LE LIEU DE LA PERSONNE

Collection dirigée par Michel-Claude Jalard

Des grands personnages qui ont marqué leur époque, il ne nous reste plus que des traces : quelques dates, quelques faits, quelques souvenirs rapportés, quelques confidences écrites, une œuvre accomplie. Mais où est leur personne, quel est le lieu où elle se définit, le lieu où elle a lieu ? La présente collection se pro- pose d'éclairer cette « mise en scène », à l'intersection des conflits imaginaires, historiques et politiques. La théorie psychanalytique y est mise au service d'une re- cherche où s'inscrit la ren- contre d'un écrivain avec telle figure significative de l'histoire, des lettres ou des arts.

HITLER AVANT HITLER Du MÊME AUTEUR :

L'Ordre des choses, essai (Plon) ; La Chemise rouge, récit (Plon) ; L'Ephémère, essai (Plon) ; Exhumations, récit (Plon) ; L'Arbre (Encyclopédie essentielle, Delpire) ; L'Insecte (Encyclopédie essentielle, Delpire) ; Le Génie adolescent, essai, en collaboration avec Yves Fauvel (stock) ; Cinq Méditations sur le corps, essai (Stock) ; Inventaire des sens, essai (Grasset) ; L'Expérience du rêve, essai (Grasset) ; Cocteau (collection « Pour une bibliothèque idéale ». Gallimard). Jacques Brosse

HITLER AVANT HITLER

Essai d'interprétation psychanalytique

Postface d'Albert Speer

LE LIEU DE LA PERSONNE COLLECTION DIRIGÉE PAR MICHEL-CLAUDE JALARD Fayard © Librairie Arthème Fayard, 1972. Avant-propos

Hitler aurait cette année quatre-vingt-trois ans. Il pourrait donc vivre encore, et le monde serait tout autre. Mais qui peut réellement prétendre qu'il ne survit pas ? Le monde actuel est ce qu'il est parce qu'Hitler a existé. Les méthodes politiques qui lui ont permis de tenir en main tout un pays, d'en faire réagir tous les citoyens comme s'ils n'étaient qu'un seul homme, demeurent aujourd'hui encore d'une nou- veauté, d'une efficacité telles que les gouvernements, même les plus éloignés en esprit de l'hitlérisme, ne peuvent s'empêcher de les utiliser. Bien mieux, d'une certaine manière, c'est en chacun de nous, et à notre insu, qu'Hitler peut à lui-même se survivre. Et particu- lièrement en ceux qui, n'ayant pas connu le nazisme, n'en ayant pas été contemporains, s'imaginent avoir ainsi échappé à cette contamination contre laquelle ils n'ont même pas été vaccinés. Pour éviter ce danger toujours menaçant, il faudrait savoir enfin qui fut Hitler, pénétrer son intimité, le montrer nu, tel que pour lui-même et en lui-même il fut. Or, c'est précisément ce que ne font pas, ce que ne peuvent faire les historiens. Ceux-ci, ses contemporains, craignant d'être suspectés de complicité ou de complai- sance, le tiennent à distance et le présentent comme absolument autre, absolument étranger. Ils n'ont prise sur lui qu'à partir du moment où il apparaît sous les projecteurs. Son existence préalable, sa vie privée ne les concernent pas. Ils ont hâte d'en venir à sa carrière politique, car là peuvent s'appliquer leurs méthodes d'analyse. Pour eux, Hitler est le produit de la défaite et de la désintégration de l'Allemagne, l'antidote que celle-ci a sécrété. Vue assurément juste, mais incomplète, car pourquoi Hitler précisément et pour- quoi pas un autre ? Le déterminisme historique ici ne peut tout expliquer. Et les historiens le soupçonnent bien, d'où leur gêne. Ils devinent confusément que la convergence entre Hitler et le destin de l'Allemagne ne naît pas seulement de l'histoire de cette dernière, mais aussi de l'évolution d'une certaine personnalité. Et si, à les lire, on a le sentiment que les trente premières années de la vie de Hitler ne comptent pour ainsi dire pas, c'est tout simplement parce qu'ils ne disposent pas des moyens d'approche adéquats pour les examiner, pour y découvrir les germes qui se manifesteront, qui se réaliseront plus tard. Ainsi, non seulement ils négligent des faits, plus nombreux et plus significatifs — on le verra en lisant ce qui suit — qu'on ne le croit d'ordinaire, mais ils ne se soucient le plus souvent ni de les vérifier, ni de les soumettre à une critique sérieuse, ni, presque toujours, de leur restituer la cohé- rence que de toute nécessité ils ont eue. En particulier, ils paraissent, assez bizarrement, considérer que le doute qui plane sur les origines du Führer — origines dont lui-même prit soin de faire disparaître, croyait-il, toutes les traces — est d'une importance secondaire. Alors qu'il est tout à fait évident que ce doute même est, au moins en partie, à l'origine de son comporte- ment et, dans une certaine mesure, l'explique. De ces considérations découlent le propos de la pré- sente étude et ses limites. Le Hitler qui nous intéresse est celui dont on ne parle pas, sur lequel du moins on passe très vite et comme avec embarras, celui qui vit dans les coulisses de l'histoire, dont il faut le tirer pour le montrer enfin au grand jour. C'est pourquoi notre récit s'arrête à l'année 1920, au seuil de cette prodigieuse carrière sur laquelle a été publiée une importante documentation. Néanmoins, il fallait aussi montrer comment se réalisèrent plus tard les dispositions que nous avons ici tenté de saisir aussi près que possible de leur origine, d'où de nécessaires allées et venues du passé au futur et du futur au passé, car l'un par l'autre se prouve, et réciproquement. Ainsi derrière le personnage se dessine peu à peu l'homme d'où il procède et qui seul peut l'expliquer.

1. L'ombre des origines

Lorsque, le 20 avril 1889, à 18 h 30, dans l'auberge Zum Pommer à Braunau-sur-l'Inn, rivière qui sert de frontière entre l'Autriche et la Bavière, naît un garçon de sept livres, , son père Aloïs Hitler a cinquante-deux ans, sa mère, Klara Pölzl, vingt-neuf. Lui est simple douanier — il ne deviendra douanier- chef qu'en 1892, trois ans avant de prendre sa retraite ; elle « vaque aux soins de son intérieur et entoure ses enfants de soin et d'amour ». La famille Hitler compte alors deux enfants : Aloïs, sept ans et Angela, six ans, mais ce ne sont que le demi-frère et la demi-sœur de l'enfant qui vient de naître, issus d'un mariage antérieur du père. De l'union d'Aloïs et de Klara sont nés précédemment trois enfants, mais ils sont tous morts en 1889, aucun d'eux n'ayant dépassé sa deuxième année. La situation originelle est donc la suivante : un père âgé déjà, que tous les témoignages décrivent comme autoritaire, violent, coléreux, peu aimé de ceux avec qui il travaille, une mère accablée

1. , traduction intégrale, par J. Gaudefroy-De- monbynes et A. Calmettes, Nouvelles Editions latines, s. d. 2. Afin de le distinguer de son père, nous le désignerons désormais comme Aloïs II. par la perte successive de ses trois enfants précédents et qui doit s'occuper des deux aînés qui ne sont pas les siens. Klara Pölzl était la troisième femme d'Aloïs Hitler. Elle l'avait épousé le 7 janvier 1885, étant enceinte de son premier enfant, Gustav, lequel naquit le 17 mai, soit quatre mois et dix jours seulement après le mariage. Désormais, la vie conjugale de la femme du douanier fut une alternance de naissances et de morts extrêmement rapprochées : en 1886, naît le second enfant, une fille, Ida ; l'année suivante, Gustav meurt, et en 1888, Ida ; en 1887 ou 1888, Klara a un troisième enfant, Otto, lequel ne vit que trois jours Comment une mère si éprouvée n'aurait-elle pas eu le sentiment d'une sorte de malédiction pesant sur son union, senti- ment renforcé, comme nous allons le voir, par le poids du passé. En effet, les époux étaient, au moins offi- ciellement, sinon peut-être par le sang, parents relative- ment proches : Klara étant la petite-fille du père adop- tif d'Aloïs, Johann-Nepomuk Hüttler, frère de son père supposé, Johann-Georg Hüttler ou Hiedler2, se trouvait de ce fait cousine issue de germain d'Aloïs. Il leur avait fallu demander une dispense, dont ne put se charger l'évêché de qui dut transmettre la demande à Rome où elle fut enfin accordée. De plus, Aloïs considérait Klara, beaucoup plus jeune que lui et appartenant à la génération suivante, comme sa

1. Il est bien singulier que les historiens ne soient même pas d'accord sur des faits qu'il eût été facile de vérifier. Les uns font vivre Gustave et Ida deux ans, les autres un an seulement. Allan Bullock, dans son Hitler, a study in tyranny (1952), pour- tant généralement bien documenté, ne mentionne même pas l'existence du troisième enfant du couple, Otto, né un ou deux ans avant Adolf, et qui ne survécut que trois jours. 2. L'orthographe de ce nom qui deviendra Hitler varie cons- tamment dans les actes. nièce. Enfin, Aloïs et Klara avaient déjà vécu en- semble dans des circonstances quelque peu irrégulières. Aloïs, alors marié à sa première femme, Anna Glasl- Horer, beaucoup plus âgée que lui et avec qui il semble s'être assez mal entendu, puisqu'elle devait, en 1880, demander la séparation de biens, appela auprès de lui sa jeune cousine Klara, probablement afin d'aider Anna, dont la santé déclinait, à tenir son ménage. Klara avait alors quinze ans, Anna en avait cinquante-deux et était malade ; Aloïs, lui, en avait trente-huit. Que s'est-il passé dans ce ménage à trois, pendant les quatre — ou cinq — ans où ils vécurent ensemble ? Nous n'en savons évidemment rien. Mais on peut supposer qu'Aloïs ne dut pas rester insensible aux charmes de la jeune fille qu'il vit s'épanouir sous ses yeux ; le fait qu'elle fût — plus ou moins — sa nièce ne devait nullement l'arrêter, bien au contraire, le goût de l'inceste, assez habituel alors dans les familles paysannes du Waldviertel, semblant avoir été l'une des données essentielles de son psychisme. Tou- jours est-il que, en 1879, à dix-neuf ans, Klara quitta le foyer de son oncle pour entrer en service à Vienne. Peut-être, cela est assez vraisemblable, est-ce Anna Glasl qui, ayant remarqué les relations trop intimes qui s'étaient établies entre son mari et la jeune fille, exigea ce départ. Comme Anna, environ un an après, le 7 no- vembre 1880, demanda la séparation de biens, on peut, très hypothétiquement bien sûr, reconstituer ainsi la situation : Anna Glasl obtient le départ de Klara, mais, resté seul avec sa femme (rappelons qu'elle est malade et que pour Aloïs qui a maintenant quarante-trois ans, elle est déjà vieille — elle a en effet cinquante-sept ans), Aloïs qui la supportait jusqu'alors, car il trouvait une compensation dans la présence de Klara, lui mène désormais la vie dure. Toujours est-il que, resté seul, Aloïs ne demanda pas à sa nièce de revenir auprès de lui ou, plus vraisemblablement, peut-être est-ce elle qui refusa, car Anna étant toujours vivante, Aloïs ne pou- vait pas épouser Klara. Il prit alors une maîtresse, Fran- ziska Matzelsberger, jeune cuisinière d'hôtel, âgée de vingt-deux ans. Quelques mois plus tard, la jeune femme eut un fils, Aloïs II. C'est seulement après cette naissance et un mois après la mort de sa première femme, Anna, qu'Aloïs I épousa Franziska, laquelle mourut de tuberculose en 1884, après avoir eu un deuxième enfant, Angela. Après sa mort, Aloïs fit revenir Klara et cette fois l'épousa. De cette histoire, quelque peu compliquée, on conçoit aisément que, plus ou moins consciemment, ait tiré un fort sentiment de culpabilité, car enfin il avait fallu ces deux morts successives pour qu'elle puisse retrouver et épouser l'homme qu'elle aimait probablement depuis l'adolescence et qui fut très certainement le seul amour de sa vie. On imagine l'espoir, mais aussi les inquiétudes qui furent les siennes, lors de la naissance de son quatrième enfant, Adolf. Or celui-ci était frêle, de santé délicate, et sa mère vécut longtemps dans la crainte de le perdre ce d'autant plus que son cinquième enfant, Edmund, né cinq ans après Adolf, le 24 mars 1894, mourut, probablement de diphtérie à l'âge de six ans, le 25 juin 1900. Quant au dernier rejeton d'Aloïs et de Klara, une fille Paula, née le 21 janvier 1896, donc de sept ans la cadette d'Adolf, elle vécut certes et même survécut à son frère, puisqu'elle ne mourut que le 1 juin 1960, près de Berchtesgaden, mais cette enfant calme, « silencieuse,

1. Elle en fit confidence à , l'ami de jeunesse de Hitler (Adolf Hitler : Mein Jugendfreund, Graz et Gôttin- gen, 1953). 2. C'est Hitler lui-même qui le déclare à Kubizek, in op. cit. très fermée1 », ne semble pas avoir eu un développe- ment mental normal. Elle ne ressemblait ni à sa mère ni à son frère, mais à son père, alors que Adolf avait avec sa mère une ressemblance qui, au dire de Kubizek lequel les a vus souvent ensemble, était tout à fait frap- pante. Klara, femme très douce, très assidue au devoir et de plus très éprouvée par ses deuils et le caractère difficile de son mari, dorlota le petit Adolf qui, dans Mein Kampf, se décrit lui-même comme un Muttersöhnchen, un petit garçon à sa maman. Elle le protégea contre les brutalités du père qui passait une grande partie de son temps à la taverne et terrorisait sa famille. Non seulement Adolf se laissait faire, mais il eut toujours pour sa mère un amour profond et sans doute même, comme le démontreront les circonstances ulté- rieures de sa vie, exclusif. Klara Hitler était belle, et le resta jusqu'à sa mort. Kubizek qui la connut en 1905 (elle devait mourir deux ans plus tard) la décrit ainsi, se référant à l'unique photographie d'elle que nous possédions : « Nous avons sous les yeux l'image d'une jeune femme aux traits remarquablement réguliers. Pourtant, il y a déjà une secrète trace de souffrance dans cette sévère bouche close qui ose à peine sourire. Les yeux clairs, un peu fixes, dominent entièrement ce visage grave. » Et il ajoute, évoquant ses souvenirs : « Klara Hitler venait d'avoir quarante-cinq ans lorsque je fis sa connaissance. Elle était veuve depuis deux ans. Mais ses traits, si on les compare à ceux de la photo, n'avaient guère changé. Simplement, la douleur y était marquée et les cheveux étaient devenus gris... Le mal augmenta encore sa beauté. » Le sentiment qu'il recon- naît avoir ressenti devant elle : « Chaque fois que

1. A Kubizek, op. cit. j'étais avec elle, j'éprouvais de la pitié, sans savoir pour- quoi, et je ressentais le besoin de lui faire du bien », caractérise la réaction que pouvait susciter la présence de Frau Hitler, il éclaire aussi les relations de la mère et du fils. Klara, si réservée, si discrète, et qui, semble-t-il, ne se plaignait jamais, laissa un jour échapper devant l'ami de son fils : « Les espoirs et les rêves qu'une jeune fille met dans le mariage ne se sont pas réalisés dans le mien. » Puis elle ajouta avec résignation : « Mais n'en est-il pas toujours ainsi ? » En fait, Klara Hitler fut certainement une femme malheureuse : il y a comme un étonnement douloureux, une sorte d'attente du malheur dans ses yeux clairs — ceux d'Adolf —, un mutisme grave dans cette bouche qui ne veut pas, ou ne peut plus sourire 1 Malheureuse, non seulement à cause de ses deuils et de ses constantes inquiétudes pour ses enfants survivants, mais aussi parce qu'Aloïs, égoïste et dur, faisait journellement souffrir la douce, la docile, la tendre Klara. Inévitablement, il se forma entre la mère et le fils unique qu'elle défendait un lien trop fort, une sorte de symbiose dont on peut, comme nous le verrons, suivre l'évolution et que les circons- tances rendirent peu à peu catastrophique. Dans ses Mémoires, Albert Speer, un des rares personnages qui eût accès au cabinet de travail privé du Führer à l'Obersalzberg, remarque que si le portrait de la mère de Hitler pendait au mur, par contre n'y figurait pas celui de son père, mais, à sa place, le

1. De cette unique photographie, on trouvera la meilleure reproduction, en grand format, dans Joche von Lang : Adolf Hitler. Gesichter eines Diktators, ouvrage rassemblant des docu- ments provenant des Zeitgeschichtliches Bildarchiv de Heinrich Hoffman, le photographe de Hitler. 2. Au cœur du III Reich, Fayard, 1971. portrait de Schreck, qui fut pendant des années le chauffeur de Hitler, et mourut prématurément 1

En face de la fine et frêle silhouette de Klara Hitler se dresse la puissante stature du douanier, son mari. Les portraits que nous avons de lui nous montrent un regard sévère et plein de méfiance, et plus encore dé- sabusé, sous des sourcils froncés qui s'abaissent très fortement en oblique de manière nettement dissymé- trique, de part et d'autre du nez, cachant presque les yeux, une grosse moustache tombante dont le mouve- ment est parallèle à celui des sourcils. Sur l'un de ces portraits qui remonte probablement à l'époque de son troisième mariage, il est en civil et porte les cheveux assez longs ; sur un autre 3 datant sans doute du moment où il prit sa retraite, il porte d'énormes favoris diver- gents et le crâne presque rasé. La ressemblance d'Aloïs Hitler avec son empereur, François-Joseph, à sept ans près son contemporain, est assez remarquable, et il est bien certain que ce petit fonctionnaire impérial, cet infime rouage de l'Etat faisait tout pour l'accentuer. Mais cette tête carrée, ces moustaches, ce regard dur et immobile, ce sont aussi à peu près ceux de Hindenburg. Et cette ressemblance n'ira pas sans influer sur les rela- tions qu'eut, lors de la prise de pouvoir en 1939, le

1. Cette singularité avait vivement impressionné Albert Speer, qui est revenu sur ce point lors de la conversation que j'ai eue avec lui, ainsi que dans la correspondance que nous avons échangée. Et pour cause, évidemment. On verra en effet que ce détail constitue une des preuves de ce que l'examen psy- chanalytique de Hitler permet d'avancer. 2. Photographie reproduite dans E. Hanfstängl : Hitler. The Missing Years, Londres, 1957, et dans Jean Amsler : Hitler, Paris, 1960. 3. Photographie reproduite dans von Lang, op. cit. nouveau chancelier avec le chef de l'Etat, le vieux et glorieux maréchal 1

Lorsque, le 7 janvier 1885, cet homme entêté, dont le visage indique qu'il dut subir d'amères déceptions, épouse Klara Pölzl, il a quarante-huit ans et derrière lui une existence difficile et quelque peu mouve- mentée. Nous en avons, à propos de Klara, tracé quelques lignes ; il convient maintenant de les complé- ter. Aloïs Hitler s'est marié deux fois et deux fois a perdu sa femme. La première, il l'a épousée quand il avait vingt-sept ans, mais elle en avait déjà quarante et un. Seulement lui ne possédait rien, sinon son traite- ment d'employé subalterne, elle apportait une petite dot et de plus son père adoptif, receveur des douanes, pouvait veiller à l'avancement de son gendre — en fait, Aloïs resta simple douanier. Plutôt qu'une histoire d'amour, ce mariage semble bien avoir été une affaire de promotion sociale. Il ne fut guère heureux. Le couple n'eut pas d'enfant. La santé délicate d'Anna Glasl-Horer dut se ressentir de l'instabilité — véri- tablement caractérielle, ainsi que nous le verrons par la suite — de son époux. C'est elle qui, en 1880, demanda la séparation de biens. Elle mourut trois ans plus tard, en 1883, à soixante ans, non sans avoir été le témoin de l'idylle de son ex-mari avec une jeune fille de vingt- deux ans, Franziska Matzelsberger, dont il eut, le 15 janvier 1882, un enfant non seulement naturel, mais adultérin, Aloïs II. Un mois après la mort d'Anna, Aloïs épousa Franziska. Mais cette union, guère plus

1. Notons que les trois hommes appartiennent à la même génération : François-Joseph est né en 1830, Aloïs Hitler en 1837, Hindenburg en 1847. heureuse que la précédente, fut en outre beaucoup plus brève. Franziska, trois mois après son mariage, mit au monde une fille, Angela, le 28 juillet 1883. Tuber- culeuse et fort affaiblie par ses couches, la jeune femme mourut un an plus tard, non sans avoir préalable- ment quitté ce mari, décidément insupportable, puisque ses deux épouses, à une époque où l'initiative de la séparation venait si rarement de la femme, ne purent y tenir. Chose digne de remarque : à la mort de Franziska Matzelsberger, la même situation se répète. Klara Pölzl est déjà là, à Braunau, prête à prendre la place que la seconde femme va laisser libre et, qui plus est, elle est, elle aussi, enceinte. La conception du premier enfant du futur couple coïncide curieusement avec la mort de Franziska. Celle-ci est morte le 10 août 1884 ; Gustav Hitler est né le 17 mai 1885. Si Aloïs et Klara ne se marièrent pas immédiatement, c'est qu'il leur fallut attendre la dispense dont ils avaient fait la de- mande aux autorités ecclésiastiques dès le 28 octo- bre 1884, soit deux mois après la mort de Franziska. Le chevauchement des unions successives, cette pro- pension constante d'Aloïs à concevoir ses enfants hors mariage — seul Aloïs II fut légalement un enfant naturel, mais Angela est née seulement trois mois après le second mariage, Gustav quatre mois après le troi- sième —, le fait qu'il ait épousé par deux fois des femmes malades ou de santé fragile, et qu'il les ait rendues malheureuses, au point peut-être d'être en par- tie responsable de leur mort, le fait enfin que sa pre- mière femme ait eu, lors de son mariage, l'âge de sa propre mère à sa naissance, tout cela indique à l'évi- dence un psychisme profondément perturbé. Sans doute, la troisième union semble avoir fait exception, peut-être justement parce qu'Aloïs pouvait voir en Klara sa propre fille. Ils formèrent un ménage uni, mais au prix de quelles concessions de la part de Klara, c'est ce que le témoignage de Kubizek laisse supposer. Klara, elle, survécut bien à son mari, mais de quatre ans seulement, et elle mourut d'un cancer, jeune encore, et, précisons-le, car cela aussi a son importance, sensiblement plus jeune que lui. De plus, comme de ses six enfants, deux seulement vécurent, il est assez légi- time de penser qu'elle non plus n'avait pas une santé bien solide.

Pour comprendre le personnage du père dans sa par- ticularité, il importerait donc de pouvoir déterminer quel fut le traumatisme qui déclencha chez lui une tendance répétitive aussi évidente. Or, assez étonnam- ment, il semble bien que nous le connaissions : Aloïs Hitler était lui-même un enfant naturel et ne connut pas son père. Jusqu'à l'âge de quarante ans, il ne porta pas son nom, mais celui de sa mère. La servante, Maria Anna Schicklgruber, qui avait déjà quarante et un ans, n'était pas mariée lorsque lui naquit à Strones, le 7 juillet 1837 1 un fils Aloïs. Ce n'est que cinq ans plus tard, en 1842, qu'elle épousa à Dollersheim, le meunier ambulant, Johann-Georg Hiedler ; elle avait quarante-six ans et lui cinquante 2 Le petit Aloïs fut considéré comme leur fils. Pourtant d'une part, Johann-Georg ne le reconnut pas, d'autre part, il confia le soin de son éducation à son frère cadet, lui- même père de famille, Johann-Nepomuk Hiedler ou Hüttler, cultivateur à Spital. C'est ce dernier qui, vingt-neuf ans après la mort de

1. Ou juin, selon certains biographes. 2. Johann-Georg Hiedler avait déjà été marié, en 1824, et avait eu un fils, mais sa femme et l'enfant étaient morts depuis longtemps en 1842. Maria Schicklgruber et dix-neuf ans après celle de Johann-Georg, entreprit de faire légitimer Aloïs, alors âgé de trente-neuf ans, lequel prit alors le nom d'Aloïs Hitler. Devant notaire et assisté de trois témoins, Johann-Nepomuk attesta que, de son vivant, son frère Johann-Georg avait déclaré être le père d'Aloïs. Puis il obtint du curé de Dollersheim, village où l'enfant avait été baptisé, qu'il efface la mention « illégitime » du registre des baptêmes, remplisse la case « père » restée vide jusqu'alors et joigne une déclaration signée d'une croix par les trois témoins, selon laquelle Aloïs était le fils de Johann-Georg. Cet acte ne peut évidem- ment pas constituer une preuve. Bien au contraire. Car pourquoi Johann-Nepomuk s'y serait-il pris si tard? Sinon justement parce qu'il avait attendu que toute cette histoire fût oubliée. D'ailleurs est-ce bien de son propre mouvement qu'il accomplit une démarche aussi singulière ? N'est-ce pas plutôt sollicité par le douanier lui-même, qui voulut ainsi régulariser une situation gênante en somme pour lui seul ? Selon une confidence qu'Aloïs aurait faite à un ami, cette reconnaissance posthume aurait eu pour raison de lui permettre de recevoir le legs que Johann-Nepomuk voulait lui faire. En effet, par cette démarche, Aloïs qui n'avait aupara- vant aucun lien de parenté avec lui, devenait son neveu. William L. Shirer, dans Le III Reich, rapporte, sans la mettre en doute, une autre version de la même affaire, qui fut très certainement inventée après coup afin de dissimuler ce qu'un tel acte avait eu d'irrégu- lier. Selon lui, Johann-Georg, dont on avait perdu depuis trente ans toute trace, aurait reparu subitement dans le pays à l'âge de quatre-vingt-quatre ans, à seule fin de faire légitimer Aloïs. L'origine de cette légende se trouve, en fait, dans l'ouvrage d'August Kubizek (op. cit). Celui-ci écrit : « En 1842, quand ce fils eut cinq ans, Anna-Maria Schicklgruber épousa le garçon meunier1 Johann-Georg Hiedler, âgé de cinquante ans. On ajouta une note à l'acte de mariage établi à Döllersheim : « Les soussignés attestent que Johann-Georg Hied- ler, bien connu des témoins, a déclaré être le père de l'enfant Aloïs, fils de Maria-Anna Schicklgruber, et qu'il a demandé l'inscription de son nom dans le registre des baptêmes. Suivent la signature du curé et des autres témoins » Et Kubizek poursuit : « Johann-Georg Hiedler a fait une seconde fois une reconnaissance de paternité en 1876 [cette seconde reconnaissance n'aurait eu aucun sens, on n'a pas besoin de reconnaître plusieurs fois un enfant] à propos d'une question d'héritage. Il avait alors quatre-vingt- quatre ans, sa femme était morte depuis trente ans, et Aloïs Schicklgruber depuis longtemps douanier à Braunau. » Et Kubizek termine par cette phrase, en tout état de cause, un peu trop affirmative : « Voici donc la question de la paternité réglée. » En fait, il ne se trompe pas du tout, mais il entend écarter une hypothèse qui a eu cours en Autriche et a toutes rai- sons d'être la bonne. Ce qui dénonce l'imposture, c'est justement que Kubizek veut trop prouver. En donnant comme remon- tant à 1842 une note dont nous savons qu'elle fut rédigée trente-quatre ans plus tard, en 1876, et très précisément le 6 juin, et qu'elle ne précéda que de

1. Et non garçon menuisier, comme l'imprime par erreur la traduction française de l'ouvrage de Kubizek : Adolf Hitler, mon ami d'enfance, Paris, 1954. 2. En fait, Kubizek, de bonne ou de mauvaise foi, confond. Il s'agit là de la reconnaissance de 1876, les quatre témoins sont les trois témoins mentionnés plus haut, plus Johann Nepo- muk, et non Johann-Georg Heidler. La formule employée dans la note sous-entend d'ailleurs que ce dernier n'était pas présent. quelques mois la rectification portée sur les registres paroissiaux, le 26 novembre de la même année, il rend tout le reste de sa version suspect, y compris et surtout la survivance en 1876 de Johann-Georg, âgé de quatre- vingt-quatre ans, alors qu'il semble prouvé que celui-ci mourut dix-neuf ans plus tôt. Comme la source de l'information de Kubizek est la famille de Hitler, on peut supposer qu'il reproduit la version destinée à couper court aux rumeurs. Mais on peut sans doute aller plus loin. Car si Kubizek n'a publié ses souvenirs qu'en 1953, après la catastrophe finale, il y avait longtemps qu'il les préparait, et en accord avec les collaborateurs du parti national-socia- liste, cela dès 1938. La version qu'il présente est donc très probablement celle que Hitler lui-même avait fait substituer à une réalité fort gênante pour lui. Il est curieux que des historiens sérieux aient pu s'y laisser prendre. Notons qu'une des conséquences de la pseudo-légiti- mation de 1876 fut de créer entre Aloïs et la petite- fille de Johann-Nepomuk, Klara Pölzl, sa future épouse, laquelle avait alors seize ans et vivait alors à son foyer, un lien de parenté. Si Johann-Georg Hiedler — le nom fut transformé en Hitler dans l'acte annexé au registre du curé de Döllersheim, par suite, semble-t-il, d'une erreur du rédacteur —, n'était sans doute pas le père d'Aloïs, il reste à savoir qui était celui-ci.

Le procès de Nuremberg nous l'a très probablement révélé. Voici, en effet, ce qu'y déclara le juriste de Hitler, Hans Frank. En 1930, Hitler, devenu le person- nage de premier plan que l'on sait, aurait reçu de William Patrick Hitler, fils de son demi-frère, Aloïs II, une lettre certainement écrite en vue d'exercer un chantage, dans laquelle le signataire faisait allusion à « certaines circonstances très précises de l'histoire de notre famille ». On aurait alors confié à Frank la mission de mener une enquête confidentielle sur ces allégations. Les conclusions furent, selon lui, les suivan- tes : « Le père de Hitler était l'enfant illégitime d'une cuisinière du nom de Schicklgruber, originaire de Leonding, près de Linz, et travaillant chez un ménage de Graz. Cette demoiselle Schicklgruber, grand-mère d'Adolf Hitler, était employée chez des Juifs du nom de Frankenberger au moment où elle mit au monde un enfant [en fait, on sait par ailleurs que Maria-Anna Schicklgruber dut quitter son service avant l'accouche- ment]. Pour son fils qui avait à l'époque dix-neuf ans — l'affaire se situe dans les années 30 du siècle dernier [plus précisément en 1837] —, ce Frankenberger paya à la fille Schicklgruber, depuis la naissance de l'enfant jusqu'à sa quatorzième année, une pension alimentaire. La famille Frankenberger et la grand-mère de Hitler entretinrent pendant des années une correspondance 2 dont il semble ressortir que tous les intéressés savaient et reconnaissaient tacitement que l'enfant de la fille Schicklgruber avait été conçu dans des circonstances qui faisaient obligation aux Frankenberger... » Si l'on admet ce témoignage, assurément impression- nant, et si on le complète à l'aide d'autres documents biographiques, on peut reconstituer ainsi la version la plus probable des faits : une cuisinière, déjà plus jeune — elle a quarante ans —, est séduite par le fils de la

1. Dans le même temps, des journalistes étrangers résidant à Vienne, ayant entrepris des recherches sur les origines du Füh- rer, découvrirent la reconnaissance tardive d'Aloïs et voulurent affubler Hitler du nom d'Adolf Schicklgruber. 2. Cette correspondance aurait été retrouvée par les services de Frank en 1930. Elle a, bien entendu, disparu depuis. famille qui l'emploie, lequel est âgé alors de dix-huit ans. Les parents interviennent à temps : la cuisinière est licenciée avant que le scandale n'éclate, mais, afin de pouvoir élever l'enfant, dont les Frankenberger se reconnaissent de ce fait comme responsables, elle rece- vra une pension alimentaire, qui sera en effet régu- lièrement versée pendant treize ans. Maria-Anna rentre alors dans son village d'origine, Dollersheim, mais son père refuse de la recevoir. Elle trouve alors une autre place chez un paysan compatissant, Johann Trummel- schlager. C'est là qu'elle met au monde son enfant en juillet 1837. Cinq ans plus tard, à quarante-sept ans, Maria-Anna Schicklgruber épouse un meunier am- bulant, apparemment fort misérable et peut-être intéressé par les économies de la fille mère, lequel se débarrasse aussitôt de l'enfant qu'il confie à son propre frère, un paysan, établi, lui, et père de famille, bien aise peut-être de toucher la pension ali- mentaire. Et Frank conclut : « Il me faut dire qu'il n'est pas absolument exclu que le père de Hitler ait été demi- juif. » On ne voit vraiment pas pourquoi Frank aurait inventé une histoire aussi effarante, aussi scandaleuse pour un nazi. Elle a pourtant été mise en doute par plusieurs auteurs. Les Mémoires de Frank furent écrits dans la prison de Nuremberg et l'on a argué du comportement qu'il eut alors pour déclarer sans valeur son témoignage. Assurément, l'attitude de celui qui avait mérité le titre de « bourreau de la Pologne » fut, durant le procès des chefs nazis, des plus étranges, au moins par rapport à celle de ses coaccusés, apparem- ment si sûrs d'eux : effondrement, autoaccusation,

1. Hans Frank : Im Angesicht des Galgens (Face à la potence), München-Gräfelding, 1953. affirmation de la culpabilité collective du peuple alle- mand. Pourtant les déclarations de Frank ne semblent pas être restées sans échos auprès de certains d'entre eux. Dans ses Mémoires, publiés en 1969 l'ex- ministre Speer affirme que le « discours » de Frank devant le tribunal de Nuremberg « rendait, certes, un son un peu exalté, mais [qu'] il exprimait exactement ce que je pensais ». Affamé de châtiment, non seule- ment Frank approuva sa propre condamnation à mort, mais il alla jusqu'à remercier le tribunal de sa clé- mence, la pendaison lui semblant une mort trop douce pour les crimes commis. Mais est-ce parce qu'il fut le seul à manifester des remords qu'il faut, comme cer- tains, affirmer qu'il « frisait » alors la folie et que par suite ses déclarations sont irrecevables ? En fait, la fin de Frank est conforme à tout ce qu'on sait de son passé, de son personnage de juriste et d'intellectuel, rallié au régime qui tantôt l'enthousiasmait et le fascinait, tantôt l'épouvantait et lui donnait le vertige2. Son excitation maladive lors du procès des criminels de guerre, son absence de maîtrise de soi, son écrasante culpabilité et même son juridisme sembleraient plutôt garantir l'authenticité de ses aveux. Le témoignage d'Albert Speer, architecte du Führer, puis, en 1942, ministre de l'Armement du Reich, qui figurait lui aussi au banc des accusés à Nuremberg, est à ce sujet capital. Speer qui voyait quotidiennement Frank reconnaît que, dès le début des interrogatoires, Frank « accepta ses respon- sabilités ». Dans une communication personnelle adres- sée à l'auteur, Albert Speer donne ce qui fut sans doute

1. Albert Speer : Au cœur du III Reich, t. f., Paris, 1971. Mé- moires publiés au moment où je terminais la révision du pré- sent ouvrage. 2. : « Hans Frank, ou le faux "dur" », in Les Maîtres du III Reich, Paris, 1965. la raison de ce retournement qui frappa si fort les témoins que certains purent croire à la folie de Frank : « Pendant le procès de Nuremberg, Frank était devenu profondément croyant ; il eut de longs entretiens avec le père Sixtus, qui s'occupait des prisonniers catho- liques à Nuremberg. J'avais le sentiment que cette conversion était sincère et qu'elle ne fut pas sans influence sur la reconnaissance par Frank de sa culpa- bilité. Il se peut que ce point de vue religieux, qui désormais était le sien, l'ait gêné dans l'exposé des souvenirs qui ont été publiés. » Et, encore une fois, on ne voit vraiment pas pour quelle raison il aurait inventé pareille légende. Aussi les auteurs les plus sérieux prennent-ils en considération son récit. Ce qui, par contre, prête pour eux encore à discussion est la question de savoir si ces Frankenberger étaient vrai- ment juifs. Frank, lui-même, qui n'en est pas à une contradiction près, nie dans un autre passage qu'ils l'aient été. Mais peut-être, effrayé d'avoir livré un tel secret, voulut-il ensuite en atténuer la portée. Selon l'étude très documentée de Franz Jetzinger 1 le nom de Frankenberger ne serait pas juif, mais autri- chien. De plus, cet auteur n'a pu trouver en Autriche aucune trace de cette affaire, ce qui, notons-le, n'a rien de bien surprenant, car, si les affirmations de Frank sont exactes, on se sera empressé en haut lieu de faire disparaître des pièces aussi compromet- tantes. Les chefs nazis eux-mêmes ne surent jamais très bien à quoi s'en tenir sur ce sujet, dont les ennemis de Hitler parlaient à mots couverts. Peu après la prise du pou- voir par les nazis, Heydrich, alors chef du nouveau S. D. (Sicherheitsdienst, Service de sécurité S.S.), fit

1. Franz Jetzinger : Hitler Jugend. Phantasien-Lügen-und die Wahrheit, Vienne, 1956. réunir des documents sur les origines du Führer. On ne sait évidemment pas ce dont il eut alors connais- sance. Mais, avant même la promulgation en 1935 des lois de Nuremberg qui réservaient les droits politiques aux Volkgenosse, c'est-à-dire à ceux qui pouvaient apporter la preuve que trois au moins de leurs quatre grands-parents appartenaient aux cinq races définies comme germaniques, Hitler avait interdit absolument toute recherche sur sa propre ascendance. Attitude pour le moins singulière de la part du chef du parti et qui ne peut évidemment s'expliquer que par le fait que ces preuves il eût été lui-même bien en peine de les fournir. Néanmoins Himmler, en août 1942, fit entreprendre — à quelles fins ? — de nouvelles recherches ; le rapport qui lui fut remis, le 14 octo- bre 1942, ne contenait que des pièces de peu d'impor- tance et rien, on s'y serait attendu, sur l'affaire en question. On sait, en effet, que, dès l'Anschluss, la Gestapo avait fait main basse sur tous les dossiers con- cernant la vie de Hitler en Autriche. Que les collaborateurs les plus proches de Hitler se soient doutés de quelque chose et aussi aient compris qu'il convenait de ne pas chercher à savoir, j'en trouve une nouvelle preuve dans un passage des Mémoires d'Albert Speer, dont on connaît l'intimité avec le Füh- rer : « Me rendant, en 1942, de Budweis à Krems, écrit l'ex-ministre de l'Armement, je vis un grand écriteau sur une maison du village de Spital près de Weitrau, à la frontière tchèque. Selon l'écriteau, Hitler avait,

1. On connaît la tactique habituelle de Himmler qui consis- tait à découvrir les secrets des autres chefs politiques, afin de les « tenir ». 2. Cette maison était probablement la ferme de Johann Nepomuk Hitler, grand-père de Klara Hitler et où Aloïs passa toute son enfance. Adolf Hitler y fit plusieurs séjours dans sa jeunesse. dans sa jeunesse, habité cette maison. Je rapportai ma découverte à Hitler. Il devint instantanément fou de rage et, en hurlant, envoya chercher Bormann, qui arriva tout interdit. Hitler l'apostropha : il avait sou- vent dit que cette localité ne devait être évoquée en aucun cas. Cet âne de Gauleiter avait pourtant fait apposer un écriteau. Il fallait le faire enlever immé- diatement. Je ne pouvais pas, à l'époque, m'expliquer sa colère, car, par ailleurs, il se réjouissait quand Bor- mann lui rapportait qu'on avait restauré d'autres lieux de sa jeunesse autour de Linz et de Braunau. Il était évident qu'il avait un motif pour effacer cette partie de sa jeunesse. On sait aujourd'hui qu'un arrière-plan familial assez obscur se perd dans cette région de la forêt autrichienne. » Si les déclarations de Frank, ainsi que toutes les présomptions que nous avons rapportées, n'entraînent pas la conviction des historiens, c'est tout simplement parce qu'il leur paraît impossible que le raciste Hitler ait pu avoir du sang juif dans les veines. Ce n'est que devant une évidence absolue, incontestable, qu'ils s'inclineraient, mais cette évidence ne peut, ne pourra jamais leur être fournie, et pour une raison bien sim- ple : les preuves écrites, s'il y en a eu, ont été systéma- tiquement détruites. Toujours est-il qu'Aloïs Hitler, et par conséquent son fils Adolf, même s'il fut dispensé de porter le nom — probablement juif — de Frankenberger, aurait dû tout au moins porter celui, disgracieux et nettement comique dans la bouche d'un Allemand, de Schicklgru- ber Il aurait dû, même légitimé, s'appeler Hiedler, qui sonne moins bien que Hitler. Adolf Hitler était lui- même tout à fait conscient de la chance qu'il avait eue.

1. Qu'on imagine seulement le salut nazi sous la forme : « Heil Schicklgruber ! » Dans sa jeunesse, il confia à son ami de Linz, August Kubizek, que rien n'avait eu pour lui autant d'impor- tance que le changement de nom de son père. « Schicklgruber lui semblait grossier, grotesque et, en outre, gauche et incommode. Il trouvait Hiedler trop mou ; en revanche Hitler sonnait plaisamment et était facile à retenir 1 » On s'est aussi posé la question de savoir si Hiedler était vraiment un nom germanique. Il semble bien que non. Mais plutôt tchèque, ce que semblerait confirmer le prénom de ce Johann-Nepomuk qui éleva Aloïs. Saint Jean Népomucène est en effet le patron de la Bohême toute proche. Et l'on sait que Hitler voua aux Tchèques une haine presque aussi tenace qu'aux Juifs. En résumé, il est donc possible, sinon probable, qu'Adolf Hitler reçut de son père une moitié de sang juif et de sa mère, petite-fille de Johann-Nepomuk, une certaine proportion de sang slave. Le Pr Gruber, spé- cialiste munichois, s'en doutait-il lorsque, établissant en 1929 la « fiche raciale » du Führer il écrivait : « Visage et tête de race bâtarde, métissée. »

Plus importante encore qu'une vérité historique qui, faute de documents définitifs, ne pourra sans doute jamais être démontrée, demeure la question de savoir ce que Hitler lui-même savait de ses origines. Outre l'interdiction de toute recherche sur ses ori- gines et la saisie par la Gestapo des dossiers de police autrichiens, une des premières décisions prises person-

1. August Kubizek, op. cit. 2. Celui-ci écrivait son patronyme non Hiedler, mais Huet- ler, ce qui expliquerait mieux l'erreur du curé de Döllersheim. 3. Publiée dans l'Essener Volkswacht du 9 novembre 1929. nellement par le Führer lors de l'annexion de l'Autriche est révélatrice. Ordre fut alors donné de transformer en champ de manoeuvres la localité de Dollersheim et ses environs. Ainsi disparurent défini- tivement sous les chars de la Wehrmacht le lieu d'ori- gine et la tombe de sa grand-mère, Maria-Anna Schickl- gruber. Il semble donc tout à fait probable qu'au moins dès 1930, à la suite de l'enquête de Frank, Hitler n'ait plus eu de doute quant à ses origines. Deux ans auparavant, dans le manuscrit de son second livre écrit en 1928, accusant Matthias Erzberger, signataire de l'armistice de 1918 et partisan de l'exécution sincère du traité de paix, qui fut pour cette raison assassiné en 1921, il déclare que celui-ci, « l'un des principaux responsables de l'effondrement de notre peuple », était, « d'après diverses affirmations, le fils illégitime d'une domestique et d'un maître juif », ce qui était à ses yeux la pire tare qui fût et l'explication de la conduite pour lui infâme d'Erzberger. Cette accusation était inventée de toutes pièces. Elle constitue en fait ce qu'on appelle une projection. S'attaquant au député bavarois, c'est en fait son propre père, sa propre origine, considérée par lui secrètement comme ignoble, que visait Hitler. Et cela tendrait à prouver qu'il savait déjà, ou tout au moins se doutait, de ce qu'il n'apprit officiellement que deux ans plus tard. Mais auparavant, dans sa jeunesse, dans son enfance, que savait-il, que pouvait-il savoir ? Rien de précis sans doute. Encore qu'intuitif et curieux comme sont tous les enfants, il ait dû avoir très tôt le sentiment qu'il existait là un secret, deviner à certaines attitudes de ses

1. Paru seulement en 1961 en Allemagne sous le titre: Hitler . Ein Dokument aus dem Jahre 1928, publié par l'Institut für Zeitgeschichte et commenté par Gerhard L. Weinberg, Stuttgart, 1961. proches, à certaines allusions, que, derrière la version officielle des faits, il en existait une autre, redoutable, qu'il valait mieux ne pas connaître. Mais cette curiosité ainsi éveillée, il est aussi grandement probable qu'à l'adolescence, alors que se défait le « roman familial », que les parents redeviennent des êtres comme les autres, il ait voulu la satisfaire. Son père était mort et avec lui le tabou. Il est possible qu'il ait alors mené secrètement son enquête personnelle, interprétant les bavardages des femmes de la famille de sa mère, ou même qu'il ait interrogé sa grand-mère, peut-être même sa mère qui, le père étant mort et Adolf étant devenu grand, n'a plus jugé utile de cacher un secret qu'elle ne pouvait pas ignorer. Peut-être peut-on aller jusqu'à supposer que ce sont précisément les tendances antisémites manifestées dès son adolescence par le jeune garçon qui auraient incité sa mère à lui apprendre qu'il était lui-même bien mal placé pour en faire profession. Ce qui ne serait peut-être pas sans rapport avec l'espèce de crise dépressive que traversa Adolf au cours de sa dix-septième année. Il est curieux, en tout cas, que, dans Mein Kampf, il ait tenu à préciser : « Je ne me souviens pas d'avoir entendu, prononcer ce mot [de Juif] dans la maison paternelle du vivant de mon père . Je crois que ce

1. Contrairement à ce que Hitler affirme dans Mein Kampf, ses sentiments antisémites furent bien antérieurs à sa venue à Vienne. Kubizek en témoigne, et indirectement Hitler lui-même qui, dans Mein Kampf, remarque : « Au lycée, je fis la connais- sance d'un jeune Juif que nous traitions avec méfiance, mais uniquement en raison de son caractère renfermé. » On sait, par ailleurs, que ses maîtres du lycée de Linz étaient ultra- nationalistes et violemment antisémites. Mais Hitler tient trop à faire de son antisémitisme une découverte personnelle et en quelque manière expérimentale. 2. Souligné par nous. digne homme aurait considéré comme arriérés des gens qui auraient prononcé ce nom sur un certain ton. Il avait, au cours de sa vie, fini par incliner à un cosmo- politisme plus ou moins déclaré qui, non seulement, avait pu s'imposer à son esprit malgré ses convictions nationales très fermes, mais avait déteint sur moi. » Or, comme le remarque Kubizek, qui vécut dans le même milieu, des « convictions nationales très fermes » s'accompagnaient presque toujours à l'époque d'un antisémitisme militant. Aloïs Hitler aurait donc cons- titué une exception. Peut-être, pourrait-on dire, et pour cause. Il se peut d'ailleurs que cette absence d'antisémitisme de la part de son père ait joué un rôle dans l'opposition que lui manifesta son fils, déjà imprégné des doctrines qui étaient ouvertement profes- sées à la Realschule, en particulier par son professeur d'histoire, le Dr Leopold Poetsch, dont il fait dans Me in Kampf un vibrant éloge. Supposons d'ailleurs un instant que le jeune Hitler vivant dans un tel milieu, où l'antisémitisme faisait partie intégrante du patriotisme, ait eu quelque doute sur la « pureté de sa race », comment eût-il réagi ? Sinon en se montrant plus absolu, plus fanatique que ses camarades, afin d'écarter de lui tout soupçon. Le caractère si fermé, si méfiant, si ombrageux qu'ont souligné tous ses condisciples, reposait peut-être sur cette crainte qu'on ne découvre son secret. Tout cela reste assurément hypothétique. Il n'en demeure pas moins que, de son propre point de vue, qu'il allait imposer avec tant de force, l'ombre de ses origines pesait très lourdement sur Hitler. Car ou bien il était fils d'un bâtard demi-juif, ou bien il était issu d'une union consanguine, et dans un cas comme dans l'autre, très probablement « métissé » de Tchèque. Il ne pouvait ignorer cette alternative, peut-être oscilla- t-il lui-même entre ces deux possibilités : la haine qu'il voua aux Tchèques ayant été presque égale à celle qu'il porta aux Juifs. Né dans une zone frontière, dans un milieu hyper- germaniste, parce que menacé de tous côtés par des non-Allemands, cet Autrichien, si peu sûr de sa propre germanité, deviendra par compensation un Germain inconditionnel, fanatique et ne rêvant que de reconsti- tuer l'âge d'or, en grande partie imaginaire, de la Ger- manie.

Il est intéressant de noter dès maintenant que nombre de ses complices, les futurs chefs nazis, eurent à faire face, toutes proportions gardées, à un problème du même ordre. La plupart d'entre eux étaient aussi des « bâtards métissés » qui combattaient cette part d'ombre intérieure en la projetant sur autrui. Hanf- staengl qui les a tous fort bien connus, pense que Rosenberg, Strasser, Streicher, Ley, Frank lui-même, et peut-être Goebbels auraient eu quelque difficulté à prouver que leurs ascendants étaient exclusivement aryens. L'un des plus fanatiques et des plus criminels d'entre eux, l'impitoyable persécuteur des Juifs, Rein- hard Heydrich, avait certainement des ancêtres juifs tout proches — très vraisemblablement sa grand-mère maternelle. Or, par un paradoxe empreint d'un certain humour noir, Heydrich se distinguait justement des autres dirigeants du parti par le fait qu'il possédait seul les traits et l'allure, selon eux caractéristiques, du pur Aryen. Il était grand, blond, sportif et, comme il le fit écrire de lui-même dans le Schwarze Korps (journal officiel des S.S.) : « Dans son aspect physique, déjà, il

1. Ernst Hanfstaengl : Hitler. The Missing Years, Londres, 1957. est par excellence le S.S., tel que l'imagine le peuple, un homme d'une seule coulée 1 »

Une autre conséquence de la situation ambiguë de Hitler fut sa détermination, maintes fois et jusqu'à la fin affirmée, de ne pas avoir d'enfants. Rappelons à ce sujet que sa sœur Paula mourut célibataire. Ainsi aucun des enfants d'Aloïs et de Klara n'eut de posté- rité, et cette lignée s'arrêta avec eux.

Pour comprendre les rapports du père et du fils, il nous faut maintenant revenir sur la carrière d'Aloïs Schicklgruber, devenu à quarante ans Aloïs Hitler. Elevé dans la ferme de son oncle présomptif, Johann- Nepomuk Hüttler, à Spital, Aloïs la quitta à l'âge de treize ans, en 1850, afin de se rendre à Vienne où il devint apprenti cordonnier Les historiens ne sem- blent pas avoir remarqué que ce départ coïncidait avec la fin du paiement de la pension alimentaire par la famille Frankenberger. L'hospitalité de Johann-Nepo- muk lui était donc liée. Il fallait désormais que le petit bâtard, de surcroît orphelin — sa mère était morte

1. Heydrich, comme Hitler, tenta de faire disparaître toute preuve de son ascendance. Il fit réunir tous les registres d'état- civil et paroissiaux le concernant. Néanmoins, il dut, avant 1940, se défendre à plusieurs reprises en justice contre des « ca- lomnies raciales ». Ses supérieurs directs n'ignoraient nullement cette tare et surent en profiter. Himmler alla jusqu'à dire, par- lant de lui : « On ne peut laisser travailler des gens de cette espèce qu'à condition de les avoir solidement en main, et les origines non aryennes de Heydrich s'y prêtaient admirablement. Ainsi, il nous sera éternellement reconnaissant de l'avoir gardé, et il nous obéira aveuglément. » 2. Selon d'autres, Norman Shirer, par exemple, c'est à Spital même qu'Aloïs aurait appris le métier de cordonnier. trois ans plus tôt, en 1847 ; quant à son pseudo-père, qui ne mourut qu'en 1857, il semble s'être complète- ment et définitivement désintéressé de lui —, sub- vînt lui-même à ses besoins. Il dut se débrouiller assez bien puisque, à dix-huit ans, il était admis dans la police frontalière des Douanes impériales près de Salzbourg, puis, quelques années plus tard, dans les Douanes elles-mêmes. C'est alors qu'il était à Vienne — il avait donc au plus dix-huit ans — que, selon certains, il se serait épris d'une certaine Thekla et en aurait eu un fils, Fritz, bien connu dans les rues de Vienne par sa ressemblance avec Hitler, à qui il aurait même en certaines occasions servi de doublure. Pure légende très probablement, encore que cette affirma- tion invérifiable présente avec tout ce que nous savons de lui une certaine cohérence. Suivant la tendance répétitive bien attestée par la suite de sa vie, Aloïs aurait ainsi reconstitué l'acte de son père supposé, le fils de la famille où se trouvait placée sa mère, et ce au même âge que lui. Ensuite Aloïs Schicklgruber alla de poste en poste. En 1889, à la naissance d'Adolf, il est à Braunau-sur-l'Inn, trois ans plus tard à Passau, dans les bureaux de la compagnie fluviale du Danube, deux ans après à Linz, où il est nommé brigadier. Ayant pris sa retraite au printemps de 1895, Aloïs Hitler s'installa avec sa famille sur une petite propriété qu'il avait acquise à Hafeld, près de Lambach, mais il n'y demeura que quatre ans, et s'établit finalement en

1. Ce qui rend encore plus invraisemblable la reconnaissance par Johann-Georg en 1876, à supposer qu'il ait encore été vivant à cette date. 2. Selon Mein Kampf, où Johann-Georg est donné comme un « pauvre petit journalier agricole », Aloïs aurait été compa- gnon cordonnier à dix-sept ans, et ne serait devenu douanier qu'à vingt-trois ans. 1899 à Leonding, près de Linz, dans une maisonnette avec jardin qu'il devait occuper jusqu'à sa mort en 1903. Selon Kubizek si, en quarante ans de service, Aloïs Hitler ne fut muté que quatre fois, « à peine s'était-il établi dans une ville, qu'il se mettait à changer de logement. A Passau, il déménagea trois fois en deux ans, à Braunau douze fois. Quand il eut sa retraite, il quitta Linz pour Hafeld, puis bientôt pour Lambach, où il habita d'abord à l'hôtel, ensuite dans un moulin ; enfin il s'installa à Leonding. Tant et si bien qu'Adolf se souvenait, quand je le connus, d'avoir déménagé sept fois et d'avoir fréquenté cinq écoles différentes. Ces changements perpétuels n'étaient pas dus à la médio- crité des logements ; l'hôtel Pommer, par exemple, celui où Adolf est né en 1889, était l'une des plus belles constructions de Braunau. Pourtant, la naissance d'Adolf fut suivie d'un nouveau déménagement. Il est même prouvé qu'Aloïs Hitler quittait quelquefois un bon logement pour un moins bon. Ce qui l'intéressait, c'était de changer. Comment expliquer cette curieuse manie ? « Peut-être de la façon suivante : Aloïs Hitler ne supportait pas la stabilité. Comme son métier l'obli- geait à rester sur place, il prenait sa revanche dans la vie privée. Pour lui, vivre, c'était bouger, changer, et j'ai retrouvé ce trait chez son fils Adolf. » Dans Mein Kampf, Hitler souligne indirectement le caractère anxieux de son père qui, même à la retraite, « n'aurait pu supporter un seul jour d'oisiveté ».

1. Lequel tenait ses détails de Hitler et de sa mère. Vingt-sept ans après sa mort, Hitler reste pour nous une énigme. Paradoxalement, puisque sa fantastique carrière a fait l'objet d'innombrables études. Une lueur parfois, dans les ouvrages des historiens, nous permet d'entrevoir l'homme vivant sous ce visage fermé comme un masque qui retombe aussitôt. Peut-on aujourd'hui déchiffrer ce secret que le Führer a su si bien préserver? C'est ce qu'a tenté Jacques Brosse au terme d'une enquête minutieuse, centrée principalement sur les origines, l'enfance, les années de formation de Hitler, encore si mal connues, enquête où furent examinés un à un tous les documents exis- tants, mais insuffisamment contrôlés et surtout inexpliqués. Grâce à une méthode nouvelle et rigoureuse, fondée en partie sur les dernières acquisitions de la psychanalyse, l'auteur parvient à sonder les profondeurs d'un psychisme tourmenté et gravement perturbé. Il en résulte un portrait inédit et sur- prenant d'un Hitler beaucoup plus proche de nous que nous ne l'imaginions.

L'auteur :

Ecrivain, naturaliste et psychanalyste, Jacques Brosse a publié plusieurs essais, dont Le Génie adolescent (Stock) et Cocteau (Gallimard), où il a mis au point une méthode de déchiffre- ment fondée sur la psychanalyse, ainsi que son auto-analyse : L'Expérience du rire (Grasset). Il dirige chez Fayard la collec- tion « L'Expérience psychique ». Participant d’une démarche de transmission de fictions ou de savoirs rendus difficiles d’accès par le temps, cette édition numérique redonne vie à une œuvre existant jusqu’alors uniquement sur un support imprimé, conformément à la loi n° 2012-287 du 1er mars 2012 relative à l’exploitation des Livres Indisponibles du XXe siècle.

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