellectuelle et institutionnelle de la VIe pas le prédisposer à devenir l’outsider ces documents est d’autant plus grande. Section de l’École Pratique des Hautes de l’histoire de l’art qu’il deviendra À partir de 1937, Francastel rejoint l’université Études, créée en 1948, à l’initiative de Lucien pourtant après la guerre. Attaché au service de Strasbourg, qu’il suit lorsqu’elle est

20 Les Nouvelles de l’INHA / n° 32 / juillet 2008 transférée à Clermont-Ferrand pendant humaines »7. L’œil et la main ne sont pas permet d’entrer dans l’atelier de l’historien la guerre. Plusieurs ouvrages importants par nature immuables, ils ont leur histoire. de l’art, là où la pensée et le texte s’élaborent paraissent au cours de ces années : À tout moment de l’histoire de l’art, la dans un aller-retour incessant avec l’image. L’Impressionnisme : les origines de la production artistique entre en relation avec Si ce n’est pas « une histoire de l’art au peinture moderne de Monet à Gauguin les autres réalisations humaines, avec sens courant du terme », c’est toujours (1937), L’Humanisme roman : critique des d’autres « objets » et contribue à redistribuer une histoire de l’art, une autre histoire de théories sur l’art du XIe siècle en France l’ensemble du système, ce qui constitue, l’art qu’entreprend d’écrire Francastel. (1942), L’Histoire de l’art : instrument de la selon l’expression de Francastel, le pouvoir propagande germanique (1945). Les années « constellant » de l’œuvre. de guerre, étudiées par François-René Thierry Dufrêne souligne l’emprunt de Johan Popelard Martin, sont essentielles dans la formation Francastel à l’École des Annales de la Chargé d’études et de recherche, INHA de la pensée de Francastel. De cette période, notion de temps long des sociétés. « Le sens les archives conservent également un et le destin d’une Forme ne se fi xe qu’à 1 Pierre Francastel, La Réalité figurative, ensemble d’œuvres littéraires, romans et travers les générations, écrit Francastel. Le éléments structurels de sociologie de l’art, Gonthier, Paris, 1965, p. 9. pièces de théâtre, écrites sous le pseudonyme présent n’a aucune réalité, ni individuelle 2 Marc Le Bot, « Pierre Francastel », ironique de François Cromagnon. ni historique. C’est en ce sens que Jardin des Arts, n° 186, mai 1970, p. 62. 3 Humanisme et art contemporain, texte inédit l’histoire est véritablement dans la durée »8. Pierre Francastel, « Art et sociologie », 1945-1946 L’Année sociologique, Troisième Série, de , montre l’intérêt grandissant L’attention à la mutation des structures de 1940-1948, II, pp. 491-527. de Francastel pour les courants récents la représentation, du penser et de l’agir, font 4 Paul Fierens, « Causerie artistique », Journal de l’art de son époque. Marine Branland écho aux travaux contemporains de Michel de Débats, 22 avril 1930. 5 Pierre Francastel, Gischia, Paris, Art a analysé cet essai dans le contexte de Foucault sur les seuils épistémologiques ou Center, Zagreb, Globus, 1988. l’après-guerre en relevant, en particulier, les aux réfl exions de Meyerson, qui appelait 6 Jean Duvignaud, « Francastel et Panofsky : partis-pris anti-germaniques qui président dans Les Fonctions psychologiques et les œuvres, le problème de l’espace », La Sociologie de l’art et sa vocation interdisciplinaire : l’œuvre à son argumentation. L’analyse critique de à « considérer les «objets» psychologiques et l’influence de Pierre Francastel, colloque l’art contemporain place l’historien de l’art sous leur aspect historique »9. Pierre Francastel, Paris, 6-9 février 1974, Denoël/ devant la « problématique d’une œuvre La sociologie de l’art francastelienne n’est Gonthier, Paris, 1976. 7 Pierre Francastel, La Réalité figurative, en devenir ». La rupture accomplie par la pas l’application d’une théorie du refl et, éléments structurels de sociologie de l’art, peinture du XXe siècle confi rme les analyses où l’art serait déterminé par des conditions Gonthier, Paris, 1965, p. 20. 8 de Francastel sur la nature conventionnelle sociales. L’objet fi guratif occupe dans la Ibid. p. 21. 9 Ignace Meyerson, Les fonctions psychologiques du signe plastique, qu’il ne perçoit pas société une place qu’il est le seul à pouvoir et les œuvres, Vrin, Paris, 1948. cependant comme l’expression d’une occuper ; il organise des sensations, des 10 Marcel Mauss, « Services à rendre par la sociologie nécessité qui ne serait qu’« intérieure ». rapports imaginaires et des relations de à la psychologie », Sociologie et anthropologie, PUF, Paris,1950, pp. 298-303. Dans un texte sur Gischia, objet d’une pouvoirs. Entre l’histoire de l’art et la publication posthume5 étudié par Gabriele sociologie, Francastel cherche à établir des Fedozzi, Francastel oppose ainsi le signe, rapports féconds pour les deux disciplines. doué d’une certaine permanence et devant Pour caractériser son travail, on peut être compris dans le cadre du rapport entre emprunter les expressions de « services l’artiste et la société, au « graphisme », simple rendus » par la sociologie à l’histoire de surgissement automatique qui échappe l’art et de « services à rendre » par celle-ci au contexte régulateur de la société. à la sociologie, que Marcel Mauss utilise La pensée de Francastel est une pensée de quand il évoque les liens entre sociologie et l’économie et de la dynamique de la création psychologie10 et, entre elles, une logique ancrée dans la question du social. de don et de contre-don. Une discipline ne Si elle repose sur la notion de structure saurait en effet être uniquement propriétaire de la représentation, marquée par la stabilité, de ses méthodes, et de même qu’elle irrigue elle fait aussi place à la « capacité subversive »6, tout le champ des sciences humaines, elle se comme le rappelait Jean Duvignaud, à la nourrit de ses acquis. La sociologie de l’art force novatrice de l’invention. « Il n’y a de Francastel n’est donc pas un déni d’histoire, écrit Francastel, que dans la mesure de l’image, ni de l’artiste puisqu’elle rejette où des groupes introduisent de nouveaux l’idée d’une « histoire sans nom ». À cet gestes, de nouvelles représentations, de égard, la documentation iconographique, nouvelles fi nalités dans la koinè des activités inventoriée récemment, est révélatrice : elle

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Journée d’études internationale un bâtiment somptueux éclipsant les plus à la française et à l’italienne, montrent « Le Journal de voyage grands palais d’Europe, métamorphoser à quel point divergent les usages et les du Cavalier Bernin en France son apparence afi n de glorifi er le règne du conventions (Claudia Conforti). Ce n’est de Paul de Chantelou » Roi-Soleil, telles étaient les préoccupations de pas seulement en raison de leur conformité organisée à l’INHA sous la direction Colbert, nommé en janvier 1664 surintendant avec les prototypes antiques que Bernin fait scientifi que de Sabine Frommel, avec la des bâtiments. Les architectes français s’étant l’éloge des techniques romaines, mais aussi coopération de l’École pratique des Hautes révélés incapables de satisfaire les exigences à cause de la manière d’utiliser le mortier et Études (école doctorale : histoire, texte du ministre, il lança un concours opposant les de traiter la pierre en la mouillant après la et documents et l’équipe HISTARA) plus grands architectes italiens : Gianlorenzo pose. Le Journal fait comprendre que, malgré et de l’université de l’Aquila (Dipartimento Bernini, Francesco Borromini, Pietro da l’existence d’un milieu ouvert aux innovations di storia e metodologie comparate) Cortona et Carlo Rainaldi. Ce fut sans doute esthétiques, la réception des formes et des 26 novembre 2007 aussi pour des raisons diplomatiques que les techniques peut se heurter aux corporations. relations avec Bernin, l’architecte d’Alexandre La personnalité de Bernin, le rythme de sa vie Compte rendu détaillé du séjour de Bernin à VII, se concrétisèrent. Après avoir conçu deux quotidienne, ses relations, ses préférences et ses Paris en 1665, miroir de la situation politique projets à Rome, la perspective de projeter une réticences sont révélés dans le Journal (Claude et de la vie sociale au début du règne de version défi nitive in situ ne pouvait qu’attiser Mignot). Lors des excursions dominicales, Louis XIV, manifeste d’une théorie de l’art, l’ambition du vieil artiste qui, attaché à sa l’Italien découvre les monuments de Paris et expression des revendications personnelles famille, ses mécènes et ses chantiers, avait de ses environs ; c’est seulement pendant les de l’auteur, témoignage des querelles hésité à accepter ce travail prestigieux. dix derniers jours de son séjour qu’il s’accorde d’un artiste étranger dans le feu croisé des Plusieurs lettres inédites jettent une lumière le plaisir de visiter les principales collections polémiques, cette source extraordinaire nouvelle sur les tractations qui présidèrent à de tableaux. Son intérêt pour l’architecture présente de multiples facettes n’ayant jamais la venue de Bernin en France, sur l’accueil demeure discret et, à la grande déception de cessé de passionner les historiens de l’art. Les triomphal qu’il reçut à Lyon, sur son retour ses hôtes à l’affût des jugements d’un artiste traductions récentes confi rment l’actualité à Rome, ainsi que sur l’envergure de ses aussi célèbre, il ne montre guère de curiosité d’un texte qui, rédigé d’une plume élégante projets parisiens (Jérôme de la Gorce). Afi n pour des chefs-d’œuvre comme le palais du et alerte, leur fournit d’innombrables d’adapter le château à ses principes classiques Luxembourg ou les peintures de la coupole informations sur l’histoire de la peinture d’un parfait équilibre, Bernin opte pour des du Val-de-Grâce. Il est signifi catif aussi qu’il ou de l’architecture, sur la théorie de l’art destructions – un choix qui peut être rapproché repousse continuellement les visites aux et le collectionnisme, sur le processus de la des projets établis cent vingt ans plus tôt par châteaux de Versailles et de Maisons, où l’on création artistique. L’édition italienne publiée le Bolonais Sebastiano Serlio pour le même brûlait de connaître sa réaction. Quant aux par Daniela del Pesco en 2007 (Bernini in édifi ce. Des parties importantes du Louvre églises, il y va pour prier et pour assister aux Francia. Paul de Chantelou e il Journal de devaient disparaître ainsi que le palais de l’île offi ces et l’on ne devine rien de ce qu’il pense Voyage du Cavalier Bernin en France, Electa, de la Cité, où Bernin voulait installer le siège des mutations des édifi ces sacrés en plein Naples) a ouvert un débat international destiné du pouvoir, en ne conservant que la Sainte- renouveau post-tridentin (Alexandre Gady). à réexaminer les spécifi cités de l’ouvrage. Chapelle. De nombreux passages du Journal Parmi les vingt-deux églises visitées, gothiques Alors que la traduction italienne de 1946 a été ainsi que les mémoires de Colbert relatifs aux et modernes, il ne s’est prononcé que sur établie à partir de l’édition de Ludovic Lalanne projets de l’Italien révèlent l’incompatibilité huit, dont la Sorbonne, le Val-de-Grâce et les (publiée en fascicules entre 1877 et 1884, dans entre la tradition locale et celle de l’artiste. églises jésuites (le Noviciat et Saint-Louis). la Gazette des Beaux-Arts, puis dans une Les murs de fondation, « modèles » construits Ni les édifi ces majeurs comme Saint-Gervais, édition exhaustive en 1885), Daniela Del Pesco Port-Royal ou la Visitation de Mansart, ni les utilise le manuscrit 2105 de la Bibliothèque de Jean Warin, médaille grands chantiers des Quatre-Nations ou des l’Institut de France, qu’il compare à la version commémorative du projet Minimes ne suscitent son intérêt. En sculpteur de Bernin, 1665. BnF, conservée depuis 1969 à l’Institut néerlandais Cabinet des médailles. de l’espace religieux, personnifi cation de la de Paris (Fondation Custodia, collection Frits pompe romaine, il s’intéresse notamment à Lugt, ms. 9170), ce qui lui permet de présenter l’aménagement intérieur, et donne aux Français une édition d’une plus grande précision. une leçon sur les églises, lesquelles gagneraient, Le Journal dévoile la stratégie et les fi nalités du selon lui, à être plus richement décorées et programme artistique et culturel de Louis XIV, plus clairement ordonnées. L’objectif de marqué par un dirigisme qui vise à illustrer Chantelou apparaît clairement : les corrections et à renforcer le prestige de la France. Faire et critiques de bâtiments qui sont confrontés à du Louvre, qui résultait déjà d’interminables des modèles italiens doivent aider à promouvoir transformations depuis Philippe-Auguste, en France une architecture classique.

22 Les Nouvelles de l’INHA / n° 32 / juillet 2008 Pierre Aveline, Veüe et perspective de la principale entrée du nouveau Louure à Paris, s.l., s.d. BnF, Département des estampes et de la photographie.

Certains passages du Journal permettent de estampes sont cependant loin de représenter n’est qu’à partir de la première monographie restituer des projets dont les dessins ne se une version homogène et les plans et élévations française de Bernin en 1911, œuvre du non- sont pas conservés, comme l’amphithéâtre correspondent à différentes réfl exions. À cette conformiste Marcel Reymond, que la longue gigantesque, susceptible d’accueillir 20 000 occasion, l’ambition du graveur se manifeste campagne éditoriale de dénigrement à spectateurs, projeté entre le Louvre et les avec netteté. En effet, Marot insère son propre connotation nationaliste du maître italien, prit Tuileries. La description du 13 août 1665 projet pour le Louvre entre ceux des plus fi n. Paradoxalement, dès les années 1850, le donne de nombreux détails et la restitution importants architectes – de Lescot à Bernin –, refus de Bernin et de l’architecture virtuelle traduit l’apparence spectaculaire de ce comme s’il voulait prendre place parmi eux. coïncide avec l’admiration croissante de dispositif qui alimenta les réfl exions ultérieures En utilisant les planches de Marot, Jacques- nombreux sculpteurs français pour l’artiste, des architectes français (Marcello Fagiolo). François Blondel compare, dans son Cours qui se manifeste dans leurs œuvres. Fondées sur un vocabulaire économe où d’Architecture (1771), la façade orientale du La journée d’études ne pouvait éluder la émerge le mot « beau », rehaussées ici ou projet de Bernin avec la colonnade de Perrault. diffi cile question de l’attribution, dans le là d’une métaphore, les descriptions de Alors qu’il estime que les proportions du Journal, des opinions inextricablement Paul de Chantelou n’évoquent guère la projet de l’Italien moitié gigantesque, moitié entrelacées de Bernin et de Chantelou dimension, le caractère, la grandeur et nain ne sont pas heureuses, celles du Français (Daniela del Pesco). Si la vénération pour l’effet produit par la vue des monuments refl ètent selon lui la grandeur de la Nation. Michel-Ange et pour Poussin refl ète les (Sabine Frommel). En comparaison avec Toutefois, selon le théoricien, le séjour du préférences de l’Italien, d’autres points de le Journal de Lorenzo Magalotti de 1668, Cavalier à Paris eut au moins l’avantage, en vue comme certaines omissions – celle de qui saisit avec lucidité et esprit analytique consacrant la victoire du classicisme français, Caravage, ou des peintres contemporains les particularités d’un édifi ce, les écrits de de contribuer à rendre visible l’hégémonie espagnols et fl amands – trahissent l’idéologie Chantelou témoignent d’une approche héritée politique et culturelle du pays. Il passe sous de Chantelou et les principes esthétiques du siècle précédent, centrée sur le plan, la silence une victoire de l’Italien : les façades de son milieu culturel. Seule une approche distribution et le détail. Ce style terne devait de son projet du Louvre bénéfi cieront d’une croisée éclairant les motivations et les critères persister jusqu’à la fi n du XVIIIe siècle et fortune considérable et elles serviront de hétérogènes de cette source, est susceptible l’épanouissement de ce genre dut attendre modèles à « l’enveloppe » de Versailles et de clarifi er les orientations complexes Winckelmann et Goethe qui, en forgeant des aux élévations des places royales de Paris. du Journal, transmise par le dialogue terminologies et des catégories d’interprétation, Les Mémoires de Charles Perrault, qui visaient à énigmatique des deux protagonistes. ouvrirent la voie à une représentation détruire le mythe de Bernin, voire à ridiculiser Les contributions de la journée d’études écrite, à la fois précise et évocatrice, d’une le personnage, instaurent une longue tradition seront publiées dans la revue « Confronto. œuvre architecturale ou d’un projet. d’hostilité et de détestation générale (Fréderic Studi e ricerche di storia dell’arte europea ». On fait appel à un autre art en plein essor : Chappey). En ce sens, la première édition la gravure. Jean Marot consacre cinq planches exhaustive du Journal par Lalanne n’annonce Sabine Frommel au projet de Bernin, insérées dans le Grand en rien la réhabilitation de son œuvre. Directeur d´études Marot, célèbre anthologie de l’architecture Elle est appelée à illustrer l’échec du baroque Histoire de l´art de la Renaissance française moderne (Kristina Deutsch). Ces et l’émergence du classicisme français. Ce EPHE - Sorbonne

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Le Livre et l’architecte le monde anglo-saxon par le Centre canadien d’architecture simplement comme un outil Colloque organisé à l’INHA, en d’architecture de Montréal, près de cent permettant la conception d’édifi ces est une partenariat avec l’École nationale cinquante contributions ont été proposées vision réductrice et souvent erronée ; d’autre supérieure d’architecture de Paris- pour quarante-cinq fi nalement retenues ; part de nombreux architectes (y compris Belleville, par Jean-Philippe Garric, un nombre important qui correspond ceux qui peuvent faire valoir une production Estelle Thibault et Alice Thomine. au caractère encore exploratoire d’une bâtie considérable), portés par des ambitions 30 janvier - 2 février 2008 manifestation dont l’une des ambitions intellectuelle et artistique spécifi ques, est de constituer un réseau international de ont conçu leurs publications comme des Réalisé en partenariat avec l’école chercheurs qui abordent le livre d’architecture œuvres en partie autonomes et dépourvues d’architecture de Paris-Belleville, « Le Livre comme un objet d’étude à part entière. de visées opératoires8. De nombreuses et l’architecte » est le deuxième colloque Sans revenir sur l’historiographie des études contributions se sont ainsi attachées à mettre lié aux travaux développés à l’INHA sur le et des recherches, que l’on pourra lire en doute ce lien positiviste entre le livre et livre d’architecture, après « Les Avatars de sous la plume d’Alice Thomine dans le projet d’architecture, comme celle de la littérature technique »1, conçu et organisé « La Construction savante »7, il faut rappeler Jean-Louis Cohen posant la question de en partenariat avec le Centre d’histoire les trois grandes approches traditionnelles savoir dans quelle mesure L’Œuvre complète des techniques et de l’environnement du qui s’intéressent à ce corpus : celle des de Le Corbusier devait être considérée Conservatoire national des Arts et Métiers, collectionneurs et des bibliophiles, grands comme un document ou comme une au mois de mars 2005. Il succède également connaisseurs du livre d’architecture considéré fi ction ; Christophe Van Gerrewey, l’un des à plusieurs autres manifestations importantes comme un aboutissement artistique en lui- participants les plus engagés dans cette voie, dans le même domaine, en premier lieu le même ; celle des historiens du livre qui allant jusqu’à proposer un décryptage de colloque « Le Livre d’architecture (XVe-XXe maîtrisent notamment l’histoire de l’édition Rem Koolhaas selon lequel, pour l’architecte siècles) »2 en 2001, dirigé par Jean-Michel et de la librairie, comme celles des techniques de ce début de XXIe siècle, l’architecture ne Leniaud et Béatrice Bouvier et le colloque d’illustrations, de la typographie, de la serait in fi ne qu’un alibi pour faire des livres. « Ledoux et le livre d’architecture en mise en page ; celle, enfi n, des historiens de Le programme refl était néanmoins assez français »3 en 2004, dont l’initiative revient l’architecture qui ont le plus souvent utilisé nettement une situation de la recherche au Centre Ledoux. Autant d’événements le livre d’architecture comme un document, caractéristique d’un champ en cours de auxquels il convient d’ajouter les journées pour saisir la culture des architectes construction. Ce qui est une autre façon d’études sur les bibliothèques d’architecte et expliquer leur production bâtie. de dire que trop peu d’interventions organisées par Olga Medvedkova4 à l’INHA Le projet intellectuel dans lequel s’inscrit répondaient encore de façon parfaitement en 2005, et plusieurs journées d’études le colloque « Le Livre et l’architecte » convaincante à l’interrogation de Jean- organisées par Dominique Massounie dans consiste à dépasser cette situation en croisant Yves Mollier, selon qui écrire l’histoire du le cadre du Centre Ledoux. ces approches. Il établit notamment un livre d’architecture impliquerait de se faire Après les premières contributions françaises double constat : d’une part, penser le livre à la fois historien du livre et historien de importantes dans ce domaine, dont la l’architecture. Mais, si l’on peut distinguer publication remonte aux années 1980, avec les contributions relevant de l’histoire du notamment la thèse de Françoise Choay, livre, du design, ou de la typographie, La Régle et le modèle5 et le colloque du comme celle d’Olivier Deloignon intitulée Centre d’études supérieures de la Renaissance « L’Envers du miroir, Le livre comme (Tours) sur les traités d’architecture6, art de l’espace architecturé », de celles le colloque « Le Livre et l’architecte » – plus nombreuses – des historiens de s’inscrit donc dans une série de travaux l’architecture, cette rencontre scientifi que qui contribuent depuis quelques années témoigne aussi d’un rapprochement à l’émergence d’un nouveau champ de la croissant entre les différents regards et d’un recherche en histoire de l’architecture. recentrement des recherches sur les livres. Son titre indiquait le souci d’interroger La publication des actes du colloque, les relations qu’entretiennent avec le livre prévue en 2009, tiendra compte de cette les représentants d’un art dont on admet évolution vers une synthèse issue du croisement généralement que le but premier n’est pas de différentes traditions intellectuelles. de publier, mais aussi le désir d’embrasser Elle reprendra un choix d’interventions la question dans son ensemble, sans qui seront accompagnées de textes distinction de période ou de pays. À la suite complémentaires, en privilégiant deux d’un appel à communication relayé dans questions centrales apparues au cours de

24 Les Nouvelles de l’INHA / n° 32 / juillet 2008 cette manifestation et au cours du débat ailleurs par l’importance des rencontres L’histoire de l’art, de l’Université à fi nal : celle qui concerne la « technologie du collectives récentes sur cette question9 l’École : des fronts de la recherche livre d’architecture », c’est-à-dire l’étude a sans doute empêché de mettre aux études primaires et secondaires de son fonctionnement, et celle qui porte suffi samment en évidence le rôle central Débats organisés par l’INHA sur « l’économie du livre d’architecture » de cette nouvelle forme de publication en partenariat avec l’Association et les commerces de tous ordres autour depuis le milieu du XIXe siècle. des professeurs d’histoire de l’art et à partir de lui. Si certains aspects ont et d’archéologie des Universités été développés avec brio comme le rôle Jean-Philippe Garric Auditorium de la galerie Colbert, INHA des livres dans le contexte pédagogique, Conseiller scientifique du programme « Histoire de 17 avril 2008 abordé par Nicola Arico à propos d’une l’architecture » publication jésuite de la fi n du XVIe siècle, Ces débats avaient pour objectif de lancer par Guy Lambert et Jacques Lucan à propos une réfl exion sur la façon dont les historiens de Julien Guadet, ou par Laura Matinez- 1 Jean-Philippe Garric, Valérie Nègre et Alice Thomine de l’art professionnels peuvent contribuer de-Guereñu à propos de Rafael Moneo, (dir.), La Construction savante, Les Avatars de la à la mise en œuvre réussie de la volonté du l’un des principaux enseignements de ces littérature technique, Picard, Paris, 2008. gouvernement d’introduire un véritable 2 Jean-Michel Leniaud et Béatrice Bouvier (dir.), trois journées est d’avoir démontré la richesse Le Livre d’architecture (XVe-XXe siècles). Édition, enseignement de l’histoire des arts dans et la complexe imbrication des échanges représentations et bibliothèques, Droz, Genève, 2002. les programmes scolaires. Il s’agissait aussi 3 intellectuels, symboliques et fi nanciers dont les Daniel Rabreau et Dominique Massounie (dir.), d’essayer de comprendre pourquoi ceux qui Claude Nicolas Ledoux et le livre d’architecture en publications apparaissent à la fois comme le français, Monum éditions du patrimoine, Paris, 2006. ont en charge le projet ministériel hésitent vecteur et comme l’objet. Les interventions 4 Olga Medvedkova, Les Bibliothèques d’architectes, à fonder cette nouvelle discipline scolaire d’Elena Formia sur Mario Labò et de Alain Baudry, Paris, 2008 (à paraître). sur la discipline universitaire (comme c’est 5 Françoise Choay, La Règle et le modèle, Maristella Casciato sur Offi cina edizioni ont Le Seuil, Paris, 1980. le cas pour d’autres enseignements). été particulièrement éclairantes sur ce point. 6 Jean Guillaume et André Chastel, Les traités Ce colloque a permis de faire connaître de d’architecture à la Renaissance, Picard, Paris, 1988. Du travail des historiens de l’art, on 7 Op. cit., p. 13-20. nouvelles perspectives de recherche. 8 Comme l’a montré Catherine de Smet, l’attention retient généralement assez bien les aspects La relation entre le texte et les fi gures, apportée par Le Corbusier à la conception et à la techniques – inventaire et catalogage, plus généralement la fonction des images, fabrication de ses ouvrages semble parfois l’avoir disputé conservation, accrochage des œuvres –, à son implication dans le suivi de ses projets et de ses évoquée par Valérie Nègre à propos des chantiers ; un engagement fort qui rappelle ceux d’un mais non la réfl exion, en amont et en aval livres d’architecture technique, restent à Ledoux ou d’un Palladio. Voir Catherine de Smet, Vers de ces opérations, qui leur donne sens. En approfondir, en tenant compte de leur une architecture du livre, Lars Müller, Baden, 2007. outre, il faut sans cesse le rappeler, l’histoire 9 Notamment le colloque de 2004, au Centre importance dans une discipline qui est en canadien d’architecture de Montréal, « Les Revues de l’art se distingue de la documentation, même temps un art du dessin. Il en va d’architecture dans les années 1960 et 1970 ». de la critique et de l’esthétique, tout en de même pour la traduction des textes et s’appuyant sur celles-ci. Et comme elle la circulation et l’adaptation des corpus ne met pas les arts visuels au service de d’illustrations. Enfin, dans un cadre discours historiques et littéraires, on chronologique qui embrassait cinq siècles, comprend les réserves qu’elle peut inspirer la question de l’évolution des notions à des disciplines voisines dont elle est en convoquées, à commencer par celle – centrale mesure de contredire ou d’invalider l’emploi et imprécise – de « livre d’architecture », « illustratif » qu’elles font des œuvres d’art demande des réfl exions complémentaires, ou les commentaires qu’elles leur inspirent. notamment sur la possibilité et l’intérêt Comme en témoignent les travaux sur d’une approche typologique de l’imprimé l’histoire des genres, des institutions, des d’architecture. La séance présidée par Mario commandes, du marché, sur les théories Carpo sur les médias a certes permis une artistiques, la critique et l’historiographie, confrontation d’études sur des objets qui il est à présent admis que les pratiques vont d’un livre d’heures illustré de fi gures autour des œuvres d’art et les systèmes dans architecturales présenté par Laurence lesquels elles s’inscrivent ont un impact Rivière-Ciavaldini, aux émissions que la sur les formes qu’elles empruntent. Mais BBC consacre à l’architecture, évoquées l’histoire de l’art ne saurait être réduite à par Shundana Yusaf. Mais le choix l’histoire artistique, car elle seule confronte de n’accorder qu’une place réduite aux le caractère unique de l’œuvre et son périodiques d’architecture, justifi é par inscription dans les diverses temporalités

25 historiques de sa réception. Pour cela, elle curiosité pour les œuvres d’art, mais force La présence dans la salle de représentants utilise des protocoles d’étude spécifi ques, est de constater que ce discours n’est pas des grandes maisons d’édition scolaire qui eux-mêmes doivent s’apprendre. encore au diapason de l’histoire de l’art confi rmait l’intérêt de la profession pour ce récente, dans la mesure où il ne propose pas nouveau domaine. L’intégration effective Avec l’internet, les images d’œuvres d’art un commentaire cohérent et articulé des de l’enseignement de l’histoire des arts aux n’ont jamais été aussi largement diffusées œuvres et de leur histoire. La fragmentation programmes du secondaire étant prévue et aisément accessibles, mais jamais les du propos et son manque de direction sont à la rentrée 2009, Pierre Baqué (direction discours sur elles n’ont été aussi confus et les écueils qui menacent l’initiative en cours. générale de l’Enseignement scolaire), qui divergents. Les méthodes de l’histoire de pilote l’initiative ministérielle et connaît l’art sont une forme d’expertise, dans le En ouverture du premier débat, Antoinette parfaitement son contexte administratif, a sens de l’authentifi cation, de l’attribution Le Normand Romain, directeur général de pu informer l’auditoire des orientations de la et de la datation des œuvres, qui ont l’INHA, a d’abord remercié Gilles Sauron réfl exion en cours, en précisant notamment évidemment une très grande importance, (université Paris 4-Sorbonne), président les thématiques historiques qui seront mais aussi en ce qu’elles sont capables de l’APAHAU, pour sa collaboration, probablement retenues mais restent l’objet d’organiser et d’articuler un savoir ainsi qu’Éric Gross, inspecteur général de de débats. Pendant la discussion, sa réserve spécifi que. Toutefois, il est signifi catif l’Éducation nationale, auteur d’un récent à l’égard de l’érudition spécialisée, jugée que les opérations apparemment les plus rapport sur l’éducation artistique et peu capable de s’adapter aux exigences et simples – la description d’une œuvre, la culturelle, qui l’a engagée à organiser cette aux contraintes de la pédagogie scolaire compréhension d’un sujet – soient en fait rencontre. Après avoir rappelé les enjeux de par les représentants du ministère de les plus diffi ciles à maîtriser. Le travail de l’initiative gouvernementale, elle a précisé l’Éducation nationale, s’est à nouveau commentaire est rendu ardu par l’écart qui le rôle que la communauté scientifi que exprimée. Si ce point de vue est discutable, existe entre l’ordre du discours et celui de se devait de jouer dans cette circonstance dans la mesure où seule l’exactitude des l’image, mais aussi par le poids d’une longue en tant que force de proposition, connaissances peut garantir la rigueur des tradition qui infl échit le sens de chaque qu’il s’agisse de formation des enseignants discours, il a le mérite de poser clairement mot et de chaque expression employés. ou de rédaction de manuels. Éric de Chassey la question de la volonté des historiens Seules la connaissance et la maîtrise de (université de Tours) et moi-même avons de l’art professionnels de s’adresser aux cette tradition assurent la légitimité ensuite tenté de cerner les spécifi cités non-spécialistes et de mieux diffuser les des commentaires sur les œuvres, une de nos objets et de nos pratiques résultats de leurs recherches. Si leur réussite connaissance et une maîtrise sans lesquelles d’historiens de l’art. Erwan Bomstein-Erb est fondée sur la reconnaissance par leurs les propos tenus sur les œuvres ont peu (www.canal-educatif.fr) a souligné les pairs, elle l’est aussi sur la reconnaissance de d’intérêt pour l’historien de l’art, sauf qu’ils lacunes des élèves dans le domaine de leurs élèves. Mais le souci de communiquer peuvent servir à éclairer l’histoire du goût. l’histoire de l’art et recommandé l’usage encore plus largement et avec une L’enseignement universitaire se fonde sur d’un discours clair et simple, mais exigeant, semblable générosité, leurs passions et leurs de telles exigences, mais qu’en sera-t-il à sur les œuvres elles-mêmes. Lors de la savoirs – par des textes de vulgarisation, l’école ? Fondamentalement, l’enjeu de discussion qui a suivi ce premier débat, des manuels, des interventions… l’initiative ministérielle est l’épanouissement certains enseignants ont insisté sur l’absence – est assurément la clé d’un troisième individuel des élèves. L’histoire de l’art préoccupante, dans les établissements, niveau de reconnaissance « civique » doit leur permettre d’être plus attentifs au des outils pédagogiques indispensables à qui ne saurait les laisser indifférents. monde qui les entoure ou qu’ils découvrent l’accomplissement de cette nouvelle mission. dans leurs voyages, comme aux objets qui Philippe Bordes les environnent, de sorte que la manière Lors du second débat intitulé « Programmes, Directeur du département des Études dont ils « s’approprient » les lieux et les pédagogie, didactique », les interventions et de la Recherche, INHA monuments soit un choix raisonné et non ont porté sur les modalités de la mise en subi. De sorte aussi qu’ils ne se contentent œuvre de l’enseignement de l’histoire de On peut retrouver l’enregistrement audiovisuel de ces deux débats sur le site de l’École normale supérieure : pas d’être des consommateurs passifs l’art à l’école. Étienne Jollet (université abreuvés de clichés, mais s’ouvrent à cette Paris 10-Nanterre), Nadeije Laneyrie-Dagen http://www.diffusion.ens.fr/index. conscience active du monde qui caractérise (École normale supérieure, Paris) et Marie- php?res=conf&idconf=2009 l’amateur et le connaisseur. Pour ce faire, Émilie Ricker (université catholique de http://www.diffusion.ens.fr/index. il faut qu’ils soient armés face aux images. Louvain) ont analysé les défi s que représente php?res=conf&idconf=2010 La consultation des manuels actuellement cette initiative et fait des propositions en disponibles confi rme que le discours s’appuyant sur leurs propres expériences pédagogique contribue déjà à éveiller leur d’enseignants.

26 Les Nouvelles de l’INHA / n° 32 / juillet 2008 Annonces

Raoul Hausmann et les La Nation, enjeu de l’histoire de l’art Cette première étape d’un programme avant-gardes en Europe 1900-1950 de recherches plus général prendra la Colloque international Journée d’études forme ouverte de propositions à débattre Auditorium de la galerie Colbert, INHA Salle Giorgio Vasari, INHA et non d’études closes. Dans cette 12 - 14 novembre 2008 18 novembre 2008 perspective constructive, nous élaborons une bibliographie extensive sur le sujet, Dadasophe, anarchiste, photomonteur, L’axe « Histoire de l’histoire de l’art bibliographie qui favorisera l’appropriation constructeur, poète, danseur, photographe, en France » de l’INHA se propose des enjeux historiographiques propres écrivain, Raoul Hausmann (Vienne, 1886 d’approfondir notre connaissance de la à chaque pays. Catherine Fraixe (École -Limoges, 1971) est d’abord connu comme discipline dans la première moitié du des Beaux-Arts de Bourges), Ivan Geràt une fi gure centrale de Dada. Ses contributions XXe siècle. À ce titre, les chercheurs de (Institut d’histoire de l’art, Bratislava), artistiques résonnent néanmoins dans de l’équipe rassemblent une documentation Olga Medvedkova (CNRS), Marta nombreux développements et concepts sur les personnes qui ont écrit l’histoire Nezzo (université de Padoue), David d’avant-garde à travers le XXe siècle (Lettrisme, de l’art, sur les expositions montées Peters Corbett (York University), Nouveau Réalisme, Fluxus, Situationnisme…). sur le territoire national et sur les Carmen Popescu et Hans van Miegroet Ce colloque vise à explorer comment la recensements bibliographiques de celles- (Duke University) participeront à cette production multiple de Hausmann a contribué ci pour la période allant de 1900 à 1950. journée d’études organisée par Anne à façonner l’art de la modernité, ainsi qu’à Compte tenu des travaux historiographiques Lafont (INHA), Neil McWilliam (Duke repérer ses traces dans les diverses théories et récents, il nous paraît essentiel de University), Éric Michaud (EHESS) et pratiques artistiques depuis les années 1960. commencer par une étude approfondie des Michela Passini (Scuola normale di Pisa). Le récent inventaire des archives conservées au enjeux nationaux à l’œuvre dans l’écriture musée départemental d’Art contemporain de l’histoire de l’art de cette époque. de Rochechouart offre l’occasion d’apporter Toutefois, pour ne pas isoler l’histoire de une lumière nouvelle sur la complexité l’art française et bénéfi cier d’une approche de la personnalité d’Hausmann, sa faculté comparatiste, il nous a semblé opportun de dépasser les frontières traditionnelles et d’entamer ce programme par une journée l’étendue de ses contacts. Naviguant entre d’études consacrée aux relations singulières l’art et la vie, l’art et la science, le rationnel de l’histoire de l’art et du nationalisme, en et l’expressif, Hausmann se réinvente Europe. Ce sera l’occasion de découvrir les constamment mais il réinvente aussi l’histoire discours sur l’art tels qu’ils se développèrent et notre façon de regarder le passé. en Russie, en Roumanie et dans l’empire Le colloque considérera le vaste champ des austro-hongrois, mais aussi en Allemagne, pratiques « dadasophiques » d’Hausmann en Angleterre, en Belgique et en Italie. – invention constructiviste, poésie sonore et Les participants, outre le fait qu’ils visuelle, écriture, photographie, photomontage, aborderont un aspect particulier de ces performance, danse, conscience cinématique, histoires de l’art nationales, situeront les théorisation historiographique – et leurs textes étudiés dans les contextes culturels ramifi cations chez d’autres artistes. où ils sont apparus, et exposeront ce qui a motivé leurs choix au regard de Comité scientifique leur défi nition du nationalisme. Timothy Benson (Los Angeles), Hanne Bergius (Berlin), Ina Blom (Oslo), Bartomeu Mari (Barcelone).

Intervenants Timothy Benson, Hanne Bergius, Ina Blom, Ralf Burmeister, Jean-François Chevrier, Bertrand Clavez, Michael Erlhoff, Michel Giroud, Andreas Haus, Adelheid Koch-Didier, Ghislain Lauverjat, Pavle Levi, Barbara Lindlar, Boris Nakov, Pascal Rousseau, Adrian Sudhalter, Hubert van den Berg, Michael White.

Conférences Jean-François Bory, Paul-Armand Gette, Claude Viallat (à confirmer).

27 Actualités de la Bibliothèque

Les classiques de l’histoire de l’art de Nombreuses sont les disciplines représentées : de l’INHA ont chacune sa cohérence propre, la Bibliothèque numérique de l’INHA arts fi guratifs (peinture et sculpture), pour autant elles ne sont pas cloisonnées architecture, archéologie, jardins, histoire et se font bien souvent écho les unes aux La Bibliothèque numérique de l’INHA des collections, du goût, de l’esthétique et autres. Ainsi, l’Expédition scientifi que de Morée (http://bibliotheque-numerique.inha.fr) des institutions artistiques, mais également […]. Architecture, sculptures, inscriptions…, propose aux historiens de l’art et aux arts décoratifs et histoire de la gravure et prochainement numérisée parmi les classiques archéologues, aux historiens et historiens de la photographie. Des ouvrages généraux du XIXe siècle, sera à consulter en regard des du livre ainsi qu’à tous les amateurs d’art (dictionnaires et répertoires notamment), dessins de l’architecte Guillaume-Abel Blouet et de patrimoine, des documents d’une parfois transdisciplinaires, sont intégrés mis en ligne avec le concours de la grande variété : classiques de l’histoire de à cet ensemble. Parmi les documents Bibliothèque de l’École nationale supérieure l’art et livres de fêtes, catalogues anciens numérisés fi n 2007, citons à titre d’exemples des Beaux-Arts où ils sont conservés. En du musée du Louvre, estampes, dessins les Salons (1861-1868) de Théophile permettant le rapprochement de documents et dessins d’architecture, photographies, Thoré-Bürger, le Rapport au ministre de physiquement éloignés, la numérisation manuscrits et archives. La numérisation l’Intérieur sur les monuments historiques de facilite le travail de l’historien d’art. actuelle de nouveaux classiques promet de Prosper Mérimée et l’Histoire des peintres considérables enrichissements pour les mois français au XIXe siècle de Charles Blanc. Anne Weber et les années à venir. Si les différentes catégories de documents Responsable de la Bibliothèque numérique consultables de la Bibliothèque numérique Sélectionnés par les conservateurs de la Bibliothèque de l’INHA et des chercheurs spécialisés, les classiques de l’histoire de l’art constituent la bibliothèque de référence idéale de l’historien de l’art. Ce Johann Joachim Winckelmann, Histoire de l’art de corpus se compose de titres appartenant au l’Antiquité, Leipzig, domaine public, édités en langue française 1781. Bibliothèque de l’INHA, collections Jacques ou traduits d’une langue étrangère. Doucet, [4 Res 446]. En outre, des bibliothèques d’histoire de l’art étrangères ont lancé ou sont susceptibles de lancer des programmes de numérisation équivalents portant sur leurs propres domaines linguistiques, et il est indispensable de communiquer avec elles ou d’autres établissements menant des programmes pouvant recouper ceux de la Bibliothèque de l’INHA, comme la Bibliothèque nationale de France, afi n de valoriser la complémentarité des collections et d’éviter les doublons. Plus de 300 volumes de la période moderne (XVIe siècle - début du XIXe siècle) sont déjà consultables. L’essor de l’histoire de l’art au XIXe siècle, le développement simultané de l’édition et la mine de ressources qu’offre la Bibliothèque de l’INHA permettent de compléter amplement cet ensemble par des titres du XIXe siècle et du début du XXe siècle. Ainsi, dans le cadre de l’actuel marché de numérisation, une liste de près de 600 volumes a été défi nie ; 200 volumes supplémentaires pourront être numérisés si les budgets de 2009 et 2010 le permettent. L’histoire de l’art en Occident et l’archéologie constituent les priorités de ce programme.

28 Les Nouvelles de l’INHA / n° 32 / juillet 2008 Paysage IV, 1965, estampe en 10 couleurs, 60,4 x 42,1 cm, (gravure) ; 76 x 56,5 cm (feuille), Touchstone, New York, 1967. Donation Brigitte Coudrain 2007, [EM Friedlaender 39].

Les donations Friedlaender

En 1998 et en 2007, Madame Brigitte Coudrain, compagne et élève du peintre et graveur Johnny Friedlaender (1912- 1992), a consenti deux importantes donations d’estampes, de dessins et d’archives provenant de l’atelier de l’artiste à la Bibliothèque de l’INHA. Gotthard Joachim Friedlaender, dit Johnny Friedlaender, est né le 21 juin 1912 à Pless (Haute-Silésie). Il séjourne une première fois à Paris en 1929, après une formation artistique auprès d’Otto Mueller et de Carlo Mense à l’Académie des Beaux-Arts de Breslau. Seul survivant ou presque de sa famille, il grave une série d’estampes inspirées par les années noires de la guerre et de la Shoah. La donation comprend plusieurs eaux-fortes des Images du malheur, éditées par Sagile en 1945. À cette époque, Friedlaender abandonne momentanément la peinture, à l’exception de l’aquarelle, pour se consacrer à la gravure ; son œuvre est alors imprégnée d’une dimension poétique proche du surréalisme. Un portfolio de zincographies, tirées en 1995 à partir de plaques retrouvées dans le premier atelier de l’artiste, comprend dix estampes inédites datant des années 1930 et 1950, dont plusieurs dans fi nale précédant la réalisation de l’estampe, Des estampes offertes et dédicacées par ses la veine surréaliste des Rêves cosmiques. Des et sont parfois accompagnés d’indications de contemporains, Jacques Villon (1875-1963), feuilles d’études complètent la collection de couleurs et de tirage destinées à l’imprimeur. Roger Bissière (1886-1964), Alberto Giacometti gravures en noir et blanc, illustrant tous les La donation de 2007 comprend un ensemble (1901-1966), André Lanskoy (1902-1976), thèmes abordés par l’artiste et, en particulier, remarquable d’archives permettant de mieux Alfred Manessier (1911-1993), Nicolas de Staël plusieurs planches et dessins préparatoires appréhender la vie de l’artiste, au travers (1914-1955), Marcel Fiorini (né en 1922), etc. pour le Petit Bestiaire de 1963. À partir de de photographies de famille et de papiers témoignent de la place de Friedlaender dans la 1950, Friedlaender introduit la couleur dans personnels concernant notamment sa vie en création de son temps. Sa notoriété mondiale son œuvre gravé. La donation comprend une Allemagne et la Seconde Guerre mondiale. est également attestée par un ensemble de 60 centaine d’eaux-fortes de 1950 à 1980, qui Les livres de sa bibliothèque permettent affi ches de ses expositions, dont 7 sont gravées. sont pour la plupart des épreuves d’artiste. de percevoir ses inspirations ainsi que le Une exposition en deux volets intitulée Johnny Certaines d’entre elles, comme Oiseau-poisson réseau littéraire auquel il appartenait et pour Friedlaender (1912-1992), le graveur et son lune et Le Coq, sont des tirages exceptionnels, lequel il lui arrivait d’exercer son métier temps, aura lieu dans la galerie Colbert du absents du catalogue raisonné des gravures comme illustrateur. Enfi n, au travers de sa 18 septembre au 8 novembre 2008, puis du de Friedlaender réalisé par Rolf Schmücking. correspondance, tout un réseau artistique et 18 novembre 2008 au 3 janvier 2009. Elle Plusieurs bons à tirer avec des annotations social s’esquisse, éclairant l’activité de chef permettra de découvrir toutes les facettes de manuscrites pour des estampes de la série Vol d’atelier de Friedlaender ainsi que les relations l’œuvre de cet artiste encore méconnu en d’oiseaux comptent au nombre des épreuves de ce dernier avec des artistes contemporains. France et de rendre hommage à la générosité des plus remarquables de la donation. En 1949, l’artiste fonde un atelier de de la donatrice de ses œuvres et de ses archives. La collection est également riche en tirages et gravures avec Albert Flocon chez l’imprimeur études préparatoires à des gravures en couleurs Georges Leblanc : Zao-Wou-Ki ( né en 1920), Isabelle Cahn de grand format réalisées par Friedlaender René Carcan (1925-1993), Hélène Csech (née Fanny Lambert dans les années 1960. Ces dessins témoignent en 1927), Arthur Luis Piza (né en 1928)… s’y Service du patrimoine de la Bibliothèque de l’INHA des recherches de composition jusqu’à l’étape forment aux techniques de la taille douce.

29 Publications

Images et méditation au XVIIe siècle Fragonard. Regards croisés La Construction savante. Frédéric Cousinié Jean-Pierre Cuzin, Dimitri Salmon Les avatars de la littérature technique Textes réunis par Jean-Philippe Garric, Valérie Nègre,

Alice Thomine-Berrada

Au cours du XVIIe L’ouvrage se fonde La Construction siècle, la multiplication sur une comparaison savante désigne une des traités de argumentée entre les dimension de l’art méditation et de œuvres d’un grand de bâtir comprenant contemplation sur les artiste et celles qui l’usage et la mystères chrétiens les ont précédées production d’une affecte radicalement puis suivies, afi n de littérature spécifi que aussi bien l’histoire considérer ses sources ainsi que les processus de la spiritualité d’inspiration et sa grâce auxquels les que celle de l’art postérité. Le premier savoirs pratiques religieux. Prétendant rendre accessibles à chapitre propose un parcours chronologique deviennent des livres. Issu du colloque tous des pratiques spirituelles réservées à de la carrière de Fragonard, où sont analysés « Les avatars de la littérature technique », l’élite des croyants, ces ouvrages contribuent le rôle de ses maîtres (Boucher, Van Loo) organisé par le Centre historique des à diffuser un mode d’appréhension des et de ses grands modèles (baroques italiens, techniques et de l’environnement du images qui permet de comprendre de Rubens, Rembrandt, paysagistes et peintres Conservatoire national des Arts et Métiers façon nouvelle la réception des images de genre de la Hollande du XVIIe siècle), en et par l’INHA, ce volume rapproche les religieuses à l’époque moderne. privilégiant les copies et les interprétations recherches sur la littérature technique et les En confrontant textes de spiritualité, directes. Sont successivement étudiées travaux sur les livres d’architecture. images gravées et exemples picturaux, cette l’infl uence que Fragonard a exercée sur Il croise ainsi les approches de chercheurs étude se propose de répondre à plusieurs ses contemporains et ses cadets (Hubert spécialistes de l’histoire des sciences, de questions : la place accordée aux images Robert, François-André Vincent) et l’histoire des techniques, de l’histoire de l’art dans la littérature et les pratiques spirituelles l’attention qu’accordèrent à son œuvre, ou de l’architecture, de l’histoire du livre, portant sur l’oraison, la méditation et la avant sa redécouverte au temps des et de l’histoire du droit. De la naissance de contemplation dans la France du XVIIe Goncourt, des artistes du premier tiers du l’imprimé jusqu’au XXe siècle, les diverses siècle ; les fonctions, les usages et les effets XIXe siècle (Pierre-Paul Prud’hon et certains contributions apportent des points de vue attribués à ces représentations ; Romantiques). Le XXe siècle regarde peu complémentaires par l’analyse des contenus les rapports établis entre textes, pratiques Fragonard (copies de Matisse, Marquet, ou de la forme des ouvrages, de l’étendue et images ; la nature et les relations des Camoin, Vuillard) mais De Pisis, Derain de leur destination et de leur réception, différentes catégories d’images évoquées et Chirico savent s’en inspirer ; cinéastes, ainsi que du contexte professionnel, dans ces textes ainsi que les « lieux » photographes, décorateurs de théâtre institutionnel et social de leur publication. – livres, oratoires, espace intérieurs plagient l’Escarpolette ou le Petit Parc. – dans lesquels elles prennent place ; les Il est au centre des œuvres de Glenn Brown Ouvrage réalisé avec le concours du possibilités de transfert des protocoles de et de Yinka Shonibare, se voit directement ministère de la Culture et de la lecture des images vers les représentations métamorphosé par Vik Muniz et François Communication (direction de l’Architecture matérielles produites par les artistes. Boiron, ou évoqué par Gerhard Richter et du Patrimoine, bureau de la Recherche et Paul-Armand Gette. Théâtre et cinéma architecturale, urbaine et paysagère). Presses universitaires de Rennes, 2007 continuent d’avoir recours à lui. Un dernier 25 x 18 cm, broché, 235 pages chapitre traite de l’image de Fragonard Éditions Picard-INHA, 2008 65 illustrations en noir et blanc et de sa popularité dans la publicité et la 24 x 17 cm, 444 pages Diffusion : Sodis Illustrations en noir et blanc ISBN : 978-2-7535-0514-8 caricature. Diffusion : Sodis 22 euros ISBN : 978-2-7084-0810-4 Éditions Mengès, 2007 53 euros 25 x 29 cm, broché, 340 pages 360 illustrations en couleur Diffusion Interforum-Editis ISBN 978-2-8562-0478-8 44,95 euros

30 Les Nouvelles de l’INHA / n° 32 / juillet 2008 Goya graveur Couleur et culture. Perspective. La revue de l’INHA Catalogue d’exposition Usages et signifi cations de la couleur 2008 -1 (Antiquité - Moyen Âge) de l’Antiquité à l’abstraction John Gage

Présentée au Petit La couleur, Perspective. La revue Palais – musée des source d’intenses de l’INHA inaugure Beaux-Arts de la Ville expériences l’année 2008 sous le de Paris, du 13 mars sensorielles, est signe des antiquaires : au 8 juin 2008, aussi l’un des elle publie les prémices l’exposition Goya véhicules de la d’un projet de graveur réunissait transmission recherche collectif 223 estampes du culturelle. Dans d’Alain Schnapp sur le maître espagnol, cet ouvrage enfi n rapport aux traces du dans des états traduit en français, passé et à la mémoire, d’une qualité exceptionnelle provenant l’éminent historien d’art britannique John de Rome à la Chine en passant par l’Égypte des collections offertes à ce musée par Gage étudie l’histoire de la perception et Sumer, prolongeant ainsi l’éditorial de les frères Dutuit, de la Bibliothèque de et de l’utilisation de la couleur dans l’art Krzysztof Pomian qui invite à continuer de l’INHA – collections Jacques Doucet, et et la culture en Occident. Cette analyse défricher l’histoire du collectionnisme en de la Bibliothèque nationale de France. historique déterminante qui va de la Grèce l’ouvrant au-delà de l’histoire occidentale. Cet ensemble était complété par 59 antique au début du XXe siècle aborde Le dossier Antiquité couvre la période dans estampes réalisées par des artistes français les multiples facettes du sujet dans les son ensemble, des états de la recherche du XIXe siècle infl uencés par Goya. domaines artistique, technique, scientifi que, sur l’archéologie de l’or en Europe et sur Le catalogue reproduit les 282 estampes philosophique et religieux. L’ouvrage traite l’image ibérique jusqu’à des comptes rendus accompagnées de notices et de onze aussi de sujets aussi passionnants que la d’expositions sur l’empereur Constantin, en essais dus aux deux commissaires de fascination pour l’arc-en-ciel, les relations passant par des articles sur les vases italiotes l’exposition : Maryline Assante de entre la musique et les couleurs, l’évolution et sur le portrait romain. Le dossier Moyen Panzillo et Simon André-Deconchat, de la palette des peintres, ... Âge commence par la publication d’un à Juliet Wilson Bareau, conseillère débat public sur l’artiste au Moyen Âge, scientifi que, et à des conservateurs Ouvrage traduit par Anne Béchard-Léauté qui a permis de confronter les diverses espagnols et français spécialistes de Goya et Sophie Schvalberg, avec le concours de tendances actuelles de la recherche. En et de la gravure : Sophie Renouard de la Fondation de France et de l’INHA. complément de l’exposition de la BnF Bussierre, Valérie Sueur-Hermel, José consacrée aux miniatures carolingiennes, de Los Llanos et José Manuel Matilla. Éditions Thames & Hudson, 2008 il présente un panorama des travaux récents 26,5 x 29 cm, 336 pages sur les arts fi guratifs carolingiens. Il offre 103 illustrations en noir et blanc, Coédition Paris-Musées/Nicolas Chaudun, 2008 120 illustrations en couleur aussi une réfl exion, à partir d’ouvrages 30, 5 x 24, 5 cm, 352 pages, relié Diffusion Volumen récents, sur l’iconologie médiévale en Diffusion : Paris-Musées ISBN : 978-2-87811-295-5 rapport avec l’Église, fait le point sur les ISBN : 978-2-7596-0037-3 79 euros 49 euros recherches les plus récentes concernant les Très Riches Heures de Jean de Berry et les Heures de Bedford, et ouvre ses frontières avec un article sur le tardorrománico dans l’architecture hispanique et avec un compte rendu d’expositions sur l’art à la cour des Luxembourg. Un riche appareil bibliographique complète ce numéro de 160 pages illustrées de plus de 150 fi gures dont beaucoup sont en couleur.

ISBN : 2200-92183-7 Prix au numéro : 19 euros Abonnements : 65 euros (France), 80 euros (étranger)

31 Nouveaux collaborateurs de l'INHA

Isabelle Cahn Sarah Linford Sophie Triquet Historienne de l’art, spécialiste de la Sarah Linford a reçu une double formation Elle prépare un doctorat d’histoire de seconde moitié du XIXe siècle et du début en France et aux États-Unis (ENS-Ulm, l’art en photographie à Paris I sous la du XXe siècle, Isabelle Cahn est diplômée de Paris 7 et Clermont-Ferrand II ; Berkeley et direction de Michel Poivert. Après une l’université de Paris X et de l’École du Louvre. Princeton). Son travail porte sur la peinture, maîtrise obtenue en 2004 à l’Universidad Documentaliste en 1982 au musée d’Orsay, la critique d’art et les écrits d’artistes Complutense de Madrid et l’université de elle a participé à l’organisation de plusieurs post-impressionnistes en France, de 1870 à Rennes II, elle participe, pour la partie expositions internationales consacrées à l’entre-deux-guerres, dans leurs dimensions espagnole, à l’organisation de l’exposition Manet, Cézanne, Gauguin, Renoir, Sisley, sociales, politiques et techniques. La photographie pictorialiste en Europe, les Nabis, l’École de Pont-Aven, Vollard. Sa thèse sur « Le Symbolisme et la Troisième 1888-1918 présentée au musée des Beaux- Elle est l’auteur de la première exposition République : la tradition comme avant- Arts de Rennes puis, aux États-Unis, au sur les cadres d’artistes au XIXe siècle et sur garde, 1871-1915 », dirigée par Jean-Paul Saint Louis Art Museum en 2005. Lauréate le théâtre de l’Œuvre, qui se sont tenues Bouillon et Todd Porterfi eld, a reçu le de la bourse d’aide à la recherche Neufl ize- au musée d’Orsay en 1989 et en 2005. soutien du Center for Advanced Study in INHA en décembre 2006, sa thèse porte Auteur de nombreux essais, articles, the Visual Arts (CASVA) de Washington, où sur le rôle des modèles étrangers dans catalogues, livres, dont Cadres de peintres Sarah Linford a été trois ans titulaire de la la photographie espagnole entre 1914 et (Hermann-RMN, 1989), Gauguin et le Mythe chaire pré-doctorale Paul Mellon, ainsi que 1945. Elle analyse notamment les enjeux du sauvage (Flammarion, 1989), Cézanne du ministère de l’Enseignement supérieur et esthétiques que suppose la « traduction » (Somogy, 2006), Abécédaire Cézanne de la Recherche. Cette thèse a reçu le Prix de l’image dans le domaine artistique ainsi (Flammarion, 1996), Manet : natures mortes du musée d’Orsay 2008 et sera publiée en que l’usage du document photographique (Gallimard-RMN-Découvertes, 2000), France et aux États-Unis en 2009. Chargée dans les affrontements idéologiques. Abécédaire Gauguin (Flammarion, 2003), de cours dans plusieurs établissements Elle est chargée d’études et de recherche Le Douanier-Rousseau (À Propos, 2005), supérieurs, Sarah Linford a également « Fondation de France » à l’INHA. L’Impressionnisme ou l’œil naturel (Hazan, travaillé pour différents musées, notamment 2006), Vollard, un marchand d’art et ses aux États-Unis (MoMA, à New York ; trésors (Gallimard-RMN-Découvertes, National Gallery of Art, à Washington) 2007), elle a également publié des ouvrages et elle est associée à la préparation d’une pédagogiques destinées aux adultes et aux exposition sur Fernand Pelez, qui se tiendra enfants, notamment les fascicules de la à Paris au musée du Petit Palais. Avec Neil collection Toutes mes histoires de l’art . Mc William, elle prépare la publication d’un Devenue conservateur du patrimoine choix de lettres du peintre Émile Bernard, (État) en 2006, elle vient d’intégrer le à paraître en 2010 ; enfi n, elle prépare aussi Département de la Bibliothèque et deux anthologies critiques, l’une sur le de la Documentation de l’INHA pour s’y philosophe et historien de l’art Gabriel occuper de la collection des estampes. Séailles, l’autre sur les théories et techniques de la couleur dans la peinture française, de Seurat à Matisse. Elle est pensionnaire « Fondation de France » à l’INHA.

Comité de rédaction : Conception graphique : Michel Hochmann (EPHE) Brigitte Monnier Catherine Limousin Philippe Apeloig (Centre Chastel) François Lissarrague Impression : (Centre Louis Gernet) Caractère S.A.S. Claude Mignot (Centre Chastel) ISSN 1620-7815 Directeur de la publication : Dominique Poulot (CIRHAC) Antoinette INHA Le Normand-Romain et, pour l’INHA : 2, rue Vivienne 75002 Paris Philippe Bordes T. : 33 (0)1 47 03 79 01 Rédaction : Jean-Pierre Cuzin F. : 33 (0)1 47 03 86 36 Hania Daoud Alain Madeleine-Perdrillat www.inha.fr Alain Madeleine-Perdrillat Jean-Michel Nectoux Jean-Michel Nectoux Martine Poulain

32 Les Nouvelles de l’INHA / n° 32 / juillet 2008