L'objectif de l'ex-photographe de

Match devenu éditeur de presse (Salut les

copains) avec Jazz Magazine racheté à

Eddie Barclay était de réaliser un mensuel

de charme de qualité, « à la française ».

Ce magazine, fortement inspiré de Playboy

eut énormément de succès de 1963 au

début des années 1980, avec les

photographies de nombreuses starlettes

1

françaises dénudées, mais aussi de

quelques actrices de premier plan, telles

que Brigitte Bardot, Mireille Darc, Jane

Birkin ou Marlène Jobert (la première fille

à poser en couverture fut Valérie

Lagrange (le numéro 1 parut le 01/11/63))

photographiées par Francis Giacobetti,

futur réalisateur de Emmanuelle 2.

2

Son slogan était « Lui, le magazine de

l'homme moderne ». On peut aussi noter la

parution dans le magazine d'une bande

dessinée de Lauzier : Les

Sextraordinaires Aventures de Zizi et

Peter Panpan. Dans les premiers

collaborateurs, on retrouve Jean-Louis

Bory, René Chateau, Philippe Labro,

Francis Dumoulin, Francis Giacobetti, Siné,

Michel Mardore, Aslan, Gilles Sandier, et

bien d'autres.

À ses débuts, Lui s'était doté d'une

mascotte, une tête de chat, l'équivalent

3

pour le magazine du lapin de Playboy. Elle

disparut au début des années 1970.

Le premier âge d'or de la revue coïncida

avec l'arrivée au poste de rédacteur en

chef de Marcel Duhamel, fondateur de la

Série noire. Les pages de charme se firent

plus explicites, mais il n'y eut pas

d'escalade véritable. Montrer la pilosité

4

pubienne d'une star aux seins nus, dans

une revue grand public, passait alors pour

audacieux. Marcel Duhamel reprit dans les

titres de présentation des pages de

charme le type de jeux de mots qu'il

utilisait dans le cadre de la Noire (des

exemples entre cent : «Marie ravie au lit »

« Pascale, une penchée émue », « Bons

baisers de Lucie » voire «Maud de Paris »).

Jacques Lanzmann contribua à faire du

magazine « osé » (où les filles nues

gardaient jambes serrées) un journal aux

vulgarités malicieuses, de bonne tenue

5

rédactionnelle.

Vers la fin de cette époque, plusieurs

tentatives eurent lieu pour changer la

formule de Lui et relancer le titre,

efforts qui aboutirent à la seconde série

et la parution en deux cahiers à partir de

fin 1987. On peut citer le changement du

slogan, devenu « Lui, la défonce de

6

l'homme moderne » pour quelques numéros

et des apparitions de pilosités pubiennes

sur la photo de couverture.

Le dernier numéro de la première série, le

numéro 285, fut publié en novembre 1987.

La revue avait une excellente rubrique

cinéma, d'abord tenue par François

Truffaut, puis par Michel Mardore dont le

style élégant et la justesse d'analyse fit

merveille.

Des interview atypiques ont été alors

réalisées par René Chateau: Sugar Ray

Robinson, Alain Delon, Jean-Pierre

7

Melville, Jean-Luc Godard et Jean-Paul

Belmondo.

La revue publia également des textes

inédits, dont un de Boris Vian, intitulé "le

cinéma assassiné" (dans le numéro 11, de

novembre 1964) sur la sclérose de la

création cinématographique, présenté par

Michel Mardore.

8

Le mensuel, très diffusé, réputé polisson

bon chic - bon genre, connut un grand

succès au cours des années 1960-70, sous

l'égide de Régis Pagniez, directeur

artistique et créateur de Salut les

Copains, de Jean Demachy et de Jean-

Pierre Binchet. Les nus, qui parurent vite

fort sages, en raison de l'avènement du

porno, étaient réalisés en studio à Paris,

rue des Acacias, avec des modèles de

l'Agence Catherine Arley. Ces modèles

pouvaient être très jeunes, Anaïs

Jeanneret fut Fille du mois à quinze ans.

9

Le magazine, qui cultivait volontiers le

second degré, publiait de longues

interviews d'hommes politiques et de

personnalités « sérieuses » (Michel

Durafour, Valéry Giscard d'Estaing,

Michel Rocard...).

Il faisait la part belle à la gastronomie et

au vin (chroniques de Jacques-Louis

10

Delpal) et publia des photos de chefs et

de viticulteurs demeurées célèbres : très

mises en scène, en studio à Paris, mais

aussi en extérieurs (Alsace, Champagne,

Bordeaux et dans le Gers), elles étaient le

fait du photographe Francis Giacobetti qui

signait ses sujet "charme" du nom de

Frank Gitty.

Outre la fille nue au centre du magazine

(la Fille du mois), il comportait une très

populaire pin-up d'Aslan (rubrique Les

filles qu'on épingle, traduction libre de pin

up).

11

Le célèbre verbicruciste (à l'époque)

Roger La Ferté y proposait chaque mois

une grille de mots croisés aux définitions

coquines, sous le titre "Les mots

croisérotiques". Exemple de définition :

"On y voit la lune dans l'eau"....pour le mot

"bidet".

Une autre rubrique, la Défonce du

12

Consommateur d'Éric Colmet-Daage, futur

directeur de Photo, présentait chaque

mois des objets insolites et originaux. Il y

eut plusieurs hors-série de Lui consacré à

ces objets. C'est aussi dans ce cadre que

Francis Dumoulin imagina la Renault Le Car

Van, garçonnière roulante dérivée de la

Renault 5 et produite (1979 - 1983) à 450

exemplaires par Heuliez.

13

14

Né à Paris en 1928, était

écolier au moment où la Seconde Guerre

mondiale vint interrompre ses études.

Autodidacte, il n’est jamais retourné à

l’école et à l’âge de 13 ans il est devenu

apprenti typographe dans une imprimerie

spécialisée dans les publications

clandestines. Il a travaillé, entre autres,

15

sur la composition de poèmes de Paul

Éluard.

À la fin de la guerre, s’intéressant à la

photographie, il travaille comme pigiste

pour des magazines et notamment Paris

Match.

Expert reconnu en jazz, on lui propose, le

jour de la mort de Charlie Parker en 1955,

d’animer une émission de radio en son

honneur. Le succès est immédiat, et il

animera, avec son ami Frank Ténot, une

émission quotidienne de jazz, Pour ceux

qui aiment le Jazz, sur . Suite à

16

cette réussite, il décide de racheter Jazz

Magazine, mettant la première pierre à ce

qui deviendra un empire d’édition.

Daniel Filipacchi et Frank Ténot

organisent les tournées européennes de

tous les grands musiciens de jazz comme

Louis Armstrong, Duke Ellington, Charlie

Parker, Ella Fitzgerald, Erroll Garner,

Thelonious Monk et Mahalia Jackson. À

cette époque, Filipacchi est producteur de

disque pour RCA Records et Decca (Sylvie

Vartan, , Jean Ferrat, etc).

Après avoir fondé Mood Records, il est

17

devenu fondateur et président de Warner

France en 1970.

En 1959, il décide de créer et d'animer

une émission de radio consacrée au rock

'n' roll, Salut les Copains (1959-1968),

inspiré d’une émission américaine. Son

succès l'amène, en juillet 1962, à créer un

magazine du même nom, dont le tirage

atteint rapidement un million

d’exemplaires. Daniel Filipacchi a par la

suite lancé de nouveaux magazines (et en a

acquis d’autres). Certains étaient destinés

aux jeunes filles (comme Mademoiselle

18

Age Tendre), d’autres ciblaient les

hommes (Lui, Newlook et les éditions

françaises de Playboy et Penthouse), et

d’autres encore étaient spécialisés tels

que Ski, Son, Photo, Union, Mer et Moteur,

Décoration, Cuisine.

En 1976, Filipacchi rachète Paris Match,

alors que le titre est en difficulté, et en

fait l’un des magazines français les plus

rentables et les plus influents.

En tant qu’éditeur, sa passion pour le

surréalisme l’a amené à publier des livres

sur des artistes comme Salvador Dalí,

19

René Magritte, , Yves Tanguy,

Dorothea Tanning, Joseph Cornell, Hans

Bellmer, Wolfgang Paalen, Toyen, André

Masson, Man Ray, Giorgio De Chirico et

d’autres. Souvent, il s’agissait du premier

livre paru sur l’artiste. Certains d'entre

eux sont devenus ses amis. Il a acquis de

nombreuses œuvres surréalistes, et a

réuni la plus grande collection privée des

œuvres de Joseph Cornell.

En 1981, avec son ami Jean-Luc Lagardère,

Daniel Filipacchi rachète le groupe

Hachette Magazines, qui comprend

20

plusieurs titres comme Télé 7 Jours ou

ELLE, à l’époque sur le déclin. Par la suite,

ELLE a été lancé aux États-Unis, suivi par

25 éditions étrangères. Filipacchi et

Lagardère ont poursuivi l’expansion de

Hachette Filipacchi magazines aux Etats-

Unis avec le rachat de Diamandis

Communications, Inc. (anciennement CBS

magazines), avec des titres tels que

Woman’s Day, Car and Driver, Road and

Track, Flying, Boating entre autres.

Depuis de nombreuses années, Daniel

Filipacchi figure sur la liste des plus

21

grands collectionneurs d’art dans le monde

publiée par le journal ARTnews. Une

exposition de sa collection et de celle de

son ami Nesuhi Ertegün a été présentée en

1999 au musée Guggenheim à New York.

Cet événement, intitulé « : Two

Private Eyes, the and

Daniel Filipacchi Collections », a été décrit

par le New York Times comme « a gourmet

banquet », suffisamment grand « pour

remplir le musée Guggenheim du hall au

plafond avec une formidable exposition. »

Daniel Filipacchi a eu trois enfants, dont

22

l'écrivaine américaine .

23

Cet homme est une légende. Animateur,

dans les années 1960, de l'émission Salut

les copains - "Quel titre ridicule !" sourit-

il aujourd'hui - et ex-patron du plus grand

groupe de presse magazine du monde,

Daniel Filipacchi, éternelles lunettes

teintées sur le nez et faux air de Gregory

Peck, est avant tout un esprit libre. Sur

les murs de ses bureaux de Saint-

Germain-des-Prés, où il nous reçoit, une

infime partie de sa collection d'oeuvres

surréalistes - Magritte, De Chirico, Miro...

-, la plus importante du monde, dit-on, qui

24

a eu les honneurs d'une rétrospective au

musée Guggenheim de New York. A 84 ans,

"Citizen Dan" s'est enfin décidé à publier

ses souvenirs, sous un titre

malicieusement "magrittien" : Ceci n'est

pas une autobiographie (Bernard Fixot).

Un livre "direct" comme son auteur, pour

qui les jolies filles, le jazz et l'instinct

prévaudront toujours sur la religion, la

politique et les grands discours. A cette

occasion, le dernier condottiere de la

presse française, qui a toujours fui la

lumière, a accepté de se confier.

25

Vous aviez toujours refusé d'écrire vos

Mémoires. Pourquoi avoir subitement

changé d'avis ?

Le 21 novembre 2010 au matin, je me suis

réveillé au pied de mon escalier, avec deux

vertèbres fracturées. J'avais perdu

connaissance pendant plusieurs heures.

J'ai réussi à ramper et à appeler le Samu.

26

Verdict des médecins : deux ou trois mois

d'immobilisation. Alors je me suis mis à

cogiter dans mon lit et les souvenirs sont

remontés à la surface. J'avais un iPad sous

la main et j'ai commencé à taper...

Vous avez eu une enfance très

particulière, qui vous a amené, très

jeune, à fréquenter d'immenses

personnalités..

Avant guerre, mon père était secrétaire

général des Messageries Hachette. En

1940, c'est lui qui a été chargé par les

27

Allemands de dresser la fameuse "liste

Otto" des livres interdits à la vente, ce qui

lui a valu d'être poursuivi, et finalement

blanchi, à la Libération. Plus tard, il

lancera le Livre de poche en France. Avec

ma mère, qui a créé l'ancêtre du Club

Méditerranée, à Calvi, en Corse, ils

fréquentaient beaucoup de monde. En

1941, par exemple, je suis parti en

vacances chez Georges Simenon, en

Charente. J'adorais ses romans, mais je

me suis retrouvé face à un homme plutôt

ennuyeux. Avec Marcel Duhamel, le

28

fondateur de la Série noire, que j'aimais

beaucoup, je suis aussi allé passer quelques

jours chez Jacques Prévert, à Belle-Ile-

en-Mer. Il était un peu pontifiant et me

mettait mal à l'aise lorsqu'il était saoul.

Vous n'avez jamais eu le bac. Etes-vous

un pur autodidacte ?

Je n'aime pas trop ce mot. Vous ne pouvez

29

pas savoir combien j'ai travaillé pour

assouvir ma passion du jazz ! A la fin des

années 1950, il y avait un show très

célèbre sur CBS, The 64 000 Dollar

Question. Si vous répondiez à une série de

questions, vous empochiez cette somme.

J'ai participé aux sélections, en

choisissant comme thème le jazz, et j'ai

fait un sans-faute. Mais, étrangement, je

n'ai jamais été invité à l'émission elle-

même. Quand je m'en suis étonné auprès

du producteur, il m'a dit : "Daniel, ce n'est

pas possible, vous avez triché, hein ?" Non,

30

j'étais un puits de science sur le jazz,

c'est tout.

Quel a été votre premier vrai métier ?

Paparazzo. Planquer, faire des photos à la

sauvette. Mais attention, un paparazzo

bien élevé ! A mes débuts à Paris Match,

j'étais le préposé à Pétain ! Le Maréchal

était prisonnier dans son fort sur l'île

d'Yeu. Mon rédacteur en chef ne voulait

surtout pas rater sa mort. Alors, dès que

le Maréchal toussait, on m'envoyait là-bas

! J'ai fini par y louer une maison, ma

31

femme et mon premier enfant sont même

venus s'installer avec moi. On mangeait

des huîtres en imaginant des stratagèmes

pour approcher l'invisible Pétain. J'ai

réussi à faire des photos de la Maréchale

confectionnant un faux gâteau

d'anniversaire pour son époux, que j'ai

envoyées par pigeon voyageur vers le

continent. Puis j'ai soudoyé un gardien du

fort et lui ai passé un petit Minox. Il a

bien réussi à faire quelques clichés de

Pétain, mais les a vendus à... Life ! Je peux

bien le dire aujourd'hui : je n'ai jamais

32

aimé faire des photographies.

C'est l'émission Salut les copains, sur

Europe 1, qui va, indirectement, faire

votre fortune...

Nous l'animions avec mon complice, Frank

Ténot. Ce fut un succès tel que nous avons

décidé de la décliner sous la forme d'un

magazine en kiosques. Personne n'y croyait

33

vraiment. Nous y avons investi toutes nos

économies. Le premier numéro, en juin

1962, s'est vendu à 100 000 exemplaires,

puis nous sommes montés jusqu'à 900 000.

Ensuite, j'ai lancé Lui. Un magazine qui

montrait des femmes légèrement

dénudées, c'était très nouveau, pour la

France, en 1963. Nous avons d'ailleurs été

quasiment interdits, au début. Mais comme

je connaissais la fille du ministre de

l'Intérieur, Roger Frey, les choses se sont

arrangées. Grâce aux bénéfices, en

m'associant avec mon ami Jean-Luc

34

Lagardère, j'ai pu racheter plus tard

Match et Elle, qui battaient de l'aile, et

que nous avons relancés. En revanche, je

me suis empressé de revendre à Nicolas

Seydoux Le Point, qui était alors encore

dans l'escarcelle d'Hachette. Les hebdos

politiques sont trop compliqués à gérer...

On sent d'ailleurs que la fréquentation

des hommes politiques n'a jamais été

votre tasse de thé...

Je les trouve ennuyeux. Avant de racheter

Match, il a fallu demander une sorte

35

d'imprimatur à Matignon. Vous savez, pour

un homme politique, il n'y avait rien de plus

important que de faire un jour la

couverture de Match. C'est plus important

encore que d'être à la Une de L'Express !

Alors j'ai dû aller rencontrer la

conseillère de Chirac, Marie-France

Garaud, qui a donné son feu vert. Je garde

un souvenir épouvantable de la fausse

bonhomie de Pasqua, que j'étais allé voir

pour tenter de faire libérer Jean Durieux,

un de nos journalistes, emprisonné pour

avoir publié les fameuses photos de la

36

victime du Japonais cannibale... Plus tard,

j'ai été très content que Match publie le

cliché de François Mitterrand sur son lit

de mort, un magnifique "coup" qui a ennuyé

tous les bien-pensants. Non, franchement,

les politiques... J'ai pris infiniment plus de

plaisir à fréquenter Louis Armstrong ou

Salvador Dali.

37

Comment est née votre passion pour le

surréalisme ?

Un jour, à 11 ans, j'ai acheté, un peu par

hasard, Le Revolver à cheveux blancs,

d'André Breton. J'ai été subjugué par la

beauté de cette poésie. Du coup, j'ai

enchaîné avec Aragon et Tzara. Puis j'ai

découvert la peinture surréaliste, un art

plutôt figuratif qui me rappelait sans

doute un peu la photographie. A l'époque,

Miro et Dali étaient déjà cotés, mais vous

pouviez acheter des toiles de Magritte,

Max Ernst ou Victor Brauner pour presque

38

rien. J'ai également acquis quelques

Chirico de la période métaphysique. J'ai

même échangé un bel appartement, que je

possédais sur la 83e Rue, à New York,

contre des tableaux de Paul Klee, Miro et

Matisse. Plus tard, j'ai aussi troqué un

appartement parisien contre trois

Magritte et trois Brauner. J'ai même

donné mon appartement de Megève contre

une porte peinte par Max Ernst... Quand

j'ai annoncé ça à ma mère, elle a failli

tomber dans les pommes. J'ai une immense

admiration pour Max Ernst, dont j'ai pu

39

racheter les célèbres collages de la série

Une semaine de bonté à la barbe des

autorités françaises, qui se sont

comportées stupidement avec sa veuve,

Dorothea Tanning, que j'aimais

profondément.

On ne peut pas en dire autant de

Simone Signoret...

Simone avait été la secrétaire de mon

40

oncle, Jean Luchaire, un ultra de la

collaboration, fusillé en 1946, mais elle

n'aimait pas qu'on le lui rappelle. Elle m'en

a beaucoup voulu d'avoir rapporté les

propos de mon ami Henri Crolla, guitariste

de jazz, qui avouait s'ennuyer

mortellement en accompagnant Montand.

Et puis cette éternelle donneuse de leçons

m'a reproché un jour d'avoir osé diffuser

Sylvie Vartan juste après Ella Fitzgerald

dans Salut les copains. Elle n'arrivait

même pas à comprendre que mon but était

justement de faire découvrir le jazz en

41

utilisant les yé-yé !

Vous avez toujours professé un bien peu

sarkozyste "L'avenir appartient à ceux

qui se lèvent tard" et avez souvent

dirigé votre empire depuis votre bateau

dans les Caraïbes...

Un jour, il y a bien longtemps, Lucien

Morisse, patron d'Europe 1, m'a proposé la

prestigieuse tranche 9 heures-midi. J'ai

refusé. Je ne voulais pas me lever à l'aube.

Plus tard, quand j'ai dirigé un groupe de 12

000 salariés, je n'arrivais jamais au

42

bureau avant 14 heures, en pleine forme,

quand les autres étaient déjà un peu

fatigués. Je travaille mieux la nuit et je

réfléchis mieux sur mon bateau.

Parmi vos multiples activités, vous avez

été chroniqueur de jazz à L'Express, en

1960

Oui, d'ailleurs, le patron, Jean-Jacques

Servan-Schreiber, fut la première

personnalité "sérieuse" à accepter de

donner une interview à Lui. Grâce à ce

précédent, d'autres ont suivi, y compris

43

les hommes politiques. C'est cela qui a fait

le succès du magazine. Et m'a permis

d'acheter quelques toiles de plus...

44

Frank Ténot est un responsable de presse,

pataphysicien et critique de jazz, (né à

Mulhouse, 31 octobre 1925 - mort à Paris,

8 janvier 2004). Il dirigea de nombreuses

publications au cours de sa longue

association avec Daniel Filipacchi.

Sur son enfance on tire de précieux

renseignements de l'avant-propos

affectueux qu'il a consacré au journal tenu

par son grand-père maternel, Philippe

Husser, de 1914 à 1951 et de ce journal

même où, à partir de sa naissance, il

occupe la place d'honneur. D'ailleurs ses

45

parents, « bousculés par leur métier

d'enseignant et par leurs loisirs

surchargés de réunions amicales et de

voyages », trouvaient plus commode de le

confier à son aïeul, ravi de l'aubaine

puisqu'il est retraité et dispose de tout

son temps. Jusqu'à l'âge de treize ans il

vit le plus souvent auprès de ce vieil

homme intelligent, qui transforme toute

promenade en passionnante leçon de

choses ; mais ce qu'il apprend surtout,

c'est une philosophie de la vie : « Enfant,

je ne m'étais jamais rendu compte de

46

l'austérité de leurs mœurs puisqu'il y

avait des livres et qu'on mangeait à sa

faim. » Et il rend à son grand-père cet

hommage : « Il m'a appris à vivre, à être

heureux. »

Il découvre le jazz à Bordeaux où il

devient en 1944 président du Hot Club de

France. Installé à Paris après la Seconde

Guerre mondiale, il y est à la fois employé

au Commissariat à l'énergie atomique et

secrétaire de rédaction à la revue Jazz

Hot, aux côtés de Boris Vian avec lequel il

découvre la Pataphysique.

47

Dans les années 1950, il travaille au Club

français du disque, se lie avec Daniel

Filipacchi, photographe de presse, et

entre avec lui à la revue Jazz Magazine

que les deux hommes finiront par

racheter.

Ils animent ensuite sur Europe 1 l’émission

« Pour ceux qui aiment le jazz », puis «

Salut les copains », dont l’énorme succès

auprès de la jeunesse entraîne la

publication de la revue du même nom et

permet aux deux associés de créer un

groupe de presse dont firent partie Lui,

48

Pariscope, Union ou Photo. Ils rachèteront

Paris-Match en 1976 avant de s’associer

avec Matra et de prendre le contrôle

d’Hachette en créant le groupe de presse

Hachette-Filipacchi.

Avec son complice Daniel Filipacchi, il

s'est même essayé comme parolier. Ils ont

écrit ensemble un texte dont l'auteur est

« officiellement » un certain Frank Daniel,

intitulé Count Basie et chanté par Henri

Salvador sur un air, justement, de Count

Basie : Lil' Darlin'.

Il fut maire de Marnay-sur-Seine de 1995

49

à 2001.

Ténot, dans son éclectisme pataphysique,

produisit à l'Olympia, des concerts de

Miles Davis, Louis Armstrong ou Sylvie

Vartan, il fut président d’Europe 1 pendant

plusieurs années, contribua à créer Europe

2, présidait une société de gestion, avait

fondé les Éditions du Layeur, tenait une

rubrique régulière dans Jazz Magazine

(dont il restait directeur) et dans

Jazzman, était devenu « Provéditeur » du

Collège de ’Pataphysique, a créé une «

Fondation Ténot » qui soutient la création

50

artistique avec le centre d'art CAMAC à

Marnay-sur-Seine.

Il a contribué, avec Jean-François Bizot, à

la création de la station de radio

parisienne TSF 89.9, consacrée au jazz

qu’il aima, défendit et illustra toute sa vie.

51

Qui mieux que Frank lui-même aurait pu

raconter Frank Ténot, ses aventures

jazzmagaziniennes et radiophoniques en

compagnie de Daniel Filipacchi, aux

lecteurs trop jeunes pour avoir écouté «

Pour ceux qui aiment le jazz » ? C'était en

1994. Jazz Magazine venait d'avoir 40

52

ans. En contrepoint (comme naguère), on

lira ce que « Daniel » disait récemment,

sur TSF, de leur passion militante pour le

jazz. Le mois prochain, d'autres

signatures complèteront cette « Frank

Story ».

Jazz Magazine : En 1954, il y a en

France deux publications consacrées au

jazz : Jazz Hot et le Bulletin du Hot

Club de France. Qu'est-ce qui déclenche

ta création de Jazz Magazine ?

Frank Ténot : Cette année-là, il y avait eu

53

à Paris un festival de jazz, organisé

principalement par Charles Delaunay, le

directeur de Jazz Hot. Et ç'avait été un

échec financier. Personne n'ayant voulu

combler le déficit, surtout pas la

compagnie de disques Vogue où travaillait

Delaunay, Jacques Souplet, alors

administrateur de Jazz Hot, était parti,

furieux, pour aller travailler chez Barclay.

Et sa première idée a été de faire une

revue de jazz : Jazz Magazine. Il m'a

aussitôt demandé de participer au premier

numéro. Ça m'ennuyait vis-à-vis de

54

Delaunay. Aussi, dans les premiers

numéros de Jazz Magazine, j'écrivais des

tas de choses que je ne signais pas...

Jazz Magazine : Quelles avaient été tes

fonctions auprès de Charles Delaunay ?

Frank Ténot : Très vite, j'étais devenu

secrétaire de rédaction de Jazz Hot, car

Delaunay était pratiquement seul. Il n'y

55

avait pas encore Boris Vian, ni Lucien

Malson. Même André Hodeir n'était pas

encore très actif dans l'équipe de Jazz

Hot. Il y a une série de numéros – 10, 11,

12, je crois – que j'ai faits seul, j'ai

d'ailleurs commis une erreur gravissime

dans le domaine de la presse : j'ai

numéroté « douze » les numéros de

décembre et janvier. Il y a donc deux n°

12 ! Dans l'ensemble, ces numéros ne sont

pas très bons. Delaunay, parti pour deux

mois aux États-Unis, m'avait confié les

clés du journal. Je crois que j'en avais

56

profité pour pousser Boris à écrire

davantage...

Jazz Magazine : Mais avant de devenir

secrétaire de rédaction...

Frank Ténot : L'été 1945, j'avais décidé

de quitter Bordeaux et, pour « remonter

la pente » (scolaire !), de m'inscrire au

lycée Chaptal à Paris. Mais ça n'a pas servi

à grand chose : la rue Chaptal était trop

près ! Comme j'allais très souvent au Hot

Club, où je l'aidais bénévolement, Charles

Delaunay, que j'avais rencontré à

57

Bordeaux – il était venu faire des

conférences – m'a proposé de l'aider à

faire son émission « Jazz d'hier et

d'aujourd'hui », sur une radio nationale.

Outre l'aspect financier, qui pour moi, à

l'époque, n'était pas négligeable, c'était

un pas décisif. C'est là que j'ai rencontré

des gens comme Lucien Morisse...

Beaucoup plus tard, Delaunay a engagé

Jacques Souplet... Moi, j'avais laissé

tomber mes études et je vivais dans une

sorte de bohème presque sordide. Autre

différence : ils étaient appointés, pas moi.

58

Mes revenus, c'était le cachet de

l'émission de radio que Charles partageait

avec moi et, aussi, les piges qu'il me

procurait très gentiment – dans d'autres

journaux. Souplet aussi m'en avait

procuré...

Jazz Magazine : Comment s'est fait le

passage de Jazz Hot à Jazz Magazine ?

59

Frank Ténot : Je suis allé voir Charles

pour mettre les choses au point, lui

expliquant que je ne pouvais pas travailler

aux deux revues et qu'à Jazz Magazine

j'étais payé. "Évidemment, m'a-t-il dit,

vous ne pouvez plus faire partie de notre

comité de rédaction, mais vous pourrez

toujours revenir si vous le souhaitez", et

nous sommes restés en bons termes.

Jazz Magazine : Les premiers numéros

de Jazz Mag ont été faits par qui ?

Frank Ténot : La mise en page a d'abord

60

été confiée à Pierre Mani, le concepteur

des pochettes de Barclay. La première

équipe, c'était donc Souplet, Mani et moi,

et Leonard Feather comme correspondant.

Nicole Barclay a ensuite engagé Daniel

Filipacchi, comme photographe mais aussi

pour une idée qu'il avait proposée : les «

blindfold tests » (sa première « victime »

avait été Michel de Villers). J'avais déjà

rencontré Daniel au Hot Club – il était

venu présenter un disque qu'il avait

produit, avec cinq trompettistes

d'Ellington. Quelque temps plus tard, nous

61

avons pris un verre ensemble et Daniel m'a

dit : "Je viens de recevoir mes piges,

Souplet se moque de nous. D'ailleurs, ce

journal, nous pourrions très bien le faire

tous les deux. Allons en parler à Nicole..."

Je n'étais pas très enthousiaste, je

craignais qu'il ne fasse tout rater, mais je

l'ai suivi.

Jazz Magazine : Parallèlement, vous

étiez associés à la radio...

Frank Ténot : L'épisode Europe n° 1 date

de la même année, 1955, mars ou avril.

62

Lucien Morisse, qui travaillait comme

illustrateur musical à la télévision, venait

souvent m'emprunter des disques de jazz.

Un jour, il m'annonce la création d'une

nouvelle station, dont il allait être le

directeur artistique, et me propose de

faire tous les soirs une émission de jazz

d'une heure. Quelques jours après, très

embêté, il m'explique que Maurice Siegel

ne me trouve pas « à la hauteur » et veut

confier l'émission à un garçon bien

meilleur que moi, Daniel Filipacchi. "Mais

ça va s'arranger, poursuit-il, vous n'aurez

63

qu'à partager les soirs de la semaine et

faire l'émission en alternance." Daniel

avait souvent participé, en tant que

collectionneur invité, aux émissions de Sim

Copans. Nous nous retrouvons, encore une

fois, à La Belle Ferronnière et Daniel me

dit : "Cette émission, il faut qu'on la fasse

ensemble, tous les soirs." Scepticisme de

Siegel : "Ça va être du bavardage à n'en

plus finir... Enfin, allez-y, on vous

surveille." C'est Morisse qui a trouvé le

titre « Pour ceux qui aiment le jazz » – il y

avait déjà eu « Pour ceux qui aiment la

64

bonne musique », mais qui n'a pas duré !

En même temps que notre amitié se

développait et que l'émission prenait de

l'importance, Daniel était de plus en plus

impatient de nous voir prendre la direction

de la revue. Or nous étions très amis avec

Nicole et Eddie Barclay, et pour leur

petite compagnie de disques, qui

distribuait beaucoup de jazz, à travers

Mercury, Verve ou Clef, Atlantic, Prestige,

notre émission avait un poids non

négligeable. Et brusquement, Souplet nous

met à la porte : nous recevons, Daniel et

65

moi, une lettre recommandée de

licenciement pour "faute professionnelle" –

je n'ai jamais su pourquoi. Nous cessons

donc de mettre les pieds au bureau de

Jazz Magazine. Quelques jours plus tard,

rue Saint-Benoît, où nous étions presque

tous les soirs, nous rencontrons Eddie, qui

s'étonne de ne plus nous voir. J'avais sur

moi la lettre, dont la lecture a vraiment

l'air de le surprendre : "Ah, c'est donc

pour ça que je vois ces nouvelles têtes à la

rédaction !" – Jacques Souplet avait

recruté de nouveaux collaborateurs. Et

66

Barclay décide de le pénaliser en lui

retirant les trente pour cent qu'il a dans

la revue pour nous les confier, "mais

attention, précise-t-il, il ne faut pas que

ça nous coûte un sou de plus. Et même si ça

pouvait être bénéficiaire..."

Le changement se fera en novembre 1956.

Pendant encore un an, nous restons avenue

de Neuilly, dans les locaux de Barclay.

Mais la compagnie, en pleine croissance,

qui a dû emprunter à des banques, a besoin

d'apurer sa gestion. Apparaît un nouveau

personnage, Jean Frydman, qui nous

67

convoque, Daniel et moi, et nous explique

que Barclay, après examen des comptes,

doit se séparer de Jazz Magazine, qui

n'est même pas un house organ puisqu'on y

parle de tous les disques. Évidemment,

nous pourrions être des acquéreurs

privilégiés. Mais la somme, dans les trois

millions de l'époque (environ 61.000 Euros

actuels), nous glace, d'autant que nous

connaissons les chiffres des ventes. Nous

sortons, dépités. Daniel évoque la

possibilité d'un partenariat avec une autre

maison de disques... Puis nous décidons

68

d'aller voir Nicole Barclay, qui finalement

nous dit que tout ça ce sont des histoires

de comptable, que ce ne sont pas les trois

millions de Jazz Magazine qui vont changer

le budget de la société. "Il suffit de

décider, conclut-elle, que ça devient un

crédit en publicité pour les disques

Barclay dans Jazz Magazine." Ce qui bien

sûr nous arrangeait, mais j'ai voulu aller

plus loin : "Pour refaire démarrer la revue,

nous allons avoir besoin d'argent..." Et

Nicole a accepté que le remboursement en

pages de publicité dure plus longtemps et

69

que cinquante pour cent soient payants

chaque mois. C'est alors seulement que

nous sommes devenus propriétaires de

Jazz Magazine. Puis nous avons déménagé

rue de l'Échelle.

Jazz Magazine : Cet accord avec

Barclay suffisait-il à maintenir

l'équilibre financier d'une publication

désormais autonome ?

70

Frank Ténot : En fait, quelque temps

après, l'imprimeur nous a convoqués, à

Tourcoing – nous pensions que c'était pour

nous montrer de nouvelles machines... J'y

vais avec Raymond Mouly. "Est-il exact que

les Barclay ne sont plus dans le capital de

Jazz Magazine ?" C'était cela qui

préoccupait l'imprimeur. "Dans ce cas,

poursuit-il, je me vois dons l'obligation,

désormais, de vous demander de me payer

d'avance." Il fallait trouver de l'argent

pour payer trois numéros... Comme il n'en

était pas question, il a fallu trouver une

71

autre solution. Ç'a été la rencontre de

Cino del Duca, à qui nous avons exposé le

problème. Comme s'il avait pressenti que

nous ferions d'autre journaux, il nous a

donné un coup de main en nous envoyant

dans une petite imprimerie, boulevard

Voltaire, tenue par un groupe d'anciens

anarchistes italiens. À force d'acrobaties

et de bonne volonté, Jazz Magazine a pu

sortir... Je crois que le premier numéro

dont nous avons été entièrement

responsables avait en couverture Claude

Luter photographié par Daniel. Non,

72

Sidney Bechet pour un numéro de Noël.

Jazz Magazine : Et votre équipe ?

Frank Ténot : Mani est resté avec nous,

mais c'est Daniel qui a repris en main la

mise en page. Herman Leonard, c'est

Nicole qui l'avait déniché. Daniel voulait

faire un magazine plein d'informations et,

surtout, de photos. Il se chargeait du côté

73

visuel, graphique, et moi des textes. À

travers l'émission et les concerts que nous

organisions à l'Olympia (le premier

organisé sous notre nom, c'était Jay Jay

Johnson et Kai Winding), nous

rencontrions beaucoup d'amateurs et de

collectionneurs, qui étaient autant de

collaborateurs en puissance pour la revue.

Guy Kopelowicz, par exemple, qui nous

communiquait les disques Blue Note pas

encore distribués en France, Eddie

Vartan, le frère de Sylvie, que j'ai

rencontré comme voisin d'immeuble – il

74

était trompettiste et a écrit plusieurs

études pour Jazz Magazine. Raymond

Mouly, je l'avais connu à Bordeaux, il

jouait du trombone dans l'orchestre du

Hot Club. Quand il a quitté Europe n° 1, où

il était directeur technique, nous l'avons

engagé comme gestionnaire et rédacteur

en chef de Jazz Magazine. Michel

Laverdure, lui, m'avait écrit après s'être

fâché avec Hugues Panassié. Plus tard, j'ai

recruté Michel-Claude Jalard, Jean-

Robert Masson, Michel Poulain...

75

Jazz Magazine : Comment décidiez-vous

des sommaires ?

Frank Ténot : Daniel était toujours

angoissé : qu'est-ce qu'on allait mettre

dans le journal ? Il était obsédé par le «

gros sujet » et aimait beaucoup qu'on

publie des « bonnes feuilles », comme la

vie de Big Bill Broonzy. À Yves Salgues,

nous avions demandé d'écrire celle de

Django Reinhardt en feuilleton... Une

constante de la presse, outre les coquilles,

ce sont tous les « accidents » et erreurs à

quoi on échappe difficilement. Quand, par

76

exemple, un lino à qui il manquait des « z »

dans sa casse a composé un gros titre avec

« jaccmen » au lieu de « jazzmen », et

tout le monde a oublié de rectifier avant

impression... Ou lorsque, dans un article

sur Bessie Smith, me fiant à je ne sais

plus quelle source, j'écris qu'elle pesait

plus de 100 kilos lors de l'accident où elle

perdit la vie, et lors de mon premier

voyage à New York, Marshall Stearns

m'apprend qu'à l'époque dont je parlais la

chanteuse était maigre comme un clou ! Il

y a eu aussi des choses plus insolites une

77

page de pub pour les soutiens-gorge Rosy,

qui faisaient partie des sponsors de

l'émission... Quand l'émission s'est

interrompue, Jazz Magazine a eu une

période difficile – financièrement ça

n'allait pas très bien, et il a fallu prendre

des mesures d'austérité.

Jazz Magazine : À côté des erreurs, y

78

a-t-il, parmi les quatre centaines de

numéros de Jazz Magazine, des pages

dont tu serais plutôt fier ?

Frank Ténot : Je suis très fier d'avoir été

le premier en France à écrire un article

positif sur Norman Granz, mal aimé à Paris

et qui n'avait encore enregistré que le

quart de son œuvre... Dans le numéro 56,

les pages consacrées à Quincy Jones sont

presque prémonitoires...

Jazz Magazine : Outre le journalisme et

la radio, tu as travaillé pour des

79

compagnies de disques...

Frank Ténot : Vers 1951, Souplet m'a

présenté à René Cacheux, qui, pour les

disques Pacific, cherchait un conseiller

artistique « jazz ». Il m'a confié le

catalogue Capitol, dont il avait la licence.

Là, au nom de l'« anti-commercialisme »,

quand je recevais un disque de Nat King

Cole avec sur une face un instrumental et

sur l'autre une chanson du genre « Mona

Lisa », j'écartais la chanson, et avec deux

disques j'en faisais un. Au point que

Cacheux a reçu un avertissement : les

80

Américains s'étonnaient que nous n'ayons

pas publié les « meilleurs » King Cole... En

revanche, j'avais réussi un « coup » en

publiant le Twelth Street Rag de Pee Wee

Hunt, qui avait fait un malheur. J'avais

sorti aussi, qui nous avait valu un prix de

l'Académie Charles Cros et l'enthousiasme

d'Hodeir, les faces « Birth of the Cool ».

Mais en 1953-54, Pacific a perdu la licence

Capitol, et moi ce boulot.

On m'a alors proposé d'être directeur

artistique chez Ducretet-Thompson. On

m'avait chargé d'organiser une série de

81

jazz français. En parallèle, je travaillais

pour le Club Français du Disque – où j'ai eu

un coup de chance formidable : j'ai fait

une anthologie « gospel » où j'avais

sélectionné In The Upper Room de Mahalia

Jackson, qui a obtenu un énorme succès

(alors qu'aux États-Unis on vendait

surtout Precious Memories). Parmi les

meilleures choses que j'ai enregistrées

pour Ducretet, il y a eu Henri Renaud avec

Zoot Sims et Jon Eardley, le Blues avec un

pont de Mezzrow avec Peanuts Holland et

Guy Longnon, Lucky Thompson avec

82

Emmett Berry, Solal, Michel de Villers,

Bob Garcia, et pour le Club français Lionel

Hampton avec Eddie Chamblee – les

enregistrements Ducretet font partie

aujourd'hui, chez EMI, des rééditions

dont s'occupe Daniel Nevers. C'est moi qui

avais proposé à Bolling de diriger un big

band – Bolling joue Ellington, etc. Beaucoup

plus tard, pour Philips, j'ai supervisé Les

Quatre Saisons de Vivaldi interprétées

par un grand orchestre dirigé par

Raymond Fol, avec Johnny Griffin : un flop

total à l'époque.

83

Jazz Magazine : Mais comment avais-tu

« rencontré » le jazz ?

Frank Ténot : Par la radio. Un jour, en

achetant des disques à La Grosse

Contrebasse, rue Sainte-Catherine (j'en

achetais deux ou trois par mois), je vois un

panneau : "Si vous aimez le jazz, adhérez

au Hot Club de France." Le siège social du

84

Hot Club de Bordeaux se trouvait dans la

boutique des parents du responsable du

Hot Club, un garçon nommé Rougol : c'était

un magasin de marbres funéraires ! En

1943, j'ai acheté la discographie de

Charles Delaunay – je lui avais demandé

une dédicace, il a écrit : "À Frank Ténot,

cette discographie qui ouvre des horizons

infinis." Autre source d'information, à

l'époque : des copains comme Pierre Merlin

et Pierre Cazenave... Quand nous lisions

Jazz Hot, nous étions un peu agacés par

les colères d'Hugues Panassié contre

85

Benny Goodman – on aimait quand même

Goodman, surtout en quartette avec

Hampton.

Jazz Magazine : Quelle a été ta

première activité « professionnelle » en

jazz ?

Frank Ténot : Présenter des émissions de

radio à Bordeaux-Lafayette en 1944 –

après le départ des Allemands. La

discothèque ayant été pillée, Jean-Pierre

Morphé, qui fréquentait le Hot Club,

m'avait proposé de faire des émissions

86

avec mes disques, et dans la pagaille du

moment on m'a accepté, malgré mon jeune

âge. Ça s'appelait « De jazz en jazz ».

Lorsque la station a été rattachée au

réseau national, ça s'est arrêté – sans

doute (ils ne me l'ont pas dit !) parce que

j'étais assez mauvais et parce que mes

disques « grattaient » Parallèlement,

j'avais commencé à écrire dans un

hebdomadaire, Panurge – mon cachet et

mes piges additionnés équivalaient à peu

près au tiers du salaire de mon père (alors

principal de collège), ce dont je n'étais pas

87

peu fier. Morphé m'avait conseillé de me

concentrer sur des billets, des échos de la

vie jazzistique bordelaise – d'autant que

d'excellents musiciens avaient débarqué à

Bordeaux, Bernard Peiffer, Michel

Warlop...

Jazz Magazine : Daniel Filipacchi et toi

avez toujours eu les mêmes goûts en

jazz ?

88

Frank Ténot : Jusqu'en 1960, nous avions à

peu près les mêmes goûts, nos différences

ne portaient que sur des nuances. Ensuite,

nous avons un peu divergé, sauf bien sûr

pour le jazz ancien.

Jazz Magazine : Quel rapport vois-tu

entre Jazz Magazine et les journaux que

vous avez faits par la suite ?

Frank Ténot : En fait, Jazz Magazine, pour

Daniel et moi, a joué le rôle de prototype,

ou plutôt de terrain d'initiation. Une

rédaction, des imprimeurs, des achats de

89

papier, etc. : c'est en le faisant que nous

avons appris notre métier... Si, quelques

années plus tard, nous avons pu concevoir

et fabriquer Salut les copains, ç'a été

grâce à l'expérience acquise à Jazz

Magazine.

90

Jacques Lanzmann est né en 1927 à Bois-

Colombes, dans les Hauts-de-Seine. De son

enfance et de son adolescence, vous

saurez l’essentiel après la lecture du

roman Le Têtard. Ses souvenirs de

Résistance sont consignés dans Qui vive !

(1965).

Sa première passion est la peinture, qui le

plonge dans de véritables souffrances.

D’une autre meurtrissure, il éprouve le

besoin de fuir et choisit la destination au

hasard – à la manière des surréalistes – en

posant le doigt sur un point de la

91

mappemonde : ce sera l’Islande. Son ennui

y est tel qu’il écrit pour se relire ; Simone

de Beauvoir découvrira plus tard ce

premier manuscrit et le fera éditer dans

la revue Les Temps Modernes. C’est ainsi

que son premier ouvrage, La Glace est

rompue, voit le jour (1954). Il entreprend

alors des voyages, notamment en Amérique

du Sud où il échappe de peu à la mort. Le

Rat d’Amérique (1956) en témoigne.

Il adhère ensuite au Parti communiste, et

rencontre , poète et chef du

Parti, qui lui propose de collaborer à sa

92

revue Les Lettres Françaises, comme

critique dramatique. Le théâtre ne lui

convient pas et ses préférences

l'orientent vers d’autres horizons ; les

événements de Hongrie (insurrection de

1956, matée dans le sang par l’Armée

rouge) l’incitent à se rendre sur place. De

son voyage en URSS, il rapporte Cuir de

Russie (1957).

Après son renvoi du journal, il travaille

comme reporter avec Françoise Giroud. La

guerre d’Algérie éclate et il y participe en

cachant des indépendantistes recherchés.

93

En 1958, il publie chez Juillard Les

Passagers du Sidi-Brahim qui échappe de

justesse à la censure. Il part ensuite pour

Mexico et rédige successivement Un tyran

sur le sable et Viva Castro (1959).

Le hasard des rencontres conduit Jacques

Lanzmann à écrire des scénarios pour le

cinéma, dont les plus connus sont issus de

sa collaboration avec Philippe Labro : Sans

mobile apparent, L’Héritier et L’Alpagueur

avec Jean-Paul Belmondo, puis Le Hasard

et la Violence écrit pour Yves Montand. En

novembre 1963, il est présenté à Daniel

94

Filipacchi, grand patron de presse qui lui

demande de diriger le magazine “masculin”

Lui. Ses problèmes d’argent se règlent

d’eux-mêmes, surtout après que Wolfshon

lui propose de devenir le parolier de

Jacques Dutronc. Lui qui se plaignait de

son bégaiement connaît un énorme succès

en animant une émission de radio sur

Europe 1. En outre, Jacques Lanzmann

monte avec J.-C. Lattès la série “Éditions

Spéciales”, crée et dirige la société

“Jacques Lanzmann Seghers éditeurs”, et

assure des chroniques dans le magazine

95

VSD. Son œuvre imposante comprend aussi

bien des récits quasi autobiographiques

(Le Têtard, Qui vive ! et Le Voleur de

hasard) que des récits de voyages (Fou de

la marche, N’oublie jamais qui nous

sommes), ou de pures fictions (Mémoires

d’un amnésique ou Tous les chemins

mènent à soi). Il est décédé le 21 juin

2006 à Paris.

96

Marie Lescure : Votre roman Le Têtard

a toutes les apparences du roman

autobiographique. Est-ce votre enfance

et votre adolescence qui sont racontées

dans cette œuvre ? Quelle est la part

de la fiction et celle de la réalité ?

Jacques Lanzmann : Le roman est

effectivement autobiographique. Il est ce

qu'a été mon enfance, mon adolescence. Il

est ma vérité.

97

M. L. : On raconte que vous avez des

talents d'artiste-peintre. Est-ce vrai ?

Si oui, continuez-vous à les exploiter ?

J. L. : J'ai peint durant 6 ans. J'avais

effectivement du talent. J'ai abandonné

en 1955 à Santiago du Chili après un

tremblement de terre. Je n'ai, depuis,

jamais retouché à un pinceau.

M. L. : De toutes les activités que nous

vous connaissons : journaliste, parolier,

scénariste, quelle est celle qui vous a

apporté le plus de satisfaction ?

J. L. : Vous oubliez la principale : c'est le

98

romancier, l'écrivain que je préfère en

moi. Et il me le rend bien. Le romancier est

seul face à lui-même. Enfin, pas tout à

fait, il est « peuplé » par les personnages

qu'il met au monde.

M. L. : Parmi les journaux auxquels vous

avez collaboré, quels sont ceux qui vous

99

ont le plus marqué et pourquoi ?

J. L. : Marqué, c'est beaucoup dire. Disons

que j'en ai marqué plusieurs. D'abord Lui

que j'ai créé avec Daniel Fillipachi. Puis

VSD avec Siegel. J'achète chaque semaine

L'Express, L'Observateur, Courrier

international.

M. L. : Votre notoriété est aussi

attachée à l'originalité des textes que

vous avez composés, notamment pour

Jacques Dutronc. Comment êtes-vous

devenu parolier ? La légende raconte

que c’est grâce à une fille que vous

100

auriez attendu et qui ne serait pas

venue. Qu'en est-il ?

J. L. : Il n'y a pas de légende. Le directeur

artistique de Jacques Dutronc est venu me

voir à Lui. Il m'a dit :

- Il paraît que vous écrivez des livres.

Alors vous devriez être capable d'écrire

des chansons.

101

J'ai répondu :

- D'accord, on peut toujours essayer.

J'ai essayé et ça a marché.

M. L. : De tous vos textes de chansons,

quels sont ceux qui vous tiennent le plus

à cœur et pourquoi ?

J. L. : Peut-être : « J'aime les filles », «

La fille du Père Noël », « Et moi et moi »,

« L'opportuniste ».

M. L. : Vous employez le subjonctif

imparfait avec facilité ; vous avez le

goût de la belle langue, même pour

aborder les sujets les plus triviaux.

102

Quelles études avez-vous faites ? Y'a-

t-il un écrivain classique dont vous vous

sentez particulièrement proche ?

J. L. : J'emploie ce que je pense être

juste. Je me trompe parfois. Je n'ai été à

l'école que trois ans : de 5 à 8 ans.

Ensuite, plus rien. J'ai appris à lire à 16

ans dans les maquis. Et je fais toujours

plein de fautes d'orthographe.

M. L. : À la fin du Têtard, vous

évoquez la Résistance. Cette période est

au programme des classes de troisième.

Avez-vous un message à transmettre

103

aux jeunes générations ?

J. L. : Dire, leur dire que l'on doit toujours

résister contre l'ennemi, contre

l'oppresseur, contre les abus de la société,

contre l'absurdité.

Résister aussi contre nous même, contre

ce qu'il y a de pire en nous.

104

Les chanteuses qui se sont déshabillées

pour Lui

Valérie Lagrange / Lui n°1 •

À la fin des années 1950, elle est touchée

par des nouveaux courants qui arrivent des

États-Unis, que ce soit le rock 'n' roll

d'Elvis Presley ou la fureur de vivre de

James Dean. Mais c'est dans le film très

français La Jument verte, du réalisateur

Claude Autant-Lara, qu'elle débute en

1959 aux côtés de Bourvil. C'est d'ailleurs

grâce à ce film, où plusieurs scènes se

déroulent dans une grange, qu'elle devient

105

Valérie Lagrange. Elle enchaîne avec des

films comme Le Gigolo, Hardi ! Pardaillan

et Les Tribulations d'un Chinois en Chine

mais monte aussi sur les planches le temps

de jouer dans Le Misanthrope. Claude

Lelouch lui donne, en 1966, un rôle dans Un

homme et une femme. Parallèlement,

Valérie Lagrange enregistre plusieurs

super 45 tours et connaît le succès avec

La Guérilla de , Encore

un jour de notre amour et Le Même jour

de Francis Lai et Pierre Barouh. Mais elle

est à l'écoute d'autres voix, celles des

106

protest songs américains, qui ont pour nom

Bob Dylan et Joan Baez. Elle découvre

également le Rhythm and blues d'Otis

Redding et de Wilson Pickett. Elle posa

également pour le premier numéro du

magazine de charme Lui en novembre

1963.

107

Dani / Lui n°133 •

Elle débute au cinéma dans des petits

rôles dès 1964. En 1966, Dani passe avec

succès, une audition chez Pathé-Marconi

et sort la même année un premier disque

super 45 t Garçon manqué. Ce disque

marque le début d'une abondante

discographie. En 1968, Papa vient

d'épouser la bonne se vendra à plus d'un

million d'exemplaires. En 1970, elle est

lauréate du très convoité Grand Prix du

disque de l'Académie Charles Cros pour

son premier album. Dani se produit ensuite

108

à l’Alhambra dans le spectacle de Tom

Jones avant de chanter au théâtre Bobino

en 1971, puis à l’Alcazar jusqu'en 1974 où,

meneuse de revue, elle est dirigée par

Jean-Marie Rivière . Au cinéma et à la

télévision, elle tourne avec les plus grands

metteurs en scène: Vadim, Lautner,

Truffaut, Chabrol, Molinaro...

109

Joëlle / Lui n°157

C’est en 1969, alors qu’elle est attablée à

un bar de Saint-Tropez avec sa sœur

Dominique, qu’elle fait la connaissance de

Serge Koolenn et Richard Dewitte (Riton),

à l'époque musiciens de Michel Polnareff.

Ensemble ils créeront le groupe Il était

une fois. Il était une fois est très

populaire durant la période 1972-1978.

Quatre albums sont commercialisés, dont

Rien qu'un ciel (1972), Les filles du

mercredi (1972), Que fais-tu ce soir après

dîner ? (1973), C'était l'année dernière

110

(1973), Viens faire un tour sous la pluie

(1975), et le plus célèbre titre du groupe,

J'ai encore rêvé d'elle, en 1975.Joëlle

Mogensen était également membre de l'«

Équipe à Jojo » aux côtés de Joe Dassin,

Carlos, Dave et Jeane Manson. Un album

solo, Joëlle tout court, sort en 1980,

accompagné du 45 tours Homme

impossible en 1981, et du 45 tours Aime-

moi, sorti trois jours après sa mort en

1982. Le 14 mai 1982, elle rend visite à ses

sœurs à Neuilly-sur-Seine, puis passe la

nuit avec des amis. Le lendemain matin, la

111

chanteuse est retrouvée morte, à l'âge de

29 ans, des suites d'un œdème pulmonaire

(selon l'autopsie).

112

Stone / Lui N°158 •

Après quelques succès comme « Vive la

France » ou « Buffalo Bill », la carrière de

Stone bat de l'aile. Elle tente alors un

baroud d'honneur avec le 45 tours « Le

seul bébé qui ne pleure pas » dont la face

B est un duo avec Eric Charden, devenu

entre temps son mari.

En 1971, le titre « L'Avventura » s'avère

un grand tube radiophonique qui lance la

carrière du duo Stone & Charden,

imprévue au programme. Le duo fait alors

la une des magazines et égrène sa bonne

113

humeur sur tous les plateaux de télévision

où il chante ses succès « Made in

Normandie », « Il y a du soleil sur la

France » et « L'amour, pas la charité ».

Stone et Charden est le duo français le

plus populaire des années 1970 et compte

à son actif des chansons désormais

connues de tous. Ils se séparent

artistiquement après « Le Prix des

allumettes » et « Stone, Come Back Stone

». Aux dernière nouvelles Stone va bien et

chante toujours

114

115

Jennifer / Lui n°166 •

Après avoir été mannequin et comédienne

en herbe, Jennifer devient la reine du

disco le temps d'un 45 tours "Do it for

me" en 1977. Elle se retrouve rapidement

disque d'or grâce à Michel Lenoir qui lui a

donné l'un des titres disco les plus

finement ciselés de la fin des années 70 et

produit son album "Walking in space". Il

est aujourd'hui assez difficile d'obtenir

des informations fiables sur la chanteuse

à cause des moteurs de recherche qui

s'emballent à ce seul prénom. Parmi les

116

infos les plus probables ; Jennifer serait

l'épouse de Gérard Lanvin, et parmi les

plus douteuses ; ce n'était pas elle qui

chantait sur "Do It For Me" mais son

producteur Michel Deloir qui aurait été le

seul homme de la vague disco à avoir eu

honte d'exhiber sa voix de tête.

117

Les Collaborateurs

Jean-Louis BORY

Né à Méréville (Essonne, à l'époque Seine-

et-Oise) le 25 juin 1919, Jean-Louis Bory

est le fils d'un pharmacien et d'une

institutrice issus d'un milieu

d'instituteurs. Avec un père athée et une

mère non pratiquante, il est peu marqué

par la religion. Par contre, il l'est par le

Front populaire. Brillant élève au lycée

118

d'Étampes, il entre en khâgne à Henri-IV.

Collé au concours d'entrée de Normale

Sup en 1939, il est appelé sous les

drapeaux. De retour au quartier Latin en

octobre 1942, il obtient l'agrégation de

lettres en juillet 1945. Deux mois plus

tard, son premier roman (Mon village à

l'heure allemande) est publié chez

Flammarion et décroche le prix Goncourt

avec le soutien de Colette. Tandis que lui-

même est affecté à Haguenau dans le Bas-

Rhin, son livre reçoit un accueil

exceptionnel du public (500 000

119

exemplaires). Il n'en est pas de même du

suivant (Chère Aglée, 1947). Mais en 1948,

il est muté en région parisienne et peut

collaborer à La Gazette des Lettres avec

Robert Kanters, Paul Guth et François

Mauriac. Politiquement, il appartient alors

à cette génération désenchantée par le

fait qu'il n'y ait pas eu de mouvement "de

la Résistance à la Révolution". Il est même

sollicité par Aragon pour adhérer au PCF.

Mais il préfère se limiter à l'adhésion à

des associations cryptocommunistes

comme le Mouvement pour la Paix, le

120

Conseil national des écrivains ou

l'association France- U.R.S.S. Nommé au

lycée Voltaire en 1950, il débute dans le

journalisme à partir de 1952 par des

tribunes dans Samedi Soir. Mais en 1955,

il choisit de suivre son ami François Erval

au service littéraire de L'Express, porte-

voix d'un mendésisme auquel il est de plus

en plus sensible. D'ailleurs, en 1956, il

rompt avec les communistes au sujet de

l'intervention soviétique à Budapest

contre laquelle il signe une pétition avec

Edgar Morin, Gilles Martinet, Jean-Michel

121

Domenach et Georges Suffert (France

Observateur, 8 novembre 1956). Il

démissionne aussi du Comité d'honneur de

l'association France-URSS. Cela ne

l'empêche pas d'afficher ses positions

tiers-mondistes et anticolonialistes. Ainsi,

lorsqu'en 1960, son éditeur René Julliard

lui propose de signer le Manifeste des 121,

il n'hésite pas et se retrouve suspendu du

poste de professeur qu'il occupe au lycée

Henri-IV depuis 1957. Il est réintégré au

bout de quelques mois, mais cet évènement

marque une rupture dans son rapport avec

122

l'enseignement. Il intègre notamment

cette année-là le comité de rédaction des

Cahiers des saisons, revue où il publie de

courts textes littéraires. Et en 1961, il

remplace François Truffaut comme

critique cinématographique à Arts.

L'année suivante, il cesse donc

l'enseignement et sa collaboration à La

Gazette des Lettres pour ne se consacrer

qu'au journalisme et à la littérature. Il ne

relance pourtant pas sa carrière littéraire

avec L'Odeur de l'herbe (Julliard, 1962).

Mais son entrée à l'émission Le Masque et

123

la Plume en 1964 lui assure une audience

qui contribue à son succès de critique. Fin

1964, il doit pourtant cesser sa

collaboration à L'Express par fidélité à

François Erval.

Dès janvier 1965, Guy Dumur lui offre

alors de poursuivre ses critiques

littéraires au Nouvel Observateur. S'il s'y

sent "politiquement en famille", il distingue

ses amitiés politiques de ses affinités

littéraires. Ainsi, il a réhabilité Céline

avant de se lier d'amitié avec Paul Morand

et Jacques Chardonne. Et le groupe

124

(François Nourissier, Hervé Bazin, Jean

d'Ormesson, Georges Suffert, Louis

Pauwels) qu'il réunit à Méréville en

1964/1965 est marqué à droite. Son

spectre d'amitiés est donc très large mais

n'atténue en rien son engagement comme il

le montre à partir de novembre 1966 au

sein des chroniques cinématographiques

qu'il assure à L'Obs à la place de Michel

Cournot. Cessant alors sa collaboration à

Arts, il s'impose comme le critique cinéma

du journal même s'il y est peu présent.

Célèbre pour les joutes qui l'opposent à

125

Georges Charensol au Masque et la plume,

il défend notamment le cinéma du tiers-

monde, particulièrement africain et arabe.

Il apparaît aussi comme le plus influent

des critiques du circuit Art et Essai du

quartier latin. Mais son ardeur est encore

plus vive en Mai 68 où il est un de leaders

qui font arrêter le Festival de Cannes dont

il avait été membre du jury l'année

précédente. Cela ne l'empêchera pas

d'être membre de sa commission de

sélection de 1970 à 1973 ni d'être des

plus assidus au festival de la Rochelle. Au

126

Nouvel Observateur, il ne passe que pour

déposer son article. Il n'intervient pas

dans les choix du journal qu'il trouve

discutables politiquement. Mais il

téléphone régulièrement à Jean Daniel

pour lui donner son avis sur un éditorial. Il

plaide ainsi pour la cause palestinienne

qu'il ne trouve pas assez défendue. Il

défend quant à lui des films d'aspect

avant-gardiste ou scandaleux qui

s'attachent à remettre en question la

société, ses institutions et ses valeurs

traditionnelles. À côté de films

127

explicitement politiques qu'il soutient en

dehors de toutes considérations

artistiques, il défend un cinéma dont

l'aspect contestataire tient moins au sujet

qu'à la subversion du langage

cinématographique traditionnel.

Godard, Robbe-Grillet, Resnais, Pasolini,

Duras ou les frères Taviani sont des

cinéastes qui lui tiennent à c?ur.

Défenseur d'une culture "alternative", il

se montre souvent agressif à l'égard des

films de boulevard, de distraction ou à

grande distribution qui ne remettent en

128

cause ni les tabous de la morale et de la

vie sociale, ni les habitudes de voir et de

penser. Son mépris pour le cinéma de

Michel Audiard, Bourvil ou Louis de Funès,

qu'il juge bourgeois et franchouillard, n'a

d'égal que celui pour des films qui, comme

ceux de Henri Verneuil ? exaltant selon lui

des valeurs bourgeoises, d'argent et

d'ambition ? ou de Claude Lelouch -

mettant en scène des personnages

socialement "arrivés" - véhiculent des

représentations légitimant à ses yeux la

droite. Mais si cette liberté lui permet de

129

consacrer sa "chronique à un film que ne

sera vu que par l'auteur et par [lui]", elle

justifie à ses yeux un très chiche salaire

qu'il considère comme le gage le plus sûr

de cette dernière. Car la direction déplore

de le voir ignorer systématiquement les

films à gros budget et à grand public et

exerce sur lui une douce pression en

suscitant un concurrent moins militant.

Mais il n'est pas réellement inquiété et

refuse en 1972 de répondre à l'invitation

chaleureuse de François Nourissier au

Point. Au contraire, il fait entrer Michel

130

Grisolia pour l'aider à rédiger les petites

notices qu'on lui réclame sur les films.

Les années 1970 sont marquées par sa

lutte pour les homosexuels. Celle-ci

transparaît dans ses œuvres

autobiographiques (La Peau des zèbres,

1969 ; Tous nés d'une femme, 1976) mais

surtout dans Ma Moitié d'Orange (1973),

succès (50 000 exemplaires) dans lequel il

annonce publiquement son homosexualité.

Il s'affiche alors dans l'association

homosexuelle Arcadie, faisant à son

premier colloque une intervention des plus

131

retentissantes. Il milite ensuite dans sa

scission gauchiste, le F.H.A.R., dont un des

membres, Guy Hocquenghem, écrit avec lui

Comment nous appelez-vous déjà ?. Il finit

au Groupe de Libération Homosexuels,

défendant toujours les interdits

traditionnels pesants sur les plus

prolétaires et les plus marginaux.

Parallèlement à ce combat, il publie

plusieurs essais consacrés au roman

populaire ? tels que Eugène Sue, dandy et

socialiste (1973) ? et un essai historique

(La révolution de Juillet ou les Trois

132

Glorieuses, 1972). Mais c'est Le Pied

(1976) qui est son principal succès (plus de

100 000 exemplaires) de la période. Dans

ce roman fantaisiste, il malmène certaines

figures de l'intelligentsia comme Simone

de Beauvoir et Michel Foucault. Tombant

en dépression en août 1977, il ne réémerge

que lors d'une période de rémission

(octobre 1978-février 1979) qui lui offre

l'occasion de publier un amusant portrait

de Cambacérès (1978). Il se suicide durant

la nuit du 12 juin 1979.

133

René Chateau, né le 3 juillet 1940 au Mans,

entre en 1955 comme apprenti chez

Honoré et Villanova, une entreprise de

maçonnerie et carrelage dans le 18e

arrondissement de Paris. Passionné de

cinéma, il fréquente les salles de quartier

du Pré-Saint-Gervais, de Montreuil-sous-

Bois, de Vincennes et de la porte des Lilas,

puis plus tard la Cinémathèque de la rue

134

d'Ulm, les ciné-clubs et les cinémas de

Pigalle et du Quartier latin.

En 1960, il fonde avec deux amis du « Club

James Dean » sa première revue de

cinéma La Méthode, en référence à

l'Actors Studio, où il rend hommage à Elia

Kazan, John Garfield, Marlon Brando,

James Dean et Montgomery Clift.

En 1964, avec l'aide de Jacques Prévert,

Siné et Ursula Vian, il réalise une

exposition sur Boris Vian au théâtre

Daniel-Sorano de Vincennes et publie un

numéro spécial de la revue

135

cinématographique L'Âge d'or : « Boris

Vian et le Cinéma » (tiré à 500

exemplaires).

La même année, grâce à Régis Pagniez,

directeur artistique de Salut les copains, il

est engagé au magazine Lui, édité par

Daniel Filipacchi et dirigé par Jacques

Lanzmann (qui écrit entre autres les

chansons de Jacques Dutronc).

Il débute par le « Courrier des lecteurs »

puis devient responsable de la rubrique

cinéma, ce qui lui permet d'interviewer

Jean-Paul Belmondo sur le tournage de

136

Pierrot le fou de Jean-Luc Godard, mais

aussi Alain Delon, Jean-Pierre Melville,

Henri-Georges Clouzot, etc.

En 1965, grâce à Pierre Edeline, directeur

du cinéma Le Napoléon avenue de la

Grande-Armée, il organise pour la Warner

Bros. la ressortie des trois films de James

Dean et la première de Qui a peur de

Virginia Woolf ? avec Elizabeth Taylor.

En 1967, René Chateau, qui prépare pour la

Warner le lancement de Bonnie and Clyde

d'Arthur Penn, parvient à convaincre

Serge Gainsbourg de visionner le film

137

avant sa sortie et de composer une

chanson sur le couple de gangsters

mythique incarné par Warren Beatty et

Faye Dunaway. Gainsbourg écrit la chanson

dans la nuit et l'enregistre le lendemain

avec Brigitte Bardot devant les caméras

de François Reichenbach.

La même année, il lance avec les éditions

Hachette les Posters, crée un

hebdomadaire professionnel Le Journal du

show-business avec les éditions Albin

Michel (127 numéros) et ouvre rue Balzac

le « Club du show-business ».

138

Il décide de travailler avec Jean-Paul

Belmondo, le héros d' À bout de souffle,

rencontré deux ans plus tôt. Il est

successivement son attaché de presse,

publicitaire, actionnaire de sa société de

production Cerito Films et associé dans

Cerito-René Chateau Distribution qui fait

de Belmondo le seul acteur au monde,

depuis Charles Chaplin et la création de

United Artists, à être distributeur de ses

propres films.

Pendant quinze ans, le tandem Belmondo-

Chateau accumule les succès populaires

139

dont Flic ou Voyou, Le Professionnel, Le

Guignolo, Les Morfalous, etc. Ils comptent

parmi leurs réussites les deux records de

fréquentation du cinéma français sur

Paris-périphérie : L'As des as de Gérard

Oury (72 000 spectateurs le premier

jour), et Le Marginal de Jacques Deray

(468 000 entrées en première semaine).

À partir de 1975, parallèlement à ses

activités avec Jean-Paul Belmondo, René

Chateau fonde, dirige et programme,

pendant dix ans, les trois salles du cinéma

Le Hollywood Boulevard, au 4 boulevard

140

Montmartre, dont une salle spécialisée

dans les « blacks stars » telles que Pamela

Grier (dont Quentin Tarantino a relancé la

carrière en 1997 avec Jackie Brown) dans

Coffy, la panthère noire de Harlem, Jim

Brown dans L'Exécuteur noir, Fred

Williamson dans Black Caesar, le parrain

de Harlem, Ron « Superfly » O'Neal dans

Le Cogneur de Harlem, Willie Dynamite,

etc.

Lorsque son association avec Belmondo

s'achève en 1985, René Chateau se

consacre entièrement à sa société.

141

L'argent gagné avec les films de Bruce Lee

et Massacre à la tronçonneuse lui permet

de racheter les actifs de trente sociétés

de production françaises dont les films

Marceau-Concordia, Cocinor, Raoul Lévy,

Fernand Rivers, Filmel, CCFC, Regina

Productions, Filmsonor (ex-Films sonores

Tobis) ainsi que dix films de Sacha Guitry

dont la trilogie : Si Versailles m'était

conté, Si Paris nous était conté, Napoléon,

etc., ce qui représente un catalogue de

droits audiovisuels pour tous médias et le

monde entier, de plus de 1 000 films de

142

longs et courts-métrages.

Il revient sur son parcours à l'occasion

d'un dossier qui lui est consacré dans

SOFILM en 2012, mentionnant notamment

que "dans le film-hommage sur Belmondo

montré à Cannes en 2011, les réalisateurs

avaient l'instruction de ne pas mentionner

mon nom, comme si je n'avais pas existé

dans sa carrière. Une pure méthode

stalinienne !".

143

Boursier à l'âge de 18 ans et lauréat

Zellidja, Labro part étudier en Virginie et

en profite pour voyager à travers tous les

États-Unis. « Je n’ai pas eu besoin de

demander la permission à qui que ce soit,

parce que c’était un instinct, qui reposait

sur un désir, une curiosité d’Amérique, que

j’avais depuis toujours. Elle venait de mes

144

lectures d’enfance, du cinéma, de la

libération de la France. Et de ma curiosité

du monde, de mon envie de bouger, de

partir. Alors bien sûr, j’ai prévenu mes

parents et ils ne m’ont pas dit non. Ils ont

toujours encouragé ma vocation. C’est une

des clés de la vie : si on a une passion, la

force et la construction familiales, ça

compte. Pour mes parents, c’était un

risque, une aventure, un danger, et peut-

être un déchirement de me voir partir,

mais en même temps c’était : « tu veux le

faire, tu le fais ». Alors je suis parti à 17

145

ans. J’en ai eu 18 sur les routes

américaines. Et j’ai vécu une aventure qui a

totalement changé ma vie, qui a déterminé

ma carrière et peut-être même mon

caractère », se confie-t-il à Phosphore1.

De ces années de jeunesse, il a tiré deux

romans, L'étudiant étranger et Un été

dans l'Ouest.

De retour en Europe, il devient reporter à

Europe 1 et à France Soir grâce à

l'émission de Pierre Laforêt, intitulé La

Coupe des Reporters. Pierre Laforêt était

lui-même journaliste, réalisateur et auteur

146

de nombreuses créations sur Europe 1.

Enrôlé en 1960 pour la guerre d'Algérie,

Philippe Labro reprend deux ans plus tard

ses activités de journaliste pour le compte

de RTL, Paris Match et par la suite TF1

puis Antenne 2. Il écrit et réalise

plusieurs films.

En 1970 et 1971, sa collaboration avec

Johnny Hallyday, pour qui il écrit plusieurs

chansons, est remarquée. Labro est le

premier à écrire les textes de tout un

album pour Hallyday. Par la suite il

collabore avec le chanteur de façon

147

épisodique (1974, 1982, (…), 1999)

Serge Gainsbourg lui commande des

textes pour Lolita Go Home, l'album de

Jane Birkin (1975).

De 1985 à 2000, il dirige les programmes

de RTL, devient vice-président de la

station en 1992, vice-PDG en 1996 et vice-

président du Conseil d'administration en

mars 2000.

Le 31 mars 2005, il lance la chaîne Direct

8 avec Vincent Bolloré. Il est vice-

président de Direct 8, tout comme de

Direct Matin du même groupe. Il présente

148

l'émission de débat Langue de bois

s'abstenir depuis 2008.

Ami très proche de Jean-Pierre Melville, il

participa au documentaire sur celui-ci

intitulé Nom de code Melville. Pendant

l'été 20113 puis 2012 il anime sur RTL

l'émission Mon RTL à moi chaque dimanche

de 14 h à 16 h4. Depuis le mercredi 10

octobre 2012 sur D8 à 23 h 30 ,il

présente Langue de bois s'abstenir sur la

chaîne D8,qui remplace Direct 8. Son

épouse est Françoise Labro, née à

Besançon le 3 juin 1944.

149

Michel Mardore

Cinéaste, romancier et critique de cinéma,

a débuté jeune, à 18 ans

dans sa ville natale de Bordeaux, dans les

revues Fiction et Mystère-Magazine, dans

lesquelles il a publié ses nouvelles de

science-fiction. Licencié en droit, il quitte

l’Institut d’Etudes Politiques pour aller à

150

Lyon où il prend son envol, avec Bernard

Chardère et l'équipe de Positif et Premier

plan (1959-60), avant de signer des

chroniques dans Cinéma (de 1959 à 1962),

Les Lettres françaises

(1961-64), Lui (succédant à François

Truffaut de 1964 à 1966), les Cahiers du

cinéma (1961-1968), Pariscope (1965-

1967), Le Nouvel Observateur (1966-1971,

puis 1979-1986 après le décès de Jean-

Louis Bory).

A la radio, il a participé à la tribune du

Masque et la Plume, sur France Inter, de

151

1964 à 1971.

Auteur de plusieurs romans, La Première

Communion (Gallimard, 1962), Le Mariage à

la mode (Denoël, 1970), Une si jolie petite

fille (Grasset, 1975, il a aussi réalisé deux

films : Le Sauveur (1971) et Le Mariage à

la mode (1973).

Michel Mardore a également fait quelques

apparitions au cinéma : La Boulangère de

Monceau, d'Éric Rohmer (1962), Les

Vierges, de Jean-Pierre Mocky (1963) et

Peau d'âne, de Jacques Demy (1970).

152

Francis Giacobetti

Il ya trente ans, un livre culte publié par

Phaidon Press Limited créé un certain émoi

dans le monde de la photographie.

Techniques de grands photographes du

monde inclus Francis Giacobetti dans le

cercle très fermé des 40 plus importants

du monde Photographe depuis le début du

tournage. Ceux dont le style est

immédiatement reconnaissable.

153

Daguerre, Henry Fox Talbot, Nadar, Roger

Fenton, Lewis Carroll, Eadweard

Muybridge, Alfred Stieglitz, Atget, le

baron de Meyer, Edward Steichen, Août

Sander, Edward Weston, Paul Strand,

Weegee, Man Ray, Kertész, Blumenfeld,

Cartier-Bresson, Brassaï, Bill Brandt,

Helmut Newton, Richard Avedon, Robert

Frank, Irving Penn, Joel Meyerovitz,

Francis Giacobetti. En principe, tous ces

hommes n'ont rien en commun, si ce n'est

qu'ils sont les inventeurs d'images, et

qu'ils ont tous la même profession: «. Vie

154

de congélation pendant un instant pour

l'enfermer dans une image« Et quelle belle

façon de la vivre est de regarder les

femmes, les hommes, et les petits enfants

se déplaçant à l'intérieur d'un petit

rectangle. Autrefois, il y avait deux

calendriers Pirelli, ainsi que la bible

visuelle de grands photographes, et

plusieurs centaines d'expositions primées.

En 1992, Francis Giacobetti a offert la

photographie d'une introduction de

première classe dans le Grand Palais, le

Salon des Artistes Français, créée par

155

Colbert en 1663, selon la volonté du roi

Louis XIV. Il a partagé le podium avec

Camille Claudel pour la sculpture, de la

peinture Edouard Detaille, Dunoyer de

Segonzac pour la gravure, et Roland

Schweitzer pour l'architecture. En 1993,

il a été choisi par le service de la

construction du Grand Louvre, avec des

artistes César, Buren, et Jean-Pierre

Reynaud, pour présenter l'art

contemporain dans le musée des musées.

Vingt-quatre de ses tableaux sont

toujours suspendus dans l'ancien bureau

156

du ministère des Finances, dans l'aile

Richelieu du Louvre. 1994 fut l'année de

Francis Bacon par Francis Giacobetti ,

l'exposition monumentale à la Marlborough

Gallery de Londres - un total de 200

photos avec des publications en vedette

dans le magazine indépendant et l' Art

Newspaper . Puis vint une autre exposition

autour de Francis Bacon, au Sainsbury

Centre for Visual Art, University of East

Anglia, Norwich. Et en 2008, Francis

Bacon par Francis Giacobetti est venu à la

Galerie Kings Place à Londres.

157

Aslan

Né en France à Bordeaux

Le 23 Mai 1930

Décédé

1941 à 11 ans il réalise une tête de vieillard

en pierre avec des moyens de fortune

1944 à 14 ans il entre aux beaux-arts de

158

Bordeaux.

1946 à 16 ans il intègre l'école supérieure

des beaux-arts à Paris. Cette même année,

il rencontre celui qui deviendra son ami : le

sculpteur César.

1948 réalisation du buste de l'auteur

dramatique René Bruyez

159

1949 réalisation du buste de l'acteur

André Antoine, de la comédie Française

1950 réalisation du buste du maréchal De

Lattre De Tassigny

1952 réalisation de bustes en cire pour les

musée Tussot de Londres et le musée

Grévin de Paris

1953 réalisation du buste du général

Eisenhower

160

à cette même époque il illustre des livres

pour enfant, des affiches publicitaires,

pochettes de disques, couvertures de

livres, calendriers

1955 Contrat exclusif avec Publicis et le

journal France Soir

161

1956 A partir de cette époque, il

travaillera pour les magazines Line, Tintin,

Nous Deux, Intimité

1963 à 1981, Aslan dessinera pour le

magazine Lui la Pin up du mois

1970 réalisation du buste de Brigitte

Bardot en Marianne et de FélixEboué

1971 réalisation du buste du général De

Gaulle en trois hauteurs différentes

162

1978 réalisation du buste de la chanteuse

Mireille Mathieu en Marianne

1986 réalisation du buste de l'acteur Alain

Delon

1987 réalisation de la statue en pierre de

la tombe de la chanteuse Dalida

1989 réalisation du buste de Georges

Pompidou Président de la république

Française

1989 à 2000 Aslan réalise une série de dix

statuettes, peint de grandes toiles à

163

l'huile et à la gouache, fait des dessins au

crayon, à la mine de plomb, des aquarelles

et de la peinture sur aluminium

1997 réalisation du buste de la chanteuse

Dalida, pour la place Dalida à Montmartre

1998 réalisation du buste du peintre René

Richard

1999 réalisation du buste du peintre

Alfred Pellan

164

Les actrices qui se sont déshabillées dans

Lui

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FIN

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