1 Mérignac au temps des hélices

1910 - 1960

Histoire d’un port aérien 2

Maquette du projet Mothe

Au milieu des années cin- quante, ce sont des bâti- ments provisoires en bois, construits après la Libéra- tion, qui accueillent les pas- sagers. Il faut une grande, et belle, aérogare pour . Le projet Mothe propose un ensemble intégré pour la totalité des bâtiments com- merciaux et techniques. A l’arrière-plan de cette ma- quette d’architecte, l’aéro- gare et son hall en avancée. Relié à celui-ci, à gauche, le bloc technique, avec la tour de contrôle. Au premier plan, un par- terre à la française entouré d’une allée engravillonnée en guise de parking automo- bile. En partie cachée sur la gauche, la centrale élec- trique. Deux garages, non visibles ici, abritent le parc automobile et les véhicules des pompiers. La construction s’est faite en conformité avec cette ma- quette, à l’exception du pe- tit bâtiment de deux étages à côté de la tour. Celui-ci a été prolongé pour accueillir le centre de contrôle régio- nal et le bureau central des télécommunications pré- cédemment placés dans le flux des réacteurs des avions Dassault en essai. L’aérogare Mothe est au- jourd’hui dissimulée et par- tiellement intégrée au ter- minal A. La tour de contrôle a été arasée à hauteur du 3ème étage. Préface 5 3 Années dix et vingt Le grand meeting de Bordeaux 6 La Première Guerre mondiale 7 Croix d’Hins connecté avec les États-Unis 8 L’avion, mode de transport rapide vers les colonies 9 Le courrier vers l’Amérique du Sud 10 La «station» de Bordeaux-Teynac 11 L’aérodrome et ses premiers utilisateurs 12 La construction aéronautique à Bacalan 13 L’avion est un moyen de transport rapide et cher pour gens peu pressés 14 De nécessaires règlements à faire appliquer 15 Aller plus loin 16

Années trente Le grand saut en avant de la nouvelle décennie 18 1932 : les ramifications des nouveaux réseaux aériens 19 Changement d’échelle pour Teynac 20 Navigation à vue, sur l’aérodrome comme en croisière 21 La radiogoniométrie progresse, le pilotage sans visibilité débute 22 L’armée de l’Air, tout juste créée, s’installe sur l’aérodrome 23 Marcel Bloch reprend les usines aéronautiques 24 Six jours sur sept : la régularité des vols de la Postale 25 Les ambitions de l’hydraviation à Biscarrosse 26 La route des États-Unis passe-t-elle par Mérignac ? 27 Mérignac devient le «port aérien» de Bordeaux 28 La radio pour améliorer la sécurité par mauvais temps 30 Surface multipliée par cinq pour le nouveau port aérien 31 Le projet de base intercontinentale au nord de Bordeaux... 32 Et le projet du Teich sur le bassin d’Arcachon... 33 L’aérodrome avant la construction des pistes 34 Les deux pistes en construction 35 Aller plus loin 36 Sommaire 4 Années quarante La décennie terrible : destruction et reconstruction provisoire 38 Envolé de Mérignac, le Jules Verne bombarde Berlin 39 Bordeaux au cœur de la débâcle 40 Mérignac base stratégique pour attaquer les convois alliés 41 Travailler pour l’occupant ? 42 Mérignac à la Libération : un aérodrome en ruines 43 Une constellation de cratères de bombes 45 1945 : les anglais gèrent la tour de contrôle 46 Les premières reconstructions 47 1947 : l’année charnière de la reprise 48 Les hydravions géants s’effacent, le Flamant s’envole 49 Une nouvelle aérogare, provisoire, en bois 50 Planification : l’aéroport sera partagé en trois zones 52 Aller plus loin 53

Années cinquante La décennie des grands investissements 56 Un nouveau contexte mondial et local : la guerre froide 57 Les innovations techniques normalisées 58 Grands travaux sur les pistes et taxiways 59 Préface Le transport aérien commercial décolle enfin à Mérignac ! 60 Le passage soudain de l’hélice au réacteur 62 Qui va s’installer sur les parkings des Américains ? 63 Quand les avions, neufs ou révisés, sortent à la chaîne 64 Une grande aérogare, moderne, enfin ! 66

Années soixante Aperçu des années soixante 68 Transport civil et Défense en activité intense 69 Hommage aux vingt mille 70 Remerciement, bibliographie 71 Crédits iconographiques 72 Réalisations et contributions de LMBC 73 Les principaux artistes contributeurs de ce livret 74 5 En 1910, un collectif, comme dans d’autres villes de L’objectif était intéressant car Bordeaux-Mérignac est , décide de louer une surface de landes pour le seul, parmi les aérodromes majeurs de France, à être un meeting aérien sur la commune de Mérignac, en un marqué, et ce de longue date, par un « tricéphalisme » lieu à la toponymie insolite, Beau-Désert (orthographié aéronautique, phénomène unique en son genre mêlant aujourd’hui Beaudésert). Il était alors loin de penser au quotidien transport aérien commercial, activité de que son geste n’aurait rien d’éphémère mais serait le défense et construction aéronautique. point de départ d’une saga aérienne qui se poursuit de nos jours. Ce demi-siècle d’existence ne s’apparente en rien à un long fleuve tranquille. Outre les paroxysmes que consti- La Mémoire de Bordeaux Contrôle, LMBC, est une asso- tuent les deux conflits mondiaux qui laissèrent des ciation créée il y a vingt ans et bien connue au sein traces, l’aérodrome a connu une histoire agitée où les de la Direction générale de l’aviation civile pour la réussites et les espoirs déçus s’entrecroisent. Le récit qualité de ses publications et de ses expositions. LMBC propose des clés d’analyse en expliquant, pour chaque est intervenue il y a dix ans sur l’histoire du Centre décennie, le contexte local, national ou international, en-route de la navigation aérienne Sud-ouest. Puis elle dans lequel a évolué «le port aérien» et plus générale- est passée à l’échelon national : avec d’autres partici- ment l’aviation. pants, elle a mis au point l’exposition itinérante et le livret «Du morse à la souris» consacrés à l’histoire du L’histoire officielle brossée, les auteurs ont pris le parti contrôle aérien. Elle a ensuite travaillé sur les souvenirs de conter la vie quotidienne sur la plateforme à travers des anciens de l’aviation civile et de la météorologie. le regard de deux enfants de la cité des Chalets, dans Revenant aux études locales, elle s’est récemment lan- les années cinquante. De ce texte plein de fraîcheur, on cée dans l’histoire de la plateforme de Bordeaux-Mé- mesure toute l’immensité de l’évolution qu’a connue rignac et l’analyse de sa croissance sur ses cinquante l’aviation civile, fruit du travail de ses femmes et de ses premières années. hommes, en seulement quelques décennies.

Présentée d’abord sous la forme d’une exposition iti- Il n’est pas nécessaire d’être bordelais de souche pour nérante « Mérignac au temps des hélices », le travail apprécier pleinement ce livre. La qualité du texte, un est aujourd’hui décliné sous la forme d’un livre au titre travail de recherche rigoureux et la pertinence des il- éponyme. lustrations devraient permettre au lecteur non averti d’y parvenir sans trop de difficultés. Préface

Patrick GANDIL Alice-Anne MÉDARD Directeur général Conseillère transport de l’Aviation civile aérien et construc- tion aéronautique du ministre en charge des transports. Directrice de l’aviation civile sud-ouest de 2007 à 2012. 6 1910

Le grand meeting de Bordeaux

Une grande fête populaire

En 1909, quelques villes organisent les premiers «meetings d’aviation». En 1910, une importante surface de landes est louée sur la commune de Mérignac, au lieu-dit Beau-Dé- sert (selon l’orthographe de l’époque) afin d’y orga- niser une grande semaine aéronautique. Pour y par- ticiper, le pilote Jean Bielovucic réalise la première liaison aérienne - Bordeaux en sept heures de vol réparties sur trois jours. Des compétitions quotidiennes ont lieu devant le public. Le président de la République, Armand Fal- lières, vient féliciter les participants.

Des tribunes en bois sont construites à Beau-Désert autour d’une piste d’envol circulaire. L’accès est payant.

Marcel Issartier. Affiche de la grande semaine d’Aviation de 1910 à Bordeaux.

De nombreux bordelais aperçoivent pour la première fois de leur vie un avion en vol et son pilote. Les hangars de Marcel Issartier. Ils se précipitent par dizaines de milliers au meeting aérien.

Marcel Issartier à Mérignac

En 1911, à 23 ans, Marcel Issartier achète un avion et s’installe d’abord à Villenave d’Ornon puis à Méri- gnac où il acquiert un terrain, à proximité de Beau- Désert, qui sera l’embryon du futur aérodrome. Après avoir animé de nombreux meetings dans la région, il est mobilisé. L’aviation, composante militaire balbutiante, connaît de nombreux accidents, notamment à l’entraîne- ment. C’est ainsi qu’Issartier trouve la mort au camp d’Avord en 1914. Les débuts 7

La Première Guerre mondiale

Une usine de construction aéronautique

La Première Guerre mondiale éclate. Loin du front, Les hommes sont partis à la guerre. la Gironde est mise à contribution dans l’effort de Les femmes guerre. Écoles de pilotage, de mécanique et champs entrent en nombre de tir se multiplient. Certaines usines de Bordeaux se dans les usines. lancent dans la production de guerre. En 1918, l’in- Ici elles procèdent dustriel De Marçay fabrique à Bacalan des SPAD VII. à l’entoilage des ailes d’avion.

SPAD VII.

Les Américains

Avril 1917 : les États-Unis déclarent la guerre à l’Al- lemagne. Le port de Bordeaux, éloigné des combats, Production de guerre constitue pour eux un point de débarquement privi- légié. Ils s’installent en Gironde sur plusieurs sites. En 1914, la France produit 600 A Beau-Désert, ils créent un hôpital desservi par voie fer- avions et 480 moteurs. En 1918, rée pour l’accueil des blessés avant leur rapatriement. ce sont 35.000 avions et 52.000 moteurs qui sortent des usines. La vitesse de pointe des appareils passe de 120 à 220 km/h et le pla- fond de 3.000 à 6.000 mètres. Le taux d’usure et de casse est très important : ainsi le jour de l’Armistice, il ne reste que 3.600 avions en état de marche. Les moteurs sont peu fiables : ils doivent être contrôlés toutes les trois heures de vol et leur durée de vie est limitée à moins d’une Ces avions vont recevoir leurs ailes, une hélice, une centaine d’heures. L’hôpital américain de Beau-Désert. mitrailleuse et partir au front. 8 1917 - 1920

Croix d’Hins connecté L’avion, mode de transport rapide vers les colonies avec les États-Unis

Ce bâtiment immense, entouré de huit pylônes, abrite une partie de la station radio de Croix d’Hins.

La nappe de câbles, accrochée aux pylônes de 250 mètres de haut, fait office d’antenne.

Croix d’Hins : la salle de production des 1909 : des terrains ont été achetés à Croix d’Hins, à mi-chemin arcs électriques nécessaires à l’émission entre la route Bordeaux - Arcachon et en bordure de voie ferrée, intercontinentale vers les États-Unis. pour en faire un immense champ d’aviation. Après quelques dé- boires, le projet est abandonné. Un obstacle important pour la navigation aérienne 1917 : les États-Unis entrent en guerre et le site est choisi pour ériger une très grande station de radiotélégraphie transocéa- nique qui permettra au corps expéditionnaire américain d’être en contact radio permanent avec ses dirigeants. Pour soutenir le champ d’antennes, le projet prévoit, entre autres, huit pylônes de 250 mètres de hauteur. 1918 : à la fin de la guerre, la construction n’est pas terminée et les travaux sont arrêtés. Ces derniers reprennent en 1919. 1920 : la station, dont la portée couvre le monde entier, est inau- gurée. Le premier message (en morse) envoyé peut être traduit ainsi : «A Département de la Marine, Washington. Ceci est le pre- mier message sans fil qui sera entendu dans le monde entier et qui marquera une étape sur la route du progrès scientifique. Station de radio Lafayette.» Car tel est le nom que lui avaient attribué les Américains.

Un Bulletin de la navigation aérienne de 1922 indique la position et la hauteur des 1944 : la station sera en partie sabotée par les Allemands. Les antennes de la station radio transatlantique de Croix d’Hins. antennes seront définitivement détruites plus tard. 1919 - 1926 9

L’avion, mode de transport rapide vers les colonies

Intense activité sur l’hy- drobase d’Antibes pour la Deux facteurs de croissance pour le liaison avec la Corse, en transport aérien attendant de prolonger la liaison sur l’Afrique du Le transport aérien se développe rapide- Nord. ment entre les deux guerres. D’abord pour que chaque Empire puisse déplacer rapide- Albert Brenet. ment les hauts fonctionnaires, civils ou mili- taires, vers ses colonies. C’est le cas pour la Grande-Bretagne, les Pays-Bas, la Belgique, la France, l’Italie... Par ailleurs, les entreprises étant prêtes à payer cher pour gagner du temps par rapport au bateau, l’acheminement du courrier de- vient une opportunité idéale pour l’aviation.

1920 : une ligne relie Bordeaux à Joindre l’Afrique malgré la Méditerra- Toulouse et Montpellier. Elle est arrê- née ? tée en 1922. A Toulouse, le courrier parisien Les avions étant peu fiables, les routes à arrive avec le train de nuit et décolle explorer doivent permettre de se poser en ensuite à destination du Maroc. urgence et de naviguer à vue avec des re- pères significatifs : le suivi de la côte et de ses plages fera l’affaire. Le relief est un autre obstacle au développe- ment des lignes : les avions volent alors très bas et doivent contourner les montagnes. 1919 : les premières liaisons aériennes per- mettent de joindre le Maroc depuis Toulouse, terrain de départ des lignes du précurseur Georges Latécoère. 1920 : Casablanca est reliée à la métropole. Le Maroc compte alors 80 000 européens et le voyage en avion ne dure que deux jours au lieu de cinq à dix pour le bateau ! Malgré sa publicité prometteuse de desservir 1925 : Dakar, à son tour, est reliée à la mé- l’Algérie en hydravion via Ajaccio, au départ tropole. La compagnie Latécoère transporte d’Antibes, la compagnie L’Aéronavale est en échec. sept millions de lettres cette année-là. Elle est absorbée par Air Union en 1926. 10 Les années vingt

Le courrier vers l’Amérique du Sud

Un courrier rapide avec surtaxe

Latécoère poursuit l’avancée de sa ligne postale vers le Maroc, l’Afrique noire et l’Amérique du Sud. 1928 : le courrier tra- verse en bateau l’At- lantique Sud dans sa partie la plus étroite et poursuit son ache- minement, à nouveau en avion, jusqu’à Bue- nos Aires, toujours en suivant la côte. A raison d’une liaison aérienne par semaine d’une durée de huit Déchargement du courrier et chan- à neuf jours, alors que la voie maritime nécessite gement de machine à Cap-Juby, au trois à quatre semaines, le gain de temps justifie sud de la Mauritanie, face aux Iles une surtaxe importante. Canaries. Les 13.600 km de la ligne nécessitent plusieurs machines 1932 : la ligne sera prolongée par-dessus la Cor- et plusieurs pilotes qui se relaient pendant plus d’une Géo Ham. dillère des Andes pour rejoindre le Chili, les avions semaine. navigant à vue comme sur le reste du parcours. Avec la crise économique de 1929, la compagnie aérienne, déjà rachetée en 1927, entrera en phase de liquidation en 1931. La procédure dure- ra jusqu’en 1933, année de fusion avec d’autres compagnies pour constituer la société anonyme Air Quel bilan global pour «la Ligne» ? Le prolongement sur Bordeaux France. La ligne postale vers l’Amérique du Sud La ligne postale vers l’Argentine part de Tou- transporte en moyenne 50 kg de cour- L’avion de bout en bout louse alors que Bordeaux a une très grosse rier par semaine en 1929, puis 100 kg en activité industrielle et de négoce maritime 1932 et 300 kg hebdomadaires en 1938. Le courrier est trié à bord des bateaux qui effec- avec l’Afrique noire et l’Amérique du Sud. tuent le trajet maritime Dakar - Natal. Ceux-ci En moyenne, sur près de vingt ans, la Aussi la Chambre de commerce de Bor- seront remplacés à partir de 1930 par quatre ligne sera subventionnée à hauteur de deaux, dès 1928, négocie un vol régulier vers bâtiments neufs et rapides. L’un d’entre eux est 78 %. Toulouse en correspondance avec la ligne construit à Bacalan. La traversée maritime ne du- postale desservant l’Afrique occidentale et De 1920 à 1939, 121 pilotes, mécani- rera plus que quatre jours et demi. l’Amérique du Sud. ciens et radios y perdront la vie ou dis- 1935 : finalement, l’étape maritime sera effec- paraîtront, soit un mort tous les 110 km. tuée en hydravion, puis en avion l’année suivante. 1920 - 1923 11

Acquisition de 1920. Acquisition de 1917.

La «station» de Bordeaux-Teynac

Terrain loué en 1910.

Sur cette photo aérienne récente figurent le terrain de la grande semaine d’Aviation de 1910, la surface acquise en 1917 et celle de 1920.

1917 : le ministère de la Guerre décide d’acquérir 60 Les 60 ha acquis en 1917 ha environ, là où Marcel Issartier s’était installé, sur sont représentés en grisé. la partie nord du domaine de Teynac. Ce lieu-dit se Carte de 1920. situe à l’emplacement des aérogares actuelles A et B. 1922 : la partie atterrissable passe à 600 x 600 m. Un centre d’entraînement des pilotes civils de réserve 1920 : pour mise en conformité avec le premier plan voit le jour. d’équipement national, le service de la navigation aérienne acquiert 34 ha de plus, mis en service une 1923 : des travaux de drainage sont réalisés. Un douzaine d’années plus tard. phare, de couleur blanche, émet la lettre «B», comme «Bordeaux», en morse : 3 s de lumière, puis L’aérodrome, public, est officiellement ouvert en 0,5 s d’occultation, 0,5 s de lumière, 0,5 s d’occul- décembre 1920 et classé dans la catégorie des «sta- tation, 0,5 s de lumière, 0,5 s d’occultation, 0,5 s de tions» aériennes. lumière et 4 s d’occultation. Il aide les avions à se Il offre initialement une distance atterrissable1 maxi- guider, trouver et identifier l’aérodrome. male de 400 mètres. Il est doté d’une manche à air, d’un T d’atterrissage et le centre de la zone d’atter- rissage est marqué par un cercle blanc de 60 mètres 1920 : seule la de diamètre. Il est équipé de trois hangars, de distri- partie droite bution d’essence et d’huile, d’un atelier, de maté- est utilisable riel de dépannage et d’une station météo régionale, avec une zone atterrissable reliée à Bayonne et Toulouse. quasi- 1921 : un quatrième hangar est ajouté, desservi par circulaire. une voie ferrée étroite. Un phare aéronautique fonc- Au centre de tionnant à l’acétylène peut être allumé à la demande l’aérodrome, pour guider les avions. Une cantine est ouverte. sont indiqués une carrière, deux mares et des pins. 1. Zone atterrissable, distance atterrissable : ces ex- pressions sont alors utilisées pour identifier la partie du champ d’aviation (en herbe) sur laquelle les avions peuvent atterrir sans dommage face au vent. 12 1920 - 1927

L’aérodrome et ses premiers utilisateurs

Des lignes aériennes éphémères Les écoles de pilotage locales Dans les années vingt, les compagnies aériennes lancent des lignes au départ de Bordeaux mais elles sont arrêtées pendant la mauvaise saison A son ouverture, l’aérodrome de Mérignac ou ferment rapidement : Bordeaux – Toulouse – Montpellier fonctionne accueille cinq écoles dont l’Aéro-club du Sud- de 1920 à 1922 et, plus tard, Paris – Bordeaux - Biarritz de 1928 à 1931. Ouest et l’école Kaplan avec Louis Bastié comme chef-pilote. Celui-ci épouse sa marraine de guerre, l’ouvrière Inauguration sur la ligne Maryse Bombec. Bordeaux - Toulouse - La ligne postale avec Montpellier. l’Amérique du Sud Les trois appareils disposent En 1929, avec une liaison heb- chacun d’une domadaire, le chargement de possiblité poste aérienne au départ de d’emport de Bordeaux varie de 30 à 200 kg deux passagers par mois. par vol. Ce courrier d’affaires, à desti- nation du Maroc, de l’Afrique noire et de l’Amérique du Sud, Maryse Bastié est transféré à Toulouse sur les qui établira par avions de l’Aéropostale. la suite de nom- breux records Le tronçon de ligne Bordeaux - aériens. Toulouse - Le Perthus est équi- pé de phares aéronautiques pour guider par mauvais temps les avions qui volent à vue, en suivant les lignes droites du canal du Midi, puis la côte du Roussillon. Bordeaux - Teynac, carte de 1927.

L’aérodrome en 1927 : peu de changements

Photo Le contour du terrain et les limites de la surface utilisable sont bali- aérienne sés. Un cercle est tracé au centre de la partie utilisée pour décoller et des atterrir. Le phare aéronautique est indiqué. Il est maintenant alimenté installa- à l’électricité. tions pos- térieure Quelques hangars sont rajoutés. La zone non aménagée reste impor- à 1927. tante. Des travaux de drainage vont avoir lieu pendant plusieurs années. 1927 - 1932 13

La construction aéronautique à Bacalan

Conjointement avec les premiers aéro-clubs et quelques Le Dyle et Bacalan compagnies aériennes éphémères, une troisième compo- DB70, trimoteur, fait son premier vol en sante investit l’aérodrome de Teynac, la construction aéro- 1929. Il comporte nautique. deux vastes cabines latérales réunies par Le concept de l’aile épaisse un salon de 30 m2 et peut accueillir 28 passagers. Les usines De Marçay, qui produisaient le SPAD VII, ferment leurs portes à la fin de la guerre. Lucio Perinotto Entre les bassins à flot et la Garonne, la société Dyle et Baca- lan emploie cinq mille personnes dans la construction métal- lique pour les chemins de fer et la marine. Pour se diversi- fier, elle se lance dans la construction d’avions à structure métallique. Ceux-ci sont transportés démontés jusqu’au terrain d’avia- tion de Cazaux initialement, puis à Mérignac par la suite où, remontés, ils font leurs vols d’essai. Quadrimoteur de construc- A la fin des années vingt, Dyle et Bacalan devient la Société tion bordelaise, le bombar- aérienne bordelaise, elle-même intégrée par la suite à la dier AB 20 fait son premier Société générale aéronautique. vol en 1932. Photo de famille à Mérignac, La recherche sur l’aile (très) épaisse est la particularité de avec le personnel. son bureau d’étude. Avec cette technique, on peut avoir ac- cès en vol aux moteurs et héberger équipage et passagers, non plus dans un fuselage, mais dans la partie la plus épaisse de l’aile.

Des marchés d’État pour prototypes

Dans l’entre-deux-guerres, l’État passe des marchés disso- ciés : le premier pour la fabrication de quelques prototypes sur des spécifications précises et ultérieurement le second, lorsque le prototype est retenu, pour la production en série. En fait, jusqu’au milieu des années trente, l’industrie bor- delaise décroche des marchés de fabrication de prototypes. Une douzaine de modèles différents sont lancés sans jamais déboucher sur une série. 14 1919

«L’avion est un moyen de transport rapide et cher pour gens peu pressés» (auteur inconnu)

Des pannes fréquentes pour un mode de transport balbutiant

Portés par l’enthousiasme de la fin de la Grande Guerre, les pilotes démobilisés disposant de nombreux avions en surplus contribuent à l’expansion de l’aviation, non sans difficultés : la mécanique casse fa- cilement, les phénomènes météo sont mal maîtrisés, les techniques de pilotage et de formation encore balbutiantes. L’État fait aménager de nombreux terrains de secours le long des axes aériens les plus fréquentés. Les pilotes naviguent à vue en s’appuyant sur les repères extérieurs : routes, villes, voies ferrées, rivières, canaux et leurs alignements d’arbres... Pour faciliter la navigation aérienne, certains hangars des En 1919, l’ex bombardier Farman chemins de fer portent sur leur toiture le nom de la ville. Goliath est utilisé sur la ligne Paris- Londres pour le transport de passagers. Cette liaison devient rapidement la plus importante au monde. Dialogue télégraphique avec le sol Albert Brenet Une émission en alphabet ou code morse est une succession de sons, brefs ou longs, (traits ou points) qu’une oreille exercée Manipulateur peut traduire en lettres ou chiffres. morse.

Le savoir-faire des opérateurs radiotélé- Sauvetage d’un hydravion en Méditerranée : grâce aux opé- graphistes constitue une spécialité à part rateurs au sol, prévenus par un SOS émis avant l’amerrissage entière. Le nombre d’avions emportant un Code morse. forcé, les sauveteurs arrivent à temps pour sauver le courrier opérateur radio est assez faible, les autres et l’équipage. circulent... sans contact radio ! Toutefois Albert Brenet. certains pilotes sans équipier disposent d’un émetteur radio qui transmet auto- matiquement, par sélection du pilote, l’un des quatre messages suivants : - TVB (tout va bien) ; - SOS ; - je suis au premier point de report de ma route ; - je suis au deuxième point de report. 1919 - 1928 15

De nécessaires règlements à faire appliquer

Cinq catégories d’aérodromes 1919 : vingt-sept pays décident de créer une Commission perma- Pour équiper les principaux axes aériens de terrains judicieusement nente internationale de la naviga- espacés, cinq catégories d’aérodromes sont créées : le terrain de tion aérienne (CINA). Chaque avion secours, la halte, doit avoir une nationalité et une la station, la gare immatriculation commençant, en et le port (aérien). France, par la lettre F. Au sein d’un Organisme de coordi- nation générale de l’aéronautique, le Service de la navigation aérienne organise la mise en œuvre d’infras- tructures adaptées à la nouvelle aviation civile commerciale (ter- rains de secours, phares aériens, premières stations TSF...). Il réglemente la navigation aé- rienne et publie dès 1920 un « Bul- Pour chaque catégo- letin de la navigation aérienne » Bulletin de la navigation aérienne n°14, rie d’aérodrome il est mensuel pour les usagers. Celui-ci mai 1921. contient les évolutions de la régle- précisé les services à mentation française et les cartes installer et le nombre couvrant l’Europe et les colonies. de hangars souhaitables.. 1921 : un décret spécifie les moda- lités de recrutement, d’instruction et les responsabilités des diffé- rentes catégories de personnels. L’État nomme sur chaque terrain, y compris dans les colonies, un com- Le commandant mandant d’aérodrome capable de d’aérodrome est résoudre seul les problèmes. Il est un fonctionnaire assisté par un gardien, son homme civil. Il porte à tout faire. un uniforme, Le code Q adopté au plan international Des stations météo y sont créées symbole de sa fonction pour les progressivement. D’anciens mili- 1928 : le développement de la radio-télégraphie (le morse) usagers et les taires de la marine, spécialistes entre avions et services au sol justifie l’adoption du code Q, autres parte- des télécommunications en morse, code international de messages en trois lettres commençant naires locaux. sont embauchés comme opérateurs tous par Q, ce qui permet de raccourcir les messages et de radio pour assurer la sécurité des s’affranchir en Europe des problèmes de langues. vols. Par exemple, «QBA ?» signifie :»quelle est la visibilité hori- zontale sur votre aérodrome ?» 16 aller plus loin

La convention relative à la navigation aérienne de Paris, 1919.

Pendant la Première Guerre mondiale, a été créé, entre A la fin de la Deuxième Guerre mondiale, les diffé- Sept annexes autres, un Comité Interallié d’Aviation réunissant la rents États se concerteront à l’initiative des États-Unis France, la Grande-Bretagne, les États-Unis et l’Italie. et créeront l’Organisation de l’Aviation civile interna- Les annexes détaillent, entre autre, La fin de la guerre donne lieu au Traité de Versailles tionale, l’OACI, un peu plus influencée par les anglo- signé en 1919 ; celui-ci contient notamment la liste saxons, qui prendra la suite de la Convention de 1919. - les feux et signaux (avions, dirigeables…) ; des compensations que devra payer l’Allemagne vain- cue. Dix chapitres - un code de la circulation pour éviter les collisions en l’air ; En marge de ces réunions, émerge l’idée que les États Cette convention de Paris contient dix chapitres et des doivent s’accorder sur des règles communes pour la annexes. Il y est précisé notamment : - les règles de signalisation sur les aérodromes navigation des aéronefs, pour éviter ainsi les contro- (manche à vent, etc.) et les bonnes pratiques (partage verses et développer les communications internatio- - les règles de nationalité et d’immatriculation des de la surface entre avions au décollage et avions à nales dans un but pacifique. avions (qui commence en France par un F) ; l’atterrissage) ;

Une convention internationale, la CINA, est mise au - le principe de navigabilité des avions et de brevet - les spécifications des cartes (altitudes en mètre, point et devient applicable en 1922 lorsque quatorze d’aptitude pour les équipages. Ainsi, tout avion de reproduction des routes et villages, indication des États ont, chacun de leur coté, ratifié le texte. transport public de dix places ou plus devra être équi- phares maritimes et terrestres, etc.) ; pé de la radio ; Néanmoins un certain nombre d’États ne participent - les codes et renseignements à fournir concernant la pas, notamment ceux qui étaient restés «neutres» mais - la création d’une commission internationale de navi- météo ; aussi le « vaincu », l’Allemagne. Des démarches pour gation aérienne permanente chargée notamment de les associer seront entreprises par la suite. l’évolution des annexes. - les services de douane, etc.

Gestion des mouvements sur un aérodrome : hématique de e sc l’a ètr éro extrait de la Convention de Paris im dr ér om P e Tout aérodrome sera virtuellement divisé en trois zones pour un Direction observateur placé face au vent. du vent Les principes énoncés dans La zone de droite sera la zone de départ et la zone gauche celle la Convention sont ceux qui d’atterrissage ; entre ces deux zones, il y aura une zone neutre. vont régir l’aérodrome de Zone Zone Zone Mérignac pendant près de Un avion voulant atterrir devra le faire aussi près que possible vingt ans. de la zone neutre, mais en se plaçant à la gauche de tout autre d’atterrissage neutre de départ avion qui aurait déjà atterri. Ayant ralenti sa marche ou ayant fini Les textes locaux précise- de rouler sur le sol, l’avion doit se rendre immédiatement dans la ront comment doit se pas- zone neutre. ser la circulation entre les parkings des avions et les De même, un avion qui s’enlève (sic) le fera dans la partie la plus zones d’atterrissage et de à droite de la zone de départ, tout en se maintenant franchement départ, ainsi que les moda- à gauche de tout autre avion en train de s’enlever ou sur le point lités de traversée de la zone de le faire. neutre. 17 Raymond Vanier, entré comme pilote sur les lignes Latécoère, est nommé chef d’aéroplace à Malaga. Il doit faire fonctionner cette escale sur la ligne reliant Toulouse au Maroc. A ce titre, il a la responsabilité de tous les dépan- nages dans son secteur. Extraits de son livre «Tout pour la Ligne» paru aux Editions France-Empire. 1922 : panne et remise en état sur la plage «Avec Porcher cette fois, je partis le 19 octobre 1922 dans ce tonneau des Danaïdes. pour mon cinquante-quatrième dépannage. Nous nous étions posés sur la plage de Balerma1 d’où le pilote en Çà marche à nouveau, avec des fuites panne avait continué avec notre avion et le courrier vers Malaga. Des gouttes suintèrent bien çà et là mais l’eau se main- tint suffisamment pour que nous puissions faire tourner Nous incombait la tâche de ramener au bercail le moteur. Il répondit assez bien aux sollicitations du l’avion immobilisé qui se prélassait sur la large grand Porcher, un gaillard d’un mètre quatre-vingts bande de sable poudreux dans lequel nous enfoncions au moins, sec et nerveux et entraîné au lancement de en marchant, car jamais l’eau de la Méditerranée ne l’hélice à la main. venait le recouvrir. ment je contrôlais le thermo qui montait petit à Ce fut un soulagement quand, après deux ou trois petit; rien de grave jusqu’à 75°, mais cette montée - Bon courage et bon tortillard, nous avait souhaité le essais, les pétarades jetèrent l’affolement parmi nos continuant, je réduisis le régime du moteur et lais- pilote en nous laissant. spectateurs. Ceux restés derrière l’avion reçurent le sai l’appareil glisser sans le moindre effort vers la - Pourquoi ? sable à pleine bouche et à plein nez ; nous avions eu plage de Calahonda. Nous avions volé quarante- assez de mal à éloigner les imprudents qui s’exposaient cinq minutes et passé la région montagneuse et - C’est une vraie passoire, l’hélice s’est calée à l’atter- à l’avant sans encore nous occuper des autres... accidentée de La Rabita. rissage, le moteur est sûrement grillé et, comme on dit, j’en passe et des meilleures. Notre travail paraissait efficace, le moteur tournait à 95°, dans un nuage de vapeur, nous nous posâmes peu près correctement mais il pulvérisait assez d’eau hélice calée ; il était temps ! Un moteur très fatigué pour nous laisser craindre l’inutilité de nos efforts. La foule arriva sympathique et curieuse, nous en- - On peut arranger ça, dit Porcher. Au premier examen nous découvrîmes que le radiateur tourant et parlant de désastre ; c’était le terme le était ouvert, les fentes des alvéoles ne laissaient aucun La nuit tomba alors que nous étions encore à serrer plus souvent employé quand un appareil se posait doute mais quand nous eûmes enlevé les capots nous des colliers et nous acceptâmes l’offre d’aficionados en dehors d’un aérodrome. nous trouvâmes devant une véritable catastrophe : qui nous proposaient une place dans leur tartane2 pour Pendant que nous resserrions des colliers et marte- presque toutes les chemises d’eau des cylindres avaient rejoindre le village. lions quelques soudures, ces gens nous apportèrent d’anciennes soudures éclatées ou fondues, les durites 3 A l’auberge le repas ne fut pas monotone, une tren- des estagnons d’eau claire et à 14 h 50 nous re- de caoutchouc étaient desséchées ou recroquevillées. taine de muchachos ou muchachas nous contemplèrent partions, gagnant Motril, où nous étanchâmes une Malgré tout cela l’hélice bougeait sans effort et rien avec l’intérêt extasié du jamais vu et à la fin du repas nouvelle fois la soif inextinguible de notre appareil. dans l’intérieur du moteur refroidi ne paraissait grip- des jeunes gens nous offrirent des cigares. Quitter ces Retour par sauts de puces pé. Nous nous mîmes au travail car, pas plus que moi, hôtes accaparants ne fut pas facile, il était 23 heures, Porcher ne tenait au retour par le train ; il ne fallait mais pour eux la soirée ne faisait que commencer. A 17 heures, dans la chaleur et dans le dernier guère moins de quarante-huit heures de tortillard pour Le lendemain, dès 5 heures du matin, nous étions au essoufflement du moteur nous touchâmes enfin Ma- regagner Malaga. travail et au milieu de la matinée je décidai de tenter laga. Porcher redressa sa grande carcasse, nous Nous étions, comme toujours, entourés d’une multitude l’aventure. Un dernier essai du moteur avec Porcher nous serrâmes la main, contents d’avoir gagné.» de gosses que cette machine volante, la première qu’ils se tenant prêt à compléter le plein du radiateur juste voyaient d’aussi près, intriguait fort. Je les laissais ap- avant le décollage. procher avec sympathie, me rappelant combien j’avais (1) : Balerma est situé sur la côte près d’Alméria, à regretté d’être tenu à l’écart des avions de Janoir au Piloter, l’œil sur le thermomètre environ 130 km au nord-est de Malaga. champ de manœuvre des Groues à Orléans. Salué par les applaudissements de la foule, je quittai (2) : une tartane est un bateau à voile latine. Nous nous acharnions à souder, colmater, maroufler, Balerma, l’œil fixé au thermomètre, mettant le cap au (3) : un estagnon est un récipient métallique destiné avec pastilles, boulons, soudure, étoupe, colliers et, à plus court vers la première plage aperçue au loin et à recevoir des liquides, de l’huile et des essences la nuit tombante, nous essayâmes de mettre de l’eau paraissant propice à un atterrissage forcé. Fréquem- principalement. 18 Les années trente

Le grand saut en avant de la nouvelle décennie

L’aviation civile est apparue réellement à partir de 1919 ; la décennie des années vingt a été celle des bal- butiements et des désillusions. Les années trente sont marquées par des avancées importantes. Le pilotage sans visibilité

Dans les années vingt, le pilote conduisait son avion la tête dehors. En l’absence d’instruments de bord adap- tés, le vent sur le visage était un précieux indicateur. Les évolutions technologiques de la nouvelle décennie permettent progressivement de voler en sécurité par mauvaise visibilité. Navigation et radionavigation

Les services au sol, équipés petit à petit de radiogonio- mètres, indiquent, sur demande de l’équipage, la posi- tion relevée de l’avion. Les phares aéronautiques sont déployés en nombre pour faciliter la navigation de nuit. Avion ou hydravion ?

Au fur et à mesure que les réseaux aériens s’étendent, se pose un grand débat : quel est le meilleur moyen de survoler les océans, l’avion ou l’hydravion ? Les risques et les réglements

Pour se faire un nom, certains pilotes s’étaient lancés un peu partout dans le sensationnel : à Bordeaux, en 1924, un avion avait atterri sur la place des Quinconces, et en 1925 Maryse Bastié passait en rase-motte sous les câbles du transbordeur en construction. Nombre de pilotes trouvant la mort lors d’évolutions aériennes ris- quées, la réglementation doit sans cesse s’adapter. Et l’aérodrome de Mérignac ?

Dans la deuxième partie des années trente, l’aéro- drome connaît un développement important avec la construction de deux pistes en dur, d’une grande base militaire, d’une aérogare civile moderne et de très grands hangars. Le montage et les essais en vol d’avions La partie centrale de l’aérogare inaugurée en 1937, vue depuis les neufs génèrent une grosse activité. terrasses du premier étage. Au fond à droite, l’un des deux grands hangars. 1931 - 1932 19

1932 : les ramifications des nouveaux réseaux aériens

Europe et Afrique du Nord Dans le monde

Le trafic aérien s’étend sur l’Europe centrale. L’axe le plus L’Europe et les États-Unis constituent les zones les plus denses. Les puis- fréquenté va de Londres à Paris, Lyon et Marseille. Il se dis- sances coloniales lancent leurs tentacules vers leurs possessions outre-mer. perse ensuite sur le pourtour de la Méditerranée, contournée à l’ouest et à l’est, pour rejoindre l’Afrique du Nord. Une ligne nouvelle relie bientôt directement Marseille à Alger. Bordeaux et Toulouse demeurent toutefois à l’écart de ce réseau.

Air Orient assure aussi une fois par semaine la ligne Paris – Saïgon en dix-sept étapes sur huit jours : cinq étapes en hydravion entre Marseille et Beyrouth, une en automobile de Beyrouth à Damas, et onze étapes en avion de Damas à Saïgon. Cette ligne assure une double liaison coloniale, vers le Liban et la Syrie sous administration française, mais aussi vers l’Indochine. La même année, KLM relie Amsterdam à Batavia (Jakarta) en douze jours.

Les transatlantiques améliorant régulièrement le record de temps de traversée, le « ruban bleu », le catapultage perd rapidement de son intérêt. Les aérodromes français les plus fréquentés L’Amérique du Nord Albert Brenet. hors de portée Sur les mois de juillet, août et septembre 1931, le nombre de mouvements quotidiens d’avions est en L’Amérique du Nord n’est re- moyenne de 40 au Bourget, quinze à Marseille et dix liée à l’Europe que par bateau. à Lyon. Pour gagner du temps, un hy- dravion embarqué est catapul- Le nombre moyen de passagers quotidiens (arrivées, té avec les sacs postaux quand départs et transits) est de 200 au Bourget, vingt à Mar- le navire n’est plus qu’à une seille et quinze à Lyon. journée de l’arrivée. Le trafic postal moyen quotidien est de 450 kg au Bour- Ceci permet au courrier en get, 200 kg à Marseille et 150 kg à Casablanca. réponse d’être prêt pour le départ du paquebot au retour. 20 1931 - 1935

Changement d’échelle pour Teynac

Phare émettant la Projecteur d’atter- La Chambre de commerce de Bordeaux prend ses marques lettre «B» rissage 1928 : la Chambre de commerce avait 1932 : après avoir confié à l’architecte demandé, comme ses consœurs de Lyon Cyprien Alfred-Duprat la conception et de Marseille, que l’exploitation de d’une aérogare, la Chambre démarre l’aérodrome lui soit concédée. L’État rapidement la construction d’un grand l’encourage à acheter des terrains pour hangar de 6.000 m2, loué en 1934 à un agrandir l’aérodrome. constructeur d’avions, la SAB, Société aéronautique bordelaise, puis à ses suc- 1931 : un décret lui assure pour cin- cesseurs. La construction d’un deuxième quante ans la gestion commerciale de hangar et de l’aérogare débute ensuite. l’aérodrome.

1935 : la partie utilisable de l’aérodrome devient un polygone. Au centre, le cercle indique le centre de la zone atter- «T» mobile et rissable (en herbe). lumineux ; il Ce cercle et l’indication indique le sens «Bordeaux» sont peints d’atterrissage. au sol. 1931 : la partie utilisable de l’aérodrome est délimi- Deux manches à air, indi- tée par une série de balises parcourant le milieu du quant le sens du vent, sont terrain en zigzag. Dans la pointe gauche du terrain, placées au nord à côté des un champ d’antennes culmine à 28 mètres. hangars. Sur la gauche, figurent en noir les deux grands han- gars et la future aérogare en construction.

Sur cette photo prise en 2010 figurent : - en haut, à droite, en blanc, les surfaces utilisées par le Des acquisitions foncières importantes meeting de 1910, - en haut, couleur saumon, le 1928 : la Chambre de commerce et le ministère de l’Air terrain utilisé en 1931, achètent 124 hectares. En 1935, 140 hectares de plus sont - au centre, en rouge, les 124 ajoutés pour l’installation de deux escadres militaires. La hectares acquis en 1928, surface de l’aérodrome est ainsi multipliée par quatre. Ces - en bas, couleur mauve, les extensions ne seront utilisées pour les mouvements d’avions 140 hectares de l’extension qu’à partir de 1937. de 1935. 1936 21

Navigation à vue, sur l’aérodrome comme en croisière

Décollages et atterrissages gérés par si- gnaux visuels

Les textes locaux reprennent la réglementation na- tionale en matière de circulation aérienne. Le terrain d’atterrissage de Teynac étant entière- ment engazonné, sans aucune piste, l’atterrissage Pylônes de signalisation se fait en principe face au vent, dont la direction à destination des équipages est indiquée par la manche à air. Un pylône, avec utilisés réglementairement dans une boule rouge et blanche, ou avec une pyramide, les années trente. peut être utilisé pour signifier qu’il y a d’autres contraintes à prendre en compte. Tous les avions décollent et se posent en assurant leur propre sécurité. Il n’y a pas d’échange radio avec le sol. Si nécessaire, un triangle vert de trois mètres de côté (lumineux la nuit) indique que l’at- terrissage est autorisé. Un triangle de couleur rouge interdit l’atterrissage. Il peut aussi être remplacé par un faisceau lumineux émis par un projecteur en direction de l’avion : le faisceau, tout comme le triangle, est alors allumé et éteint selon le code morse en reprenant certaines lettres de l’indicatif de l’avion concerné. Composants règlementaires de l’aire à signaux, lumineux la nuit : un «T» d’atterrissage, un triangle vert, un triangle rouge, La nuit, le dispositif est complété par trois barres un carré «Attention» et trois barres indicatrices de la vitesse lumineuses, espacées de trois mètres, dont l’allu- du vent. mage, partiel ou total, permet d’indiquer les plages de vitesse du vent.

Deux phares aéronautiques en service

1936 : est installé au Haillan, à 1500 m au nord de l’aérodrome, un phare portant à 80 km par nuit claire. Alors que le phare situé sur l’aéroport cli- Carte gnote en blanc au rythme de la lettre «B» en morse de 1932 et porte à 40 km, celui du Haillan (situé rue Tous- situant saint Catros) produit trois éclats blancs toutes les les phares cinq secondes, deux éclats groupés et un éclat isolé. aéronau- Il est utilisé pour la navigation à longue distance. tiques en Près de deux cents phares aéronautiques seront pro- France gressivement installés en France avant la Seconde métropo- Guerre mondiale. litaine. 22 Les années trente

La radiogoniométrie progresse, le pilotage sans visibilité débute

La radiogoniométrie se généralise dans toute la France Une innovation importante : le pilotage sans visibilité (PSV) En l’air, une visibilité médiocre liée au tenne et repère, par rapport au Nord, dans mauvais temps ou, au contraire, à un soleil quelle direction le signal de réception est éblouissant, ne permet pas aux équipages le plus fort. Dans les années trente, les compagnies aériennes de repérer leur position. Où sont-ils ? Sur s’équipent pour le PSV. Il consiste à présenter en per- leur route ou bien décalés par le vent ? Il communique alors à l’équipage (toujours manence à l’équipage, sur le tableau de bord, une Quel cap prendre pour arriver à destina- en morse) le nom de sa station (Biarritz, référence verticale et horizontale, particulièrement tion ? par exemple) et l’angle sous lequel il reçoit utile quand l’avion vole dans le brouillard, les nuages l’émission. L’équipage peut tracer sur sa ou la nuit. Depuis le milieu des années vingt, sont im- carte l’axe (le relèvement) sur lequel il se plantés progressivement sur les aérodromes situe par rapport à la station. Dans le même temps, certains avions nouveaux sont des radiogoniomètres («gonios» dans le lan- équipés de train rentrant, ce qui permet d’augmenter gage aéronautique). Ce sont de grandes Si l’avion reçoit un deuxième relèvement la vitesse en croisière. Les hélices sont dotées d’un antennes en forme de cadre (hexagonal sur d’une autre station gonio, il peut détermi- pas variable améliorant leur rendement dans les dif- la photo ci-dessous) qui peuvent tourner ner sa position sur sa carte, à l’intersection férentes configurations de vol. Enfin, les volets hyper- autour de leur axe vertical. des deux relèvements. sustentateurs font leur apparition, ce qui augmente la Dans la première partie des années trente, performance des ailes, notamment à l’atterrissage et L’opérateur radio, qui travaille en morse au décollage. avec les équipages sur la même fréquence la station de Bordeaux-Teynac n’est pas pour toute la France, reçoit une émission équipée de ce matériel. Au total, la sécurité et la régularité des vols par mau- continue de trente secondes pendant la- 1936 : un gonio entre en service sur l’aéro- vais temps sont améliorées et les performances glo- quelle il fait pivoter manuellement son an- drome à l’occasion de son extension. bales des avions progressent notablement.

Intérieur d’une station gonio impor- tante, Antibes, qui assistait les avions au-dessus de la Méditerranée. L’opérateur radio, assis au bureau, fait Tableau de bord équipé PSV. pivoter lentement Rangée du haut à partir de la gauche : le mât supportant - indicateur de vitesse horizontale (en km/h), l’antenne et déter- - horizon artificiel (entouré en jaune, fondamental pour le PSV), mine, dans ses écou- - indicateur de vitesse verticale (en m/s). teurs, la direction de Rangée du bas : l’émetteur. - altimètre (en m), compas, bille/aiguille. 1934 - 1936 23

L’armée de l’Air, tout juste créée, s’installe sur l’aérodrome

Sur ce plan-projet non daté, le Nord n’est pas orienté vers le haut comme c’est l’usage aujourd’hui, mais vers la gauche. Deux de ces hangars seront Les douze hangars militaires sont démolis après la Seconde Nord représentés : quatre en haut de la carte Guerre et les deux autres reste- et quatre en bas, de couleur verte ; les ront debout jusqu’aux années quatre derniers figurent à droite, trois 90. Aujourd’hui, la zone fret Route Bordeaux - en couleur bleue et un en orange. est installée à leur place. Cap Ferret.

1934 : une loi prévoit de regrouper les forces aériennes militaires au sein d’une nouvelle entité, l’armée de l’Air. Des bases aériennes nou- velles sont créées. 1935 : l’État achète 140 ha de plus en vue d’installer deux escadres militaires. 1935 : un programme de construc- tion de douze hangars à usage militaire, de 66 par 70 mètres, est lancé. A cette époque, tous les avions sont systématiquement stationnés dans des hangars lorsqu’ils sont inutilisés.

La base militaire

1936 : la base de Beutre est offi- ciellement implantée sur une par- tie comprise entre l’aérodrome existant et la route Bordeaux - Cap Ferret. L’armée de l’Air devient alors af- fectataire principal du terrain, les civils étant affectataires secon- daires. La base aérienne accueille les 19émeet 21ème Escadres équipées de Léo 206, puis de MB 200 et MB 210, Partie de l’aérodrome Quatre autres hangars : Zone vie de la base aérienne ces deux derniers types d’avions en service au début des inutilisables après la Libé- (Beutre). Les quatre hangars, étant construits dans les usines de années trente. ration, ils seront recons- situés côté piste, seront démolis Bacalan. truits. après la guerre. 24 1935 - 1939

Marcel Bloch reprend les usines aéronautiques

En l’absence de commandes d’État pour ses avions à aile épaisse, la SAB, industriel local, étudie d’autres modèles, sans plus de résultat. Elle dépose le bilan. 1935 : un groupe comprenant les avions Le MB 220 constitue en 1937 la Henri , la CAMS (Chantiers aéromari- réponse de Marcel Bloch aux DC-2 times de la Seine) et la société des avions et DC-3 d’outre-atlantique. Entiè- Marcel Bloch reprend les activités de rement métallique, doté d’un train construction aéronautique de Bacalan. Mar- rentrant, cet avion sera construit à cel Bloch, alors âgé de 43 ans, est déjà bien seize exemplaires et équipera Air connu dans l’aéronautique : il a notamment France sur son réseau européen. dessiné et produit une hélice performante Le MB 200 est un bombardier dès 1916. bimoteur à aile haute dont 26 exemplaires seront fabriqués à La nationalisation des industries Bordeaux à partir de 1935. 1937 : comme toute l’industrie de l’arme- ment, ce nouveau groupe, propriétaire des usines de Bacalan, est nationalisé et inté- gré dans la SNCASO, Société nationale de construction aéronautique du Sud-Ouest. Marcel Bloch en devient l’administrateur délégué. Les ateliers de Bordeaux produisent en cinq ans plus de quatre cents avions, civils et militaires, d’une dizaine de types différents. Le Bloch MB 21O est dérivé du MB 2OO, Les essais et réglages sont réalisés sur l’aé- avec de nombreuses modifications amélio- rodrome de Mérignac. rant l’aérodynamique, comme par exemple le train rentrant. Bombardier bimoteur à aile Pendant la guerre, Marcel Bloch sera dépor- basse, les usines de Bacalan en produisent té à Buchenwald en raison de ses origines et 50 exemplaires à partir de 1936. Le Bloch MB 152 est fabriqué à plusieurs changera son nom de famille en Dassault à centaines d’exemplaires à partir de 1939. la Libération. 1935 - 1939 25

Six jours sur sept : la régularité des vols de la Postale

La poste aérienne s’est rapidement développée Le réseau utilise le Goéland, bimoteur, plus dans le monde et notamment à l’intérieur des sûr pour les vols de nuit. C’est le succès pour Air États-Unis. Pourquoi ne pas aussi utiliser l’avion Bleu, même si la ligne postale Paris - Lyon – Marseille pour le courrier à l’intérieur de l’hexagone ? a été réservée à qui transporte des passa- gers sur cette ligne. Didier Daurat et quelques autres défricheurs de ligne sur l’Amérique du Sud vont se lancer dans A Bordeaux, six nuits sur sept, les avions en prove- cette nouvelle aventure. nance de Paris et de Pau se croisent et déchargent leurs sacs postaux. L’aéroport de Bordeaux a en- 1935 : une première tentative relie de jour fin une ligne quotidienne, avec plusieurs mouve- Paris à Strasbourg, Lille, Le Havre, Nantes, Bor- ments par jour, dans les conditions de régularité deaux et Toulouse. exemplaire. Mais en 1939 d’autres événements Malgré une régularité remarquable des mono- vont perturber le transport aérien... moteurs Caudron Simoun, les quantités trans- Le Caudron Goéland est un bimoteur portées restent dérisoires, démontrant qu’un La première léger, en bois et contreplaqué, équipé de transport aérien postal de jour et surtaxé n’est version du moteurs Renault. Premier vol en 1935. pas viable. réseau postal, de jour, Dessin sur calque de Géo Ham. 1937 : une deuxième tentative est lancée de comporte de jour, mais sans surtaxe aérienne, entre Paris et nombreuses le Sud de la France. Échec à nouveau. escales. 1939 : la troisième tentative est réalisée par vols de nuit, ce qui permet au courrier postal d’être collecté le soir et distribué dès le lende- main matin. Sur les huit premiers mois de 1939, 518 tonnes de courrier sont transportées.

Les escales ne durent que quelques minutes, les véhicules de la Poste rejoignant l’avion, le Cau- dron Simoun, sur la piste. Philippe Mitschké

La 3° version du réseau postal de nuit se concentre sur les liaisons de nuit les plus longues où le gain de temps sera le plus important. 26 Les années trente

Le Latécoère 521 Les années trente connaissent une évolution ra- dispose de six dicale des performances des avions en terme de moteurs, les nacelles vitesse, de charge, de plafond et d’autonomie les plus proches du si bien que les appareils deviennent obsolètes fuselage contenant très rapidement. Chacun sait que les distances deux moteurs et infranchissables en 1935 seront vaincues à un deux hélices, l’une horizon rapproché. L’Atlantique Sud commence à l’avant, l’autre à à être survolé toutes les semaines. l’arrière de l’aile. La translation de Sur l’Atlantique Nord, l’Allemagne exploite une l’hydravion de l’eau ligne commerciale en dirigeable qui est arrêtée sur la terre nécessite après plusieurs explosions en vol. A quand les des installations aéronefs entre l’Europe et les États-Unis ? D’au- particulières : plans tant que sur cet axe les nombreux passagers de inclinés, cabestans, première classe des paquebots constituent une chariot porteur sur clientèle potentielle pour l’avion, prête à payer rails. pour gagner du temps.

Géo Ham Avion ou hydravion : un débat sans concession

Toutes les compagnies aériennes ont les yeux fixés sur ce créneau. Les ambitions de l’hydraviation à Biscarrosse Mais quelle sera la bonne for- mule, l’avion ou l’hydravion ? Les partisans de chacun des deux modes de trans- port s’affrontent. L’avion est limité en charge du fait qu’il décolle de terrains en herbe. Au-dessus des océans, compte-tenu des nombreuses pannes de moteur, il n’offre pas la garantie de pouvoir flotter en attendant les secours. L’hydravion bénéficie, quant à lui, de surfaces de décollage très répandues (les étendues d’eau). Il n’est pas limité en charge au décollage. Il peut amerrir en cas de panne. Par contre, ses perfor- mances aérodynamiques sont limitées. Les revues spécialisées publient régulièrement des dossiers argumentés en faveur de l’avion ou, à l’inverse, de l’hydravion.

Le Latécoère 521, fabriqué à Toulouse, est transporté démonté jusqu’à Biscarrosse où sont effectués les essais et testés les différents itinéraires vers l’Amérique du Nord. Il peut emporter 70 passagers assis ou une quarantaine en couchettes. Les deux rangées de hublots correspondent aux deux ponts.

Géo Ham 1936 - 1940 27

La route des États-Unis passe-t-elle par Mérignac ?

Toutes les routes long-courriers fran- Les réseaux aériens Première manche pour l’avion sur çaises suivent alors les côtes : suivent les côtes à l’ex- l’Atlantique Sud pour se poser en urgence ception de la traversée de sur l’eau ou sur la terre, l’Atlantique Sud. Sur la ligne postale française vers l’Amérique du le continent reste ainsi à Sud plusieurs types d’avions sont essayés succes- proximité de l’itinéraire. sivement : c’est le Farman 2200, quadrimoteur, Seul océan franchi, l’At- et ses dérivés qui s’impose, réalisant 366 traver- lantique Sud est survolé, sées de 1936 à 1940 mais en ne transportant que mais uniquement pour du courrier. transporter du courrier, sans passager... Quelles routes pour le «Far West» ? Pour l’Atlantique Nord, il faut trouver les escales : au large de la péninsule ibérique, il y a les Açores qui appartiennent au Por- tugal. Et plus loin, plus au Nord, Saint-Pierre et Miquelon est une possession française... Il reste à concevoir l’hydravion et courtiser le Portugal pour négocier un droit d’es- cale. Quant au départ de France, on dit que le plus proche de l’escale des Açores, c’est le Les premières caméras sont utilisées pour les actualités cinématogra- Sud-Ouest. Ce sera «B...» phiques. Elles enregistrent ici l’avion au départ du Bourget vers l’Amé- comme Bordeaux ou rique du Sud. C’est un Farman 2231. «B...» comme Biscar- rosse ? Albert Brenet En 1937, les vols d’essai montrent que Deuxième manche pour l’hydravion sur le Laté 521 ne peut l’Atlantique Nord assurer les multiples étapes de la traver- Mai 1939 : surprise, Pan Am ouvre la première sée que si la météoro- ligne transatlantique en hydravion, avec escale logie est favorable. aux Bermudes (possession anglaise), aux Açores Trois projets d’hydra- (escale négociée avec le Portugal), Lisbonne et vions géants, dotés d’une arrive à Marseille ; avec du courrier uniquement autonomie plus importante, sur les premiers vols, puis avec passagers. Position des Açores, des Ber- sont lancés avant la guerre chez Un mois plus tard, Pan Am ouvre une autre route les industriels français. mudes et de Saint-Pierre et Miquelon vis à vis de la route sur l’Atlantique Nord vers Southampton via Terre- Paris - New-York. Neuve. 28 1935 - 1938

Mérignac devient le «port aérien» de Bordeaux

Au premier étage, de la gauche vers le centre : Au premier étage, de la droite vers le centre : - le grand bureau du président de l’aéro-club du Sud-Ouest ; le restaurant ; - le chef radio, le radio avion et le radio-télétype. Au deuxième étage: la buvette.

Au rez-de-chaussée, de la gauche vers le centre : Dans la partie centrale (la rotonde vitrée) : Au rez-de-chaussée, de la droite vers le - la météorologie ; - au rez-de-chaussée, le chef de piste ; centre : - le bureau d’Air France ; - au premier étage, le chef de port, son adjoint et le secrétariat ; - le bar ; - la salle d’attente ; - au deuxième étage, la vigie, ; - la douane ; - les portes pour les départs. - au sommet, le phare aéronautique. - les portes pour les arrivées.

1935 : les travaux de construction Teynac». Il accède directement à 1937 : L’aérogare de Mérignac est Tous deux considérent que la base de l’aérogare commencent. Le la plus haute classification dans la inaugurée par le ministre de l’Air, aérienne contribuera ensuite au hangar n°1 (6 000 m2) est livré tan- hiérarchie aéronautique française Pierre Cot. commerce local. dis que débute la construction du et devient «port aérien de Bor- 1938 : la ville de Bordeaux parti- hangar n°2 (3 740 m2). deaux-Mérignac», au même titre cipe à la construction de la base 1936 : L’aérogare est terminée. que Le Bourget et Marseille, sau- aérienne militaire à hauteur de L’aérodrome abandonne le statut tant l’échelon intermédiaire de sept millions et demi de francs. de «station aérienne de Bordeaux- «gare aérienne». Le Conseil général fait de même. 29

Au premier plan, un DC-2 de la compagnie espagnole qui exploite la ligne Paris - Madrid avec escale à Bordeaux. Au deuxième plan, son concurrent d’Air France, un Potez 62.

Une ligne internationale dessert momentanément Bordeaux

La ligne Paris - Bordeaux - Madrid, ouverte en 1929 à la belle saison, avait été arrêtée en 1931. Elle reprend en 1935, Air France envisageant de la prolonger vers Lisbonne pour de futures liaisons transatlantiques. Cette ligne fonctionne un an avant d’être à nouveau interrompue par la Guerre civile espagnole Vues sur l’aérogare et sur le hangar n°2. qui sera suivie de la Deuxième Guerre mondiale. Le hall de l’aérogare. Au fond, les baies lumineuses donnent sur la piste. A gauche de l’escalier hélicoï- Il faudra attendre la Libération dal, les arrivées et à droite, les départs. pour voir de nouvelles lignes internationales à Bordeaux- Mérignac.

L’aérogare vue depuis le parking avions. Au sommet du bâtiment, un phare de rallie- L’aérogare côté ville est desservie par une double rue ment qui émet pour les véhicules amenant des voyageurs. la lettre «B» en Au centre du premier étage de l’aérogare, un hôtel de six morse. chambres, plus deux autres pour les pilotes. 30 1935 La radio pour améliorer la sécurité par mauvais temps Blaye

Lacanau St Antoine

Le Porge Vayres Bordeaux-Mérignac devient le siège d’une circons- cription radioélectrique Mérignac Créon Audenge 1935 : la France métropolitaine est découpée en huit cir- Lestiac conscriptions. Dans chacune, tout avion volant par mau- Cabanac vaise visibilité doit avoir un contact radio avec la station Zone d’approche gonio principale de la circonscription pour signaler sa de Bordeaux. position estimée. Cette station l’informe de la présence Nouveauté de la éventuelle d’autres appareils, en l’air, à proximité. Cette réglementation procédure revient à interdire de vol les avions non équi- apparue en 1935. pés de radio. En 1935, Biarritz est la station principale de la circons- cription sud-ouest. Puis un goniomètre à grande distance est installé à proximité de l’aérodrome de Bordeaux-Méri- gnac qui devient station principale à partir de 1936. Certains aérodromes sont entourés d’une zone d’approche dont l’accès est Circonscriptions radio-électriques de 1935 et gonios en service. réglementé par visibilité réduite La moitié ouest de la France est peu équipée. 1935 : réglementairement, par mauvais dique à l’avion le moment où il entend le temps, les vols non équipés pour naviguer bruit des moteurs, «moteur nord-est» par sans visibilité peuvent être interdits et un exemple. seul avion à la fois est autorisé à pénétrer Généralement l’avion se présente à contre- dans une zone de 30 km autour de l’aéro- sens, survole la cabane du goniomètre, fait port. demi-tour et revient vers l’aérodrome, tou- A Mérignac, la zone d’approche «réser- jours guidé sur l’axe d’atterrissage. vée», c’est à dire dont l’accès est soumis à autorisation, est délimitée approximati- Lorsque le responsable entend au retour vement par les communes de Blaye, Saint- l’avion passer à la verticale de la cabane, Antoine, Vayres, Créon, Lestiac, Cabanac, il donne l’autorisation d’atterrir, «ZZ» en Audenge, Le Porge et Lacanau. morse, ce qui signifie que la zone atter- rissable est devant l’avion, qu’il va la voir L’avion autorisé dans la zone d’approche et toucher les roues dans la dizaine de est pris en compte par le chef de port, ou secondes qui suit. son représentant, qui se déplace à la ca- bane du gonio (en bordure ou à l’extérieur La méthode «ZZ» est agréée officiel- de l’aérodrome). L’avion en approche re- lement. Au plan sonore, elle nécessite çoit en permanence des indications de cap qu’aucun autre avion sur l’aérodrome ne (en morse, par le biais d’un opérateur ra- fasse tourner ses moteurs pendant la per- dio situé juste à coté du responsable dans cée. la cabane gonio). Un panneau spécial informe les équipage Pour donner des indications de distance, qu’ils ne doivent pas mettre en route leurs le chef de port se fie à son oreille et in- moteurs. 1936 - 1937 31

Surface multipliée par cinq pour le nouveau port aérien

Sur la carte ci-dessous, non datée, figure la déclinaison magnétique de Cette deuxième carte fait référence à la déclinaison magnétique de 1938. 1936. La partie utilisable de l’aérodrome est celle qui correspond aux La surface totale de l’aéroport a été multipliée par cinq. La partie grise achats de terrains de 1917 et 1920. située au nord-ouest (à gauche) représente l’emprise de l’aérogare civile et des deux grands hangars attenant inaugurés en 1937. Au sud, les zones grisées représentent l’emprise de la base aérienne mili- taire de Beutre et notamment de ses trois groupes de hangars dissociés. La station de radiogoniométrie (au centre de la rose des caps) a été dépla- cée de 900 m vers l’est (vers la ville de Mérignac) et l’axe privilégié pour Au nord, un nouveau champ d’antennes «FNX» est en construction sur la l’atterrissage passe du cap 223 au cap 236 (carte de gauche). commune du Haillan, là où se trouve encore aujourd’hui un centre radio. Un phare aéronautique à grande portée y est construit. L’aérodrome est un terrain en herbe (il n’y a pas encore de piste en dur). 32 Les années trente

Le projet de base intercontinentale au nord de Bordeaux... Implantation du 1937 : toute la presse projet de base bordelaise s’intéresse au transocéanique au projet d’hydrobase trans- Nord de l’agglomé- océanique qui serait si- ration bordelaise tuée sur la rive gauche de sur les communes la Garonne au nord des de Blanquefort et de bassins à flot (quartier du Bruges, appelé projet Lac aujourd’hui). D’im- de Grattequina. menses bassins, reliés . à la Garonne, seraient creusés pour accueillir les hydravions interconti- nentaux. Ils déposeraient leurs passagers qui par- tiraient ensuite vers les aérodromes continen- taux en avion. La même année, le Conseil municipal de Bor- deaux émet un voeu en faveur de la construction locale d’une base transo- L’aérogare intercontinentale, côté hydravions intercontinentaux. céanique d’aviation, avec Huit pistes d’atterrissage de plus de 2000 mètres, trois plans d’eau et terrains, bassins de 3000 m de long et de 400 m de large qui seraient afin que la future ligne portés à 4500 m de long et 800 m de large ultérieurement. régulière de France vers les États-Unis parte de L’aérogare de la base intercontinentale de Bordeaux, vue Bordeaux. du côté de la piste en dur pour les avions continentaux. Vue générale. A l’arrière-plan, la Garonne avec un bateau à gauche. Au fond à droite, les bassins à flot de Bacalan. 33

La base intercontinentale du bassin d’Arcachon aurait été construite au Teich, à l’embouchure de la Leyre. Au fond, Arcachon et, derrière, la pointe du Cap-Ferret.

Et le projet du Teich sur Les hydravions intercontinentaux se poseraient sur l’eau du bassin et les avions continen- taux sur un aérodrome à six pistes. Au premier plan, l’aérogare en forme de flèche orientée le bassin d’Arcachon... au nord.

La carte ci-dessous vante l’avantage du projet de Bordeaux-Grattequina, le plus proche de la Garonne à un endroit où le fleuve est facile Autre vue aérienne du projet du Teich bien à traverser. placé près de la voie ferrée Bordeaux-Arcachon et d’une voie routière du littoral à créer.

Cette carte vante les mérites de la base du Teich : par rapport aux autres surfaces aquatiques exis- tantes, elle est la plus proche par chemin de fer de Bordeaux. Quant à Grattequina, le plan d’eau est à créer totalement. 34 1938- 1939 Les cinq cercles clairs cor- respondent aux antennes d’un nouveau gonio insensible aux L’aérodrome avant perturbations atmosphériques liées au lever et au coucher du la construction soleil. des pistes

L’un des deux grands hangars encadrant l’aérogare. L’aérogare de 1937, au bout d’une double allée automobile. Sur le montage ci-dessus, figurent en partant du bas, dans le sens horaire : - en vert, les trois groupes de hangars militaires ; - en gris, la première piste en dur (aujourd’hui piste secondaire) ; - couleur saumon, les acquisitions de terrains faites en 1938 pour consti- tuer quatre bandes de recueil ; - en bleu, la nouvelle aérogare entourée des deux grands hangars civils ; - en tiretés rouges, l’axe de percée par mauvais temps, qui débouche sur une piste en herbe (la deuxième piste n’est pas encore construite) ; - au centre de la rose des caps, la cabane du gonio : sa position serait aujourd’hui à l’extrémité de la piste en limite de la clôture de l’aéroport, près du rond-point Dassault.

Statistiques de 1938

Le trafic de passagers sur Bordeaux est très réduit. Sur l’année 1938, les statistiques d’Air France sont les suivantes : - entre Bordeaux et Toulouse, 41 passagers payants et 59 non- payants, 1.200 kg de poste et messagerie, soit en moyenne par se- maine 2 passagers et 25 kg de poste, - entre Paris, Bordeaux et Biarritz, tous segments confondus, 648 passa- gers payants, 319 non payants et 2.700 kg de bagage. En fait, loin devant les autres, les deux grands aéroports de France sont Paris et Marseille, chacun au centre d’un réseau de lignes convergentes. Ainsi, la même année, le trafic entre Paris et Marseille est de 11.000 passagers Les dans les deux sens. Entre Marseille, Tunis et Alger, 9.000 passagers. hangars de la base aérienne militaire Coté Postale, sur la ligne Paris - Bordeaux - Mont-de-Marsan - Pau, Air Bleu a de Beutre. Mars 1939 embarqué 67 tonnes de courrier, soit 200 kg par jour en moyenne. 1938 - 1940 35

Le consortium Air France Atlantique, qui expé- rimente les traversées de l’Atlantique Nord par Les deux pistes en construction l’hydravion Laté 521, demande à ce que Bor- deaux-Teynac, terrain marécageux l’hiver, soit doté de pistes en dur pour permettre le décol- lage d’un futur avion à grand rayon d’action. 1938 : le ministre de l’Air donne son accord pour financer deux pistes d’envol à hauteur de 8 mil- lions de francs, à condition que la Chambre de commerce s’engage pour 4 millions, la Ville et le Conseil général chacun pour 3 millions. Dans sa réponse, cet engagement est considéré par Adrien Marquet, maire de Bordeaux, comme par- ticipant à la création d’une base transocéanique à Bordeaux-Mérignac. Les deux pistes d’envol transatlantiques seront immédiatement exécu- tées, écrit le président de la Chambre de com- merce en remerciant le maire, ancien ministre, pour sa persuasive et énergique intervention auprès du ministère de l’Air. 1939 : la piste n°1 (11/29) est en construction et mesurera 1300 x 60 mètres. 1940 : la piste n°1 en béton est terminée. Les travaux de la piste n°2 (aujourd’hui piste princi- pale) commencent. Les premières bombes alle- mandes tombent sur Bordeaux le 6 juin.

L’Ecole de l’Air à Mérignac

1935 : Mussolini se rapproche de l’Allemagne nazie. Mai 1939 : l’Italie et l’Allemagne signent le Pacte d’Acier, qui est une alliance défensive et offensive. La situation internationale se dégrade de plus en plus. 1er septembre 1939 : Hitler envahit la Pologne. La France et la Grande-Bretagne déclarent la guerre à l’Allemagne le 3 septembre. L’Ecole de l’Air quitte Salon-de-Provence pour Bordeaux de fa- çon à s’éloigner de la frontière italienne. Ce transfert était déjà demandé depuis quelques temps par la municipalité de Bordeaux. Les 200 élèves de la promotion 1939 arrivent en octobre et com- mencent leur formation sur plusieurs types d’avions d’entraîne- ment. Deux escadres précédemment basées sur le terrain rejoignent la zone frontière de l’Est. Photo aérienne du 5 juin 1940 : la deuxième piste est réalisée aux trois quarts. 36 36 Aller plus loin

Le Bloch 150 et ses dérivés fabriqués en grande série

Le Bloch MB 150 est un avion militaire français de la le 3 septembre 1939, à la déclaration de guerre. Le 3 Le Bloch MB 157 arrive trop tard Seconde Guerre mondiale. Avec ses dérivés, du MB octobre l’Armée de l’Air dispose de 162 Bloch 152. Le projet MB 156 abandonné, la construction d’un 151 au MB 157, il a été développé par la Société ano- Comme la plupart des avions de chasse français de nouveau prototype est lancée en décembre 1939 à Vil- nyme des avions Marcel Bloch. Il est construit en série l’époque, le fonctionnement des armes est difficile lacoublay, le MB 157. dans les usines de Chateauroux et de Mérignac par la en altitude : faute d’un dispositif de réchauffement, SNCASO (Société Nationale des Constructions Aéro- Les troupes allemandes arrivant à Paris, le proto- le froid fige les graisses et bloque les armes. En opé- nautiques du Sud-Ouest) en raison de la nationalisation type, en cours d’assemblage final, est chargé sur une rations certains groupes dégraissent les armes, qui des usines de construction aéronautique en 1936. remorque afin d’être transporté en sécurité à Poitiers, s’usent plus vite mais tirent effectivement. mais le convoi est intercepté par l’armée allemande Un appareil limité mais solide 641 appareils sont livrés avant l’Armistice. et acheminé sur l’usine SNCASO de Mérignac en Le MB.152 est la version la plus construite de cet zone occupée. De nouveaux prototypes à l’étude appareil. Peu maniable en altitude et doté d’une auto- Le prototype est bel et bien achevé avec l’autorisation nomie nettement insuffisante, ce chasseur est - pour Fin 1939 le bureau d’études de la SNCASO, placé des occupants et le MB 157-01 effectue son premier tant le monoplace le plus répandu dans les unités de sous la direction de l’ingénieur Fandeux, entreprend vol en mars 1942. chasse de l’Armée de l’Air en mai 1940. C’est aussi l’étude d’une nouvelle version du MB 152 avec pour un appareil solide, capable de supporter de nombreux objectif d’améliorer la vitesse de pointe, le rayon Les essais en vol confirment des performances re- dommages, et qui dispose d’une plate-forme de tir très d’action et la maniabilité. marquables : chronométré à 710 km/h à 7 850 m et stable. C’est le seul chasseur au monde, en 1939, à 670 km/h à 8 500 m, il est légèrement plus rapide Ce nouveau monoplace est reconnaissable extérieu- être équipé de 2 canons de 20 mm. Il peut atteindre qu’un P-51D Mustang et monte à 8 000 m en 11 mi- rement à son nouveau capot moteur sur lequel les une vitesse élevée en piqué. nutes. bossages correspondant aux têtes de cylindres ont dis- Le MB 150 initial évolue en MB 151 puis en MB 152. paru. En fait tout l’avant de l’appareil est modifié, le Début 1943 la Luftwaffe ayant exigé le transfert du Face au besoin de réarmement, une chaîne de montage cockpit étant reculé pour permettre d’accroitre de 300 prototype à Orly, il y arrive, à la surprise du comité supplémentaire est installée à Mérignac. 249 Bloch litres la capacité des réservoirs. d’accueil, 40 minutes avant l’heure estimée par la tour 151 et 152 sont déjà sortis des usines de la SNCASO de contrôle de Mérignac. En avril 1940 une nouvelle version, le MB 155, fait son premier vol. Seuls dix exemplaires sont Pourtant cet appareil remarquable ne va plus voler. livrés au 18 juin 1940, date d’arrêt de la pro- Dès son arrivée à Paris le moteur est déposé et envoyé duction. Quand l’aviation de Vichy est dissoute pour essai en soufflerie. Abandonnée dans un hangar le 27 novembre 1942, les appareils subsistants d’Orly, la cellule est finalement détruite par un bom- sont saisis par la Luftwaffe et transférés dans ses bardement allié. écoles de chasse.

Vu à Mérignac, le Potez 62 Doté d’une ligne très arrondie, le Potez 62, à train escamotable, peut transporter une quinzaine de passagers. Air France l’utilise sur Paris - Bordeaux - Madrid. à partir de 1935.

MB 152, reconnaissable à ses bossages du capot moteur.

Lucio Perinotto. 37 Nous volions sans visibilité vers Mont-de-Marsan, lorsque le Simoun se mit en piqué brutal. Vanier Didier Daurat était le directeur d’exploitation d’Air Bleu. Son livre «Dans le vent des hélices» réduisit aussitôt les gaz et parvint à redresser à relate deux incidents graves à Mérignac dans les années 1935 - 1938. quelques mètres d’une forêt de pins. A deux reprises l’avion piqua intempestivement vers le sol ; deux fois, Terrain très «humide» à Bordeaux-Mérignac Vanier en reprit le contrôle. La boue encore «Le 10 juillet 1935, à 11 heures 30, Georges Mandel vers l’arrière. Quatre fois cette manœuvre fut recom- entouré du général Denain, ministre de l’Air et de M. mencée avec une adaptation appropriée­ du couple A l’atterrissage, on découvrit une légère déchirure Couhé, directeur de l’Aéronautique Civile, remit sym- moteur. sur le bord de fuite du revêtement d’intrados du plan boliquement le premier sac de courrier à Massimi1, stabilisateur. Elle avait été causée par une brutale Alors, le pilote décida de tenter l’atterrissage réel inaugurant ainsi le réseau postal intérieur. Raymond projection de boue lors du décollage. Sous certaines sur le terrain de Mérignac. Mais la proximité du sol Vanier s’envola aussitôt pour Bordeaux où il se posa incidences, la poussée aérodynamique trouvait pas- dérégla le rythme établi au cours des répétitions, car à 14 heures, après escales à Tours, Poitiers et An- sage par cette déchirure et, modifiant l’action de la Chaulet, en exécutant son va-et-vient, jeta un coup goulême. gouverne, déséquilibrait l’avion. d’œil à l’extérieur par le hublot. Le Simoun piqua Perte de la gouverne de profondeur dans une descente normale, qui s’accentua, jusqu’au Par sa seule intuition, Vanier avait su trouver l’inci- moment où le mécanicien se précipita à l’arrière, tan- dence qui permettait de soustraire à la poussée de Quelques jours plus tard, le 31 décembre, l’équipage­ dis que Libert relevait, au moteur, le nez de l’appareil. Libert, Marotin, Chaulet décollait du fameux aéro­ l’air la partie accidentée. [...] Cette avarie dont les Se voyant trop long, Libert remit les gaz, cria à Chau- drome de Bordeaux en direction d’Angoulême. conséquences furent limitées à un incident bénin, let : « A refaire». eut pu, entre d’autres mains, entraîner un accident Comme à l’habitude, après de fortes pluies, le Simoun Le mécanicien se porta de nouveau vers l’arrière. grave et la destruction complète de l’avion. Jamais reçut des paquets de boue et, alors qu’il prenait de la commission d’enquête n’aurait découvert la cause l’altitude, le pilote se rendit compte que le manche à L’avion cabré, Chaulet lentement se rapprocha du véritable de la catastrophe. Les conditions atmos- balai n’entraînait plus la gouverne de profondeur que centre de la cabine. Libert régla les gaz et fit un nou- phériques étaient défavorables : base inférieure des la percussion de lourds jets de boue avait rendu inuti- veau tour de piste. Mais cette fois l’atterrissage fut stratus à proximité de la cime des pins de la forêt lisable. Cette gouverne­ permet en partie de régler la réussi. landaise. trajectoire de l’appareil et d’exécuter les manœuvres Tou­tefois, la construction d’une véritable piste en de décollage et d’atterrissage. ciment fut décidée à la suite de cet incident et poussée 1. Beppo de Massimi était l’administrateur d’Air Bleu. Le chef-mécanicien Chaulet, assis à l’arrière de la avec une célérité inhabituelle. Elle devint la plus belle (Note de la rédaction). cabine, contrôla les pièces accessibles et constata que et la première de France à l’époque. Au cours de la 2. Ce terrain de Bordeaux·Mérignac était interdit au l’avarie était irréparable en vol. guerre, toutes les missions à longue distance y prirent le départ parce qu’elle était la seule à permettre le trafic pendant les jours de pluie. C’est au terme de nom- Apprentissage en vol décollage des avions lourdement chargés. breuses démarches, et en faisant chaque fois signer une décharge par nos pilotes que nous eûmes l’autorisation Libert décida alors de répéter l’atterrissage qu’il se Le Simoun pique du nez de l’utiliser d’une façon permanente.» proposait de tenter. Cette expérience, il la renouvela entre la base inférieure des nuages et le sol, par va- Une autre fois, nous venions de décoller, Vanier et riation du centrage de l’appareil en laissant déplacer moi, du terrain de Bordeaux que la moindre pluie son mécanicien de l’arrière vers l’avant et de l’avant transformait en bourbier à l’époque 2.

La création et les premiers pas d’Air France

La crise de la bourse aux États-Unis en compagnies fusionnent en 1933 sous le Par ailleurs les avions volent de plus monomoteurs ou multimoteurs. Dans 1929 touche la France à partir de 1931. nom d’Air France. en plus par tous les temps : quelques un premier temps, ce sont des dérivés L’Aéropostale en est l’une des victimes. accidents prouvent qu’il faut renforcer d’appareils militaires qui sont mis au Mais leurs flottes sont totalement dis- les règles de certification des aéronefs, point et exploités en ligne. Les gouvernements français res- parates, voire obsolètes, nombre de ce qui retarde la livraison d’appareils treignent les subventions aux compa- Les nouveaux modèles, performants, constructeurs étant présents dans les modernes. gnies aériennes et souhaitent réorga- arrivent plus tardivement et 1938 niser l’attribution des aides, souvent structures dirigeantes des compagnies Le parc initial est constitué de constitue la première année d’exploita- utilisées pour une vaine concurrence et placent ainsi leur production plus ou 250 avions de plus de 30 modèles tion réussie d’Air France avec plus de sur la même ligne. Sous la pression, les moins périmée. différents, avions ou hydravions, 100 000 passagers. 38 Les années quarante

La décennie terrible : destruction et reconstruction provisoire

Pour l’aéroport de Mérignac, dont les nou- Une base allemande stratégique Aussitôt déblayé par les prisonniers allemands, velles installations ne sont pas encore toutes l’aérodrome reprend du service : la guerre L’occupant récupère les installations de Bor- terminées, la Deuxième Guerre mondiale est n’est pas terminée et les poches allemandes deaux-Mérignac et termine la construction un cataclysme. locales de résistance sont encore menaçantes. de la deuxième piste, bénéficiant ainsi d’une infrastructure remarquable qui va lui per- mettre d’y faire stationner ses avions les plus Les activités aéronautiques repartent Repli général sur Bordeaux et débâcle lourds, à savoir des bombardiers à long rayon d’action. Face à l’avancée des Allemands, le gouverne- Les trois domaines d’activité se renforcent avec la mise en place d’ateliers de construc- ment français se replie sur Bordeaux. Comme Un aérodrome libéré et détruit l’agglomération, l’aéroport est occupé par tion et de réparation aéronautique, de la des milliers de personnes qui fuient les com- Bombardé à plusieurs reprises pendant la base militaire et de lignes aériennes civiles bats. Des centaines d’avions, arrivés de par- guerre, les Allemands font sauter les dernières pérennes. tout, sont abandonnés sur le terrain. installations encore debout avant de s’enfuir. Une aérogare provisoire en bois voit le jour.

L’aérogare inaugurée en 1937 vue ici côté piste en 1944. 1940 39

Envolé de Mérignac, le Jules Verne bombarde Berlin

A la déclaration de guerre du 3 septembre 1939 succède la «drôle de guerre». Il ne se passe pas grand chose sur le territoire français jusqu’à ce que les troupes allemandes passent à l’offensive le 10 mai 1940, Vue d’artiste contournent la ligne Maginot et menacent Paris. du Jules Verne au-dessus de L’Aviation française est assez démunie en matière de bombardier lourd Berlin . et attend la livraison de trois avions dérivés du Farman 2200 qui survole L’appareil régulièrement l’Atlantique Sud en vol postal. semble s’être déjà débar- Un seul appareil disponible rassé de deux bombes. Seul l’un d’entre eux, le Jules Verne, équipé à la hâte d’un armement sommaire, est déclaré prêt le 6 mai 1940. Il peut transporter huit bombes, de 250 kg chacune, accrochées sous le fuselage. Du 13 au 29 mai, il décolle de sa base de Lanvéoc (près de Brest), survole de nuit la Manche tous feux éteints et va bombarder la gare d’Aix-La-Cha- pelle en trois sorties. Il bombarde également des digues en Hollande, puis les forces allemandes arrivées à Saint-Omer dans le Nord de la France. Une autre fois, il bombarde la ville d’Anvers. A chaque fois il est attaqué par la Flak, la défense anti-aérienne allemande, sans dégât majeur. Bordeaux dispose de la piste en dur la plus longue D’un modèle Le 6 juin 1940, le Jules Verne vient se poser à Bordeaux pour bénéficier identique au de sa piste en dur, la seule disponible qui lui permette de décoller avec le Jules Verne, le plein de carburant et d’armement. quadrimoteur Outre les huit bombes fixées sous la carlingue, il emporte à bord 80 Le Verrier, bombes incendiaires de 10 kg chacune que l’équipage jettera manuelle- sorti plus tard ment sur l’adversaire. Il décolle avec une surcharge de près d’une tonne, des ateliers de survole la Manche et la mer du Nord, puis se présente, cap au sud, au- fabrication, est dessus de l’aérodrome de Berlin-Tempelhof, simule un atterrissage puis abattu au-des- bombarde le centre de Berlin. sus de la Médi- terranée en Le 10 juin, depuis Bordeaux, il effectue une mission similaire, plus au novembre 1940 nord, et bombarde les usines Heinkel à Rostock. Le 13 juin, il bombarde probablement de nuit une raffinerie en Italie. Le 15, il s’attaque à une usine et distribue par erreur. des tracts sur Rome. Après chaque mission, il se pose sur sa base de Lan- Cette illustra- véoc, puis rejoint Bordeaux pour réaliser la suivante. tion de Géo Ham est par- Le 17, il atterrit à Istres pour une autre mission mais il revient à Bor- ticulièrement deaux, suite au refus local de charger l’avion. Le lendemain, 18 juin, un représentative colonel français, promu général à titre temporaire le 15 mai 1940, lance de la silhouette depuis Londres un appel à poursuivre la guerre. Mais pour le Jules Verne des deux et son équipage elle est officiellement terminée. avions. 40 1940

Le gouvernement français s’installe à Tours puis à Bor- Bordeaux au cœur de la débâcle deaux. De nombreux mili- taires affluent sur l’aéroport de Mérignac et cherchent à Témoignage d’Henri Yonnet, pilote du Jules Verne : «un écroulement nauséeux» rejoindre le Sud pour conti- nuer le combat. Beaucoup Dans son ouvrage «Le Jules Verne, avion corsaire», Henri Yonnet témoigne de la situation à Bordeaux qui surprend d’avions sont abandonnés ce combattant discipliné. sur l’aéroport de Mérignac. «La grande capitale du Sud-Ouest, tion et que les fausses nouvelles les monde décolle à la «va-comme-je-te- Les trois journées borde- ordinairement si paisible, si sym- plus fantaisistes circulent avec une pousse». pathique, avec ses habitants tou- ardeur inimaginable.» laises des 15, 16 et 17 juin Les Potez 63 semblent attirer par- jours courtois, [...], ses rues où l’on seront décisives au plan Le 21 juin, à la veille de l’Armis- ticulièrement les amateurs pilotes marche sans hâte, avec une sorte de politique : les partisans de tice, le Jules Verne est arrêté de vol plus ou moins confirmés, pilotes dignité lente, tout cela est transfor- la défaite et de l’armistice depuis trois jours, et Henri Yonnet n’ayant jamais essayé les appareils mé en une cité affolée de cohue et prennent le pas sur les par- décrit l’aérodrome. qu’ils « empruntent » et beaucoup de désordre. [...] Les rues regorgent tisans de la poursuite de la paient instantanément le prix de d’automobiles, de poids lourds, «Au terrain de Mérignac, nous guerre depuis l’Empire (les leur affolement. Nous les voyons de véhicules de toutes sortes, de n’avons rien à faire et cette inaction colonies françaises). partir, ne pas arriver à décoller et camions militaires et civils, de nous pèse. La pagaille qui règne de capoter en bout de piste dans l’ex- De Gaulle, minoritaire au convois, et les maisons comme les tous cotés nous lève le coeur et cette plosion de leur réservoir. En une sein du gouvernement, hôtels sont bourrés jusqu’à la gueule sensation d’écroulement nauséeux seule journée, sept d’entre eux dis- s’envole de Mérignac vers de « repliés », pendant qu’aux ter- plane sur notre groupe. Les gens paraissent ainsi dans la fournaise Londres le 17 juin. L’armis- rasses des brasseries les stratèges essaient par tous les moyens de filer horrible de grandes flammes couron- tice est signé le 22 juin. de bistrots discutent avec anima- vers le Sud. nées de fumée noire.» N’importe qui prend En fait, de nombreux équipages réus- n’importe quel avion, sissent à s’enfuir vers l’Afrique du y entasse les affaires Nord, voire vers la Grande Bretagne, civiles les plus hétéro- mais Henri Yonnet ne le sait pas. clites [...] et tout ce beau

Les réfugiés dans la base aérienne militaire

Bernard Domec, dans Mémoire d’aéroport : «Les réfugiés rentrent sur la base militaire, sans pointage, par tous les cotés. Les dortoirs regorgent de monde et les granges environnantes aussi. La base aérienne nourrit ceux qui arrivent et dont les seules paroles sont : je suis fatigué et j’ai faim, depuis plusieurs jours je n’ai pas mangé.»

Photo aérienne du 5 juin 1940. Tous les points blancs sur cette partie nord du terrain sont des avions : plus d’une centaine peuvent être comp- tés en dehors des parkings. En haut à droite, la partie ancienne de l’aérodrome. A gauche, l’aérogare civile au bout de la double voie, les deux grands hangars civils (en noir) et, plus au nord, le nouveau bâtiment (en blanc) de la SNCASO. 1940 - 1943 41

Mérignac base stratégique pour attaquer les convois alliés

A Mérignac, les troupes allemandes découvrent un aéro- sions ultérieures) qui leur permet de port tout neuf, avec une piste en dur permettant le dé- détecter leurs cibles dans le brouil- collage d’avions lourdement chargés. Ils s’empressent lard ou de nuit. Plusieurs Condor d’achever les travaux de la deuxième piste et disposent sont ensuite déplacés pour partici- alors d’une infrastructure encore rare en Europe. per à la bataille de Stalingrad. Le Focke-Wulf 200 Condor D’autres appareils militaires alle- mands sont aussi stationnés locale- Surnommé par Churchill le fléau de l’Atlantique, le ment. quadrimoteur allemand de transport civil Condor a été Les voies de dispersion transformé à la hâte en avion de guerre à très grande autonomie : ceux qui sont stationnés à Mérignac Dès 1940, l’aérodrome de Mérignac peuvent patrouiller au-dessus de l’Atlantique jusqu’en fait l’objet d’attaques aériennes Norvège. Ils font la chasse aux convois alliés qu’ils at- alliées visant les Condor. Certains taquent dans l’Atlantique, de Gibraltar jusqu’au nord sont disséminés autour de l’aéro- de la Grande-Bretagne. Les escadrilles basées à Méri- port et stationnés sous le couvert d’arbres ou de filets. La protection au sol à Mérignac : ici gnac (KG 40) coulent de nombreux bateaux. Et les U- Des voies de dispersion reliant ces caches à l’aéroport un Condor entre deux ouvrages en bois boot de la base sous-marine de Bordeaux font encore sont encore visibles aujourd’hui. revêtus de peinture de camouflage.. plus de dégâts. Les premiers Condor, équipés de goniomètre, repèrent Pour détecter les avions alliés qui viennent attaquer les bateaux en émission radio. Puis on installe à l’aéroport et la base sous-marine, les Allemands ins- Carénage ventral du Condor en ver- bord des suivants un radar embarqué (FuG 10 et ver- tallent sur les hauteurs d’Yvrac, au Nord de Bordeaux, sion militaire. Tourelle et mitrailleuses deux radars Würzburg Riese, livrés par Telefunken à également au-dessus du fuselage. partir de 1941, dont la portée va jusqu’à l’océan. Sur le nez de l’appareil, les antennes en forme de râteaux sont celles du radar embarqué.

La ligne de démarcation sépare le Nord de la France et le littoral Atlantique occupés par les Allemands du reste de la France dite Zone libre. Bordeaux, en zone littorale interdite, subit une occupation militaire massive. La Zone libre est envahie le 11 novembre 1942 par les Allemands à la suite du débarquement des Alliés en Afrique du Nord. 42 1940 - 1944

Travailler pour l’occupant ?

Monument aux Les premières morts des salariés Les jeunes Français en âge de partir à la guerre en 1939 sont mon- années, la po- de la construction tés au front, se sont battus et ont été faits prisonniers. Leurs cadets pulation fait aéronautique, au sont mobilisables dans les années suivantes. majoritaire- nord du terrain de Ceux qui vivent au Sud de la ligne de démarcation doivent pas- ment confiance Mérignac sur le site au Maréchal de la SOGERMA. ser plusieurs mois en camp de jeunesse. Sollicités pour travailler Pétain pour en Allemagne, peu se portent volontaires. Le gouvernement de protéger au Vichy donne son aval à la généralisation du STO (Service du tra- mieux les inté- vail obligatoire) qui exige que tous les rêts français jeunes hommes aillent dans les usines face à l’occu- allemandes. Nombre d’entre eux y vont pant. D’autres sous la contrainte. D’autres réussiront à choisissent prendre le maquis et grossiront, à partir de résister en de la fin de 1943, les rangs de la Résis- sabotant du matériel de guerre destiné aux forces na- tance. zies (notamment les avions), en transmettant des ren- Formation militaire aux États-Unis seignements, en diffusant des tracts clandestins. Leurs auteurs, lorsqu’ils sont découverts ou dénoncés, sont L’Afrique du Nord est partiellement libé- torturés et condamnés à la déportation ou fusillés. Affiche de rée par les Alliés en novembre 1942. Les Certains, au seul titre de leurs idées, deviennent otages propagande jeunes français présents s’engagent alors et sont fusillés en représailles, principalement au camp incitant les en grand nombre dans l’Armée de l’Air de Souge à Martignas. jeunes fran- (française) et partent aux Etats-Unis et çais à aller en Grande-Bretagne suivre une formation Les opérateurs radio, capables de transmettre en morse travailler en complète pour devenir pilote de chasse, des messages, sont très demandés par la Résistance. A Allemagne. de transport, navigateur, bombardier, la fin du conflit, un tiers de l’effectif national du Ser- radio ou mitrailleur. Une fois leur forma- vice des transmissions et de la signalisation (de l’avia- tion accomplie, ils reviennent en Afrique du Nord en 1944-1945 et tion) aura disparu du fait de la guerre et, pour un grand partent au combat en escadrille. D’autres arriveront après que la nombre, en déportation. guerre soit terminée.

Défilé des troupes d’occupation place de la Démobilisés, avec leurs collègues issus de la Résistance et les an- Comédie, face au Grand Théâtre. ciens combattants, ils contribueront au redémarrage de l’aviation en France après-guerre et notamment à Bordeaux. ® cliché A.M. Bordeaux

Une partie du groupe n°7 en formation aux Etats-Unis pour devenir pilote de chasse ou de bom- bardier moyen. Leurs camarades formés en Grande- Bretagne volent sur bombardier lourd. 1944 - 1945 43

Mérignac à la Libération : un aérodrome en ruines

Pendant l’été 1944, les bombardements alliés ter les derniers bâtiments encore en état avant détruisent une grande partie des installations de quitter l’agglomération bordelaise le 28 Vue des hangars de l’industrie aéronautique aéroportuaires. Les soldats allemands font sau- août 1944. L’aéroport est un champ de ruines. construits avant-guerre au nord du terrain.

L’aéroport reste en guerre jusqu’au mois tuées au prix d’immenses difficultés sur la d’avril 1945 seule ressource nationale. Le personnel du groupe de chasse Saintonge Une fois l’aéroport libéré, une douzaine de vient à Mérignac à partir du 19 février 1945 pour Royan salariés de la SNCASO (ex Marcel Bloch) récu- s’entraîner sur Spitfire Mk V sous la conduite pèrent quelques machines-outils dans les dé- d’instructeurs britanniques. Il est opérationnel combres et les réparent. Dans un coin de han- dès le 15 mars. Pointe gar, ils réalisent les premières réparations des du avions militaires alliés stationnés sur l’aéro- A partir du 13 avril, des unités françaises, la Verdon drome. 3ème escadre de chasse équipée de P-47 Thun- derbolt ainsi que les 31ème et 34ème escadres de Yvrac A partir de novembre 1944, pour intervenir bombardement sur B-26 Marauder, arrivent de contre les poches de résistance allemande, leurs bases de Lorraine afin de participer à notamment celles du Verdon et de Royan par- l’assaut final. Celui-ci est précédé d’un raid de Bordeaux ticulièrement bien défendues, le nouvel Etat- 1200 bombardiers de l’US Air Force. Toute ré- major français rassemble progressivement les sistance cesse le 18 avril 1945, seulement vingt unités combattantes qui ont pu être consti- jours avant la capitulation de l’Allemagne. Mérignac 44 1944 - 1945 45

Voies de dispersion, encore partiel- Une constellation de cratères de bombes lement visibles aujourd’hui. Une base américaine a été construite après guerre à cet emplacement. Sur ces photos, toutes les taches La photo de la page de gauche permet de voir les détails Elle est remplacée au début des blanches sont des impacts de correspondant aux commentaires ci-dessous. années soixante par la cité de bombes. Aucune partie de l’aéro- logements de fonction pour raison drome n’a été épargnée. Les deux de service, Maryse Bastié. pistes en dur, objectif privilégié des Cette cité a été démolie récemment. Alliés, ont fait l’objet de réparations Cet espace, à l’entrée de l’aéro- provisoires par les Allemands (tâches port, est actuellement inoccupé. noires rectangulaires).

Quatre hangars particulièrement atteints par les bombes. Emplace- ment de l’actuelle aérogare de fret. L’aérogare civile inaugurée en 1937, située au bout de la double voie n’existe plus. Direction de Bordeaux En trait clair, une des nombreuses voies de dispersion permettant de stationner les avions sur des alvéoles, à distance, Hameau de Beutre pour échapper aux bombardements aériens.

Trois des quatre hangars Base aérienne Voie ferrée reliant la base à la gare de ont perdu leur toiture. militaire de Beutre. Direction de Gazinet-Cestas. Transformée aujourd’hui Cap-Ferret en piste cyclable.

L’aérogare civile de 1937 en ruines, sept ans après son inauguration. Les hangars qui n’ont pas été touchés directement par les bombes sont soufflés. Photo d’octobre 1944. 46 1945

1945 : les Anglais gèrent la tour de contrôle

Mérignac constitue pour les Anglais une escale bien placée sur la route de Gibraltar. Ils s’installent à l’emplacement actuel des usines Dassault dans un bâtiment en dur, le HQ (head quarter) 137. Ils disposent de nombreux véhicules, d’un mess officier et d’un mess sous-officier en ville et logent leurs équipages de pas- sage en hôtel au centre de Bordeaux. Ils installent un balisage provisoire (feux au sodium) sur les deux pistes avec des câbles volants et un groupe électrogène mobile. Leur bâtiment porte une inscription nouvelle : flying control, c’est à dire l’encadrement des évolutions des avions en vol et au sol. En effet, les Alliés ont dû mettre au point des méthodes nouvelles pour gérer les flux importants d’avions se posant à la queue leu-leu sur les terrains européens : ils ont généralisé le fait de donner des instructions aux aéronefs. Le flying control est né, et avec lui la tour de contrôle sous forme d’un bâtiment élevé et isolé permettant de voir le terrain et les avions en vol.

«FLYING CONTROL, 137 SP, RAF, Des équipages de bombardier auréolés de gloire TRANSPORT COMMAND.» Cette photo de 1945 accré- Octobre 1945 : deux groupes de bombardiers lourds, sur quadrimoteurs Halifax, dite le fait que la Royal Air quittent l’Angleterre et rejoignent Mérignac. Leurs équipages, entièrement fran- Force, bien implantée sur çais, ont participé aux opérations de bombardement sur l’Allemagne du 1er juin le terrain avec une escale 1944 au 25 avril 1945, perdant dans la bataille un homme sur deux. Des fêtes sont (staging post), assure aussi organisées à Bordeaux pour leur arrivée. le contrôle aérien de l’aéroport (flying control). Les Halifax sont révisés et réparés par la SNCASO. En 1946, certains de ces ap- pareils sont transformés sur place pour le sauvetage en mer (air sea rescue). D’autres sont modifiés pour faire du transport civil (retrait de la tourelle et des mitrailleuses, transformation de la porte arrière en escabeau). Les équipages restent les mêmes. Ils assurent de nouvelles lignes au départ de Bordeaux sur Tunis, Alger, Rabat et Dakar.

Halifax stationnés sur le parking de la SNCASO en 1949. La base aérienne de 1935 prend le nom de BA 106. Avec sept hommes d’équipage, il emporte six tonnes de bombes. Le transport aérien civil reprend Décembre 1945 : la Postale reprend ses vols de nuit, sur le même réseau qu’avant- guerre, avec des Junkers-52, avions allemands à tout faire. Ils seront remplacés en 1948 par des DC-3. Le réseau d’Air France est assuré par des avions allemands ou américains récents, mais aussi par des appareils français d’avant-guerre. Malgré cet équipement dis- parate, ce sont 50% de passagers de plus, un trafic postal multiplié par deux, et celui des messageries par trois, qui sont transportés en 1945 sur le même réseau qu’en 1939. Le transport aérien connaît à nouveau une accélération importante. 1946 47

Les premières reconstructions Phare de repérage

Mars 1946 : le ministère de l’Air publie une fiche de ren- seignement pour chaque terrain français de l’Empire. Pour Mérignac, il est précisé qu’un hangar est en bon état et huit sont réparables, qu’il n’y a pas de cheminement aménagé en dehors des deux pistes (dites localement «transatlantiques») et de la voie routière périphérique.

Poste radio et gonio d’atterrissage

Tour de contrôle (bâtiment anglais)

Témoignage d’un opérateur radio-gonio, Frantz Souetre

« Les trois gonios s’échelonnaient sur la ligne d’approche piste 23 1, c’était pour nous la toute première ligne en cas de crash, les avions frôlaient nos moustaches et par temps de brouillard, il était assez impressionnant d’entendre le gron- dement d’un appareil invisible. Les QDM 2 se succédaient transmis avec dextérité et rapidité. Et parfois, un bang ! C’était un plomb d’antenne en forme de petit obus de 37, qui tombait dans notre secteur, souvent par la fenêtre ; le navigant ayant oublié de rentrer l’antenne (QBE 3). Cela n’était pas recommandé au passage des lignes électriques à haute tension. Le moral de tous était bon, nous étions jeunes, j’arrivais de mon domicile situé à Bordeaux-Bastide (au nord de la Garonne) avec ma « voiture », c’est-à-dire un vieux vélo, le trajet était long via le pont de pierre, et mal pavé, mais j’avais les jambes solides.

Dans les mois qui Au moment des relèves, il fallait éviter les trous de bombes suivent la Libération, pleins d’eau. L’hiver il faisait très froid dans nos cahutes deux «baraques» sont chauffées par un mauvais poêle, et il nous est arrivé de cou- construites au nord du per des souches, des brandes prélevées dans la lande d’où terrain, près de l’aé- une fumée épaisse qui nous transformait en chiffonniers. » rogare détruite : un 1 La piste 23 est l’axe principal d’atterrissage par mauvais bâtiment de direction temps. C’est l’ancienne piste dite «secondaire». de l’aéroport ainsi 2 QDM : (abréviation du code Q), cap magnétique donné par qu’une cabane PTT l’opérateur gonio à l’avion pour l’amener à l’entrée de piste. pour les installations 3 QBE : (abréviation du code Q) signifiant que l’antenne de lignes télépho- pendante a été remontée à bord. niques indispensables. 48 1947

La carte de 1947 reprend des couleurs

La nouvelle carte du terrain publiée en octobre 1947 est 1947 : l’année charnière en couleurs. Il y est précisé que la base aérienne militaire est totalement inutilisable. Les trois groupes de hangars Les trois (dessinés en grisé), de même que les hangars historiques taxiways du nord-est, sont détruits. Seuls les deux hangars civils ont construits été reconstruits. L’aérogare de 1937 n’existe plus. Figurent en PSP. l’aérogare provisoire, le restaurant, la tour de contrôle...

Atterrissage par mauvaise visibilité

Pour l’atterrissage de nuit notamment, les deux pistes ont été équipées de feux latéraux. Une ligne d’approche composée de projecteurs précède la piste principale, toujours appelée «n°2». La rampe d’approche est alignée, non pas sur l’axe de piste, mais sur son bord gauche, les feux axiaux encastrés n’étant pas encore en service. (En couleur mauve sur la carte).

Des taxiways préfabriqués

Des taxiways (chaussées pour avion) sont construits en PSP (pierced steel planks). Ce sont des plaques métalliques po- sées sur le sol, qui s’emboîtent et permettent de réaliser rapidement une aire de roulement assez résistante. Mais le tonnage important des Halifax (28 tonnes sur deux roues) et le drainage insuffisant du terrain vont entraîner une usure rapide. Il faudra remplacer 5.000 plaques en 1953.

Faute de pouvoir atterrir à Bordeaux, un DC-3 s’écrase

Janvier 1947 : un DC-3 d’une com- détrempé et le roulage impossible voquer l’accélération en France de pagnie britannique décolle de en dehors des pistes. L’avion se l’ouverture des centres de contrôle Londres, avec des passagers, pour déroute et, rencontrant la même régionaux. faire escale à Bordeaux. Le temps situation sur la région parisienne, Celui de Mérignac entre en service est exécrable sur toute l’Europe. décide de revenir en Grande-Bre- un mois après. D’abord hébergé tagne. Non attendu à Mérignac, contrôlé dans un bâtiment en bois à côté de depuis peu par les Français, l’appa- L’avion s’écrase, à court de car- la tour de contrôle, il déménage- reil reçoit le numéro quatre à l’at- burant, sur les côtes anglaises. Cet ra ensuite dans l’ex-bâtiment des terrissage avec une attente pré- accident, aux fortes retombées Anglais. vue de 40 minutes : le terrain est médiatiques outre-Manche, va pro- 1947 - 1948 Les trois illustrations particulièrement fidèles 49 de cette page concernant les hydravions sont des œuvres du peintre de l’Air Géo Ham. Les hydravions géants s’effacent, le Flamant s’envole

Pendant la guerre, les bureaux d’étude Irlande ou à Terre-Neuve. Les hydra- et les usines ont produit dans le monde vions, tenus de disposer de grandes un grand nombre d’appareils de plus en étendues d’eau, ne peuvent rivali- plus évolués : la fiabilité des moteurs, ser, d’autant que cet hybride, lent et le rayon d’action et la vitesse ont été lourd, se révèle être médiocre comme notablement améliorés. avion et comme bateau. Après la Libération, DC-4 et Constella- Des accidents à répétition stoppent tion traversent l’Atlantique nord avec net la volonté française de produire et une seule escale de ravitaillement en d’exploiter les hydravions géants ima- ginés avant- guerre : la ligne Paris - Biscarrosse - Antilles, lan- Hydravion Latécoère 631, hexamoteur, 34 passagers couchés ou 40 assis. cée pour ce Les couleurs orange et noir sont celles du code international imaginé type d’appa- avant-guerre pour les futurs vols transocéaniques. reils, ne tient qu’un an.

Premier marché d’après-guerre pour Dassault

Marcel Dassault fait évoluer les plans d’un bimoteur de liaison (MB303), établis précédemment, et réalise ainsi le MD 315 Fla- mant. Poste de pilotage du Laté 631 avec deux pilotes, un navigateur, Soumis à une compétition nationale avec d’autres productions, il un radio. Derrière ce cockpit, emporte la commande de 300 appareils. Ceux-ci sont fabriqués séparés par une cloison, deux dans l’usine Dassault de Talence et assemblés dans l’un des han- mécaniciens travaillent dans une gars rénovés, prêté pour moitié à l’entreprise. autre pièce. Deux tunnels per- mettent d’accéder aux moteurs C’est le début de l’envol industriel de ce constructeur qui va se en vol. spécialiser d’abord dans les avions militaires.

Aménagement d’un salon de MD 315 luxe sur un autre Flamant, hydravion géant, moteurs le Potez 161. tournants. 50 1947

Une nouvelle aérogare, provisoire, en bois

Tous les aérodromes de France sont en ruines. Le service des Bases aériennes publie une série de A droite, un DC-4 en plans standardisés, tant pour les civils que pour cours d’embarque- les militaires. Différents types et tailles de bâti- ment des passagers. ments sont dessinés, tous sur la base d’une ossa- A gauche, un Vickers ture en bois, le matériau encore disponible en Viking en cours de période de pénurie généralisée liée à la guerre ravitaillement. et à toutes les destructions. On trouvera alors Derrière, la tour de en France des aérogares provisoires qui se res- contrôle, caché, le semblent énormément. centre de contrôle régional. A Mérignac, une fois les déblaiements réalisés, notamment par les prisonniers de guerre alle- Au premier plan, mands, sont bâtis une aérogare, un restaurant, un tracteur avec des bureaux, une tour de contrôle... Tout est en ses wagonnets de bois ! L’inauguration a lieu le 3 août 1947. bagages. Ces installations provisoires attendront douze ans pour être remplacées.

1 : aérogare 2 : direction et services admi- nistratifs 12 3 : tour de contrôle, sécurité in- 11 cendie, bureau de piste, centre 10 de contrôle régional, bureau 1 4 central des télécommunications 2 4 : hangar B (ex H2) 5 : garage et parc automobile 6 : gare de fret

3

Cliché Michel Le Collen 51

En haut, la salle d’embarquement avec à gauche le commerce de cigarettes, journaux et cartes postales. A côté, le comptoir d’une agence de voyage et de la SNCF, l’enregistrement des bagages et ses bascules pour les peser. A droite, l’autre coté de la pièce, aménagé en salle d’attente.

13

8 9 6 5 4 7 : pétroliers Shell Esso 7 8 : Hangar A (SFERMA), ex H1 9 : Station service Messier et autres pétroliers, BP, Stelline 2 10 : restaurant 11 : cuisines et annexes du res- 1 taurant 12 : logements de fonction (cité des chalets) 13 : usine Dassault 11 10

Photo plus récente : au fond les bâtiments Das- sault construits dans les années cinquante Cliché Michel Le Collen 52 1949 - 1951

Planification : l’aéroport sera partagé en trois zones

L’avant-projet est établi en 1948 et adopté au Conseil municipal de Bordeaux en 1949. Les dimensions (ambitieuses) du groupe d’aérogares civiles amènent l’État à revoir le Des institutions pour un développement ordonné projet à la baisse, au milieu de la décennie, avec la construction d’une aérogare plus ramassée dans cette même zone, un peu plus près de l’intersection des deux pistes. Deux Conseils sont créés pour réguler plus par- ticulièrement au plan national la croissance du transport aérien, l’organisation et la planification aéroportuaire. Le CSAM, Conseil supérieur de l’aviation mar- chande, statuera à partir de 1951 sur le pro- gramme des compagnies, les nouvelles lignes et leur attribution, etc. Le CSINA, Conseil supérieur de l’infrastructure et de la navigation aérienne, réunit, dès 1949, des experts civils et militaires qui se prononcent sur tout projet aéroportuaire et sa cohérence à moyen et long terme. Ce qu’il va faire à plusieurs reprises pour Mérignac. Ainsi il est acté, en 1949, qu’à terme l’aéroport de Mérignac comportera trois pôles : - au nord, une zone industrielle avec Dassault et la SFERMA (qui a repris les activités de la SNCA- SO), desservie par la route existante de Bordeaux à Martignas ; - à l’est, une zone commerciale d’aérogares à créer et qui sera desservie par une voie nouvelle, l’aérogare provisoire en bois (au nord) et ses par- kings étant condamnés à terme ; - au sud, une zone militaire (Beutre) desservie, elle aussi par une voie existante, la route de Bor- deaux à St-Jean-d’Illac vers le Cap Ferret. En 1951, l’aérodrome est affecté à titre princi- pal au Secrétariat général à l’aviation civile, et à titre secondaire à l’armée de l’Air ainsi qu’à une direction des constructions aéronautiques, qui va ensuite disparaître des textes de référence. Au cours des décennies suivantes, cette partition prévisionnelle va servir à plusieurs reprises pour arbitrer des dossiers d’affectations nouvelles comme la création de la base américaine, puis le retour d’Afrique du Nord des unités de l’armée de l’Air qui y étaient stationnées. Aller plus loin 53 53

Sur l’aérodrome : la vie des enfants à la cité des Chalets

Pendant plusieurs décennies, les responsables de La première arrivée à la cité des Chalets Ce lotissement avait belle allure avec la forêt de pins service de l’aéroport ont dû rester facilement joi- en arrière-plan. On le surnomma très vite Shanghaï gnables et, pour cela, ils vivaient sur place avec leurs Raymond : A la sortie d’un bois de pins, la voiture en raison de son style colonial. Les nouveaux habi- familles. Alors jeunes enfants, Raymond Cabiran et ralentit en franchissant le poste de garde de l’aéro- tants mirent tous un point d’honneur, avec plus ou sa sœur Annie Marionnet témoignent aujourd’hui. drome. La route longeait un bois envahi de brous- moins de compétence, à aménager les jardins. Il n’y La discussion suivante a été reconstituée à partir de sou- sailles. Sur la droite, s’élevait l’usine SNCASO 2 eut qu’une ou deux familles à se limiter à l’enlève- venirs personnels qu’ils ont rédigés pour leur famille. et, de l’autre côté de la route, il y avait des hangars ment des gravats, ce qui était déjà une rude affaire, en ruine, verrières brisées. Immédiatement après tant il y en avait. l’usine, un curieux abri antiaérien en forme d’ogive Raymond : Le 1er septembre 1947, notre père, An- La vie dans la cité se dressait, encerclé aussi par les broussailles. Je dré Cabiran, fut muté à Mérignac sur le poste de chef du BCT 1. Et ce n’est que le 13 mars 1948 qu’Élise, voyais des ajoncs en fleurs pour la première fois. Annie : Un matin d’hiver 1956, nous nous sommes notre mère, et nous, les trois enfants, quittâmes Tou- Au détour d’un dernier virage devant la ruine de l’an- réveillés avec presque un mètre de neige. Pas de bus, louse par le train pour rejoindre Mérignac. J’avais cienne maison du commandant d’aérodrome, la cité pas d’école. Mon frère dût creuser un chemin pour huit ans, Annie cinq et Jacquie deux. nous apparut : six chalets au bardage de bois, cou- aller jusqu’à la réserve de boulets de charbon pour leur bordeaux, comme le SGACC 3 en fit construire les poêles. Nous étions isolés et les pompiers pas- sur la plupart des aérodromes. saient prendre commande de nos besoins en pain et Nous étions les derniers à emménager. Les voisins autres, à bord d’un engin qui me paraissait énorme. s’affairaient dans les jardins, encore en friche, où 1 : aérogare 12 : bâtiment 80, loge- Nous vivions aussi au rythme de l’envoi des ballons- traînaient les derniers gravats provenant de la démo- ment de fonction sondes de la météo que je regardais s’envoler, sur- 2 : direction et services lition des constructions édifiées au même endroit tout celui du soir, avec sa loupiote. administratifs 13 : cité des chalets : par les Allemands. Ces gravats, récupérés sur place 3 : tour de contrôle, logements de fonction ou dans les amas constitués de loin en loin à l’écart La sirène actionnée depuis la tour de contrôle ne sécurité incendie, 14 : restaurant et des maisons, furent souvent recyclés en bordures de retentissait qu’une fois par jour à 18 heures, à titre bureau de piste, centre cuisine massifs et en cheminement piétonnier. d’essai, si je me souviens bien. Son usage était ex- de contrôle régional, 15 : piste principale bureau central des télé- communications 15 4 : hangar B (ex H2) 5 : garage et parc auto- mobile 4 3 6 : gare de fret 5 2 7 : pétroliers Shell Esso 6 1 7 8 : Station service Mes- 14 sier et autres pétroliers, 9 BP, Stelline 10 8 9 : hangar A 11 (SFERMA 4, ex H1) 10 : emplacement de 13 la première aérogare 11 (1937) 11 : radiosondage météo, centrale élec- trique, logements des 12 électriciens 5454 Aller plus loin (suite)

clusivement réservé pour les alertes de sécurité, un ou vice de camionnettes et de cars de l’aérodrome qui A partir du 1er janvier 1953, avec leur terminus à trois coups selon leur nature. La SFERMA 4 utilisait assuraient la relève du personnel. l’aérogare même, les autobus qui ont remplacé le un système de sonnerie à l’intérieur de ses bâtiments. tramway nous apportèrent de véritables facilités de Annie : Après les courses dans Bordeaux, le retour Il m’est arrivé de l’entendre lorsque j’allais à la coo- déplacement. était épuisant pour nos jeunes jambes. Nous allions pérative faire des provisions à vélo. à pied depuis Gambetta jusqu’à la barrière Judaïque Incendies de forêt Il y eut le passage du Général de Gaulle devant nos où nous finissions les courses alimentaires car les maisons en septembre 1958 et, plus triste, le passage commerçants y étaient nombreux à l’époque. Nous y Annie: Je me rappelle ma frayeur lors de l’incendie des familles des victimes du crash du DC-7 de la TAI 5 attendions le bus qui amenait le personnel prendre le (15 août 1949) qui prit dans la décharge derrière le en septembre 1959. service de nuit à l’aéroport. Le samedi matin, une voi- bâtiment 80 : la forêt en feu à quelques dizaines de ture nous conduisait aux Capucins, à Bordeaux, pour mètres, les pompiers impuissants, des cris, et le vio- Durant les évènements d’Algérie (1961), Papa fut ré- le marché. loncelle de la voisine partie en vacances et dont nous quisitionné pour disposer des obstacles sur les pistes gardions la maison, posé debout contre une chaise. d’atterrissage afin d’empêcher l’arrivée possible des Un chauffeur nous conduisait en camionnette à l’école Qu’allait-on devenir si le feu brûlait notre maison ? «putschistes». Jules Ferry à Mérignac et nous ramenait le soir. Nous J’avais 7 ans. Avec ma sœur Jacquie qui avait 3 ans étions assis sur des banquettes latérales, sans cein- Les transports nous sommes allées nous coucher, Maman affolée tures bien sûr. Les premières années, mes pieds ne nous cherchait partout. Nous ne supportions sans touchaient pas le sol ! Les chauffeurs nous connais- Annie : Les premières années, en allant à pied au poste doute pas cette angoisse qui occupait et étreignait tout saient et nous attendaient aux sorties de l’école. En nord 6 pour prendre le tramway, je regardais les ves- le monde. Avec un énorme engin, les pompiers de la dehors des récréations nous avions peu de contacts tiges enchevêtrés des hangars. Cela m’impressionnait base militaire vinrent à bout du feu. avec nos camarades de classe et étions isolés de la vie d’autant que Papa, ayant fait de la Résistance à Tou- 7 de la petite ville qu’était Mérignac à l’époque. Je me Raymond : En août 1949 , les incendies de forêts, louse, nous avait beaucoup parlé de la Guerre. rappelle qu’il y avait un maréchal-ferrant sur la place. poussés par un vent violent, menacèrent l’aérodrome. Raymond : Les moyens de transport en commun entre Pour nous mettre hors de danger, notre père nous Raymond : Toujours en tramway, mon père nous Bordeaux et l’aérodrome étaient rares entre 1948 et emmena chez sa sœur Jeanne, près de la barrière amenait sur les quais ou jusqu’à Bacalan et même à 1953. Nous habitions à six kilomètres du bourg de Judaïque, avec le véhicule de fonction, une Peugeot Lormont, revoir les lieux qu’il avait connus lorsqu’il Mérignac et à dix kilomètres de la barrière Judaïque, 202. Il faisait nuit à quatre heures de l’après-midi tant naviguait. Je ne pense pas que nous ayons utilisé le à l’entrée de Bordeaux. Le tramway s’arrêtait à plus il y avait de fumée. La tour de contrôle avait allumé tramway plus de quelques fois par an. Autres sorties de deux kilomètres de la maison. le phare à éclats « B ». André, notre père, nous dit de rituelles : la foire-exposition ou la foire aux manèges, nous préparer rapidement car on craignait que le feu Jusqu’au 31 décembre 1952, soit pendant près de place des Quinconces, et quelques visites chez notre n’atteigne l’aérodrome en moins de deux heures. quatre ans, nos déplacements furent réglés par un ser- tante Jeanne.

Annie : Je garde un souvenir agréable de ces maisons où nous avons été heureux. Les logements bénéficiaient d’un confort appréciable à l’époque. Nous avions un environnement (un peu brut) qui nous permettait une grande liberté de mouvements et nous savions en profiter. Nous vivions des jeudis et vacances heureux dans les champs, la forêt, à vélo ou patins, sou- vent les uns chez les autres, quelque- fois pour une partie de nain jaune.

Cité des Chalets. 55 La vie des enfants à la cité des Chalets (suite et fin) Et puis...

Raymond : Ces années furent des années heureuses, Un violent orage providentiel stoppa net la progres- Raymond : Je passais de longues heures, assis sur mon pleines d’insouciance dont le souvenir est resté très sion des flammes vers Saint-Jean d’Illac. Nous pûmes vélo, appuyé contre la clôture qui séparait la zone vif. Je ne suis plus revenu dans ce coin de l’aéro- revenir à la maison par le car de la relève. publique de la zone sous douane de part et d’autre de drome après le déménagement de mes parents vers l’aérogare. Suivant l’emplacement, je pouvais voir la cité Maryse Bastié. Le premier téléviseur... dans l’aérogare ce qui se passait aux abords de la tour de contrôle ou Annie : A partir de 1959, l’aéroport a déménagé pro- regarder les opérations d’escale et les mouvements des Raymond : Dès que les émissions de télévision purent gressivement vers la nouvelle aérogare, de l’autre avions en transit. être reçues dans la région bordelaise, la T.A.I. fit ins- coté de la piste. Nous avions grandi. Une navette nous taller un téléviseur dans le hall de l’aérogare. Le soir, Autre poste d’observation intéressant, le passage entre amenait prendre les bus au nouvel aéroport, nous après le dîner, en été, nous allions en bande regarder la gare de fret et le dépôt d’essence. De là, je pou- avons vu se construire les nouveaux logements, mais rien ne fut plus pareil. Le transfert des familles vers la l’unique première chaîne en noir et blanc en compa- vais voir de près et sans dépasser la limite autorisée, nouvelle aérogare et la cité Maryse Bastié s’est fait en gnie des douaniers et des agents de police qui étaient la préparation devant le hangar B de certains essais du plusieurs étapes. De nouveaux personnels sont arri- de service de nuit. . vés. Nous étions en collège ou en lycée à Bordeaux, Annie : Seuls les garçons allaient la voir, nous les filles Annie: Moi, j’étais plus dans l’action permanente. voire à la fac pour les plus âgés, la configuration de devions rester à la maison, les spectateurs étant essen- Outre les parties de vélo et de barre fixe installée par la cité ne se prêta plus à cette vie d’échanges étroits tiellement masculins au langage pas toujours châtié. Je Papa, la piscine était un lieu de rencontre joyeux. à l’exception de quelques familles toujours liées. Et trouvais cela très injuste. C’était une ancienne réserve d’eau des Allemands. On puis la plupart ont eu la télévision. nous avait installé une échelle et un plongeoir. Nos Maman se remit à faire un nouveau jardin avec les Les jeux étés étaient bien occupés. Nous y passions des heures plantes qu’elle avait préparées en prévision. Il reste malgré quelques grenouilles et dytiques. Annie : J’étais curieuse et en même temps très crain- aujourd’hui quelques plantations à l’emplacement de tive. Cela a changé au fil des jours et des contacts avec Raymond: Dans cette réserve pour l’incendie, l’eau notre maison dans la cité Maryse Bastié. Je passe sou- d’autres enfants, surtout avec Jean-Claude, Annick, et n’était remplacée qu’au mois de juin. Les pompiers vent devant chaque fois que je vais à l’aérogare. Je les jumelles Vonik et Soisik. Mais comme mes parents mettaient une lance monitor en batterie et la vidaient garde en moi une image fidèle et précise de ces lieux, étaient sévères, j’avais du mal à obtenir l’autorisation en inondant le champ en face. On se mettait ensuite à rappel de ma jeune vie sur ces deux aéroports où l’on de sortir du jardin. plusieurs, adultes et adolescents, pour gratter à la paille connaissait la vie du service de Papa, de ceux des voi- de fer la mousse gluante qui s’était accumulée sur les sins, des papotages du personnel dans les bus.... Peu à peu, la curiosité grandissant avec l’âge, nous parois et racler la boue du fond. Après la remise en sommes partis à l’aventure explorer les alentours. Fo- Quant à la cité des Chalets, je vais faire régulière- eau, Monsieur Bouton, le chef des pompiers, y jetait rêt, bergerie derrière nos maisons, restes de maisons ment un tour à l’ancienne aérogare. Notre cité a lais- un sac de chlore et on pouvait se baigner. Les appelés bombardées, clôtures en barbelé plus ou moins renver- sé place à la piste d’accès des avions étudiés par les du contingent qui faisaient leur service militaire à la sées. Nous avions là des terrains de jeux privilégiés. étudiants de l’IMA (Institut de Maintenance Aéro- Météo au radiosondage venaient aussi s’y baigner et nautique). Une nouvelle vie ! Un jour, je devais avoir 7 ou 8 ans, nous rentrions en apprenaient à nager à ceux d’entre nous qui n’osaient classe lorsqu’il y eut une forte explosion. La maîtresse pas abandonner la chambre à air qui leur servait de nous apprit dans l’après-midi que Viviane R (qui était bouée. (1) BCT : Bureau central de télécommunications. dans notre classe) et son frère avaient joué au bord de Annie : Géniales soirées d’été, surtout fin juin. En la route en revenant de déjeuner chez eux. Ils avaient (2) SNCASO : Société nationale des constructions face de chez nous, il y avait un très grand et très haut été blessés par des éclats d’une grenade trouvée dans aéronautiques du sud-ouest. cerisier, au milieu d’un champ où restaient quelques un ruisseau. Cela nous a refroidis dans nos investiga- ruines d’une maison. Ce cerisier nous accueillait tous (3) SGACC : Secrétariat général à l’aviation civile tions pour quelque temps. les soirs après le repas familial. Les cerises étaient dé- et commerciale. Raymond: La dalle du rez-de-chaussée de l’ancienne licieuses, les plus alertes grimpaient dans les branches (4) SFERMA : Société française d’entretien et de aérogare de 1938 était tout ce qui restait du bâtiment les plus hautes et quelquefois dangereusement acces- réparation de matériel aéronautique. après le déblaiement des décombres. Elle était constel- sibles. Nous avons su éviter les chutes…. lée de trous partiellement rebouchés, mais les parties (5) TAI : Transports aériens internationaux, compa- Nous avions d’innombrables lieux de jeux, une en- gnie qui fusionnera ensuite pour créer UTA. intactes étaient parfaites pour faire du patin à rou- fance curieuse et formidable. Comme nous étions iso- lettes... à condition de slalomer entre ces trous. (6) Poste nord : au niveau de chez Dassault, nous sor- lés de nos camarades de classe de l’école Jules Ferry tions par un grand portail surveillé par un gardien. Annie : Nous nous gardions bien de le dire à nos à Mérignac, qui n’existe plus aujourd’hui, des liens parents. Il y eut quelques chutes mémorables et des extraordinaires entre tous les enfants de la cité nous (7) Ces incendies durèrent du 19 au 26 août ; cet genoux couronnés. Nous évitions les explications. tenaient en éveil et en complicité. épisode se situe le 20. 56 Les années cinquante

Comme dans les années trente, la décennie l’aéroport se dote de moyens modernes L’affrontement idéologique et politique cinquante génère des changements majeurs d’aide à l’atterrissage et au décollage par entre les Etats-Unis et l’Union Soviétique pour l’aéroport. mauvais temps. s’exacerbe : le monde entre alors dans la «guerre froide». L’Allemagne, partagée Les deux pistes, refaites, vont être desser- Le nombre de lignes à destination de l’Afrique entre l’Est et l’Ouest, semble être au coeur vies par des chemins de roulement en dur qui augmente de façon significative. de l’affrontement possible. L’aéroport est permettent aux avions de se déplacer sans Le transport aérien civil réalise sa mutation largement utilisé dans ce contexte. s’enliser lors des fortes pluies. en adoptant la propulsion à réaction. Enfin les colonies françaises s’acheminent L’Organisation de l’aviation civile internatio- L’industrie aéronautique produit et entretient vers l’indépendance... nale (OACI) coordonne et harmonise les équi- ses matériels à la chaîne ; pour cela, elle aug- pements au plan mondial. En conséquence, mente notoirement ses surfaces d’ateliers.

La décennie des grands investissements

Le Breguet Deux-Ponts «Provence» est mis en service sur le réseau méditerranéen d’Air France. A partir de 1954, il assure la ligne Paris - Bordeaux - Toulouse - Oran, puis en 1955 une ligne sur Alger jusqu’en 1960 où la Caravelle (biréac- teur) prend sa relève sur les mêmes lignes. Ici, embarquement des passagers à Mérignac. 1950 57

Un nouveau contexte mondial et local : la guerre froide

La France devient le terrain potentiel d’un conflit ma- La construction de la base américaine de Mérignac jeur. Les USA considèrent que la première base arrière sûre sera... le Maroc, alors sous domination française. 1950 : pour Mérignac, l’OTAN prévoit le dé- les Américains ferment leur base, officielle- Plusieurs grandes bases américaines y sont créées. A ploiement temporaire d’unités, l’approvi- ment par mesure d’économie. partir de 1950, sont construits en métropole un grand sionnement de l’USAFE et la possibilité d’y nombre de quartiers généraux et sites américains. Rien En 1966, la France demandera et obtien- faire de l’entraînement au bombardement que pour l’USAFE (US Air Force in Europe), il y a treize dra la fermeture de tous les sites militaires et au tir. bases aériennes, deux quartiers généraux, des hôpitaux nord-américains sur son territoire. et dépôts de munitions. Sans compter l’US Army ou les Décembre 1951 : une cinquan- Canadiens... taine de B-26 Invader, bombar- diers légers d’attaque au sol, OTAN signifie «Organisation du Traité de l’Atlantique Nord», est transférée à Mérignac. Il NATO en américain. est question d’un grand projet : installer le quartier général du Service des matériels de l’Ar- mée de l’Air américaine pour l’Europe, le terminus du MATS (Military Air Transport Service), une escadrille de sauvetage et des troupes en rotation. La priorité à l’usage civil de l’aérodrome précédemment actée étant remise en cause, des tractations ont lieu ; seuls sont retenus le stationnement de troupes en rotation et l’es- cadrille de sauvetage. Toujours dans le cadre de l’affectation civile, la tour de contrôle et les aides à la navigation restent sous la responsabilité du minis- tère français de l’Air. Les militaires américains dis- Établie sur le site actuel de la gare posent d’autres installations en ville comme de fret, la base américaine compte en le Génie et un escadron du Train. L’usine 1952 plus de deux cents baraquements Ford de Bacalan et la base sous-marine alignés, des magasins de matériel et de servent de dépôt. vivres, un hôpital, un théâtre et deux En 1955 et 1956, la base aérienne de Bor- hangars pour avions. deaux se développe afin de pourvoir à l’ar- Sont rajoutés ensuite une blanchisserie, Présence militaire alliée en 1958 ; la base américaine de Bor- rivée d’avions supplémentaires, au débar- une chapelle, un bowling, des clubs et deaux, en cours de fermeture, ne figure plus. Noter le pipe-line quement de matériel et à l’hébergement de foyers du soldat, une fabrique de glace, au départ de l’embouchure de la Loire et les projets nord-sud. 2.400 soldats en cas de crise internationale. une banque, d’autres magasins, des Ne figure pas sur cette carte un réseau de 28 relais-radio salles d’école, une boutique de vente En octobre 1958, à la demande de la France détaxée... reliant les forces américaines de Bordeaux à l’Allemagne. qui souhaite réaliser une aérogare civile, 58 Les années cinquante

Les innovations techniques normalisées

Création de l’OACI : bilatéralisme et normes techniques Notice française de 1947 présentant le Avant la fin de la Seconde guerre mondiale, les USA ont réuni la dispositif : un camion plupart des États pour définir ensemble les conditions de dévelop- et une remorque pement du transport aérien à l’issue du conflit. Ainsi nait l’OACI, équipée de plusieurs l’Organisation de l’aviation civile internationale. Cette institution antennes radar. Une permet de confronter les points de vue et de définir des règles cabine abrite les communes la plupart du temps. opérateurs en liaison radio avec les avions Le développement des lignes est encadré par le principe du bila- en percée. téralisme : avant de créer une nouvelle liaison, les deux États Plus tard, les opéra- concernés se mettent d’accord pour en partager l’exploitation teurs GCA reçoivent entre deux compagnies, une de chaque État. directement les informations radar à Au plan technique, la normalisation se réalise sur les moyens de la tour de contrôle. navigation. Un réseau permettant aux avions de naviguer de façon A chaque changement autonome (VOR1, DME2) et plus précise se met en place rapidement. de piste d’atterris- sage, il faut tracter, Mais les choix ne se sont pas faits sans quelques solides débats tourner et orienter la sur les avantages de tel ou tel système. Ainsi pour le guidage à remorque... l’atterrissage par mauvais temps, il y a les partisans du GCA3, un système radar au sol grâce auquel un opérateur donne à l’avion en percée des séries de caps et de petites corrections pour l’ame- ner à l’entrée de la piste. Mais c’est l’ILS4, un système embarqué directement interprété par l’équipage qui est universalisé. Un double équipement pour Mérignac

Pendant quelques décennies, le GCA, équipement de guerre par excellence, est utilisé par les avions militaires, notamment les chasseurs. Et Mérignac est donc équipé des deux systèmes, l’ILS pour le trafic civil et le GCA pour les militaires. La navigation est assurée par un matériel «compatible» à la fois pour les civils et militaires : un VOR-TAC5. 1- VOR : VHF omni-range. 2- DME : distance mesuring equipment. 3- GCA : ground control approach. 4- ILS : instrument landing system. 5- TAC : tactical aircraft control.

La tour de contrôle en bois de 1947 sert encore douze ans, jusqu’à la construction de la nouvelle aérogare. Le morse est abandonné, les avions étant progressivement équipés de radiotéléphone. Peu à peu, les installations de navigation et d’atterrissage par mauvais temps deviennent performantes et le «gonio», dans sa cabane en bout de piste, disparaîtra lui aussi. 1954 - 1961 59

Grands travaux sur les pistes et taxiways

Les deux pistes sont rénovées en 1954 et 1955. Des taxiways, voies de circulation pour les avions, sont construits par les américains parallèlement aux pistes, soit 110.000 m2 de voies. Ceci permet aux avions de ne plus s’em- bourber et d’utiliser les pistes uniquement pour le décollage et l’atterrissage. Ce qui augmente de façon conséquente la capacité horaire de l’aérodrome. Il manque des parkings pour les avions et ceux qui sta- tionnent sur l’herbe s’enlisent fréquemmement l’hiver. En 1955 et 1956 les américains aménagent une aire de 170.000 m2, permettant le stationnement de 255 La piste principale, côté seuil 05 (décollage face à la ville) en 1956. avions de chasse devant les hangars mili- Les taxiways sont en construction. Sur la droite, les travaux d’aména- taires qu’ils occupent. gement du grand parking pour les avions américains.

Cliché Michel le Collen Balisage lumineux

Les deux pistes sont balisées de chaque côté sur toute leur longueur. Tous les taxiways, y compris les plus anciens, sont pourvus de feux bleus. Le seuil Figurés par de chaque piste est marqué par un trait rouge, une barre de six projecteurs les principaux oranges (trois de chaque taxiways construits. coté de l’axe de piste). Entouré d’un cercle, le prolongement de piste au nord est le premier Allongement des construit. pistes Le deuxième, au sud, prolonge la piste La piste secondaire est principale. Il nécessite allongée de 620 m vers un agrandissement de le nord-ouest. Au début l’emprise de l’aéro- de la décennie suivante, en drome vers l’ouest. 1961, la piste principale est Cette carte est publiée au prolongée de 300 m tandis début des années soixante : qu’une rampe lumineuse l’aérogare inaugurée en d’approche est installée en 1959 se trouve dans l’angle amont de la piste principale. formé par les deux taxiways. 60 1951 - 1961

Le transport aérien commercial décolle enfin à Mérignac !

Au plan national, trois paramètres - dans 80% des cas, l’avion concurrence des lignes anglaises qui font escale à jouent un rôle essentiel dans le déve- directement le bateau, auparavant in- Mérignac vers Madrid et Lisbonne. loppement du transport aérien après- contournable, pour la traversée de la L’année 1951 voit passer sur l’aéro- guerre : Manche ou de la Méditerranée. drome de Bordeaux 8.000 mouvements - la France est une puissance ultra-marine Ces trois points expliquent le dévelop- d’avions civils, 35.000 passagers (dont et 70% des échanges aériens concernent pement du trafic aérien à Bordeaux 40% de transit), 640 tonnes de fret, 650 Sur le parking de ses colonies et protectorats ; avec l’ouverture de nouvelles lignes en tonnes de trafic postal et 13.000 mou- l’aérogare, les passagers DC-4, Languedoc, Breguet Deux-Ponts, vements militaires. - l’avion est devenu un moyen de trans- d’un Super-constellation vers le Maroc, l’Algérie et la Tunisie, et port moyen-courrier : 85% du trafic rejoignent leur avion en Constellation vers l’Afrique noire, concernent l’Afrique du Nord et l’Eu- le 7 janvier 1958. Dakar et Abidjan. A noter également rope ; Au deuxième plan, un Noratlas militaire. Les liaisons avec le Maroc 61 Les liaisons avec la Grande-Bretagne 1953 : Casablanca, Rabat, Tanger sont des- servies chaque semaine. 1954 : première liaison saisonnière Londres - Bor- 1958 : ouverture d’une escale à Meknès. deaux - Biarritz. 1964 : création de la ligne Bordeaux - Bristol permettant aux étudiants le vol direct pour les Les liaisons avec l’Algérie et l’A.O.F. échanges scolaires de Pâques et d’été. (Afrique occidentale française)

1952 : Alger est reliée à la métropole Le développement des lignes intérieures par des lignes à escales multiples comme 1954 : le ministre des Transports, Jacques Chaban- Alger - Toulouse - Bordeaux - Nantes - Le Delmas, s’étonne que la France ne possède pas de Bourget. Certaines lignes d’Air France à réseau aérien intérieur. destination du Maroc sont prolongées vers Dakar et Abidjan via Conakry. 1958 : création d’ avec deux lignes : Le Bourget - Strasbourg et une transversale Nantes 1953 : les compagnies TAI et UAT des- - Bordeaux - Marseille - Nice avec escale intermé- servent Bamako, Abidjan ainsi que Téné- diaire à Toulouse en alternance avec Lourdes. Mais riffe et Dakar, avec des correspondances le déficit entraîne l’arrêt de la compagnie à la fin régionales, puis Ouagadougou en 1954. de l’année. Bordeaux est relié à Oran et plus tard à Bône et Philippeville. La desserte concertée de l’Afrique

1956 : suite à l’indépendance du Maroc et 1960 : les vols coordonnés entre Air France et UAT la Tunisie, suivie en 1960 des états africains permettent la desserte, au départ de Bordeaux, puis de l’Algérie en 1962, une redistribution de Niamey, Cotonou, Lomé et Bamako. du trafic se met en place. 1961 : escale à Freetown et à Port Etienne. Prospectus commercial présentant le réseau d’Air La Postale de nuit France au départ de Bor- deaux. Air France assure un réseau postal nocturne qui couvre pro- D’autres compagnies fran- gressivement toute la France six nuits sur sept chaque se- çaises, privées, ont aussi maine. Plusieurs lignes convergent sur Bordeaux. leur réseau : Air Algérie, Air Atlas, etc. La formation des équipages et l’équipement des appareils per- mettent l’atterrissage quelles que soient les conditions mé- téorologiques, notamment dans les brouillards les plus épais.

Eléments de statistiques pour 1951, 1955 et 1959 Chargement de nuit d’un avion de la Postale. Albert Brenet. ©ADAGP2013

1951 : par comparaison au plan national, le nombre de passagers est de 35.000 à Bordeaux, 52.000 à Lyon, 364.000 à Marseille et de 1.100.000 à Paris (Le Bourget + Orly). 1955 : les chiffres du trafic à Bordeaux atteignent 45.000 passagers et 24.400 mouvements d’avions : 4.900 vols civils, 2.500 vols d’essai et 17.000 vols mili- taires, dont 5.000 militaires étrangers. Le nombre d’avions militaires est alors trois fois plus important que le nombre d’avions civils. 1959 : 120.000 passagers utilisent l’aéroport, dont 51.000 sont en transit. On compte 6.000 mouvements civils et 10.000 vols militaires et d’essai. Sont expé- diées 1.800 tonnes de fret et 2.300 tonnes de poste. Les destinations les plus fré- quentées sont : Alger, Casablanca, Oran, Dakar ; Paris-Orly arrive en cinquième position. 62 1954 - 1963

Le passage soudain de l’hélice au réacteur

Une transition très rapide

1960 : mise en place de la Caravelle sur Bordeaux - Casablanca. 1963 : le Boeing 707 assure la ligne Paris - Bordeaux - Dakar. L’exploitation des long- courriers quadriréac- teurs (B707, DC8) accélère la sup- pression des escales tech- niques, dont Bordeaux.

En 1966, en pleine expan- sion, Air Inter Le Languedoc était sur toutes les tables passe au réac- teur sur Bordeaux Le Languedoc a été conçu à la veille de la Seconde guerre par - Paris. Marcel Bloch. Après le conflit, bien que dépassé, il est construit à 100 exemplaires pour relancer la capacité industrielle de l’aéronautique française à Toulouse. Photographié ici devant les bureaux portant en grosses lettres la mention «Aéroport Bordeaux - Mérignac», symbole de modernité au début de la décennie cinquante, il illustre en pleine première page le dépliant de la carte du restaurant de l’aéroport.

Le Comet, précurseur malheureux

Carte postale éditée par la Chambre de commerce de Bordeaux représentant un Comet, le premier des avions de transport civil à réaction, ici aux couleurs de la compagnie UAT (Aéromari- time), en escale à Mérignac. Cet avion connaît des débuts difficiles suite à une série d’acci- dents et plusieurs suspensions de vol. Noter l’implantation des réacteurs dans la voilure, formule re- prise sur le Tupolev 104 mais qui sera abandonnée par la suite pour les avions civils. 1958 - 1960 63

Qui va s’installer sur les parkings des Américains ?

Après la Seconde Guerre mondiale, circulation aérienne particulières, les avions de l’Armée de l’Air sont une priorité à l’atterrissage (auto- utilisés dans les différents conflits nomie limitée), des équipements d’indépendance des colonies fran- de bord différents des civils, tant çaises. pour la navigation que pour les ra- 1951 : Mérignac héberge des B-26 diocommunications, et des besoins en préparation pour l’Indochine. importants en matière de parkings. 1956 : stationnement de Nord 2501 qui vont intervenir dans la crise du Un arbitrage nécessaire canal de Suez puis au Maroc. 1958 : arrivée de B-26. Les aires bétonnées des Américains feraient l’affaire, mais en principe Le rapatriement des bases elles sont en zone réservée à l’ex- ploitation commerciale de l’aéro- 1958 : les Américains ayant quitté port. Mérignac, se pose la question de rapatrier du Maroc, devenu indé- Finalement, après arbitrage inter- pendant, les écoles de l’Armée de ministériel, la 92ème s’installe à la L’ex-parking américain est l’Air. place des Américains et ne doit pas Les photos aériennes de la base améri- d’abord utilisé pour stocker ème réaliser d’installations nouvelles, La Défense propose que la 92 es- des F86 Sabre, de l’OTAN, caine sont très rares. Sur ces deux pho- cette affectation restant provi- cadre de bombardement, basée à avant qu’ils soient ferraillés tos dont celle du haut prise au départ Cognac, et le Centre d’instruction soire. Ce qui durera... une tren- localement (photo du haut) de ses occupants pendant la construc- au bombardement soient déplacés taine d’années. et, en bas, des Armagnac tion de la nouvelle aérogare, la base américaine apparaît en arrière-plan. à Mérignac. Ces unités sont dotées L’aéroport reçoit des équipements qui n’intéressent plus de Vautour. personne. On distingue ses deux cents baraque- spécifiques à l’armée de l’Air, les ments promis à la démolition et les procédures de circulation aérienne Les besoins exprimés par les mili- Clichés Michel Le Collen deux grands hangars à avion au bord de taires sont importants en terme sont modifiées et des contrôleurs l’immense parking tant convoité. d’activité : 150 mouvements par militaires sont affectés à la tour de jour en pointe, des procédures de contrôle en plus des civils.

Patrouille de B-26, bom- bardier moyen bimoteur de la Deuxième guerre mon- diale dénommé A26 jusqu’en 1948. Deux tourelles, 11 mitrailleuses au total. 64 Les années cinquante

Quand les avions, neufs ou rénovés, sortent à la chaîne...

La construction aéronautique Adaptation d’un turbopro- pulseur Turboméca Astazou L’entretien des forces aériennes sur un Nord 1100. qui procédaient à la liquidation Au deuxième plan, la tour des poches allemandes de Royan de contrôle en bois. et de la Pointe-de-Grave a été une réussite. Les ateliers de la SNCASO se voient confirmer leur mission d’entretien, réparation et transformation. En 1949, ils deviennent la Socié- té française d’entretien et de réparation de matériel aéronau- tique, la SFERMA, qui s’appel- lera plus tard la SOGERMA. Cette société révise un nombre prodi- gieux d’avions de modèles dif- férents pour des clients de tous pays et réalise des éléments en sous-traitance. En 1956, pour la guerre d’Algé- rie, elle transforme des T6 neufs dont près de 900 ont été com- mandés aux Etats-Unis. En 1957, elle se lance sur les tur- bomachines et équipe en 1959 le banc volant de l’Astazou, propul- seur d’hélicoptère à l’essai. En 1960, elle assure la mainte- nance des Mystère IV.

Derrière le hangar H1 refait à neuf, les traces de la guerre sont encore visibles en 1951. Au troisième plan, les bâtiments récents de la SFERMA.

Cliché Michel Le Collen 65 Les bâtiments neufs de

La montée en puissance régulière des productions Dassault amène l’entreprise à construire successive- ment des ateliers neufs pour les différentes chaînes de fabrication des séries d’avions de chasse à réac- tion : - 1951 : début de production des 350 exemplaires de l’Ouragan et des 150 Mystère II ; - 1955 : lancement de la série de 450 Mystère IV ; - 1956 : début de production de 95 Etendard IV ; - 1958 : lancement des 170 exemplaires du Super Mystère SMB2.

Exploration du turbopropulseur chez Dassault

En 1958 le bureau d’études de Mérignac travaille sur des projets d’avions équipés de turbopropulseurs. Dans le contexte de la guerre d’Algérie, deux proto- types sont fabriqués : le MD 415 Communauté et le MD 410 Spirale (version appui-feu).

Les bâtiments des établissements Marcel Dassault, Cliché flambant neufs, sont entourés des avions en fin Michel d’assemblage. Le Collen Les avions à réaction sont alignés sur les parkings, à droite. Les avions à hélices sont stockés sur l’herbe. Entourés d’un cercle, les vestiges de l’entrée Spirale : historique de l’aérodrome qui vont disparaître. premier vol (Voir les plans en pages 12 et 20.) le 8 avril 1960.

La fin de la guerre en Algérie met un terme àces études. L’usine abandonne les turbopropulseurs pour les réacteurs et va ainsi déboucher sur le Mystère 20.

Mystère IV. Chasseur de jour, exporté en Inde et en Israël. Vitesse max : Mach 0,98. 66 1959 - 1960

Une grande aérogare moderne, enfin !

Le 8 novembre 1959, l’aérogare, dessinée par Raymond Mothe, est mise en service. Celui-ci a inté- gré dans son projet architectural le bloc technique : outre la tour de contrôle, ce bâtiment abrite le centre météorologique régional. L’inauguration

20 mai 1960 : l’inauguration offi- cielle a lieu le jour du premier vol d’une Caravelle de Royal Air Maroc entre Bordeaux et Casablanca.

Au premier plan, le garage et la centrale électrique. Au deuxième plan, le bloc technique avec la tour de contrôle, puis l’aérogare avec son hall avancé. Enfin, le petit bâtiment abritant la gare de fret et les servitudes. Au fond, les établissements Marcel Dassault.

Hall de l’aérogare : espace d’attente avec vue sur la piste et escalier vers le restaurant à l’étage.

Au bord des parkings avion, les garages hébergent diffé- rents véhicules dont ceux de lutte contre l’incendie. Le parc automo- bile est encore hétéroclite. Salle de préparation des vols pour les équipages 67 au rez-de-chaussée du bloc technique.

Un an après l’ouverture, l’aéroport est doté d’une immense antenne ra- dar portant à plusieurs centaines de kilomètres.

La complexité grandissante des mouvements d’avions, particulière à Mérignac

En 1959, de nombreux avions à Il faut également que civils et mili- Par ailleurs, le nombre de passa- Certains décollent avec des muni- réaction à usage civil entrent en taires se coordonnent plus étroite- gers aériens croît notablement tions actives, d’autres sont peu service. Avec une vitesse multi- ment dans la gestion de l’espace (voir pages suivantes). Le nombre manœuvrants. pliée par deux, un confort lié à la aérien. total d’avions fréquentant l’aéro- Certains se posent avec un para- croisière à haute altitude, un si- port augmente en conséquence. lence intérieur inhabituel, un plus Avec le concept de la dissuasion chute d’atterrissage qu’ils larguent grand nombre de passagers par vol nucléaire, la Défense prend une Les trois activités aériennes, mili- sur la piste. D’autres ont besoin de et une baisse tendancielle du prix importance nouvelle en France. taire, civile et vols d’essai croissent barrières d’arrêt aux extrémités de du billet, les réacteurs rendent les Mérignac va devenir un centre simultanément et les pistes piste. Certains ont une autonomie avions à hélices de l’époque obso- d’instruction pour les équipages connaissent une incroyable fré- limitée et sont donc prioritaires. lètes en très peu de temps. de Mirage IV, le futur bombardier quentation délicate à maîtriser : Une telle hétérogénéité du trafic stratégique porteur de la bombe des avions lents (Flamant, Noratlas, La vitesse et les niveaux de croi- aérien va durer tout au long des atomique. DC-3), des avions moins lents (tur- sière élevés des avions à réac- trois décennies suivantes, de fait tion nécessitent de visualiser les Toujours à Mérignac, les avions neufs bopropulseurs), des rapides (réac- jusqu’à la fin de la guerre froide. avions, donc de mettre en œuvre ou révisés sortent en nombre et ef- teurs civils, Vautour) et des très des radars. fectuent chacun leurs vols d’essai. rapides (Mirage III, Mirage IV). Ouverture d’une nouvelle route Construction des logements de fonction de la gen- (avenue JF Kennedy) pour accéder darmerie du Transport aérien, aujourd’hui démolis. à l’aérogare nouvelle. 68 Les années soixante et au-delà...

AperçuAperçu desdes annéesannées soixantesoixante

Au premier plan, les établissements Das- sault. Au deuxième plan, la piste principale avant qu’elle ne soit prolongée. Au troisième plan, les taches blanches des bâtiments de l’aéro- gare. On devine les ali- gnements de Vautour sur l’ex-parking des Américains et les deux grands hangars. A gauche de ceux- ci, à la place de la base américaine, les toitures rouges de la cité Maryse Bastié tout nouvellement construite. Un repère toujours présent en 2012 : le château d’eau.

Les établissements Dassault commencent les séries de Mirage III à partir de 1960 (1.400 exemplaires au total) et des 60 exem- Un Mirage plaires du Mirage IV à partir de 1963. Le prototype du Mystère IV devant les 20 vole le 4 mai 1963 et attire l’attention des dirigeants de Pan bâtiments Am qui en commandent 40 et prennent option pour 120 autres. Dassault.

La délégation, avec Charles Lindberg à sa tête, et ses hôtes devant le Mystère 20. Les années soixante et au-delà... 69

Transport civil et Défense : une activité aéronautique intense

La ligne Bordeaux - Paris

Après un premier échec à son lancement en 1958, la compa- gnie Air Inter redémarre en 1960. La ligne Bordeaux - Paris devient régulière à partir de 1962. La compagnie intérieure ouvre d’autres liaisons au départ de Bordeaux vers Lourdes, Marseille, Nantes, Toulouse et Lyon en 1964 et 1965. Quelques chiffres significatifs sur Bordeaux - Paris : - 1962 : un service par jour en Vickers Viscount (64 places, à hélices), 20.000 passagers l’année suivante ; Le Vautour est un biréacteur biplace de bombardement - 1966 : deux services quotidiens en Viscount et un en Caravelle ; de conception française, tout temps, équipé d’un - 1970 : cinq dessertes par jour et 200.000 passagers annuels ; radar et capable de passer - 1975 et 1976 : mise en service du et de le mur du son en piqué. l’ A300. Il existe aussi en version monoplace d’attaque au sol.

Le transport civil se restructure et progresse

1956 : indépendance 1962 : fin de la Nombre annuel de Un Nord 2501 précédé d’un alignement du Maroc guerre d’Algérie passagers à Mérignac : Total de 9 Vautour au parking. - 45.000 en 1955 ; Cliché Michel Le Collen - 117.000 en 1965 ; - 600.000 en 1975.

Métropole L’activité militaire prépondérante sur l’aéroport

1961 : la 92ème escadre de bombardement, dotée de Vautour Algérie + Tunisie et de B-26 Invader, s’installe à Mérignac. Maroc 1964 : un centre d’instruction des forces aériennes straté- giques est créé avec des Vautour et Mirage III. Un groupe d’en- tretien assure la maintenance des Mirage III et des Mirage IV. 1965 : les deux tiers des mouvements d’avions sont militaires. 1967 : les B-26 quittent la base. A.O.F. Grande-Bretagne 1974 : début de l’instruction et de l’entraînement des pilotes de Mirage IV sur Mirage III biplace. 1953 : le Maroc 1961 : Algérie et Tunisie 1965 : la métropole représente 50 % du représentent 50 % du représente 66 % du 1978 : création d’un escadron de reconnaissance et d’instruc- trafic passagers trafic passagers trafic passagers tion équipé de Mirage IV. 70 Décembre 2012

Hommage aux vingt mille

Depuis les années soixante, dans une enveloppe La fin de la guerre froide, les «dividendes de Depuis 1910, ce sont environ 20.000 personnes désormais figée, les grosses opérations se pour- la paix» et la crise économique persistante qui se sont succédées pour construire l’histoire suivent avec la construction de deux extensions amènent un redimensionnement de l’Armée du site aéroportuaire d’aujourd’hui. Que ce li- de l’aérogare côté piste (aile Poirier et Pénin- de l’Air. Les avions d’armes quittent Bordeaux, vret soit une façon de leur rendre un hommage sule ibérique), d’une aérogare consacrée au fret, réduisant ainsi la complexité de la circulation mérité. d’une deuxième aérogare passagers dédiée au aérienne. D’autres services de la Défense s’ins- Les auteurs de ce fascicule, tous familiers de trafic national et d’une aérogare «low-cost». En tallent sur des surfaces disponibles. l’aéroport, ne sont pas des professionnels de 2012, plus de quatre millions de passagers ont Aujourd’hui, environ 8.000 personnes travaillent l’histoire ou de l’analyse économique. bénéficié des services aéroportuaires. dans l’emprise aéroportaire (au sens strict) : Ils souhaitent que des recherches universitaires, La construction et la maintenance aéronautique au nord dans la construction aéronautique, au dans différentes disciplines, soient lancées pour poursuivent leurs productions industrielles avec centre dans ses aérogares et leur périphérie, au étudier et approfondir de façon scientifique de nouveaux bâtiments toujours plus grands. sud dans la base militaire. toutes les facettes historiques de cet acteur économique majeur qu’est devenu avec le La tour de contrôle, temps l’aéroport de Bordeaux-Mérignac. dessinée par Philippe Starck, vue ici côté piste.

Une toiture ondulante sur un bâtiment que la lumière traverse d’une face à l’autre : c’est le terminal B, oeuvre de l’architecte Paul Andreu, réservé au trafic national. Quelques rangées de vigne, plantées aux abords, dont le raisin est récolté chaque année.

Le terminal A, remodelé, éclairé par six tours de verre. Il est spécialisé dans le trafic international. Sur le côté droit, un élément de l’aérogare de 1959. A l’emplacement des drapeaux se tenait dans les années vingt... le château Teynac. 71 Mérignac au temps des hélices, 1910 - 1960, Bibliographie histoire d’un port aérien Air France à Bordeaux, 1928 – 2OO5, Bruno Vielle Atlas historique des terrains d’aviation de France métropoli- Publication de la collection mémoire de l’aviation civile taine, 1919 - 1947, CD-ROM, mémoire de l’aviation civile - au format électronique dans la rubrique «patrimoine» sur le site FW200 Condor, the Airliner that went to war, JC Salgado, Classic du ministère en charge de l’Aviation civile ; Chevron - sur papier grâce au soutien du Service de l’Information aéro- Contribution à l’histoire du CCR sud-ouest, Jacques Meynard (non nautique (SIA). publié)

Cet ouvrage a été rédigé par Histoire du transport aérien, Robert Espérou, Pascal Galodé édi- teurs Daniel Jousse, Pierre Roussel, Didier Le Clech, Annie Marionnet- L’aéronautique à Bacalan, Jean Lacroze, Le trait d’Union Cabiran La grande aventure de la Poste et du fret aériens, du 18° siècle à avec la collaboration de nos jours, Camille Allaz, ITA Jean-Loup Mommessin, Michel Jeantet, Michel Drobycheff, Chris- Le radar, 19O4 - 2OO4, Histoire d’un siècle d’innovations tech- tiane Miranda, François Balard, René Descazeaux, tous membres niques et opérationnelles, Yves Blanchard, Ellipses de l’association La Mémoire de Bordeaux-contrôle (LMBC) et Joël Vergne (Mission mémoire de l’aviation civile) Les bases américaines en France (195O – 1967), Olivier Pottier, L’Harmattan Création graphique : Daniel Jousse LMBC est une association de préservation et de mise en valeur du Mémoires d’aéroport, Bernard Domec, non publié patrimoine technique et humain de la navigation aérienne dans le U.S. Air Force in France, 195O – 1967, Jerome J. McAuliffe, Milspec Sud-Ouest. Press L’aéronautique à Bordeaux, les cahiers de la mémoire, William Blake and co. 100 ans d’Aviation en Gironde, 1910 - 2010, La mémoire de Bor- deaux - Editions Confluence Remerciements Air Inter : l’avion pour tous, Bruno Vielle, ETAI Air France, 1933 - 1944, un turbulent décollage, Bruno Vielle, ETAI Jacques Meynard, co-fondateur de l’association LMBC ; Raymond L’épopée bordelaise d’Air France avec Bruno Vielle, site internet Cabiran, habitant de la cité des Chalets ; René Lemaire et Michel du CAEA Baron du Conservatoire aquitain de l’air et de l’espace (CAEA) ; Michel Le Collen, photographe aérien ; Georges Ramet ; Un siècle d’aviation avec Air France, Musée Air France - Gallimard Ariane Gilotte, Marie-France Poisson et l’équipe des archives de Bulletin de la navigation aérienne, mensuel, 1920 - 1939, ministère la DGAC ; de l’Air Jean-Paul Hug ; Aviation populaire, aviation prolétaire, 1936, Vital Ferry, éditions du Gerfaut le Comité local d’action sociale (CLAS) sud-ouest ; Air France dans tous les ciels, Denis Parenteau, éditions Ouest- Daniel Duruisseau, Pierre Dupuy et Pierre Dalle qui ont sauvegar- France dés de nombreuses photos de l’aéroport ; Géo Ham, peintre de la vitesse, maitre de l’affiche, éditions So- les Archives départementales de la Gironde, les Archives munici- mogy pales de Bordeaux, les Archives de Mérignac, la photothèque du Service technique de l’aviation civile (STAC) Perinotto, artbook # 1 et artbook #2, Paquet Albert Brenet, une vie - une œuvre, Gallimard - Musée de la Marine les éditions du Seuil et France-Empire. 72 Crédits iconographiques Archives municipales de Bordeaux : p 23, p 32 toutes photos, p 33 toutes photos, p 42 bas gauche, p 52. Archives DGAC : p 21 milieu, haut droit et bas droit, p 48 droit. Albert Brenet (Musée Air France) : p 9 haut, p 14 haut et bas, p 15, p 19 bas droit, p 27 droit, p 75 haut. Albert Brenet (ADAGP 2013) : p 61 bas. Bulletin de la navigation aérienne : p 8 bas gauche, p 9 milieu bas, p 10 milieu bas, p 11 haut droit et bas droit, p 12 milieu, p 15 milieu haut doit, p 20 haut gauche et droit, p 30 gauche, p 31 gauche et droit, p 34 droit, p 47, p 48. Collection Duruisseau-Dupuy-Dalle : p 2, p 28 haut, p 29 toutes photos, p 38, p 41 bas droit, p 43 milieu, p 45 bas gauche et droit, p 45 bas gauche et droit, p 46 haut, p 47 bas, p 50 haut gauche, p 51 haut gauche et milieu gauche, p 56, p 58 bas, p 60, p 61 droit, p 66 bas gauche et droit, p 67 toutes photos. France-Empire : p 17. Photo-club du Val de Leyre : p 8 haut droit et milieu. Géo Ham : p 10 droit, p 13 haut droit, p 25 haut droit, p 26 haut et bas, p 39 bas, p 49 haut droit, milieu et bas gauche, p 74 haut. Collection Guy Joubert : 42 haut gauche. Daniel Jousse : p 11 haut gauche, p14 milieu, p 20 bas gauche, p 27 haut gauche et bas «Les prémices et les cinq vies du CRNA sud- gauche, p 30 haut, p 41 gauche, p 43 bas droit, p 48 bas gauche. ouest», 2003. Sortie à l’occasion de l’ouverture Michel Le Collen : p 50, p 51, p 53, p 59 haut, p 62 bas, p 63 haut et bas, p 64 bas, p 65 du nouveau bloc technique. Conception : LMBC. haut, p 66 haut, p 68 haut, p69 haut droit, p 75 bas, p 76. Collection René Lemaire et CAEA : p 6 haut gauche, milieu gauche, milieu droit et bas gauche ; p 7 toutes photos, p 12 milieu droit et bas droit, p 13 bas droit, p 18, p 24 haut gauche et bas gauche, p 34 gauche, p 35, p 36 droit, p 40, p 41 haut gauche, p 44, p 45 centre, p 48 bas gauche, p 65 bas gauche et droit, p 68 deux photos bas, p 69 haut centre. Collection LMBC : p 59 bas, p 61 haut gauche, p 62 haut, p 63 bas gauche et droit. Jerome McAuliffe : p 57 droit. Philippe Mitchské : p 25 bas gauche. Lucio Perinotto : p 13 haut droit, p 36 gauche, p74 bas. Olivier Pottier : p 57 gauche. Collection Georges Ramet : p 42 bas droit. Famille Rességuier : p 22 gauche. Pierre Roussel : p 73 bas droit. Photothèque DGAC/Véronique Paul : p 70 haut, milieu et bas. Photothèque STAC : p 47 haut, p 58 haut. Photo ISO : p 60. Famille Terrusse, p 15 bas. Collection Bruno Vielle : p 12 haut gauche. Droits réservés : p 2, p 6 milieu bas, p 8 milieu gauche, p 9 bas droit, p 10 gauche, p 11 haut droit et bas droit, p 12 droit, p 22, p 24 milieu et bas droit, p 37, p 39 haut, p 46 bas «La mémoire des anciens de l’aviation civile gauche, p 49, p 50, p 54, p 55, p 59, p 61, p 64 haut. et de la météorologie. Premier récits, pre- miers voyages». Publication de l’ANAFACEM, association de retraités. Deux membres de Tous droits de reproduction réservés. LMBC ont animé le comité de rédaction. Editeur : Mission mémoire de l’aviation civile. 73

«Du morse à la souris, 60 ans de contrôle en-route». Sortie en 2007 ; catalogue de l’expo- sition éponyme. LMBC a animé le comité de rédaction. Editeur : Mission «60 ans de contrôle mémoire de l’avia- aérien en-route». tion civile. Numéro spécial du magazine de l’Aviation civile, mai 2007. Participation-conseil de LMBC.

Réalisations et contributions de La Mémoire de Bordeaux-contrôle (LMBC)

Créée en 1991, l’association a d’abord eu pour but de préser- ver et de promouvoir le patrimoine professionnel, humain et technique du contrôle aérien dans le sud-ouest. Ces horizons ont été élargis récemment de façon à pouvoir étudier d’autres domaines connexes à la navigation aérienne. Ses créateurs sont issus du centre de la navigation aérienne en-route de Mérignac qui gère l’espace aérien dans le quart sud-ouest de la France à l’exception de la couche d’espace la Création de diffé- plus basse gérée par les tours de contrôle. rentes expositions itinérantes : ici «Du LMBC morse à la souris» CRNA sud-ouest pour laquelle LMBC 1, rue de Beaudésert, 33692 MÉRIGNAC CEDEX a tenu le rôle de commissaire de Site internet : http://bdx.lmbc.free.fr/ l’exposition. 74 Course avion-auto Les principaux artistes contributeurs de

Géo Ham La roue du bolide automobile sort déjà du cadre de l’illustration, les pneus ne touchent pas le sol, toute l’image périphérique est floue : ce sont ces Philippe Mitschké techniques de dessin, utilisées pour la première fois, qui vont faire de Géo Fondateur de l’association des peintres de Ham, Georges Hamon de son vrai nom, l’Air, Philippe Mitschké, né en 1931, a été le premier peintre de la vitesse au XX° graphiste, illustrateur, affichiste, créateur siècle. de logo, de médaille et de timbre. Né en 1900, il est nommé peintre de Il a été directeur artistique de la presti- l’Air en 1931 et sera particulièrement gieuse revue «Icare» pour laquelle il a réa- connu pour ses publicités et ses affiches lisé plus de cent couvertures. Il a aussi été touchant au monde des sports méca- conseiller artistique et graphique de . niques : moto, automobile et avion. Il a peint pour l’Armée de l’Air, Air France, Son souci de l’exactitude l’amènera UTA, THOMSON, MATRA, EADS et d’autres... à voyager comme un sac postal sur la ligne de l’Amérique du Sud pour en par- (Illustration d’un vol d’Air Bleu, page 25) faire les illustrations.

Lucio Perinotto

Né à Bordeaux en 1949, Lucio Peri- notto a été nommé peintre de l’Air agréé en 1992 et titulaire en 2004. Il a produit un grand nombre de scènes d’aviation au temps des hélices, dans cet univers nocturne de pistes d’aéro- drome inondées de reflets liés à une pluie récente. Ce peintre a aussi pratiqué la couleur et ses oeuvres vibrent littéralement des trépidations des moteurs et des hélices fouettant l’air. Cette magie l’amène à fournir régu- lièrement la couverture du magazine «le fana de l’aviation». Tout un pro- gramme ! http://www.perinotto.net

Super Constellation au décollage ce livret consacré à l’aéroport de Mérignac 75

Le Bourget. Au deuxième plan, un biplan Handley Page «Hannibal» des Imperial Albert Brenet Airways. Devant, arrivant de Londres, un Bloch 220, fabriqué à Bordeaux. Né en 1903, Albert Brenet Peintre de l’Air est aussi un artiste du mou- vement qui est allé peindre Le titre de «peintre officiel aux quatre coins du monde de l’Air et de l’Espace», et dont les tableaux sont plus connu sous le nom de animés par la présence hu- «peintre de l’Air», est ac- maine. cordé par le ministère de la Défense à des artistes Capable de commencer un ayant consacré leur talent travail très rapidement, sa à l’aéronautique et l’es- mémoire prodigieuse lui pace. permettait de poursuivre son oeuvre à l’atelier tout Ce titre fait écho à celui en y faisant figurer le détail de «peintre de la Marine», précis qui la validait aux créé il y a plus de deux yeux des professionnels de siècles, qui a encouragé l’univers qu’il peignait. la production d’un grand nombre d’oeuvres magni- Il est nommé peintre de l’Air fiant la Marine dans ses en 1936. missions.

Michel Le Collen

Fervent d’aviation et de photographie, Michel Le Col- len, né en 1926, a fusionné ces deux passions dans une même activité professionnelle, la photographie aé- rienne qu’il entame dès 1951. Survolant la France et l’Afrique du Nord, il réalise un nombre impressionnant de vues, principalement desti- nées à l’édition de cartes postales. En 1959, alors qu’il fonde la compagnie aérienne «Air- lec» basée à Mérignac, le journal Sud-Ouest lui confie de nombreux reportages aériens. En 1970, ce pilote chevronné trouve un nouvel élan grâce à l’hélicoptère. Avec plus de 17 000 heures de vol en tant que pilote professionnel (avion et hélicoptère), il cesse cette acti- vité en 1995 mais continue toujours les prises de vues aériennes.

Aérogare commerciale de Mérignac au début des années soixante. Alignement de Vautour à l’arrière-plan. Deux quadriréacteurs de transport commercial ont remplacé les avions à hélices. 76

photo MLC aérogare 65 couleur

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Dépôt légal : mars 2013 ISSN : 1956-8746 ISBN : 978-2-11-138230-5 Impression - réalisation : Service de Tous droits de traduction, de reproduction et l’information aéronautique, 33700 Mérignac. d’adaptation réservés pour tous pays