1922, Par District Du Katanga
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Pauvres, mais honnêtes, nous paraissons quand nous pouvons, et notamment le dimanche 27 mai 2012 Pourquoi pas toute l‘histoire du Congo ??? A I M O OU Le sort de la main d’œuvre indigène (1908 – 1945) L’histoire coupée en deux … Le Ministre des Colonies Louis Franck et des villageois (+/- 1920) Lorsque j’usais mes culottes sur les bancs de l’école, on nous parlait de la colonisation. En ces jours lointains, le Congo était toujours notre colonie et l’œuvre coloniale de la Belgique était présentée d’un seul bloc, dominé de très haut par la belle barbe patriarcale de Léopold II. Certes, il avait été un « géant solitaire » et la Belgique avait mis du temps à rattraper la Pensée Visionnaire du Roi. Pendant un temps, le Grand Civilisateur avait dû agir seul, mais tout cela se terminait bien, la Belgique avait fini par accepter le Don Généreux de son Grand Souverain et poursuivait la Grandiose Œuvre Civilisatrice commencée... Tout était pour le mieux dans la meilleure des colonies... Le « régime colonial modèle », qui devait être au-dessus de tout soupçon, prévoyait un système hiérarchique et paternaliste contrôlé par Bruxelles pour gérer la colonie de manière efficace et économiquement autonome, se débarrassant chaque fois que possible des tâches non administratives (enseignement, travaux d’infrastructure, médecine). Ce système fut aussi autoritaire : malgré la Charte coloniale, qui fit office de constitution du Congo belge, le travail obligatoire ne fut effectivement pourchassé qu’à partir des années 1930. Les libertés de presse, de réunion, d’association ne furent, elles, effectives qu’à partir de 1959. Dans les années 1950, les idéaux de modernisation matérielle renforcèrent la conviction que le Congo était une « colonie modèle » . Sans mauvaise conscience, les sections consacrées au Congo par l’Exposition universelle et internationale de 1958 communiquaient un message rayonnant d’optimisme matériel. Un demi-siècle plus tard, les choses ont notablement changé. A moins que, plus que les choses, ce qui a changé soit la manière dont on les raconte ! On manifeste beaucoup de considération pour une date qui, aux jours heureux de mon enfance, était presque passée sous silence : le 15 novembre 1908. La reprise du Congo par la Belgique est devenue une barrière imperméable, étanche, un mur infranchissable. Avant cette date, c’est la colonisation léopoldienne et tout ce qui peut s’y être passé est imputable à Léopold II, individuellement ou à l’intervention de ses collaborateurs. Et, dans ce qui s’est passé, il y a des choses pas très jolies. On est bien forcé, même, de les appeler des crimes ! Tout au plus polémique-t-on sur la manière dont il convient de les qualifier ou sur la proportion exacte dont ces crimes envoyèrent prématurément un certain nombre de Congolais 1 rejoindre leurs ancêtres. Est-ce le quart qui a péri ? Ou est-ce la moitié ? En tous cas, ce furent des jours sombres... Il reste toutefois cette question supplémentaire, tout à fait particulière à l’histoire coloniale belge : une certaine censure a-t-elle existé ? Si oui, est-ce du fait que Léopold II était Roi ? Ou y aurait-il une autre raison ? Il faut certainement répondre par l’affirmative en ce qui concerne Léopold II et ce qui s’est dit de son vivant, dans le milieu politique. Si l’on tient compte des révélations qui ont eu lieu sur le Congo au début du XX° siècle, il est impossible que les discours de certains hommes politiques qui, au moment de la reprise, évoquaient toujours l’œuvre magnifique du Roi, aient été sincères ! Paul Janson a lâché une réplique célèbre, au moment où le Parlement débattait du payement au Roi d’un « témoignage de reconnaissance » : « Témoignage de reconnaissance ? Jamais ! ... Amnistie… Peut-être ! ». Ces mots sont lourds de sous- entendus, puisque pour que l’on amnistie quelqu’un, il faut qu’il y ait eu crime… Et Janson n’était sans doute pas le seul à le penser. Sur le moment, cette attitude a sans doute tenu à diverses considérations. Puisque la reprise avait lieu, on pouvait passer l’éponge car « Tout est bien qui finit bien ». Léopold II, envisagé d’un strict point de vue intérieur, avait été un exemple de monarque constitutionnel. Et c’était un vieillard sur qui l’ombre de la mort planait déjà… Au demeurant, la Belgique n’est pas de ces pays de vieille monarchie où la couronne jouit toujours d’une auréole un peu sacrée, héritée des temps de l’absolutisme. On n’y perçoit pas le Roi comme intouchable ou au-dessus de toute critique du simple fait qu’il est le Roi. Plus étrange est le fait que, après la mort de Léopold II et jusqu’aujourd’hui, du moins dans certains discours, la fiction de cette « grande œuvre humanitaire » ait subsisté, et qu’elle soit devenue, en quelque sorte, la vérité officielle. C’est d’autant plus étonnant que les intentions de ceux qui, entre 1904 et 1908, ont été les artisans de la reprise (et cela fait la majorité du monde politique belge de l’époque) avaient comme principal souci, très ouvertement proclamé, de mettre fin aux abus dans l’EIC ! Et on définissait même cette réforme comme signifiant qu’on allait avoir au Congo « la tutelle d’un régime soumis au contrôle parlementaire au lieu de l’absolutisme ». Il est difficile de considérer que le mal résidait dans l’absolutisme, sans mettre en cause celui qui était absolu, c'est-à-dire le Roi. On voit donc ceux qui ont arraché la colonie à Léopold II en disant ouvertement qu’il s’y passait des choses scandaleuses, se proclamer du jour au lendemain ses héritiers et ses continuateurs ! Mais, comme l’écrivaient Pierre Joye et Rosine Lewin, à la fin du chapitre de leur livre 1, consacré à la reprise : « Le règne des Grandes compagnies allait commencer ». C’est en effet en plein débat sur la reprise qu’on assiste à la création, en 1906, de trois sociétés : UMHK (Union Minière du Haut Katanga), Forminière (Société Internationale Forestière et minière du Congo) et BCK (Compagnie du chemin de Fer de Bas - Congo au Katanga), qui resteront parmi les principales vedettes de la scène économique coloniale. Le vrai successeur de Léopold II, ce n’était pas la Belgique, mais le capital belge. Il ne proposait pas de faire autre chose que Léopold II : de l’argent, avant tout de l’argent. Dès lors, il convenait de légitimer ce qu’avait fait son prédécesseur, et il fallait que Léopold II soit un grand homme. On aurait tort de soupçonner les Belges d’être prosternés devant le trône de leurs Rois. Ils se mettent simplement à plat ventre devant l’argent. 1 Les Trusts au Congo, Bruxelles, Fondation Jacquemotte, 1961 2 Disparition subite d’un souvenir gênant Dans les premières années du XX° siècle, et surtout entre la publication du rapport de la Commission d’Enquête de 1904 et le vote de la reprise, en 1908, toute la Belgique avait fini par savoir que des choses horribles se passaient au Congo. C’était carrément e « secret de Polichinelle ». Le secret de Polichinelle Bien sûr, il faut s’entendre sur ce que veut dire « savoir ». De tous les médias d’aujourd’hui, l’époque n’en possède encre qu’un : la presse écrite. Mais elle est active, variée et de nombreux titres se piquent de politique. Et, précisément parce que le Congo concerne le Roi en personne, ils se sentent tenus, qu’ils soient monarchistes ou antimonarchistes, de lui consacrer des « papiers ». Bien sûr, la presse n’est lue que par ceux qui savent lire et peuvent s’acheter un journal. Cela veut dire la bourgeoisie. Mais c’est le cas pour n’importe quel fait politique de l’époque. La Belgique politique est une Belgique bourgeoise. Et, à partir de 1905 environ, elle sait, dans les grandes lignes, ce qui se passe dans l’EIC, et y réagit. Les atrocités étaient si évidentes que le journal beige Le Patriote , royaliste et catholique, mais « anticongolais », écrivait dans son éditorial indigné du 28 février 1907: « Rien n’est changé au Congo... » Et après avoir évoqué le terrorisme des miliciens de l'Abir , le journal concluait: « Le souvenir de ces faits restera gravé dans les mémoires des gens et dans celle de la vengeance de Dieu. Tôt ou tard, les exécuteurs auront à rendre compte à Dieu et à l'Histoire. » En Belgique, des hommes de plus en plus nombreux, soit ulcérés de la faillite de plus en plus tragique de la « mission civilisatrice », soit alléchés par les possibilités du Congo, poussaient à l'annexion. S’agissait-il uniquement de répondre à des « pressions anglaises » ? Autrement dit, peut-on supposer que les Belges ont réagi à des accusations britanniques, non parce qu’ils les savaient fondées, mais parce que, même les considérant douteuses ou fausses, ils n’avaient d’autre choix que d’y donner suite tout simplement parce que devant la grande puissance impérialiste de l’époque, la Belgique ne faisait pas le poids ? Les faits connus aujurd’hui montrent que non. Il est exact que dès que le Parlement britannique se préoccupa de la question congolaise, il mit en avant la reprise par la Belgique comme solution. Il y avait probablement à cela une cause idéologique et une cause pragmatique. La tradition politique anglaise est particulièrement attachée à la démocratie représentative. Sur le Continent, les orateurs dépoussièrent leurs souvenirs de collège et, dans les circonstances solennelles, évoquent les exemples antiques de la Grèce ou de Rome. On n’en fait pas moins outre-manche, mais on s’y plaît surtout à rappeler que la démocratie moderne est partie de la Grande Charte de 1215.