Avec ERCKMANN-CHATRIAN évocation du passé en au XIXe siècle traces et survivances dans le folklore au XXe par M. Georges L'HÔTE

Après des débuts difficiles, Emile Erckmann et furent protés de leur vivant sur les ailes de la gloire.

Leurs contes, leurs romans parurent d'abord dans des journaux et des revues sous forme de feuilletons. L'année 1861 marqua le point de départ de leur notoriété avec « L'Invasion » éditée en volume par Hetzel. Dès lors, Pierre-Jules Hetzel publiera la quasi-totalité de leurs œuvres illustrées en majorité par Théophile Schiiler. Et ce sera le succès dans tous les milieux. Plus d'un million d'exemplaires vendus en 1866, 16 mois après la parution du premier numéro des « Romans nationaux ».

Après leur mort, celle de Chatrian survenue en 1890, celle d'Erckmann en 1899, l'engouement des Français pour leurs contes et romans diminuera, sans cependant disparaître jamais, et ce jusqu'à la tourmente de 1914.

Entre les deux guerres, Hachette fera revivre les principaux titres des Romans nationaux, « Madame Thérèse », « Le Conscrit de 1813 », « Waterloo » et le chef d'oeuvre « L'Ami Fritz », dans sa « Bibliothèque verte » destinée plus spécialement aux enfants.

Aujourd'hui, en 1976, il est permis de se poser une question : lit-on encore Erckmann-Chatrian ? La réponse jaillit affirmative, puisque dès 1962, Jean-Jacques Pauvert lança une réédition des œuvres complètes en 13 volumes, suivie d'un quatorzième réservé à la biographie et à la critique. Des titres aujourd'hui épuisés sont déjà réédités. Tout récemment la revue littéraire « Europe » consacra un de ses numéros, celui de janvier 1975, à Erckmann-Chatrian, et la télé FR III, une émission régionale, en date du 28 février 1976.

Le couple est surtout connu comme auteur de romans populaires, de romans nationaux, de contes fantastiques, comme « écrivain alsacien ». « Un alsacien folklorique et pas méchant » (1) écrit Jean-Jacques Pauvert. « ... il emploie comme il peut son monde alsacien a dit «Zola» (2). M. Pierre-Pascal Furth titre dans la revue «Europe»: «Erckmann- Chatrian écrivain alsacien ? » (3) avec cependant un point d'interroga­ tion. Et j'en passe.

J'ai simplement, à l'occasion d'une relecture de l'ensemble de l'œuvre, voulu me rendre compte si, natifs tous deux de l'ancien département de la Meurthe, le premier à en 1822, le second à Grand-Soldat en 1826, ils n'avaient pas introduit dans leurs écrits, ne serait-ce que furtivement, quelques faits, la relation de quelques cou­ tumes, un peu de folklore de cette -Sud, berceau de leur enfance.

Tel est l'objet que je me propose de soumettre à votre jugement.

Cependant, avant de poursuivre, il convient de circonscrire l'univers géographique et de définir la période au cours de laquelle sont nés, ont vécu et agi leurs principaux personnages.

Si l'on excepte les romans exotiques dont les récits se passent en Kabylie, sur les rives du Canal de Suez, en Prusse orientale, les lieux de combats de Michel Bastien le paysan des Baraques de Bois-de-Chêne, de Joseph Bertha le conscrit de 1813 et d'autres, en Allemagne, en Suisse, en Vendée, le Haut-Rhin qui ne figure que dans un récit (4), il reste que la région la plus marquante se situe à cheval sur la limite entre la Moselle et le Bas-Rhin, de la vallée de la Sarre à la vallée de la Zinzel, d'Abreschviller au Graufthal ; pourtant, dans ce cadre deux cercles plus restreints se démarquent ; ils feront écrire à M. Pierre-Pascal Furth déjà cité :

« Et il apparaît de façon évidente, que c'est à Phalsbourg et à ses environs, ainsi qu'à Abreschviller et Grand-Soldat (5) qu'Erckmann- Chatrian attache la plus grande importance ».

(1) T. XIV avant-propos p. 8 (2) T. XIV p. 286 (3) Janvier 1975 p. 34 (4) T. III Confidences d'un joueur de clarinette p. 393 (5) « Europe » Janvier 1975 p. 36 D'emblée, nous voilà transportés au coeur du sujet.

En ce qui concerne la période, elle s'étire sensiblement au long d'un siècle, des années situées autour de 1775 jusqu'à celles qui gravitent autour de 1875 et débute ainsi bien avant leur naissance. Jean-Jacques Pauvert l'exprime de façon originale :

« Erckmann-Chatrian voyage en arrière (6) ».

Successivement seront ici évoqués les thèmes suivants :

- la vie de tous les jours ; les métiers, l'alimentation quotidienne, le costume populaire ; - les cérémonies familiales ; - les fêtes calendaires ; - les traditions et les coutumes. Les métiers... d'abord ceux des hommes des bois qui vivaient six jours sur sept en forêt. Erckmann-Chatrian ne fait la plupart du temps que les citer. Ainsi dans « L'Invasion » : « Il s'asseyait au milieu des bûcherons, des charbonniers, des schlitteurs » (7) ; dans « Les deux frères » : ... « les garçons devenaient bûcherons, schlitteurs, cordonniers, sabotiers, cuveliers, tailleurs, selon la profession du père » (8). Ailleurs, il mentionne les « ségares, les scieurs de long » (9).

Il semble pourtant qu'une hiérarchie se soit établie parmi les gens de métiers. A Rôthalp, village imaginaire, situé dans le département de la Meurthe, dans cette vallée de la Zinzel, proche de Metting, il est dit : « C'est un grand et beau village de cent trente feux, ququel ne manquent ni son curé Daniel, ni son maître d'école Adam Fix, ni des notables de toute sorte, charrons forgerons, cordonniers, tailleurs, cabaretiers, bras­ seurs, marchand d'œufs, de beurre, de volailles » (10).

Beaucoup de ces métiers sont aujourd'hui disparus ou se sont transformés. Je ne m'y attarderai pas et réserverai mon propos à ceux qui, plus encore qu'abandonnés, sont effacés du souvenir.

Dans le massif forestier du Donon, le cours des deux Sarre autrefois servait au transport du bois (11). Les « flottes appelées trains», guidées par les « wolous », (bûcherons transformés à l'approche de Pâques en

(6) T. XIV avant-propos p. 9 (7) T. VIII p. 2 (8) T. XI p. 318 et 319 (9) T. III Une nuit dans les bois p. 364 ; T. VIII Le blocus p. 280 (10) T. XI Histoire de plébiscite p. 2 (11) T. X Histoire d'un sous-maître p. 331 flotteurs) armés du « forot », (perche de sapin flexible, longue de 3,50 m à 4 m, emmanchée dans un fer terminé en pointe) descendaient jusqu'au port de Hesse, jusqu'à Sarrebourg, jusqu'à Sarrelouis et même, au début du XIXe siècle, jusqu'à Trêves et parfois jusqu'à Coblence. Les derniers « trains » sur la Sarre disparurent avec l'année 1905 ; le flottage à bûches perdues persista jusque 1907 (12). Les survivants de cette épopée, s'il en existe encore, sont aujourd'hui centenaires. Personnellement, je conserve le souvenir ému de l'un d'entre eux que j'ai connu en 1937, l'Aubin, maire de Laneuville-devant-Lorquin (13).

Un métier qui n'a pas survécu à la guerre de 1939-1945 le taupier appelé aussi « mauser » par Erckmann-Chatrian, est décrit dans « Mada­ me Thérèse » (14).

« C'était une véritable mine de rat des champs ; le nez long, la bouche petite, le menton rentrant, les oreilles droites, quatre poils de moustache jaunes ébouriffés. Sa souquenille de toile grise lui descendait à peine au bas de l'échine, son grand gilet rouge, aux poches profondes, ballotait sur ses cuisses, et ses énormes souliers, tout jaunes de glèbe avaient de gros clous, qui luisaient sur le devant, en forme de griffes, jusqu'en haut des épaisses semelles.

« Le mauser pouvait avoir cinquante ans ; ses cheveux grisonnaient, de grosses rides sillonnaient son front rougeâtre et des sourcils blancs à reflets d'or lui tombaient jusque sur le globe de l'oeil ».

« On le voyait toujours aux champs en train de poser ses attrapes... ».

Au cours des années trente, ma commune a encore engagé un taupier pour débarrasser les prairies du finage de ces petits animaux fouilleurs et déprédateurs.

Qui se souvient encore du marchand d'amadou ? Notre auteur en parle dans « La taverne du jambon de Mayence » (15), dans « La maison forestière» (16). La découverte en 1831 et l'introduction des allumettes phosphoriques à la campagne mit fin à cette activité. Une savoureuse anecdote à ce sujet (17) est contée. A l'époque du lancement, à la Croix- aux-Mines, un colporteur s'était installé devant l'église et criait à gorge déployée : « Allumettes chimiques ! Trois paquets pour un sou »,

(12) Zéliqzon etThiriot Textes patois. Le flottage à Niderhoffp. 203 à 239 (13) Laneuville-lès-Lorquin (14) T. VI p. 5 et 6 (15) T. V p. 269 (16) T. V p. 402 (17) E. Mathis, nouveaux contes lorrains p. 79-80 importunant les fidèles et l'officiant. Ce dernier avait dû abréger son homélie tandis que ses « orémus » étaient couverts par la voix du crieur. A la fin de la messe, au moment de 1' « lté missa est », les oreilles bourdonnantes de la mélopée, il se tourne vers les assistants et entonne sur l'air connu « Allumettes chimiques !... » et le chantre de répondre du même ton : « Trois paquets pour un sou ! ».

Le hardier, pâtre, gardeur de troupeaux, a survécu jusque la dernière guerre, du moins dans mon village, à Foulcrey où il consuisait à la pâture, les matins les porcs, les après-midis les chèvres, en automne au temps de la vaine pâture les vaches. A Gélucourt, avant 1914, les chèvres étaient mélangées au troupeau de cochons. Jusque 1880, à Blanche-Eglise, une gardeuse d'oies conduisait les volatiles dans les prairies marécageuses entourant le village. Erckmann-Chatrian cite le hardier à plusieurs reprises. Dans « Histoire d'un paysan » nous lisons (18) : « Le hardier de Phalsbourg n'amenait que des pourceaux, qui, pendant les chaleurs de midi, faisaient leur trou dans le sable et se vautraient les uns contre les autres, comme des poules dans un pailler. Ils dormaient leurs grandes oreilles roses sur les yeux ; on aurait marché dessus sans les faire bouger ». Dans « Le blocus », c'est la corne du hardier qui rassemblait les troupeaux réquisitionnés pour soutenir le siège de Phalsbourg (19). Au village des « Deux frères » (20), « Les Chaumes », planté dans la vallée de la Sarre Rouge, Erckmann-Chatrian évoque le retour du pâturage : « C'est l'heure où les troupeaux rentrent, où la corne du hardier chante, où chèvres et pourceaux courent dans le village chercher leur logis ; ils ne se trompent jamais de porte, et grognent ou bêlent d'une voix plaintive, jusqu'à ce qu'on vienne leur ouvrir ». Dans « Les amoureux de Catherine », c'est le départ du troupeau qui est décrit (20b).

De nos jours, braconner est un délit. Jadis aussi ; mais également un métier exercé non sans risque et sans danger au vu et au su de toute la population complice. Ecoutons ce qu'écrit Erckmann et Chatrian dans « Le Banni » (21 ). « Le brigadier (Frédéric) se rappela cet homme, le plus adroit, le plus rusé des braconniers qu'il eût jamais rencontrés. « Du reste, Reinhart en avait bien la mine, avec sa demi-blouse, son bonnet de coton, ses hautes guêtres de cuir, sa figure hâlée, son nez fin, ses

(18) T. Ip. 26 (19) T. VIII p. 317 (20) T. XI p. 282 (20b) T. V. p. 343 (21) T. XIII p. 310 yeux gris perçants et ses larges épaules où pendait, lié par les pieds, un chevreuil en sautoir.

« Ah ! c'est vous, Gaspard, lui dit le vieux forestier. Et que venez- vous faire ici ! - Je viens apporter à Thérèse un jeune brocard que j'ai tué hier soir à l'affût. - Vous braconnez donc toujours, Reinhart ?... dit le brigadier en hochant la tête ; vilain métier... métier dangereux... - Hé ! je le sais bien, fit le braconnier... mais que voulez-vous, c'est dans le sang... mon père braconnait... je braconne... mes enfants braconneront... ».

Cette scène se passait à Graufthal dans les années 1870. Aujour­ d'hui, un siècle après, Reinhart le braconnier peut dormir en toute quiétude dans la paix du Seigneur, aux pays de Dabo et de Walscheid, ses arrière-arrière petits-fils se livrent encore à ce sport passionnant et toujours périlleux. Cela est bien connu dans les milieux de chasseurs qui le déplorent.

Pour être juste, je dirai que leur nombre va diminuant et c'est bien qu'il en soit ainsi.

Autre métier aussi dangereux, contrebandier.

Les cahiers de doléances de nos villages sont remplis de plaintes sur la cherté du sel et le contrôle tatillon des gabelous. Dans « Histoire d'un paysan », Michel-Bastian le héros du livre en se rendant à Phalsbourg acheter le sel imposé par la Ferme, s'inquiète et dit : « ... je me figurais le saunier criant par son guichet à quelque pauvre diable : tu n'es pas venu mardi dernier... Tu achètes de la contrebande... J'ai l'œil sur toi... Prends garde !... (22)».

Autre raison suscitant la contrebande : la « foraine », droit sur les marchandises passant des Trois Evêchés ou des Duchés de Lorraine, dits alors « d'étranger effectif », dans le royaume de France, car après leur réunion à la couronne, jusqu'à la Révolution on y avait laissé subsister la douane (23).

En 1847, l'enquête sur la moralité du jeune Alexandre Chatrian, maître d'étude au Collège de Phalsbourg auprès du principal Perrot par

(22) T. I p. 64 (23) Georges L'Hôte. L'artisanat en Lorraine, Edition Mars et Mercure, p. 89 Emile Erckmann avant d'en faire son associé et son ami, nous renseigne sur l'état d'esprit de la population à ce sujet : « Est-il d'une famille honnête ? demanda-t-il (Erckmann) à M. Perrot. - Oui. Son père a bien été ruiné pour avoir fait la contrebande, mais tu sais, dans le peuple, la contrebande n'a rien de déshonorant ; voler l'Etat, ce n'est pas un vol ordinaire. - Vous avez raison, M. Perrot... (24), fut la réponse d'Emile Erckmann. Une contebande conduisait aux galères, (25) celle des livres et brochures défendus. Ainsi dans « Histoire d'un paysan », il est dit : « Voilà bien une de ces figures, (le père Chauvel), comme on n'en voit plus depuis la Révolution : le colporteur d'almanachs, de bons paroissiens, de saluta­ tions de la Vierge, de catéchismes, de croisettes», etc.. Plus loin : «Il vendait des livres de messe, mais combien de livres défendus passaient en contrebande : des Jean-Jacques, des Voltaire, des Raynal, des Helvétius » (26).

Jadis il était d'usage que les gens exerçant des métiers ambulants les criassent dans les rues pour signaler leur passage.

Cette coutume persista dans le village jusque la dernière guerre avec le marchand de peaux de lapins qui s'égosillait : « Peaux de lapins, peaux de lièvres !... Ah ! rien à vendre ? » Dans Erckmann-Chatrian, un seul cri de métier est signalé, celui du père Soudeur : « Poterie et vieux linge à changer » (27). Il ramassait également les verres cassés et les cendres.

Quand je me suis documenté pour écrire « L'artisanat en Lorraine » (28), je pensais consacrer un chapitre au compagnonnage. Quelle ne fut pas ma surprise de constater que le compagnonnage paraissait avoir peu touché la Lorraine, du moins n'en a t-on conservé que peu de traces. M. Roger Lecotté, conservateur du Musée du Compagnonnage à Tours

(24) T. XIV, la vie et l'œuvre d'Erckmann Chatrian, p. 54 (25) T. I p. 34 (26) T. I p. 33 et 34 (27) T. I p. 295 et 294 (28) Ed. Mars et Mercure, 1974 me Fa confirmé. A sa connaissance, il existe un document isolé, une gourde d'un compagnon lorrain exposée au musée Carnavalet à .

Le paysan d'Erckmann-Chatrian, Michel Bastien, semble pourtant avoir fait son Tour de France : « Pendant mon Tour de France en 1760, dit-il, du côté de Mézières, un compagnon qui s'appelait Christian Weber arriva d'Alsace ; il avait des saucisses fumées et des andouilles dans un sac » (29).

C'est la seule allusion au compagnonnage mentionnée dans l'oeuvre. Avant la Révolution, le travail à domicile semblait inconnu. Le même Michel Bastien raconte que ses soeurs « mendiaient sur les routes; car il n'existait alors pas de fabriques ; on ne faisait pas tricoter de capuches, de pèlerines, de bouffantes de belle laine dans nos villages ; on ne tressait pas ces milliers de chapeaux de paille, qui vont à Paris, en Allemagne, en Italie, en Amérique » (30). Plus loin il cite encore la fabrication des chapeaux de paille (31), la broderie (32) et le tricota­ ge (33).

Erckmann-Chatrian écrivait cela en 1867. L'enquête que j'ai publiée sur « Le travail à domicile dans l'arrondissement de Sarrebourg de 1850 à nos jours » confirme en tout point ses assertions (34).

Certains ont décrié ce genre de travail, l'accusant d'avoir été une exploitation éhontée du peuple, - je vois encore ma grand'mère penchée du matin au soir sur sa broderie et je l'entends geindre : « Ah ! mes pauvres yeux ! » - je persiste cependant à penser qu'il a permis un « mieux être », un « mieux vivre » avec l'argent récolté et qu'il a donné une raison de survivre aux vieux et aux vieilles, aux veuves et aux déshérités en général.

Erckmann-Chatrian le fait dire à son paysan : « Ma mère maintenant trop vieille, passait son temps à filer, ce qui lui rapportait cinq ou six liards par jour ; mon père gagnait huit à dix sous avec ses paniers » (35).

Le lecteur d'Erckmann-Chatrian peut savourer en pensée les repas copieux, plantureux, gargantuesques, décrits dans « La taverne du

(29) T. I p. 329 (30) T. Ip. 81 (31) T. XIII, le banni, p. 190 (32) Ibid et T. XI p. 282 et 373 (33) T. XI p. 282 (34) Art populaire de France, Istra 1865 (35) T. II p. 369 Jambon de Mayence » ou dans « L'ami Fritz ». Exceptionnels, réservés à quelques privilégiés, je n'en dirai rien, réservant mon propos à l'alimenta­ tion populaire quotidienne.

Autrefois, et cet autrefois n'est pas si éloigné de nous, la nourriture de base était constituée de plantes, de racines, de fruits récoltés dans la nature. De nos jours, la recherche de champignons, de pissenlits sauvages, la cueillette de « brimbelles » en sont des survivances.

En 1794, aux Baraques, la disette sévissait. Michel Bastien, le paysan, en témoigne : « Il n'arrivait plus rien au marché (de Phalsbourg), dit-il, les pauvres gens allaient comme avant la Révolution, faucher les orties, et s'en nourrissaient en les cuisant avec du sel (36)».

En 1840, le maire de Felsenbourg, localité qui n'est autre que Lutzelbourg, fait remarquer à ses Conseillers qu'ils en sont restés au Moyen-Age : « Nous vivons de racines et de légumes comme au temps de Yéri-Haus et de Hugues le Borgne ! » (37).

A propos d'orties, je puis certifier qu'elles entraient dans la confection de la « soupe ou potée aux neuf herbes » du « Gründon­ nerstag », le Jeudi-Saint dit Jeudi-Vert, pour en avoir mangé plusieurs fois entre 1950 et 1960 à Phalsbourg-Maisons-Rouges.

A un degré supérieur, si j'en crois Erckmann-Chatrian, se situe la soupe aux choux avec un morceau de cochon salé ou fumé. Ecoutons encore le paysan du roman : « On s'assit et l'on mangea en silence une bonne soupe et un grand plat de choux d'hiver, garni de lard, avec quelques noix et du fromage pour dessert »(38) et le maire de Felsenbourg : « Cependant partout en Lorraine, en Alsace, les plus malheureux sont assurés d'avoir la soupe aux choux et le petit salé tous les dimanches » (39).

C'est cette même soupe aux choux, suivie d'une potée qui, pendant un grand siècle, jusqu'aux années précédant la dernière guerre, resta l'alimentation commune et journalière de midi dans nos campagnes lorraines.

Elle réapparaissait, réchauffée souvent, au petit déjeuner du matin. A plusieurs reprises, dans « Madame Thérèse », « Histoire d'un sous-

(36) T. II p. 328 (37) T. VII p. 226 (38) T. I p. 362 (39) T. VII p. 226 (40) T. VI p. 412 - T. X p. 236 - T. XII p. 285 maître », « Annette et Jean-Claude » (40), Erckmann-Chatrian le souli­ gne. Ce que je puis affirmer, c'est que la soupe du matin se maintint jusqu'au début du siècle avant d'être définitivement supplantée par le café au lait qui serait apparu dans notre région déjà en 1837. Ecoutons Jean- Pierre Clavel dans « Histoire d'un homme du peuple » : « Pour la première fois de ma vie, je pris le café au lait, ce que je trouvai très bon, et même meilleur que la soupe » (41). Pour le repas du soir, il y avait les pommes de terre en robe des champs et du lait caillé ; ils sont mentionnés à plusieurs reprises dans « Les bohémiens », « Histoire d'un sous-maître », « Le brigadier Frédéric » et « Contes Vosgiens » (42). C'était le repas du pauvre. Il le resta jusqu'au début du siècle. Dans « Les deux frères », Erckmann-Chatrian en fait un tableau digne de figurer parmi les « Gueux » de Jacques Callot. « Les enfants du bûcheron, du ségare, du flotteur... voient les pauvres parents assis autour d'un tas de pommes de terre et d'un pot de lait caillé, le dos courbé, les bras tombant à force de fatigue, la tête penchée et les cheveux collés par la sueur sur la figure, n'ayant plus même le courage de penser »(43). Et cependant, cependant... l'apparition de la pomme de terre fut une bénédiction pour les populations qui l'accueillirent au début avec suspicion. C'est encore Erckmann-Chatrian qui nous rappelle dans « Histoire d'un paysan ». Chauvel, le colporteur, avait rapporté de Hanovre à la veille de la Révolution des pelures de pommes de terre pour les donner à planter à maître Jean Leroux, forgeron et aubergiste aux Baraques de Phalsbourg. « Maître Jean écrit le narrateur, paraissait rempli de confiance, mais il n'était pas au bout de ses peines. C'est dans ce temps que la bêtise du monde parut dans tout son jour, car le bruit se répandit que Jean Leroux perdait la tête et qu'il semait des épluchures de navets pour avoir des carottes. Les marchands de grains et tous ceux qui passaient à l'auberge le regardaient d'un air moqueur » (44). Son apprenti, le petit Michel Bastien était forcé de se battre tous les jours à la pâture avec les garçons du village, adversaires de la plantation de pommes de terre. Il faut relire ces pages émouvantes. Il était d'usage de réciter avant chaque repas le Bénédicité (45). Cette pieuse coutume subsista jusqu'au début de ce siècle.

(41) T. IX p. 19 (42) T. VII p. 490 - T.X p. 232 et 233 - T. XII, p. 127 et 378 (43) T. XI p. 292 (44) T. I p. 44 et 45 (45) T.VI p. 412 - T. VII p. 243 Erckmann-Chatrian a cité à trois reprises le morceau de pain sec qu'on emporte avec soi comme en cas, dans « Histoire d'un paysan » (46), « Les deux pères » (47), et « Contes Vosgiens » (48).

Personnellement, pendant toute ma scolarité, j'ai fréquenté l'école de mon village avec un morceau de pain sec dans la poche. Il est certain que la consommation du pain prit au fil des années, une grande place dans l'alimentation populaire : trempé dans la soupe, dans le bol de café au lait du matin, au moment des goûters, les « maraindons ». Je ne voudrais pas clore le chapitre de l'alimentation populaire sans évoquer une coutume lorraine, rappelée dans « Histoire d'un paysan » (49), en usage jusque la dernière guerre, mais tombée en désuétude depuis, celle qui consistait à honorer un hôte en ouvrant une bouteille de vin bouché, de vin cacheté, « ène botoye » sortie de derrière les fagots ; cette pratique pourrait remonter au temps de la prospérité du vignoble lorrain. Aujourd'hui, les apéritifs remplissent cet office, mais sans apporter la chaleur communicative du rite d'autrefois, sans recréer l'athmosphère de recueillement d'alors. Lorsque l'on aborde le chapitre de l'habillement populaire dans l'œuvre d'Erckmann-Chatrian, on est aussitôt confronté avec une multi­ plicité et une diversité de costumes : ceux des vieux et des vieilles, des jeunes filles et des jeunes femmes, des catholiques, des protestants et des juifs, ceux portés tous les jours de la semaine et ceux sortis à l'occasion de cérémonie, ceux en vogue dans chaque paroisse.

Dans « Waterloo », il est dit des pèlerins se rendant à Notre Dame de Bonne Fontaine dans la forêt de Danne et Quatre Vents (50) : « On reconnaissait tous les villages : ceux de Wéchem, de Metting, de Graufthal, de Dosenheim, à leurs grands tricornes rabattus en visière, à leurs habits carrés, les femmes en longues robes noires et gros bonnets piqués en forme de matelas, sur la nuque ; ceux de Dagsberg, de Hildehouse, de Harberg, de la Houpe, à leurs larges feutres ronds, les femmes en cheveux et jupe courte, petites, brunes, sèches et vives comme la poudre ». Diversité aussi du costume dans le temps et selon la catégorie sociale. Dans « Les vieux de la vieille » (51 ), les demi-soldes de 1829 à Phalsbourg

(46) T. I p. 300 (47) T. XI p. 435 (48) T. XII p. 318 (49) T. I p. 300 - T. II p. 449 (50) T. IV p. 248 (51) T. XIII p. 13 allaient en « culotte et bas de soie, le rhingrave à brandebourg, le tricorne et la perruque à queue, ficelée d'un ruban de moire, le noeud au bout du papillon» et dans «Les deux frères » (52)... «nous vîmes quelques paysans de Dabo, des hommes et des femmes, (les premiers) avec leurs gros habits bleus à large manche des anciens Temps (les secondes), leurs pelisses, la capuche relevée sur le bonnet qui se rendaient à l'enter­ rement ».

Maître Daniel Rock, le forgeron de Lutzelbourg, d'une catégorie sociale plus raffinée, portait également le large habit bleu à boutons d'acier, mais rehaussé d'un gilet écarlate, de culottes de velours noir, les pieds chaussés de souliers à boucles d'argent (53).

Le paysan de Lutzelbourg, les jours de semaine était vêtu plus sommairement. « Le sarrau de toile grise et le gros bonnet de laine crépelue à longues oreilles, du temps de Henri l'Oiseleur, y restaient à la mode, ainsi que les coiffes en galette et les robes à taille haute, qui se transmettaient de la mère à la fille » (54).

N'est-elle pas émouvante cette scène ou Maître Daniel Rock dans un moment d'affectueuse tendresse fait asseoir sa grande fille sur ses genoux, la contemple en disant : « Thérèse, tu portes aujourd'hui la toque de ta mère, la chaîne d'or de ta grand'mère Anne et la robe de ta troisième aïeule Odile... C'est bien... Cela me fait plaisir... Ce sont elles, de braves femmes, qui te les ont léguées pour soutenir la gloire de la famille » (55). Le legs des habits de la mère à la fille aujourd'hui est passé de saison. Nos filles suivent la mode de Paris et c'est bien mieux ainsi... pour le plaisir de nos yeux.

Dans le même ordre d'idées, je puis témoigner qu'en 1933, dans un village du Pays de Dieuze, une femme s'est vantée devant moi, son mari présent, que depuis son mariage, qui remontait à quelques 25 ans, elle n'avait rien coûté à ce dernier en fait de vêtements, robes et chapeaux, et je l'ai crue.

Les citations faites plus haut ont déjà parlé de la coiffure : tricorne ici, chapeaux ronds là, bonnets en laine ou en peau de renard pour les hommes ; bonnets piqués, en galette, bavolets pour les femmes.

Je voudrais cependant faire un sort à part aux bonnets de nuit en

(52) T. XI, p. 352 (53) T. VII p. 204 (54) T. VII p. 174 (55) T. VII p. 217 coton portés au lit par les hommes pour se préserver la tête du froid hivernal dans les chambres non chauffées (56). C'est, semble-t-il, cet accessoire parmi les plus modestes de l'habille­ ment populaire qui a survécu le plus longtemps, jusque la dernière guerre certainement, sporadiquement encore après. Dans mon jeune âge, j'ai été à même d'apprécier sa bonne et réconfortante chaleur. Curieusement, alors qu'on pourrait penser le contraire, Erckmann- Chatrian dans toute son œuvre, n'a consacré que quelques lignes aux Travaux champêtres et aux usages sylvestres. Dans « Les deux frères »(57), il décrit la rentrée des chariots de regain, les fameuses juchées dessus, le bouquet de branches fixé en haut de l'échelle. Le bouquet parant la dernière voiture de foin était d'un usage général au pays de Sarrebourg et de Dieuze jusque la dernière guerre : Assenoncourt, Gélucourt, Hermelange, Niderhoff, Foulcrey, Vie, Moyenvic, Lezey, Bourdonnay, Lagarde, Erstroff. Il est réapparu après la Libération à Rodalbe et à Bermering, à St Médard jusqu'en 1950. Le glanage derrière les moissonneuses par les enfants et les pauvres­ ses du village était d'un usage courant (57b). Il disparut dans mon village entre les années 20 et 30. Deux coutumes de l'automne tombées en désuétude au courant du siècle dernier sont évoquées ; le droit de glandée pour les porcs (58) et le droit de ramassage des feuilles mortes (59) et des faînes (60). De nos jours on court encore les bois pour y cueillir les fraises, les mûres, les brimbelles et y chercher des champignons (61).

Dans mon village jusque les années 30, le repos dominical était sacré et, si la persistance des pluies, la menace d'un orage, justifiaient la rentrée urgente de moissons, il fallait aller en demander la permission à M. le Curé. Il arrivait que ce dernier, l'accordât collectivement du haut de la chaire au cours de la messe de 10 heures.

Dans «Annette et Jean-Claude » (62) Erckmann-Chatrian signale que cette pratique était en usage sous les règnes de Louis XVIII et de Charles X.

(56) T. V, La Taverne du jambon de Mayence, p. 246 - T. IX, Les années de Collège de maître Noblet, p. 450 - T. X, Une veillée au village, p. 469 - T. XI Histoire du plébicite, p. 12 (57) T. XI p. 409 (57b) T. V, A.C. p. 354 (58) T. XI, H.P. p. 16 - T. XIII, LB, p. 297 (59) T. XI, H.P. p. 7 (60) T. XII, B.F. p. 159 (61) Ibidp. 158 (62) T. XII p. 293 Des allusions aux différents âges de la vie émaillent ici et là l'œuvre d'Erckmann-Chatrian.

Dans « Les vieux de la vieille » (63), l'enfance est évoquée avec les yeux du Souvenir.

« Quel beau temps que celui de l'enfance ! Comme tout brille à vos yeux ! Que le parfum des fleurs est pénétrant, et que vos sensations sont vives ! »

Nous apprenons dans « Histoire d'un paysan » (64) que le temps de la vaine pâture avec les chèvres sur les terres de la ville de Phalsbourg et dès la fin d'août en forêt, était un temps de vie libre et joyeux. On claquait le fouet, sifflait, courait déterrer des navets, raves, carottes dans les champs, « Tous les villages de ce temps - Hultenhausen, Lutzelbourg, les Quatre Vents, Mittelbronn, les Baraques d'en haut et d'en bas, - se battaient à coup de pierres et de bâtons ».

Si l'on était pris à la maraude par le « bangard », la punition consistait à faire le tour de la place de la ville, un collier d'orties autour du cou. Punition jugée anodine par les coupables. La seconde et la troisième fois cela devenait plus sérieux. On était fouetté, « rifïïé » comme on disait alors, sur la place un jour de marché, avec un nerf de boeuf qui écorchait le dos. Après, c'était la prison.

Dans plusieurs de ses œuvres (65), l'auteur évoque les petits pâtres assis autour des feux qui, sous la cendre, rôtissaient des pommes de terre. Au cours de mon enfance avec quelques autres diables de mon âge, nous avons également goûté aux joies de la vaine pâture. Nous allions claquant du fouet, de la « cougie », allumions des feux avec des fagots volés, rôtissions des pommes de terre dérobées, embrasions des dépôts de munitions abandonnées par les armées du Kaiser en retraite après 1918, nous échangions des injures et nous nous battions avec les gardeurs de vaches des villages voisins, vomissions le garde-champêtre, le « banwâ » qui avait le don de découvrir aussitôt les dégâts causés par les bêtes mal gardées.

La demande en mariage de la petite Sûzel par l'anabaptiste Pelsy pour son fils m'a rappelé les marchandages qui avaient cours dans nos campagnes jusque la dernière guerre. Avant de prendre le risque d'épouser, il était recommandé au garçon de faire déterminer la valeur

(63) T. XIII p. 46 (64) T. I, p. 26 à 28 (65) T. IX, H.H.P., p. 32 - T. X, H.S.M., p. 228 - T. III, I.D.M., p. 209 marchande de la fille, mission confiée à un tiers, souvent au juif marchand de bestiaux et, l'écurie était l'endroit idéal pour organiser la rencontre des deux futurs.

Ecoutons Erckmann-Chatrian par la bouche de Fritz Kobus (66) : « Pelsy connaissant nos biens, avait pensé depuis la Saint-Michel à Sûzel pour son garçon. Mais avant de rien dire et rien faire, il est venu lui- même, comme pour acheter notre petit boeuf. Il a passé la journée de la Saint-Jean chez nous il a bien regardé Sûzel, il a vu qu'elle n'avait pas de défauts, qu'elle n'était ni bossue, ni boiteuse, ni contrefaite d'aucune manière ; qu'elle s'entendait à toutes sortes d'ouvrages, et qu'elle aimait le travail.

Alors il a dit à Christel (la mère) de venir à la fete de Bischem, et Christel a vu hier le garçon, il s'appelle Jacob, il est grand et bien bâti, laborieux ; c'est tout ce que nous pouvons souhaiter de mieux pour Sûzel ».

Les filles dans la communauté d'autrefois étaient considérées comme appartenant de droit aux garçons du village, d'où les empêche­ ments suscités et les difficultés rencontrées par les galants d'autres paroisses. Dans « Le juif polonais » (67), l'auteur évoque cette interdic­ tion qui était de règle en Lorraine. Dans mon village, pour faire passer l'envie à un galant étranger, on s'offrit benoîtement de le conduire nuitamment par les jardins sous les fenêtres de la belle, qu'il n'atteignit jamais, car on le fit choir dans une fosse d'aisance installée à même le sol selon l'usage à l'époque.

Autrefois il était coutumier pour le prêtre se rendant auprès d'un agonisant pour lui conférer l'extrême-onction d'être accompagné d'un enfant de choeur porte-clochette. La communauté était de la sorte rapidement informée et, dit Erckmann-Chatrian, « les vieilles gens du village au bruit de la sonnette, venaient aux fenêtres et récitaient une prière » (68). Cette coutume persista dans la plupart de nos villages jusqu'aux approches de la dernière guerre.

L'agonisant n'était jamais abandonné ; pour l'aider à mourir, parents, amis, voisines, se rendaient dans la chambre pour réciter la prière des agonisants (69). Il semble que les vivants aient de la répugnance à employer le mot cimetière, usant d'euphémismes en rapport avec une particularité locale ; à Foulcrey, dans mon village, on dit « aux Groffes »,

(66) T. V, A.F., p. 207 (67) T. V, .517 (68) T. XI, LDF, p. 307 (69) Ibid, p. 360 appellation du lieu-dit ; le Docteur de Westphalen a relevé « en Chenau » à St Julien-les-Metz et « sous les tilleuls » à Destry (70) ; à Phalsbourg, dans « Les vieux de la vieille », Erckmann-Chatrian a noté une expression pittoresque « passer derrière la bascule ». Cette dernière était implantée sur le chemin conduisant au cimetière derrière la porte d'Allemagne (71).

A lire Erckmann-Chatrian, on apprend bien des choses qui autre­ ment risqueraient d'être perdues. Celle-ci par exemple, que les femmes sont plus malines que les hommes (72), que sans leurs femmes tous les hommes ne sauraient où donner de la tête (73) et « Dieu sait toutes les bêtises qu'ils feraient, et quels accidents pourraient arriver » (74).

C'est sans aucun doute pour cela que Simone la femme de « Maître Gaspard Fix(75) «jamais ne s'asseyait à table, allant, venant, pour apporter les plats, les bouteilles, et puis attendant les ordres de son mari, debout derrière la chaise ».

Autre aptitude féminine signalée dans « Waterloo » (76) et dans « Les deux frères » (77) : celle du portage sur la tête de grands paniers par les femmes de « la Houpe, du Dagsberg, d'Ercheviller, de Lutzelbourg, des Baraques » pour se rendre au marché de Phalsbourg, de cuveaux de linge et de « draps de toile grise pleins de feuilles séchées » par celles d'Abreschviller. Il semble que le portage sur la tête ait été d'un emploi généralisé en Lorraine au XIXe siècle. A Walscheid, les femmes transportaient ainsi le fumier dans des paniers. Au début des années vingt, j'ai encore vu une femme de mon village porter des charges sur sa tête.

La « buée », au moins deux fois l'an, était une servitude réservée aux femmes (78). On utilisait à cet effet la cendre de bois. J'ai signalé plus haut le commerce qu'on en faisait. Elle était revendue par les ramasseurs aux verreries (79) et dans mon village, aux gens de la montagne pour l'épandre dans leurs jardins.

Que restait-il alors aux tenants du sexe fort ?... Aspirer une prise de tabac prélevée dans la tabatière dont certaines étaient fabriquées en

(70) Diet, des Traditions messines, p. 103 (71) T. XIV p. 95 (72) T. XIII, LV. V., p. 28 (73) Ibid, p. 26 (74) Ibid, p. 63 (75) T. X p. 3 (76) T. IV, p. 318 (77) T. XI, p. 281 et 391 (78) T. IV, MT., p. 158 (79) T. X, M.G.F., p. 4 - T. VIII, M.D.R., p. 181 écorce de bouleau (80) et fréquenter le cabaret à l'enseigne d'une branche de pin ou de sapin (81).

De nos jours, il n'est pas rare d'entendre dire autour de soi que la jeunesse ne sait plus s'amuser, que les seules vraies fêtes étaient celles d'autrefois.

Rien de bien nouveau sous le soleil. En 1864, Erckmann-Chatrian par la bouche de « L'ami Fritz » (82) s'en plaignait déjà :

«Je me rappelle que, dans mon enfance, tous les bons bourgeois allaient aux fêtes de village avec leurs femmes et leurs enfants, maintenant on croupit chez soi, c'est un événement quand on sort de la ville. Aux fêtes de village, on chantait, on dansait, on tirait à la cible, on changeait d'air ; aussi nos anciens vivaient cent ans... Quel dommage que toutes ces fêtes soient abandonnées ».

Les fêtes calendaires périodiques sont dans l'œuvre, parfois esquis­ sées, parfois décrites.

Sont évoqués les beignets de Carnaval (83), les Rameaux (84) et les branches de sapin que l'on portait faire bénir, Noël (85) avec les friandises distribuées aux enfants : des noix, des pommes, des pruneaux secs et le sapin enrubanné dans les familles aisées seulement, le 1er mai (86), le cortège des jeunes filles parées de feuillage allant de maison en maison chanter le « trimazo » en patois :

« Tri, maso, So lo mâ, et lo tri mâ So lo tri mâ so ! »

Cette dernière coutume a été à l'honneur dans maints villages de l'arrondissement de Château-Salins : Vic-sur-Seille, Ajoncourt, Lubé- court, Obreck, Hampont avant 1914, Vannecourt, Chicourt, Villers- sur-Nied, Marthille ; Château-Bréhain où j'ai assisté au trimazo en 1933 ; à Destry encore en 1971 ; dans l'arrondissement de Sarrebourg, deux communes se sont révélées positives : Hattigny et Fraquelfing, cette dernière jusque vers 1878.

(80) T. XIII, L.V.Y. p. 27 et 317 (81) T. VII, V.P., p. 509 - T. VIII, I, p. 101 - T. XII, L.P.M.J., p. 450 (82) T. V p. 157 (83) T. XII, LB. F., p. 301 (84) T. I, H.P., p. 469 (85) T. XI, LDF., p. 293 - T. XII, L.B.F., p. 301 (86) T. XI, D.F., p. 358 (87) T. XI, LDF., p. 293 Le jour de l'Epiphanie le cortège des 3 Rois Mages (87) revêtus de chemises, couronne de papier sur la tête, sceptre dressé contre l'épaule allait de maison en maison chanter une chanson patoise pour recueillir des pruneaux secs, des pommes, des oeufs, du beurre.

Cette coutume a existé à Phalsbourg, à Réding et à Assenoncourt : elle est réapparue à Dannelbourg en 1954, à Henridorf en 1960/1961, à Rhodes en 1965, à Sarrebourg en 1974.

La fete des enfants, le jour de la St. Nicolas, le grand Saint de la Lorraine, et la coutume dite des « Schiwés » réservée aux jeunes gens, ont plus spécialement retenu l'attention d'Erckmann-Chatrian.

Dans «Les deux frères», dans «Les vieux de la vieille » (88), il raconte la visite du thaumaturge accompagné de sa bourrique dans les maisons où vivent des enfants ; comment l'un deux, le petit Lucien prit la défense de son amie Justine en se dressant bravement devant elle pour la protéger de son corps, incident qui n'a cependant pas empêché le bon saint de distribuer des pommes, des noix, des pains d'épices et... une verge de coudrier. Les enfants pour se venger de ces remontrances entonnaient en dehors de sa présence, il va de soi, la ritournelle de circonstance :

« Saint-Nicolas, Barbara « Marchand d'allumettes « Qui a vendu sa femme « Pour une poire blette ».

La coutume de la venue de St Nicolas dans les familles, généralisée dans l'ensemble des communes des deux arrondissements de Sarrebourg et de Château-Salins a subsisté jusqu'à la dernière guerre. Des résurgences se sont manifestées après la Libération. Je crains pourtant que la télévision ne lui assène le coup de grâce.

J'ai publié dans « Arts et Traditions Populaires » (89), une étude sur les « chiwés », coutume à deux volets, celui du disque et celui des appariements, qui avait cours autrefois à St Léon de Walscheid, à Grand- Soldat jusque 1948, à Eigenthal jusque 1950 et actuellement encore à Lutzelbourg. Elle consistait à envoyer dans les airs du haut d'une colline dominant le village des rondelles de bois préalablement embrasées en criant le nom d'un garçon et celui d'une jeune fille.

Le sous-maître Jean-Baptiste Renaud du Chêne-Fendu dans la vallée de la Sarre Rouge a été victime de la coutume du lancement de

(88) T. XI p. 293 - T. XIII p. 35 à 37 (89) Le lancement de disques enflammés, 1960, p. 171 à 176 disques enflammés (90) : sa révocation sur le champ par le maire parce que le nom de la belle Zalie Bauquel, sa fille, avait été crié avec le sien.

Erckmann-Chatrian nourrissait une affection certaine pour les juifs. Dans «L'ami Fritz»(91), il raconte que pour célébrer la fête de «Fouccoth », commémoration de la sortie d'Egypte, David Sichel, le vieux « posché-isroel », ainsi l'appelait-il amicalement, dressait dans son jardin une tente de feuillages. A Donnelay, la « mère Napoléon » avait souvenance que vers 1840, les juifs du village édifièrent également une cabane de branchages sur l'usoir devant leur maison. C'était alors un événement marquant dans la paroisse.

Les veillées d'autrefois sont évoquées dans plusieurs romans (92) «... après le souper, Louise ayant pris son rouet, était allée faire la veillée chez la mère Rochart, où se réunissaient les bonnes femmes et les jeunes filles du voisinage jusqu'à près de minuit. On y racontait de vieilles légendes, on y causait de la pluie, du temps des mariages, des baptêmes, du départ ou du retour des conscrits ». « Les hommes jouaient aux cartes ou fumaient leur pipe». Le jeu en honneur était alors le piquet (93).

Pour ranimer le feu mourant dans l'âtre, on « hoffait dans un hoffieu », on soufflait dans un long tube de fer, c'était parfois un canon de fusil adapté (94).

L'éclairage au cours du XIXe siècle a varié suivant le temps et suivant le lieu, le niveau de vie, la situation sociale.

On a allumé des chandelles (95) au pays de Dabo ; on s'est servi de torches imbibées d'huile, confectionnées avec des branches de rési­ neux (96) ; on s'est éclairé au « copion » rempli d'huile de faîne (97).

A Dabo, l'huile de faîne entrait également dans la composition de la « meurote » pour assaisonner les salades (98).

Les femmes avaient toujours les pieds froids. Eternel refrain moult fois entendu. Pour les réchauffer, elles les plaçaient sur leur«covot», chaufferette remplie de braises ardentes (99) et dans leur lit les peloton-

(90) T. X p. 281 à 289 (91) T. V p. 4 (92) T. VIII, I, p. 12 - T. X, H.S.M. p. 304 - T. XI, L.D.F., p. 282 (93) T. Ill, I.D.M., p. 274 - T. XIII, V.V., p. 12 (94) T. Ill, I.D.M., p. 192 (95) T. XIII, L.B., p. 239 (96) T. Ill, U.N.D.L.B., p. 364 (97) T. I, H.P., p. 46 (98) T. XIII, L.B., p. 239 (99) T. V, T.J.M., p. 246 - T. IX, H.H.P., p. 36 naient sous « le large plumon à carreaux bleus selon la mode des Vosges »(100).

Les superstitions, vives de nos jours encore, ne sont pas absentes dans l'œuvre de romancier.

Je citerai le père Bénédic, le capucin quêteur de Phalsbourg, accusé par Michel Bastien dans « Histoire d'un Paysan » d'avoir jeté un mauvais sort sur le champ de pommes de terre qui mettaient du temps à germer (101).

Pour éloigner les oiseaux de proie du voisinage des poulaillers, les paysans clouaient une chouette déplumée sur la porte de grange (102).

En médecine populaire, l'auteur a relevé quelques remèdes alors en usage.

La semence de persil bouillie dans de l'eau a guéri de la fièvre des marais les gens de Lutzelbourg (103).

Pour soigner les entorses, les bonnes gens disposaient d'un arsenal de médicaments : le blanc d'oeuf, les oignons hachés avec du persil, l'huile de noix avec du poivre (104).

La graisse d'oie était utilisée pour frotter les parties atteintes de rhumatismes (105).

Les pages consacrées à l'arrivée de l'épidémie de « petite vérole », la variole, sont parmi les plus émouvantes. Avant l'introduction de la vaccination le médecin était impuissant devant la maladie et les ravages causés étaient toujours atroces, quand ils n'étaient pas mortels.

Que dit l'auteur à ce propos :

« Il faut aller là, coucher votre enfant avec le malade... Ce ne sera pas aussi fort... Et puis, il vaut mieux les perdre jeunes !... la peau des enfants est aussi plus tendre, ils ont plus de chance d'en réchapper (106).

Les lieux de pèlerinages régionaux cités dans « Waterloo » : Bonne- Fontaine, StWitt, StQuirin, Ste Odile, Marienthal, Haslach (107), de

(100) T. X, H.S.M., p. 234 (101) T. I, p. 46 (102) T. XII, V.T., p. 414 (103) T. I, H.P., p. 209 (104) T. III, C.J.C., p. 453 (105) T. X, H.S.M., p. 248 (106) T. II, H.P., p. 478 (107) T. IV p. 248, p. 289 à 296 nos jours encore sont fréquentés, peut-être avec un peu moins de ferveur, sûrement avec moins de mérite.

Autrefois, on s'y rendait à pied, le train et l'automobile ont mis fin aux théories de pèlerins cheminant sur les sentes et venelles des campagnes.

Dans le même roman, Erckmann-Chatrian nous apprend qu'Anna- Marie faisait métier de pèlerine, car toute personne qui avait fait vœu d'aller en pèlerinage pour remercier la Vierge ou un saint pouvait se faire remplacer par une pèlerine professionnelle.

Ainsi jusque 1914, à Hesse, la Guiguite du Franoux pèlerinait pour une famille du village moyennant quelques sous.

Dans « L'Illustre Docteur Mathéus » (108), nous assistons à l'arrivée à Haslach des pèlerins de Lorraine venus invoquer St. Florent ; « Voici ceux de Walsch, s'écriait-il, (Coucou Peter, joyeux drille et compagnon de Mathéus),... ils vont en pèlerinage pour boire du vin d'Alsace... Ces autres sont de Dagsbourg, ils vont à la foire pour baiser les os de St. Florent... Voici ceux de St. Quirin... Gare les coups de poing à la procession... Regardez les autres, ceux-là vont en pèlerinage pour montrer leurs beaux habits... ce sont les glorieux d'Alberschviller.

« Mais que diable peuvent être ceux qui suivent en trébuchant ? Ah ! je les reconnais... je les reconnais, ce sont les gens de la plaine, les Lorrains avec leurs petits sacs remplis de noix et de lard ; Dieu de Dieu, qu'ils ont l'air fatigués ! Pauvres petites femmes ! je les plains de tout mon coeur. Toutes ces petites de la plaine sont fraîches comme des roses, au lieu que celles du haut pays, de la Houpe, par exemple, sont brunes comme des groseilles noires.

« Le bon apôtre trouvait son mot à dire sur chaque village... ». Eh bien oui !... nos gens du pays de Sarrebourg, autrefois, allaient en pèlerinage invoquer St Florent pour qu'il préserve le bétail, les chevaux en particulier, des maladies.

Dans mon village, à Foulcrey, on y est encore allé pendant quelques années après la tourmente de 1914-1918, entre la fenaison et la moisson, à pied naturellement et de nuit.

Le départ avait lieu vers 18 heures. Il fallait traverser la chaîne des Vosges et l'itinéraire était jalonné par Notre-Dame de Lohr, Grand-

Ci 08) T. III p. 204 à 208 Soldat, patrie de Chatrian, le Hengst, le Nideck et enfin Haslach que Ton atteignait vers 10 heures du matin.

Dans le même ouvrage, il est dit que la femme du maire de Dabo, Hans Aden, restée stérile après 5 ans de mariage, fut exaucée après un pèlerinage à Haslach. Ecoutons ce dernier raconter à Coucou Peter la conversation qu'il eut avec sa femme à ce sujet : « A la fin ma femme me dit : Ecoute, Hans Aden, il faut aller en pèlerinage ; toutes les femmes qui vont en pèlerinage ont des enfants !... « Bah ! que je lui dis, ça ne sert à rien, Thérèse, et puis moi, je ne peux pas quitter la maison, voici justement le temps de la récolte, je ne peux pas tout abandonner. - Eh bien, j'irai toute seule qu'elle me dit ; tu es un incrédule, Hans Aden, tu finiras mal ! - Eh bien, vas-y Thérèse ; nous verrons bien qui a raison de nous deux ». Bon, elle y va, et figure-toi, Coucou Peter, que, juste neuf mois après, arrive un enfant gros et gras, le plus beau garçon de la montagne ! Depuis ce temps-là, toutes les femmes de Dabo veulent aller en pèlerinage.

Pauvre maire de Dabo, qui croyait au miracle ! Coucou Peter qui était de ce pèlerinage aurait pu lui en conter sur ce miracle... Il était préférable qu'il se tût.

Notre propre pèlerinage à travers l'œuvre d'Erckmann-Chatrian est arrivé à son terme et je m'aperçois que je me suis aventuré sur le traces de la Guiguite du Franoux de Hesse ; à son exemple, j'ai pèlerine pour chacun d'entre vous en formant le vœu que la grâce vous inonde de ses lumières.

Il me reste maintenant à conclure.

Une première constatation. Emile Erckmann et Alexande Chatrian sont toujours vrais lorsqu'ils évoquent une coutume, décrivent une scène de la vie de tous les jours.

Jean-Jacques Pauvert l'avait déjà écrit à propos de l'insertion de leurs personnages dans l'histoire de la France, dans celles de l'Europe, de la Révolution et de la République : « Car le Génie d'Erckmann-Chatrian, dit-il, « c'est qu'on ne puisse douter de leur vérité » (109).

Une question alors jaillit à l'esprit. Quel folklore rencontre-t-on dans leurs écrits ?

Je pense sincèrement qu'il faut en chercher l'origine dans la vallée de la Sarre Rouge, dans ces lieux familiers où Alexandre Chatrian enfant a

(109) T. XIV, A.P., p. 9 vécu. Il a côtoyé ces hommes de métiers, ces travailleurs de la forêt plus qu'Emile Erckmann qui était citadin ; il a participé aux veillées, assisté au lancement des disques enflammés, rencontré les pèlerins de Haslach. Si parfois des faits folkloriques sont décrits dans le pays de Phalsbourg, c'est qu'ils appartiennent à une région beaucoup plus vaste qui le dépasse largement, telle la célébration de la St. Nicolas, celle de la fête de Noël.

Il est symptomatique d'y constater l'absence des coutumes spécifi­ ques de la région de langue allemande.

Qu'il suffise de citer : le « Gründonnerstag » dont il a été parlé plus haut, le « Judasfeuer » allumé le samedi-saint, le « Würzwich » bénit au cours de la messe de l'Assomption, le « Christkind'l » qui vient en personne visiter les enfants au cours de la veillée de Noël, le « Strissele stecke » ornant l'affiche de publication des bans de mariage, etc..

L'appartenance à la Lorraine ou à l'Alsace est nettement différenciée dans les romans. Ainsi, le conscrit de 1813 présente la cantinière de son régiment comme « une vieille Alsacienne toute ronde et toute joufflue » et quand son logeur de Kaiserslautern lui demande : « De quel pays êtes- vous ? », il répond : « De Phalsbourg en Lorraine » (110).

Dans « Les deux frères », l'instituteur des « Chaumes », dans la vallée de la Sarre Rouge, fait remarquer que les Alsaciens « en se dépêchant d'ouvrir des voies de communication avec leurs voisins, s'étaient attirés tout notre commerce ».

Il poursuit : « Alors comme ils s'enrichissaient à nos dépens, quelques-uns pensèrent qu'il ne serait pas mauvais de suivre leur exemple, et de faire aussi des routes par la montagne » (111). La profession de foi d'Emile Erckmann et d'Alexandre Chatrian est clamée dans « Les vieux de la Vieille », par la bouche du petit Lucien Pèlerin accompagnant sous la Restauration la garde nationale de Phalsbourg se rendant à Sarrebourg pour la cérémonie de remise des drapeaux aux diverses unités.

« Ah ! que l'on reconnaît bien à ces rivières les paysages de notre compatriote Claude Lorrain !... Comme il a dû les contempler et rêver sur leurs bords, pour les peindre avec tant de grandeur mélancolique et de vérité ! Comme ces flots tumultueux galopent sur les cailloux en reflétant la lumière brisée, et puis se ralentissent sur les fonds de vase, en miroitant

(110) T. IV p. 70 (111) T. XI p. 374 avec calme au soleil !... Comme tout cela, c'est bien notre cher pays de Lorraine, qu'on ose dire allemand »... (112).

Ce dernier texte a été écrit en 1880.

L. Schoumacker dans sa thèse sur Erckmann-Chatrian « Etude biographique et critique d'après des documents inédits » (113), confirme en tout point ce qui précède : « Mais ce fond est vosgien, lorrain, français et lorsque nos auteurs ont à parler de leur province, c'est la Lorraine qu'ils citent, ce sont ses artistes, Callot, Claude Lorrain qu'ils présentent. C'est «notre pays de Lorraine» qu'ils vantent, «notre cher pays de Lorraine... qui garde le souvenir de la patrie française ».

A la lumière de ce qui précède, il reste que présenter les deux écrivains comme les auteurs spécifiquement alsaciens, apparaît comme une contre vérité. Irai-je jusqu'à parler de spoliation ! Certes, on pourrait être tenté de le dire. A la Lorraine de reconnaître les siens et de les défendre.

(112) T. XIII, p. 137 (1 13) 1933, p. 299